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Abstract

Since the mid-eighties, attention both of professionals and academics has been drawn on the " Family Business " phenomenon". Research on the family companies has known a significant renewal of interest, mostly in the Anglo-Saxon world. Recently, the economic and financial press echoed this revival of interest for the family company. This work tries to draw up a state of research and publications in this field.
Finance Contrôle Stratégie Volume 3, N° 1, mars 2000, p. 33 79.
L’entreprise familiale :
un état de l’art
José ALLOUCHE
Université de Versailles St Quentin en Yvelines
Bruno AMANN
Université de Pau et des Pays de l’Adour
Correspondance :
Bruno Amann
2, rue de l’Est
31400 Toulouse
Email : amann@mail.jovenet.fr
sumé : Depuis le milieu des an-
nées 80, l'attention tant des profes-
sionnels que du monde universitaire
s'est portée sur le phénomène
« entreprise familiale ». Les recher-
ches sur les entreprises familiales
ont connu ces dernières années un
regain sensible d'intérêt, en particu-
lier dans la littérature anglo-saxonne.
Récemment, la presse économique et
financière s'est largement fait l'écho
d'un renouveau d'intérêt pour l'en-
treprise familiale. Ce travail tente de
dresser un état des recherches et
publications dans le domaine.
Mots-clés : entreprise familiale per-
formances structures de propriété
Abstract : Since the mid-eighties, at-
tention both of professionals and
academics has been drawn on the
« Family Business » phenomenon».
Research on the family companies
has known a significant renewal of
interest, mostly in the Anglo-Saxon
world. Recently, the economic and
financial press echoed this revival of
interest for the family company. This
work tries to draw up a state of re-
search and publications in this field.
Key words : Family Business fami-
ly owned companies ownership
structure performance
34 L’entreprise familiale : un état de l’art
Hénoch, fils de Caïn et père de Mathusalem, vécut avant le déluge
et quand il disparut, à 365 ans, il ne mourut pas mais fût élevé dans les
cieux. En 1981, naît l'idée de créer une association1 d'entreprises fami-
liales au moins bicentenaires et de la placer sous le signe d'Hénoch. Au-
jourd'hui, ils sont vingt-six, neuf français, dix italiens, trois allemands, un
espagnol, un hollandais et deux japonais. Les critères pour appartenir à
l'Association des Hénokiens sont la longévité de la firme 200 ans
d'âge au moins sa pérennité majorité détenue par les descendants
du fondateur et direction effective assurée par l'un d'entre eux et sa
bonne santé financière.
Longtemps considérée comme une forme désuète d'entreprise, ren-
voyée dans les douves de l'histoire, signe d'un déclin annoncé (souhai-
?) face à un capitalisme managérial triomphant et dominant, l'entre-
prise familiale, reste néanmoins une réalité prégnante non seulement de
la société française mais également de la quasi-totalité des économies
mondiales. Cette image celle d'une forme désuète d'entreprise a
longtemps également marqué la recherche sur ces formes d'entreprises.
On peut légitimement se poser la question des raisons de ce relatif dé-
sintérêt. Six explications paraissent pouvoir être avancées :
Une première explication est celle de la coïncidence à partir du
19ème siècle aux États-Unis d'une montée d'un capitalisme managérial
marquée par l'ouverture du capital et de l'affirmation de l'industrie
de ce pays comme la plus grande économie mondiale. La coïncidence
est devenue conclusion : le capital managérial américain serait considé-
rablement plus efficient que des formes alternatives [G. Jones, M. Rose
1993]. La question de la diffusion du capital et de ses conséquences
dans la dégradation des performances économique, annoncée par Adam
Smith, relayée par Veblen et par Keynes et quasi-dogmatisée tout au
cours d'une grande partie de ce siècle éloignait nécessairement des
chercheurs tout objet d'analyse à propriété concentrée.
Une seconde explication réside, peut-être ; dans les travaux des
historiens de l'économie. Des études comme celles de D.S. Landes
[1949, 1951] expliquant le relatif retard économique français au regard
1 Sur les entreprises hénokiennes, voir le travail doctoral de S. Mignon [1999].
José Allouche, Bruno Amann 35
de l'Allemagne, de l'Angleterre et des États-Unis par la prédominance
d'entreprises familiales traditionnelles contribuèrent à marginaliser de tel-
les entreprises, au moins comme sujet de recherche. Dans cette même
veine, il est possible d'évoquer les travaux plus récents (qui bien que dif-
férents aboutissent à des conclusions voisines). C'est le cas de
A. Chandler [1990] qui explique le relatif déclin de l'économie anglaise,
à la fin du 19ème siècle, par la réticence des entrepreneurs à la perte du
contrôle. A. Chandler toutefois ne critique pas d'une manière générale
l'entreprise familiale, il critique son adéquation à un stade du développe-
ment économique. C'est à une conclusion similaire qu'aboutit
W. Lazonick [1991].
Une troisième explication est l'existence d'une tradition assez an-
cienne d'études d'origine strictement micro-économique organisée au-
tour d'un thème générique qui est celui du « home economics » ou du
« family economics » [G.S. Becker, 1981 ; W.K. Bryant, 1990 ;
M.I. Liston, 1993]. Ces différents travaux incluent certes les fonde-
ments de développements ultérieurs de modèles de comportements éco-
nomiques applicables ou appliqués au domaine de l'entreprise familiale
[D.M. Blau 1987 ; D.S. Evans, L.S. Leighton 1989 ; J.W. Mayo,
J.E. Flynn 1989 ; M.S. Wortman 1994]. Ils trouvent toutefois leurs limi-
tes [I.F. Beutler 1991], notamment par l'absence de prise en compte de
données comportementales [T.C. Bergstrom 1994].
La quatrième explication tient à la personnalité des premiers cher-
cheurs qui se sont intéressés au domaine. Il s'agissait généralement de
consultants, fréquemment des conseillers financiers ou des thérapeutes
familiaux [I. Lansberg et al. 1988]. Il en est résulté un certain nombre
de publications au moins au départ très prescriptives, peu propices à
la structuration d'un champ de recherches.
La cinquième explication est liée aux mutations de l'entreprise fa-
miliale elle-même. Le schéma générique chandlerien d'une entre-
prise du 19ème siècle aux mains exclusivement d'une famille (tout au
plus élargie au gendre lorsque la nature faisait que le père-propriétaire
n'avait pas d'héritier mâle) ne correspond plus aujourd'hui à la réalité.
Entre cette forme d'entreprise (qui subsiste néanmoins) et des multina-
tionales de taille mondiale à propriété familiale mais diffuse (l'entreprise
36 L’entreprise familiale : un état de l’art
américaine Cargill est une entreprise familiale détenue à 100 % par les
70 familles qui descendent du fondateur), l'étude de « l'entreprise fami-
liale » devient singulièrement protéiforme. Ce qui avait assez peu d'inté-
rêt en tant qu'objet d'étude au 19ème siècle et dans les deux premiers
tiers du 20ème siècle s'affirme comme une voie aujourd'hui extrême-
ment riche et prometteuse.
La dernière explication peut être qualifiée d'idéologique. Elle re-
prend, entremêle et amplifie les précédentes. Longtemps considérée
avec circonspection, l'entreprise diabolisée (prégnance du mythe des
200 familles) était la mal aimée, la mal vécue, le lieu de profit abhorré, le
lieu d'aliénation et de dépérissement individuel. Il a fallu l'approfondis-
sement de la crise des années 70-80 pour que surviennent la mythifica-
tion, puis la reconquête, enfin la banalisation de l'espace entrepreneurial.
L'entreprise n'est plus perçue comme l'expression ultime, sinon exclu-
sive, d'un conflit structurel qui oppose, au-delà d'elle-même et en son
sein, des classes sociales. Elle devient plutôt un lieu nouveau de pacifi-
cation sociale, fondée sur la mobilisation interne des groupes qui la com-
posent pour réduire la nature, la portée et l'intensité des conflits du tra-
vail au profit de l'entreprise elle-même et au bénéfice de la collectivité
nationale tout entière (quasi-sublimation d'un capitalisme populaire).
C'est à partir des années quatre-vingts que les recherches sur l'en-
treprise familiale se multiplient. Elles sont essentiellement d'origine an-
glo-saxonne, même si on peut relever quelques travaux pionniers en
France [G. Hirigoyen 1982, 1984a et 1984b].
Trois grands traits intimement liés caractérisent ces travaux :
Après avoir longtemps été abandonnée, la thématique de recher-
che sur l'entreprise familiale a connu un développement important de-
puis à peine plus de quinze ans. En 1986, une recherche sur le Social
Science Citation Index révélait que 53 articles sur la question avaient
été publiés depuis 1977 dont une quinzaine seulement étaient fondés sur
des recherches empiriques [A. Riordan 1988]. En 1994, une consulta-
tion de la base de données bibliographiques ABI-PROQUEST2 sur le
mot-clef « family-owned-businesses » entre 1986 et 1994 indique 582
José Allouche, Bruno Amann 37
références, dont 33 par an en moyenne entre 1986 et 1991 et 129 par an
en moyenne entre 1992 et 1994 [J. Allouche, B. Amann 1995] 3.
Tableau 1 Répartition des recherches sur l'entreprise fami-
liale : les domaines
Domaine 1936-1970 1971-1989 Depuis 1990
Droit 0,00 % 0,70 % 1,12 %
GRH 5,00 % 3,52 % 5,03 %
Management général 10,00 % 10,56 % 9,50 %
Marketing 0,00 % 1,41 % 1,12 %
Organisation 60,00 % 30,28 % 32,96 %
Théorie et
comportements financiers
5,00 %
11,97 %
13,97 %
Stratégie 20,00 % 41,55 % 36,31 %
Outre cette profusion contemporaine, ce qui frappe aujourd'hui
l'observateur des recherches sur l'entreprise familiale, c'est leur carac-
tère pluridisciplinaire. Véritable contagion des idées, l'entreprise fami-
liale est aujourd'hui objet d'intérêt pour des économistes, des gestionnai-
res, des juristes, des sociologues, des historiens, des psychologues, des
ethnologues... Une analyse rapide de 341 références4 publiées depuis
1936 dans des revues académiques internationales met en évidence,
d'une part, la pluralité des domaines d'analyse et leur évolution tempo-
relle (prédominance de l'organisation et de la stratégie, importance
croissante de la théorie financière), d'autre part la pluralité des thèmes
2 ABI-PROQUEST rassemble les articles de plus de 1 000 publications scientifi-
ques anglo-saxonnes, les principaux working papers et les principales thèses.
3 Ces quelques chiffres ne prétendent pas bien sûr à une totale rigueur scientifi-
que mais visent à illustrer cette tendance. L'illustration doit être nuancée ou du
moins mise en parallèle avec le développement contemporain de telles bases de
données. Un autre signe est le nombre de sites internet universitaires consacrés
à l'entreprise familiale. On en dénombre environs 70 dans le monde.
4 Ces références constituent la base de données bibliographique élaborée par
les auteurs de l'article, base constituée des travaux et articles académiques pa-
rus depuis 1936. Si cette base possède les caractéristiques d'une bonne repré-
sentativité, elle ne prétend pas répondre à ce stade à un souci absolu d'exhausti-
vité.
