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MODULER L’ENCADREMENT TUTORAL
DANS LA SCENARISATION D’ACTIVITES A DISTANCE
Sandrine Decamps, Christian Depover et Bruno De Lièvre
Université de Mons, DESTE
Résumé : Dans cette étude, nous nous intéresserons aux effets de différentes modalités de tutorat sur
les apprentissages réalisés dans le cadre d’une formation organisée à distance. Il s’agit plus
précisément de vérifier si une modalité de tutorat est susceptible de mieux convenir à une activité
donnée et si l’alternance de deux modalités de tutorat conduit à mettre en évidence des différences en
termes de performances, de processus ou d’opinions auprès des apprenants. Les résultats de cette étude
renforcent l’idée qu’il faut adapter la modalité de tutorat en fonction de la séquence d’apprentissage,
car la proactivité du tuteur à une incidence positive sur la motivation des apprenants à des moments
charnières de la formation (début et fin de la formation, changement d’activité, …). Pour rendre le
tutorat plus efficient, il doit s’exercer avec le soutien des outils intégrés au dispositif de formation, en
nuançant le degré de proactivité en fonction du scénario pédagogique et en tenant compte des besoins
spécifiques des apprenants au travers de leur style d’apprentissage.
Mots-Clés : tutorat, scénario pédagogique, outil de communication asynchrone, apprentissage
collaboratif, styles d’apprentissage.
Develotte C., Mangenot F., Nissen E. (2009, coord.) Actes du colloque Epal 2009 (Echanger pour apprendre en ligne :
conception, instrumentation, interactions, multimodalité), université Stendhal - Grenoble 3, 5-7 juin 2009.
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1. La problématique
Une des caractéristiques principales de l’enseignement à distance s’inscrit dans la nécessité
de gérer sa formation de manière autonome. En effet, la formation à distance réclame de la
part de l’apprenant une prise en charge de certains aspects de l’organisation de ses processus
d’apprentissage. La mise en œuvre de ce transfert vers l’apprenant de prérogatives
habituellement associées à l’enseignant n’est cependant pas aussi aisée qu’on pourrait le
supposer. Les détracteurs de la possibilité de rendre les apprenants autonomes se fondent sur
les taux d’abandon élevés mis en évidence par différents auteurs : 50% dans l'enseignement
par correspondance selon Marchand (1992) cité par Bernatchez (2003), entre 37 et 50% selon
Gerbier (1997) cité par Bernatchez (2000), entre 25 et 44% selon De Lièvre (2006). Parmi les
causes évoquées de l’abandon, celle qui est la plus généralement mise en avant est l’isolement
de l'apprenant (Bernatchez, 2000).
Pour rompre ce sentiment d’isolement, de nombreux auteurs proposent la mise en place
d’un encadrement des apprentissages réalisés à distance (Bernatchez, 2000 ; Gagné & al.,
2001 ; Cain & Lockee, 2002). Cet encadrement est défini comme l’ensemble des activités qui
visent à fournir une aide aux apprenants de manière à favoriser la prise en charge par chacun
de sa propre formation (Deschênes & al., 2003).
Parmi les différentes formes de soutien à proposer aux apprenants, la qualité du tutorat
dont bénéficient les apprenants constitue une variable déterminante de l'efficacité d'un
dispositif de formation à distance et du taux de persistance (De Lièvre & al., 2003; Lebel &
Michaud,1989 ; Bertrand & al.,1994 ; Depover & al., 1998 ; Desmarais, 2000). Le tutorat
serait donc une des réponses possibles qui permettrait de réduire les nombreux abandons
rencontrés lors de formations à distance.
Dans cette étude, nous nous intéresserons aux effets de différentes modalités de tutorat sur
les apprentissages réalisés dans le cadre d’une formation organisée à distance. Il s’agit plus
précisément de vérifier si une modalité de tutorat est susceptible de mieux convenir à une
activité donnée et si l’alternance de deux modalités de tutorat conduit à mettre en évidence
des différences en termes de performances, de processus ou d’opinions auprès des apprenants.
2. Les caractéristiques de la mise en œuvre de l’encadrement tutoral
Trois points de vue peuvent être associés à l’encadrement tutoral : la modalité de mise en
œuvre du tutorat, sa temporalité et les fonctions prises en charge par les interventions
tutorales.
