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Revue du rhumatisme monographies 77 (2010) 144–147
Goutte : critères de diagnostic, de classification et de qualité de vie
Frédéric Liotéa,∗,b,c, Christelle Nguyena,c
aUFR de médecine, université Paris-Diderot, 10, avenue de Verdun, 75010 Paris, France
bPôle appareil locomoteur, Fédération de rhumatologie, centre Viggo-Petersen, hôpital Lariboisère, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, France
cInserm UMR-S 606, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France
info article
Historique de l’article :
Accepté le 11 f´
evrier 2010
Disponible sur Internet le 27 mars 2010
Mots clés :
Goutte
Accès aigu
Tophus
Goutte chronique
Douleur
Évaluation
Échographie
Scores radiographiques
Handicap
Qualité de vie
résumé
La goutte est une des rares maladies rhumatologiques à avoir un signe diagnostique pathognomonique :
la présence de microcristaux d’urate de sodium (UMS) isolés d’une articulation ou d’un tophus. Ce critère
peut manquer car les omnipraticiens (et les rhumatologues) recourent trop rarement à l’examen du
liquide articulaire à la recherche des UMS ; les laboratoires de routine n’assurent sans doute pas les
conditions techniques optimales pour les identifier. Des critères de classification ont été proposés dans
les années 1960–1970 avec la part belle donnée à la sémiologie, souvent très parlante, de l’accès aigu
goutteux et à l’identification des cristaux. L’OMERACT développe actuellement un ensemble d’outils qui
viendront sans doute aider à l’évaluation de nouvelles thérapeutiques qui ont changé et changeront
l’image de la goutte, à laquelle se rattache le concept de «vieille maladie et d’anciens médicaments ».
L’imagerie moderne, au premier rang l’échographie, va sans doute changer la définition de la goutte
tophacée, avec la mise en évidence de tophus infra cliniques. Enfin, le développement récent d’échelles
spécifiques visant à évaluer le handicap global ou localisé, et la qualité de vie, devraient permettre de
mieux appréhender les conséquences fonctionnelles, parfois sévères, de la maladie.
© 2010 Société franc¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Keywords:
Gout
Acute attacks
Tophus
Pain
Outcome measure
Ultrasonography
Radiographic scores
Handicap
Health-related quality of life
abstract
Gout is a frequent disease with a unique pathognomonic diagnostic feature, i.e., monosodium urate (MSU)
crystal identification in synovial fluid or in tophus. This “gold standard” may be missing since general
practitioners (and even rheumatologists) often make a diagnosis of gout on clinical grounds, too rarely
looking for joint tap and synovial fluid examination. In addition, routine or even hospital laboratories
might miss MSU crystal identification because of insufficient skills and techniques. Classification crite-
ria have been proposed in the 1960–1970s, with emphasis on characteristic features of crystal-induced
inflammation, and always MSU crystal identification. The OMERACT task force for gout is currently deve-
loping a set of tools for outcome measures useful in clinical trials for new drugs which are moving gout
out from old ages and old drugs to a new era. Finally, recent development of specific outcome measures
to evaluate global or location-specific disabilities, as well as health-related quality of life, should allow
comprehensive assessment of functional consequences, sometimes severe, of the disease.
© 2010 Société franc¸ aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
La goutte est le rhumatisme inflammatoire chronique le plus
anciennement connu. Elément clé, c’est aussi une des rares
maladies rhumatologiques à reconnaître un «étalon-or »ou gold
standard en la présence de l’élément pathogène à l’origine des
accès inflammatoires aigus et des lésions ostéoarticulaires volon-
tiers impressionnantes, les microcristaux d’urate de sodium (UMS).
Son diagnostic est en fait assez simple sous réserve d’une rigueur
clinique, de la bonne utilisation du dosage de l’uricémie, élément
∗Auteur correspondant.
Adresse e-mail : frederic.liote@lrb.aphp.fr (F. Lioté).
sémiologique volontiers surestimé quand on sait que moins de 10 %
des sujets hyperuricémiques développeront la maladie goutteuse,
et enfin des bonnes pratiques de laboratoire pour identifier les cris-
taux d’UMS [1].