38 L’entreprise familiale : un état de l’art
et leur évolution temporelle (17 thèmes présents parmi lesquels prédo-
minent les études conceptuelles, la gestion du changement, la relation
famille -entreprise, alors que se raréfient les études consacrées aux pro-
blèmes successoraux).
Cette épidémiologie des analyses de l'entreprise familiale est due au
caractère particulier de cette forme d'entreprise qui mêle trajectoires in-
dividuelles, trajectoires familiales et trajectoires d'entreprises.
Tableau 2 Répartition des recherches sur l'entreprise fami-
liale : les thèmes
Thèmes 1936-1970 1971-1989 Depuis
1990 Total
Concepts et définitions 4,76 % 7,69 % 14,84 % 11,27 %
Conflits internes 0,00 % 1,40 % 3,30 % 2,31 %
Culture et valeurs 0,00 % 3,50 % 3,30 % 3,18 %
Financement 4,76 % 6,99 % 6,04 % 6,36 %
Gestion du changement 4,76 % 13,99 % 10,44 % 11,56 %
Gouvernance d'entreprise 4,76 % 4,20 % 4,40 % 4,34 %
Histoire de l'entreprise 14,29 % 9,09 % 7,14 % 8,38 %
Interaction entreprise société 0,00 % 2,80 % 3,30 % 2,89 %
Internationalisation 0,00 % 0,00 % 0,55 % 0,29 %
Pérennité, survie 4,76 % 4,90 % 4,95 % 4,91 %
Programmes d'enseignement 0,00 % 0,70 % 1,10 % 0,87 %
Relations famille entreprise 14,29 % 11,89 % 10,44 % 11,27 %
Rôle des femmes 0,00 % 2,10 % 1,10 % 1,45 %
Rôle économique 19,05 % 5,59 % 7,14 % 7,23 %
Structures de propriété 9,52 % 6,29 % 10,44 % 8,67 %
Succession 9,52 % 11,19 % 6,04 % 8,38 %
Vision globale 9,52 % 7,69 % 5,49 % 6,65 %
Résultant des deux premiers traits, la profusion et la pluridisciplina-
rité, le domaine de recherches est enfin à l'heure actuelle marqué par
l'absence de théorie unificatrice, voire la multiplication de théories
contradictoires. Deux explications sont dès lors possibles.
La première est qu'il s'agit d'une lacune des chercheurs qui ne se
sont pas préoccupés de donner un fondement théorique à leurs recher-
ches.
José Allouche, Bruno Amann 39
La deuxième et c'est celle qui a la préférence des auteurs c'est
qu'il convient de porter sur le domaine le même regard que celui que
porte I. Ansoff sur la stratégie [I. Ansoff 1987, J. Allouche, G. Schmidt
1996]. On se trouverait ici dans une phase pré-paradigmatique, c'est-à-
dire dans une phase où les premières explorations d'une réalité condui-
sent à un ensemble de théories contradictoires, l'étape ultérieure étant
alors de progresser vers une méta-théorie réconciliant les modèles par-
ticuliers. Reste que le travail du commentateur, de celui qui tente de
dresser un état de l'art, est loin d'en être simplifié. En fait, et au risque
d'être réducteur, il semble que l'on puisse cartographier le domaine en
trois grands axes. Le premier c'est celui de la définition et de l'impor-
tance des entreprises familiales (1) pré-phase nécessaire de toute ana-
lyse. Le second, c'est celui des spécificités et des particularités des en-
treprises familiales (2) préface obligée de toute recherche distinctive.
Le troisième, c'est celui des justifications et explications (3) prolégomè-
nes obligés de toute recherche scientifique.
1. Définition et importance des entreprises
familiales
La question de la définition (1.1.) et de l'importance (1.2.) des entre-
prises familiales dans les différents tissus économiques est peu ou prou
présente dans la majorité des études.
1.1. Les définitions de l'entreprise familiale
L'entreprise familiale ne peut être appréhendée ni à travers des for-
mes juridiques spécifiques, ni à travers des tailles spécifiques. De l'en-
chevêtrement de valeurs famille/entreprise, il résulte que certaines no-
tions méritent d'être éclaircies.
Quelles sont les bornes de la famille ? Doit-on dans une définition
se limiter à une conception restrictive de la famille (parents et descen-
dants) ou bien doit-on adopter une conception extensive (alliés) ?
40 L’entreprise familiale : un état de l’art
Le concept d'entreprise familiale doit-il se limiter à un contrôle mo-
no-familial ou peut-il s'étendre à un contrôle bi-familial voire pluri-
familial. Dès lors quelle est la limite ?
À partir de quand peut-on parler d’entreprise familiale ? Doit-on
considérer qu'il y a une entreprise familiale dès la première génération
des fondateurs ou bien doit-on ne la considérer comme familiale
qu'après le passage de témoin à la deuxième génération ?
Que doit-on entendre par contrôle ? Doit-on comprendre contrôle
du capital et dans quelles proportions ? Il semble que l'on puisse ici se
référer à la définition que donne la loi du 24 juillet 1966 sur le contrôle.
L'appréhension de la notion de contrôle par le législateur repose sur le
critère de l'influence dominante. D'une manière générale, c'est l'exis-
tence d'un contrôle de fait qui est recherchée.
Du point de vue du critère de contrôle, peu importe que les action-
naires familiaux détiennent ou non la majorité du capital. Ce qui compte,
en fait, c'est qu'aucun autre groupe d'actionnaires n'ait, face à des ac-
tionnaires familiaux, un poids supérieur.
Cela renvoie par ailleurs à la question des entreprises à contrôle
familial ayant fait appel à un dirigeant extérieur à la famille. Peu importe
en réalité que le chef d'entreprise soit ou non un membre des familles
qui détiennent le pouvoir ; ce qui compte, c'est que sa nomination dé-
pende exclusivement du choix des actionnaires prépondérants.
Ces grandes questions se retrouvent dans les différentes définitions
admises dans la littérature. Les définitions de l'entreprise familiale sont
diverses et nombreuses et assez marquées par l'hétérogénéité. On peut
distinguer entre des définitions mono-critère (1.1.1.) et des définitions
pluri-critères (1.1.2.)
1.1.1. Les définitions mono-critère
Les définitions mono-critère sont les moins nombreuses. Elles retien-
nent, soit le critère de la propriété, soit le critère du contrôle soit le cri-
tère de l'interaction famille/entreprise pour caractériser la nature fami-
liale ou non de l'entreprise .
José Allouche, Bruno Amann 41
Ainsi L.B. Barnes, S.A. Hershon [1976] considèrent qu'une entre-
prise est familiale si le contrôle de la propriété est resté entre les mains
d'un individu ou entre les mains des membres d'une seule famille.
I. Lansberg et al. [1988] se réfèrent également à la notion de contrôle
mais en précisant un contrôle légal. La définition que donne P.B. Alcorn
[1982] est particulière puisque cet auteur se réfère au critère de la pro-
priété et ne glisse vers une approche pluri-critères que lorsque l'entre-
prise fait appel à l'épargne publique.
La définition retenue par W.J. Dyer [1986] fait elle appel à un critère
alternatif puisque cet auteur considère qu'une entreprise est familiale
lorsque, soit la propriété, soit le management est influen par une fa-
mille. Cet auteur admet par ailleurs que cela puisse être par plusieurs
familles.
Pour d'autres auteurs, c'est le critère du contrôle qui est retenu.
C'est le cas de B. Barry [1975] qui considère une entreprise comme
familiale si elle est, en pratique, contrôlée par une seule famille. La défi-
nition retenue par W.C. Handler [1989] est quasi-identique, cet auteur
admettant toutefois que la famille puisse être étendue.
Le critère de l'interaction famille/entreprise est parfois retenu pour
caractériser la nature familiale de l'entreprise. C'est le cas de
R. Beckhard, W.G. Dyer [1983b] qui retiennent la présence de la fa-
mille au conseil d'administration, le dit conseil étant considéré comme le
lien entre les deux entités (famille et entreprise). Pareillement, pour
J. Davis [1983], c'est cette interaction entre deux organisations la fa-
mille et l'entreprise qui caractérise l'entreprise familiale.
À coté de ces définitions mono-critère, la majorité des auteurs se ré-
fèrent à des définitions qui exigent plusieurs critères pour caractériser
l'entreprise familiale.
1.1.2. Les définitions pluri-critères
C'est généralement la propriété et le contrôle qui sont conjointement
retenus, avec un degré de précision plus ou moins important et l'implica-
tion de la famille dans l'entreprise.
M.H. Stern [1986] se réfère à une entreprise détenue et dirigée par
les membres d'une ou deux familles. De manière assez proche, l'entre-
42 L’entreprise familiale : un état de l’art
prise familiale a pu être définie comme une entreprise qui est détenue et
dirigée (c'est-à-dire contrôlée) par un ou plusieurs membres d'une ou
plusieurs familles [B. Hollander, N. Elman 1988]. C. Aronoff, J. Ward
[1990] adoptent une définition identique.
J.A. Davis, R. Tagiuri [1982] définissent de manière plus détaillée
une firme familiale comme « une organisation ou deux ou plusieurs
membres de la famille étendue influencent la marche (la direction)
de l'entreprise à travers l'exercice des liens de parenté, des postes
de management ou des droits de propriété sur le capital ».
Pour P.C. Rosenblatt et al. [1985] doit être considérée comme fami-
liale toute entreprise dans laquelle la majorité de la propriété ou du
contrôle appartient à une seule famille et dans laquelle au moins deux
membres de la famille sont directement impliqués dans la gestion. Cette
implication des membres de la famille est précisée par ces mêmes au-
teurs : il s'agit d'influence sur la direction de l'entreprise à travers l'exer-
cice des liens de parenté, de rôles dans le management et de la déten-
tion de droits de propriété. La définition retenue par C.M. Daily,
M. Dollinger [1992] précise le lien entre les membres de la famille : il
doit s'agir de personnes (deux au moins) possédant le même nom qui
sont impliquées dans le management ou dans le conseil d'administration
et sont liées au propriétaire qui travaille dans l'entreprise.
Ces définitions sont relativement proches les unes des autres, les di-
vergences principales résidant dans le nombre de familles susceptibles
d'être impliquées.
Un autre groupe de définition s'attache à plus préciser des seuils de
détention ou des degrés d'implication de la famille.
D.F. Channon [1971] définit une entreprise comme familiale si un
membre de la famille a présidé le conseil d'administration, s'il y a eu au
moins deux générations de contrôle familial et si au moins 5 % des
droits de vote demeurent entre les mains de la famille ou d'un trust fami-
lial.
P. Leach et al. [1990] considèrent ainsi une entreprise comme fami-
liale quand la famille a un impact considérable sur les opérations en
cours et futures de l'entreprise et quand un des critères suivants est vé-
rifié : plus de 50 % des droits de vote sont détenus par une seule famille,
José Allouche, Bruno Amann 43
un seul groupe familial contrôle effectivement l'entreprise, une propor-
tion significative du haut management de l'entreprise est aux mains de la
même famille
La définition de S. Cromie et al. [1995] est assez proche. Ils consi-
dèrent une entreprise comme familiale si un ou plusieurs critères sont
vérifiés : plus de 50 % des droits sociaux sont détenus par une famille,
une famille exerce un contrôle considérable sur l'entreprise, une propor-
tion significative du haut management de l'entreprise est aux mains de la
même famille.
