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Le developpement d'un projet de formation engageant l'ecole et l'entreprise: modalites organisationnelles et effets sur les carrieres

Authors:
  • Télé-université, Université du Québec, Canada

Abstract

Dans un premier temps, nous examinons l'elaboration d'un programme de formation. Nous constatons sa construction et sa mise en oeuvre se realise dans un contexte marque par une tension entre deux principes de gestion, l'anciennete et la competence. Cette tension permet de rendre compte des formes concretes de la collaboration entre les differents acteurs et de saisir plusieurs traits du programme. Dans un deuxieme temps, nous examinons les effets de la transformation des modes de gestion sur les carrieres des salaries.
Note
de recherche
Le développement d’un projet de
formation engageant l’école et
l’entreprise : modalités organisationnelles
et effets sur les carrières
Pierre Doray
Diane-Gabrielle Tremblay
Line Painchaud
99-01
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LE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET DE FORMATION ENGAGEANT
L’ÉCOLE ET L’ENTREPRISE : MODALITÉS ORGANISATIONNELLES ET
EFFETS SUR LES CARRIÈRES
par
Pierre Doray (CIRST-UQAM)
Diane-Gabrielle Tremblay (CIRST-Télé Université)
Line Painchaud (CIRST-UQAM)
Communication
1
présentée au 36e congrès annuel
de l'Association canadienne de relations industrielles
Sherbrooke, juin 1999
Introduction
Il n’est pas nécessaire de rappeler combien le marché du travail a changé; les politiques de recru-
tement et de gestion de la main-d’œuvre des entreprises et les politiques de régulation publique y
ont largement contribué au cours des dernières années. Différentes tendances sont observées.
D’une part, on note des pratiques de précarisation et de délocalisation des emplois. De l’autre, on
assiste à des formes de renforcement des marchés internes ou, plus largement, des marchés
fermés. Souvent, l’un est la condition de l’autre, quand il y a construction d’un noyau de plus en
plus réduit de postes stables ou “ permanents autour desquels gravitent des travailleurs
précaires, fortement mobiles. Une dimension stratégique des changements réside dans l’usage
des qualifications et de la formation dans la gestion du travail et des emplois. Ainsi, plusieurs des
nouveaux modèles productifs reposent sur différentes opérations de requalification du travail
2
, la
formulation d’exigences éducatives plus strictes associées aux postes et l’établissement de nou-
velles règles de promotion (Tremblay et Rolland, 1998). Les modes de fonctionnement des
marchés internes sont ainsi peu ou prou modifiés, faisant de la compétence un critère central ou
un principe directeur de gestion du travail et des carrières. La formulation de nouveaux modèles
organisationnels d’entreprise comme l’entreprise apprenante (learning organization) ou l’insis-
tance mise sur l’apprentissage organisationnel (organizational learning) doivent être considérées
comme des indices du poids que l’on attribue ou que l’on cherche à attribuer à la compétence.
Souvent, ces modèles sont considérés comme des ruptures nécessaires avec les modèles
traditionnels ou fordistes de gestion du travail et des emplois, dans lesquels l’ancienneté est un
principe central de gestion. La compétence a toujours été un critère important dans la gestion des
systèmes d’emplois, de l’artisanat aux systèmes salariaux. Cependant, il faut noter une
1
Les auteurs sont aussi membres du GIRFE (Groupe interuniversitaire de recherche sur les relations
Formation-Emploi). La réalisation de ce texte n’aurait pas été possible sans la collaboration des membres
de l’entreprise et du collège étudié et le soutien financier du Conseil de recherche en sciences humaines
du Canada (CRSH).
2
Diverses voies sont suivies : enrichissement du travail de production par des fonctions d’entretien,
polyvalence entre les postes, ajout de fonction de surveillance et de gestion du travail et des services, etc.
particularité de nombreuses interventions récentes : l’importance accrue de la qualification dans
le fonctionnement des systèmes d’emplois industriels et l’articulation plus étroite avec des
politiques de formation.
La présente communication s’intéresse à cette question en l’examinant par un biais particulier : le
passage vers une gestion de la main-d’œuvre par la compétence, ou, à tout le moins, par des
critères de formation. Il s’agit d’examiner comment s’institutionnalise une gestion des emplois où
la compétence joue un rôle plus important dans la gestion du marché interne. Notre analyse
s’appuie sur une étude de cas dont l’objectif est de saisir comment la collaboration entre une
institution scolaire et une grande entreprise dans la mise en œuvre d’un programme de formation,
négocié entre la partie syndicale et l’employeur, permet à des employés de bureau
3
d’accéder
aux emplois les plus élevés de la classification.
Dans un premier temps, nous examinons l’élaboration du programme de formation. Nous
constatons sa construction et sa mise en œuvre se réalise dans un contexte marquée par une
tension entre deux principes de gestion, l’ancienneté et la compétence. Cette tension permet de
rendre compte des formes concrètes de la collaboration entre les différents acteurs et de saisir
plusieurs traits du programme. Cette tension, en effet, est à l’origine de nombreux ajustements
qui mèneront, après quelques années de fonctionnement, à la refonte complète du format et du
contenu de la formation. Nous soulignons le fait car, au départ, les principes d’ancienneté et de
compétence auraient dû s’inscrire dans un strict rapport de complémentarité puisque l’activité de
formation est conçue afin de pallier les difficultés que pose le respect du critère de l’ancienneté
dans la promotion à certains postes. Mais, c’est plutôt une tension, un rapport dynamique, que
l’on observe entre les deux principes et ce, tout au long de l’histoire du programme.
Dans un deuxième temps, nous examinons les effets de la transformation des modes de gestion
sur les carrières des salariés. Deux constats principaux ressortent. La progression de carrière est
bien présente à des degrés divers chez les salariés. La mise en œuvre du programme permet la
poursuite de la carrière chez plusieurs. Elle est aussi l’occasion de la formulation d’un nouveau
projet professionnel chez d’autres. La rupture professionnelle présente dans ces projets est plus
importante chez les femmes. Par ailleurs, le nouveau mode de fonctionnement a introduit une
dose de précarité, que nous pourrions appelée organisationnelle ou interne, dans les emplois et les
carrières.
1. Quelques points de repères théoriques
Le programme de formation étudié est le fait de la collaboration entre trois acteurs : l’unité syndi-
cale, les représentants de l’employeur et le collège. Sa genèse pose la question de l’apport de
chacun et de leurs relations. Au plan théorique, nous nous retrouvons au confluent de deux tradi-
tions de recherche : celle qui pose le lien entre régime de relations industrielles et formation en
entreprise et celle qui interroge les relations entre les entreprises et les institutions
d’enseignement.
3
Indiquons que la catégorie “ employé de bureau ” comporte deux types d’emplois : les emplois cléricaux
et des emplois dits para-techniques.
1.1 Syndicalisme, régime de relations industrielles et formation en entreprise
La littérature fait état de l’apport des relations industrielles et du rôle des unités syndicales dans
l’élaboration des politiques de formation et dans la participation individuelle dans des activités de
formation en entreprise. Force est de constater que la contribution syndicale, et plus largement de
l’état des relations industrielles, n'est pas univoque d'une étude à l'autre. Au contraire, certains
travaux soulignent l’apport positif de la mobilisation syndicale, d’autres tendent à dégager un
effet réducteur.
