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[Transference focused psychotherapy and reflective functioning]

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Abstract

Reflective functioning is a relatively new concept which broadly speaking, refers to the capacity to interpret human behaviours and interpersonal reactions in terms of underlying intentions and mental state motivations. This capacity is particularly important in the regulation of affects and the management of challenging interpersonal relations. In comparison to dialectical behavioural therapy (DBT) and supportive therapies, transference focused psychotherapy (TFP) has been shown to have unique advantages in terms of producing improvements in RF of borderline patients. In the present article, we propose a developmental perspective for understanding how TFP produces these changes in RF. Using this perspective, we identify a number of therapeutic mechanisms through which TFP facilitate the development of RF and specifically transference interpretations.
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Article
«La psychothérapie focalisée sur le transfert (TFP) et le fonctionnement réflexif
1
»
Karin Ensink et Lina Normandin
Santé mentale au Québec
, vol. 32, n° 1, 2007, p. 75-92.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
URI: http://id.erudit.org/iderudit/016510ar
DOI: 10.7202/016510ar
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La psychothérapie focalisée
sur le transfert (TFP) et le
fonctionnement réflexif
1
Karin Ensink*
Lina Normandin**
Le fonctionnement réflexif (FR) est un concept relativement nouveau et renvoie à la capacité
d’un individu d’interpréter les comportements humains et les réactions interpersonnelles en
termes d’intentions sous-jacentes et d’états mentaux. Il est particulièrement important dans le
processus de régulation des affects et de la gestion des relations interpersonnelles difficiles.
Comparativement à la thérapie comportementale dialectique (DBT) et les thérapies de sou tien,
la thérapie focalisée sur le transfert (TFP) a l’unique avantage de produire des change ments
au niveau du FR des patients limites. Dans le présent article, nous adoptons une pers pective
développementale pour expliquer les changements au niveau du FR induit par la TFP. Nous
proposons un certain nombre de mécanismes d’action thérapeutiques par lesquels la TFP
agirait chez des patients limites et plus particulièrement dans l’interprétation du transfert..
C
omparativement à la thérapie dialectique du comportement (DBT,
Linehan, 1993) et aux thérapies de soutien, la thérapie focalisée sur le
transfert (TFP, Transference Focused Psychotherapy: Clarkin, et al. (2006)
aurait un avantage unique sur les précédentes en augmentant le niveau de
fonctionnement réflexif (FR) de patients présentant une organisation limite
de la personnalité (Gabbard, 2006; Høglend et al., 2006). En termes géné -
raux, le FR est un concept introduit par Fonagy et al. (1991), pour exprimer
la capacité d’un individu à interpréter les com por tements humains et les
réactions interpersonnelles en termes d’intentions sous-jacentes de
motivations et d’états mentaux. Cepen dant, bien qu’il suscite un vif intérêt,
le FR demeure un concept nouveau et encore assez peu connu. Il est trop
tôt pour apprécier ce qu’un changement significatif au niveau du FR peut
signifier pour les patients et par quels mécanismes il peut être induit.
Dans cet article, nous présentons les assises théoriques du concept
de FR en s’attardant à son développement. Cette perspective
Santé mentale au Québec, 2007, XXXII, 1, 75-92 75
* Ph.D., Professeure adjointe, École de psychologie, Université Laval.
** Ph.D., Professeure titulaire, École de psychologie, Université Laval.
Avec la collaboration de Julie Maheux, M.Ps., Étudiante au doctorat, Université Laval.
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développementale servira par la suite de cadre pour expliquer les chan -
gements de niveau du fonctionnement réflexif notés chez des patients
limites ayant été traités par le biais de la TFP. Cette démarche permettra
ultimement de proposer un certain nombre de mécanismes d’action
thérapeutique par lesquels la TFP agirait chez des patients limites.
Développement du fonctionnement réflexif
Fonagy et al. (1991) considèrent que le fonctionnement réflexif est
une habileté qui se développe dans un contexte essentiellement
relationnel et que ses fondements suivent une trajectoire développe -
mentale précise prenant leur origine dans la petite enfance. Ils identifient
quatre processus centraux d’interactions parent-enfant participant au
développement du FR chez l’enfant. Le premier processus implique
l’attitude du parent par rapport aux intentions de l’enfant. Le second
réfère aux interactions où le parent identifie, marque et reflète les affects
de l’enfant
2
. Le troisième découle du jeu de l’enfant et de la possibilité
de jouer avec la réalité. Le quatrième processus comprend la discussion
entre le parent et l’enfant en termes d’états mentaux. La nature de
chacun de ces processus et leur contribution au développement du FR
sont présentés ci-dessous.
Attitude du parent à l’égard des intentions de l’enfant
Fonagy et Target (2003) considèrent que la tendance du parent à
traiter son enfant comme un être ayant des états mentaux, et que le fait
d’être sensible aux premiers signes d’intentionnalité chez lui jouent un
rôle fondamental dans l’émergence de l’habileté de l’enfant à se
considérer lui-même en termes d’états mentaux et d’intentions. En déve -
loppant cette capacité, l’enfant apprend à considérer ses comportements
comme étant reliés à des motivations internes. Fonagy et Target (2003)
ajoutent aussi que le parent qui considère l’enfant comme étant moti
par des états mentaux, réagit aux comportements de ce dernier comme
une communication intentionnelle. Par exemple, la mère peut dire à son
enfant qui pleure : « Veux-tu que je change ta couche ?» ou encore
« Veux-tu un câlin? ». Par conséquent, la mère qui inconsciemment et
régulièrement attribue des états mentaux à son enfant, est plus encline à
lui répondre comme si son comportement était une tentative de
communication. Ainsi, l’enfant apprend progressivement à se percevoir
comme une personne ayant des motivations internes et il associe ses
comportements à des états mentaux sous-jacents.