M.A. Gallo, M.J. Estapé [1992] donnent une définition sensiblement
différente. Une entreprise est en mains familiales lorsqu'une ou deux
familles possèdent plus de 10 % du capital et que la somme des parts
détenues par les trois plus grands actionnaires suivants atteint moins
d'un tiers du montant appartenant à cette ou ces famille(s). Cette défini-
tion de M.A. Gallo et M.J. Estapé évoluera par ailleurs dans leurs publi-
cations ultérieures. La définition retenue en 1994 considère une firme
comme familiale quand plus de 50 % du capital est entre les mains d'une
famille et que certains des membres de la famille sont activement impli-
qués dans le conseil d'administration ou dans le management de l'entre-
prise.
J.H. Astrachan, T.A. Kolenko [1994] franchissent un degré supplé-
mentaire dans la précision : la famille doit selon ces auteurs détenir au
moins 50 % du capital pour les entreprises ne faisant pas appel public à
l'épargne et 10 % dans le cas inverse l'entreprise doit, en outre, avoir
au moins dix années d'activité continue plus d'un membre de la famille
doit être impliqué dans ces activités. Ces auteurs ajoutent, en outre, un
critère qui est celui de la volonté du propriétaire de transmettre l'entre-
prise à la prochaine génération.
Ce critère de la transmission ou de l'intention de transmettre est éga-
lement retenu par d'autres auteurs (conjointement par ailleurs avec les
critères de propriété et d'implication dans le management). Ainsi
N. Churchill, K.J. Hatten [1987] précisent qu'une entreprise est fami-
liale par l'anticipation faite qu'un membre plus jeune de la famille as-
sume ou assumera le contrôle de l'entreprise détenu jusqu'alors par un
de ses aînés. De manière assez proche, J.L. Ward [1987] considère
44 L’entreprise familiale : un état de l’art
comme familiale une entreprise qui sera transmise à la prochaine géné-
ration tant en ce qui concerne le management que le
contrôle. W.C. Handler [1989] définit l'entreprise familiale comme une
organisation dans laquelle les principales décisions opérationnelles et les
objectifs quant à la transmission sont influencés par les membres de la
famille impliqués dans le management ou dans le conseil d'administra-
tion.
Un dernier groupe de définitions s'appuie sur des critères supplémen-
taires. Ainsi, pour R. Christensen [1953], l'entreprise est dominée par la
famille dans le sens où cette dernière lui donne son nom, l'imprègne de
ses traditions et est (ou a été) propriétaire d'une partie des actions. Pour
R. Donnelley [1964], le critère familial déterminant c'est l'identification
de l'entreprise à la famille pendant au moins deux générations avec,
comme conséquence de ce lien, une influence de la famille sur les politi-
ques de l'entreprise et une influence de l'entreprise sur les intérêts et ob-
jectifs de la famille. Cette influence de la famille sur l'entreprise est re-
tenue par A. Lank [1992]. L'entreprise sera considérée comme fami-
liale lorsqu'une ou plusieurs familles exercent une influence détermi-
nante sur les choix stratégiques et/ou la culture de l'entreprise.
À l'heure actuelle, la tendance est plutôt à une approche multi-
critères [P.C. Rosenblatt et al. 1985 ; W.C. Handler 1989] avec une
prédominance du critère de détention du capital par la famille. On peut
penser que les définitions les plus pertinentes sont celles qui utilisent
conjointement plusieurs critères : le contrôle de la propriété (et on se ré-
férera au critère de l'influence dominante), le contrôle ou au moins l'in-
fluence sur le management et l'intention de transmettre l'entreprise à la
génération future P. Westhead, M. Cowling [1998], dans une très inté-
ressante étude menée sur le Royaume-Uni, ont pu mettre en évidence
combien la définition retenue pour l'entreprise avait une influence sur les
résultats des études comparatives. Partant d'un échantillon de 427 en-
treprises non cotées, ces auteurs les distribuent entre entreprises fami-
liales et entreprises non familiales suivant sept définitions de l'entreprise
familiale couramment admises.
José Allouche, Bruno Amann 45
Tableau 3 Les définitions de l'entreprise familiale
1/ Définitions mono-critère Auteurs Contenu
Critère de la propriété Barnes L.B., Hershon S.A.
[1976], Alcorn, P. B. [1982],
Lansberg I. et al. [1988]
L'entreprise est la propriété d'un
individu, ou des membres d'une
même famille
Critère du contrôle Barry B.[1975], Beckhard R. et
al. [1983], Handler, W. C.
[1989]
L'entreprise est contrôlée par
une famille, plus ou moins élar-
gie. Le conseil d'administration
est le lieu privilégié de ce
contrôle
2/ Définitions pluri-critères
Propriété et contrôle Davis J. A., Tagiuri R. [1982] ;
Davis J., Pratt J. [1985] ; Rosen-
blatt P. C. et al. [1985] ; Dyer
W. G. Jr. [1986] ; Stern M.H.
[1986] ; Hollander B., Elman N.
[1988] ; Handler W.C. [1989] ;
Aronoff C.E., Ward J.L. [1990] ;
Gallo M.A., Estapé M.J.[1994]
Astrachan J.H., Kolenko T.A.
[1994] ; Cromie S. et al. [1995]
L'entreprise est la fois la proprié-
té d'un individu ou d'une famille
(voire de plus d'une) et est
contrôlée par une famille, plus ou
moins élargie (avec plus ou
moins d'intensité dans le
contrôle)
Propriété, transmission et
contrôle Churchill N., Hatten K.J.
[1987] ; Ward J. L. [1987] La transmission de l'entreprise de
l'entreprise à une autre généra-
tion a été (ou sera) effectuée. La
nouvelle génération doit conser-
ver le contrôle.
Propriété et domination de la
famille, nom de l'entreprise Christensen R. [1953] La domination par la famille se
traduit par le fait que cette der-
nière donne son nom, l'imprègne
de ses traditions et est (ou a été)
propriétaire d'une partie des ac-
tions
Générations d'entrepreneurs et
influence mutuelle Donneley R. [1964] Il y a au moins deux générations
de membres de la famille dans
l'entreprise et une influence mu-
tuelle famille/entreprise
Existence de sous-systèmes Beckhard R., Dyer W.G. Jr.
[1983] Un système composé de sous-
systèmes (l'entreprise, la famille,
le fondateur..)
Les résultats sont très significatifs. Ainsi pour une définition qui re-
connaît une entreprise comme familiale si plus de 50 % des droits de
votes sont détenus par les membres d'une seule famille élargie liés par
le mariage ou les liens du sang et si les membres dirigeants (conseil
d'administration et management) considèrent l'entreprise comme fami-
46 L’entreprise familiale : un état de l’art
liale (utilisation de deux critères dans la définition), la distribution de
l'échantillon est d'environ 80 % d'entreprise familiales et 20 % d'entre-
prises non-familiales. En revanche, pour une définition qui reconnaît une
entreprise comme familiale si : plus de 50 % des droits de votes sont
détenus par les membres d'une seule famille élargie liés par le mariage
ou les liens du sang si les membres dirigeants (conseil d'administration
et management) considèrent l'entreprise comme familiale, si 51 % au
moins du top-management est aux mains de la famille qui possède l'en-
treprise, et si l'entreprise est détenue par la seconde génération ou
plus (utilisation de quatre critères dans la définition), la distribution du
même échantillon est de 15 % d'entreprises familiales et 85 % d'entre-
prises non-familiales.
1.2. L'importance des entreprises familiales
Cette voie apparaît comme la plus ancienne. Elle est attestée par de
nombreuses études [W.F. Glueck, T.S. Meson 1980 ; J.L. Ward 1983 ;
J.I. Martinez 1994 ; R. Owens 1994 ; H. Reidel 1994 ; M.A. Gallo
1994 ; A.B. Ibrahim, W.G. Ellis, 1994 ; J. Allouche, B. Amann 1995,
1998 a, b et c] qui s'orientent majoritairement dans une analyse quantita-
tive du poids économique des entreprises familiales (1.2.1.). Participant
de cette voie de recherche un deuxième courant tente de s'attacher au
rôle sociétal des entreprises familiales (1.2.2.).
1.2.1. L'importance économique des entreprises familiales
Le constat, s'il est loin d'être exhaustif, est saisissant. Dans un état
sur l'entreprise familiale dans le monde, le nombre des firmes familiales
ne laisse aucun doute sur leur prédominance et leur importance écono-
mique [A. Lank 1994]. D'une manière générale, les entreprises familia-
les constituent plus les deux-tiers des entreprises dans la sphère des
pays occidentaux [B.A. Kirschoff, J.J. Kirschoff 1987 ; R. Donckels,
E. Fröhlich 1991 ; S. Cromie, B. Stephenson, D. Monteith 1995]. Leur
contribution à la création de richesses, à la création d'emplois et à la
compétitivité est majeure [P. Westhead, M. Cowling 1998].
José Allouche, Bruno Amann 47
Les chercheurs estiment qu'au moins 90 % des entreprises aux
États-Unis sont possédées et contrôlées par une ou plusieurs familles
[A.B. Ibrahim, W.G. Ellis 1994 ; J.H. Astrachan, T.K. Kolenko 1994],
qu'elles contribuent à réaliser entre 30 et 60 % du PNB et paient la moi-
tié du total des salaires [W.F. Glueck, T.S. Meson 1980 ; A.B. Ibrahim,
W.G. Ellis 1994 ; J.L. Ward 1987]. Un tiers des 500 premières entrepri-
ses du classement du magazine Fortune sont sous l'influence de blocs
familiaux. Dreux [1990] considérait que l'on pouvait estimer à environs
1,7 million le nombre d'entreprises familiales. En Allemagne, 75 % des
travailleurs sont employés par des entreprises familiales, contribuant à
66 % du PNB. H. Reidel [1994] considère ainsi que 80 % des entrepri-
ses allemandes sont des entreprises familiales. En Australie, R. Owens
[1994] estime que 75 % des entreprises australiennes sont des entrepri-
ses familiales et qu'elles emploient 50 % des travailleurs. Au Chili,
J.L. Martinez [1994] conclut que les entreprises familiales contribuent
très largement au PNB et à l'emploi avec 75 % du monde total des en-
treprises (dont 65 % sont des moyennes et grandes entreprises).
Tableau 4 Le poids économique des entreprises familiales
Auteurs Pays Poids
Reidel [1994] Allemagne 75 % des travailleurs sont employés par des
entreprises familiales, contribuant à 66 %
du PNB ; 80 % des entreprises allemandes
sont des entreprises familiales.
Owens [1994] Australie 75 % des entreprises australiennes sont des
entreprises familiales ; elles emploient
50 % des travailleurs.
Martinez [1994] Chili 75 % des entreprise sont des entreprises
familiales dont 65 % des moyennes et
grandes entreprises.
Gallo et Estapé [1992, 1996] Espagne Dans les entreprises qui réalisent un chiffre
d'affaires annuel supérieur à $2 millions,
71 % sont des entreprises familiales et dans
les 100 premières entreprises espagnoles,
17 % sont des entreprises familiales.
