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Téoros
Revue de recherche en tourisme
Quel avenir pour l’hébergement touristique rural ?
Le cas de gîtes et des chambres d’hôtes du Massif central
(France)
Jean-François Mamdy, Marion Guillot et Nathalie Disez
Tourisme et solidarité
Volume 26, numéro 3, automne 2007
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1071008ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1071008ar
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Éditeur(s)
Université du Québec à Montréal
ISSN
0712-8657 (imprimé)
1923-2705 (numérique)
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Citer cet article
Mamdy, J.-F., Guillot, M. & Disez, N. (2007). Quel avenir pour l’hébergement
touristique rural ? Le cas de gîtes et des chambres d’hôtes du Massif central
(France). Téoros, 26(3), 56–66. https://doi.org/10.7202/1071008ar
Analyse
Téoros Automne 2007
56
Jean-François Mamdy,
Marion Guillot et Nathalie Disez
Le succès des formes d’hébergement spéci-
fiques du tourisme rural en France, gîtes ruraux
et chambres d’hôtes, ne se dément pas
auprès des clientèles touristiques françaises
ou européennes. Pourtant les analystes
s’interrogent sur l’avenir de ce type d’hé-
bergement, d’une part en raison de mouve-
ments de retrait observés çà et là après une
progression continue du parc de gîtes ruraux,
d’autre part en raison d’une progression
très vive du nombre de chambres d’hôtes,
qui risquerait (paradoxalement) de saturer la
demande. L’hébergement touristique rural,
dans ses formes les plus spécifiques, tient
une place capitale dans l’offre de tourisme
rural, dont on sait l’importance pour le dé-
veloppement rural (Disez, 1999 ; Mamdy et
al., 2001). On mesure ainsi l’enjeu stratégique
d’une connaissance précise des dynamiques
à l’œuvre au sein du parc d’hébergement
touristique, ainsi que d’une approche pros-
pective, pour éclairer les professionnels et les
décideurs du tourisme rural et fonder leurs
choix et leurs actions.
Le présent article exploite les analyses et les
résultats d’une recherche réalisée de 2003 à
2005 pour le compte de la DATAR du Massif
central et de l’observatoire SPOT Auvergne,
par l’unité de recherche NFAER / Métafort de
l’ÉNITA de Clermont-Ferrand1.
Il convient de rappeler que les pouvoirs pu-
blics commanditaires (DATAR) cherchent à
accompagner le développement rural de
façon efficace. Dans le schéma de pensée
actuel, la performance du secteur d’activité
passe par une offre de produits et services de
qualité, des entreprises compétitives, des
professionnels formés. Reste à savoir si l’en-
semble de ces concepts est représentatif des
réalités du tourisme rural et pertinent pour
l’action… Les gîtes et les chambres d’hôtes
sont-ils des produits, au sens où les défi-
nissent les spécialistes en marketing, lors-
qu’ils parlent du couple produit-marché ?
Les structures d’hébergement touristique
sont-elles des entreprises au sens d’orga-
nisations complexes, assemblant des acti-
vités diversifiées, employant souvent du
personnel salarié, recherchant le profit ?
Ou sont-elles des formes d’activité mi-do-
mestique, mi-marchande, majoritairement
familiale, consubstantielle d’un projet de
vie ? Les hébergeurs, enfin, sont-ils animés
de l’esprit d’entreprise ou plutôt d’une pas-
sion pour les vieilles pierres ? Sont-ils de vrais
professionnels du tourisme ou plus généra-
lement des acteurs de la société civile ?
Le questionnement sous-jacent à ce travail
de recherche-développement, dont la finali-
té est d’éclairer la décision publique pour ac-
compagner au mieux le développement tou-
ristique, s’appuie sur les concepts structu-
rants de l’économie, du marketing et du
management (entreprise, produit touristique,
professionnalisme), en les soumettant à
l’épreuve des faits.
Une première partie introductive décrit le
cadre factuel : le parc d’hébergement tou-
ristique rural des gîtes et des chambres d’-
hôtes de la marque « Gîte de France» dans
le Massif central et son évolution de 1980 à
2004. Une analyse interprétative des faits est
esquissée.
Une deuxième partie affine la connaissance
et la compréhension des dynamiques par une
investigation auprès des hébergeurs : la dis-
tinction de profils d’hébergeurs éclaire des lo-
giques d’acteurs très différenciées.
Se fondant sur l’opinion d’experts, la troisième
partie présente un essai prospectif à dix ans sur
le parc d’hébergement touristique rural.
Animation Jasserie du Coq Noir. Parc naturel régional du Livradois Forez.
Source : Route des métiers du Livradois-Forez.
Quel avenir pour l’hébergement
touristique rural ?
Le cas de gîtes et des chambres d’hôtes du Massif central
(France)
Analyse
57
Automne 2007 Téoros
Le propos s’achève par une discussion qui
confronte les enseignements des diverses
sources d’analyse. Des prévisions et des
recommandations sont avancées en fin
d’article.
Le parc de gîtes et de chambres
d’hôtes : des évolutions
différenciées
Les étapes préliminaires de l’étude ont
consisté à retenir un cadre spatial et temporel
pour observer l’évolution du parc d’héber-
gement touristique rural.
Le cadre spatial est celui du Massif central
physique, tel que défini par le décret du 20
septembre 1985 l’instituant dans la logique
de la Loi Montagne. Le Massif central est un
ensemble physique de moyenne montagne
habitée, à caractère agricole et rural marqué.
L’espace est cependant divers par ses reliefs
(montagnes, plateaux, plaines et vallées), ses
paysages, ses patrimoines, ses pays ru-
raux et ses villes. Il rassemble de ce fait des
espaces, des sites, des territoires à poten-
tiel touristique important, mais plus ou moins
mis en valeur et ne constituant pas réellement
une destination touristique affirmée.
Le cadre temporel retenu pour l’analyse
couvre la période 1980-2004 au cours de la-
quelle une forte dynamique de développe-
ment touristique a marqué l’espace rural. Des
dates de référence ont été retenues pour
rythmer l’observation des évolutions.
Il aurait été souhaitable de prendre en consi-
dération toutes les formes d’hébergement
spécifiques du tourisme rural. Les difficultés
de la collecte d’information ont limité les am-
bitions aux seuls hébergements labellisés,
ignorant donc le parc des meublés locatifs,
déclarés ou non. Parmi les hébergements la-
bellisés, seuls les plus spécifiques, mais
aussi largement dominants, les Gîtes de
France, ont été retenus2.
L’information, collectée à l’échelle départe-
mentale à partir des brochures, des relais dé-
partementaux ou de la fédération nationale,
a été traitée sur la base d’indicateurs simples
à mobiliser et agrégeables : effectifs de
structures, de propriétaires, de chambres, ni-
veaux de qualité.
L’état des lieux général en 2000 (tableau 1),
avec 7889 gîtes et 3627 chambres d’hôtes,
montre l’importance relative du parc d’hé-
bergement touristique du Massif central
dans l’ensemble national : respectivement
18 % et 15 % du total. Les hébergements
sont répartis dans l’espace avec des varia-
tions de densité importantes : le sud du
Massif est mieux doté en gîtes, la frange de
l’est est mieux pourvue en chambres.
Quelques départements sont particulière-
ment riches en hébergements touristiques ru-
raux, tels le Lot ou l’Ardèche.
Le principal constat d’évolution pour le parc
de gîtes est celui d’une progression d’abord
vigoureuse dans la décennie 1980, puis
atténuée dans la décennie 1990, et d’un
léger recul depuis 2000. À l’inverse, le parc
de chambres d’hôtes progresse d’abord
lentement dans la décennie 1990, puis très
fortement ensuite (tableau 1, graphique 1).
Ces deux trajectoires inversées traduiraient-
elles un processus de substitution entre un
mode d’hébergement ancien désormais dé-
modé et un nouveau concept en progres-
sion ? L’argumentaire simpliste ne tient pas.