2.1 De la modalité d’intervention réactive à la proactivité
La modalité d’intervention du tuteur est soit réactive, soit proactive. Un tutorat est qualifié
de réactif lorsque l’intervention du tuteur répond à une demande plus ou moins explicite de
l'étudiant. Il s’agit de la modalité la plus répandue d'intervention du tuteur. Dans ce cas de
figure, le tuteur attend d'être sollicité par l’apprenant avant d’intervenir. Il est disponible, mais
ne s'impose pas dans le processus d’apprentissage de l’étudiant en intervenant d’une manière
qui peut être vécue parfois comme intrusive (Demaizière, 2003; De Lièvre, 2000). Ne pas
anticiper certaines demandes de l’étudiant, comme le propose classiquement cette modalité
réactive a toutefois des désavantages parmi lesquels ceux relevés par De Lièvre & al. (2006)
comme la sous-utilisation des ressources disponibles et un taux de défection élevé. La
modalité proactive aurait quant à elle de nombreux avantages à savoir qu’elle procure aux
Develotte C., Mangenot F., Nissen E. (2009, coord.) Actes du colloque Epal 2009 (Echanger pour apprendre en ligne :
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étudiants le sentiment d’être suivis et qu’elle assure un usage plus intense des aides mises à
disposition dans le dispositif de formation (De Lièvre & al. 2006). La modalité proactive est
celle que le tuteur met en œuvre à son initiative, il n’attend pas que l'étudiant formule une
demande d’assistance. Au contraire, il tente de la devancer autant que possible pour inciter
l’apprenant à ne pas relâcher son attention et à s’engager pleinement dans le processus
d’apprentissage. Pour Duplàa, Galisson & Choplin (2003), l’attitude proactive du tuteur
permet d’anticiper les difficultés que les apprenants sont susceptibles de rencontrer et, en y
répondant, de réduire les perturbations qui pourraient y être associées. Nous sommes en
accord avec Quintin (2007) qui situe le modèle proactif plutôt dans une approche
constructiviste et socialisante du processus d'apprentissage. Les interventions proactives sont
plus souvent centrées sur le processus alors que les interventions réactives sont davantage
ciblées sur le produit de l’apprentissage.
2.2 La temporalité des interventions tutorales
La modalité d’intervention se définit aussi par le moment et par le caractère plus ou moins
continu de son application. Une modalité peut ainsi être permanente ou occasionnelle. Le
tuteur peut décider d’intervenir de manière proactive tout au long d’une formation ou à des
moments précis de son déroulement. Cette intervention peut être systématique lorsque, par
exemple, à l’issue d’une étape, le tuteur apporte des informations signifiantes pour la suite de
l’activité. Mais cette intervention peut aussi être opportune dans le sens où un indice
déclencheur (une erreur particulière commise, un choix non pertinent, etc.) est l’occasion pour
le tuteur de réorienter l’apprenant vers des stratégies d’apprentissage plus efficientes. Lorsque
la modalité proactive doit être mise en œuvre, il est généralement préférable de déterminer
dans quelles conditions elle s’exerce plutôt que de laisser au tuteur le choix intuitif du
moment et de l’objet de son intervention. Si cette difficulté ne se pose pas pour la modalité
réactive, puisque le tuteur répond à la demande de l’apprenant, il faut cependant s’interroger
aussi sur la manière de répondre (ou d’intervenir). En effet, le tuteur peut fournir la réponse
explicite à la question posée ou orienter l’apprenant vers la réponse en lui fournissant des
indices pour faciliter son cheminement. Il n’y a donc pas de règles prédéfinies régissant
l’usage de ces deux modalités d’intervention ou de leur usage combiné. Elles sont à préciser à
chaque fois en prenant en considération leurs avantages et inconvénients parmi lesquels la
disponibilité du tuteur n’est pas à négliger. En effet, celui-ci ne peut assurer une permanence
24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Il faut donc préciser quand le tuteur sera disponible et
prendre en compte le fait qu’assurer un encadrement proactif intense est consommateur en
temps, et donc exige de mobiliser des ressources humaines en matière de tutorat importantes
et souvent coûteuses.