Glueck et Meson [1980] ; Ward [1987] ;
Ibrahim et Ellis [1994], Astrachan et Ko-
lenko [1994]
États-Unis 90 % des entreprises sont possédées par des
familles ; elles contribuent à réaliser entre
30 et 60 % du PNB et paient la moitié du
total des salaires
Allouche et Amann [1995] France Sur les 500 plus grandes entreprises indus-
trielles à capital français, 59 % sont fami-
liales
48 L’entreprise familiale : un état de l’art
En Espagne, au sein des entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires
annuel supérieur à $2 millions, 71 % sont des entreprises familiales et
dans les 100 premières entreprises espagnoles, 17 % sont des entrepri-
ses familiales. Au Royaume-Uni, 76 % des 8 000 premières entreprises
sont des entreprises familiales avec les plus fortes proportions dans les
grandes entreprises.
En Europe occidentale, entre 45 % et 65 % du PNB et de l'emploi
sont assurés par des entreprises familiales. Le plus bas niveau de l'acti-
vité familiale se situe au Portugal et le plus haut en Italie où 99 % des
entreprises sont des entreprises familiales [M.A. Gallo 1994]. En ce qui
concerne la France, le poids des entreprises familiales reste assez peu
étudié. On estime que 63 % des entreprises de 50 millions à 2 milliards
de chiffre d'affaires sont contrôlées par des familles. J. Allouche,
B. Amann [1995] ont tenté de mesurer l'évolution du poids des firmes
familiales pour la période des 15 à 20 dernières années. L'analyse mon-
tre que la dynamique différenciée du capitalisme français du point de
vue des modes d'appropriation du capital s'inscrit sans ambiguïté dans
une logique de prééminence relative du capitalisme familial dans un sys-
tème en apparence tripolaire : contrôle familial/contrôle étran-
ger/contrôle technocratique (étatique-industriel-bancaire). Cette pré-
éminence résulte d'une croissance relative de l'activité économique plus
rapide au sein de l'espace des firmes familiales qu'au sein des deux au-
tres pôles du système productif. Les grandes tendances évoquées et
constatées dans d'autres pays [W.F. Glueck, T.S. Meson 1980 ;
A.B. Ibrahim, W.G. Ellis 1994 ; A. Lank 1994 ; J.L. Martinez 1994 ;
R. Owens 1994 ; H. Reidel 1994 ; J.L. Ward 1987] se trouvent ainsi
largement confortées.
1.2.2. Le rôle sociétal des entreprises familiales
Participant d'une voie de recherche proche, un deuxième courant
s'est attaché à l'analyse du rôle sociétal des entreprises familiales. Re-
présentants impliqués dans ce courant, M. Novak [1983] et D.T. Jaffe
[1990] précisent que les bases des analyses de l'économie ne sont ni les
travailleurs individuels, ni les entrepreneurs, ni les entreprises, mais les
José Allouche, Bruno Amann 49
familles qui créent, contrôlent et organisent les affaires. D'une manière
générale, un certain nombre de recherches sont axées sur l'étude des
modes de recouvrement entre familles et entreprises familiales et sys-
tèmes socio-économiques auxquels elles appartiennent. Ainsi met-on en
évidence l'absence (ou la faiblesse) de l'organisation de la transition en-
tre générations comme cause de changement de contrôle [J.L. Ward
1987]. Les valeurs différentes des nouveaux propriétaires ont un impact
souvent négatif, à la fois en termes de performances mais également sur
la famille et la communauté.
J.H. Astrachan [1988] a mis en évidence le caractère crucial de
cette sensibilité au changement (de contrôle, de management) à travers
la remise en cause d'une culture d'entreprise existante dans ses effets
néfastes sur la performance de longue durée.
Tableau 5 Le rôle sociétal des entreprises familiales
Auteurs Critère d'analyse Conclusions
Novak [1983], Jaffe
[1990] La famille comme base des
analyses de l'économie Ce sont les familles qui créent, contrôlent et
organisent les affaires et non les travail-
leurs, les entrepreneurs ou les entreprises
Ward [1987] L'organisation de la transition
entre générations comme
cause de changement de
contrôle
Les valeurs différentes des nouveaux pro-
priétaires ont un impact souvent négatif, à
la fois en termes de performances mais éga-
lement sur la famille et la communauté.
Astrachan [1988] La sensibilité au changement
de contrôle ou de manage-
ment
Cette sensibilité entraîne la remise en cause
d'une culture d'entreprise existante et a des
effets néfastes sur la performance de longue
durée.
Astrachan [1988] Les valeurs propres à l'entre-
prise familiale et leur in-
fluence sociale
Les entreprises familiales sont plus cons-
cientes socialement, que les membres de la
famille acceptent de plus grands sacrifices et
acceptent des pertes de longue durée pour
sauver l'entreprise
Upton [1995] Financement de la transition Conséquences (néfastes) de la transmission
des entreprises familiales à deuxième généra-
tion
Prokesch [1986], Lon-
genecker et al. [1989],
Lyman, 1991]
Attrait des entreprises fami-
liales Elles sont préférées par les consommateurs,
plus impliquées à leur service, offrent des
opportunités plus grandes aux femmes, ont
une meilleure politique sociale et ont un
respect plus grand des traditions
50 L’entreprise familiale : un état de l’art
Le financement de la transition est une préoccupation actuelle des
chercheurs américains [N. Upto 1995]. En 1990, dans cet esprit, le ma-
gazine Fortune remarquait qu'une large majorité des entreprises familia-
les américaines restait encore sous le contrôle des entrepreneurs qui les
avaient créées après la deuxième guerre mondiale et pendant le conflit
coréen. Le problème dans les quinze années à venir serait celui de la
transmission à la deuxième génération. Un grand nombre de fonds de
pensions ont fait de la transition des entreprises familiales une de leur
préoccupation majeure : N. Upton [1995] mentionne la création de
fonds spécialisés dans ce domaine aux États-Unis.
Dans des domaines plus variés, la littérature sur les entreprises fami-
liales montre que celles-ci sont préférées par les consommateurs, plus
impliquées à leur service, offrent des opportunités plus grandes aux
femmes, ont une meilleure politique sociale et ont un respect plus grand
des traditions [J. Longenecker et al. 1989 ; A.R. Lyman 1991 ;
S. Prokesch 1986]. J.H. Astrachan [1988] estime que les entreprises
familiales sont plus conscientes de la responsabilité sociale des entrepri-
ses que les membres de la famille acceptent de plus grands sacrifices et
des pertes de longue durée pour sauver l'entreprise. J.A. Davis,
R. Tagiuri [1982] justifient ceci par la double influence des valeurs inte-
ractives entreprise/famille.
Après cette pré-phase nécessaire de toute analyse (et loin d'être
achevée) le second axe est celui des spécificités et de la particularité
des entreprises familiales.
2. Spécificités et particularités des entreprises
familiales
La quasi-totalité des études menées sur la base d'une comparaison
entre entreprises familiales et entreprises non-familiales s'accorde à re-
connaître des spécificités et des particularités propres aux entreprises
familiales. Encore faut-il à titre préalable inviter dans une certaine me-
sure à la nuance. L'étude précitée de P. Westhead, M. Cowling [1998]
a mis en relief le caractère parfois relatif de ces spécificités et partic u-
larités (sans toutefois le nier). Le caractère est simplement dépendant
José Allouche, Bruno Amann 51
de la nature de la définition retenue. Cette voie de recherche qui vise à
mettre en évidence des différences comportementales est représentée
dans les études sur l'entreprise familiale [R.J. Monsen 1969 ; D.T. Jaffe
1990 ; J. Welsh 1991 ; C. Daily, M. Dollinger 1992 ; F. Mérino,
V. Salas 1993 ; M.A. Gallo, M.J. Estapé 1994 a. et b. ; J. Allouche,
B. Amann 1995]. La question qui se pose alors est double : d'une part,
les entreprises familiales sont-elles plus performantes que les entrepri-
ses non familiales (2.1.) ? D'autre part, ces deux groupes d'entreprises
ont-ils des modes de gestion différenciés (2.2.) ?
2.1. Les analyses en termes de performances
La question fondamentale dans ce domaine est sans ambiguïté : une
entreprise familiale du fait du contrôle familial gagne-t-elle en per-
formance par rapport à une entreprise contrôlée par des managers ?
[C. Dailly, M. Dollinger 1992]. L'hypothèse de départ est que les firmes
agissant dans l'intérêt du propriétaire se caractériseraient par une plus
grande efficience que celles dans lesquelles l'objectif est la maximisation
de la fonction d'utilité du management [C. W. Hill, S.A. Snell 1989].
L'hypothèse s'inscrit dans le droit fil de la théorie de l'agence et de ma-
nière plus lointaine dans la continuité d'Adam Smith. Ce courant centré
autour des analyses de la performance est assez peu développé
[I.K. Kleinsorge 1994]. Deux axes peuvent être évoqués. Celui tout
d'abord des études qui n'envisagent la performance qu'à travers le
prisme financier (2.1.1.) et celui des études qui évoquent une notion plus
globale des performances (2.1.2.).
2.1.1. L'appréhension financière des performances
Ces études sont majoritaires. La notion de performances financières
de l'entreprise est entendue au sens large et mesurée par des critères
très différents suivant les études. D'une manière générale, la perfor-
mance est illustrée par l'inclination des entreprises familiales pour des
stratégies à long terme plutôt que par un besoin de résultats rapides, par
une aversion à la dette [J. Allouche, B. Amann 1995] et par une ten-
dance au réinvestissement des dividendes [MA. Gallo 1994]. C'est l'ef-
52 L’entreprise familiale : un état de l’art
fet de la séparation de la propriété et du contrôle sur la performance de
la grande entreprise qu'aborde l'étude ancienne de R.J. Monsen et al.
[1968]. Cette séparation entraîne à penser que les motivations des pro-
priétaires sont différentes de celles des managers. L’effet de ces diffé-
rences de motivation entraîne des différences de performances.
L'étude, menée sur la période 1952-1963, compare la performance de
deux sous-échantillons classés par type de contrôle. Dans le premier
échantillon, on trouve des entreprises sous contrôle du propriétaire (indi-
vidu, famille, holding familial, etc.), pour lesquelles un groupe détient
10 % ou plus des droits de vote avec présence au conseil
d’administration ou à la direction, ou est connu comme exerçant un
contrôle. Dans le second échantillon, qualifié de contrôle managérial, on
trouve des entreprises au sein desquelles aucun groupe d'actionnaires ne
détient plus de 5 % des droits de vote existants, et où il n’y a pas de
preuve récente d’un contrôle exercé par le propriétaire. Une différence
significative a été trouvée entre les deux types d’entreprises avec le ra-
tio de retour sur investissement. Ce ratio mesure les effets des efforts
du management pour fournir un retour sur investissement du proprié-
taire. Il montre pour les entreprises sous contrôle du propriétaire une
valeur supérieure de 75 % à celui des entreprises à contrôle managérial.
Il apparaît que la présence d’un groupe de propriétaires entraîne une
augmentation de l’attention du management aux intérêts des propriétai-
res. L’hypothèse, qui semble la plus convainquante aux auteurs, est
l’existence parallèle de deux systèmes de motivations comme source de
performance.
