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M/S n° 11, vol. 25, novembre 2009 897
NOUVELLES MAGAZINE
Avancées dans la génétique
de la glycémie à jeun
Quelles leçons pour le diabète ?
Nabila Bouatia-Naji, Amélie Bonnefond, Philippe Froguel
Diabète de type 2 :
une maladie génétique complexe
Le diabète concerne actuellement 171 mil-
lions de personnes dans le monde, dont
90-95 % sont atteintes par sa forme la
plus commune, le diabète de type 2 (DT2)
[1]. Selon les prévisions de l’Organisation
mondiale de la santé, ce chiffre risque de
doubler dans les vingt prochaines années
à cause de l’épidémie mondiale d’obé-
sité dont les déterminants connus sont
notamment l’inactivité physique et l’ali-
mentation déséquilibrée qui caractérisent
la vie moderne citadine [1]. Néanmoins,
une partie importante de la variabilité
interindividuelle observée pour le DT2 et
ses maladies associées est régie par des
facteurs génétiques. On estime l’héritabi-
lité du DT2 supérieure à 30 % [2]. Environ
2 % des diabétiques de type 2 sont d’ori-
gine monogénique, c’est-à-dire causés
par une anomalie d’une protéine unique,
et la quasi-totalité des patients mon-
tre des troubles primitifs de la sécrétion
insulinique entraînant un diabète précoce
qui n’est pas nécessairement associé à
l’obésité. Les progrès dans la recherche des
déterminants génétiques du DT2 commun
ont été bien plus lents, probablement du
fait de sa nature hautement polygénique
et multifactorielle. En effet, le risque de
devenir diabétique est la résultante de
l’exposition à des environnements « obé-
sogènes » et « diabétogènes » agissant sur
un fond génétique de vulnérabilité méta-
bolique. Les gènes de prédisposition au
DT2 ont des effets individuels modestes et
donc difficiles à identifier. C’est une des
raisons pour lesquelles les études de liaison
ACADÉMIE DES SCIENCES
Génomique et physiologie
moléculaire
des maladies métaboliques,
CNRS UMR8090,
IBL- Institut Pasteur de Lille,
1, rue du Professeur Calmette, BP 245,
59019 Lille Cedex, France.
philippe.froguel@good.ibl.fr
surface des récepteurs glutamatergiques
de type AMPA [6].
Quelles sont les perspectives
à ces travaux ?
La mise en évidence de ces mécanis-
mes cellulaires ouvre de nombreuses pis-
tes de recherche avec des retombées
à la fois fondamentales et appliquées.
En démontrant comment la plasticité
synaptique dépend de la mobilité des
récepteurs membranaires, l’étude de
processus cognitifs complexes, tels que
l’apprentissage ou le développement du
cerveau, pourra être envisagée sous un
nouvel angle, avec de facto de possibles
découvertes fondamentales. Aujourd’hui,
un nouveau rouage de la communica-
tion entre neurones doit donc être pris
en compte. Une seule modification des
propriétés de diffusion de surface peut
modifier le codage de la communication
entre neurones. De prime importance,
ces résultats suggèrent aussi que cer-
tains dysfonctionnements de la trans-
mission neuronale seraient dus à un/des
défaut(s) de stabilisation des récepteurs.
Ces découvertes pourraient permettre
d’identifier de nouvelles cibles cellulaires
responsables de ces changements dans
des pathologies neurologiques et psychia-
triques et potentiellement de nouvelles
cibles thérapeutiques. ‡
The neuronal surface: a new land
to regulate neuronal communication
Laurent Groc, 35 ans
Avec un doctorat en Neurosciences
franco-américain (Wayne State
University - Université Claude Bernard)
dans la poche, Laurent Groc accomplit un
stage postdoctoral en 2000 à l’université
de Göteborg (Suède). En 2003, il intègre
le laboratoire de Daniel Choquet au CNRS
(Bordeaux) où il se consacre à l’ana-
lyse du trafic de surface des récepteurs
glutamatergiques. Après une année, il
intègre le CNRS en 2004 comme chargé
de recherche et continue ses travaux sur
le trafic des récepteurs au cours de la
formation et de la plasticité synaptique.
Il reçoit la Médaille de Bronze du CNRS en
2008 pour récompenser sa jeune carrière.