2.3 Les fonctions de l’encadrement tutoral
En termes de rôles, le tuteur est à la fois correcteur, instructeur, facilitateur, animateur,
intervenant, agent d'encadrement ou moniteur (Henri & Kaye, 1985). En plus de ces rôles, il
remplit également un certain nombre de fonctions qui ont été catégorisées de multiples
façons (Dionne & al., 1999 ; De Lièvre, 2000 ; Daele & Docq, 2002 ; Bernatchez, 2003). Les
différences entre les typologies sont bien souvent de l’ordre du détail ou sont liées à la
manière de regrouper ou de préciser certaines modalités tutorales(Feenberg, 1989 ; Mason,
1992 ; Berge, 1995 ; Dionne & al., 1999 ; De Lièvre, 2000 ; Daele & Docq, 2002 ; Quintin,
2007). Dans le cadre de cette recherche, nous nous appuierons essentiellement sur la
typologie proposée par Quintin (2007) synthétisée dans la figure 1 ci-dessous :
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Figure 1 : Rôles et fonctions propres au tuteur selon Quintin (2007)
• Le tuteur a une fonction socio-affective : il encourage, donne du sens aux buts
d’apprentissage, crée un espace convivial, suscite un esprit de groupe,…
• Le tuteur a un rôle pédagogique : il facilite l’apprentissage, attire l’attention sur les
difficultés, offre des aides à la réussite, suscite les échanges d’idées, précise les
contenus, sollicite le questionnement, fait émerger les stratégies pertinentes pour la
réussite, etc.
• Le tuteur a une fonction organisationnelle : il organise le temps, facilite la
répartition des tâches, rappelle les délais, fait des synthèses, assiste les prises de
décisions, etc.
• Le tuteur a un rôle technique et administratif : il assiste l’apprenant dans la mise en
œuvre du dispositif pédagogique et technologique, il résout les problèmes
techniques, il rend aisés les contacts qui prennent place entre l’institution et
l’étudiant.
Ces fonctions peuvent être prises en charge, en tout ou en partie, par un ou plusieurs
intervenants dans un temps défini. Le plus souvent, plusieurs intervenants seront mobilisés
pour prendre en charge ces tâches, renforçant ainsi l’idée que la formation à distance est gérée
par une équipe pédagogique plutôt que par un seul intervenant. Cette situation justifie
pleinement la nécessité de coordonner au travers d’un scénario d’encadrement les actions
mises en œuvre par chacun de façon à les préciser pour un tuteur donné. Le fait de préciser les
actions à prendre en charge permet aussi une cohérence entre les pratiques tutorales, à les
rendre complémentaires dès lors que plusieurs tuteurs sont associés au dispositif. Qui plus est,
dans un dispositif expérimental, il est également important de s’assurer que les tuteurs
remplissent bien la fonction qui leur a été assignée, ce qui nécessite de les former. A cet
égard, le meilleur outil pour concevoir leur formation est de déterminer la séquence et le
contenu des actions qu’ils auront à mener, ce qui est l’objectif d’un scénario d’encadrement.
3. Les questions de recherche
L’objectif de cette recherche est d’observer l’impact de deux modalités d’intervention
tutorale (réactive et proactive) et l’effet d’alternance de ces deux modalités sur deux activités
collaboratives (conceptualisation et discussion de cas) intégrées dans un dispositif
d’enseignement à distance. Ces activités sont présentées de manière consécutive dans le
temps, la première activité préparant la mise en place de concepts et des notions théoriques
qui seront utilisées dans la seconde activité.
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Les questions de recherche s’articulent autour de trois axes que sont les performances des
apprenants, leur processus d’apprentissage et leur opinion concernant la qualité de la
formation.
3.1 Les questions en lien avec les performances des apprenants
Au niveau de l’efficacité d’abord, nous tenterons de déterminer si les traitements appliqués
apportent des résultats contrastés lors de l’évaluation des travaux issus des activités
collectives. La question qui nous intéresse plus particulièrement est de savoir si une modalité
d’encadrement engendre des résultats différents lorsqu’elle est proposée dans le cadre d’un
type d’activité particulier.
Q1 : La modalité d’encadrement, qu’elle soit proactive ou réactive, continue ou
discontinue, a-t-elle une influence sur les performances des apprenants ?
3.2 Les questions en lien avec le processus d’apprentissage
Au niveau du processus, nous analyserons la participation des étudiants dans les forums à
partir du nombre et de la nature des messages qu’ils ont rédigés ainsi qu’à partir du temps
qu’ils estiment avoir consacré à la réalisation de chacune des activités.