Dubar a souligné combien l'orientation des politiques de formation était tributaire des relations
professionnelles en indiquant qu’une des trois logiques de formation en entreprise soit “la forma-
tion, enjeu conflictuel du développement des qualifications” était mise en oeuvre dans les entre-
prises où des syndicalistes s'étaient mobilisés autour de la formation
4
(Dubar, 1980; Dubar,
1983). L'action syndicale a, par la formalisation de règles de fonctionnement et la négociation
collective, une influence potentielle sur la formation en entreprise
5
.
D'autres travaux, réalisés dans des pays où règne la tradition anglo-saxonne de relations indus-
trielles, indiquent, d’un point de vue théorique, que la présence syndicale aurait différents effets
potentiels sur la participation à la formation (Kennedy and al., 1994). D'une part, le monopole
syndical au sein des entreprises aurait un effet réducteur sur l'effort de formation des entreprises
en favorisant une croissance des coûts du travail, une structure des salaires courte et des règles
de gestion de la main-d’œuvre fondées sur l'ancienneté. D’autre part, les auteurs ajoutent que des
effets positifs pourraient être aussi présents. Par exemple, la sécurité d'emploi associée à la règle
de l’ancienneté pourrait inciter les travailleurs plus âgés à s'impliquer davantage dans la forma-
tion interne des plus jeunes. Il est aussi mentionné que la présence syndicale, en favorisant la
stabilité d'emploi, peut conduire les firmes à investir dans la formation des salariés en réduisant
l'incertitude dans le roulement du personnel. Toutefois, les résultats empiriques vont dans le sens
d’une diminution de la participation à des activités de formation (Kennedy and al., 1994; Doray,
1999). Par ailleurs, ces travaux considèrent le syndicalisme comme un indicateur d'un facteur
plus général, soit le régime de relations industrielles fondé sur la gestion par l'ancienneté. Dès
lors, il faut élargir l'interprétation et rappeler qu’un tel régime est le résultat d’une négociation
entre deux parties dont les employeurs.
1.2 La collaboration école-entreprise
Plusieurs approches théoriques ont proposé des voies d’analyse des relations entre économie et
éducation (Doray et Maroy, 1995). Ces approches oscillent entre des perspectives structurelles et
des perspectives plus organisationnelles. Les premières conçoivent les relations entre les deux
univers au plan de la structure sociale d’ensemble alors que les secondes cherchent à saisir
4
Les deux autres logiques sont : Adaptation et oeuvre sociale (formation marginalisée par rapport au
travail et à l’emploi) et Outil de management (politique qui est le monopole de la direction).
5
Il en est ainsi du syndicat d’une boulangerie industrielle qui rappelle à l’employeur, au moment du
transfert de l’activité productive vers une usine hautement automatisée, l’importance du nombre de
travailleurs analphabètes, ce qui a conduit à la planification d’actions visant à pallier le problème (Doray,
Ricard et Bagaoui, 1997).
comment ces relations sont effectivement construites
6
dans des pratiques effectives.
En sociologie de l’éducation, les travaux de Bowles et Gintis (1976) ou de Bourdieu et Boltanski
(Bourdieu, Boltanski et Saint-Martin, 1973; Bourdieu et Boltanski, 1975) représentent bien la
perspective structurelle. Nous la retrouvons aussi en sociologie du travail avec des interprétations
comme celles de Stroobant quand elle indique qu’avec le développement du capitalisme et d'une
main-d'oeuvre “salariée”, d'une main-d'oeuvre “libre” de vendre sa force de travail sur un
marché, il devient beaucoup plus aléatoire pour le capitaliste de procéder comme par le passé à la
formation du travailleur. À " partir du moment où la main-d'oeuvre devient mobile, la formation
en entreprise représente un investissement risqué pour le patron. Pourquoi dépenser du temps et
de l'énergie à assurer l'apprentissage d'un ouvrier qui risque ensuite d'aller valoriser ses
compétences chez un concurrent? Ainsi, n'est-il pas étonnant de voir la formation scolaire se
développer parallèlement au salariat." (Stroobants, 1993, 12-13) et de voir émerger une
séparation entre entreprises et institutions scolaires. Mais d’autres soutiennent que les
transformations économiques récentes conduisent à la nécessité de modifier les cursus scolaires
et de rapprocher les deux univers (Brown et Lauder, 1992). Ainsi, les changements dans les
rapports sociaux conduiraient soit à une distanciation des deux mondes soit à un rapprochement.
Mais dans tous les cas, la relation est similaire : les structures économiques induisent les
pratiques éducatives.
Sans rejeter l’existence d’effets structurels ou de liens fonctionnels
7
entre éducation et économie,
d’autres études inscrivent davantage le traitement des rapports économie/éducation dans une
perspective qui cherchent à comprendre comment les relations sont effectivement construites.
Ces dernières sont alors considérées comme le résultat de négociations constituantes (Doray et
Maroy, 1995). Il s’agit de prendre acte des pratiques de rapprochement entre le monde éducatif
et le monde productif et de chercher à mettre à jour le travail social d’articulation entre les deux
univers. Les relations prennent davantage le sens de la collaboration entre des acteurs
d'institutions d'enseignement et des acteurs oeuvrant dans des entreprises. En d’autres termes,
l’objet d’analyse est bien la façon dont se construisent et se stabilisent des articulations entre
l’éducation et le travail, à l’issue d’un processus par lequel les acteurs établissent les modalités
de coordination de leurs actions, d’une part, et donne un sens à celles-ci, d’autre part. Les
relations éducation/travail seraient ainsi le fruit d’ajustements organisationnels et
d’investissements symboliques qu’il s’agit de repérer à l’analyse.
Pour les fins de notre étude, un ajustement organisationnel est une proposition qui introduit ou
qui visent à introduire ou à changer une règle ou un mode de fonctionnement (ou encore le
support d’une telle règle ou d’un tel mode de fonctionnement) afin d’encadrer le développement
ou la mise en oeuvre d’un projet ou encore l’atteinte d’un objectif. En ce sens, l’ajustement a une
origine, il est élaboré par des acteurs, il a fait l’objet d’une entente ou a été rejeté, il est mis en
application ou non et enfin, il a des effets attendus et des effets inattendus. Nous appellerons
ajustements interorganisationnels, les ajustements que les acteurs scolaires et les acteurs de
l’entreprise ont élaboré ou mis en œuvre conjointement. Les ajustements intraorganisationnels
sont élaborés ou mis en œuvre dans chaque organisation afin de faciliter le rapprochement. Par
6
La distinction entre perspectives structurelles et perspectives organisationnelles est quelque peu abusive.
Toutefois, elle présente l’avantage de dégager les différences entre les deux pôles d’un continuum.
7
Comme, par exemple, les liens entre niveau de formation atteint et niveau d'emploi.
investissement symbolique, nous entendons les différentes dimensions par lesquelles les acteurs
donnent du sens aux actions entreprises et qui agissent comme des ressorts de l’action. Nous
pensons, par exemple, aux objectifs que les acteurs individuels et collectifs se donnent, aux
motifs poursuivis ou aux interprétations mises de l’avant.