CONFLIT D’INTÉRÊTS
L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts
concernant les données publiées dans cet article.
RÉFÉRENCES
1. Groc L, Choquet D. Measurement and characteristics
of neurotransmitter receptor surface trafficking. Mol
Membr Biol 2008 ; 25 : 344-52.
2. Triller A, Choquet D. Surface trafficking of receptors
between synaptic and extrasynaptic membranes: and
yet they do move! Trends Neurosci 2005 ; 28 : 133-9.
3. Heine M, Groc L, Frischknecht R, et al. Surface mobility
of postsynaptic AMPARs tunes synaptic transmission.
Science 2008 ; 320 : 201-5.
4. Joels M, Pu Z, Wiegert O, et al. Learning under stress:
how does it work? Trends Cogn Sci 2006 ; 10 : 152-8.
5. Hu H, Real E, Takamiya K, et al. Emotion enhances
learning via norepinephrine regulation of AMPA-
receptor trafficking. Cell 2007 ; 131 : 160-73.
6. Groc L, Choquet D, Chaouloff F. The stress hormone
corticosterone conditions AMPAR surface trafficking
and synaptic potentiation. Nat Neurosci 2008 ;
11 : 868-70.
7. Groc L, Chaouloff F. Axe corticotrope et plasticité
de la communication neuronale : décryptage des
mécanismes cellulaires. Med Sci (Paris) 2008 ;
24 : 776-78.
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Article disponible sur le site http://www.medecinesciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/medsci/20092511897
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A
B
SPC25 G6PC2 ABCB11
Chromosome 2
Position (kb)
rs560887
7
6
169 300 000 169 400 000 169 500 000169 600 000 169 700 000 169 800 000169 900 000
5
4
3
2
1
0
Observée (–logP)
MTNR1B
rs1387153
62,1 kb Bloc de LD
28,3 kb
rs1387153
7
6
5
4
3
92 210
92 220
92 230
92 240
92 260
92 270
92 250
92 280
92 290
92 300
92 310
92 320
92 340
92 350
92 330
92 360
92 380
92 390
92 370
92 400
2
1
Observée (–logP)
Chromosome 11
Position (kb)
génétique au sein de familles de diabétiques
ainsi que les études d’association de gènes dits
« candidats » se sont avérées peu efficaces.
Heureusement, une ère nouvelle pour les étu-
des génétiques des maladies communes a
récemment vu le jour. Elle n’est pas venue par
hasard mais grâce à un des investissements les
plus massifs de la science moderne. L’achève-
ment de la séquence complète du génome
humain en 2001 et l’établissement d’une carte
haplotypique du génome comprenant plus de
trois millions de variants fréquents de l’ADN
(grâce au programme international HapMap en
2004 [12]) ont offert les bases théoriques et
méthodologiques à une révolution nanotech-
nologique : la mise au point et la production
de masse de puces à ADN fiables permettant
de déterminer le génotype de centaines de
milliers de variants en quelques minutes, ont
rendu possible l’analyse rapide de milliers
d’échantillons, condition indispensable à des
études épidémiogénétiques de qualité. Du fait
du déséquilibre de liaison entre variants situés
à proximité, l’analyse d’environ 300 000 SNP
(single nucleotide polymorphisms), c’est-
à-dire de polymorphismes fréquents régu-
lièrement répartis sur le génome, suffit à
expliquer l’effet de la diversité génétique dans
son ensemble sur un trait phénotypique. Elle
suffit donc aussi à identifier des gènes dont
la variabilité génétique module le risque de
maladies communes. En deux ans, ces étu-
des d’association pangénomique (en anglais
GWAS : genome-wide association studies) ont
identifié plus de 250 gènes ou locus contri-
buant à de nombreuses affections dont elles
ont souvent transformé la compréhension
Figure 1. Schéma des locus G6PC2 et MTNR1B asso-
ciés à la glycémie à jeun. La dispersion des points
représente le -log10 p-values obtenus pour les SNP
par l’analyse GWA autour de G6PC2 sur le chr2 (A) et
autour de MTNR1B sur le chr11 (B). Les identifiants
rs des deux SNP les plus fortement associés dans
ces deux locus sont indiqués, ainsi que le schéma de
corrélation entre les SNP des deux régions chromo-
somiques. Le profil d’expression de G6pc2 par étude
d’expression génomique chez la souris des trois iso-
formes de la famille des glucose-6-phosphatase est
indiqué dans la Figure 1C. La Figure 1D montre le gel
d’agarose des produits PCR de MTRN1B obtenus à
partir d’ADNc humains.