Q2 : La participation des apprenants aux activités est-elle différente selon le type
d’encadrement tutoral mis en œuvre ?
3.3 Les questions en lien avec l’opinion des apprenants
Nous étudierons l’opinion qu’ont les étudiants de l’efficacité des activités réalisées, du
type de difficultés auxquelles ils ont dû faire face, de l’efficacité du forum et du tutorat. Nous
estimerons enfin leur satisfaction générale vis-à-vis de la formation telle qu’elle a été
proposée.
Q3 : Les apprenants qui bénéficient d’un tutorat proactif ont-ils une meilleure opinion vis-
à-vis des travaux pratiques que ceux qui ont bénéficié d’un tutorat réactif ?
4. Dispositif de recherche
4.1. La méthode d’expérimentation
Dans cette expérience, réalisée en contexte réel de formation, notre objectif est d’analyser
l’impact du scénario d’encadrement sur les apprentissages réalisés au sein de deux activités
successives : une activité de conceptualisation (activité 1) et une activité de discussion de cas
(activité 2). La combinaison de ces deux facteurs donne lieu à une expérience factorielle à
plan mixte, la modalité d’encadrement constituant le facteur à groupes indépendants (facteur
inter sujets) et le type d’activité correspondant au facteur manipulé à mesures répétées
(facteur intra sujets).
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Figure 2 : Groupes expérimentaux et traitements appliqués
Les 96 apprenants qui constituent l’échantillon ont été répartis en quatre groupes
expérimentaux :
• Deux groupes (PP et RR) pour lesquels les modalités d’intervention tutorales
restent stables lors des activités : les équipes du groupe (PP) bénéficient d’un
tutorat proactif alors que les équipes du groupe RR profitent d’un tutorat réactif.
• Deux groupes (PR et RP) pour lesquels les modalités de tutorat alternent d’une
activité à l’autre, les tuteurs intervenant de manière proactive pour l’activité 1 et de
manière réactive pour l’activité 2 groupe PR, et inversement pour le groupe RP.
Chaque groupe expérimental est lui-même composé de huit équipes de trois apprenants,
soit 24 étudiants par groupe. Au total, 32 équipes ont été formées en répartissant les
apprenants au sein des équipes de manière aléatoire. Quatre tuteurs ont assuré l’encadrement
de l’ensemble des apprenants. Pour neutraliser un éventuel effet lié au niveau d’expertise des
tuteurs, les groupes ont été répartis de manière équilibrée entre les tuteurs, donnant à chaque
tuteur la responsabilité d’encadrer deux équipes de chaque groupe.
Si ce type de plan nous permet d’établir une comparaison de plusieurs modalités
d’encadrement pour des sujets identiques au travers de deux activités successives, il faut
toutefois en reconnaître certaines limites. Parmi les effets que le scénario d’apprentissage peut
induire, il y a d’abord l’effet de l’exercice. Des modifications de performance, de processus
ou d’opinion peuvent être attribuées à la pratique liée aux activités elles-mêmes. La deuxième
activité peut, par exemple, être perçue par les apprenants comme étant plus facile parce qu’ils
ont pu bénéficier de la dynamique d’équipe qui s’est développée lors de la première activité.
À l’inverse, un effet de fatigue pourrait être à l’origine de moins bonnes performances à la
seconde activité. Si ces limites existent, il n’empêche que d’un point de vue pédagogique, la
séquence d’apprentissage qui conduit les apprenants à réaliser une activité de
conceptualisation (activité 1) pour ensuite réinvestir ces notions dans l’analyse d’un cas
concret (activité 2) se justifie selon des principes de progression pédagogique.
4.2. La variable expérimentale
La modalité d’encadrement des apprenants constitue la variable indépendante manipulée
du plan. Ce sont les types de médiation qui permettent de distinguer le type des interventions
selon qu’elles se déclenchent à l’initiative du tuteur (proactif) ou en réponse à une demande
d’un étudiant (réactif). Concernant les interventions proactives, elles sont mises en œuvre à
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des moments bien spécifiques du déroulement du scénario d’apprentissage et sont ciblées sur
des fonctions particulières prises en charge par le tuteur.