2. La genèse et la mise en œuvre du programme
2.1 Éléments de genèse
La création de l'activité de formation, qui comporte plusieurs programmes
8
ouvrant chacun sur
une palette d’emplois, trouve ses sources dans des relations de travail classiques entre la direction
de l'entreprise et l'unité syndicale, qui regroupe des emplois de bureau et para-techniques. Au
milieu des années ‘70, à l’issue d’un long conflit de travail, la convention collective est modifiée
afin que l’ancienneté soit le principe d’accès aux postes vacants dans la mesure où les salariés
concernés peuvent s’acquitter de leurs nouvelles tâches après la période de probation. Cependant,
au cours des années suivantes, l’entreprise parvient à prouver en arbitrage que, pour certains em-
plois, il est impossible pour un employé qui n’a pas certaines connaissances de pouvoir s’acquit-
ter des tâches après la période de probation. Le respect de l’ancienneté dans la promotion devient
alors un enjeu central pour le syndicat qui obtient, lors du renouvellement de la convention
collective, l’introduction d’un nouvel article qui oblige l’employeur à former les employés
admissibles à certains postes libérés. La formation devient donc le moyen d’appliquer le critère
de l’ancienneté. L’entreprise “ tarderait à mettre en place les programmes de formation
attendus, bien qu’un travail de production de programmes soit en cours. Une grève illégale est
déclenchée afin d’indiquer publiquement que la direction ne respecte pas son engagement. Le
conflit se règle quand l’entreprise s’engage à donner une formation de base, dite préparatoire,
aux employés qui pourront ainsi accéder à une trentaine de postes para-techniques parmi les plus
qualifiés. Il est aussi prévu que l’entreprise donnera une formation spécifique aux nouveaux
postes. Selon l’entente, l’employé devra réussir sa formation préparatoire pour être admis en
formation spécifique, puis en probation. L’entente fixe donc un certain nombre de paramètres.
Par ailleurs, il est aussi entendu qu’un comité paritaire veillerait à la mise en place des formations
et que la formation préparatoire devra être dispensée par des maisons d’enseignement.
Un comité conjoint, patronal/syndical est chargé d’opérationnaliser les dispositions de l’entente
intervenue entre l’entreprise et le syndicat. Parallèlement au mandat ce comité, un chantier de
travail est constitué afin de penser le contenu même de l'activité
9
. L’entreprise nomme un
responsable de projet à la tête du comité conjoint et du chantier de travail. Le comité conjoint
compte deux autres membres patronaux et trois membres syndicaux. Les travaux du chantier
commencent alors : il s’agit de préciser quels emplois seront visés par la formation préparatoire
et quelles connaissances exigent ces emplois. Ceux-ci sont regroupés par familles et des équipes
spécialisées précisent les compétences nécessaires à l’exercice des différents emplois. Les
membres du comité conjoint se partagent le travail au chantier en se joignant à ces équipes. Par
8
Dans la suite du texte, nous utiliserons l'expression programme au singulier même si, de fait, il existe
plusieurs voies de formation.
9
Chapeauté par un comité directeur, il rassemble des gestionnaires et des spécialistes de certains emplois
en plus des membres du comité conjoint.
ailleurs, ils se rencontrent très régulièrement pour faire le point et prendre les décisions
définitives
10
.
Selon les commentaires des différents acteurs rencontrés, deux points de vue se seraient opposés
lors des séances du chantier de travail. Le premier est représenté par des gestionnaires de service,
qui considèrent que l’exercice des emplois requiert une formation équivalente aux programmes
d’études collégiales (DEC) techniques. Ainsi, les gestionnaires jouent nettement la carte d’une
élévation de la formation exigée, du moins en termes de niveau, ce qui sera considéré par
plusieurs comme une stratégie inflationniste. L’autre est représenté par le syndicat, d’une part, et
la direction de l’entreprise, d’autre part, qui veulent, pour des raisons fort différentes, que la
formation soit nettement plus courte. La haute direction veut que la formation n’entraîne pas
d’absences trop longues du travail et elle désire en limiter les coûts; le syndicat tient à une
formation courte que les employés réussiront sans difficulté
11
. L’objectif est d’éviter que le
degré de difficulté interne de la formation rende caduque l’application du principe d’ancienneté.
Ces deux points de vue conduisent donc à établir une relation entre acteurs et opposent en
quelque sorte les deux principes d’accès aux postes. Dès lors, ceux-ci se retrouvent en tension
quand il s’agit de planifier les programmes dans leur contenu et les cadres institutionnels de
gestion.
En parallèle, deux autres tâches sont réalisées. Les membres patronaux de leur côté et les respon-
sables syndicaux du leur font une tournée pour convaincre tous et chacun de la pertinence de la
formation et faire accepter par les membres le fait qu’il faudra suivre et réussir la formation pour
accéder aux postes les plus élevés. Les membres patronaux du comité conjoint vont aussi faire la
sélection de l’institution de formation qui finalisera l’élaboration des programmes, en fonction des
contenus fixés par le comité conjoint, et les dispensera. La formation sera élaborée sur mesure
pour les besoins de la firme. Au départ, la relation est largement “ commerciale : le collège est
invité à soumettre une proposition qui sera examinée et, finalement, acceptée
12
. Cette relation
évoluera rapidement, le collège devenant un partenaire privilégié de l’entreprise. Ainsi, il recevra
le mandat de coordonner le travail des différents collèges où se donnera l’un ou l’autre
programme. Des décisions organisationnelles (ex. : politique de remboursement des frais de
dépenses des salariés) sont aussi prises. Pour une grande part, elles s’appuient sur les
dispositions de la convention collective.
10
Au cours de leurs travaux, les membres syndicaux du comité se rapportent régulièrement à l’exécutif
provincial du syndicat et les membres patronaux consultent au besoin le comité directeur dont ils
relèvent.
11
Dans son cas, le modèle de référence est celui des formations internes aux nouveaux postes qui sont
dispensés dans de nombreux métiers couverts par d’autres unités syndicales.
12
Le collège, représenté par la coordonnatrice des services de formation sur mesure, est mandaté pour
élaborer des contenus de cours. Des enseignants de trois départements y travaillent. Les premiers
contenus de cours sont présentés aux membres patronaux du comité conjoint qui donnent le feu vert au
collège pour la préparation d’une offre de service en bonne et due forme. Puis, pendant plusieurs
semaines, les enseignants travaillent à l’ajustement des contenus de cours qu’ils ont élaborés; ils se
joignent fréquemment au chantier de travail et parfois au comité afin de fournir des explications et
donner leur avis.
2.2 La mise en œuvre
Le début des cours déclenche dans l’entreprise des mouvements de personnel d’une envergure
imprévisible, la réponse des salariés étant globalement positive. Ainsi, en plus des stagiaires qui
suivent à temps plein leur formation, il faut aussi compter sur les mouvements de personnel, le
déplacement de ceux et celles qui remplacent, même temporairement les premiers. Enfin, au
cours des premières années de la formation préparatoire, certaines personnes seront formées en
vue de pouvoir combler des besoins non immédiats en personnel et constituer une banque de
ressources.
Au collège, le début des cours est l’occasion d’un double ajustement. Les enseignants font
l’expérience d’une première formation sur mesure “ longue ” avec des adultes venant de la même
entreprise et dont le retour aux études n’est pas facile. Ils comprennent rapidement que l’enjeu de
la formation est une promotion accompagnée d’une augmentation de salaire garantissant, en plus,
une meilleure rente à la retraite, qui pointe à l’horizon. En d’autres mots, les enseignants se
rendent que leur évaluation scolaire influence directement la carrière des stagiaires. Ces derniers,
ou à tout le moins une fraction significative d’entre eux, vivent difficilement ce retour aux études.
