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M/S n° 6-7, vol. 21, juin-juillet 2005
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Titre Hypothese
Titre Hypothese
Titre Hypothese
Titre auteur Hypothese Debat
Des brevets très larges
Le monopole légal revendiqué par Myriad Genetics en
Europe était singulièrement large2. Il reposait sur la
superposition de trois types de brevets sur le gène
BRCA1 et d’un brevet sur
le gène BRCA2.
Le premier brevet3, entière-
ment révoqué aujourd’hui,
revendiquait une méthode
de diagnostic génétique
pour le cancer du sein et
de l’ovaire consistant : (1)
à prélever un échantillon
d’ADN chez un patient ; (2) à détecter une altération
dans la séquence du gène BRCA1 en comparant le gène
du patient et un gène de référence ; (3) à établir la
signification médicale de cette altération. La portée
de ce brevet était très étendue : premièrement, parce
qu’il réclamait toute méthode de diagnostic génétique
utilisant le gène BRCA1, sans limitation de procédés
techniques particuliers ; deuxièmement, il revendiquait
la séquence du gène comme l’outil de base du diagnostic
génétique (la séquence revendiquée constituant le stan-
dard, l’étalon, qui permet de détecter les mutations dans
les échantillons des patients). Bien qu’il ne s’agisse pas
d’un brevet de produit revendiquant directement le gène
en tant que substance, la séquence, sa description, sa
nouveauté, l’activité inventive qu’il a été nécessaire de
déployer pour l’identifier, furent au cœur de la discussion
sur la recevabilité de ce brevet, bien plus que les diverses
L’opposition
contre les
brevets de Myriad
Genetics et leur
révocation totale
ou partielle en
Europe
Premiers enseignements
Maurice Cassier, Dominique Stoppa-Lyonnet
M. Cassier : Cermes, Inserm-
CNRS, 7, rue Guy Moquet,
94801 Villejuif Cedex, France.
cassier@vjf.cnrs.fr
D. Stoppa Lyonnet : Service
de génétique oncologique,
Institut Curie, 26, rue d’Ulm,
75248 Paris Cedex 05, France.
1 Le breveté a toutefois décidé de faire appel de ces décisions.
2 Ces brevets sont en fait une copropriété de Myriad Genetics, de l’Université de
l’Utah et du département d’État à la Santé des États-Unis, Myriad Genetics bénéfi-
ciant d’une licence exclusive mondiale pour leur exploitation. Si le responsable de la
valorisation des National Institutes of Health (NIH) a regretté la concession d’une
licence exclusive à Myriad Genetics, les NIH n’ont toutefois pas remis en cause le
monopole de la start-up aux États-Unis. 3 Brevet EP 699754.
MEDECINE/SCIENCES 2005-; 21-: 658-62
> Les procédures d’opposition contre les bre-
vets de Myriad Genetics sur le gène BRCA1 ont
débouché sur la révocation totale d’un premier
brevet sur la méthode de diagnostic génétique
du cancer du sein, décision de l’Office européen
des brevets (OEB) du 18 mai 2004, puis sur la
révocation de l’essentiel du second brevet qui
portait sur le gène lui-même, le 21 janvier 2005.
Ce brevet ne porte plus que sur quelques frag-
ments du gène utilisés comme sondes, les reven-
dications sur les applications diagnostiques
ayant été supprimées. Enfin, le 25 janvier 2005,
L’OEB a fortement réduit les revendications d’un
troisième brevet qui portait sur des mutations
particulières du gène. Au lieu des 34 mutations
accordées initialement par l’OEB, ce brevet ne
porte plus que sur une sonde étroitement définie
pour détecter une seule mutation. Et l’usage de
cette sonde n’est pas un point de passage obligé.
Ces décisions mettent fin au monopole juridique
revendiqué par Myriad Genetics sur le gène BRCA1
dans sa totalité et sur le diagnostic génétique du
cancer du sein. Elles laissent le champ libre aux
généticiens européens qui peuvent développer et
mettre en œuvre leurs méthodes de tests dans le
cadre d’une organisation clinique et à caractère
non lucratif1 . <
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méthodes de test énumérées qui étaient largement connues par
la communauté scientifique et médicale au moment du dépôt du
brevet. Ce brevet fut d’ailleurs révoqué sur la base des erreurs
contenues dans la séquence revendiquée par Myriad.