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NOUVELLES MAGAZINE
physiopathologique. Grâce aux GWAS, la
connaissance des bases génétiques du
DT2 est passée de trois gènes (codant le
récepteur nucléaire PPARG [peroxisome
proliferator-activated receptor-gamma],
le canal potassique KIR 6.2, identifiés par
l’approche gène candidat, et le facteur
de transcription TCF7L2 [T-cell specific,
HMG-box], identifié par liaison fami-
liale), à plus d’une vingtaine de gènes
ou locus. La grande leçon biologique des
GWAS est la prédominance des méca-
nismes de développement des cellules
bêta- pancréatiques et du contrôle de
la sécrétion insulinique comme facteurs
étiologiques du DT2, ce qui a été une
surprise pour nombre de chercheurs qui
s’attendaient à trouver plus de gènes
s’intégrant dans les voies de signalisation
tissulaire de l’insuline.
Étude génétique
de la glycémie à jeun :
une alternative aux études
« cas témoins » du DT2
Malgré ces nouvelles données, nous
sommes encore loin d’avoir une image
complète du déterminisme génétique du
DT2. En fait, l’ensemble des gènes identi-
fiés par les GWAS de type « cas témoins »
n’explique qu’une petite partie (~ 4 %)
de l’héritabilité du DT2. Les hétérogé-
néités génétique et clinique du DT2, les
différences ethniques (y compris au sein
de la population européenne) ont contri-
bué à limiter la puissance d’analyse des
GWAS de type « cas témoins ». Des straté-
gies alternatives ont donc été recherchées
pour poursuivre la dissection de l’archi-
tecture génétique du DT2, notamment
dans ses phases très précoces où le trouble
pourrait être encore réversible. La solution a
été de s’intéresser à des traits phénotypiques
quantitatifs disponibles dans des populations
générales « saines » suivies prospectivement
pendant plusieurs années. La valeur de la gly-
cémie à jeun définit le diabète et est un trait
continu simple à étudier et fiable, à condition
de la mesurer dans une population indemne
de tout traitement susceptible d’en fausser les
valeurs. On évite ainsi les biais des études « cas
témoins » dus à la sélection hétérogène de
patients (par exemple des patients trop extrê-
mes car recrutés dans les services hospitaliers
et donc non représentatifs de la maladie, ou
des patients considérés comme diabétiques du
fait de la définition « arbitraire » sans cesse
révisée vers le bas de l’hyperglycémie dite
pathologique, mais pas vraiment évolutifs) et
surtout à la difficulté d’assurer le réel statut
de non diabétique des sujets utilisés comme
témoins. Étudier la génétique d’un trait inter-
médiaire quantitatif dont la distribution est
gaussienne comme la glycémie à jeun aug-
mente la puissance statistique de l’analyse
génétique. En outre, l’héritabilité présumée de
la valeur de la glycémie à jeun est de 60 %, soit
bien supérieure à celle du DT2 [3]. L’architec-
ture de la génétique du DT2 n’est pas uniforme.
Par exemple, le gène TCF7L2, dont l’effet sur le
risque de DT2 est le plus important parmi les
gènes connus, n’intervient pas sur la variabilité
de la glycémie à jeun dans la population non
diabétique suggérant un rôle plus prononcé
dans les phases tardives de la maladie [4].
G6PC2 : découverte d’un déterminant
bêta-pancréatique de la variabilité
physiologique de la glycémie
La première exploration par GWAS de la glycémie
à jeun que nous avons réalisée a été conduite
chez les 654 sujets non diabétiques qui ont servi
de témoins dans notre première étude GWAS de
type « cas témoins » du DT2 [5]. Cette analyse
a identifié une association entre la glycémie à
jeun et le SNP rs560887 situé sur le chromosome
2q24, qui restait significative après correction
pour tests multiples (300 000 variants testés
donc nécessitant une p value d’environ 10-7).