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Marquage et reflet des affects
Fonagy et Target (2003) mentionnent qu’entre la naissance et le
cin quième mois, le marquage et le reflet des affects constituent des
méca nismes intersubjectifs centraux dans le développement de la repré -
sentation et de la régulation des affects chez l’enfant. Fonagy et Target
(2003) postulent que l’enfant parvient à reconnaître ce qu’il ressent à
partir de ce que le parent lui reflète à propos de ses affects. Toutefois,
pour que le reflet des affects puisse servir de base au développement
d’un système de représentations, le parent doit pouvoir différencier ses
affects de ceux de l’enfant tout en lui signifiant clairement qu’il ne les
éprouve pas réellement lui-même au même moment. Par exemple, si le
parent éprouve lui-même la détresse qu’il reflète à l’enfant, il risque de
provoquer une escalade de la détresse plutôt qu’un apaisement et un
sentiment d’être contenu. Fonagy et Target (2003) relèvent qu’au lieu de
simplement refléter l’affect brut, le parent va naturellement marquer
l’émotion, comme la peur ou la colère par exemple, par un sourcillement
interrogateur qui vise à communiquer clairement à l’enfant que le parent
ne ressent pas lui-même l’anxiété, la peur ou la colère. Cet élément
rappelle par ailleurs que la réflexion de l’affect ne devrait pas être ni trop
similaire ni trop éloignée de celui de l’enfant. Ainsi, l’expression faciale
du parent, dans laquelle se mêle l’affect incompatible du parent (par
exemple, étonnement et intérêt) à celui exprimé par l’enfant, permettra
à ce dernier de réaliser que son émotion est analogue à la réalité, mais
qu’elle n’y est pas totalement identique. De plus, une telle manière de
refléter les affects sera plus susceptible de calmer l’enfant, soit en
l’aidant à se construire des représentations d’affects contenus plutôt
qu’excessifs, soit en ajustant subtilement son état émotionnel en
reproduisant l’expression faciale du parent.
Fonagy et Target (2003) prétendent que le fait que des parents ne
parviennent pas à accueillir et à refléter l’affect de l’enfant de cette
façon, ou pire encore, qu’ils répondent à l’enfant par des affects systé -
ma tiquement sans lien avec celui exprimé, réduirait les capacités de
l’enfant à reconnaître ses propres réactions émotionnelles. Ultimement,
cette difficulté pourrait conduire à des problèmes fondamentaux
d’organisation et de compréhension de soi. Au pire, cette difficulté pour -
rait contribuer au développement d’un soi étranger (alien self) où
l’enfant s’attribue des affects négatifs et des qualités qui appartiennent
au parent. Fonagy et Target (1997) postulent que la partie du soi qui lui
est étrangère serait gérée par des mécanismes d’externalisation et de
projection, ce qui procurerait temporairement un soulagement à l’im -
pression que quelqu’un d’autre l’a envahi et que le soi est incohérent.
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Fonagy and Target (1997) identifient trois types d’échecs spé -
cifiques dans le processus de marquage et de reflet de l’affect qui entraî -
neraient des troubles de la personnalité. Le premier type surviendrait
lorsque les affects de l’enfant déclenchent des sentiments désagréables
ou de la peur chez le parent qui devient alors submergé par sa propre
détresse. L’enfant est donc confronté aux affects réels du parent comme
la rage, l’anxiété, la peur ou la détresse plutôt qu’à l’aspect contenant du
reflet des affects. L’enfant développe alors la perception que son
expérience interne est aussi externe, déclenchant de l’effroi et contri -
buant à une escalade d’affects. Cette situation peut aussi être considérée
comme un obstacle au développement de la repré sentation secondaire de
l’affect et au développement du sens des limites entre soi et l’autre. Le
deuxième type d’échec, à la base vraisem blable ment du trouble de la
personnalité narcissique, surviendrait lorsque les émotions de l’enfant
sont systématiquement incomprises par le parent. Ainsi, l’émotion qui
est reflétée par le parent n’est pas harmonisée avec celle de l’enfant, ce
qui résulte en une mauvaise représentation secondaire de l’état
émotionnel primaire ne procurant ainsi aucune base solide à la repré -
sentation de soi. Un troisième type d’échec est attribué aux mères pré -
sentant un attachement évitant. Elles auraient tendance à nier les affects
de l’enfant et par conséquent se refuseraient à jouer le rôle central de
miroir aux affects de l’enfant.
Jeu avec la réalité
Fonagy et Target (1996) soulignent que le jeu de fantaisie avec les
parents joue un rôle important dans le développement des fonctions
réflexives. En plus de produire des opportunités importantes pour
expérimenter différents rôles et imaginer ce que les autres personnages
peuvent penser et ressentir, le jeu de fantaisie permet également de
découvrir les aspects clé de la réalité psychique.