Toutefois, sa fréquence apparente en Europe et aux États-Unis,
où 1 % de la population aurait la goutte, justifie que sa connais-
sance et son diagnostic puissent être améliorés car les données
cliniques les plus récentes font craindre une méconnaissance de
la maladie sous couvert de son apparente facilité de diagnostic. La
faible capacité des médecins généralistes à réaliser les ponctions
articulaires, les techniques de recherche insuffisantes des cristaux
font que son diagnostic mériterait, pour certains, des critères de
1878-6227/$ – see front matter © 2010 Société franc¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.monrhu.2010.02.005
F. Lioté, C. Nguyen / Revue du rhumatisme monographies 77 (2010) 144–147 145
diagnostic clinicobiologique qui manquent encore. Àl’inverse, on
dispose de jeux de critères de classification diagnostique opération-
nels bien que discutés. L’EULAR a mené en 2005–2006 un travail
associant evidenced-based medecine et avis d’experts pour faire des
propositions plutôt d’outils ou d’une démarche de diagnostic que de
vrais critères [2]. Un groupe ad hoc de l’OMERACT travaille depuis
2005 sous la direction de Ralph Schumacher à développer les outils
de mesure des manifestations aiguës et chroniques de la goutte [3].
1. Critères de diagnostic
Le diagnostic de goutte est formel et facile quand on dispose
du critère pathognomonique que constitue la mise en évidence de
cristaux d’UMS dans un prélèvement articulaire ou un tophus sus-
pecté. C’est dire que la qualité du prélèvement, son analyse rapide
et la qualité de la lecture au microscope sont essentielles. Le lecteur
est renvoyé à la monographie «Arthropathies microcristallines »en
2007 [1]. On peut rappeler aussi que cette ponction articulaire est
«rentable »même à distance d’un accès aigu [4], tant au genou qu’à
l’articulation métatarsophalangienne (MTP) du gros orteil [4], car
elle permet un diagnostic rétrospectif [4–6]. À la première MTP
asymptomatique alors, la fréquence de positivité des cristaux est
de 73 % dans la série prospective de goutteux étudiée par Pascual.
La présence de cristaux d’UMS diminue avec la durée du traite-
ment hypouricémiant [5] mais elle est constante en l’absence de
traitement de fond.
Les recommandations EULAR pour le diagnostic ont mis en avant
aussi cette analyse en rappelant que les UMS peuvent aussi facile-
ment être recherché dans un tophus ou une bursite tophacée, par
exemple olécranienne [2].
Les aspects cliniques dépendent de l’état évolutif de la mala-
die : elle se manifeste par des accès inflammatoires aigus de
certaines articulations, accès très particuliers par leur sémiologie,
l’accompagnement fréquent d’une fièvre et de signes simulant une
infection, d’une hyperuricémie éventuelle. Il faut rappeler la fré-
quente localisation au pied, en particulier à la première MTP : cette
arthrite aiguë connue depuis l’Antiquité s’appelle la podagre («pris
au piège par le pied », ce qui définit bien son intensité). Associée
à une hyperuricémie, elle suffit au diagnostic [...] comme la rap-
pelé le groupe EULAR. Signalons l’ambiguïté de mentionner que
l’hyperuricémie, par ailleurs, n’est pas indispensable au diagnostic,
notion qui va être remise en question.
La définition de critères cliniques de diagnostic peut trouver son
intérêt en médecine générale pour permettre une décision théra-
peutique rapide, et cela en l’absence de recherche de cristaux. Ces
critères se doivent d’avoir été définis dans une population de goutte
récente validée par la présence de cristaux dans l’articulation; une
telle étude est en cours de publication sous l’égide d’un groupe de
rhumatologues et omnipraticiens hollandais de Nijmegen. Elle va
faire appel à des critères cliniques, tenant compte notamment du
terrain cardiovasculaire, auxquels s’ajoute l’élévation de l’uricémie.