Ce brevet de méthode est complété par un brevet de produit qui
jouit d’une protection plus large encore4. Le brevet portant sur
le gène BRCA1 revendique la séquence génétique isolée en tant
que « produit » ainsi que ses produits dérivés (la protéine codée
par le gène ainsi que ses anticorps, les cellules transformées et
les animaux transgéniques dans lesquels le gène est inscrit), les
usages de la séquence comme sonde, des vecteurs contenant le
gène, les méthodes de production de protéines recombinantes,
et les diverses applications médicales ou industrielles de ce gène
(diagnostiques, thérapeutiques et les méthodes de screening de
médicaments anticancéreux qui utiliseraient une cellule hôte
transformée). La portée de ce type de brevet est dite absolue
[1, 2], au sens où elle protège toute reproduction et utilisation
de ce gène, y compris les nouvelles applications qui n’ont pas
été envisagées ou démontrées par le titulaire du brevet. Dans le
domaine de la génétique, le pouvoir de contrôle de tels brevets
est susceptible de s’étendre à plusieurs fonctions biologiques
du gène, quand bien même elles ne seraient pas décrites dans le
brevet initial du découvreur de la séquence.
Un troisième type de brevet vient compléter la protection. Il
revendique des mutations particulières du gène BRCA1 asso-
ciées à des prédispositions au cancer et décline toutes les
revendications de produits et d’applications diagnostiques,
thérapeutiques, scientifiques de ces mutations5. Les brevets
de mutation présentent plusieurs intérêts : premièrement, il
est plus facile de décrire des mutations ponctuelles bien défi-
nies que la séquence d’un gène de grande taille comme BRCA1 ;
deuxièmement, en cas d’invalidation de la séquence complète
du gène, ils permettent de sauvegarder certaines positions
propriétaires ; troisièmement, il est possible de prolonger le
monopole du breveté en faisant de nouveaux dépôts au fur et
à mesure de la découverte de nouvelles mutations, pour peu
qu’elles soient suffisamment représentées dans la population.
Les revendications de ces trois types de brevets se chevauchent
(les applications diagnostiques sont réservées par les brevets
de méthode, les brevets de produit sur la séquence complète
et les brevets sur des mutations spécifiques). Il fallait donc
s’opposer aux trois brevets pour lever le monopole.
Une « rébellion » des cliniciens et généticiens
européens : s’opposer à un monopole sur une pratique
médicale
Quelles furent les principales justifications du déclenchement
de cette opposition juridique ? [3]
L’argument le plus avancé tient au refus de tout monopole dans
le domaine de la médecine. Les praticiens européens s’oppo-
saient avant tout à toute restriction de leur pratique due à
l’existence de brevets : « Myriad wants to enforce a monopoly
on the provision of a service. This is an unwaranted and novel
restriction on medical pratice » (Rob Elles, Secretary of the Bri-
tish Society for Human Genetics). Le second argument est celui
de l’impact d’un tel monopole sur le prix et l’accessibilité des
tests et sur la charge qui en incomberait au système de santé6.
Un troisième argument tient au blocage de la technique qu’en-
traînent des brevets aussi étendus. En effet, dans la mesure où
ils revendiquent toute méthode diagnostique génétique dans le
domaine du cancer du sein, quelle que soit la technique utilisée,
les brevets de Myriad permettent de contrôler toute nouvelle
solution technique : « Le monopole devient alors clairement un
frein à toute optimisation diagnostique et à tout développement
technologique » (Institut Curie, septembre 2001). Or, les métho-
des de tests ne sont pas stabilisées. Ainsi, grâce au dévelop-
pement d’une méthode de diagnostic originale, l’Institut Curie
est parvenu à détecter une mutation de grande taille, chez une
patiente américaine, qui n’avait pas été identifiée par le test de
Myriad [4]. Les opposants demandent une révision du format
des brevets et un retour à des brevets de procédés bien définis
qui permettent des améliorations techniques sans dépendance
et sans blocage. Un quatrième point, soulevé par le consortium
des sociétés de génétique humaine, contestait le brevet sur la
méthode de diagnostic génétique au nom de l’exclusion de la
brevetabilité des méthodes de diagnostic appliquées au corps
humain7.