Ils proposent qu’au début le tout jeune enfant fonctionne essen -
tielle ment selon un mode d’équivalence psychique (psychic equiva -
lence). Dans ce mode, l’idée qu’il y ait un monstre caché sous le lit est
considérée comme nécessairement vraie car ses idées sont, à ses yeux,
des répliques exactes de la réalité. Ainsi, l’enfant agit comme s’il y avait
effectivement un monstre sous le lit jusqu’à ce qu’il acquière la cons -
cience que ce qui est imaginé et ce qui est réel ne sont pas néces -
sairement équivalents. Dans cette dernière phase, l’enfant tendra à être
plus réaliste, mais fera tout de même correspondre ses croyances à la
réalité externe et aux apparences. C’est ainsi qu’il soutiendra qu’une
éponge peinte en forme de caillou est en fait un véritable caillou. Cette
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absence de frontières entre l’expérience interne et la réalité externe fait
en sorte que la réalité interne peut déborder et affecter la perception de
la réalité externe tout comme, à l’inverse, la réalité externe peut s’im -
poser à la réalité interne. L’enfant demeure donc très influençable car
dépourvu de processus mentaux pouvant lui permettre de maîtriser
l’impact de l’expérience interne ou celui de la réalité externe.
Fonagy et Target (1996) proposent, qu’à travers le jeu, l’enfant se
développe un second mode, soit celui du «faire semblant » (pretend
mode), où l’enfant découvre l’aspect représentationnel des pensées. La
nature même du jeu et du « faire semblant » est d’aider l’enfant à se
libérer de l’emprise de la réalité externe et de créer un contexte dans
lequel l’enfant peut symboliser des pensées. Lorsque l’enfant voit son
parent, ou l’ami qui joue avec lui,« faire semblant » ou «faire comme
si » en réponse à une attitude intentionnelle de sa part et qu’il voit ainsi
ses pensées et ses expériences représentées en dehors de lui-même, il a
alors la possibilité de découvrir que ses pensées et ses expériences ne
sont pas « toujours réelles», et par conséquent il découvre la nature
représentative et symbolique de la pensée. À travers l’expérience répétée
de voir ses pensées et fantaisies reflétées d’une façon reconnaissable et
acceptable, l’enfant développe un mode réflexif de fonctionnement dans
lequel les états mentaux peuvent être reconnus comme des
représentations.
Fonagy et Target (1996) suggèrent que le mode de l’«équivalence
psychique » et le mode du «faire semblant » deviennent de plus en plus
intégrés dans ce qu’ils appellent un mode « réflexif de la réalité
psychique », lequel s’établit entre l’âge de quatre et cinq ans. Il s’agit
d’une étape majeure dans le développement des capacités de mentalisa -
tion de l’enfant à travers laquelle l’enfant peut acquérir un peu de
contrôle et de maîtrise sur son expérience interne et sur la réalité, ce qui
facilite par conséquent l’autorégulation.
Discussion entre le parent et l’enfant en termes d’états mentaux
Fonagy et al. (1991) offrent plusieurs appuis empiriques à la
nécessité de discuter des sentiments avec l’enfant et d’en expliquer les
causes. De plus, Dunn et al. (1991) démontrent que l’exposition à de
telles discussions prédit les capacités de compréhension des émotions
chez les enfants âgés de 3 ans et leur capacité d’adopter une perspective
affective à l’âge de 7 ans. Ces discussions prédiraient également leur
capacité à reconnaître des expressions affectives et à comprendre des
situations chargées émotionnellement (Denham et Grout, 1992 ;
Shipman et Zeman, 1999). Par ailleurs, l’emphase doit être placée non
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pas uniquement sur l’expression des émotions mais également, et peut-
être davantage, sur la recherche des causes sous-jacentes à l’expression
de l’émotion (Garner et al., 1997). Ces discussions contribuent à la
création de récits cohérents qui aident l’enfant à réfléchir aux impli -
cations d’expressions émotionnelles particulières (Harris, 2000). La
façon dont le parent structure le récit s’apparente à un « échafau dage »
(scaffolding) qui permet à l’enfant de découvrir les implications psycho -
logiques des événements. Le parent qui fournit des récits riches,
comprenant de nombreux détails portant sur des événements passés en
plus de comporter des qualificatifs précis, des marqueurs d’intérêt ou
des significations émotionnelles procure à l’enfant des opportunités
d’acquérir des scénario variés et élaborés au sujet des causes et des
conséquences d’événements émotionnels. Il apprend ainsi à organiser
les événements dans une structure narrative.
En général, les réactions émotionnelles positives du parent en
réponse à l’expression affective de l’enfant, comme par exemple réagir
par un sourire devant une expression de joie, demeurer calme devant une
expression de colère ou exprimer de la tendresse en réaction à la tristesse
de l’enfant, prédisent le développement de la compréhension émo -
tionnelle (Denham et al., 1994). Par ailleurs, le partage avec l’enfant des
émotions ressenties par le parent dans un contexte où il doit faire la
discipline (comme par exemple lorsqu’il explique les raisons pour
lesquelles il est bouleversé par la réaction de l’enfant) facilite le
développement de la compréhension émotionnelle (Hoffman, 1994).
Cette pratique susciterait chez l’enfant des compréhensions affective -
ment chargées («hot cognitions »), rendant ainsi le terrain fertile au
développement émotionnel (Denham, 1998). Nous comprendrons plus
loin l’importance de cette donnée développementale dans la com -
préhension de l’efficacité de la TFP sur le développement du FR.
Dans la prochaine section, 1) nous apportons un cadre explicatif
des changements de FR rapportés chez des patients limites ayant
été traités par le biais de la TFP en empruntant la perspective déve -
loppementale présentée précédemment et en identifiant certains
mécanismes d’action de la TFP dont le transfert serait le mécanisme clé
dans le développement du FR; 2) nous présentons certaines données de
recherche qui viennent appuyer l’emploi d’interprétations transfé -
rentielles dans la TFP à l’opposé de la position de Fonagy qui en
déconseille l’emploi dans le traitement de patients limites et finalement;
3) nous exposons les raisons pour lesquelles nous croyons que la TFP
est supérieure au DBT (Linehan, 1993) pour développer le fonc -
tionnement réflexif de patients limites et ce même si cette dernière
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thérapie vise explicitement la pleine conscience de l’esprit («mindful -
ness »).