En effet, les employés en formation sont les plus anciens, donc assez âgés. La plupart ont perdu
depuis longtemps leurs habitudes scolaires et le retour aux études se fait difficilement. Au sein
d’un même groupe, les étudiants n'ont pas le même bagage scolaire et, en particulier, les mêmes
connaissances en mathématiques. Dans l’ensemble, ces connaissances sont jugées faibles pour
nombre d’entre eux et une forte probabilité d'échec se profile pour plusieurs d’entre eux. Les
difficultés des étudiants sont jugées telles qu’elles commandent davantage que des solutions ad
hoc. Après quelques mois, l’entreprise s’entend avec le collège pour l’élaboration d’un cours de
mise à niveau en mathématiques et d’une formation de quelques heures en méthodologie du
travail intellectuel, qui seront des préalables à la formation préparatoire. On mettra également en
place un service de soutien psychologique.
Les premiers membres du comité conjoint, tant patronaux que syndicaux, jugent de façon très
positive l’expérience de leur participation au comité, particulièrement lors de la phase du déve-
loppement des programmes. En fait, en lui-même, cet objet de travail, pour lequel plusieurs des
membres avaient un intérêt personnel, aurait favorisé la collaboration au sein du comité et
l’établissement d’un mode de discussion différent de celui qui caractérise traditionnellement les
relations de travail. Ainsi, des membres se rappellent que, contrairement à ce qui se passe
généralement en négociation dans cette entreprise, les discussions au comité étaient ouvertes. On
ne cherchait pas l’affrontement; il y avait un intérêt commun à régler chaque question afin que le
projet de formation réussisse. En d’autres mots, le travail réalisé au sein du comité a permis de
quitter le terrain classique de la négociation et d’établir des relations fondées sur d’autres
registres que ceux de la stratégie.
2.3 Des remises en question et un recadrage
Après une mise en place marquée par un grand nombre d’ajustements, une certaine routine
s'installe dans la mise en œuvre des programmes. Néanmoins, des inquiétudes quant aux résultats
de la formation se propagent dans l’entreprise et sont répercutés au comité conjoint. Déjà, des
inquiétudes sont apparues dans l’entreprise alors que les premiers étudiants formés ont intégré
leurs nouveaux postes après la formation spécifique. Au grand dam de nombreux gestionnaires
de service, il est encore nécessaire de leur assigner un compagnon pendant une certaine période
pour les initier à leurs nouvelles tâches
13
. Et malgré la formation, il semble qu’un bon nombre
d’employés promus sont jugés incapables de s’acquitter convenablement de leurs tâches. Un
mécontentement s’installe chez les gestionnaires de service. La question de l’adéquation de la
formation avec les emplois est au cœur de la remise en cause. En fait, le taux élevé de réussite à
la formation apparaît en contradiction avec le point de vue de plusieurs gestionnaires de service
qui estiment que les employés formés ne sont pas compétents pour s’acquitter de leurs nouvelles
tâches. En d’autres mots, une controverse émerge quant à l’adéquation de la formation avec les
emplois.
On évalue la formation, d’abord de manière informelle par la réalisation de bilans au comité con-
joint. Des évaluations externes sont ensuite demandées
14
. Le problème de l’évaluation des
apprentissages, sur lequel ni les responsables de formation de l’entreprise ni ceux du collège
n’ont de contrôle, car il s’agit d’une responsabilité des enseignants, est souligné dans l’une des
études.
En plus, la direction commence aussi à s’interroger sérieusement sur certains problèmes
qu’entraîne la formation et qui sont constamment mis à l’ordre du jour du comité conjoint : les
comportements en matière de remboursement de dépenses, le fait que des employés qui appro-
chent du moment de leur retraite vont en formation, le fait que des employés suivent successi-
vement plusieurs programmes. Quant au syndicat, s’il n’ignore pas ces problèmes, il est
préoccupé par la centralisation de la formation à Montréal qui limite l’accès à la formation pour
certains de ses membres, notamment les femmes “ cheffes ” de famille monoparentales.
Cette période est aussi marquée par des changements au comité conjoint. Progressivement, les
membres présents à l’origine du comité, sauf un, le quittent et sont remplacés. L’unanimité
existante s’effrite et une certaine routine s’installe, le comité ne gérant que les aspects
organisationnels ; désormais, la dynamique entre les membres du comité change. Les discussions
ne sont plus ouvertes comme elles l’étaient. De plus en plus, on discute comme à une table de
négociation.
En somme, le compromis auquel on était arrivé est remis en cause. Le problème est double : il
porte autant sur la question des compétences que celle du fonctionnement à l’ancienneté. La
direction décide de suspendre les inscriptions. La discussion est réouverte avec l’unité syndicale
afin de définir des mesures qui permettront de résoudre au moins certains des problèmes que la
formation entraîne comme le cumul de formations et la formation des employés à la veille de leur
retraite. Des groupes de travail experts sont mis en place afin de reprendre tout le processus
d’élaboration d’une formation dont le contenu et le format seront tout à fait différents. Les voies
explorées et finalement adoptées conduisent à une élévation des exigences académiques. Une
première voie consiste en la formulation d’Attestations d’études collégiales qui seraient spécifi-
ques à l’entreprise. Cette formule, qui signifie une augmentation du nombre d’heures de
formation, s’avère inapplicable, étant donné les règles provinciales qui fixent les cadres
13
Il est aussi possible que pour plusieurs gestionnaires de service, déjà opposés au format de la formation,
n'y voyaient que confirmation de leurs points de vue, à la manière d’une prophétie auto-révélatrice.
14
L’une porte non pas sur la formation préparatoire, mais sur l’ensemble du processus d’intégration en
emploi qui comprend la formation préparatoire, la formation spécifique et la période de probation et
l’autre, sur la formation préparatoire et la formation spécifique dans le cas d’un emploi particulier.
institutionnels du diplôme. Finalement, une autre formule est mise en œuvre : celle du crédit
formation. Chaque employé possède un crédit formation qui lui permet de suivre une formation
collégiale qui aboutit à l’obtention d’un DEC. Ainsi, même en comparaison avec l’AEC, la
dernière formule est plus exigeante; sa durée est nettement plus longue.
2.4 La nature des ajustements nécessaires à la coopération
La genèse et la mise en œuvre du programme est largement le fait d'une double coordination, une
interne à l'entreprise et la seconde entre l'entreprise et l'établissement scolaire (voir graphique 1).
La première se réalise dans un premier temps dans un régime de relations professionnelles
fordistes classiques. Au plan des objectifs et donc des ressorts de l'action, mobilisés par les
acteurs syndicaux, il faut faire reconnaître et respecter un principe de gestion des carrières :
l'ancienneté. Les formes organisationnelles utilisés pour atteindre ces objectifs relèvent aussi du
même régime de relations professionnelles : grève, pressions sur l'employeur, signature d'une
lettre d'entente et création d'un comité conjoint. Toutefois, la dynamique change à l'intérieur du
comité. On quitte le terrain des négociations pour celui de la confiance. La régulation se fait
davantage conjointe. Il faut dire que les relations difficiles avec les gestionnaires du chantier, du
moins avec certains d'entre eux, a sûrement contribué à cimenter la relation interne au comité afin
de planifier le programme. Toutefois, cette forme d'échange ne se poursuivra pas, les difficultés
rencontrées dans la gestion quotidienne conduiront les acteurs à revenir à des relations de
négociation. Cette période est celle de l'établissement d'un ensemble de règles et d'une véritable
jurisprudence guidant la gestion et l'administration du programme. En effet, certains ajustements
font rapidement “force de loi”. Ainsi, on ne peut pas aller à l’encontre des ajustements permis ou
non interdits dans la lettre d’entente et des orientations qui y sont définies. Par exemple, le cumul
de formations ou le fait d’aller en formation à la veille de prendre sa retraite deviendront des
situations avec lesquelles il faut composer.