Une méta-analyse de réplication réalisée chez
9 353 sujets non diabétiques a montré que
l’allèle rs560887-A (fréquence de l’allèle rare =
30 %) expliquait environ 1 % de la variabilité de
C
D
G6pc1
ilôts (mâles)
ilôts (femelles)
cellules MIN6
G6pc3
400bp
MMM
Muscle squelettique
Foie
Cœur
Diencéphale
Rétine
Pancréas
Poumon
Rein
Cerveau total
Intestin grêle
Tissu adipeux
Îlots pancréatiques
Cellules
b-pancréatiques
MTNR1B
(322bp)
Bêta-actine
(234bp)
300bp
300bp
200bp
0.0
0.2
0.4
tissu acineux
muscle squelettique
diaphragme
cœur
tissu adipeux
foie
rein
intestin grêle
poumon
cortex cérébral
tronc cérébral
glande surrénale
glande pituitaire
glande salivaire
vésicule séminale
testicule
moelle osseuse
thymus
rate
fœtus ED16
placenta
cellules ES
G6pc2
0.0
0.5
1.0
1.5
0.0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
Moyenne du signal d’expression de l'ARNm
(rapportée à celui de la bêta-actine)
œil
Figure 1 (suite).
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la glycémie à jeun (E = - 0,06 mmol/l par
allèle A ; P = 4×10-23) [6]. Le SNP rs560887
est situé dans le troisième intron du gène
G6PC2 qui code la forme bêta-pancréati-
que de la glucose-6- phosphatase, égale-
ment appelé IGRP (islet specific G6P related
protein). Il s’agit d’une glycoprotéine du
réticulum endoplasmique appartenant à
la même famille que la glucose-6-phos-
phatase hépatique (G6PC) qui catalyse les
étapes finales de la gluconéogenèse et la
glycogénolyse. L’implication d’IGRP dans
l’activité glucose-6-phosphatase détectée
dans la cellule bêta est discutée. L’inva-
lidation de G6pc2 chez la souris provoque
une baisse d’environ 15 % de la glycémie
[7]. Chez l’homme, l’allèle du SNP de G6PC2
rs560887-A responsable de la baisse de la
glycémie à jeun est également associé à
des valeurs plus élevées de l’indice Homa-B
(pour homeostasis model assessment of
pancreatic beta-cell function) qui estime
à partir de la glycémie et de l’insulinémie
à jeun la capacité de sécrétion insulini-
que (E= 5,01 unité arbitraire par allèle A,
P = 1×10-10, N = 7 036). Quelle que soit l’ac-
tivité enzymatique d’IGRP, ces résultats
confortent indirectement l’hypothèse que
cette protéine soit un antagoniste naturel
de la glucokinase, le capteur de glucose
principal de la cellule bêta- pancréatique
(et premier gène du DT2 à avoir été décou-
vert en 1992). Un résultat tout à fait
inattendu a été l’absence d’effet du SNP
rs560887 sur le risque de DT2. Ainsi, l’al-
lèle rs560887-G qui augmente la glycémie
perturberait le glucostat de l’organisme
(situé probablement au niveau des cellu-
les bêta-pancréatiques) vers des valeurs
plus élevées, mais cette élévation serait
insuffisante à elle seule pour déclencher
le DT2. Le développement d’un DT2 franc
nécessiterait un défaut intrinsèque addi-
tionnel de la fonction insulino-sécrétoire
qui impliquerait des voies métaboliques
supplémentaires. Cette étude fut la pre-
mière à proposer que les bases génétiques
de la glycémie à jeun peuvent ne pas tota-
lement croiser celles de la maladie définie
par ce trait. Ceci ne signifie pas pour autant
que cette hyperglycémie « génétique »
soit sans conséquences pour la santé car
l’élévation, même minime, de la glycémie
confèrerait un risque de maladies corona-
riennes significatif et indépendant du taux
de cholestérol.