Cadre explicatif de l’impact de la thérapie focalisée
sur le transfert sur le fonctionnement réflexif
Dans la section qui suit, nous identifions les mécanismes d’action
thérapeutique de la TFP qui stimulent le développement du FR. Nous
argumentons également que ces mécanismes s’apparentent aux pro -
cessus par lesquels le FR se développe dans le cours normal du dévelop -
pement. Notamment, nous étayons l’idée que le travail du transfert
permet de développer le FR interpersonnel, notion référant à la capacité
à comprendre les relations en termes d’états mentaux et à utiliser cette
compréhension dans des contextes interpersonnels.
Premier mécanisme d’action thérapeutique
Le patient limite a surtout tendance à réagir et à externaliser ses
conflits plutôt qu’à considérer les motivations internes de ses
comportements. Le premier mécanisme d’action thérapeutique propre à
la TFP se repère dans les efforts du thérapeute pour activer chez le
patient un cadre de référence intentionnel, et à encourager un change -
ment de paradigme notamment d’un état d’esprit centré sur le comporte -
ment vers celui de la mentalisation.
Dès le début du traitement TFP, l’établissement d’un contrat pour
contenir les agissements destructeurs du patient introduit clairement la
notion que le travail portera sur autre chose que sur des comportements
de contrôle. Bien que le patient soit initialement surpris, choqué,
incrédule voire fâché face au refus inattendu du thérapeute à s’engager
dans ce qu’il considère être le problème central, le patient commence
progressivement à explorer des alternatives à ses passages à l’acte et
prend en considération ses motivations internes, ses pensées ou ses
sentiments sous-jacents à ses comportements. En outre, la calme
insistance du thérapeute à l’effet d’engager la thérapie uniquement si le
patient accepte de cesser ses tentatives de suicide, ou encore qu’il
consente à se présenter à l’urgence d’un hôpital s’il est incapable de
contrôler ses impulsions suicidaires, voire même qu’il envisage que la
thérapie soit suspendue tant qu’il ne parviendra pas à contrôler ces
impulsions, permet de maintenir la thérapie en dehors du contrôle
omnipotent que symbolisent souvent les comportements suicidaires du
patient. En effet, le thérapeute explique au patient que s’il est sans cesse
préoccupé par le risque suicidaire ou qu’il doive jouer un rôle actif dans
la gestion des crises suicidaires, il n’aura plus les conditions nécessaires
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pour faire le travail thérapeutique. De la même façon, la condition
essentielle pour le patient présentant un problème d’abus de substances
est d’assister à des rencontres des AA ou qu’il s’engage dans un pro -
gramme de désintoxication. Ces conditions envoient ici encore
clairement le message que le travail thérapeutique porte sur autre chose
que le contrôle des comportements.
Plus tard dans le traitement TFP, les efforts répétés du thérapeute
pour proposer des hypothèses quant à la signification des comporte -
ments du patient en termes d’états mentaux, de sentiments ou de désirs,
visent ultimement à stimuler la curiosité du patient à l’égard des liens
possibles entre ses comportements et ses états mentaux internes. Tout
comme l’enfant, dans le modèle de Fonagy, apprend à concevoir ses
comportements en termes d’états mentaux parce que le parent suggère
des interprétations aux différentes réactions de l’enfant en termes
d’intentions, de désirs ou de sentiments et ce bien avant que l’enfant ne
soit capable de le faire par lui-même, le patient progresse graduellement
d’un paradigme comportemental à celui d’états mentaux en apprenant à
réfléchir sur les motivations internes de ses comportements.
Le deuxième mécanisme d’action thérapeutique
L’identification et la clarification répétées des affects du patient, et
plus particulièrement lorsqu’il y a des contradictions entre les affects et
le discours, constituent le deuxième mécanisme d’action thérapeutique
de la TFP. Ce mécanisme facilite le développement de ce que nous
appelons le noyau du fonctionnement réflexif sur soi (core self reflexive
function). Il s’apparente au processus de marquage et de réflexion des
affects, décrit plus tôt, et que Fonagy et al. (2002) considèrent central
dans l’établissement de la notion de soi. Ce mécanisme contribue
également à la prise de conscience des états affectifs fondamentaux et
au développement d’un vocabulaire de base sur les états mentaux qui,
bien que pouvant paraître très élémentaire, n’en constitue pas moins la
première étape pour aborder les perturbations identitaires caractérisant
le trouble limite de la personnalité.
L’importance des efforts de clarification du thérapeute TFP pour
aider le patient à reconnaître ses affects et à développer un discours sur
lui-même en termes d’états mentaux est souvent sous-estimé, et certains
thérapeutes considèrent ce travail inférieur au travail interprétatif.
Néanmoins, lorsque le thérapeute persévère et aide, par exemple, des
patients silencieux, souvent narcissiques, à élaborer le contenu de leur
monde émotionnel, le noyau du fonctionnement réflexif sur soi se
développe souvent de façon drastique.
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Le troisième mécanisme d’action thérapeutique
Même si cela peut sembler surprenant de suggérer que le jeu
puisse être un important mécanisme d’action thérapeutique, nous
croyons qu’il est nécessaire de relever cet aspect car il est trop souvent
ignoré du travail thérapeutique avec les patients limites. En termes de
FR, le thérapeute aide le patient à « jouer avec la réalité» au sens de
Fonagy et Target (1996). En outre, le jeu permet que la perception des
situations et des événements puisse être radicalement différente seule -
ment parce que nous avons changé de perspectives, ou encore puisse
radicalement changer au fil du temps parce que nous avons pris une
distance émotionnelle ou physique par rapport aux situations trauma -
tisantes, tristes ou bouleversantes.