En 1969, R.J. Monsen conforte ces résultats en montrant que les en-
treprises familiales fournissent un meilleur retour sur investissement
avec une structure du capital mieux contrôlée et une allocation des res-
sources plus efficace. D.T. Jaffe [1990] constate qu'une étude de 1986
d'US News et Word Report révèle que sur les 47 plus grandes entrepri-
ses familiales américaines, 31 ont une performance supérieure au Dow-
Jones. L'étude de M.A. Gallo, A. Vilaseca [1996] menée sur l'Espagne
porte sur la structure du capital, le comportement vis-à-vis du risque et
des investissements, la politique de dividende et analyse ces éléments au
regard de la performance. Le critère de la performance retenu ici est
José Allouche, Bruno Amann 53
celui de la rentabilité des capitaux propres. Les auteurs constatent que
le niveau de performance des entreprises familiales est largement supé-
rieur, sur la même période, à celui publié (toutes entreprises confondues)
par la Banque d'Espagne. L'étude met en outre en évidence l'existence
d'une relation inverse, au sein de l'entreprise familiale, entre une part de
marché en croissance et le niveau des marges. En France5 ,
G. Charreaux [1991], sur la base d'une littérature consacrée à la théorie
de la firme propose à titre de synthèse trois conceptions : (1) la thèse de
la convergence des intérêts : plus le pourcentage de capital détenu par
les dirigeants est important, plus l'écart avec l'objectif de maximisation
de la valeur est faible ; (2) la thèse de la neutralité : toutes les structures
de propriété sont équivalentes ; (3) la thèse de l'enracinement : les diri-
geants échappent au contrôle des actionnaires et gèrent de manière
contraire à l'objectif de maximisation de la valeur. Dans ce cadre
conceptuel, G. Charreaux a mené sur le cas français une tentative de
validation empirique qui conduit à rejeter l'hypothèse d'un lien entre per-
formance et structure de propriété et à accréditer la thèse de la neutrali-
té, sauf à s'en tenir, non pas à la performance financière (maximisation
de la richesse des actionnaires fondée sur les fonds propres), mais à la
performance économique (maximisation de la valeur globale de l'entre-
prise fondée sur le Q de Tobin) pour laquelle on observe une différence
significative entre les sociétés familiales et les autres.
En définitive, le constat majeur à ce niveau, et les études sont relati-
vement convergentes, c'est celui d'une supériorité marquée des entre-
prises à contrôle familial.
2.1.2. L' appréhension globale des performances
Les études dans ce domaine sont beaucoup moins nombreuses.
C. Dailly et M. Dollinger [1992] mettent en évidence des différences de
performances en faveur des entreprises familiales : la croissance des
5 Il existe bien évidemment d'autres études françaises mais non consacrées à la
notion de performances. Elles seront abordées dans l'étude des comportements
différenciés infra.
54 L’entreprise familiale : un état de l’art
ventes, la progression de la marge nette et la progression de la marge
d'exploitation.
L'étude de I.K. Kleinsorge [1994] invite à des conclusions plus nuan-
cées. Cette étude a pour objet l'analyse des différences financières et
d’efficience dans les établissements de soins en distinguant le mode de
contrôle, familial ou non familial.
Si en termes de qualité, les établissements sous contrôle familial
fournissent un niveau de soin supérieur à la moyenne, il apparaît cepen-
dant que ces établissements sont souvent moins efficients. Ils seraient
également plus endettés que les établissements non familiaux. Deux re-
marques peuvent nuancer ces conclusions à contre-courant de la littéra-
ture. D'une part, les établissements de soins retenus (dans les deux
sous-échantillons) sont dans leur majorité des organisations à but non lu-
cratif. D'autre part, l’échantillon testé a été réduit à dix paires d'établis-
sements.
Sur le cas français, J. Allouche, B. Amann [1995] ont tenté de ré-
pondre à la question : est-il possible de dégager des différences
significatives de performances économiques, financières et sociales
entre firmes familiales et firmes non familiales ? Pour ce faire, deux
échantillons appariés ont été construits : d'une part les entreprises
sous contrôle familial, d'autre part, les entreprises sous contrôle non
familial. En ce qui concerne les conclusions sur la performance
financière de l'entreprise (ici entendue au sens large), l'étude fait
apparaître que la rentabilité moyenne des entreprises familiales est
largement supérieure à celle des entreprises non familiales pour
l'ensemble des années observées. Trois domaines sont concernés : la
rentabilité, la structure financière et l'exploitation.
• Pour la rentabilité, d'une manière générale, l'étude fait apparaître
que la rentabilité moyenne des entreprises familiales est largement supé-
rieure à celle des entreprises non familiales pour l'ensemble des années
observées. Deux éléments prédominent, l'un lié à la « satisfaction » de
l'actionnaire, l'autre lié à la rentabilité au sens large de l'entreprise.
• Pour la structure financière, le constat majeur réside dans la ré-
serve affichée des entreprises familiales à l'égard de l'endettement.
José Allouche, Bruno Amann 55
56 L’entreprise familiale : un état de l’art
José Allouche, Bruno Amann 57
58 L’entreprise familiale : un état de l’art
• Pour l'exploitation. La rentabilité d'exploitation des firmes familiales
est structurellement supérieure à celles des autres firmes avec accrois-
sement de l'écart en période de récession économique.
Le recours aux subventions publiques y est plus intense. La capacité
d'autofinancement des firmes familiales illustre la marge de sécurité
dont elles se dotent. Enfin, l'observation du crédit fournisseurs traduit
l'aptitude de ces firmes à peser plus efficacement sur leur environne-
ment marchand.
L'étude met en outre en évidence des différences de comportement
et de performance en matière de ressources humaines. Cinq domaines
sont concernés par cette supériorité de performances : l'âge et l'ancien-
neté des salariés, la flexibilité de l'emploi, les rémunérations, les rétribu-
tions hors salaires directs et la formation/valorisation des compétences6.
Si, d'une manière générale, l'étude des performances n'est pas le
courant le plus nourri dans les recherches sur les entreprises familiales,
l'analyse des modes différenciés de gestion des fonctions est un axe im-
portant de ces recherches.
2.2. Les modes différenciés de gestion des fonctions
Les domaines privilégiés, ici, sont la stratégie (2.2.1), la finance
(2.2.2.), et la gestion des ressources humaines (GRH) (2.2.3.).
2.2.1. Stratégie
Ce domaine de la stratégie ou du management stratégique est certai-
nement celui qui a donné lieu au plus grand nombre d'études, plus dans
le domaine empirique que dans le domaine conceptuel. M.S. Wortman
[1994] dans un travail qui est certainement le plus complet sur la ques-
tion dresse un panorama des études de langue anglaise. Cet état, pose
des fondements théoriques à la formulation stratégique au sein des en-
treprises familiales en développant un paradigme conceptuel et de re-
cherche.
6 Ces comportements seront développés dans l'étude des comportements diffé-
renciés infra.
José Allouche, Bruno Amann 59
S'agissant des études conceptuelles, c'est essentiellement la question
de la succession et des stratégies qui doivent être mises en place qui
donne lieu au plus grand nombre de travaux. Les plus anciens datent du
début des années 80. R. Peiser, L. Wooten [1983] étudient la question
des évolutions de cycles de vie de la petite entreprise à la grande entre-
prise dans le cas des entreprises familiales. Dans un domaine relative-
ment proche, R. Beckhard, W. Dyer [1983a, 1983b] étudient les straté-
gies de changement dans les entreprises familiales. Partant de la remar-
que qu'un grand nombre d'entreprises familiales se développent correc-
tement pendant une durée moyenne de 24 ans et que cette durée
correspond également à la « durée de gestion » de leur fondateur, ces
auteurs examinent les principales difficultés et dilemmes qui surviennent
lors d'un changement de stratégie lié à la succession de ce fondateur.
C'est au même thème que s'intéressent de L.B. Barnes,
S.A. Hershon [1985]. Ils se penchent sur la question du transfert de
pouvoir dans l'entreprise familiale en analysant plus particulièrement la
question des relations entre entrepreneurs et managers professionnels.
Dans cette même lignée d'études sur les problèmes de succession,
W.C. Handler, K.E. Kram [1988] développent un modèle qui met en
évidence les multiples facteurs susceptibles de contribuer à la résistance
à la succession comme S. Lansberg [1988] qui se place également dans
l'optique de la planification de la succession.
S'agissant des études empiriques, les questions abordées sont sensi-
blement plus variées. J.A. Davis, R. Tagiuri [1982] explorent les buts
des propriétaires de l'entreprise familiale.
Selon ces auteurs, l'entreprise familiale a des buts spécifiques (des
attributs bivalents) qui résultent du recouvrement famille-entreprise-
management. Ces attributs conduisent à la prise en compte des rôles
simultanés, des identités partagées, de l'histoire commune, de l'implica-
tion émotionnelle.
La question du contrôle donne lieu à un certain nombre d'études.
Ainsi P. Holland, W. Boulton [1984] l'abordent à travers les implications
stratégiques des relations famille-entreprise.
60 L’entreprise familiale : un état de l’art
Ces auteurs qui se situent dans la lignée de la littérature sur les cy-
cles de vie évoquent quatre stades dans le développement des entrepri-
ses familiales : préfamilial, familial, adaptation familiale et post-familiale.
R. Goffee, R. Scase [1985] dans une étude originale se penchent sur
les modes de contrôle utilisés par les propriétaires d'entreprises familia-
les.
Ces derniers ont plutôt tendance à renforcer leur contrôle personnel.
Ces structures que les auteurs qualifient de « quasi-organiques » per-
mettent en outre une appréhension plus rapide de la performance finan-
cière des managers.
José Allouche, Bruno Amann 61
62 L’entreprise familiale : un état de l’art
José Allouche, Bruno Amann 63
J.L. Ward [1988] aborde la question de la survie des entreprises fa-
miliales à travers l'utilisation de la planification stratégique. L'auteur
montre notamment que les entreprises familiales adoptent des stratégies
de défense, dans le but essentiel de maintenir le contrôle de la famille
sur l'entreprise. Dans un domaine relativement proche de celui de la
survie de l'entreprise, S. Mignon [1998] s'attache à analyser le concept
de pérennité sous son aspect organisationnel. L'étude repose sur un
échantillon diversifié d'entreprises familiales pérennes et met en évi-
dence des comportements de pérennité, et surtout le contenu des
« constantes » et des « changements » nécessaires à la réalisation de
cette pérennité.
C. Daily, S. Thomson [1994] abordent une question intéressante et
très peu évoquée dans les travaux sur l'entreprise familiale : celui du lien
entre la structure de propriété, le comportement stratégique et la crois-
sance de l'entreprise. Un travail un peu plus ancien [C. Daily,
M. Dollinger 1992] avait déjà posé les bases de ces comportements
stratégiques des entreprises familiales. Pour l'essentiel ces entreprises
poursuivent des stratégies de croissance beaucoup plus actives que les
entreprises non familiales. Les résultats de l'étude de 1994 invitent à plus
de nuances. Il n'y a pas de relation établie entre la structure de propriété
(familiale, non familiale, première génération ou seconde, managers pro-
fessionnels…) et le comportement stratégique. Il n'y en a pas non plus
(ou très peu) entre la structure de propriété, le comportement stratégi-
que et la croissance de l'entreprise. R. Donckels, E. Fröhlich [1991] se
posent la question : existe-il des différences entre les entreprises
familiales et non familiales dans huit pays européens au niveau des
valeurs, attitudes, objectifs et comportements stratégiques ? La
conclusion qu'ils tirent de cette comparaison est qu'il apparaît que les
entreprises familiales sont « dirigées vers elles-mêmes » ou orientées
vers l’environnement familial. Leur équipe dirigeante comprend plutôt
des généralistes, organisateurs, que des « pionniers » ou entrepreneurs.