2. Critères de classification
Trois classifications sont disponibles, mais toutes les trois sont
anciennes et publiées avant 1977 [7]. Aucune n’a été testée sur des
groupes de malades goutteux récents et ces critères ne peuvent
donc être utilisés comme critères de diagnostic.
2.1. La classification de Rome
La classification de Rome en 1963 (Tableau 1) ne prend pas en
compte suffisamment les accès aigus, de sorte que des sujets avec
les deux premiers critères pourraient être classés goutteux mais
cela ne concernerait que des formes évoluées. Un patient atteint de
Tableau 1
Critères de Rome pour le diagnostic de goutte (1963).
1. Uricémie supérieure à 70 mg/l (420mol/l)
2. Tophus
3. Cristaux d’urate dans le liquide synovial
4. Antécédents de fluxion articulaire brève
Deux critères de Rome sont nécessaires pour poser le diagnostic de goutte (ces cri-
tères sont discutables car les formes associant les deux premiers ne pourraient ne
pas comporter d’accès inflammatoire).
Tableau 2
Critères de New-York (1966) [8].
Au moins deux accès de monoarthrite d’un membre
Antécédent bien décrit ou observation par un médecin : début brutal,
douleur importante, rémission clinique complète en moins de
2 semaines
Au moins deux accès de monoarthrite d’un membre, intéressant le gros
orteil (podagre)
Tophus (cliniquement décelable)
Colchicino-sensibilité
Antécédent bien décrit ou observation par un médecin, définie par une
réduction majeure des signes objectifs d’inflammation articulaire en
moins de 48 h
Deux critères sont nécessaires pour retenir le diagnostic de goutte
Tableau 3
Critères de l’American College of Rheumatology (ACR) [9].
Un sujet est classifié comme ayant la goutte si :
A. des cristaux d’urate de sodium sont présents dans le liquide articulaire
B. ou des cristaux d’urate de sodium sont présents dans un tophus
C. ou au moins six des 11 critères restants
1. plus d’un accès d’arthrite aiguë
2. développement maximal d’inflammation articulaire en 24 h
3. accès de monoarthrite
4. rougeur péri-articulaire
5. douleur ou gonflement de la 1re articulation métatarsophalangienne
6. accès inflammatoire unilatéral de la 1re articulation
métatarsophalangienne
7. accès inflammatoire unilatéral du tarse
8. hyperuricémie
9. gonflement articulaire asymétrique d’une articulation sur une
radiographiea
10. image kystique sous-corticale sans érosion sur une radiographie
standard
11. liquide articulaire stérile lors d’un accès
aCe critère pourrait être logiquement présent cliniquement ou à l’examen radio-
graphique.
rhumatisme psoriasique avec un psoriasis important associé à une
hyperuricémie pourrait être classé à tort comme goutteux.
2.2. La classification de New York
Celle de New York en 1966, lors d’un symposium rapporté par
Benneth et Burch [8] (Tableau 2), précise la récurrence de la maladie
et rappelle qu’elle constitue le rhumatisme inflammatoire réci-
divant le plus fréquent chez l’homme. L’atteinte du gros orteil,
fréquente mais pas obligatoire est mentionnée pour la première
fois. La sensibilité à la colchicine, seul agent anti-inflammatoire à
l’époque, dans cette affection trouve sa première place.
2.3. La classification de l’American College of Rheumatology
Enfin, la classification préliminaire de l’American College of
Rheumatology en 1977 a été établie par Wallace et al. (Tableau 3)
à partir de l’analyse des caractéristiques de 700 patients avec une
goutte, une pseudo-goutte, une PR ou une arthrite septique [9]. Elle
est souvent utilisée comme critères de diagnostic car elle s’applique
à une arthrite aiguë. La combinaison de ces critères est très sensible,
identifiant 98 % des patients dans un groupe de goutteux certains. La
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spécificité dépend de l’affection qui lui est opposée : 98% contre la
polyarthrite rhumatoïde de plus de deux ans d’évolution, 89 % vis-
à-vis de la pseudo-goutte (liée aux microcristaux de pyrophosphate
de calcium).