Notre analyse de séances de TFP du groupe de thérapeutes de New
York nous a permis de constater que ceux qui obtiennent les meilleurs
résultats psychothérapiques, même auprès de patients exceptionnelle -
ment difficiles, possèdent une «attitude enjouée au service du patient ».
Ces thérapeutes ont la capacité de dramatiser et de décrire de façon très
vivide les relations d’objet qui apparaissent à la surface des interactions
entre le patient et le thérapeute en plus d’une habilité à ressentir de
l’affection envers le patient, à s’attacher à lui et à démontrer du plaisir
et de la curiosité à explorer ses réactions. Ils présentent aussi la capacité
de demeurer désinvolte et décontracté lorsqu’ils invitent le patient à
explorer le sens de réactions souvent menaçantes pour le thérapeute.
L’impact de cette attitude peut être compris de plusieurs façons. La
réaction inattendue, enjouée et positive du thérapeute aide à briser le
patron habituel de réactions chez le patient qui devient alors conscient
des schémas négatifs coutumiers qui ne peuvent plus être joués comme
à l’habitude, car le « partenaire de jeu» ne respecte pas les scénarios
familiers. Une autre explication proviendrait d’une récente recherche
qui porte sur les neurones en miroir (mirror neurons) et qui suggère que
les états affectifs démontrés par un membre d’une dyade évoquent, en
partie du moins, un état affectif similaire chez l’autre membre de la
dyade. Si des affects positifs et enjoués sont activés chez le patient, ils
aident possiblement à réduire l’anxiété, et par conséquent, il se crée une
fenêtre pour la réflexion où le thérapeute peut aider le patient à consi -
dérer des explications alternatives, reconnaître les réactions habituelles
et les mauvaises perceptions. Tout comme Fonagy, qui reconnaît
l’importance du jeu dans le développement de l’enfant, nous croyons
que les affects positifs du thérapeute permettent au patient limite de
constater que la réalité mentale peut sembler différente selon les lunettes
que l’on porte pour la regarder, et que les gens peuvent avoir différentes
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perspectives. Nous croyons ainsi qu’il est rassurant pour un patient
limite de découvrir que ses perceptions paranoïdes ou déformées de la
réalité sont des façons de voir la réalité, plutôt que la réalité elle-même.
Nous sommes souvent impressionnées par l’observation de patients
limites qui cherchent habituellement la confrontation, mais qui pro -
gressivement commencent à argumenter avec plus de plaisir et surtout
avec une plus grande conscience de soi.
Il est important de mentionner, avant de conclure sur ce méca -
nisme d’action thérapeutique, que nous ne suggérons pas que le jeu soit
inscrit dans le manuel de traitement ou qu’il soit enseigné aux
thérapeutes. Nous croyons plutôt qu’il est important d’encourager les
thérapeutes qui possèdent cette habileté naturelle à jouer avec la réalité,
dérivant probablement de leur personnalité ou de leurs premières expé -
riences, pour qu’ils puissent aider les patients à découvrir de nouvelles
façons de réagir ou de concevoir des réalités difficiles et extrêmes. De
plus, nous reconnaissons le haut risque que prendrait le thérapeute s’il
utilisait cette attitude au mauvais moment ou s’il adoptait le mauvais ton
émotionnel. Par conséquent, nous n’encouragerions pas un thérapeute à
utiliser ce mécanisme à moins qu’il n’ait un talent naturel et une
confiance à cet égard.
Quatrième mécanisme d’action thérapeutique
Les interprétations transférentielles constituent le quatrième
mécanisme d’action de la TFP. Elles contribuent au développement de la
capacité du patient à comprendre les relations interpersonnelles en termes
d’états mentaux et à utiliser cette compréhension dans les situations
interpersonnelles. Elles se repèrent dans les efforts répétés d’identifica -
tion, de clarification, de confrontation et d’élaboration du thérapeute face
aux changements soudains et souvent abrupts des représentations de soi et
de l’objet dans l’interrelation du patient/thérapeute.
L’enfant développe une compréhension des états mentaux
fondamentaux de lui-même et des autres à partir de la relation affective
qu’il entretient avec ses parents, dans la mesure où ceux-ci considèrent
généralement les réactions de l’enfant comme ayant leurs propres
motivations internes et interpersonnelles. De la même façon, le patient
apprend à reconnaître ses propres motivations à partir de la relation
transférentielle développée avec le thérapeute. Initialement, le parent ou
le thérapeute émettent des hypothèses sur les motivations interper -
sonnelles et internes de leur vis-à-vis qui peuvent expliquer les senti -
ments et les comportements de l’enfant ou du patient, avant même que
ceux-ci ne soient capables de le faire eux-mêmes. Le patient a ainsi de
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nombreuses opportunités pour développer un vocabulaire de base
nécessaire pour décrire, comprendre et réfléchir les réactions
personnelles. Il applique la compréhension qu’il a de ses états mentaux
à des niveaux de plus en plus sophistiqués, et il découvre les liens qui
existent entre ses réactions affectives et les processus interpersonnels en
explorant plus profondément ses réactions et ses interactions avec le
thérapeute.