Dans sa thèse, Salma Loudiyi (2003) fournit
une analyse des faits infiniment plus dé-
taillée à l’échelle communale et montre,
dans l’imbroglio des dynamiques localisées,
la complexité des processus à l’œuvre. Plus
simplement, nos analyses montrent la di-
versité des situations et la particularité des
trajectoires départementales et laissent
suspecter l’influence des politiques dépar-
tementales d’appui au développement de
l’hébergement touristique. Ainsi, la diminution
de l’effectif observé de gîtes ruraux en
Ardèche ou dans le Puy-de-Dôme est prin-
cipalement due à une politique plus sélective
des relais. En outre, l’élévation du niveau
de qualité des hébergements touristiques
creusois est attribuable à la politique incitative
mise en place dans le département.
Dans l’ordre des constats globaux d’évolu-
tion, il convient de souligner l’élévation gé-
nérale du niveau de qualité depuis deux dé-
cennies, qui porte à près de 40 % le parc de
gîtes trois épis et à près de 60 % le parc de
chambres d’hôtes trois épis en 2000. La pro-
gression se poursuit du reste puisque, en
2004, 74 % des chambres d’hôtes Gîtes de
France du Massif central sont classées au
moins trois épis.
Source : nos calculs (par agrégation des données des relais départementaux des gîtes de France).
Tableau 1
État des lieux du parc d’hébergement en gîtes et tables d’hôtes du Massif central
Source : nos calculs (par agrégation des données des relais départementaux des gîtes de France).
Graphique 1
Évolution du nombre de gîtes ruraux et de chambres d'hôtes dans le Massif central de 1980 à 2004
Nbre GR
1980 Nbre GR
1990 Nbre GR
2000 Nbre GR
2004 Nbre CH
1980 Nbre CH
1990 Nbre CH
2000 Nbre CH
2004
Massif
central 5119* 7403 7889 7615 541** 1365 3627 4159
GR – gîtes ruraux ; CH – chambres d’hôtes.
* Sans l’Hérault.
** Sans l’Hérault, le Rhône et la Lozère (manque de données).
Analyse
Téoros Automne 2007
58
En définitive, le parc d’hébergement tou-
ristique rural, globalement réparti sur l’en-
semble du Massif, avec des dotations in-
égales certes selon les départements,
semble assez stabilisé pour les gîtes, mais
en forte progression pour les chambres. La
qualité des hébergements est partout en
progression. Aucune loi générale d’évolution
spatiale ne se dégage, ni même de diffé-
renciation entre dynamique des gîtes et des
chambres, si ce n’est l’influence perceptible
de l’organisation départementale.
Populations et profils
d’hébergeurs touristiques
Mieux comprendre les dynamiques d’évolu-
tion au sein du parc d’hébergement touris-
tique rural suppose de poursuivre l’investi-
gation au-delà des données chiffrées, auprès
des propriétaires gestionnaires de structures.
Une hypothèse vraisemblable est que l’on
peut distinguer dans la population des ac-
teurs plus ou moins entreprenants, se re-
groupant en profils de gestionnaires, ca-
ractérisés par des pratiques touristiques,
avec des logiques et des motivations et,
pourquoi pas, des projections spécifiques en
termes d’avenir.
Une autre hypothèse est de considérer
qu’un distinguo important caractérise les
propriétaires gestionnaires de gîtes et de
chambres, les premiers répondant à un pro-
fil conservateur en lien avec la contraction du
parc de gîtes observé, les seconds, plus dy-
namiques, constituant une population d’ac-
teurs pionniers.
La question des stratégies d’avenir est es-
sentielle dans la perspective de l’étude.
Au vu du discours des acteurs interrogés,
quelle est la tendance générale et/ou par-
ticulière aux différents profils: retrait, conti-
nuation ou expansion ?
La méthodologie de recherche s’articule en
trois étapes :
- Une première phase qualitative privilégie
l’entretien approfondi semi-directif au-
près d’hébergeurs. L’analyse du discours
enregistré permet de relever les pratiques
et les justifications sur la base d’une
grille inspirée de la théorie des gran-
deurs (Boltansky et Thévenot, 1991 et
1998) et de construire, en référence à des
typologies éprouvées par la recherche
(Disez, 1996 Simmoneaux, 1999 Simon,
2000 Perret et Marcepoil, 2001 ; Charron,
2003), des profils différenciés d’héber-
geurs. Un échantillon de 31 structures re-
présentatives de la diversité (localisation,
chambres ou/et gîtes, autochtone / nou-
veau-venu, en activité / en projet / sortant)
est enquêté (Gallo, 2004) ; il permet de
construire une typologie en cinq classes.
- Une deuxième phase quantitative donne
une estimation du poids respectif des
profils d’hébergeurs. La méthode utilisée
est alors l’enquête téléphonique condui-
te de façon directive sur la base des
profils précédemment construits.
L’échantillon comporte 300 propriétaires
gestionnaires. Il tient compte de la ré-
partition et de la pondération par dé-
partement, selon la méthode des quotas.
Construit par tirage aléatoire (1 pour
20) au sein des registres des relais dé-
partementaux, il est représentatif de la
population des hébergeurs du Massif
central. Le questionnaire reprend la
structuration de l’entretien en tête-à-
tête, mais les questions sont formulées
de façon plus directive. Le questionnaire
identifie les motivations en référence à
celles qui caractérisent les profils de la
phase qualitative, les pratiques du pres-
tataire dans son activité touristique, sa
posture face à l’avenir. Le codage des
réponses permet a priori de trancher sur
le profil d’appartenance et de procéder
au regroupement.
- Une troisième phase approfondit l’in-
vestigation par une analyse spatiale dy-
namique. En suivant chaque structure
d’hébergeur localement, année par
année, on cerne plus finement les évo-
lutions que par l’analyse des soldes.
Une approche sélective sur les années
2000 à 2004, à l’échelle de plusieurs dé-
partements, est testée.
Après un cadrage général de la population
d’hébergeurs touristiques, les cinq profils
d’acteurs sont analysés. Un essai de quan-
tification est proposé. Une réflexion sur les
hypothèses initiales termine l’investigation.
La population d’hébergeurs
dans son ensemble
Les caractéristiques de la population d’hé-
bergeurs touristiques, gestionnaires de gîtes
et de chambres d’hôtes, ont été déter-
minées à partir d’un questionnaire adminis-
tré par enquête téléphonique auprès des
propriétaires gestionnaires. L’échantillon
concerne 300 hébergeurs sélectionnés
par la méthode des quotas, par départe-
ment et type d’activité, à partir des listes
des guides Gîtes de France du Massif
central (60 % gîtes, 32 % chambres, 8 %
gîtes et chambres).
Globalement les hébergeurs sont âgés, la
moyenne d’âge étant de 60 ans. La ma-
jorité est retraitée. Leur structure d’accueil
est de petite dimension : une structure sur
deux offre un gîte ou une chambre. Un
propriétaire sur cinq est agriculteur. Le ni-
veau de formation en tourisme est très fai-
ble, puisque seulement 30 % des per-
sonnes ont suivi une formation ad hoc. Les
deux tiers des prestataires n’ont jamais fré-
quenté un gîte ou une chambre à titre tou-
ristique !
Cinq profils d’hébergeurs
différenciés
Sur les 31 « cas d’étude » analysés, cinq
profils d’hébergeurs ont pu être distingués.
Complément de revenu et
complément de liens
Un premier profil rassemble des person-
nes cherchant dans l’activité touristique
des revenus complémentaires : « Comme
je prends ma retraite dans six mois et que
je n’aurai pas une retraite conséquente, je
me suis dit : pourquoi pas…? Sans l’ac-
tivité chambres d’hôtes je pense que la re-
traite me ferait peur. » L’activité d’héber-
gement au domicile permet aussi de
maintenir des liens sociaux dans un envi-
ronnement de campagne isolée : «J’ai été
habituée à voir des gens… donc j’avais
peur de cette coupure… de ne voir per-
sonne l’hiver. »
Le partenariat professionnel se limite au ré-
seau Gîtes de France et localement à
l’Office de tourisme. La communication est
gérée a minima.