2.4. Critiques des anciens critères cliniques
Un travail récent a cherché à valider ces critères cliniques en les
rapportant à la présence des cristaux [10]. Aucun des trois groupes
de critères n’assure une sensibilité supérieure à 70 % et une spéci-
ficité au-delà de 78,8 %. Ce travail a permis de constater seulement
que ces critères permettent un diagnostic d’exclusion de la goutte
mais ne remplacent pas la mise en évidence de cristaux d’UMS dans
un liquide.
La difficulté des codages administratifs pour le diagnostic de
goutte remet en question pour un part la validité des études épidé-
miologiques [11]. Dans ce travail sur 200 malades codifiés comme
étant goutteux après deux codes administratifs ICD-9 «goutte »sur
une période de cinq ans, après extraction des données clinicobiolo-
giques de leurs dossiers, seuls 121 ont été retenus par deux experts
rhumatologues comme ayant une goutte certaine ou probable, avec
une valeur prédictive positive de 61 % seulement. La concordance
entre l’avis des cliniciens et le recours aux trois sets de critères de
l’ACR, de Rome et de New-York était médiocre (respectivement,
kappa =0,17, 0,16, et 0,20).
Plus récemment, un second travail similaire a confirmé cette
difficulté de validation des diagnostics affichés chez 289 patients
codés également ICD-9 à deux reprises. En analysant les dossiers
électroniques, le diagnostic de goutte répondait aux critères ACR
chez 36 % des patients, de New York chez 30 % seulement et de Rome
dans 33 % des cas. Les dossiers tenus par des rhumatologues étaient
mieux documentés. Après consultation de 37 patients, des élé-
ments supplémentaires pour ces sets de critères étaient retrouvés
et permettaient de retenir le diagnostic de goutte chez 65 %–81 %
des dossiers codés ICD-9 [12].
3. Critères de suivi
Le développement de nouvelles thérapeutiques tant pour le
traitement des accès aigus, comme les agents anti-IL-1, que
des nouveaux hypouricémiants qui doivent venir à bout des
stocks d’urates accumulés, a fait percevoir la nécessité d’outils
d’évaluation modernes. Les accès aigus qui surviennent dans ces
essais apparaissent comme des effets indésirables alors même
qu’ils sont attendus...et normalement prévenus par la colchicine.
Certains domaines ont été identifiés. Dans la goutte aiguë, il s’agit de
la douleur, du gonflement et de la sensibilité articulaire à la palpa-
tion, de l’évaluation par le patient et le médecin, et de la limitation
des activités. Dans la goutte dite chronique, des outils comme ceux
évaluant la taille de tophus, les lésions destructrices et les échelles
de handicap et de qualité de vie ont été approchés [3,13].
3.1. Accès aigus
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? La prin-
cipale expression clinique de la goutte est la survenue d’accès
inflammatoires articulaires aigus récidivants. Leurs caractéris-
tiques sont classiques et sont autant d’éléments sémiologiques
évocateurs pris en compte dans les critères de classification. Point
clé, ils sont aussi bien connus de chaque malade. C’est dire que
la démarche de l’OMERACT, après deux ans, a finalement abouti
à une proposition préliminaire présentée au congrès ACR 2009 où
la définition de l’accès relève uniquement de l’avis du malade...
C’est (presque) rassurant. C’est oublier toutefois les diagnostics dif-
férentiels d’un accès à la MTP que sont la fracture ou la nécrose du
sésamoïde, la bursite ou la poussée douloureuse d’une arthrose de
la MTP ou d’un hallux valgus, la dactylite psoriasique, etc.
L’intensité des douleurs est bien connue et la rapidité de
leur installation doit être rappelée (maximum atteint en quatre
à 12 heures, moins de 24 heures). Deux instruments de perfor-
mance similaire sont disponibles : l’échelle de Likert en cinq
points et l’échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 100 mm [13].
L’amélioration minimale considérée comme cliniquement signifi-
cative n’est pas connue dans l’accès goutteux.
La douleur à la pression et le gonflement articulaire peuvent
aussi être évalués par une échelle type Likert, en considérant
une articulation cible, sans autre cause de symptômes tels qu’une
arthrose d’une MTP, un tophus.
