Représentant environ 45% de tous les gliomes, le GBM est la tumeur cérébrale la plusagressive chez l’adulte. Comme nous l’avons décrit dans l’introduction de ce manuscrit, lecaractère très hétérogène du GBM associé aux signatures moléculaires et expressions géniques,mais également aux conditions microenvironnementales hypoxique et inflammatoire,contribuent à la récidive quasi-systématique après exérèse complète-radio/chimiothérapie, etexpliquent les nombreux échecs thérapeutiques. Malgré l’arsenal thérapeutique potentiellementdisponible, appliqué parfois de manière multimodale, la survie des patients atteints de GBMn’est pas significativement améliorée, les défis à relever pour améliorer cette survie et la qualitéde vie des patients restent énormes. Ainsi, l'identification de facteurs exprimés de manièredifférentielle qui pourraient mieux définir le comportement agressif des cellules de GBMfournirait une base pour le développement de thérapies innovantes et peut-être plus efficaces.Une des caractéristiques des GBMs est leur capacité très migratoire et invasive, relayéesprincipalement par des facteurs chimiotactiques dans un microenvironnement tumoralhypoxique et inflammatoire. Les récepteurs couplés aux protéines G (RCPGs) et leurs ligands,particulièrement les RCPGs de chimiokines, surexprimés dans les GBMs et stimulant lamigration chimiotactique, l’invasion et l’angiogenèse jouent un rôle majeur dans ledéveloppement des GBMs et l'acquisition d'un phénotype agressif. Dans ce contexte, notreéquipe avait démontré que le récepteur UT de l’urotensine II (UII), une chimiokine peptidiquepro-angiogénique et pro-inflammatoire, ainsi que le système chimiokine bien connu SDF-1a/CXCR4 semblent systématiquement co-exprimés dans les GBMs, plus spécifiquement dansles zones vasculaires et périnécrotiques, montrant une corrélation avec le grade des gliomes. Invitro, nous avions aussi établi que l’UII/UT stimule la migration chimiotactique des cellules deGBM via les couplages de type Gαi/PI3K et Gα13/Rho/ROCK, des couplages précédemmentmis en évidence pour le système SDF-1α/CXCR4 et d’autres RCPGs chimiotactiques. De plus,une récente analyse de la base de données TCGA (The Cancer Genome Atlas) en composanteprincipale réalisée par Alexandre Mutel, étudiant en thèse dans l’équipe, a permis d’identifierla signature d’expression des RCPGs exprimés dans les gliomes et particulièrement dans lesGBMs, qui révèle un nombre très important de RCPGs chimiotactiques. Dans l’ensemble, leurexpression et activité signalisante redondantes fréquemment associées à la tumorigenèse, enparticulier dans les GBMs, soulignent l’intérêt d’étudier les noeuds de signalisation communs àl’ensemble de ces RCPGs chimiokines. Ces noeuds sont principalement représentés par lesprotéines G hétérotrimériques composées des sous-unité α, β et γ, qui couplent ces RCPGs etrelayent les effecteurs secondaires intracellulaires, probablement essentiels à la régulation del’agressivité des GBMs.Ainsi, l’objectif de mon travail de thèse était d’identifier les principales protéines Ga, b et gparmi les 31 protéines G exprimées chez l’Homme dans les gliomes et celles plusspécifiquement associées au degré de malignité, et à l’agressivité des GBMs puis à déterminerle rôle d’une de ces protéines G dans les mécanismes de prolifération et d’invasion de cellulesde GBM.Dans un premier temps, nous avons analysé l’expression des 31 sous-unités (15α, 5β et 11γ)de protéines G sur la base de données transcriptomiques du The Cancer Genome Atlas (TCGA),et démontré que les niveaux d'ARNm codant pour les sous-unités Gαz, Gαi1, Gβ4, Gβ5 et Gγ3sont relativement faibles dans les GBMs tandis que les sous-unités Gα12, Gα13, Gα15, Gαi2,Gαi3, Gβ2, Gγ5, Gγ11 et Gγ12 sont particulièrement surexprimées dans les GBMs et sontassociées à un mauvais pronostic en