L’avenir est la poursuite de l’activité dans
la continuité : « Au début, on aurait aimé
louer davantage… cela s’équilibre. Si on
avait fait moins, il aurait fallu faire quelque
chose… mais quoi ?»
Analyse
59
Automne 2007 Téoros
Patrimoine : une histoire d’amour
Il y a dans ce profil une passion des vieilles
pierres, un goût pour restaurer le patri-
moine et en raconter l’histoire : « Pour la pe-
tite chaumière, je passerai d’abord par la
fondation du patrimoine. » «J’ai dans l’idée
de valoriser des vieilles lettres que j’ai re-
trouvées, écrites par des gens de là-haut,
et qui laissent imaginer comment on vivait
il y a 70 ans. »
Ces personnes, principalement concernées
par des gîtes ruraux, sont dans une logique
de projet, un projet-passion tourné vers la
restauration du patrimoine bâti.
Ici encore la dimension touristique reste
complémentaire du projet. Les relations pro-
fessionnelles sont limitées (Gîtes de France,
Office de tourisme).
L’avenir est dans le projet patrimonial et fa-
milial : «Je pense que si nous avons des en-
fants qui nous succèdent ici, ils auront
tous les bâtiments qui permettent de faire
deux gîtes ruraux dans la propriété. »
Patrimoine : un plan d’épargne
dans la pierre
À la différence du profil précédent, ces hé-
bergeurs visent le placement financier :
« Nous avons fait notre partage, nous
avons trois maisons et trois enfants… nous
préférons leur laisser des maisons que de
l’argent. »
Le gîte rural est considéré comme un meu-
blé de location plus qu’un outil de produc-
tion touristique et l’accueil n’a pas vrai-
ment le statut d’une activité professionnelle :
« Vous savez, les Hollandais ont un langage
très compliqué, par contre ils sont propres…
alors que les Français… »
Ces hébergeurs ne se projettent pas dans un
avenir professionnel et pourront assez faci-
lement glisser vers la location à l’année,
jugée moins contraignante.
Projet de vie : du temps pour soi
Cette catégorie choisit l’hébergement tou-
ristique à la campagne comme élément
d’un projet de vie : « Il arrive un moment où
l’on aspire à autre chose. Donc, on a cher-
ché une méthode pour changer un peu de
style de vie ; on avait envie de revenir en
Ardèche. Un retour aux sources en fait.» « Il
y avait une qualité de vie que l’on recherchait,
c’était vivre à la campagne, pour avoir la tran-
quillité, la sérénité. »
Le projet professionnel s’articule au projet de
vie, lui étant cependant subordonné : «Moi,
j’avais envisagé un moment de faire la table
d’hôte, mais bon… étant seule, mon mari tra-
vaillant, ça me paraissait un peu lourd. Ce
qu’on voulait absolument, c’est garder un
petit peu de disponibilité. »
Ces hébergeurs ont un comportement vo-
lontariste et professionnel ; ils ne lésinent
pas sur l’effort de promotion, utilisant toute
une panoplie de moyens variés : cartes de
visite, brochures, presse, site Web… Ils
sont le plus souvent militants du dévelop-
pement local : «J’ai animé des séances de
danses folkloriques…, on a cherché à créer
une chorale…, dans notre groupe de déve-
loppement local on se disait que l’on pou-
vait faire des choses… Je voulais peut-être
faire la démonstration qu’on pouvait faire
quelque chose dans le tourisme. »
Projet de vie et d’entreprise
Il s’agit encore ici d’acteurs volontaristes qui
ont fait un choix radical en s’installant à la cam-
pagne pour créer une entreprise. Leur projet
de vie est un projet professionnel: « Je voulais
être indépendante, et puis j’avais un bien…
C’est l’opportunité et puis l’envie de revenir à
mes sources… Je cherche la rentabilité mais
je veux me faire plaisir ! J’ai quitté l’adminis-
tration pour ça ! Je ne supporte pas l’autori-
té, mais le travail ne me fait pas peur ! »
Le professionnalisme rime avec efficacité et
rentabilité : « Je veux faire monter ça ; de
toute façon, je me suis investie comme si je
m’investissais dans un commerce. Donc,
mes quatre chambres et mon gîte, il faut que
ça tourne huit mois dans l’année. »
Il s’agit désormais d’une démarche d’entre-
prise, complexe, évolutive, tirée par la qua-
lité : «Deux gîtes de séjour, quatre chambres
d’hôtes trois épis, la ferme-auberge et la
ferme pédagogique. On a fait nos quatre
chambres dès le départ en 1983, on y a ra-
jouté la table d’hôte en 1995, cela roule
bien…, on a travaillé tout de suite sur une
nourriture de qualité. Cela s’est su et on a
glissé vers la ferme-auberge en 1997. »
« J’aurais beaucoup aimé faire, peut-être
une fois par mois mais hors-saison, des
soirées à thème : des soirées contes, des soi-
rées musique classique, musique de pays… »
Ces personnes sont à la recherche d’in-
novation et recourent à la formation : « Je
prends des cours d’anglais à la chambre de
commerce ; je me suis perfectionné en
l’informatique, je suis prêt à créer mon
propre site. »
Gîte de groupe. Domaine de Chagourdat dans le Puy de Dôme.
Source : Route des métiers du Livradois-Forez.
Analyse
Téoros Automne 2007
60
Le monde des hébergeurs
touristiques change en se
diversifiant
En conclusion, l’analyse du discours a per-
mis de différencier cinq profils contrastés en
termes de motivation, de logiques d’action
et de pratiques. Le nuancier est intéressant
dans la mesure où il renouvelle et enrichit les
typologies mises en lumière dans la décennie
1990 : complément de revenu, patrimoine,
entreprise (Disez, 1996). La catégorie « pro-
jet de vie » dans sa version «temps pour soi »
correspond à une nouvelle génération
d’acteurs qui organisent leur vie en fin de
carrière professionnelle sur un mode mi-
domestique, mi-professionnel. De même, le
groupe « patrimoine-épargne » se singularise
à la marge de l’activité économique et du
placement sécuritaire.
La spécificité de ces deux profils, qui n’avait
pas été relevée jusqu’alors à notre connais-
sance, tient probablement à l’émergence de
nouveaux comportements : d’une part, de-
puis quinze ans, un processus de migration
significatif de familles urbaines relativement
aisées vers la campagne, attirées par la
cadre de vie et décidées à porter un projet de
vie en rupture avec leur passé, d’autre part
un engouement pour le placement financier
dans la pierre, qui s’avère être depuis une di-
zaine d’années la meilleure garantie contre
l’érosion monétaire. Que de tels comporte-
ments aient existé autrefois est probable, leur
révélation dans le panorama de la diversité
des hébergeurs touristiques aujourd’hui en
souligne l’importance.
La différenciation en profils souligne l’hété-
rogénéité des structures d’hébergement
touristique et des populations d’hébergeurs.
On ne reconnaîtra guère l’archétype de
l’entreprise et de l’entrepreneur, sinon dans
le dernier profil décrit comme « projet de vie
et d’entreprise ». Deux autres profils pré-
sentent une dimension économique affirmée
(complément de revenu et placement fi-
nancier) ; pour autant l’activité touristique
reste complémentaire et/ou sécuritaire et
ne constitue pas une « pure » entreprise…
Enfin, les deux derniers profils (patrimoine
– passion et projet de vie – temps pour soi)
illustrent des modèles d’organisation do-
mestique qui répondent principalement à
des finalités sociales et culturelles.
Gîtes ou chambres d’hôtes constituent,
nous le pensons, des produits bien différents.
Cependant, leur rattachement à tel ou tel
profil n’est pas aussi simple. De vrais entre-
preneurs combineront les deux produits,
attirant des clientèles complémentaires. Gîtes
et chambres pourront apporter l’un ou l’au-
tre un complément de revenu pourvu qu’ils
soient de qualité et gérés comme de véri-
tables produits touristiques. Les hébergeurs
les plus professionnels (profils « complément
de revenu » ou « entreprise ») gèrent aussi
bien des chambres d’hôtes que des gîtes.