Ainsi, le comportement stratégique est plutôt conservateur. Les entre-
prises familiales sont plutôt des facteurs stables de l’économie.
Dans ce domaine des études empiriques, on retrouve comme dans
les études conceptuelles, de nombreux travaux consacrés à la succes-
64 L’entreprise familiale : un état de l’art
sion dans les entreprises familiales. M.S. Wortman [1994] en dénombre
douze sur la période 1978-1994. En France, J.P. Mouline [1999], dans
une intéressante étude, met en évidence les processus de gestion mis en
œuvre dans le cadre de la succession managériale dans l'entreprise fami-
liale.
2.2.2. Finance7
Même si les recherches qui tentent de mettre en évidence des spéci-
ficités et des particularités propres aux entreprises familiales, restent
principalement économiques (taille, importance, contribution au PNB...),
les comportements financiers différenciés ont aujourd'hui une place plus
importante. Les travaux consacrés à une étude approfondie des compor-
tements financiers des entreprises familiales, incluant une étude empiri-
que, sont assez peu nombreux. Eux seuls seront ici envisagés8.
L'étude M.A. Gallo, A. Vilaseca [1996] déjà citée , menée sur
l'Espagne, met en évidence ces comportements financiers. Les princi-
paux résultats confortent pour l'essentiel ceux des autres études. Les
entreprises familiales auraient une logique financière propre. Les entre-
prises familiales ont un ratio Dettes/Capitaux propres peu élevé ; ce ni-
veau d’endettement est expliqué par la volonté d'éviter le risque de fail-
lite de l’entreprise. Les entreprises concernées sont généralement celles
qui ont une position de leader en termes de part de marché. Il existe
par ailleurs une relation significative entre la taille de l’entreprise et la
diversité des pratiques financières. Les grandes entreprises familiales
tendent à être liées à plus d’institutions financières et tendent à utiliser
une grande variété de produits financiers pour leur financement. Celles
qui ont une position de leader de marché ont une performance finan-
cière inférieure en termes de retour sur les ventes et retour sur capitaux
propres que celles qui ont une position de suiveur. L’analyse avec la
7 Les principales études en finance ont été évoquées dans le tableau 6 concer-
nant les performances. Elles ne seront pas ici reprises de manière synoptique.
8 En revanche de très nombreuses études abordent la question du lien entre les
diverses structures de propriété et le comportement financier ou la performance.
Elles dépassent le cadre de ce travail. Pour une bibliographie récente, voir R. La
Porta et al. [1998) et S.J. Harvey [1999].
José Allouche, Bruno Amann 65
performance permet d’affirmer l'existence d'une relation inverse, au
sein de l’entreprise familiale entre la part de marché et le niveau des
marges.
G. Hirigoyen [1982, 1984a et 1984b] a mis en évidence une stratégie
financière prudente des dirigeants d'entreprises familiales, avec pour ob-
jectif la pérennité de l'entreprise. Ce comportement est l'illustration
d'une certaine confusion entre patrimoine familial et patrimoine profes-
sionnel. L'étude met également en évidence le fait que 86 % des entre-
prises familiales non cotées interrogées ne distribuaient pas de dividen-
des.
Hors la relation avec les institutions financières mise en évidence par
M.A. Gallo, A. Vilaseca [1996], ces résultats sont confirmés sur le cas
français par l'étude de J. Allouche, B. Amann [1995]. Au-delà du pre-
mier constat sur la performance des entreprises familiales, un deuxième
constat réside dans la réserve affichée des entreprises familiales à
l'égard de l'endettement.
L. Maherault [1996, 1998] montre que les entreprises familiales co-
tées paraissent s'inscrire dans une logique d'indépendance entre déci-
sions d'investissement et de financement ; elles se conforment par là aux
logiques des marchés financiers. En revanche, les entreprises familiales
non cotées semblent respecter une hiérarchie des financements, ne ren-
forçant leurs capitaux propres que si le partage du risque de finance-
ment l'impose.
Les résultats de ces différentes études sont globalement conver-
gents : stratégie financière prudente orientée vers la pérennisation de
l'entreprise, réserve vis-à-vis de l'endettement, réticence à la distribution
de dividendes qui vise à préserver l'autofinancement. L'une des explica-
tion la plus convaincante à ces comportements spécifiques pourrait être
l'horizon plus étendu des dirigeants des entreprises familiales
[S.J. Harvey 1999].
2.2.3. Gestion des ressources humaines
Il y a quelques années, R. Desman, T. Brush [1991] notaient que sur
les 202 références de leur état de la littérature sur les entreprises fami-
66 L’entreprise familiale : un état de l’art
liales, seules 4,2 % des publications abordaient la question des ressour-
ces humaines. Dans une étude au titre révélateur : « A Neglected Fac-
tor Explaining Family Business Success : Human Resource Practi-
ces », J.H. Astrachan, T.A. Kolenko [1994] posaient la question du re-
latif manque de travaux dans ce domaine. L'étude d'ampleur (puisque
menée sur 614 entreprises familiales), met en évidence le rôle important
(causal selon les auteurs) des pratiques de ressources humaines dans la
survie des entreprises familiales. Des pratiques différenciées, en vigueur
dans les entreprises familiales, émergent : des procédures formelles, ré-
gulières de contacts avec les employés, la mise en place de politiques de
rémunération, des descriptifs écrits de postes et de procédures. Nonobs-
tant l'affirmation des auteurs qui considèrent leur travail comme la pre-
mière étude sur la question, quelques travaux, rares il est vrai, étaient
consacrés à la question.
R.C. Dailey, T.H. Reuschling [1980] ont tenté de déterminer dans
quelle mesure les pratiques en matière de personnel étaient différen-
ciées selon la structure de propriété. L'étude met en évidence des prati-
ques spécifiques d'embauche, dans l'évaluation et la promotion, dans la
gestion de fin de carrière et de départ à la retraite et dans la formation
et le développement.
À côté de ces études à vocation généraliste, il existe quelques tra-
vaux dont l'objet est beaucoup plus spécifique.
Ainsi, S. Lansberg [1983] aborde les contradictions structurelles en-
tre la famille et l’entreprise et les différents problèmes de ressources
humaines susceptibles d'en découler : les problèmes de sélection d’un
membre de la famille, les rémunérations, les problèmes d’évaluation des
performances du travail d’un membre de la famille…
La question, voisine, des influences du conflit entre la famille et
l’entreprise sur la satisfaction au travail, la satisfaction en général et les
intentions de cessation d’activité des propriétaires est envisagée par
J.S. Boles [1996]. Le modèle proposé explique la satisfaction au travail
par le conflit entreprise-famille. Pour les entreprises familiales, la per-
formance n’est pas significativement liée à la satisfaction au travail.
Pour les entreprises non familiales, la satisfaction au travail est influen-
cée par la performance.
José Allouche, Bruno Amann 67
Pour les entreprises familiales, on observe un lien significatif entre la
satisfaction au travail et la satisfaction en général. Les conflits influen-
cent la satisfaction générale au travers de la satisfaction au travail. Pour
les entreprises non familiales, la satisfaction générale est liée à la satis-
faction au travail.
68 L’entreprise familiale : un état de l’art
José Allouche, Bruno Amann 69
70 L’entreprise familiale : un état de l’art
L'étude de J. Allouche, B. Amann [1995], sur le cas français, a tenté
de dégager des différences significatives entre firmes familiales et fir-
mes non familiales. Sur deux échantillons appariés, 21 ratios illustrent
des différences de comportement et de performance.
• Les structures d'emploi : trois ratios relatifs à l'âge et l'ancienneté
des salariés illustrent la capacité et la volonté des firmes familiales de
fidéliser les effectifs. Ces résultats sont confortés par l'étude des politi-
ques de flexibilité de l'emploi. Fidélisation et identification forment ainsi
la base de « l'esprit maison ».
Les politiques de rémunération : les dirigeants (propriétaires) de
l'entreprise familiale ont un salaire mensuel moyen inférieur au salaire
des dirigeants des firmes non familiales, le salaire moyen de l'encadre-
ment technique intermédiaire est plus élevé dans les firmes à contrôle
familial (identification du salarié aux objectifs de l'entreprise), l'éventail
des rémunérations est plus resserré et les rétributions hors-salaire sont
globalement plus fortes dans les firmes à contrôle familial.
• Les politiques comparées de valorisation des compétences : les en-
treprises à contrôle familial sont plus actives que les autres entreprises
dans le domaine de la formation des salariés. Elles consacrent par ail-
leurs à la valorisation des compétences une part plus importante de la
masse salariale.
Après ce second axe des recherches sur l'entreprise familiale, à sa-
voir celui des spécificités et de la particularité des entreprises familiales,
un troisième axe, mérite que l'on s'y attarde : c'est celui des justifications
et explications (3.) de ces particularités de ces formes d'organisation.
3. Justifications et explications
M.S. Wortman [1994] constate, malgré la variété des concepts
développés dans le champ des entreprises familiales, l'inexistence de
paradigme unifié dans le domaine. Il semble que deux axes émergent.
Le premier est fondé sur la différence de structures de propriété entre
entreprises familiales et entreprises non familiales (3.1.), le deuxième
est issu d'explications liées aux « valeurs » (3.2.)
José Allouche, Bruno Amann 71
3.1. Les explications liées à la structure du capital
L'influence de la forme de propriété sur les caractéristiques organi-
sationnelles et les modes de gestion est rémanente dans toutes les ana-
lyses des structures organisationnelles, et cela dès la naissance de l'éco-
nomie politique. Deux axes théoriques majeurs, susceptibles d'expliquer
des différences entre entreprises familiales et entreprises non familiales
vont se succéder : la théorie des droits de propriété et la théorie de
l'agence.
3.1.1. La théorie des droits de propriété
La théorie des droits de propriété est formulée à partir des années
soixante aux États-Unis. Son objet principal est de démontrer que la sé-
paration propriété/gestion loin d'annoncer le déclin de la propriété, illus-
tre la preuve de son adaptabilité. Il s'agit d'un renouveau de l'analyse,
classique et néoclassique de l'entreprise : l'organisation n'est plus l'objet
central homogène de l'analyse. Tout individu au sein de l'organisation
poursuit ses propres objectifs, dans le cadre des contraintes imposées
par le système environnant. Les agents économiques maximisent leur
fonction d'utilité dont le profit n'est qu'une composante, et cela quels que
soient les droits de propriété dont ils disposent. Compte tenu d'une in-
formation imparfaite, les coûts de transaction, nécessairement non-nuls
constituent un élément essentiel du comportement des agents dans l'en-
treprise, en particulier celui des propriétaires et celui des dirigeants.