termes de récidive et de survie du patient. Nous avonsensuite confirmé par qPCR que les protéines G identifiées sont bien exprimées dans desprélèvements de GBMs de patients obtenus en collaboration avec le serviced’anatomopathologie du CHU de Rouen (Collaboration Pr A. Laquerrère) ainsi que dans 6lignées cellulaires de gliome. Les analyses des données du TCGA associées aux informationscliniques des patients indiquent que ces sous-unités sont toutes associées à un mauvais pronosticde survie chez les patients atteints de gliome. Aussi, l’inhibition de l’expression des sous-unitésGα15, Gαi3 ou Gβ2 dans la lignée de GBM U87 entraîne une diminution de laprolifération/survie et des adhésions associées à la migration cellulaire. Ainsi, nous proposonsque les protéines identifiées (Gα15, Gαi3, Gβ2, Gγ5, Gγ10, Gγ11 et Gγ12) représentent desmarqueurs de malignité des GBMs ; et contribuent au phénotype agressif d’invasivité desGBMs. Parmi ces protéines Gα, β ou γ identifiées, nous nous sommes focalisés plusparticulièrement sur Gα15, une sous-unité atypique non ubiquiste longtemps décrite commespécifique aux cellules souches hématopoïétiques. Cette dernière semble également êtreexprimée de novo dans les gliomes de haut-grade, et plus particulièrement dans les GBMsneuraux et mésenchymateux. Ainsi, nous avons recherché si l’expression de cette sous-unitéGα15 dans des cellules de GBM, contrôle les mécanismes de prolifération et d’invasivité etconstitue une potentielle cible thérapeutique.Pour mieux analyser la fonction de Gα15, nous avons utilisé la technologie siRNA, shRNAou CRISPR-Cas9 pour inhiber l’expression ou inactiver de manière stable le gène GNA15(Gα15-KO) dans les lignées cellulaires de GBM U87 et 8MG. A partir de ces cellules, nousavons démontré que la sous-expression de Gα15 ou son inactivation réduit significativement lenombre de cellules (comptage au Nucleocounter) ainsi que la viabilité des cellules de GBM(mesure de l'activité métabolique des cellules déterminée par le clivage WST-1). Ces résultatsdémontrent que Gα15 est une protéine G impliquée dans la survie des cellules de GBM, maisne modifie pas le cycle cellulaire, et ce en l’absence d’activation d’un RCPG.Le GBM se caractérise aussi par son comportement fortement invasif. Ce comportement estl'une des caractéristiques qui contribuent à la récurrence et au mauvais pronostic des GBMs. Lamigration et l'invasion des cellules tumorales est un processus coordonné en plusieurs étapescomprenant la réorganisation dynamique du cytosquelette d'actine, des protrusionsmembranaires comme les lamellipodes, la formation de complexes d’adhésion, la contractiondu corps cellulaire et le détachement de la queue cellulaire pour la migration mésenchymateuse.Dans ce contexte nous avons démontré que la répression de l’expression de Gα15 diminuesignificativement la migration des cellules de GBM dans les tests de migration en transwell etde wound healing, alors que sa surexpression favorise la migration. En évaluant la motilitécellulaire par vidéomicroscopie, nous observons que les cellules contrôles U87 émettent deslamellipodes orientées pour migrer, alors que les cellules clonales Gα15-KO ne sont paspolarisées et montrent une diminution significative de la longueur des trajectoires parcouruesassociée à une vitesse moyenne de déplacement réduite par rapport aux cellules U87. Les étudesd’immunocytochimie révèlent que l’inactivation de Gα15 entraîne une réduction significativedu nombre de complexes d’adhésion focal (FA) riches en Phospho-paxillin et en vinculine(deux protéines majeures des FA), et altère le remodelage du cytosquelette d’actine(polymérisation des fibres de stress d’actine) associé à une diminution significative del’émission des lamellipodes. Au contraire, les cellules sur-exprimant Gα15 présentent uneexacerbation de la