SYNDICAT
ENTREPRISE
COLLÈGE
DIRECTION
SYNDICAT
GESTION
NAIRES
COMITÉ
CONJOINT
Représentants
patronaux et
responsables de
formation
Représentants
syndicaux
Service de formation sur mesure
Départements
Enseignants
Élèves
COLLABORATION ENTRE
L’ENTREPRISE ET LE COLLÈGE :
ORGANISATION DES RELATIONS
Seule la négociation d’une nouvelle lettre d’entente permettra de régler certains problèmes. Il faut
dire que les coûts de la formation, les difficultés dans la gestion quotidienne et les difficultés
d'insertion de plusieurs stagiaires contribueront à remettre en question le programme et à
renégocier les termes de l'entente.
La mise en œuvre du programme dépend aussi de la collaboration existante entre l'entreprise et le
collège. Pour l'entreprise, la participation d'institutions publiques est considérée comme une
orientation normative incontournable. Elle tient absolument à ce que l'évaluation des résultats soit
indépendante, ce qui est compréhensible quand on sait que la lettre d'entente avec l'unité
syndicale est signée dans un climat conflictuel. Pour sa part, le collège est à créer son service de
formation aux entreprises et il est tout à fait accueillant à toutes propositions en ce sens. Au
départ, la relation entre l'entreprise et le collège s'établit sur une base marchande. Le collège doit
démontrer sa compétence et proposer un contrat acceptable. Mais cette relation dépassera ce
registre pour devenir un “partenariat” : relations de confiance, durée dans le temps, acceptation
des différences et acceptation de modifier ses manières de faire. La collaboration avec le collège
se réalisera largement par les relations entre les responsables de formation et la conseillère en
formation continue du collège. Les relations avec les représentants syndicaux se produiront au
sein du comité mais elles seront nettement moins régulières
15
.
Plusieurs ajustements internes au collège ont été réalisés afin d'assurer la continuité de la colla-
boration. Les relations entre les départements et le service de formation aux entreprises ont fait
l'objet de l'élaboration de règles formelles et informelles. Les modes de gestion des ressources et
du temps, lorsqu’il faut prendre en compte les charges régulières des enseignants et les modes
d’organisation à l’enseignement régulier, ont fait l'objet de précisions administratives. À ces ajus-
tements organisationnels, s’ajoutent des ajustements de nature pédagogique qui renvoient aux
pratiques d’enseignement et d’évaluation. Les enseignants doivent ajuster leurs stratégies en
classe : les groupes sont homogènes de fait de leur provenance mais hétérogènes du point de vue
des antécédents scolaires des étudiants. Le caractère intensif de la formation impose aussi une
relation plus étroite avec les stagiaires. Enfin, le contexte de la formation sur mesure conduit
aussi les enseignants à ressentir de manière très immédiate les effets de leur évaluation
académique : un échec conduit à une absence de promotion. Encore ici, certaines règles seront
incontournables. Les enseignants ont continuellement tenu à faire respecter le principe de la
liberté académique en classe afin que les représentants patronaux n'interviennent pas dans le
déroulement des cours.
Peu de mécanismes inter-organisationnels ont été créés pour assurer la gestion du programme.
Le collège soumet un devis annuel à l'entreprise. Des modifications sont apportées au programme
pour assurer la réussite des étudiants aux cours, la conseillère à la formation continue et des
enseignants ont participé à des réunions du comité conjoint, des représentants syndicaux se
présentent au début des sessions mais, dans l'ensemble, les relations entre les deux organisations
se réalisent par le deux responsables de la coopération, la conseillère à la formation et le
responsable de formation. Chacun répercutant dans l'autre organisation les échos qui leur sont
transmis. En fait, la négociation des modifications nécessaires à la bonne marche du programme
était largement réalisée entre les deux responsables soulignant le rôle d'intermédiaire que ces
15
Ces derniers auront aussi le souci d'entretenir des contacts réguliers avec les stagiaires, entre autres par
des visites au collège au début des sessions.
derniers tiennent.
3. Les effets du programme sur les carrières
Une fois examiné du point de son institutionnalisation, nous analyserons le développement du
programme du point de vue des salariés qui y ont participé. Il s'agit de s'interroger sur la carrière
des individus. Pour ce faire, nous avons examiné leur situation tant au plan du parcours profes-
sionnel formel (postes occupés) que de leurs expériences subjectives. Notre analyse repose sur
28 entretiens réalisés auprès d’employés de la région montréalaise ayant suivi les programmes de
formation les plus importants (génie civil et génie électrique).
3.1 Trajectoire professionnelle et rapport de genre
Les salariés composant notre échantillon, sauf une exception, ont amorcé leur carrière dans
l’entreprise en occupant un emploi de bureau (commis, secrétaire ou releveur de compteurs),
qu’ils ont obtenu, règle générale, après leurs études secondaires. Plusieurs avaient précédemment
obtenu un diplôme professionnel en formation “commerciale” (7 femmes sur 11 ont complété
une formation commerciale menant à des postes d’employé de bureau). D'autres, surtout des
hommes, avaient complété une formation générale et avaient obtenu un emploi dans l'entreprise
par la suite. Quelques uns (huit) avaient poursuivi des études dans un collège, mais seulement
trois détenait un diplôme d’études collégiales lors de leur insertion dans la firme. Signalons aussi
qu'un peu plus de la moitié des répondants ont une expérience de la formation continue, 15
personnes ont suivi par elles-mêmes des cours de soir, soit au collège ou à l’université. Les
hommes ont été plus nombreux à “ tâter la formation universitaire alors que les femmes ont
principalement suivi des cours de niveau collégial.
D'ailleurs, nous notons trois types de cheminement professionnel précédant la participation à la
formation préparatoire. Un premier groupe (5 hommes et de 4 femmes), a suivi un cheminement
qui les a conduits vers des postes “ techniques ”. Plusieurs s’étaient inscrits en formation conti-
nue afin de faciliter leur accès à ces postes. Dans le second cheminement (8 hommes et 1
femme), les employés ont suivi des formations afin d’atteindre des postes de supervision ou de
s’insérer dans les services administratifs de l’entreprise (service de la comptabilité, service des
relations publiques, postes d’économistes, etc.). Dans les faits, aucun d’entre eux n’a atteint cet
objectif. Enfin, 11 personnes (4 hommes et 6 femmes) composent le groupe de la filière dite de
bureau ”. La caractéristique commune de ces individus est leur absence relative de mobilité et
le fait qu’ils n’avaient pas entrepris, de leur propre chef, de formation continue avant
l’introduction du programme.
La trajectoire professionnelle des femmes n'est pas tout à fait semblable à celle des hommes. Elle
est en fait davantage liée à leur formation initiale, alors qu'elles détenaient un diplôme profes-
sionnel menant à des emplois de secrétaire ou de commis. Les hommes, tout en n’ayant pas au
départ de projet de carrière particulier, ont cherché en plus grand nombre une progression dans
l’entreprise
16
.
