June 2015
·
33 Reads
La Revue de Médecine Interne
Introduction La chondrocalcinose articulaire diffuse correspond à une calcification des cartilages et fibro-cartilages, en rapport avec des dépôts de cristaux de pyrophosphates de calcium dihydraté. Elle atteint les deux sexes et devient très fréquente après 70 ans avec plus de 30 % des patients atteints par une forme latente. Le tableau clinique classique correspond à la monoarthrite aiguë d’allure goutteuse, préférentiellement du genou. Parfois, la présentation clinique peut s’avérer plus trompeuse comme l’atteste cette observation. Observation Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 90 ans, suivi en médecine interne pour une pemphigoïde bulleuse sous dermocorticoides et méthotrexate 15 mg/semaine. Il présentait pour autres antécédents notables, une ACFA sous AVK, une amputation du tiers fémoral inférieure gauche traumatique sur AVP. Le patient décrivait depuis quelques mois des arthralgies d’horaire inflammatoire des MCP, des IPP et des épaules avec une impotence fonctionnelle relative. Il n’existait aucun signe évocateur d’une vascularite de Horton. Le bilan biologique retrouvait un syndrome inflammatoire franc avec une CRP à 150 mg/mL, une hyperleucocytose à polynucléaires, modérée. Il n’existait pas de trouble ionique, notamment, la calcémie, la calciurie, la kaliémie et la magnésémie étaient normales. L’uricémie était normale. Le bilan microbiologique était non contributif. Le facteur rhumatoïde était fortement positif et les AC anti-CCP étaient négatifs. Le reste du bilan auto-immun était négatif, il n’existait pas de cryoglobulinémie. Le bilan radiologique retrouvait deux géodes des P3 et P2 de la main droite ainsi qu’un liséré calcique intra-articulaire et une calcification des ligaments triangulaires du carpe. L’échographie articulaire objectivait des synovites doppler + des MCP avec des dépôts intra-articulaires très évocateurs de microcristaux. Devant l’absence de synovite clinique, une ponction articulaire diagnostique n’avait pu être réalisée. Le diagnostic retenu était celui d’une poussée diffuse de chondrocalcinose articulaire survenant sur une authentique polyarthrite rhumatoïde. Le patiente était traité par Cortancyl 8 mg/j et Colchicine 1 mg/j. Deux semaines plus tard, il présentait progressivement des chutes répétées avec dérobement des membres et faiblesse généralisée. L’examen clinique objectivait un syndrome tétra-pyramidal. Un scanner du rachis cervical était alors réalisé portant le diagnostic de compression médullaire cervicale en C1/C2 sur panus inflammatoire et syndrome de la dent couronnée. Le patient était alors immobilisé par un collier cervical et traité par une corticothérapie systémique 1 mg/kg/j. L’évolution était très lentement favorable après 15 jours de traitement, la corticothérapie était diminuée à 8 mg par jour, tandis que le méthotrexate était poursuivi. Les diagnostics d’hémochromatose, d’hyperparathyroïdie primaire et de maladie de Wilson étaient éliminés. Discussion Le syndrome de la dent couronné est une complication rare de la chondrocalcinose, atteignant préférentiellement les femmes, après 75 ans dans 61 % des cas. La triade clinique associe une cervicalgie avec raideur de nuque, une céphalée et de la fièvre. Le plus souvent il existe un syndrome inflammatoire marqué. Le diagnostic de certitude repose sur le scanner du rachis cervical mettant en évidence une calcification arciforme du ligament transverse d’atlas. Cet aspect traduit dans 80 % des cas des dépôts de pyrophosphates de calcium. L’évolution est le plus souvent favorable, sans séquelle. Il existe un risque de complication non négligeable avec une évolution vers une érosion, un spondylolisthésis, une subluxation de C1/C2, avec de rares compressions médullaires rapportées. La difficulté de la prise en charge repose sur les nombreux diagnostics différentiels évoqués devant la triade classique, et les examens parfois invasifs réalisés. Une authentique polyarthrite rhumatoïde est parfois associée. L’évolution est souvent favorable en 2 semaines sous traitement par Colchicine et corticothérapie à faible dose. Les AINS sont efficaces mais leur utilisation est limitée par les comorbidités des patients atteints. L’utilisation des anti-IL1 R est rapportée par certaines équipes, sur des poussées généralisées et très inflammatoires, avec une grande efficacité. Conclusion La triade clinique cervicalgie postérieure, céphalée et fièvre chez un sujet âgé, aux antécédents de rhumatisme microcristallin doit faire évoquer le diagnostic de poussée de chondrocalcinose articulaire atlo-axoïdienne ou syndrome de la dent couronnée. Certaines formes particulièrement inflammatoires peuvent se compliquer d’une compression médullaire non chirurgicale.