En accord avec Quintin (2007), qui associe le modèle proactif à une approche
constructiviste et socialisante du processus d'apprentissage, les interventions proactives sont
davantage centrées sur le processus. Les interventions réactives surviennent, quant à elles, de
manière ciblée, soit pour donner une information qualitative sur une production, l’intervention
portant alors sur le produit de l’apprentissage, soit pour réagir à une sollicitation de
l’apprenant, l’intervention se focalisant dans ce cas sur le processus.
5. Analyse des résultats
5.1. L’effet du scénario d’encadrement sur les performances des étudiants
Conscients que les effets sur l’apprentissage dans un contexte « écologique » sont bien
souvent dus à une combinaison de variables dont nous ne maîtrisons qu’une partie, notre
intérêt est de vérifier si nos variables expérimentales ont un effet sur le niveau d’apprentissage
des étudiants. En cas de réponse positive, nous aurions ainsi un indicateur mettant en évidence
un type de pratique pédagogique à développer pour améliorer le niveau des acquis des
apprenants.
Pour observer les performances des apprenants (Q1 : La modalité d’encadrement, qu’elle
soit proactive ou réactive, continue ou discontinue, a-t-elle une influence sur les
performances des apprenants ?), nous prendrons en considération les résultats obtenus au
cours des apprentissages pour les activités qui se sont déroulées selon une modalité
collaborative (tableau 1).
Groupes Activité 1
Carte conceptuelle /60 Activité 2
Etude de cas /60 Moyennes
/60
PP 34,88
(9,031) 44,38
(4,470) 39,63
(5,72)
PR 45,88
(5,719) 46,75
(6,606) 46,31
(3,52)
RP 46,38
(7,050) 45,83
(6,186) 46,10
(5,39)
RR 45,88
(6,312) 46,88
(5,987) 46,38
(3,68)
Moyennes 43,25
(8,378) 45,96
(5,670) 44,60
(5,43)
Tableau 1. Moyennes des performances en cours d’apprentissage (Notes d’équipe)
Un effet global significatif (tableau 2) met en évidence une différence entre les groupes, et
ce, pour les deux activités confondues (F(3)=3,634 ; p<0,05). Nous avons réalisé un test des
effets simples principaux de la variable « activité » aux différents niveaux des groupes
expérimentaux. Dans le tableau 1 ci-dessous, nous constatons que le groupe PP se différencie
significativement des trois autres groupes par ses résultats moins élevés (p.<0,01).
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Tableau 2. Degré de significativité des résultats au test de Bonferroni
pour les activités 1 et 2.
A priori, l’effet de la modalité d’encadrement semble donc jouer en faveur du tutorat
réactif qu’il soit appliqué de manière continue ou précédé de la modalité proactive.
Cependant, les résultats de l’analyse de l’interaction entre le mode de tutorat et l’activité
indiquent que cette différence entre les moyennes est présente pour ce groupe dans les deux
activités, mais qu’elle est surtout marquée dans l’activité 1 (tableau 1 : PP = 34,88). Sur le
plan statistique, l’interaction entre les activités et la modalité de suivi est significative (F(3) =
9,956 ; p. ,000). Par conséquent, c’est seulement lors de l’activité 1 que le groupe suivi selon
la modalité proactive (groupe PP) se démarque des trois autres groupes expérimentaux par ses
moins bonnes performances.
5.2. L’effet du scénario d’encadrement sur le processus d’apprentissage
Pour discuter de la production commune à réaliser pour chacune des deux activités, les
apprenants devaient échanger leur avis dans des forums de la plate-forme d’apprentissage.
Nous analyserons dans cette partie comment ces outils de discussion asynchrone ont été
investis en fonction de la modalité d’encadrement assurée par les tuteurs (Q2 : La
participation des apprenants aux activités est-elle différente selon le type d’encadrement
tutoral mis en œuvre ?).
Les variables dépendantes qui sont prises en considération sont, d’une part, la participation
des apprenants au forum d’équipe pour chacune des deux activités collaboratives et, d’autre
part, le temps qu’ils estiment avoir consacré pour la réalisation de ces activités.