16
La différence entre hommes et femmes s'est aussi fait sentir quand la question des limites d'accès à la
formation a été posée. Deux “freins” auraient été envisagés par les femmes et non par les hommes et
auraient pu explicitement intervenir dans la décision de s’inscrire à la formation. Premièrement, les
Cette différence d'expériences de formation antérieure et de parcours plus ou moins longs se
traduit aussi dans le rapport subjectif que les stagiaires entretiennent avec la formation. Ainsi, la
plupart des répondants font référence au fait qu’ils ont cessé d’aller à l’école relativement tôt
(parce que les études ne les intéressaient pas et qu’ils avaient l’impression d’y perdre leur
temps). Deux perceptions différentes de la formation prévalent avant de débuter le programme.
Environ la moitié des participants ont confiance de réussir ce retour aux études. Cette confiance
est en général construite sur le souvenir positif qu’ils ont conservé de leur expérience scolaire.
Seules quelques personnes étaient cependant enthousiastes à l’idée de “retourner aux études” et
disaient aimer l’école. Les autres expriment une crainte face à ce retour à l’école. Ils se rappellent
ce qu’ils y ont vécu et le risque de l’échec et de l’humiliation associée les préoccupent. Plusieurs
d’entre elles ont d’ailleurs attendu que les premières cohortes d’employés aient suivi le
programme avant de s’y inscrire.
En somme, la participation au programme ne représente pas la même signification selon les
parcours antérieurs. Ainsi, pour une majorité, la participation, sur une base individuelle, à des
formations visait des perspectives professionnelles déjà actualisées. Le programme leur permet-
tait d'ouvrir un verrou et de poursuivre leur trajectoire professionnelle. Nous pouvons parler
d’une actualisation de leurs projets professionnels. Pour d'autres, la mobilité offerte par le
programme représentait une possibilité nouvelle. Il est déjà facile de réaliser que le degré de
rupture professionnelle offert par le nouveau programme était variable selon les individus.
À cet effet, deux objectifs de mobilité s'expriment. Pour près des 2/3 des personnes rencontrées,
le changement d’emploi était, après l’atteinte d’un meilleur salaire, l’objectif visé. Ces derniers
occupaient un poste au service à la clientèle ou de dessinateur depuis plusieurs années et ils
désiraient passer à un autre emploi. Parmi ceux-ci, la moitié voulait à tout prix quitter le service à
la clientèle. Leur objectif était d’accéder de façon permanente à un poste plus intéressant et d’être
assuré de ne pas retourner à leur ancien travail. Le manque d’autonomie, la répétition des tâches,
et le fait d’être toute la journée derrière un bureau, sont autant de raisons présentées pour justifier
leur volonté de quitter cet emploi et s’assurer ce qu’ils considéraient comme d’une meilleure
qualité de vie au travail. En d'autres mots, des certains postes servent de repoussoirs pour les
individus, ce qui explique pour une large part l’attrait des postes “techniques”. Pour les autres, la
volonté de mobilité ascendante est plus forte que le seul désir de changement d’emploi, il est
possible de parler de projets de mobilité professionnelle verticale. La formation fait partie de leur
stratégie pour accéder à un poste de formateur, de conseiller ou de représentant commercial, par
exemple.
La mobilité est bien présente. Tous les participants, sauf une personne demeurée à un emploi de
commis, ont effectivement connu une mobilité professionnelle. Le tiers des participants a connu
un cheminement de carrière plus important que le changement de postes associé à la formation.
Trois personnes occupent actuellement des postes de conseillers non-syndiqués, ces postes très
qualifiés sont offerts la plupart du temps à des techniciens détenteurs d’un DEC. Les autres
mères de famille disent avoir dû tenir compte de leurs obligations familiales avant de s’engager dans la
formation. À ce titre, le fait que cette formation soit dispensée durant les heures de travail a favorisé la
participation des femmes. Certaines d’entre elles avaient auparavant envisagé une formation de soir,
mais ont abandonné compte tenu des enfants. Un deuxième facteur d’appréhension pour les femmes est
le fait que les emplois visés étaient traditionnellement réservés aux hommes. Celles qui se sont inscrites à
la formation ont psychologiquement surmonté cette difficulté.
occupent des postes de représentants commerciaux situés aussi dans les échelons supérieurs et ce
sont les postes les plus élevés que peut atteindre un employé de bureau sans changement de
statut.
Les autres salariés ont manifestement choisi de demeurer sur le poste visé par la formation.
L’atteinte d’un poste jugé plus “technique” est perçue par eux comme une progression profes-
sionnelle qui se présentait largement comme un défi à surmonter. Ils ont eu le courage de
retourner à l’école, ce qui leur a ouvert l’accès à un poste intéressant qui nécessite une plus
grande expertise. Une expression de fierté transparaît d’ailleurs de leur discours.
Il faut aussi dire que pour plusieurs d’entre eux, un nouvel horizon est apparu : celui de la
retraite. En effet, les projets d’avenir de plusieurs -est-il nécessaire de rappeler que la moyenne
d’ancienneté des salariés interrogés était de 25 ans- sont largement colorés par une retraite
prochaine. Cet horizon est d’autant plus présent que l’entreprise a effectivement offert aux
salariés, à l’occasion de restructurations importantes de sa structure administrative, un
avantageux programme de retraite anticipée. En ouvrant sur un devenir non-professionnel
possible, les programmes de retraite anticipée jouent donc un rôle de modification des aspirations
professionnelles, ce qui incite plusieurs travailleurs à limiter leur progression professionnelle,
réduisant également les retombées institutionnelles des programmes de formation.
Si nous comparons les cheminements professionnels des femmes avec celui des hommes, nous
observons qu’un moins grand nombre de femmes souhaite continuer à progresser; elles se disent
satisfaites du poste qu’elles occupent. Nous pouvons penser que, compte tenu des difficultés
d’apprentissage, d’insertion dans les nouveaux emplois et d’intégration dans des domaines
traditionnellement masculins que plusieurs d’entre elles ont rencontrés, les femmes ont le
sentiment d’avoir déjà accompli “quelque chose de bien” au cours de leur carrière. Elles se sont
d’abord convaincues qu’elles avaient la capacité d’occuper un emploi technique pour lequel elles
consiraient, contrairement aux hommes, posséder peu d’aptitudes, et faire face à la réaction
des hommes qui ne voyaient pas nécessairement d’un bon œil l’arrivée des femmes dans leur
univers de travail.
3.2 La précarisation organisationnelle ou interne
Dans l'ensemble, le programme a des retombées positives sur les carrières des individus, permet-
tant l'actualisation de projet professionnel de longue date et ouvrant aussi des possibilités pas ou
peu envisagées par d'autres. En ce sens, la reconstruction du marché interne a effectivement
connu une traduction pratique chez les salariés. Par contre, nous ne saurions passer sous silence
que les règles adoptées ont conduit aussi à ouvrir sur de nouveaux espaces de précarité relative,
que nous appelons précarité organisationnelle car elle provient essentiellement des règles
construites afin d'assurer la gestion du programme de formation. Cette précarité est relative car
n'est pas comparable à celle provoquée par l'externalisation de postes vers la sous-traitance par
exemple.
Les modalités d’accès à la formation font en sorte que chaque employé qui part en formation est
remplacé à son poste jusqu’à ce que sa promotion soit confirmée. La personne qui le remplace
est assignée temporairement au poste, mais elle-même doit se faire remplacer dans le poste
qu’elle quitte et ainsi de suite. De plus, toute personne assignée temporairement à un poste pour
une raison autre qu’un départ en formation doit suivre la formation, si elle ne rencontre pas les
exigences du poste où elle est assignée temporairement. Un vaste jeu de chaise musicale est
amorcé, de telle sorte que "personne est assise sur sa propre chaise" pour reprendre une
caricature utilisée pour nous dépeindre l'ampleur des déplacements.
