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Les dispositifs de confiance utilisés par les petites entreprises du bâtiment en France

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Abstract

Small construction companies mobilize different kinds of confidence for capturing and reassure their customers. Beyond the interpersonal networks, the most common device, they create devices such as professional qualifications and certifications, and adhere to organizational instruments such as mediation systems run by supermarkets or assistance companies. The article shows how the use of these devices varies according to the conventions of quality and strategic positioning of companies.
Journal of Social Research & Policy, No. 1, July 2010
Les dispositifs de confiance utilisés
par les petites entreprises du bâtiment
en France
CATHERINE COMET1
Clersé, Institut de sociologie et d’anthropologie,
Université de Lille 1,
France
Abstract
Small construction companies mobilize different kinds of confidence for capturing and reassure their customers. Beyond the
interpersonal networks, the most common device, they create devices such as professional qualifications and certifications, and
adhere to organizational instruments such as mediation systems run by supermarkets or assistance companies. The article shows
how the use of these devices varies according to the conventions of quality and strategic positioning of companies.
Keywords : Market Sociology, Quality, Construction Industry, Qualification
Trouver des clients est l’une des principales tâches des artisans et chefs de petites entreprises
du bâtiment. Pour y parvenir, différents dispositifs de captation s’offrent à eux (Karpik, 1996).
Ceux-ci se sont multipliés et diversifiés au cours des dernières décennies. Alors que les réseaux
interpersonnels demeurent le dispositif le plus courant, les entreprises utilisent de plus en plus de
dispositifs impersonnels (qualifications, labels, etc.). La diversité des dispositifs mobilisés reflète la
pluralité des modes d’attachements au marché (Mallard, 2007).
L’approche consiste à expliquer la prédilection des entrepreneurs pour tel ou tel dispositif de captation
à partir de leurs conventions de qualité (Eymard-Duvernay, 1989) et de leurs stratégies commerciales
(White, 1981). J’étudie les variations du recours aux différents types de dispositif selon les corps de
métier, dont les conventions de qualité diffèrent sensiblement, puis selon les stratégies commerciales
des entreprises – stratégies de qualité, de volume ou de proximité. Ces analyses reposent principalement
sur deux enquêtes par questionnaires auprès de respectivement 300 et 160 entrepreneurs.
La première partie de l’article détaille les objectifs et la méthodologie de la recherche.
La seconde décrit le principal marché des artisans et petites entreprises du bâtiment, celui de
l’entretien-amélioration de logements. Les troisième et quatrième parties traitent de l’impact
respectivement des conventions de qualité et des positionnements stratégiques sur le type de
dispositifs de captation sélectionnés.
1 Adresse Postal: 59655 Villeneuve d’Ascq cedex, France, Email Address: Catherine.Comet@univ-lille1.fr
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Expliquer le choix des dispositifs de captation
Les dispositifs de captation
Suite aux travaux précurseurs de Lucien Karpik sur les dispositifs de confiance (1989), cette question
a fait l’objet d’un intérêt croissant en sociologie (Cochoy, 2004; Dubuisson-Quellier, 2003). Ce
type de recherche permet d’éclairer le fonctionnement de marchés concrets, loin de correspondre
au mythe néo-classique d’une rencontre offre-demande simplement orchestrée par les prix. Au
contraire, les dispositifs équipant les marchés concrets s’avèrent jouer un rôle crucial pour créer de
la confiance et aiguiller les clients (Trompette, 2005). Cette confiance peut d’ailleurs se retourner
contre l’acheteur. Les dispositifs favorisent «l’attachement» pour le meilleur et pour le pire.
L. Karpik limite sa théorie à l’«économie des singularités» (2007), qui se caractérise par une
concurrence sur la qualité plutôt que sur les prix ainsi que par l’aspect incommensurable des biens et
des services échangés. Dans ce cadre, Karpik s’intéresse à une certaine forme d’incertitude: l’incertitude
sur la qualité. Cependant les dispositifs de confiance visent aussi d’autres formes d’incertitudes.
G. Akerlof a montré comment non seulement l’incertitude sur la qualité mai aussi l’asymétrie
d’information entre vendeurs et clients peuvent perturber le fonctionnement d’un marché en
donnant lieu à un phénomène de sélection adverse (1970). Au-delà de l’incertitude sur la qualité,
un autre type d’incertitude est dans ce cas en jeu: l’asymétrie d’information qui favorise le risque
d’opportunisme. O. Williamson qualifie ce risque d’«incertitude stratégique » (1985). Dans
un contexte d’asymétrie d’information et de méfiance, les dispositifs comme les garanties, les
marques, les chaînes et les certifications sont à même de produire la confiance nécessaire au bon
déroulement des échanges. Quand le risque d’opportunisme est élevé, P. DiMaggio et H. Louch
montrent que les consommateurs sélectionnent de préférence les prestataires à l’intérieur de leur
réseau de connaissances (1998). Ainsi, quel que soit le type d’incertitudes en jeu, les dispositifs
d’intermédiation visent à produire de la confiance quand celle-ci fait défaut.