Efficacité des interprétations transférentielles
L’emploi d’interprétations transférentielles a toujours été
controversée et plus particulièrement face à des patients limites (Piper et
al., 1991 ; Gabbard et al., 1994; Høglend, 2004)). À l’exception du point
de vue de Kernberg et de son équipe, la croyance veut que les inter -
prétations transférentielles soient des interventions à hauts risques
même si elle peuvent être profitables, et elles se doivent d’être formulées
par des thérapeutes de grande expérience possédant une formation
psychanalytique et efficaces auprès de patients présentant un niveau
élevé de fonctionnement psychique. C’est pourquoi, selon Gabbard et
al. (1994), les interprétations transférentielles ne sont pas recomman -
dées avec des patients limites. Les tenants de cette dernière position pré -
tendent que les interprétations transférentielles augmentent l’angoisse à
un niveau intolérable et provoquent sou vent une réaction thérapeutique
négative chez des patients limites.
En accord avec cette dernière position, Fonagy et Bateman (2004)
ont développé un traitement spécialisé pour les patients limites, lequel
traitement est basé sur la mentalisation. Ce traitement vise à corriger les
distorsions et les déficits dans le processus de mentalisation de ces
patients à partir de techniques thérapeutiques favorisant une prise de
distance cognitive pour parvenir à mieux réguler les affects. S’appuyant
sur des résultats de recherche colligés antérieurement, ils prétendent que
les interprétations transférentielles ont un impact négatif sur l’alliance
thérapeutique et sur l’engagement des patients dans la thérapie
(Bateman et Fonagy, 1999). Bien que les patients de leur étude ne
souffraient pas d’un trouble limite de la personnalité, ces résultats ont eu
pour effet de renforcer davantage l’argument contre le travail du trans -
fert avec les patients limites.
Høglend et al. (2006) ont récemment appuyé la position de
Kernberg. Utilisant des thérapeutes d’orientation psychanalytique
hautement qualifiés, possédant entre dix et 15 ans d’expérience et quatre
années d’entraînement au traitement, les auteurs ont noté que les
patients avec des relations d’objet pauvres répondaient mieux à la
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psychothérapie recourant à l’interprétation du transfert, contrairement
aux patients avec de meilleures relations d’objet qui répondent mieux au
traitement sans interprétation du transfert. La seule étude publiée à ce
jour portant sur l’impact de différents traitements sur le développement
du FR de patients limites indique que la TFP, comparativement à la DBT
et à la thérapie de soutien, serait plus efficace (Levy et al., 2006).
Notre expérience montre qu’il y a bel et bien une augmentation
temporaire de l’anxiété, particulièrement, par exemple, lorsque le
patient réalise après avoir accusé ouvertement le thérapeute d’être
volontairement dur et malhonnête, que c’est plutôt lui qui a fait preuve
de dureté et de malhonnêteté envers le thérapeute qui s’est montré plutôt
tolérant et supportant. Le patient peut se sentir temporairement confus
lorsqu’il commence à prendre conscience de sa représentation de lui-
même et qu’il réalise poser des jugements très sévères sur les autres ou
éprouver un profond désir de les exploiter. Par ailleurs, plus le patient
développe une perception véritable et complète de lui-même, plus il
commence à percevoir les autres d’une façon moins persécutrice et plus
réaliste. Lorsqu’on compare ces gains à une situation thérapeutique
apparemment plus sécuritaire par crainte de provoquer une aug -
mentation de l’anxiété chez le patient, le profit vaut bien le risque.
À un autre niveau, et pour renforcer notre position face à celle de
Fonagy qui déconseille les interprétations transférentielles avec le
patient limite, nous croyons que ce sont plutôt les interprétations
génétiques qui favorisent un haut niveau d’anxiété chez le patient et
sont, par conséquent, contre-indiquées, surtout durant la première année
du traitement. En outre, ces interprétations permettent peut-être d’éviter
l’anxiété que déclenche inévitablement l’exploration des phénomènes
interpersonnels dans un contexte relationnel, et produisent parfois une
prise de conscience intellectuelle, mais, selon notre expérience, elles ont
peu d’impact sur la régulation des affects et sur les difficultés inter -
personnelles du patient limite. Il demeure toujours aussi angoissé et
persécuté par les situations interpersonnelles. De plus, et puisque les
interprétations transférentielles tel que recommandées dans la TFP
incluent la clarification des représentations déformées de soi et des
autres, le patient expérimente rapidement le soulagement que lui
procure la prise de conscience de ses distorsions. Par exemple, le patient
prend conscience que le thérapeute n’est pas aussi menaçant dans la
réalité que dans sa représentation mentale de ce dernier. L’anxiété est
mieux contenue, une nouvelle signification peut être trouvée aux réac -
tions qui peuvent sembler bizarres ou pénibles pour le patient et éven -
tuellement, le patient en vient à découvrir que le monde extrêmement
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persécuteur dans lequel il vit est une représentation qui peut être
changée.
La thérapie focalisée sur le transfert comparée à la thérapie
dialectique du comportement
Dans cette dernière section, nous proposons certaines explications
à la supériorité démontrée de la TFP sur la DBT par rapport au déve -
loppement du FR et ce même si cette dernière cible explicitement la
pleine conscience de l’esprit (mindfulness). Nous considérons surtout la
différence entre les mécanismes d’action thérapeutique utilisés dans la
TFP et ceux prônés dans la DBT.