Nous constatons que près du tiers des salariés a connu une progression de carrière qui est
toujours marquée du sceau de l’instabilité. En effet, ces salariés ont progressé et ont occupé les
nouveaux emplois en affectation temporaire. Comme ils n’ont toujours pas connu de confirmation
professionnelle sur le poste occupé, ils sont toujours devant une incertitude régulière quant à leur
devenir professionnel. Nous ne pouvons donc pas parler dans ce cas de confirmation profes-
sionnelle. Il ne faut donc pas se surprendre que parmi ceux-ci et celles-ci, plusieurs souhaitent
stabiliser cette situation quitte à changer d’emploi à nouveau s’il le faut.
Cette précarité relative est donc ressentie par plusieurs salariés rencontrés, alors qu'après
plusieurs années sur un même poste, leur situation est toujours temporaire. Cette situation est
vécue de manière particulièrement difficile quand elle est associée à l'une ou l'autre des situations
suivantes :
quand se profile à l'horizon, le retour à un poste repoussoir;
quand les réorganisations administratives modifient l'organisation du travail et
éliminent des postes.
Nous insistons sur ce phénomène, non parce qu'il est fréquent mais bien par ce qu'il s'agit d'un
effet inattendu d'actions visant largement à renforcer le fonctionnement du marché interne. En
fait, ce phénomène est en fait un effet pervers de l'application stricte des règles fixées pour
assurer le respect d'un principe de gestion de personnel, l'accès aux promotions par l'ancienneté.
Conclusion
En introduction, nous rappelions qu'un changement se faisait sentir quant au rôle de compétences
et des qualifications dans les nouvelles organisations du travail. Le cas étudié souligne bien cette
importance : la mise en œuvre du programme a conduit à faire des compétences un critère
incontournable d'accès aux postes supérieurs de la grille des emplois concernés. Toutefois, par
rapport aux modèles de l'organisation apprenante, un pas reste manifestement à franchir : le
développement de formes d'organisation du travail qui favorise l'apprentissage des compétences
et leur éclosion. L'étude de cas met en évidence un travail de formalisation préalable :
l'articulation des titres et des postes, ce qui n’allait pas de soi, les représentations sur le contenu
en qualification des postes construites par les différents groupes d’acteurs dans l’entreprise étant
variées. Ce processus n'était certes pas attendu par les acteurs en présence quand il s’est agi de
faire respecter les ententes précédentes. Au départ, l'objectif syndical est bien l'application de
l'ancienneté comme critère de promotion, l'acquisition de nouvelles compétences étant la voie de
passage nécessaire. Mais, en fait, l'institutionnalisation même de la formation, c'est-à-dire la
planification de l'activité qui a opposé les responsables du projet aux gestionnaires et l'adaptation
aux difficultés de réalisation, a contribué à renverser l'ordre effectif de préséance des critères de
promotion et à fixer un niveau de compétence, qui est globalement repris de l'ordre scolaire.
L’intérêt du programme étudié réside aussi dans le fait qu’il met en scène une longue
collaboration: entre syndicat et employeur et entre institutions publiques de formation et
entreprises. Sa mise en œuvre a démarré dans la tension et le conflit syndical/patronal, --il est
d'ailleurs rare au Québec qu'une question de formation ait été à l'origine d'un arrêt de travail-- il a
été possible de trouver des ajustements qui ont permis la planification et la réalisation du
programme ainsi que son adaptation.
La relation avec le collège prend d'abord les allures d'une relation commerciale, soulignant ainsi
que les modifications récentes des politiques éducatives, dont celles relatives à l'éducation des
adultes, avaient introduit des rapports de marché, ou de quasi-marché
17
pour reprendre
l'expression des économistes, dans la régulation des activités éducatives. Sans infirmer ce point
de vue, il apparaît que des relations de collaboration entre les entreprises et les collèges ne
peuvent s'appuyer que sur cette forme d'échange social. Il faut développer des ajustements
internes et interorganisationnels qui assurent la coordination effective. Dans le cas étudié, il reste
que les ajustements furent largement internes à chaque organisation. Peu de mécanismes
interorganisationnels ont effectivement été créés. En fait, la négociation des modifications
nécessaires à la bonne marche du programme était largement réalisée entre les responsables de
formation soulignant le rôle d'intermédiaire que ces derniers doivent tenir.
Un troisième aspect est à retenir : la signification du programme de formation n'est pas toujours
la même d'un salarié à l'autre. Celle-ci dépend largement de l'expérience éducative antérieure.
Dans certains cas, le programme a permis la poursuite de carrière déjà amorcée, dans d'autres, ce
fut un déclencheur. La signification n'est pas la même pour les femmes et les hommes. Le
programme a agi comme déclencheur de projet professionnel de manière plus fréquente chez les
femmes. Ceci peut s'expliquer par le fait que l'identité professionnelle des femmes était plus
marquée que celle des hommes et que la rupture professionnelle exigée par les promotions était
aussi plus prononcée, les femmes se retrouvant dans des métiers traditionnellement réservés aux
hommes. Mais la portée professionnelle du programme reste plus limitée que prévue du fait de
l'interférence de modifications organisationnelles connexes. En effet, en parallèle à la mise en
œuvre du programme, les réorganisations administratives étaient accompagnées d'un programme
de pré-retraite. Or, plusieurs stagiaires ont reformulé leur projet professionnel en projet de
retraite.
Un dernier constat est finalement à retenir : la production de situations de précarité relative par
les règles de fonctionnement édictées. En effet, les modalités mêmes de fonctionnement du
programme a conduit à produire de la précarité. Sans être la situation majoritaire, il reste qu'une
proportion importante de salariés s’est retrouvée littéralement “ assise entre deux chaises ”,
même quelques années après avoir suivi et réussi la formation. Cette situation n'est d'ailleurs pas
indépendante du fait que le programme se soit arrêté et qu'une alternative ait été formulée.