L’évaluation globale du malade ou du médecin fait appel aux
mêmes instruments de mesure.
3.2. Tophus
La goutte est une maladie de surcharge ; les urates accumulés
vont se constituer en tophus, amas de cristaux qui, de microsco-
piques, deviennent macroscopiques et de toutes tailles. Avant leur
observation ou reconnaissance clinique, ils sont déjà là, silencieux,
autour ou dans les os et les articulations, à la surface du cartilage.
L’échographie articulaire en permet l’identification à la surface
du cartilage, autour de celui-ci et la mesure de leur taille [14].
Ils sont souvent accompagnés d’une couronne hypervascularisée
en mode doppler puissance. Les nouvelles techniques de scanner
double énergie multibarrettes les visualisent en 3D mais relèvent
du domaine de la recherche clinique [15], voire thérapeutique si
un objectif à évaluer venait à être la vitesse de leur dissolution sous
agent hypouricémiant.
Ils peuvent éventuellement être cliniquement apparents en des
sites électifs. Ils peuvent alors être mesurés manuellement au pied
à coulisse (caliper)[16], au scanner [16], à l’IRM ou en échogra-
phie [14]. Les performances cliniques ont été évaluées sur de petits
effectifs, mais s’avèrent similaires aux méthodes d’imagerie, ras-
surant le rhumatologue praticien. Les reproductibilités inter- et
intra-observateur étaient bonnes, respectivement de 0,989 et de
1,0 pour le scanner, et de 0,985et 0,996 pour la mesure clinique au
«caliper »[16]. L’échographie et l’IRM montrent une bonne corréla-
tion entre elles mais une concordance moyenne, l’IRM ne décelant
pas tous les tophus articulaires. L’échographie s’avère déjà sensible
au changement en termes de modification de taille des tophus ; il
existait aussi une corrélation inverse entre les taux d’uricémie et
les modifications de taille des tophus par rapport à l’inclusion [14].
Ces outils répondent à certains critères du filtre OMERACT, mais
des études complémentaires sont nécessaires pour apprécier leur
sensibilité au changement.
3.3. Arthropathies goutteuses
L’évolution de la goutte non traitée se fait vers des destructions
osseuses et articulaires. Les conséquences anatomiques et fonction-
nelles sont parfois sévères et vont retentir sur la qualité de vie du
goutteux rendant nécessaires l’élaboration et la validation d’outils
de mesure spécifiques chez ces patients.
3.4. Conséquences fonctionnelles
Les échelles actuellement disponibles et validées (parfois
incomplètement) dans la goutte visent à évaluer le handicap, qu’il
soit global ou localisé, d’une part, et la qualité de vie, d’autre part.
Chez le patient goutteux, le handicap global peut être évalué par
le Health Assessment Questionnaire-Disability Index (HAQ-DI) ou
indice d’invalidité du questionnaire d’évaluation de santé. Les pro-
priétés psychométriques de ce score, déjà largement utilisé pour
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évaluer le statut fonctionnel dans d’autres affections rhumatolo-
giques, apparaissent conservées chez les patients goutteux. De plus,
le score HAQ appliqué à la goutte est corrélé à certaines manifes-
tations cliniques de la maladie telles que le nombre d’articulations
douloureuses ou gonflées, la présence de tophus, l’EVA douleur et
l’EVA opinion du médecin. Le score HAQ est également corrélé au
score SF-36. Néanmoins, de nombreuses co-morbidités pourraient
contribuer aux changements du HAQ-DI, de sorte que la pertinence
de son utilisation en pratique courante afin de distinguer ce qui
revient à la goutte ou aux autres pathologies, cardiovasculaires
notamment, reste à évaluer [18,20].