Qui sont les opposants ? Il s’agit en premier lieu d’une coali-
tion de trois institutions médicales françaises : l’Institut Curie,
l’Institut Gustave Roussy et l’Assistance Publique des Hôpitaux
de Paris, qui reçurent le soutien du Ministère de la Recherche
et du Ministère de la Santé ; en second lieu, d’un consortium
qui regroupe onze sociétés de génétique humaine européen-
nes et deux associations de malades conduites par la Société
belge de génétique humaine ; en troisième lieu, de trois États
européens représentés par leur Ministère de la Santé (Belgique,
Pays-Bas et Autriche) ; enfin, d’une association écologiste
(Greenpeace), du Parti Suisse du Travail, et d’un opposant à
titre individuel, le Dr Wilhelms. La cartographie des opposants
illustre principalement un conflit entre l’intérêt de la santé
publique et un monopole sur une pratique médicale, et secon-
dairement un conflit sur la brevetabilité des gènes humains et
du vivant qui n’est repris que par Greenpeace, le consortium
des sociétés de génétique humaine et par le Dr Wilhelms.
La procédure d’opposition offre à quiconque la possibilité
de contester la validité ou l’étendue d’un brevet au regard
des critères de recevabilité ou d’exclusion à la brevetabilité
4 Brevet EP 705902.
5 Brevet EP705903.
6 Les opposants font valoir un coût trois fois inférieur pour les méthodes de tests réalisées
dans les laboratoires européens, comparé au test de Myriad.
7 article 52.4 de la Convention sur le brevet européen.
FORUM
HYPOTHÈSES / DÉBATS
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codifiés par le droit européen. Elle ne permet pas de juger
de l’usage des brevets par leur propriétaire et de mettre en
cause directement un monopole dû à l’existence d’un brevet.
La contestation des brevets de Myriad dans les mémoires
d’opposition porte principalement sur la validité des brevets
revendiqués au regard des critères d’invention : date de prio-
rité, nouveauté, activité inventive, application industrielle,
suffisance de description et clarté des revendications. Plus
particulièrement, les divers opposants ont fait valoir : (1) le
défaut de priorité et de nouveauté de ces brevets, compte
tenu des erreurs contenues dans la séquence revendiquée par
Myriad à la date du 16 septembre 1994 ; (2) le défaut d’activité
inventive de Myriad au regard de la recherche collective et des
échanges de connaissances organisés au sein du consortium
international sur le cancer du sein, dont Myriad a bénéficié
en tant que membre ; (3) le défaut d’application industrielle,
dans la mesure où l’établissement de la signification patho-
gène ou non pathogène des mutations est une tâche qui com-
porte toujours beaucoup d’incertitudes au terme de dix années
de tests réalisés par des centaines de groupes de généticiens
à travers le monde. Quelques opposants ont également motivé
leur opposition par des articles qui touchent aux exceptions à
la brevetabilité d’inventions « qui seraient contraire à l’ordre
public et aux bonnes mœurs »8, en raison de la collecte et de
la revendication de matériel d’origine humaine sans consen-
tement du donneur à breveter (Parti Suisse du Travail), ou
encore, en raison des effets négatifs du monopole de Myriad
pour la santé publique (Greenpeace).