Appliquée au thème de l'entreprise familiale, la conséquence est que
dans l'entreprise non familiale, les dirigeants ne recherchent pas la
maximisation de la richesse des actionnaires, et les propriétaires n'ont
pas toujours les moyens d'inciter les dirigeants à agir dans un sens plus
conforme à leurs intérêts [C. Daily, M. Dollinger 1992]. D'une part, les
propriétaires tolèrent les pratiques discrétionnaires des managers tant
que celles-ci auront un coût inférieur à celui qu'ils devraient engager
pour les corriger. D'autre part, les dirigeants, profitent de cette marge
de manœuvre pour maximiser leur utilité. L'idée de base selon laquelle
les droits de propriété influencent les comportements est unanimement
admise par les promoteurs de la théorie. Ceci marque très largement la
72 L’entreprise familiale : un état de l’art
fonction et la définition des droits de propriété. Il en résulte une atténua-
tion des droits de propriété à cause de l'existence de coûts de contrôle
qui limitent l'exclusivité de leur usage, même en présence des garde-
fous que sont le salaire des dirigeants, le marché des capitaux et le mar-
ché du travail [J. Allouche, B. Amann 1995, 1998c]. Les comporte-
ments des dirigeants en sont très largement affectés. Différents auteurs
trouvent là l'explication aux comportements différenciés des entreprises
familiales [E.H. Schein 1968 ; W.G. Dyer 1986 ; C. Daily, D.R. Dalton
1992]. Ces implications comportementales permettent à S.J. Harvey
[1999] de suggérer qu'une des raisons de la domination des entreprises
familiales en tant que forme d'organisation réside dans le fait que les
managers familiaux ont un horizon beaucoup plus étendu que celui des
managers non familiaux, un horizon parfois bien au-delà de la généra-
tion. Ces perspectives à long terme des dirigeants de l'entreprise fami-
liale sont en fait un prolongement naturel de l'appartenance au système
familial. Cette extension de l'horizon agit comme une incitation
[S.J. Harvey 1999].
3.1.2. La théorie de l'agence
Le problème de la séparation de pouvoir entre propriétaires et diri-
geants est central dans la théorie de l'agence par le biais de la notion de
relation d'agence et de l'analyse des coûts qu’elle entraîne. C'est dans
le cadre proposé à partir de la seconde moitié de la décennie soixante-
dix que s'organise en profondeur une réflexion sur les implications orga-
nisationnelles et comportementales des droits de propriétés, tels que
spécifiés dans les contrats qui lient propriétaires et dirigeants. Les tra-
vaux successifs de S. Ross [1973], de M. Jensen, W. Meckling [1976],
d'E. Fama [1980], et d'E. Fama, M. Jensen [1983] vont contribuer à
l'émergence d'une théorie des formes organisationnelles privées.
Dans l'hypothèse d'une propriété concentrée dans les mains d'une
même famille, la divergence propriétaires/dirigeants est atténuée, parfois
très largement. Il en résulte des organisations dans lesquelles la prise de
décision est centralisée [W.J. Dyer 1986, C. Daily, M. Dollinger 1993].
Un ou quelques individus la « confisquent » [T.L. Whisler 1988]. Inver-
José Allouche, Bruno Amann 73
sement, dans l'hypothèse d'une dilution du capital, la divergence s'élargit
et les conflits d'intérêts s'amplifient. Les tentatives de validation empiri-
que de la théorie de l'agence du point de vue de la séparation propriétai-
res/dirigeants sont largement envisagées sous l'angle des relations entre
structure de la propriété et performances financières de l'entreprise.
Les agents (en l'occurrence les managers « non familiaux ») vont impo-
ser des coûts d'agence à l'entreprise familiale. Il s'agit de coûts qui ré-
sultent de la divergence d'intérêts entre propriétaires et dirigeants et des
phénomènes classiques de risque moral et de sélection adverse dès lors
qu'il y a séparation entre la propriété et le contrôle [C. Daily,
M. Dollinger 1993]9.
3.2. Les explications liées aux valeurs
À côté des explications qui se fondent sur les structures de propriété,
un certain nombre d'analyses tournent autour de la notion de « valeurs »
entendue ici au sens large. Les premières sont fondées sur des analyses
comportementales (3.2.1.). Les secondes effectuent un parallèle avec le
phénomène de l'entrepreneuriat (3.2.3.). Les troisièmes, plus récentes,
utilisent la notion de confiance comme explication (3.2.3.)
3.2.1. Les analyses comportementales
Au sein des analyses systémiques et comportementales, les plus inté-
ressantes sont celles fondées sur l'interpénétration famille-entreprise.
M.S. Wortman [1994] fait une synthèse des théories et recherches dans
le domaine de l'interpénétration famille-entreprise. Après une analyse de
la littérature, il offre une typologie dans le domaine qui peut servir de
base. Les principaux thèmes de cette typologie sont les composants
théoriques, historiques, légaux, environnementaux, organisationnels et le
futur de l'entreprise familiale. À quelques exceptions près [E. Keppner
1991 ; M.F. Whiteside, F.H. Brown 1991], les travaux analysés par
M.S. Wortman sont axés sur l'entreprise familiale comme simple alter-
9 Pour une lecture plus détaillée de la théorie de l'agence et une bibliographie ex-
tensive, voir G. Charreaux [1999].
74 L’entreprise familiale : un état de l’art
native à la structure qu'une entreprise peut adopter. Lorsque des aspects
spécifiques de l'entreprise familiale sont envisagés, il s'agit généralement
de domaines liés à la succession [M.S. Wortman 1994] ou de modèles
fondés sur le caractère dual des systèmes en cause famille et entre-
prise [P. Davis, D. Stern 1980 ; M.F. Whiteside, F.H. Brown 1991].
J.A. Davis, R. Tagiuri [1982] ont étudié le recouvrement entre la famille
et l'entreprise (attributs bivalents).
Les attributs émanant de chacun des deux modes d'organisation ont
également des avantages et des inconvénients. J.A. Davis, R. Tagiuri
fondent l'explication sur l'interpénétration et la simultanéité des rôles :
identité partagée, histoire commune, implication émotionnelle, langage
« privé » des parents, sensibilisation mutuelle et la signification symboli-
que de l'entreprise familiale. Ainsi, à titre d'exemple des avantages de
l'interpénétration et la simultanéité des rôles (parents, propriétaires et di-
rigeants), J.A. Davis, R. Tagiuri mettent en évidence la loyauté et la
centralisation de la prise de décision (source d'efficacité). Les inconvé-
nients de cette simultanéité des rôles (développement de l'unité et du
consensus) pouvant être en directe opposition avec les objectifs de la
compétitivité.
3.2.2. Entrepreneuriat et entreprises familiales
Ce courant de recherches est relativement récent, peu développé
mais prometteur [F. Hoy 1992 ; F. Hoy, T. Verser 1994 ;
R.H. Brockhaus 1994 ; R.A. Litz 1995].
L'idée générale est que les recherches sur l'entrepreneuriat sont plus
anciennes que celles réalisées en matière d'entreprises familiales. Il
s'agit donc bien souvent d'une tentation d’établir un parallèle entre les
deux champs. Ce parallèle est parfois saisissant au regard des diffi-
cultés communes de consensus sur les définitions [F. Hoy 1992 ;
F. Hoy, T. Verser 1994], de difficultés d'accès aux données
[R.H. Brockaus 1994], d'une certaine « apathie » des chercheurs à
l'origine et d'interpénétration de valeurs.
José Allouche, Bruno Amann 75
Les principaux efforts tournent autour de la recherche (pas toujours
aboutie) de définitions tentant de différencier les deux types d'organisa-
tions [R.A. Litz 1995].
3.2.3. Confiance et entreprises familiales
Un courant émergent [F. Fukuyama 1995 ; R. Chami 1997 ;
R. Chami, C. Fullencamp 1997 ; J. Allouche, B. Amann 1998a,] intro-
duit dans l'analyse la confiance comme explication possible. La littéra-
ture économique contemporaine prend très largement en compte le
concept de confiance10 dans la constitution de l'ordre marchand
[A. Orléan 1994]. Le concept de confiance (avec son corollaire, la dé-
fiance) paraît susceptible de fournir une explication à la supériorité en
termes de performances des entreprises familiales sur les autres types
d'entreprises.
Ainsi, F. Fukuyama [1995] fait appel à la notion de sociabilité sponta-
née : portion du capital humain relative à la capacité des individus de
s'associer les uns avec les autres. Cette capacité dépend des normes et
valeurs partagées par les communautés mais également de la disposition
des individus à subordonner leurs intérêts à ceux de groupes plus larges
[F. Fukuyama 1995]. De ces valeurs partagées naît la confiance. La
sociabilité emprunte trois voies : la famille11, les associations volontaires
étrangères à la famille et l'Etat. En fait, il existerait deux grands types de
communautés : des communautés fondées sur la famille et des commu-
nautés fondées sur d'autres bases, comme la société civile. Selon cet
auteur, une caractéristique culturelle (la sociabilité spontanée) est à
même d'expliquer l'existence de grandes entreprises dans une économie
10 Parmi de multiples définitions, il est possible de retenir la suivante: « la pré-
somption que, en situation d'incertitude, l'autre partie va agir, y compris face à
des situations imprévues, en fonction de règles de comportement que nous
trouvons acceptables » [F. Bidault, C. Jarillo 1995].
11 Il faut noter que F. Fukuyama considère les sociétés nationales familiales
comme des obstacles au développement économique rapide. Pour lui, la pré-
sence prééminente d'entreprises familiales dans une économie nationale s'inter-
prète comme une marque de défiance à l'égard de la Société.
76 L’entreprise familiale : un état de l’art
et par prolongement, la prospérité. Cette hypothèse paraît vérifiée par
l'étude empirique de R. La Porta et al. [1996].
R. Chami [1997] et R. Chami, C. Fullencamp [1997] insistent sur le
caractère très particulier de l'entreprise familiale, sur la base d'un mo-
dèle faisant appel tant aux théories économiques de la famille qu'aux
théories néoclassiques du marché, différente à la fois des entreprises
« classiques » et de la famille elle même. L'atténuation des caractères
issus de la famille s'effectue grâce à la discipline imposée par le marché.
J. Allouche, B. Amann [1998c] proposent un modèle explicatif fondé
sur trois dimensions de la confiance dans l'entreprise familiale : la
« personal trust » (c'est le niveau de la logique institutionnelle fami-
liale), la « confiance intra » (c'est l'expression du sens commun où en-
core la confiance élargie par le paternalisme dans le cadre des relations
capital-travail) et la « confiance inter » (c'est le niveau de la logique
coopérative qui s'exprime au travers de la confiance entre l'organisation
et l'environnement).
Par-delà ces différents travaux centrés sur le concept de confiance
comme explication des performances des entreprises familiales, d'autres
s'y référent uniquement à la marge [S.J. Harvey 1999].
José Allouche, Bruno Amann 77
Conclusion
Comme dans tout domaine récemment devenu l'objet de l'attention
d'une communauté (académique ou autre), on assiste à une véritable
épidémiologie des connaissances. Elle est saine mais contribue un peu,
dans cette phase de jeunesse voire de genèse à troubler la mesure
d'un état de l'art (au sens plus noble du terme qu'un simple document).
En outre, le domaine y est propice. Plus qu'ailleurs, l'apport des différen-
tes disciplines de la gestion, mais également l'apport des disciplines voi-
sines (droit, économie, sociologie, histoire des entreprises) est précieux
et risqué. Les différentes études évoquées dans ce travail et essentie l-
lement les plus récentes permettent de tirer plusieurs conclusions.