La prévalence élevée et la sévérité de certaines atteintes loca-
lisées, en particulier celle des mains, ont également conduit à
l’élaboration d’instruments permettant d’évaluer de manière plus
spécifique le handicap local associé à cette atteinte. Un outil
de mesure de la fonction manuelle, le test de Solleman, ainsi
qu’un questionnaire de fonction de la main, le Disability assess-
ment of shoulder and hand (DASH) ont été testés chez 20 goutteux
néo-zélandais (goutte génétique et environnementale sévère). Le
nombre d’articulations entourées de tophus était un élément pré-
dictif d’une perturbation sévère de la fonction manuelle, de la
mobilité articulaire. Un modèle de régression logistique multiple
fait ressortir deux critères prédictifs du score de Solleman plus per-
tinents que le nombre de tophus : la durée de la maladie et le
nombre d’articulations douloureuses à la palpation [17]. La sensi-
bilité au changement de ce score sous traitement n’est pas connue
dans cette affection. Aucun autre indice de fonction de la main n’a
encore été évalué et comparé au score de Solleman.
Enfin, deux instruments de mesure de la qualité de vie ont
récemment été validés dans la goutte : le score Medical Outcomes
Study 36-Item Short Form Health Survey ou SF-36 par le groupe
de travail de l’OMERACT [3] et le Gout Assessment Questionnaire
(GAQv2.0) [19] qui a été comparé au SF-36. Le GAQv2.0 mesure
l’impact de la goutte sur la qualité de vie. Cinq parties sont prises
en compte, l’une à proprement parlé mesure l’impact, et les autres
les caractéristiques de la goutte et des données démographiques.
Les scores du GAQv2.0 sont plus élevés dans les formes de goutte
les plus sévères que le SF-36. La partie qualité de vie présente des
critères de fiabilité et de validité satisfaisants. Il devrait permettre
d’approcher le concept de variation minimale importante.
Le concept de treatment failure gout est très discutable car la
définition n’est pas consensuelle, ni internationale ni validée. Par
exemple, l’absence de baisse de l’uricémie en dessous de 60 mg/L
(360 mol/l) sous 300 mg d’allopurinol pourrait faire définir ainsi
un patient goutteux sans insuffisance rénale. La seule augmentation
de dose d’allopurinol suffirait à le rendre répondeur », par exemple
à 400 ou 500 mg d’allopurinol. C’est dire que les travaux mettant en
jeu ces indices type SF-36 dans cette population «artificielle »sont
discutables [20].
3.5. Conséquences anatomiques
Les lésions ostéoarticulaires procèdent de lyses osseuses, sou-
vent en pleine diaphyse, et d’arthropathies destructrices. L’équipe
néo-zélandaise a mené une étude comparative de trois indices de
mesures radiographiques déjà détaillées dans cette monographie :
le score d’érosions et de pincement de Sharp/van der Heijde, le
score de destruction de Ratingen et celui de Steinbrocker [21].
À partir des radiographies des mains et des pieds de 12 puis de
35 patients goutteux, un score global a été préparé et comparé
aux scores conventionnels. Fait important, toutes les articulations
des mains y compris les articulations interphalangiennes distales
étaient atteintes et contribuaient au score global. La fiabilité du
score total était élevée : les coefficients de corrélation intra classe
pour la reproductibilité intra-observateur étaient de 0,993–0,998,
et de 0,963–0,966 pour la reproductibilité inter-observateur. Le
score de Sharp/van der Heijde était finalement le plus à même de
discriminer entre gouttes récente et ancienne.
4. Conclusion
Les nouveautés thérapeutiques ont certainement contribué à
développer au sein de l’OMERACT de nouveaux outils. Ont ainsi
passé le filtre de l’OMERACT, l’échelle de Likert en cinq points pour
la douleur et l’évaluation globale par le patient ; le SF-36et le HAQ-
DI dans la goutte chronique, l’utilisation du pied à coulisse et de
l’échographie pour mesurer la taille des tophus. D’autres proposi-
tions concernant la définition d’une poussée sont en cours d’étude
[22] avec le rôle central de la perception du patient.
Conflit d’intérêt
Pr Lioté : conseils auprès des laboratoires Mayoly-Spindler,
Ipsen, Menarini, Savient, Genzyme ; EPU : Ipsen, Menarini ; inves-
tigateur principal : Novartis. Dr Nguyen : aucun conflit d’intérêt à
déclarer.
Références
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