Révocation totale ou partielle des brevets : erreurs
dans la séquence revendiquée et perte de priorité
des brevets
Pour s’approprier le gène BRCA1 en avance sur ses compétiteurs,
au fur et à mesure qu’elle complétait le séquençage du gène,
Myriad déposa pas moins de huit demandes de brevets aux
États-Unis, entre août 1994 et juin 1995. Elle fit une demande
de brevet européen en août 1995, sur la base des priorités amé-
ricaines. Entre temps, la séquence du gène avait été divulguée
dans une banque de données publiques, Genbank, en octobre
1994, notamment par Myriad. En raison de cette divulgation,
Myriad ne pouvait s’appuyer que sur une demande de brevet
antérieure, en septembre 1994. Or les opposants ont pu, grâce à
un examen méticuleux de la séquence, établir que les premières
demandes de brevets faites par Myriad en 1994 comportaient dix
erreurs, comparées à la séquence consensus, et que, pour cette
raison, elles ne pouvaient fonder les brevets européens. Myriad
n’a fourni une définition correcte de la séquence de BRCA1 dans
ses demandes de brevet qu’à la date du 24 mars 1995. Or, à cette
date, la séquence était déjà dans le domaine public. Les brevets
de Myriad perdaient ainsi leur nouveauté.
Lors de la seconde procédure orale, les 18 et 19 janvier 2005,
Myriad essaya de sortir de ce mauvais pas en proposant une
nouvelle définition de la séquence d’après son procédé d’obten-
tion (à savoir, la constitution d’une bibliothèque d’ADN que l’on
crible au moyen d’un jeu de sondes). Elle espérait ainsi s’affran-
chir des erreurs contenues dans la séquence de 1994. L’Office
européen des brevets (OEB) repoussa cette nouvelle requête
qui s’étendait au-delà du contenu de la demande de brevet et
comportait des ambiguïtés et un manque de clarté, tant pour
ce qui concerne la séquence qui serait obtenue que les procédés
d’obtention qui sont insuffisamment décrits dans le brevet.
Quels enseignements peut-on tirer de cette décision ?
Premièrement, cette décision, qui infirme la délivrance de ces
brevets par l’OEB en 2001 et 2002, montre les difficultés de
l’examen de tels brevets de séquence : « Finding such small
différences in large genes is close to impossible » (Siobhan
Yates, Head of Biotechnology at the European Patent Office
[5]). La découverte des erreurs contenues dans les brevets de
Myriad n’a été possible qu’au terme d’un nouvel examen des
brevets par les opposants, grâce au travail conjoint, pendant
plusieurs mois, des généticiens et des ingénieurs en brevets.
Deuxièmement, cette décision illustre la fragilité de telles
demandes faites dans le contexte d’une course aux brevets. En
prenant de vitesse les groupes concurrents et en faisant des
dépôts précoces, Myriad s’exposait à déposer des séquences
erronées. Encore faut-il que les examinateurs puissent identi-
fier ces erreurs et les sanctionnent.
Troisièmement, en refusant une priorité pour une séquence
erronée, l’OEB tend à renforcer les critères de recevabilité des
brevets de séquence et à fragiliser les demandes qui comportent
des séquences insuffisamment établies. Les opposants deman-
daient un tel renforcement de la brevetabilité pour réduire les
risques de litiges sur des brevets mal établis et pour éviter de
récompenser les acteurs les plus opportunistes qui brevettent
sans faire un travail de validation suffisant. Cette décision peut
favoriser une meilleure qualité des brevets déposés.
Quatrièmement, cette décision donne un signal encourageant
aux parties intéressées : médecins, chercheurs, institutions
médicales, pour exercer leur vigilance sur les brevets qui sont
déposés et délivrés dans leur domaine d’activité.
Cinquièmement, la révocation ou les restrictions de ces brevets
ne modifient pas les normes de brevetabilité des séquences
génétiques en Europe. Certains opposants regrettent que ces
décisions aient été prises uniquement sur des critères de priorité
et non sur des principes plus fondamentaux comme l’activité
inventive relative à l’identification de gènes d’intérêt médical9.
8 Selon l’article 53a de la Convention sur le brevet européen.
9 Voir, par exemple, l’avis de Mike Stratton : « Our concerns are about how the inventive process
envisioned in patent law can be reasonably applied to disease genes » [5].