Le seul constat solide relève que les héber-
geurs à logique patrimoniale disposent très
généralement de gîtes.
Apports de l’analyse quantitative
Qu’apporte l’analyse quantitative de la
population d’hébergeurs touristiques ?
L’enquête téléphonique auprès de 300
propriétaires gestionnaires n’a pas permis
de retrouver les nuances qu’avait relevé
l’entretien semi-directif en tête à tête. Le
profil « complément de revenu » se fond
dans les profils « patrimoine» et « projet de
vie ». De même, le profil «patrimoine-épar-
gne » ne se distingue plus du profil «patri-
moine-passion ».
L’analyse quantitative met en relief l’impor-
tance du profil patrimoine pris globalement :
59 % du total des acteurs. Ce groupe do-
minant représente l’archétype du petit
propriétaire traditionnel peu professionnel.
Le 41 % restant correspond aux prestataires
pour lesquels l’hébergement touristique rural
constitue le projet de vie : un groupe d’ac-
teurs beaucoup plus professionnels renou-
velant la population des hébergeurs (un sur
deux est néo-rural). Par ailleurs, 25 % du total
sont des prestataires pour lesquels la qualité
de vie est essentielle. Leur projet est parta-
gé entre qualité de vie et activité rémuné-
ratrice. Finalement, 16 % des acteurs condui-
sent, en vrais professionnels, une entreprise
touristique à part entière.
La perte de nuances consentie au traitement
statistique, imputable à la méthode d’en-
tretien téléphonique, est compensée par
une approche qualifiée de la diversité.
Décidément, le secteur de l’hébergement
touristique révèle une forte spécificité : seu-
lement 16% de véritables entreprises, un
quart des acteurs en quête d’un projet de vie
multifonctionnel, une forte prépondérance
d’hébergeurs traditionnels gérant leur pa-
trimoine dans un cadre plus domestique que
marchand.
Face à l’avenir, les acteurs envisagent prin-
cipalement continuer leur activité sans grands
changements : les deux tiers des héber-
geurs pensent poursuivre leur activité durant
les cinq à dix prochaines années ; le quart
sont dans l’indécision ; 8% envisagent d’ar-
rêter, pour la retraite principalement.
Randonnée dans le Cantal.
Photo : Pierre Soissons. Comité Régional du Tourisme d'Auvergne.
Analyse
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Automne 2007 Téoros
Les hypothèses que nous avions formulées
reliant dynamisme des acteurs, esprit
d’entreprise et avenir de la structure, sem-
blent infirmées par les discours. Rien ne
permet de dire que les entrepreneurs se
projettent plus dans la pérennisation de leur
structure que les passionnés du patrimoine
ou les tenants de la qualité de vie. Seule
confirmation banale : les 18%d’hébergeurs
qui envisagent de développer leur affaire
appartiennent principalement au groupe des
entrepreneurs touristiques.
Apports de l’analyse localisée
dynamique
L’approche globale qualitative et évolutive du
parc d’hébergement touristique rural ainsi
que l’approche quantitative par profil de la
population d’hébergeurs contribuent à dé-
crire des objets (parc d’hébergement, héber-
geurs) et à révéler des volumes, des pro-
portions, des mouvements d’ensemble.
Cependant de telles descriptions ou analyses
peuvent occulter des réalités et des pro-
cessus qu’un changement d’échelle aurait
révélés. On a pu ainsi constater que la tra-
jectoire d’évolution générale du parc d’hé-
bergement de gîtes du Massif central était
contredite dans certains départements. Il a
paru utile d’explorer plus finement les
mouvements d’évolution saisis par les soldes
entrées-sorties du parc d’hébergement par
une analyse spatiale dynamique localisée.
Loin de constituer une étude exhaustive
couvrant l’espace Massif central et la durée
1980-2004, cet éclairage approfondit le pro-
cessus de renouvellement des structures
d’hébergement, en relevant les flux d’entrées
et de sorties du parc, unité par unité, sur
deux départements, Creuse et Puy de Dôme,
sur la période 2000-2004.
Alors que l’analyse des soldes entrées-sorties
de 2000 à 2004 donne pour la Creuse une
perte nette de 14 gîtes sur un total de 364 en
2000 et pour le Puy de Dôme une perte nette
de 1 gîte sur 460 la même année, l’analyse
des flux montre sur la période 84 créations et
98 disparitions en Creuse, 117 créations et
118 disparitions dans le Puy de Dôme. En
quatre ans, le quart des structures du parc se
trouvent donc renouvelées!
Qui plus est, la cartographie communale sur
la période 2000-2004 fait état d’une redis-
tribution spatiale des structures d’héberge-
ment à l’occasion de ce renouvellement.
L’analyse localisée apporte ainsi un éclairage
nouveau – qui mériterait sans doute d’être
confirmé – sur le changement réel que les don-
nées globales traduisaient par une lente évo-
lution. Le renouvellement des acteurs, et des
profils qu’il induit vraisemblablement, est sans
doute lourd de conséquences pour l’avenir.
L’avenir du parc d’hébergement
touristique rural
L’objet de l’étude prospective est d’imaginer
les avenirs possibles du parc d’hébergement
touristique rural du Massif central.
La démarche prospective s’est particuliè-
rement développée en France depuis les an-
nées 1950 dans le contexte de la planifi-
cation centralisée, puis ultérieurement sous
l’impulsion de la DATAR, et au-delà avec la
décentralisation des régions… Le centre
de ressources prospectives de la DIACT3
comptabilise 160 études prospectives en
2006, nationales ou régionales, sectorielles
ou globales, sur des sujets aussi divers que
l’emploi, la démographie, l’environnement,
les dynamiques territoriales…
La prospective n’est ni la planification, ni la
programmation, encore moins la prévision.
Il s’agit au fond d’une attitude d’esprit, que
Pierre Masse, ancien commissaire au Plan,
qualifie d’« indiscipline intellectuelle», néan-
moins formalisée par un ensemble de mé-
thodes qui permettent, comme le dit Gaston
Berger (1967), « de voir loin, large et pro-
fond ». Les auteurs dans la lignée d’Henri de
Jouvenel (1993) lui confèrent trois missions :
comprendre le présent, anticiper les chan-
gements, ouvrir le champ des possibles. Les
avancées les plus récentes contribuent à ou-
tiller la démarche prospective en vue d’une
utilisation stratégique et opérationnelle par les
apports de la modélisation et du calcul in-
formatique (Godet, 1997).
La connaissance des évolutions passées, des
profils d’hébergeurs, des stratégies dé-
ployées et des intentions exprimées dans les
discours permet d’entrevoir un mouvement
d’ensemble dans le sillage du passé, des pra-
tiques et des intentions des acteurs actuels.
Le parc continue d’évoluer en nombre d’uni-
tés et en qualité ; les acteurs du changement,
les hébergeurs, se renouvellent ; l’univers
du marché touristique, des campagnes, des
organisations professionnelles, de l’inter-
vention publique changent.
La troisième partie, s’appuyant sur les propos
d’experts interrogés sur la question de l’avenir
du parc d’hébergement rural du Massif central,
dessine des scénarios d’avenir à dix ans.
Treize experts ont apporté leur contribution à la
réflexion4. En raison de leur position (experts du
ministère du Tourisme, représentants profes-
sionnels, chercheurs et consultants), ils si-
tuent leur analyse principalement à l’échelle na-
tionale, mais trois d’entre eux apportent, par leur
appartenance territoriale, un éclairage particulier
sur le Massif central.
La synthèse dégage successivement les ten-
dances lourdes qui orientent l’évolution, des
tendances plus récentes ou encore incertaines.
De ces tendances les variables motrices qui
formatent l’évolution sont extraites, les facteurs
de rupture susceptibles de changer la donne
sont isolés. Les différents scénarios issus de
ces entretiens identifient des solutions de
remplacement. Quelques réflexions straté-
giques concluent l’analyse.