Pour mesurer la participation au forum d’équipe, nous avons pris en considération les
messages qui relèvent de la fonction pédagogique (centrés sur la tâche) et qui ont pour
fonction soit d’initier une discussion autour de l’activité (messages initiatifs); soit de répondre
à une intervention (messages réactifs) ; soit d’évaluer une proposition émanant d’un des
membres de l’équipe (évaluatif). L’ensemble de ces messages son regroupés sous
l’abréviation IRE pour « Initiatif-Réactif-Evaluatif » empruntée aux travaux de Georges
(2003). À partir du nombre de messages IRE déposés par les apprenants, nous pouvons établir
leur « profil participatif », ce qui dans le cadre d’une activité collaborative nous paraît être un
élément à étudier avec attention.
La seconde variable est relative à l’estimation du temps que les apprenants disent avoir
consacré pour la réalisation des activités. Ne possédant pas d’informations relatives au temps
réel passé à la tâche, nous avons voulu considérer si le temps que les apprenants estiment
avoir passé aux activités collaboratives leur a semblé se différencier selon les modalités
expérimentales auxquelles ils ont été soumis.
Groupes
Moyenne des messages
Fil de discussion centré sur la tâche (IRE)
PP
14,52
(8,69)
PR 10,79
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9
(5,12)
RP
12,20
(5,84)
RR
14,85
(7,12)
Moyennes
13,09
(6,93)
Tableau 3. Moyennes des messages IRE par groupe pour chacune des deux activités
Concernant le nombre de messages IRE déposés par les apprenants (tableau 3), nous
constatons que bien que la moyenne des messages soit supérieure pour les groupes qui ont été
encadrés selon une modalité continue (PP : 14,52 et RR : 14,85) par rapport aux groupes qui
ont changé de modalité d’encadrement entre les deux activités (PR : 10,79 et RP : 12.20), ces
différences ne sont pas suffisantes pour pouvoir conclure à un effet d’encadrement (F(3) =
1,921 ; p>0.05). Le fait de proposer une modalité proactive ou réactive, de manière continue
ou alternée, n’a pas d’incidence sur le nombre de messages émis par les apprenants.
Si l’on considère les messages selon la fonction qu’ils jouent dans les échanges entre
apprenants (messages de type initiatif, réactif ou évaluatif) comme l’illustre la figure 3, nous
observons un effet d’interaction en activité 1 sur le groupe PR mais uniquement pour les
messages de type réactif (F(3)= 0,552; p. 0,000).
Figure 3. Moyenne des messages par groupe au sein de l’activité 1 « Conceptualisation »
Ainsi, ce groupe PR se distingue par un degré de participation nettement inférieur aux
autres groupes et cela, principalement, par manque de réactivité aux messages déposés par
leurs coéquipiers comparativement aux autres groupes. Concrètement, les membres des
équipes du groupe PR produisent très peu de messages en réponse à une question émise
précédemment et pour soumettre une question à leurs coéquipiers. L’effet de contraste entre
les modalités serait atténué par le fait d’avoir bénéficié d’un tutorat proactif. Le groupe PR a
commencé avec le niveau d’investissement le plus bas en activité 1 (activité 1 :11,54) et il
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maintient ce niveau en deuxième activité (activité 2 : 10,04). A l’inverse, le RP qui est lui
aussi soumis à un encadrement contrasté se démarque des autres groupes par un
investissement lui aussi moins important (mais non significatif) en activité 2 (activité 2 : 7,66)
alors qu’il manifestait en activité 1 un niveau de participation élevé (16,75).
Le test de l’ANOVA réalisée à partir du temps estimé par les apprenants confirme qu’il
n’existe pas d’effet de la modalité d’encadrement (F(3)=1,518; p. ,215). Néanmoins, comme
l’indique le graphique ci-dessus (Fig. 4), des effets d’interaction apparaissent entre les
groupes ayant bénéficié d’une modalité d’encadrement continue (PP et RR) et entre les
groupes encadrés par un tutorat contrasté (PR et RP).