concentration des protéines formant le complexe FA et du nombre delamellipodes. Ces observations montrent que Gα15 joue un rôle majeur dans la régulation de lamigration/invasion et la survie associées à la croissance des GBMs.Afin d’identifier les principales voies de signalisation régulées par Gα15 pour stimuler cesprocessus, nous avons analysé par Western blot les voies de signalisation oncogénique etidentifié que l’inactivation de Gα15 inhibe significativement la voie ERK1/2, réduitconsidérablement l’expression de STAT3, de Akt et de la β-caténine. De plus, l'analyse duniveau d'expression de l'ARNm codant trois effecteurs principaux de Gα15 (PLCβ1, PLCβ2 etTPR1) a révélé une diminution significative de l'expression de PLCβ2 dans les cellules U87Gα15-KO, suggérant un mécanisme commun entre PLCβ2 et Gα15 dans les GBMs. Cesdonnées permettent de proposer que Gα15 (1) stimule au moins l’activation de ERK1/2 etSTAT3 via la voie PLCβ2/PKC favorisant une haute survie/prolifération des cellules de GBM,(2) favorise la voie PI3K/Akt aboutissant à l’expression et/ou l’activation de NF-κB et de la β-caténine pour réguler l'expression de nombreux gènes pro-tumorigène, et (3) peut réguler lapolymérisation d’actine dépendante de PLCβ2 et stimuler les voies de signalisationintracellulaires (ERK, Akt,…) associées aux protéines d’adhésions paxilline et vinculine.Pour mieux comprendre si l'agressivité des gliomes favorisée par Gα15 est associée à larégulation de la transition mésenchymateuse, nos études de qPCR ou immunocytochimiquesmontrent que l’inactivation de Gα15 dans les cellules de GBM est suffisante pour diminuer demanière significative l’expression (1) des ARNm des facteurs de transcription (TFs)mésenchymateux incluant C/EBPβ, RUNX1, FOSL2, BHLHB2, ZEB1, et la translocationmembranaire de N-cadhérine, (2) de marqueurs pro-angiogéniques (Angiogénine et VEGFA)et (3) de la SERPINA1 pro-inflammatoire et du TF KLF4 marqueur de cellules souches. Enrevanche, l'expression des ARNm de répresseurs tumoraux (DKK1, ZNF238) ainsi que dumarqueur de cellules souches SOX2 activateurs de la voie DKK1, est significativement inhibéedans les cellules Gα15-KO. Ensemble, ces résultats mettent en évidence le rôle essentiel deGα15 dans l’expression marqueurs oncogénique ainsi que dans l’acquisition du phénotypemésenchymateux des gliomes, permettant la mise en place d’un microenvironnement tumoralimmunosuppresseur et angiogénique soutenant l'agressivité des GBMs.Enfin, pour évaluer l’importance de Gα15 dans la croissance et l’invasivité des GBMs invivo, des xénogreffes orthotopiques des U87 contrôles, de deux clones U87 Gα15-KO ainsi quedes U87 sur-exprimant Gα15 ont été réalisés chez la souris Nude, dans le striatum. Nos résultatsmontrent une survie significativement améliorée des souris lorsque Gα15 est inactivée (surviemédiane de 60 et 84 jours pour les clones KO 26-1 (p=0,0436) et KO 26-6 (p=0,0016)respectivement contre 44 jours pour les U87, et une survie réduite des souris Nude xénogrefféespar les cellules sur-exprimant Gα15 (50 jours contre 61 jours pour le contrôle, p=0,0326). Cesrésultats démontrent que la sous-unité Gα15 est une protéine impliquée dans l’agressivité desGBMs in vivo.En conclusion, nos résultats montrent que l’expression de Gα15 est suffisante pour maintenirla survie et entraîner la migration des cellules de GBM, et favorise l’expression ou l’activationde facteurs impliqués dans la transition mésenchymateuse, l’angiogenèse, le statut souche etl’inflammation. Bien que des expériences complémentaires s’avèrent nécessaires pourconfirmer les voies et mécanismes associés à Gα15, ces travaux originaux ouvrent des pistes etperspectives sur le potentiel diagnostique de Gα15 pour les GBM mésenchymateux etinflammatoire, et thérapeutique pour cibler les GBMs les plus invasifs et résistants.