Les tendances lourdes
D’une façon générale, et depuis plus d’une
décennie, l’attractivité de la campagne se
confirme (Kayser, 1993 ; Hervieu et Viard, 1996;
Perrier-Cornet, 2002). Elle se traduit par un
mouvement d’installation résidentiel (résidences
principales et secondaires) et une fréquentation
touristique croissante de la campagne5. Le tou-
risme rural profite de ce mouvement, entrant de
plain-pied dans l’ère du marché.
La demande touristique pour la campagne, en
relation avec l’accroissement du temps libre, est
en progression continue, dans le contexte de
courts séjours notamment. Cette progression
est soutenue par l’afflux des clientèles étran-
gères du nord de l’Europe (Allemagne, Bel-
gique, Pays-Bas, Royaume-Uni).
Cette demande s’adresse à la fois à l’espace
de la nature et à celui de la ruralité6. Les tou-
ristes cherchent le calme et la tranquillité de la
campagne (en regard au stress urbain), la sé-
curité physique et alimentaire, source de
bonne santé (le bon air, de bons produits de
terroir, la sécurité…), l’esthétique (paysage,
belle architecture, vieilles pierres…), le res-
sourcement et la convivialité. Les touristes sont
attachés à la symbolique rurale : la ferme, le
village, le clocher, les paysages agraires.
D’un autre point de vue, ces touristes atten-
dent de leur lieu d’accueil le confort et le haut
de gamme (et, pour les gîtes ou chambres
d’hôtes, de plus en plus le trois épis).
Analyse
Téoros Automne 2007
62
La notion de qualité est primordiale pour les
touristes. Cela signifie de plus en plus
d’équipements modernes, comme dans la
vie quotidienne, de services (garde d’enfants,
ménage compris pour la fin du séjour), un
accueil personnalisé, mais aussi des facili-
tés de réservation, beaucoup de souplesse
(location de week-end ou de quelques jours),
la possibilité de réserver à la dernière minute,
ainsi que la fiabilité (l’intérêt d’une marque
comme Gîte de France).
Le niveau de revenu de la clientèle des hé-
bergements ruraux, qui se situe de moyen à
élevé, est progressivement plus élevé7. Avec
la demande de qualité et l’encouragement
des pouvoirs publics qui soutiennent finan-
cièrement la politique de haut de gamme, les
prix montent, sélectionnant les segments de
clientèle à haut pouvoir d’achat et attisant la
concurrence avec des destinations alterna-
tives moins chères.
La clientèle touristique de la campagne,
parce qu’elle voyage partout, est de plus en
plus avertie. Non seulement elle compare les
prix et les qualités, elle cherche à discuter les
prix, elle devient consumériste et procédu-
rière (dénonciation des contrats).
L’hébergement rural est au cœur de l’offre
touristique rurale, avant même la destination
et les activités. En relation avec une de-
mande de qualité – architecture, confort,
services –, l’offre d’hébergement rural se
diversifie. La concurrence s’intensifie avec
la multiplication d’initiatives issues de
grands groupes (résidences de tourisme),
de filières (hébergement de plein air de
qualité, relais-châteaux) ou de particuliers
(villages de gîtes…).
L’évolution du parc d’hébergement rural
est en proie à des forces contraires : d’un
côté un appauvrissement de structures par
absence de réinvestissement, de l’autre un
renouvellement avec des créations, des in-
novations, des offres toujours plus com-
plètes autour de l’hébergement : accueil, ani-
mation, services et activités. La tendance à
l’enrichissement de l’offre varie selon les seg-
ments de clientèles. La demande de services
semble générale, la demande d’activités
plus particulière (rando-accueil).
Les gîtes et les chambres d’hôtes relèvent,
aux dires des experts, de deux formes assez
différentes d’hébergement touristique, de
conception et de contenu de séjour touris-
tique. Le gîte offre le côté pratique, fonc-
tionnel, familial, éventuellement collectif. La
chambre d’hôte relève d’une pratique plus in-
timiste, de couple, itinérante. Le gîte s’inscrit
dans la tradition, la chambre dans la mo-
dernité comme une nouvelle formule d’hô-
tellerie à la campagne : pratique, d’autant
qu’elle est souvent associée à la table d’hôte,
souple, intime et relationnelle. Les tendances
actuelles soulignent l’engouement pour cette
formule en pleine expansion, qui est en phase
avec la demande de qualité (les trois épis
dominent à Gîtes de France) et de tourisme
« intelligent », curieux de découvrir les pro-
vinces françaises et leurs habitants. Les
gîtes, quant à eux, restent une formule stable,
toujours demandée.
Dans la lignée des distinctions précédentes,
les propriétaires se scindent entre anciens et
nouveaux. Les propriétaires de gîtes à logique
patrimoniale, souvent âgés, sont les plus
passifs. Pour une part importante, ils s’ins-
crivent dans la routine et n’investissent plus
dans le gîte, ce qui en affecte la qualité. À
l’inverse, les propriétaires de chambres, de plus
en plus nombreux, sont souvent entrepre-
nants (projet de vie) ; ils disposent de moyens
financiers (étrangers, cadres supérieurs) et re-
cherchent une rentabilité économique.
Cette catégorisation rencontre pour une
part l’évolution régressive de la population
traditionnelle d’hébergeurs, les agriculteurs,
premiers gestionnaires des gîtes ruraux.
Cependant, au sein même des agriculteurs,
on trouvera des entrepreneurs agritou-
ristiques dynamiques (le nouveau guide
conjoint Bienvenue à la ferme / Gîtes de
France atteste de ce dynamisme). De même,
chez les propriétaires gestionnaires pa-
trimoniaux, dont l’effectif est assez stable,
l’abandon des uns est compensé par l’arri-
vée de nouveaux propriétaires, passionnés
de campagne et de vieilles pierres, disposant
de moyens financiers, soucieux de rentabi-
liser leur investissement ou de faire des pla-
cements financiers sécuritaires.
Ces analyses tendancielles ont une réso-
nance pour l’ensemble de la campagne fran-
çaise, dont le Massif central est un peu
l’archétype. Les trois experts plus particu-
lièrement positionnés sur le Massif central
soulignent le potentiel de développement
d’un espace déjà bien mis en valeur, mais
susceptible d’attirer davantage, autour des fi-
gures de la nature préservée, des grands
espaces et de la ruralité, de ses fermes
d’accueil. Ils s’expriment sur cet espace
avec optimisme, du fait de son désenclave-
ment récent, de son attrait nouveau, d’ac-
teurs dynamiques et ouverts à l’innovation (le
Massif central est souvent considéré comme
un laboratoire d’expérimentation…).
Un buron d'estives à réouvrir aux visiteurs. Puy de Dôme.
Source : collection personnelle, Jean-François Mamdy.
Analyse
63
Automne 2007 Téoros
Les tendances nouvelles
Les tendances nouvelles constituent des
signaux discrets pour la réflexion prospective.
Le regard des experts permet d’identifier trois
champs d’analyse : la concurrence / com-
plémentarité entre résidents et touristes, la
stratégie des nouveaux hébergeurs, le com-
portement des nouvelles clientèles du tou-
risme rural.
L’attractivité de la campagne française en-
courage beaucoup d’étrangers, mais aussi
de cadres urbains, à acheter de l’immobilier
traditionnel pour résidence principale ou se-
condaire. Cet investissement revêt aussi un
caractère de placement dans la pierre. Le prix
du bâti de caractère s’envole, rendant l’in-
vestissement en hébergement touristique
toujours plus coûteux. Cette concurrence
entre résidentiel et touristique joue plutôt
contre le développement du locatif touris-
tique, mais en même temps elle peut aussi
favoriser l’usage touristique transitoire.