Figure 4. Évolution du nombre d’heures par groupe de l’activité 1 à l’activité 2
5.3. L’effet du scénario d’encadrement sur l’opinion des apprenants
Pour apprécier l’opinion des étudiants, un questionnaire individuel leur a été soumis après
la réalisation de chacune des deux activités collaboratives. Ces deux questionnaires
contiennent des items identiques (à l’exception d’un seul qui n’a de sens que pour l’activité 1
lors de laquelle un logiciel est utilisé pour réaliser des cartes conceptuelles) ce qui nous
permettra d’étudier l’évolution des avis d’une activité à l’autre. Les items sont répartis en
différentes catégories qui traitent des informations générales relatives à l’appréciation des
activités et aux difficultés rencontrées lors de celles-ci (Q01 à Q09 et Q20 et Q21) ; au travail
collaboratif (Q10 à Q12) ; à la manière dont le tutorat a été apprécié (Q13 à Q18) et à l’outil
de communication (le forum) (Q19).
Pour répondre à la question relative aux effets du scénario d’encadrement (Q 3 : Les
apprenants qui bénéficient d’un tutorat proactif ont-ils une meilleure opinion vis-à-vis des
travaux pratiques que ceux qui ont bénéficié d’un tutorat réactif ?), nous allons considérer les
résultats au test de Kruskal-Wallis qui nous permettront pour chacune des deux activités de
déterminer si l’opinion des apprenants se différencie selon que le tutorat mis en oeuvre est
proactif ou réactif.
Dans le tableau 4 ci-dessous, nous trouvons pour chacune des deux activités (1 et 2), les
valeurs des rangs au test U de Mann-Whitney qui permettent de différencier pour chacun des
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items les opinions des apprenants qui ont bénéficié soit d’un tutorat proactif, soit d’un tutorat
réactif. La valeur du Z et son degré de significativité nous permettent de déterminer si les
différences observées entre les modalités proactive et réactive sont significatives. Dans le
tableau en blanc sur fond noir, les valeurs (<45) sont plutôt positionnées sur la partie gauche
de l’échelle (catégories les moins favorables), en noir sur fond gris, les valeurs (>55) sont
plutôt positionnées sur la partie droite de l’échelle (catégories les plus favorables), en noir sur
fond blanc, les valeurs (45<=n<=55) se situent davantage sur la partie médiane de l’échelle.
Tableau 4.Valeurs des rangs au test U de Mann-Whitney, valeur du Z et degré de
significativité pour les items relatifs aux activités 1 et 2.
Nous constatons qu’un seul item met en évidence une différence significative entre les
apprenants qui bénéficient d’un tutorat proactif et ceux qui bénéficient d’un tutorat réactif. Il
s’agit de l’appréciation par les apprenants de la quantité d’interventions dont ils ont bénéficié
de la part de leur tuteur. Notons que cette différence significative s’observe pour les deux
activités (activité 1 : Z=-3,440 Sign à 0,001 et activité 2 : Z=-3,530 Sign à 0,000).
Les valeurs des rangs dans le tableau 6.9 ci-dessus montrent que la tendance des opinions
relatives à cet aspect du tutorat va dans le sens d’une quantité plus importante d’interventions
du tuteur perçues par les apprenants qui bénéficient d’un tutorat proactif (pour l’activité 1 :
56,91 (proactif) et 40,09 (réactif) et pour l’activité 2 : 57,35 (proactif) et 39,65 (réactif)).
Quelle que soit l’activité, les apprenants qui ont bénéficié d’un tutorat proactif perçoivent que
le tuteur est intervenu de manière plus fréquente par rapport aux apprenants qui ont bénéficié
d’un tutorat réactif. Cette constatation met en avant le fait que les apprenants ont correctement
ressenti les modalités spécifiques d’intervention des tuteurs.
6. Conclusion
Le scénario d’encadrement proposé dans cette recherche se caractérise par un tutorat
proactif ou réactif selon que les interventions du tuteur anticipent ou répondent à une
Develotte C., Mangenot F., Nissen E. (2009, coord.) Actes du colloque Epal 2009 (Echanger pour apprendre en ligne :
conception, instrumentation, interactions, multimodalité), université Stendhal - Grenoble 3, 5-7 juin 2009.