MTNR1B : du contrôle de la glycémie
vers un nouveau gène du DT2
impliqué dans le rythme circadien
Nous avons ensuite poursuivi notre recher-
che des déterminants génétiques de la
glycémie à jeun par la réalisation d’une deuxième
étude GWAS de plus grande ampleur, impliquant
308 846 SNP chez 2 151 sujets non diabétiques
dont la moitié était obèse. Cette analyse a iden-
tifié un nouveau signal associé à la glycémie à
jeun sur le chromosome 11q21-q22 (rs1387153,
P = 1×10-7). Nous avons ensuite confirmé l’as-
sociation de l’allèle rs1387153-T avec une gly-
cémie à jeun plus élevée (E= 0,06 mmol/l par
allèle T, P = 7,6×10-29) chez 16 094 sujets non
diabétiques [8]. Ce même allèle est également
associé à un indice Homa-B plus bas (P = 3 ×
10-10), ce qui est en faveur d’un effet primitif
de l’allèle sur la sécrétion de l’insuline. Le SNP
rs1387153 est situé 28 kb en amont du gène
MTRN1B codant le récepteur 2 de la mélatonine
(MT2) qui régule le rythme circadien [9]. MT2
est fortement exprimé dans la rétine où le signal
de changement de photopériode est détecté,
et dans le centre suprachiasmatique (CSC) qui
contrôle l’horloge biologique et donc le rythme
circadien [9]. Plusieurs études chez l’homme
avaient montré l’expression de MT1, l’autre
récepteur de la mélatonine dans le pancréas
humain, alors qu’aucune donnée sur MT2 n’était
disponible [10]. Nous avons donc effectué une
analyse d’expression par RT-PCR de MTNR1B à
partir d’un panel de tissus humains. Nous avons
confirmé l’expression de MTNR1B dans le cer-
veau, la rétine, le diencéphale qui inclut le CSC
et dans le pancréas total. De façon intéressante
et nouvelle, nous avons montré que MTNR1B est
également exprimé dans les îlots pancréatiques
humains et les cellules bêta humaines (isolées
par tri en cytométrie en flux) [8]. La sécrétion
de l’insuline suit normalement un cycle circadien
qui est altéré chez les patients diabétiques. Plu-
sieurs études épidémiologiques ont par ailleurs
montré que l’impact négatif du travail décalé
sur le profil métabolique, et la perturbation
Figure 2. Prédiction de l’état de prédiabète dans
une population générale française à l’aide de qua-
tre déterminants génétiques de la glycémie à jeun.
Effets cumulés des quatre SNP associés à la gly-
cémie à jeun dans la population générale repré-
sentée dans la cohorte DESIR (environ 4 000 indi-
vidus) : MTNR1B rs1387153, G6PC2 rs560887, GCKR
rs1260326-P446L et GCK rs1799884/-30G/A. La
p-value indiquée (8x10-33) est celle associée au
coefficient de régression bêta de la pente créée par
les quatre SNP étudiés.
GWA
Æ
G6PC2 et MTNR1B
Glycémie à jeun (mmol/l)
Gènes candidats Æ GCKR et GCK
5,55 mmol/l (43 % des porteurs d’au moins 6 allèles)
Æ
seuil de l’intolérance au glucose (ADA 2003)
Valeur de P = 8E-33
Bêta = 0,07 (0,06 - 0,08)
5,5
5,4
5,3
5,2
5,1
0-1
N
(%) 228
5,7 % 695
17,2 % 1,132
28,1 % 1,113
27,6 % 680
16,9 % 183
4,5 %
5,30
(5,27, 5,33)
23
Nombre d’allèles prédisposant à une glycémie à jeun élevée
4 5 6-8
5,12
(5,05, 5,19)
5,16
(5,13, 5,20)
5,26
(5,23, 5,29)
5,40
(5,36, 5,44)
5,48
(5,41, 5,55)
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expérimentale du sommeil chez des volon-
taires sains conduit à un effet délétère sur
la sécrétion de l’insuline et la glycémie.
Notre étude génétique suggère donc une
implication étiologique de la dysrégulation
du rythme circadien sur le contrôle de la gly-
cémie et sur la survenue ultérieure d’un DT2.