Le monde académique a enfin pris conscience de l'intérêt du sujet.
Il en résulte des études plus rigoureuses, articulées autour d'une démar-
che scientifique. Sans pouvoir encore parler d'un domaine d'étude à ma-
turité loin s'en faut , il semble que l'on pointe vers l'adolescence.
Le monde économique à quelques exceptions près il est vrai a
découvert avec surprise que l'entreprise familiale n'était pas qu'une sur-
vivance d'un passé archaïque. Ce qui s'est pensé comme la première
forme (historique) d'entreprise reste aujourd'hui (ou à nouveau) dans ce
20ème siècle finissant, la première forme (économique) d'entreprise. Il-
lusion (?) d'un cycle qui avec un 19ème siècle finissant au travers des
grandes entreprises familiales avait assuré la transition vers l'entreprise
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... 1. L'ENDETTEMENT DES E.F. L'EF n'a fait l'objet que de peu d'études (Allouche et Amann, 2000 ;Caby et Hirigoyen, 2002) notamment en Afrique et plus particulièrement au Cameroun (Tchankam, 2000et Feudjo, 2006. Ceci était sans doute dû à la forte hétérogénéité de ce type d'entreprise. ...
... Cette diversité de terme désignant l'EF fait déjà un état de lieu sur la complexité d'attribuer une définition tranchée et décisive à cette notion. Malgré le fait que l'unanimité autour de ces concepts est loin d'être atteint (Carty et Buff (1996), Allouche et Amann (2000), Peter, Shapiro et Young (2005), plusieurs auteurs ont essayé de définir l'EF (Comblé et Colot (2006), Poulain-Rhem (2006), Fayolle et Bégin (2009), Arregle et Mari (2010)), mais la convergence de ces définitions reste le regroupement de ces dernières en définitions mono et pluri-critères. Aussi faudra-il constater que le problème de contexte semble être primordial, car chaque définition devra être adaptée à un contexte bien déterminé (Tchankam 2000et Boungou Bazika, 2005. ...
... Cette assimilation de l'EF à la TPE ou à la PME est un amalgame opérationnel. Car selon Allouche et Amann (2000), l'EF ne peut être appréhendé ni à travers des formes juridiques spécifiques, ni à partir d'une taille spécifiques. En parcourant la littérature existante sur les EF, la synthèse de ces travaux permet de faire ressortir quatre constantes dans la caractérisation de l'EF à savoir: le contrôle du capital et de la gestion par une seule personne ou par une seule famille, la participation active de la famille à la gestion, le souci de transmettre l'entreprise aux générations futures, la parenté entre la direction et le capital de l'entreprise. ...
Article
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Cet article a un triple objectifs, le premier qui se veut évaluatif a mis en évidence la proportion de la dette dans la structure financière des entreprises familiales et non familiales; s'en est suivi d'une seconde qui se veut comparatif et ayant débouché sur la mise en exergue des différences observées; enfin arrive le dernier qui se veut explicatif de cet écart à l'aide de ce qui est convenu d'appeler effet famille. Sur la base d’un échantillon de 40 entreprises familiales et 40 entreprises non familiales camerounaises, l’étude établit que les entreprises familiales sont plus endettées que leurs consœurs non familiales. Mais pris ensemble dans la globalité, les deux formes d'entreprises sont moyennement endettées. Après des approches descriptives, évaluatives et comparatives, une approche explicative est proposée. Trois facteurs de l'effet famille (Intensité du caractère familiale de l'actionnariat, la dominance familiale de l'organe de gestion et la dominance familiale de l'organe de gouvernance) expliquent la proportion de la dette des entreprises familiales par rapport aux non familiales.
... Le champ de recherche sur l'entreprise familiale (EF) est évolutif, pluridisciplinaire, ouvert à l'innovation méthodologique et abondant en langue française (Handler et Handler 1994;Allouche et Amann 2000;Arrègle et Mari 2010;Missonnier et Gundolf 2017). Il est soutenu par une réalité économique forte mais instable, dans le contexte du départ des boomers, qui renouvelle l'intérêt du monde académique. ...
... En France, les auteurs ont constaté une prééminence relative du capitalisme familial dans un système en apparence tripolaire : contrôle familial / contrôle étranger / contrôle technocratique (étatique-industrielbancaire). Cette prééminence résulte d'une croissance relative de l'activité économique plus rapide au sein des firmes familiales qu'au sein des deux autres pôles du système productif (Allouche & Amann, 2000). Au début de ce siècle, les auteurs constatent que « sans pouvoir encore parler d'un domaine d'étude à maturité, il semble que l'on pointe vers l'adolescence. ...
... Le monde économiqueà quelques exceptions près il est vraia découvert avec surprise que l'entreprise familiale n'était pas qu'une survivance d'un passé archaïque. Ce qui s'est pensé comme la première forme (historique) d'entreprise reste aujourd'hui (ou à nouveau) dans ce 20ème siècle finissant, la première forme (économique) d'entreprise (Allouche & Amann, 2000). ...
Thesis
La succession parents-enfants, sujet important dans la recherche sur l’entreprise familiale (EF), est un processus réputé long, progressif, risqué, non-linéaire et souvent conflictuel. Ce constat répété invite à s’interroger sur les phénomènes qui activent ou ralentissent ce processus et comment ils se manifestent dans l’activité des collaborateurs. Selon la théorie, la succession peut être vue comme un acte de gestion inhérent à l’essence des EF, comme un paysage transitionnel marqué par des ponctuations et des ajustements de rôles, comme une forge de personnalités entrepreneuriales, masculines ou féminines, ou encore comme un déroulement sans dessein de l’action, au fil d’un temps vécu de l’intérieur. Notre thèse s’inscrit dans ce quatrième courant, celui des approches processuelles du changement et adopte une analyse par les pratiques, inspirée de la théorie des routines organisationnelles dans sa perspective structurationniste. Le quotidien d’une PME du bâtiment, liée à l’entreprise jumelle dirigée par l’un des deux successeurs, est suivi, au cours d’une transmission complexe (de deux aînés vers deux descendants), par une ethnographie affective, sur trois ans, au cours desquels les lieux d’observation s’adaptent pour voir la succession se faire, à travers les pratiques de l’équipe commerciale élargie, via la tenue d’un journal détaillé ponctué d’entretiens individuels. La transformation progressive des pratiques, sous-tendues par des routines qui naissent et changent avec plasticité, montre comment, jour après jour, les affects positifs ou négatifs amènent les collaborateurs à déplacer leur allégeance des prédécesseurs vers les successeurs. Notre recherche apporte, en complément des modèles existants, tant ceux de la succession que ceux de l’évolution des routines, une explicitation du moteur interne de changement qui permet au collectif de « faire succession », en l’absence de plan ou d’objectifs temporels et en l’absence d’un dialogue rationnel sur le sujet entre les dirigeants familiaux. Elle ouvre sur plusieurs perspectives de recherche possibles, en prolongement de nos résultats, dans les différents courants de recherches reliés à notre sujet.
... As empresas familiares desempenharam um importante papel nas economias e nas civilizações antigas, bem como na sociedade pré-industrial (Bertrand & Schoar, 2006). Ao apresentar os critérios da propriedade e do controle, pode-se verificar a distinção básica na aplicação de um critério ou multicritérios para sua conceituação, sendo ora evidenciados individualmente, ora inter-relacionados (Allouche & Amann, 2000). Na vertente multicritério, a empresa familiar tradicional é aquela em que um ou mais membros de uma família exerce(m) um significativo controle sobre a empresa, por possuir(em) um percentual expressivo da propriedade do capital (Allouche & Amann, 2000). ...
... Ao apresentar os critérios da propriedade e do controle, pode-se verificar a distinção básica na aplicação de um critério ou multicritérios para sua conceituação, sendo ora evidenciados individualmente, ora inter-relacionados (Allouche & Amann, 2000). Na vertente multicritério, a empresa familiar tradicional é aquela em que um ou mais membros de uma família exerce(m) um significativo controle sobre a empresa, por possuir(em) um percentual expressivo da propriedade do capital (Allouche & Amann, 2000). (Donnelley, 1964). ...
... ,Allouche & Amann (2000),Chua et al., (1999),Inan & Bitici (2015),Decretos-Leis (2006,Coberta & Salvato (2004),Arrègle et al., (2007),Arrègle & Mari (2010), Higon (2011),Penrose (2006),Villalonga & Amit (2006),Bertrand & Schoar (2006) Âmbitos social e ambiental e capital humanoDeshpande & Golhar (1994),Litz & Stewart (2000),Yli-Renko et al., (2001), Williamson et al., (2002), Vecchio (2003), Cardon & Stevens (2004), Miller et al., (2006), Lengnick-Hall & Lengnick-Hall (2006), Sorenson et al., (2008), De Clercq & Rangarajan (2008), Pirolo & Presutti (2010), Bronsteen et al., (2013) Familiness, teorias da agência e stakeholders Donnelley (1964), Handler (1989), Chrisman et al., (2005), Chua, Chrisman & Bergiel (2009), Kellermanns et al., (2012), Carnes & Ireland, (2013), Stewart & Hitt (2012), Carvalho & Filipe (2014) Fatores causais do sucesso e fracasso, desafios e limitações ...
Research
Full-text available
O ambiente empresarial de uma pequena empresa é passível a mudanças, algumas promovidas pelos concorrentes, outras derivadas da dinâmica conjuntural político-econômica. As capacidades dinâmicas influem no desempenho das pequenas empresas, no ajuste empresarial. Este estudo procurou perspectivas que expliquem por que certas pequenas empresas conseguem conviver com a dinâmica de mercado e alcançam vantagem competitiva. Para obter explicações e evidências, foram realizados dois tipos de pesquisas contemplando pequenos negócios estabelecidos na cidade de São Luís: a) pesquisa quantitativa realizada através da aplicação de questionário numa amostra de 206 pequenas empresas; b) pesquisa qualitativa, com dez pequenas empresas por meio de entrevistas pessoais com gestores ou proprietários. As hipóteses foram selecionadas a partir da literatura. As pesquisas fortalecem que o dinamismo mercadológico gera contingências que obrigam o desenvolvimento de capacidades dinâmicas, que por sua vez, fomentam especificidades de gestão na pequena empresa, desempenho superior com base na geração de valor para o cliente e, consequentemente, alcançam a vantagem competitiva. As respostas da Análise Fatorial demonstraram evidente correlação entre as hipóteses. Foi confirmada a fiabilidade dos questionários por meio do alfa de Cronbach (0,895), ANOVA (Sig = 0,000) e T ao quadrado de Hotelling (Sig = 0,000). O teste KMO e de esfericidade de Bartlett indicaram elevado poder de explicação entre os fatores e variáveis, não sendo necessário reduzir o número de fatores ou excluir qualquer uma das hipóteses, ainda que elas possam ter baixa correlação entre si. Conclui-se que, ainda que as pequenas empresas não devem desprezar a força conjunta das hipóteses apresentadas pelo modelo.
... The more you get used to a method, the more apt you are to use it. Trust plays a fundamental role in the appropriation of decision-making tools, particularly in the relationship between the individual and the performance of the company (Charreaux, 1998;Mothe, 1999;Allouche, 2000) H2. In a context of crisis, the manager's self-confidence significantly influences the practice of investment decisions. ...