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demande de la part des apprenants. Alors que de nombreux auteurs s’accordent à dire que la
qualité du tutorat constitue une variable déterminante de l'efficacité d'un dispositif de
formation à distance (Lebel & Michaud, 1989 ; Bertrand & al., 1994 ; Depover & al., 1998 ;
Desmarais, 2000 repris par De Lièvre & al., 2006) et, a fortiori, que la modalité tutorale
proactive a une influence sur le nombre d’interventions élaborées par les étudiants (Burges,
1991 cité par De Lièvre & al., 2006; Bernatchez & Marchand, 2005), nos résultats ne
permettent pas de mettre en avant les bénéfices d’apprentissage liés à la mise en œuvre d’une
modalité particulière de tutorat. En effet, le tutorat proactif tel qu’il est proposé dans le cadre
de cette recherche ne se différencie pas de la modalité réactive, si ce n’est par le fait que les
apprenants ont effectivement perçu une différence quant au nombre de messages que les
tuteurs leur ont délivrés selon la condition expérimentale qui leur avait été assignée. Ces
résultats nous incitent à penser que la modalité proactive, telle que nous l’avons appliquée, ne
se distingue pas suffisamment de son correspondant réactif pour induire un effet significatif
de la modalité de tutorat. Ceci rejoint les résultats de plusieurs recherches qui tendent à
montrer que ce n’est pas le nombre d’interactions qui influence les performances, mais plutôt
la nature de celles-ci (Webb 1985, Cohen, 1995 cités par Gillies & Ashman, 2003, Quintin,
2007).
Si la modalité d’encadrement ne semble pas intervenir sur les apprentissages, les
observations faites sur les performances et les processus pour la première activité ont mis en
exergue de fortes divergences entre les groupes PP et PR alors qu’ils étaient placés dans les
mêmes conditions de tutorat. Cette variance intragroupe pourrait être liée à des
caractéristiques individuelles. A ce niveau, nous rejoignons les conclusions de Quintin (2005)
en formulant l’hypothèse que la prise en compte de cette variabilité à l’entame des travaux
pratiques permettrait de mieux cerner la portée réelle du traitement expérimental. En effet, les
analyses corrélationnelles réalisées par Decamps (2008), François (2008) et Cambier (2008),
ont montré que les profils des étudiants qui ont été établis à partir du questionnaire sur les
styles d’apprentissage de Grasha (2002) avant que la formation ne commence, se révèlent très
prédictifs des comportements observés en cours de formation (pour les styles « participant »
et « fuyant »), voire de leurs performances au terme de la formation (pour le style « fuyant »).
Il semblerait donc approprié d’adapter le type d’encadrement au style de l’apprenant en
agissant à la fois sur la modalité pédagogique et sur les outils mis à disposition dans le
dispositif de formation. Au niveau du dispositif technicopédagogique, une approche
intéressante consisterait à faire correspondre les ressources offertes par les technologies de
l’information et de la communication aux besoins des apprenants en mettant, par exemple, à
disposition des outils d’awareness permettant aux apprenants et aux tuteurs de prendre la
mesure de leur niveau d’activité par rapport aux autres apprenants (Temperman & al., 2007).
Concernant la modalité pédagogique, l’attitude proactive du tuteur devrait être mieux ciblée
en fonction du style de l’apprenant de sorte que le tuteur puisse devancer les difficultés que
certains apprenants sont susceptibles de rencontrer, et en y répondant, de réduire les
perturbations qui pourraient y être associées au sein du groupe. Nous envisageons aussi de
poursuivre nos travaux en étudiant l’impact du style d’apprentissage sur le groupe de pairs de
manière à former des équipes modérément hétérogènes et de promouvoir ainsi le
développement des interactions entre apprenants (Doise & Mugny, 1984 ; Webb 1991).
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Notice biographique
Sandrine Decamps : Assistante au département des Sciences et de la Technologie de
l’Education (DESTE) de l’Université de Mons. Elle réalise une thèse de doctorat qui a pour
objectif de modéliser les interactions collaboratives des apprenants investis dans un dispositif
de formation à distance en fonction de leurs caractéristiques personnelles. Mél. :
Sandrine.decamps@umh.ac.be
Christian Depover : Professeur à l'Université de Mons-Hainaut (Belgique), il enseigne
également à l'Université libre de Bruxelles. Il anime un centre de recherche et de
développement consacré aux usages des technologies en éducation et au E-learning (Unité de
Technologie de l'Éducation). Il partage son temps entre l'enseignement, la recherche et la
consultation auprès d'organisations internationales. Mél. : christian.depover@umh.ac.be
Bruno De Lièvre : Chargé de cours à l'Université de Mons-Hainaut (Belgique), il dirige le
service des média et des médias éducatifs. Mél. : bruno.delievre@umh.ac.be