Les nouveaux hébergeurs, souvent nou-
veaux arrivants de racines citadines, parfois
d’origine étrangère, apparaissent beaucoup
plus autonomes que les anciens. Ils sont
animés à la fois par un projet de vie et un
souci de rentabilité économique. Plus pro-
fessionnels, ils se développent et évoluent
à l’écoute de leurs clientèles. Demandeurs
de conseils professionnels, ils sollicitent
davantage les institutions, les bousculent et
s’affranchissent éventuellement des ré-
seaux historiques, quitte à s’organiser en
collectif autonome.
Dans le prolongement des tendances lourdes
qui soulignaient le changement des clientèles
du tourisme rural (recherche de confort, de
services, de qualité…), il convient de noter
des tendances nouvelles : ainsi, le caractère
exigeant et zappeur des clientèles influen-
cées par les modèles de tourisme industriel
« tout, tout de suite» du Club Méditerranée,
le loisir en toute sécurité dans la bulle pro-
tectrice des centre parks, le côté voyeur et
curieux chez Disney… Beaucoup expriment
le goût de la nature sauvage ou domes-
tiquée, dont l’expression la plus aboutie
est le tourisme écologique ou écologiste.
Certains attendent des séjours différents
dans le contexte d’un tourisme affinitaire,
entre amis partageant une passion com-
mune (chorale, motards…), ou d’un tourisme
familial adapté aux nouvelles retrouvailles des
familles éclatées.
L’offre d’hébergement est donc appelée à
se diversifier en intégrant de nouveaux
concepts, tels les villages de gîtes avec
services et multiples activités, mais aussi en
qualifiant ses produits face à la concur-
rence de grands organisateurs de voyages
ou de l’hôtellerie, ou encore d’autres réseaux
éventuellement étrangers.
En contrepoint de cette évolution sociétale se
pose la question des clientèles modestes, qui
constituaient le fond de commerce du tou-
risme rural aux origines. Ne risquent-elles pas
d’être mises à l’écart ? D’autant que les
porteurs de projets, encouragés par les col-
lectivités territoriales, semblent peu enclins à
développer une offre touristique pour clien-
tèles à revenu modeste. Ce segment de mar-
ché semblerait pourtant rentable, sous ré-
serve d’une bonne gestion.
Les variables motrices
Les variables motrices de l’évolution du parc
d’hébergement rural relèvent de trois do-
maines : les attentes sociétales, la stratégie
des acteurs, les politiques publiques.
L’attrait des campagnes, de la nature et de
la ruralité constitue un puissant vecteur de
fréquentation touristique. L’attente des clien-
tèles est subordonnée à un comportement
consumériste, exigeant en qualité, en varié-
té, en fiabilité… L’obligation de qualité est gé-
nérale et concerne l’ensemble des clientèles.
La demande se déplace vers les produits
haut de gamme. Les clientèles de plus en
plus expérimentées réclament des produits
et services nouveaux, élaborés et variés. Si
la promesse n’est pas tenue, elles deviennent
facilement procédurières. Cependant, sous
réserve d’une offre multiforme appropriée, cet
engouement est susceptible d’alimenter une
économie touristique à forte valeur ajoutée.
La dynamique de l’offre touristique d’héber-
gements ruraux dépend de l’aptitude des hé-
bergeurs à construire l’offre attendue. Le re-
nouvellement des acteurs est de bon augure
dans la mesure où les porteurs de projets
sont souvent dynamiques, motivés par le pa-
trimoine et la rentabilité, qu’ils disposent de
fonds suffisants et se comportent en entre-
preneurs. Faut-il encore que les dispositifs
d’incitation financière, de formation et d’ani-
mation soient en place, accessibles et effi-
cients. Faut-il aussi que les acteurs s’orga-
nisent sur les territoires et dans les filières.
A contrario, une partie importante des hé-
bergeurs semble aujourd’hui peu disposée à
évoluer, pour des raisons de mentalité, de
manque de professionnalisme ou simplement
de désintérêt à conduire une activité éco-
nomique. Le poids relatif des hébergeurs tra-
ditionnels est donc facteur d’inertie.
Il est enfin probable que la disqualification des
hébergeurs traditionnels face à la concur-
rence de nouvelles destinations et de nou-
veaux produits et la difficile transmission de
l’outil de travail ralentiront les évolutions et le
renouvellement du parc.
Les aides publiques jouent à coup sûr un rôle
important dans l’évolution de l’offre d’hé-
bergements rural. En la matière, la raréfac-
tion des crédits européens fait reposer sur les
départements et les régions le soutien aux in-
vestissements. L’inventaire de dispositifs
d’aide mis en place par les conseils généraux
et régionaux montre une forte variabilité
entre collectivités sur les niveaux et les
conditions d’attribution. Il est certain que les
stratégies des collectivités territoriales auront
des répercussions importantes sur le déve-
loppement en effectif et en qualité des struc-
tures touristiques.
D’un autre point de vue, les politiques pu-
bliques peuvent aussi inciter les hébergeurs
à s’organiser, à progresser en qualité, à amé-
liorer leur mise en marché, à dénoncer un
certain nombre de problèmes, mais elles
peuvent aussi faire peser des contraintes ré-
glementaires, fiscales, sociales, difficilement
supportables pour les hébergeurs.
L’Internet continuera de jouer un rôle im-
portant dans le développement du parc
d’hébergement rural, au même titre que
toutes les infrastructures qui rendent les
campagnes plus accessibles aux clientèles.
Le rôle des pouvoirs publics est là aussi
important pour accompagner les acteurs
dans leur modernisation.
Les facteurs de rupture
Des villes plus attractives, plus durables, di-
minueraient sans doute l’attrait de la cam-
pagne pour les résidents permanents,
secondaires ou touristiques, ainsi que
l’engouement pour l’hébergement rural.
Une probable cause de rupture dans la pro-
gression du parc d’hébergement tient à la
disponibilité du bâti. L’attrait de la campagne
Analyse
Téoros Automne 2007
64
favorise les usages résidentiels non mar-
chands (résidences principales et secon-
daires) au détriment de l’usage touristique
marchand.
Dans le même sens, la multiplication des
contraintes administratives, réglementaires,
fiscales et sociales décourage l’initiative de
porteurs de projets d’hébergement rural.
Une autre source de rupture dans les ten-
dances favorables à l’hébergement rural re-
lève de la concurrence. D’une part le haut de
gamme tire les prix vers le haut, d’autre part
la concurrence fait rage autour de nouveaux
concepts d’hébergement à la campagne, tel
Huttopia8, ou de nouvelles offres touris-
tiques patrimoniales en Europe méditerra-
néenne et atlantique ou à l’Est9.
D’aucuns pensent (Gîtes de France par
exemple) que l’authenticité, jointe à la qua-
lité, sera garante de l’attractivité de l’héber-
gement rural.
Un autre élément-clé pour l’avenir de l’hé-
bergement rural tient aux aides publiques. On
sait que les aides européennes vont se tarir.
Les départements et les régions assure-
ront-ils le relais ? Le rôle des subventions pu-
bliques sur la création et la réhabilitation du
parc d’hébergement ne sont plus à démon-
trer. Qu’en sera-t-il si, dans certaines régions
ou départements, celles-ci venaient à se
tarir ? En l’absence de progression en qua-
lité, la concurrence pourrait alors s’intensifier,
au détriment du parc.
La dynamique des acteurs reste détermi-
nante pour l’avenir. Si l’entrée de nouveaux
porteurs de projet se poursuit, le parc évo-
luera encore en qualité et en innovation.
Que feront les agriculteurs toujours moins
nombreux globalement, mais peut-être plus
ouverts à la multifonctionnalité et au tourisme
et contraints par une politique agricole de
moins en moins protectrice à rechercher
d’autres sources de revenus ?
Scénarios d’avenir
La méthode des scénarios (Godet, 1997) re-
pose sur différentes analyses – analyse
structurelle des variables-clés, des stratégies
d’acteurs, analyse morphologique du champ
des possibles – permettant de caractériser
des situations d’avenir, puis de discriminer,
parmi les multiples combinaisons possibles,
les configurations les plus cohérentes et
probables. Les configurations en question
relèvent à la fois du contexte général de la
société et du contexte propre au tourisme,
général et rural en particulier.