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Préservation et organisation de l’économie clinique
des tests en Europe
Avant même la révocation ou la limitation de ces brevets, la
procédure d’opposition a eu un impact important sur l’éco-
nomie des tests génétiques en Europe. Bien que les brevets
délivrés par l’OEB en 2001 et 2002 fussent immédiatement
opposables aux laboratoires européens qui réalisaient des
tests génétiques, le déclenchement de l’opposition a eu un
effet suspensif sur leur mise en œuvre. Tous les laboratoires
européens ont continué à offrir leurs tests aux patientes sans
verser de royalties et Myriad s’est bien gardé de faire saisir les
tests chez les contrevenants.
En France, le Ministère de la Santé a mis en place un pro-
gramme spécifique pour organiser et développer l’offre de
tests génétiques dans le domaine du cancer10. Les labora-
toires ont pu s’équiper, recruter des personnels et augmenter
notablement leurs capacités de consultation et de réali-
sation des tests [6]. En même temps, ils renforçaient leur
structure en réseau, notamment pour valider les mutations
nouvellement identifiées. Les laboratoires de tests ont conti-
nué leur travail d’amélioration des techniques de diagnostic
génétique ou de validation de nouvelles technologies. La
révocation ou la forte limitation des brevets de Myriad con-
forte et stabilise cette activité.
L’opposition, puis la révocation de ces brevets auront sans
doute un effet dissuasif pour d’autres détenteurs de brevets
sur des gènes qui seraient tentés de les faire valoir de manière
monopolistique en Europe.
Impact de l’opposition sur le droit de la propriété
intellectuelle
L’opposition des généticiens et des oncologues européens a eu
un impact considérable sur la discussion relative aux brevets
sur les séquences génétiques et leurs applications médicales.
Tout d’abord, elle a montré que la relation vertueuse que l’on
supposait entre l’attribution de brevets, l’innovation médicale
et la santé publique, pouvait se gripper dès lors qu’on accor-
dait des brevets trop larges susceptibles de faire naître des
monopoles. De nombreuses voix se sont élevées pour demander
une restriction du format des brevets dans ce domaine parti-
culier et, autant que possible, d’éviter les brevets portant sur
les séquences en tant que produit, et s’ils sont accordés, d’en
limiter la portée11[7]. En France, la loi de bioéthique adoptée
en août dernier contient un article qui s’efforce de réduire la
portée des brevets de séquence à la seule application décrite
dans le brevet afin de ne pas bloquer l’invention de nouvelles
applications qui seraient dépendantes du premier brevet12.
Ensuite, ce cas d’opposition a justifié que l’on élargisse le
champ d’application des licences d’office pour raison de
santé publique au diagnostic in vitro. C’est chose faite dans
la nouvelle loi de bioéthique du 6 août 200413. Cette mesure
de licence obligatoire intéresse également l’Allemagne et la
Belgique. L’opposition européenne a aussi eu un impact au
Canada où le gouvernement de la santé de l’Ontario a refusé
de reconnaître le monopole de la société Myriad Genetics et a
autorisé les laboratoires cliniques à continuer leurs tests.
Conclusions
En utilisant la procédure d’opposition aux brevets sur les gènes
du cancer du sein, les institutions scientifiques et médicales
européennes ont exercé un rôle régulateur sur la propriété des
inventions biomédicales, sans qu’il soit besoin pour le Minis-
tère de la Santé d’en arriver à l’attribution d’une licence obli-
gatoire. Elles ont conforté leur intervention dans le domaine de
la propriété intellectuelle, non seulement comme déposantes
de brevets dans le cadre de leurs missions de transfert de
technologie, mais aussi comme opposantes dans une situation
où le maintien de ces brevets s’avérait contraire à l’intérêt de
la santé publique. ‡
SUMMARY
Opposition to Myriad Genetics patents and their total or
partial revocation in Europe : early conclusions
The proceedings instituted against three European patents
held by the US company Myriad Genetics, on the BRCA1 gene
and the breast cancer diagnosis gene, resulted in the total or
partial revocation of these patents. These decisions put an
end to the legal monopoly claimed by Myriad Genetics on the
BRCA1 gene and on breast cancer gene tests, and left the field
open to European geneticists to develop and implement their
10 Le financement de l’oncogénétique en France a représenté en 2004 près de 10 millions
d’euros annuels, consacrés à la fois à la réalisation des tests, à la consultation et à une
animation d’un réseau de laboratoire. Cette enveloppe a permis de doubler voire de tripler le
nombre de tests réalisés depuis août 2002.