17
"Dans l'enseignement et la formation professionnelle, on a favorisé l'émergence de “quasi-marchés”, le
gouvernement continuant à fixer les priorités et à distribuer les budgets, mais stimulant le jeu de la
concurrence grâce à l'introduction de contrats liés aux résultats obtenus, afin de réduire les coûts tout en
élargissant les possibilités de choix des consommateurs." (Ryan, 1995, 41)
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Article
Full-text available
La mise en evidence d'une pluralite de logiques de formation dans des entreprises en cours de modernisation technique et/ou organisationnelle va a l'encontre du discours courant sur la « nouvelle entreprise » . Selon celui-ci, les transformations du marche et les (r)evolutions technologiques devraient mener a une attention accrue aux competences et a la formation des travailleurs de base. La realite est plus complexe du fait de la diversite du tissu productif et des voies de modernisation
Article
Full-text available
L'étude des mouvements de la démographie professionnelle permet d'analyser la capacité de régulation des marchés du travail fermés, régis par une relation stricte entre titre, ancienneté et poste de travail; d'interpréter ou de prédire les " défections " individuelles ou les " prises de parole " collectives des travailleurs; de supputer les transformations qui risquent d'affecter leurs règles d'organisation. Une telle étude est menée sur le personnel de la marine marchande française au cours des années 70 à 80, à l'aide du fichier des matricules des gens de mer et des fichiers d'inscription dans les écoles. La dérégulation sociale et démographique qu'elle met au jour, analysée par type de service et niveau de qualification, permet de prédire la crise de ce marché du travail fermé, qui, à terme, devrait entraîner son ouverture ou sa restructuration. /// The study of occupational population variations makes it possible to analyse the regulating ability of closed work markets, governed by a strict relationship between qualification, seniority and type of work, to interpret or foresee individual " desertions " or workers' collective declarations of disagreement, and to calculate the transformations that may affect their organizational rules. Such a study was carried out on the personnel of the French merchant navy from the 70s to the 80s, using the seamen's registration file and school enrollment files. It brings to light a social and demographic deregulation, which is analysed by type of service and level of qualification, and suggests that this closed work market will face a crisis that in the long run should cause it either to open up or be restructured. /// Die Untersuchung der Bewegungen in der Berufsdemographie erlaubt, die Regulierungsfähigkeit der geschlossenen Arbeitsmärkte zu untersuchen, die von einer festen Beziehung zwischen Titel, Berufsalter und Arbeitsplatz bestimmt werden. Ausserdem können die individuellen " Austritte " oder die kollektiven Wortergreifungen der Arbeiter interpretiert und vorausgesagt werden. Schliesslich werden Veränderungen vorausberechnet, die die Organisationsregeln beeinträchtigen könnten. Eine solche Untersuchung wird über das Personal der französischen Handelsmarine in den Jahren 70 bis 80, anhand der Stammrolle der Seeleute und der Aufnahmekarteien der Schulen durchgeführt. Die soziale und demographische Entregulierung, die hierdurch sichtbar wird, nach Dienstart und Qualifikationsniveau analysiert, erlaubt, die Krise dieses geschlossenen Arbeitsmarktes vorauszusagen, die schliesslich zur Öffnung oder Neuordnung führen dürfte. /// El estudio de los movimientos de la demografía profesional permite analizar la capacidad de regulación de los mercados del trabajo cerrado, dirigidos por una relación estricta entre título, anterioridad y puesto de trabajo; interpretar o predicir las " defecciones " individuales o los discursos colectivos de los trabajadores; calcular las transformaciones que pueden afectar sus reglas de organización. Se establece tal estudio a propósito del personal de la marina mercante francesa desde los años 70 hasta 1980, con la ayuda del fichero de las matriculas de la gente del mar y de los ficheros de inscripción en las escuelas. La deregulación social y demográfica que evidencia, analizada por tipo de servicio y nivel de calificación permite pronosticar la crisis de ese mercado del trabajo cerrado que, a plazo, debría llevar su apertura o su nueva estructuración.
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S'appuyant sur une série de recherches portant sur la formation continue les auteurs analysent comment les nouvelles formes de formation qualifiante s'inscrivent dans une stratégie de réorganisation du travail et de transformation de la gestion de l' emploi : les liens entre l' entreprise et l'Education Nationale, la recherche de formations plus adaptées aux stratégies des entreprises sont abordés à travers l'étude des intérêts et des pratiques, l'articulation des savoirs et de l'organisation du travail : savoirs scolaires et savoirs pratiques, formalisation et certification des savoirs, organisations du travail qualifiantes, projet éducatif.
Article
Colette Bernier, Ausbildungstraditionen und -innovationen im Finanzsektor in Quebec. Anhand einer Analyse der internen Arbeitsmarkte der Unternehmen untersucht dieser Beitrag die Innovationen der letzten Jahren im Bereich der Ausbildung im Finanzsektor. Er hebt die Offnung der internen Unternehmensmarkte hervor sowie die Tatsache, das zwei innovatorische Ausrichtungen der Ausbildung eingefuhrt wurden. Die erste Ausrichtung zielt auf eine Neugestaltung der bestehenden Aufgaben durch neue Formen der Ausbildung im Unternehmen ab ; die zweite Ausrichtung zielt auf eine Restrukturierung der Beschaftigungen ab sowie auf eine Umschulung eines Teils der Belegschaft durch eine Intensivierung der schulischen Ausbildung. Dabei stellt sich der Verfasser die Frage, ob diese Ausbildungsinnovationen nicht mit einem allgemeinen Trend zur Requalifizierung der Arbeit gleichzusetzen sind.
Article
Paul Ryan, Bildung und Berufsausbildung im Vereinigten Konigreich Institutionelle Veranderungen. Seit 1979 ist das Erziehungs- und Berufsausbildungssystem im Vereinigten Konigreich einer Reihe von Reformen unterworfen, die dieses System den Gesetzen des Marktes unterordnen wollen. Diese Reformen wurden durch eine allgemein verbreitete Besorgnis uber die wirtschaftliche Leistungen des Landes ausgelost. Grundlage der Reformen sind Privatisierung, Deregulierung und Quasi-Markte. Sie wurden jedoch durch Empfehlungen und Anreize erganzt, und eine neue Art der Regulierung wurde eingefuhrt, um die spezifischen Ziele zu erreichen. Wenn diese Reformen auch positive Auswirkungen insbesondere bezuglich der Effizienz gezeigt haben, so sind sie aber auch an ihre Grenzen gestosen, denn es ist schwierig, alle Bedingungen fur ein reibungsloses Ablaufen der Markte zu vereinen. Zudem wird diese Reform des Bildungswesens von anderen Sorgen bestimmt, wie z.B. die Beschaftigung, die Sparpolitik, aber auch von den Problemen der sozialen Stellung und schlieslich von politischen Rivalitaten.
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Les resultats d'une recherche collective menee aupres des salaries de six grandes entreprises ayant mis en oeuvre des « innovations » en matiere de formation continue mais aussi d'organisation du travail et de gestion des emplois confirment, tout en les affinant, les quatre « logiques salariales » mises en evidence dans une precedente recherche aupres de salaries des centres de production thermique d'EDF. Ces « logiques » reliant les « mondes vecus du travail », les « trajectoires subjectives » et les «conceptions pratiques de la formation » peuvent etre interpretees comme des formes identitaires combinant un espace privilegie d'identification (entreprise, categorie, hors-travail, reseau) et une forme typique de mobilite (ascension interne, blocage, exclusion, mobilite externe). Ces formes identitaires se construisent dans une double transaction : une transaction « subjective », de type biographique, entre l'appreciation du passe et la projection dans l'avenir, et une transaction « objective », de type relationnel, entre les individus et les institutions pertinentes et notamment les entreprises. Ces formes structurantes des pratiques et des representations ne sont pas statiques mais incluent des dynamiques specifiques induites par les transformations structurelles des entreprises et des marches du travail. Les innovations de formation constituent des indicateurs pertinents de ces transformations et les reactions salariales des expressions significatives des dynamiques identitaires.
Article
The title and the job : the relationship between the system of production and the system of reproduction. All the surveys of mobility, all the historical comparisons consider as out of the question what must be the central object of inquiry -that is, the permanence of the relationship between the words and the things, between the titles and the jobs, between the nominal and the real. What sense is there in considering as identical the primary school teacher of 1880 and the primary school teacher of 1930, or of 1974 ? Is the son of a primary school teacher really a "teacher's son" in the sense that he is himself a teacher ? Doesn't the nominal identity hide the real disparity ? The dialectic of title and job is a manifestation of the dialectic of de-classifying and re-classifying that is one aspect of the class struggle.