À l’occasion de la réflexion prospective sur
le parc d’hébergement touristique rural,
nous avons ainsi construit quatre scénarios
d’avenir contrastés de tourisme rural, sur la
base des tendances identifiées, des va-
riables motrices et des facteurs de rupture.
Le tourisme de luxe à la campagne
Le tourisme de luxe à la campagne répond
à une demande de qualité croissante.
Tourisme de niche haut de gamme, il
concerne des clientèles d’origines fran-
çaise et étrangère, mais exclut les catégo-
ries de clientèles à revenu modeste. Les
gîtes bas de gamme disparaissent lente-
ment, retournant à l’usage résidentiel.
Les nouveaux propriétaires gestionnaires
d’origine citadine aisée, parfois étrangers,
disposent de compétences étendues et de
moyens financiers personnels pour créer
des hébergements touristiques. Ils sont
ou deviennent des professionnels avertis.
Les collectivités publiques (région / dépar-
tement) poursuivent leur politique d’incita-
tion financière, dans l’idée de promotion
d’une image de qualité.
L’évolution du parc d’hébergement rural du
Massif central épouse partiellement le scé-
nario du tourisme de luxe. On sait que les
gîtes trois épis représentaient 23 % du parc
en 1990, 39 % en 2000 et 42 % en 2004.
Par ailleurs, près des deux tiers des cham-
bres d’hôtes avaient le niveau de qualité trois
épis en 2000. Les nouveaux propriétaires hé-
bergeurs qui partagent projet de vie et pro-
jet d’entreprise sont dans cette logique de
haut de gamme. Les propriétaires patrimo-
niaux peuvent être séduits par cette montée
en gamme pour rentabiliser leur structure en
l’améliorant durablement ; les propriétaires
gestionnaires en recherche de compléments
de revenu, pour partie également, sous ré-
serve d’être incités à le faire et accompagnés
par la collectivité. Notons que certains dé-
partements ont clairement opté pour cette
voie : la Haute-Vienne, la Corrèze, l’Aveyron.
Les aides à l’investissement sont aiguillées
vers les gîtes et les chambres trois épis.
Le tourisme de campagne en retrait
Dans un contexte où les villes retrouvent peu
à peu une qualité de vie (villes durables) et une
attractivité, le parc d’hébergement rural est
concurrencé par des filières industrielles de
tourisme (résidence de tourisme) qui adoptent
des concepts innovants, par des offres d’hé-
bergement rural attractives à l’étranger ou par
d’autres types d’hébergement concurrents
(hôteliers, para hôteliers…). L’offre d’héber-
gement spécifique au tourisme rural décline.
Les acteurs patrimoniaux, qui sont les plus
nombreux, abandonnent leur effort de réha-
bilitation, de mise aux normes, de requalifica-
tion, de modernisation. Seuls les plus inno-
vants parviennent à échapper à la concurrence
en jouant sur des ressources spécifiques
(produits de terroir, produits authentiques,
mise en scène…) et en se positionnant sur des
niches commerciales.
L’aide publique spécifique à l’agriculture et au
monde rural s’efface dans les pays de l’Ouest
européen, aggravant le retrait du tourisme rural.
Dans le cas du Massif central, la tendance à
la rétraction du parc de gîtes est déjà avérée
dans neuf départements sur 19. Ce sont prin-
cipalement les gîtes modestes qui disparais-
sent. Cependant, en même temps, un renou-
vellement conséquent se produit et les soldes
départementaux légèrement négatifs cachent
une importante vague de renouvellement.
L’appui des collectivités publiques peut être
significatif pour endiguer le recul d’une partie
du parc, notamment auprès des propriétaires
sensibles au complément de revenu apporté
par la location touristique.
Le Tourisme de campagne typique
Le scénario de la campagne typique met en
valeur la spécificité, la diversité, la qualité
des produits du tourisme rural. L’idée domi-
nante est « la qualité à tous les étages ». On
cherche à développer des produits authen-
tiques et spécifiques. On explore toute la
gamme d’hébergement (du un au cinq épis),
à travers toutes les formes de tourisme, pour
tous les types de clientèles. L’appui des col-
lectivités publiques se concentre sur l’au-
thenticité des hébergements ruraux et des
produits touristiques : le cas du département
de l’Aude, aux marges méditerranéennes du
Massif central, qui décline son identité cathare
dans toute la gamme des produits touristiques
Analyse
65
Automne 2007 Téoros
en est une anticipation de plus abouties. Tous
les acteurs, quelle que soit leur logique, sont
incités de fait à suivre une voie qui rencontre
la demande des clientèles touristiques de
court séjour. La diversité des profils d’héber-
geurs est prise en compte et en main dans une
démarche de qualité qui valorise l’ensemble
des aménités rurales.
Le Massif central dispose d’un potentiel consi-
dérable en termes de diversité de terroirs et de
paysages. Les hébergements ruraux et les pro-
duits qui leurs sont associés ont les qualités re-
quises pour satisfaire la demande d’authenti-
cité, de typicité, d’esthétique, de confort…
sous réserve que les pouvoirs publics sou-
tiennent cet effort.
L’aide des collectivités publiques pourrait logi-
quement soutenir les initiatives des acteurs
qui visent un développement de l’héberge-
ment de caractère et de qualité. Le scénario de
« la qualité à tous les étages » suppose en re-
vanche un redéploiement des actions (cahier
des charges, animation, formation, conseil,
appui financier…) et des cibles vers toutes les
gammes de produits et de clientèles.
Le tourisme rural en réseau
Le tourisme rural s’organise au sein de filières
et de réseaux. Les organisations d’acteurs, en-
couragées par les collectivités publiques, pous-
sent les hébergeurs à adopter des chartes de
qualité qui répondent à la demande de confort,
de services, d’animation, de développement
durable… Le mouvement s’étend à toutes
les échelles de territoire (un parc naturel ré-
gional, un département, une région, la France,
voire l’Europe…) et concerne les principales fi-
lières : Gîtes de France / Eurogîtes, Bienvenue
à la Ferme, Accueil paysan, Gîtes Panda…
Le tourisme rural se structure en réseaux et en
marques, évoluant d’une certaine façon vers
la standardisation. Les clientèles, de plus en
plus consuméristes, s’adressent aux exploi-
tants organisés commercialement, qui leur
fournissent des prestations ad hoc.
Depuis quelques années, des initiatives déci-
sives d’organisation de l’offre touristique rurale
et de mise en marché sont à l’œuvre en
Auvergne. Le Massif central semble à son tour
s’organiser pour porter l’offre diffuse des ter-
ritoires sur les marchés urbains et étrangers.
Ce processus s’appuie effectivement sur les
réseaux professionnels et territoriaux et les fi-
lières, imposant une certaine standardisation
des produits (marques et labels). Le scéna-
rio des réseaux est sans doute prometteur
pour le tourisme rural et ses hébergements,
mais il est difficile et coûteux. Il suppose une
participation active des acteurs à la base,
des contributions financières plus impor-
tantes de leur part, un repositionnement
des fédérations (Gîtes de France /
Clévacances), un partenariat public / privé
clarifié. Dans cette phase de construction, les
pouvoirs publics ne peuvent se désinté-
resser de la question.
Si les quatre scénarios décrits constituent des
caricatures d’avenir contrastées, ils traduisent
néanmoins des processus en cours. Ils trou-
veront ici ou là une part d’application et de
réalité. Cependant, les dynamiques actuelles
donnent probablement davantage de poids
aux deux derniers scénarios décrits.
L’organisation des acteurs est en effet de-
venue le mot d’ordre principal dans le monde
du tourisme rural français. Les réseaux d’ac-
teurs s’imposent dans tous les domaines, à
commencer par la promotion et la com-
mercialisation. À titre d’exemple, la région
Auvergne est en pointe sur le plan national
pour organiser la promotion des territoires
touristiques, leur mise en marché, mais aussi
la production touristique à l’échelle d’agen-
ces locales de tourisme. Par ailleurs, dans un
contexte de concurrence de plus en plus vive
entre destinations, la carte de la typicité ap-
paraît de jour en jour comme l’avantage
comparatif du tourisme à la campagne.