La DBT utilise une approche didactique où le thérapeute
encourage le patient à être plus conscient et à adopter la position
mentale d’un esprit avisé (wise mind) lorsqu’il se sent submergé par
l’affect. Lorsque le patient parvient à appliquer cette maxime, on
observe un plus grand calme et un sentiment de maîtrise de soi ainsi
qu’une meilleure capacité cognitive à analyser et à nommer les émotions
plutôt qu’à réagir impulsivement ou à être submergé par l’affect. Sans
diminuer l’importance de telles réalisations, l’impact d’une telle attitude
se fait surtout sentir au niveau des affects et des comportements et par
extension au niveau des symptômes. Nous savons par ailleurs, que
lorsque le thérapeute DBT encourage le patient à adopter un état d’esprit
avisé, il veut surtout encourager l’atteinte d’un état de tranquillité Zen
où les affects sont scrutés et le patient entraîné à ne pas y réagir. Si ce
processus réussit, on peut s’attendre à ce que l’anxiété et l’agir dimi -
nuent et donc à une amélioration de la symptomatologie. En termes de
capacité à la mentalisation, la DBT aiderait le patient à activer ses
capacités cognitives en situation de stress, à maintenir une distance
affective et à réfléchir plutôt qu’à agir. Cet objectif est très différent de
ceux de la TFP et du traitement basé sur la mentalisation en ce qui a trait
du moins au type de cognitions recherchées. Dans ces deux derniers
traitements, le type de cognitions recherchées porte sur les cognitions
sociales et interpersonnelles, contrairement aux cognitions non sociales,
détachées et de type Zen encouragées dans la DBT. Ces cognitions
interpersonnelles reposent sur l’identification, la reconnaissance et la
compréhension des affects et des réactions de soi et des autres dans les
relations interpersonnelles. Dans la DBT, on instruit le patient intellec -
tuellement, on lui conseille de pratiquer un esprit avisé en dehors des
séances de thérapie. Dans la TFP, le patient apprend de manière
expérientielle à partir de la relation immédiate avec le thérapeute à l’aide
de clarifications constantes au niveau des représentations de soi et des
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relations d’objets manifestes dans la relation. Le patient est encouragé à
considérer ses réactions en termes de perceptions du thérapeute ou en
termes de ses propres intentions, affects ou désirs. Cet accent sur la
relation et sur l’incitation à considérer la signification de ses réactions,
contribue à créer chez le patient un état d’émoi affectif (hot cognitions)
qui ressemble à celui vécu dans des relations interpersonnelles
exigeantes de la vie courante.
En somme, nous considérons que la TFP contribue au dévelop -
pement du FR chez le patient limite puisqu’elle active l’affect du patient
dans un contexte interpersonnel et l’incite à développer et à utiliser ses
cognitions interpersonnelles, dans la sécurité de la séance de thérapie.
Contrairement à la DBT, qui peut être comparée à un cours où l’on vous
enseigne à mieux skier et ce que vous devez faire si vous tombez. En TFP,
vous êtes sur les pentes de ski avec votre propre instructeur qui vous
donne une rétroaction constante sur votre façon de skier et continue à le
faire, lorsque vous ressentez de l’anxiété parce que vous prenez de la
vitesse et que les pentes deviennent soudainement plus prononcées. Dans
la TFP, et tout comme le skieur avec son instructeur, le patient apprend à
reconnaître ce qu’il fait aux moments mêmes où il tombe; à l’aide de la
rétroaction du thérapeute, il parvient à être plus conscient de lui-même et
à être en mesure de déterminer ce qu’il doit contrôler et ce qu’il doit
laisser-aller, ce qu’il doit corriger et ce qu’il doit améliorer de lui-même.
Conclusion
Dans cet article, nous avons identifié un certain nombre de méca -
nismes d’action de la TFP en calquant les processus clés à travers
lesquels le FR se développe au cours de la petite enfance. Il est clair que
nous considérons la thérapie centrée sur le transfert (TFP) en général, et
l’interprétation du transfert en particulier, comme étant centraux pour le
développement du FR chez le patient limite dans la mesure où ils
stimulent le développement des capacités d’interprétations interper -
sonnelles de ces patients, et les aide à prendre conscience des distorsions
dans leur façon de percevoir et d’être en relation avec les autres. La
valeur du travail centré sur le transfert a été établie et la complexité de
la tâche ainsi que les exigences pour le thérapeute deviennent également
beaucoup plus claires.
NOTES
1. Version française et abrégée de l’article paru dans un périodique anglais.
2. Traduction de « marked affect mirroring»
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Sante? mentale 32, 1 (PFT):Santé mentale 32, 1 (PFT) 15/10/07 16:03 Page 90
ABSTRACT
Transference focused psychotherapy and reflective functioning
Reflective functioning is a relatively new concept which broadly
speaking, refers to the capacity to interpret human behaviours and
interpersonal reactions in terms of underlying intentions and mental
state motivations. This capacity is particularly important in the
regulation of affects and the management of challenging interpersonal
relations. In comparison to dialectical behavioural therapy (DBT) and
supportive therapies, transference focused psychotherapy (TFP) has
been shown to have unique advantages in terms of producing im prove -
ments in RF of borderline patients. In the present article, we propose a
developmental perspective for understanding how TFP produces these
changes in RF. Using this perspective, we identify a number of thera -
peutic mechanisms through which TFP facilitate the development of RF
and specifically transference interpretations.
RESUMEN
La psicoterapia centrada en la transferencia (TFP)
y el funcionamiento reflexivo
El funcionamiento reflexivo (FR) es un concepto relativamente
nuevo y se refiere a la capacidad de un individuo de interpretar los
comportamientos humanos y las reacciones interpersonales en términos
de las intenciones subyacentes y los estados mentales. Es particular -
mente importante en el proceso de regulación de los afectos y la gestión
de las relaciones interpersonales difíciles. Comparativamente a la
terapia comportamental dialéctica (DBT) y las terapias de apoyo, la
terapia centrada en la transferencia (TFP) tiene la única ventaja de
producir los cambios a nivel del FR de los pacientes límite. En este
artículo, adoptamos una perspectiva de desarrollo para explicar los
cambios a nivel del FR inducido por la TFP. Proponemos un cierto
número de mecanismos de acción terapéutica por medio de los cuales la
TFP actuaría en los pacientes límite.