11 C’est la recommandation majeure qui émane du rapport du Nuffield Council of Bioethics de
2002 : « The ethics of patenting DNA » : « The effects of the recommandations which we have
made so far would be to reduce substantially the number of patents that asserts rights over
DNA sequences. We consider that if they are granted, there is a strong case to be made for
limiting the scope of products patents in relation to DNA sequences ».
12 « Seule une invention constituant l’application technique d’une fonction d’un élément du
corps humain peut être protégée par brevet. Cette protection ne couvre l’élément du corps
humain que dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l’exploitation de cette application
particulière. Celle-ci doit être concrètement et précisément exposée dans la demande de bre-
vet » (article 18 de la loi 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique).
13 « Si l’intérêt de la santé publique l’exige et à défaut d’accord amiable avec le titulaire du
brevet, le ministre peut, sur la demande du ministre chargé de la santé publique, soumettre
par arrêté de la licence d’office, tout brevet délivré sur : (a) un médicament, un dispositif
médical, un dispositif médical de diagnostic in vitro, un produit thérapeutique annexe ; (b)
leur procédé d’obtention, un produit nécessaire à leur obtention ou un procédé de fabrication
d’un tel produit ; (c) une méthode de diagnostic ex vivo. Les brevets de ces produits, procédés
et méthodes de diagnostic ne peuvent être soumis au régime de la licence d’office dans l’inté-
rêt de la santé publique que lorsque ces produits, ou des produits issus de ces procédés ou ces
méthodes sont mis à la disposition du public en quantité et qualité suffisantes ou à des prix
anormalement élevés, ou lorsque le brevet est exploité dans des conditions contraires à l’in-
térêt de la santé publique ou constitutives de pratiques anticoncurrentielles à la suite d’une
décision administrative ou juridictionnelle devenue définitive » (article 18 de la loi 2004-800
du 6 août 2004 relative à la bioéthique).
FORUM
HYPOTHÈSES / DÉBATS
M/S n° 6-7, vol. 21, juin-juillet 2005
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test methods within the framework of a clinical not-for-profit
organization. The opposition procedure, through which any
actor is allowed to challenge European patents, was used by
geneticists doctors in Europe to refuse the emergence of an
industrial monopoly on a medical service offered in a clinical
context. The decision to revoke or strongly limit these patents
was based on the European Patent Office’s refusal to establish
an invention priority on a sequence that had errors at the time
the application was filed by the patent holder, in September
1994. The patent holder was granted an invention priority only
on 24 March 1995, when it filed an application for a corrected
sequence of the gene. But by then the BRCA1 gene sequence
had already been divulged in a public data base, Genbank,
from October 1994, notably by Myriad. Myriad Genetics’ patents
were thus victims of the patent race that prompted the firm
to file multiple patent applications on insufficiently valida-
ted sequences, and of the conflict between diffusion in the
public domain and the novelty requirement. Opposition to the
patents, undertaken by a coalition of medical institutions,
human genetic societies, two States, Holland and Austria, an
environmental protection organization (Greenpeace), and the
Swiss Labour Party, made it possible to preserve and develop
the clinical economy of genetic tests in Europe. It resulted in
amendments to intellectual property laws in France and thus
extended the possibility of using compulsory licences for public
health purposes to in vitro diagnosis. ‡
RÉFÉRENCES
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La propriété intellectuelle dans le domaine du vivant. Paris : Académie des
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cancer du sein ou de l’ovaire en France. Med Sci (Paris) 2004 ; 20 : 788-92.
7. The ethics of patenting DNA. London : Nuffield Council on Bioethics, 2002 : 94 p.
TIRÉS À PART
M. Cassier