Conclusion
L’avenir n’est pas écrit ; il existe en fait des
marges de manœuvre. En effet, malgré l’ap-
parence d’une évolution plutôt lente, ca-
ractérisée par une demande soutenue évo-
luant vers une gamme élevée de qualité et
une offre prédéterminée par le profil des pro-
priétaires (dominante d’hébergeurs âgés), le
parc connaît des mouvements internes
considérables d’entrées et de départs. Le
fort renouvellement des hébergements per-
met de penser que les changements sont
très ouverts et que les institutions peuvent
largement peser sur l’évolution en influençant
le choix des propriétaires gestionnaires, par-
ticulièrement ceux des profils patrimoniaux,
les plus nombreux.
L’encouragement des collectivités publiques
est en effet décisif, non pas tant pour la dé-
cision de faire de l’hébergement rural ou non
que pour influencer certaines orientations
vers la qualité, la mise en marché plus per-
formante, le recours à des modes d’organi-
sation en réseau, les propriétaires gestion-
naires étant en effet de plus en plus avisés et
opportunistes.
Dans un monde incertain, les gîtes et les
chambres d’hôtes sont sans doute, quel que
soit le profil d’hébergeur, une forme de pla-
cement sans risque, susceptible d’apporter
un revenu. La recherche de la performance
n’est pas l’idéal de la majorité, mais la re-
cherche d’un « plus » est appréciée par tous.
Si les aides apportées par les collectivités et
leurs réseaux permettent ce « plus », nul
doute qu’il contribuera à faire progresser le
parc d’hébergement.
Parmi les différents scénarios, la combinai-
son des deux derniers semble la plus sou-
haitable pour le pays, l’aménagement du ter-
ritoire et les clientèles. Ces scénarios
dessinent la nature des encouragements
que les institutions pourraient mettre en
œuvre : la progression de la qualité autour de
valeurs de spécificité et de durabilité, sur
toute la gamme et pour toutes les clientèles,
la mise en réseau pour une meilleure orga-
nisation de l’offre et de la mise en marché.
Gîtes de France jouit d’une situation de
quasi-monopole ; c’est le premier exploi-
tant européen pour les hébergements ruraux.
Cependant, cette position est aujourd’hui
disputée par une concurrence interne
(Clévacances…) et externe (propositions
européennes).
D’une part, Gîtes de France devra s’affirmer
dans sa capacité à satisfaire une demande
spécifique aux clientèles du tourisme rural,
d’authenticité, d’activité, de qualité et de sé-
curité face aux réseaux concurrents. Il lui fau-
dra apporter la preuve de sa supériorité en
matière de dynamique de réseau, de quali-
té du produit, de mise en marché.
D’autre part, Gîtes de France devra remobi-
liser et « refidéliser » ses adhérents, notam-
ment les nouveaux propriétaires si différents
des anciens membres, d’origine agricole ou
rurale. Peut être faudra-t-il inventer une nou-
velle culture de réseau ?
L’étude évolutive et prospective a permis
une clarification des données quantitatives et
qualitatives sur le parc d’hébergement rural de
Gîtes de France du Massif central (gîtes et
chambres) et son évolution passée ou future.
Analyse
Téoros Automne 2007
66
Elle a mis en évidence les difficultés à recueillir
une information atomisée, hétérogène et
partiellement inaccessible. L’information col-
lectée sur le parc d’hébergement reste par-
tielle, même si Gîtes de France reste le prin-
cipal réseau. Elle souligne des tendances
globales, mais montre aussi que ces ten-
dances sont différentes selon les régions ou
les départements.
Par ailleurs, elle indique dans sa dimension
prospective que les possibles sont multiples,
voire contradictoires, et que les évolutions
peuvent toujours être infléchies, notamment
par des politiques publiques volontaristes.
Parmi les pistes de travail intéressantes,
notons l’intérêt à mieux cerner les flux en-
trées / sorties d’hébergeurs qui renseignent
autrement sur le changement que les soldes
par territoire. Notons aussi l’intérêt d’avoir une
vision et une analyse spatiale des évolutions,
du parc, des hébergeurs, des politiques
des collectivités publiques.
Jean-François Mamdy est professeur au
Département territoire et société, Unité
mixte de recherches Métafort, ÉNITA de
Clermont-Ferrand, France.
Marion Guillot est ingénieure d’études à
l’ÉNITA de Clermont-Ferrand, France.
Nathalie Disez est maître de conférences
au Département territoire et société, Unité
mixte de recherches Métafort, ÉNITA de
Clermont-Ferrand, France.
Notes
1 DATAR : Délégation à l’aménagement du ter-
ritoire et à l’action régionale.
SPOT Auvergne : Système permanent d’ob-
servation du tourisme en Auvergne.
NFAER : Nouvelles fonctions d’accueil de
l’espace rural, équipe intégrée à l’Unité mixte
de recherches Métafort.
Métafort : Mutation des activités, des espaces
et des formes d’organisation dans les terri-
toires ruraux.
ÉNITA: École nationale d’ingénieurs des tra-
vaux agricoles.
2 À l’échelle nationale en 2002, on compte 42
300 gîtes et 26 000 chambres d’hôtes.
Clévacances rassemble 24 000 meublés et
3400 chambres en 2005, dans les divers
espaces touristiques, campagne comprise.
En 2004, Accueil Paysan regroupe 450 struc-
tures d’accueil et Bienvenue à la Ferme 330
fermes de séjour.
3 Nouvel acronyme de la DATAR : Délégation
interministérielle à l’aménagement et à la
compétitivité des territoires.
4 Les experts interrogés sont : S. Brault, J.C.
Bontron, P. Correze-Lénée, J.F. Crolat, V.
Daniel, J. de Caffarelli, M. Guérin, J. Laurens,
N. le Scouarnec, C. Lespinasse-Tarabat, M.
Quéméré, L. Pommaret et C. Tijou.
5 Les comptes du tourisme (Direction du touris-
me / Suivi des déplacements touristiques des
Français / 1999) indiquent une progression
de 18 % des nuitées marchandes des résidents
français à la campagne de 1990 à 1998. Sur
la même période (Direction du tourisme /
Enquête aux frontières / 1999), la progression
des nuitées touristiques des étrangers (non-ré-
sidents) à la campagne est estimée à 96 %!
Le Mémento du Tourisme 2005 (Ministère
du Tourisme de France) donne une augmen-
tation de 16 % de l’ensemble des séjours et
des nuitées des Français à la campagne de
2000 à 2004.
6 ODIT (Observation, développement et ingé-
nierie touristiques) France (2005 : 36-63) dé-
crit, dans son Carnet de route de la campagne
et de la moyenne montagne, les qualités et les
comportements des clientèles du tourisme
rural de nos jours.
7 L’ouvrage d’ODIT France (2005 : 38-39) sou-
ligne la prééminence des clientèles de bon
niveau de revenu, confirmée par l’élévation
continue de la gamme de qualité des offres
que notre étude sur les hébergements tou-
ristiques a fait ressortir.
8 Huttopia est un concept d’hébergement in-
spiré de Thomas More (1516) : « un lieu qui
n’est dans aucun lieu, un ailleurs nostal-
gique… ». Il s’agit en fait d’une marque com-
merciale d’hébergements rustiques, dans des
lieux « sauvages », mais en France ! visant à
rompre avec le quotidien, à déconnecter du
monde, à revenir aux sources…
9 Les programmes européens Leader ont per-
mis en une douzaine d’années un dévelop-
pement fulgurant d’hébergements touris-
tiques ruraux patrimoniaux dans les pays
voisins de la France (Espagne, Portugal,
Grèce, Irlande…). L’élargissement de l’Union
européenne encourage désormais à l’Est les
initiatives de développement touristique à
partir du patrimoine rural.
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