En revanche, il n’est pas possible à ce stade
de distinguer un effet direct de la voie de la
mélatonine sur la fonction pancréatique et
la sécrétion d’insuline et un effet indirect et
central via le cerveau et le CSC qui inhiberait
secondairement la réponse insulinosécré-
toire. Contrairement au gène G6PC2, le SNP
de MTNR1B rs1387153 est associé à une
augmentation de 15 % du risque d’être dia-
bétique en analyse de type « cas témoin » et
qui atteint 60 % si les prédiabétiques sont
inclus dans l’analyse. À l’inverse du facteur
de transcription TCF7L2, MT2 semble agir au
début du processus pathogène qui conduit
à l’hyperglycémie chronique. Dernièrement,
nous avons analysé plus finement le locus
de MTNR1B et montré que le(s) SNP(s)
potentiellement causatif(s) de l’effet sur
la glycémie à jeun étai(en)t probablement
situé(s) dans l’intron unique de ce gène
(près du variant rs10830963). Par ailleurs,
l’analyse fine de la sécrétion de l’insuline
en réponse au glucose administré oralement
ou injecté par voie intra-veineuse chez des
sujets non diabétiques danois porteurs du
variant rs10830963 à risque a démontré
le rôle prédominant de MT2 sur la réponse
de la cellule bêta au stimulus glucidique
[9]. Les études en cours vont consister à
comprendre les mécanismes moléculaires
d’altération de l’expression ou de la fonc-
tion de MT2. Au-delà des variants fréquents
de l’ADN (introniques), nous suspectons le
rôle de mutations codantes non synonymes
rares qui pourraient avoir un impact négatif
sur la voie de signalisation de ce récepteur
appartenant à la grande famille des récep-
teurs couplés aux protéines-G (GPRC pour
G protein receptor coupled).
Vers une prédiction du pré-diabète
dans une population générale
grâce aux gènes de la glycémie à jeun ?
DT2 est une maladie chronique pour
laquelle la prévention est bien plus effi-
cace que les traitements actuellement
disponibles pour la traiter. Encore faut-il
savoir reconnaître les personnes à ris-
que ! Une grande cohorte représenta-
tive de la population générale et suivie
suffisamment longtemps est alors très
utile pour évaluer le pouvoir prédic-
tif des nouveaux marqueurs génétiques
issus des GWAS. Nous avons étudié les
effets cumulés des variants rs560887 du
gène G6PC2, rs1387153 du gène MTNR1B,
avec ceux identifiés auparavant dans les
gènes de la glucokinase (rs1799884-30G
du gène GCK) et de sa protéine régula-
trice (rs1260326-P446L du gène GCKR)
(Figure 2). Cette analyse a montré que
la glycémie moyenne de la moitié des
sujets porteurs des quatre allèles qui
augmentent la glycémie à jeun dépasse
des seuils considérés comme « à risque »
par les études épidémiologiques anté-
rieures. En d’autres termes, le simple fait
d’hériter de ces allèles ferait entrer dans
un état potentiellement pré-diabétique
tel qu’il a été défini par l’Association
américaine du diabète (ADA : American
diabetes association) [8].
Conclusion
L’étude génétique d’un trait « banal »
comme la glycémie à jeun a démontré
son intérêt pour identifier de nouvelles
voies biologiques essentielles pour le
maintien d’un métabolisme glucidique
normal. Ces résultats montrent le carac-
tère très « serré » du contrôle génétique
du taux de glucose normal. Au-delà du
DT2, la grande majorité des complica-
tions cardiovasculaires liées à l’hyper-
glycémie concernent les sujets n’ayant
pas atteint les seuils de glycémie qui
définissent le diabète (et qui peut-être
ne seront jamais diabétiques). La chasse
aux gènes du contrôle glycémique est
donc importante et est loin d’être finie,
et au sein du consortium international
appelé MAGIC (meta- analyses of glucose
and insulin-related traits consortium),
nous participons à la dissection com-
plète des traits associés au contrôle gly-
cémique. Et il semble bien que d’autres
surprises soient à attendre… ‡
Inputs from the genetics
of fasting glucose: lessons for diabetes
Nabila Bouatia-Naji, 31 ans
Après avoir commencé ses études au
Maroc, Nabila Bouatia-Naji les poursuit
en France : elle obtient une thèse de géné-
tique à l’université de Lille 2 en 2006. Un
premier stage postdoctoral, à l’université
de Cambridge, est suivi d’un deuxième au
CNRS de Lille où Nabila Bouatia-Naji est
actuellement chargée de recherche 2 (CR2)
Inserm dans l’unité CNRS 8090 dirigée par
le Pr Philippe Froguel.
CONFLIT D’INTÉRÊTS
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts
concernant les données publiées dans cet article.
RÉFÉRENCES
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