RESUMO
Psicoterapia focada na transferência (TFP)
e o funcionamento reflexivo
O funcionamento reflexivo (FR) é um conceito relativamente novo
e refere-se à capacidade de um indivíduo de interpretar os comporta -
mentos humanos e as reações interpessoais em termos de intenções
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subjacentes e estados mentais. Ele é particularmente importante no pro -
cesso de regulação dos afetos e da gestão das relações interpessoais
difíceis. Em comparação à terapia comportamental dialética (DBT) e as
terapias de apoio, a terapia focada na transferência (TFP) tem a única
vantagem de produzir mudanças ao nível do FR dos pacientes border -
line. No presente artigo, adotamos uma perspectiva do desenvolvimento
para explicar as mudanças ao nível do FR induzido pela TFP. Propomos
um certo número de mecanismos de ação terapêutica pelos quais a TFP
agiria nos pacientes borderline.
92 Santé mentale au Québec
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Article
Epidemiologists and psychoanalysts have been equally concerned about the intergenera‐tional concordance of disturbed patterns of attachment. Mary Main's introduction of the Adult Attachment Interview (AAI) has provided the field with an empirical tool for examining the concordance of parental and infant attachment patterns. In the context of a prospective study of the influence of parental patterns of attachment assessed before the birth of the first child upon the child's pattern of attachment to that parent at 1 year and at 18 months, the Anna Freud Centre—University College London Parent‐Child Project reported a significant level of concordance between parental security and the infant's security with that parent. In the context of this study, a new measure, aiming to assess the parent's capacity for understanding mental states, was developed and is reported on in this paper. The rating of Reflective‐Self Function, based upon AAI transcripts, correlated significantly with infant security classification based on Strange Situation assessments. The philosophical background and clinical importance of the measure are discussed.
Article
Mentalizing is the process by which we make sense of each other and ourselves, implicitly and explicitly, in terms of subjective states and mental processes. It is a profoundly social construct in the sense that we are attentive to the mental states of those we are with, physically or psychologically. Given the generality of this definition, most mental disorders will inevitably involve some difficulties with mentalization, but it is the application of the concept to the treatment of borderline personality disorder (BPD), a common psychiatric condition with important implications for public health, that has received the most attention. Patients with BPD show reduced capacities to mentalize, which leads to problems with emotional regulation and difficulties in managing impulsivity, especially in the context of interpersonal interactions. Mentalization based treatment (MBT) is a time-limited treatment which structures interventions that promote the further development of mentalizing. it has been tested in research trials and found to be an effective treatment for BPD when delivered by mental health professionals given limited additional training and with moderate levels of supervision. This supports the general utility of MBT in the treatment of BPD within generic mental health services.
Article
Examined the relation between individual differences in 36-mo-old children's conversations about feeling states with their mothers and siblings and their later ability to recognize emotions in an affective-perspective-taking task at 6 yrs. Ss were 41 children observed at home. Differences in discourse about feelings (in frequency, causal discussion, diversity of themes, and disputes) were correlated with later ability to recognize emotions. The associations were independent of children's verbal ability and of the frequency of talk in the families. Results highlight the significance of family discourse in even very young children's developing emotional understanding. (PsycINFO Database Record (c) 2012 APA, all rights reserved)
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J. E. Grusec and J. J. Goodnow (see record 1994-25033-001) made interesting suggestions about discipline variables that may effect internalization. Unfortunately, (1) their ideas are not integrated into a theory; (2) their definition of internalization is limited because parent–child similarity may result from children's attributing their values to parents; and (3) their ideas seem too heavily cognitive (e.g., the importance assigned to level of generality of parental reprimands, children's understanding of meta-rules, and children's viewing parental interventions as fair and reasonable). A theory linking discipline and internalization must encompass children's capacity for empathy and their feelings of anxiety, fear, and resentment at being interrupted by parents. In this article, the author's own theory of internalization and children's affective and cognitive responses in discipline encounters is summarized, and some of its shortcomings are noted. (PsycINFO Database Record (c) 2012 APA, all rights reserved)
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Introduces psychoanalytic theories through the lens of developmental study. The authors have attempted to integrate or at least simultaneously consider findings from developmental studies and the major Anglo-American psychoanalytic traditions. The book assumes no previous knowledge of psychoanalytic perspectives. (PsycINFO Database Record (c) 2012 APA, all rights reserved)
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This study examined the linkage between low-income mothers' conversations about emotions and their children's understanding of emotion. Forty-five low-income preschoolers and their mothers were videotaped while viewing a wordless picture book designed to elicit talk about emotions. Three maternal and child emotional language behaviors were coded from the videotapes: (a) unelaborated comments about emotions; (b) explanations about the causes and consequences of emotions; and (c) empathy-related statements. The children's questions about emotions were also coded. In a separate interview, the preschoolers were administered tasks that assessed emotional expression knowledge, emotional situation knowledge, and emotional role-taking. The results revealed that emotional situation knowledge was positively predicted by mothers' empathy-related statements. Mothers' explanations about the causes and consequences of emotions were uniquely related to emotional role-taking ability. There were very few correlations between the mothers' and children's talk about emotions. Results are discussed in terms of the functional significance of mothers' emotional language for young children's emotional competence.