La typologie des dispositifs de confiance proposée par L. Karpik repose sur le type
d’information produite par les dispositifs (2007). Les dispositifs personnels véhiculent une
information singulière, rendant compte des idiosyncrasies des biens et des services ainsi que des
consommateurs. Les dispositifs impersonnels proposent en revanche une information générale et
homogène. Cependant, la distinction «personnel/ impersonnel» n’a de sens que du point de vue
des consommateurs. Ceux-ci ignorent généralement les relations personnelles qui peuvent s’établir
entre prescripteurs et entrepreneurs ; elles compromettraient la crédibilité de ces dispositifs.
Me plaçant ici du point de vue des producteurs, je propose un autre principe de distinction,
différenciant dispositifs personnels (les réseaux interpersonnels), dispositifs professionnels (les
qualifications, les certifications) et dispositifs organisationnels (les systèmes de franchise et
d’agrément).
Cadre théorique
En se restreignant aux biens et services «incommensurables», Lucien Karpik se dédouane de
définir ce qu’est la qualité (Dubuisson-Quellier et al., 2003). Au final, on ne sait pas ce qu’est
la qualité des «bons» produits, « bons » professionnels… Les processus d’appariement entre
entreprises et clients comme leurs choix forment une sorte de boîte noire. Alors qu’il explore
en détail les différents critères de jugement (palmarès, guides…), il élude les critères de qualité:
la qualité des biens et services singuliers est multidimensionnelle et incommensurable. Une
articulation de sa théorie avec la théorie des conventions permettrait de lever cette ambiguïté.
Or Lucien Karpik rejette un tel rapprochement, en dépit des affinités entre ces deux théories
de la coordination marchande. Il estime que l’économie des conventions relève d’une théorie
Catherine Comet
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générale, alors que l’économie des singularités découle d’une approche compréhensive (2007, p.
154-156). Cependant, une approche compréhensive doit s’intéresser aux principes qui guident la
construction de la qualité et des jugements sur la qualité. Il existe d’ailleurs un lien direct entre
conventions et dispositifs d’intermédiation d’après les conventionnalistes. F. Eymard-Duvernay
identifie trois principales conventions de qualité (1989): la convention industrielle à laquelle sont
associés les standards et les normes, la convention domestique à laquelle sont associées les marques
et appellations d’origine et la convention marchande à laquelle sont associés les prix.
Harrison White a élaboré une théorie alternative des marchés de production (1981, 2002).
D’après celle-ci, les producteurs cherchent avant tout à se distinguer les uns des autres en créant
des niches commerciales. Il représente ces niches dans un espace à deux dimensions, l’une intégrant
la sensibilité à la qualité, l’autre la sensibilité à la quantité. Dans cet espace, les producteurs ont
le choix entre trois zones de marché viables. La première, le marché paradoxal, correspond à
l’économie de la singularité de L. Karpik: la qualité prime sur la quantité. La seconde est le marché
explosif qui repose sur les économies d’échelle. Enfin, le troisième, le marché ordinaire, est le plus
peuplé. L’un des reproches que l’on puisse formuler à l’égard de cette théorie est qu’elle ne tient
justement pas compte des dispositifs d’intermédiation qui autorisent la rencontre offre-demande,
ni des structures relationnelles qui sous-tendent ces positionnements stratégiques. Il me semble
intéressant d’articuler cette théorie à celle des dispositifs de captation. O. Favereau et al. montrent
qu’il existe une parfaite correspondance entre ces zones de marché et les conventions citées
précédemment (2002). A la zone paradoxale, correspond la convention domestique. A la zone
explosive correspond la convention industrielle. Et à la zone ordinaire correspond la convention
marchande. En dépit de présupposés théoriques divergents quant au rôle des incertitudes et de
la concurrence (voir à ce sujet Callon, 2002), il me semble en conséquence fondé de chercher un
lien entre créneaux commerciaux et dispositifs de captation.
Méthodologie
La recherche porte sur des entreprises du bâtiment de moins de 20 salariés. Il s’agit d’analyser
comment le recours aux dispositifs de confiance varie en fonction de leurs conventions de qualité
et de leur positionnement stratégique. Les données ont été collectées au moyen de deux enquêtes
par questionnaire menées en 2002: l’enquête Professions et l’enquête Stratégies.
L’enquête Professions se base sur un échantillon de 300 entreprises couvrant les principaux
corps de métier du bâtiment. Le questionnaire porte sur le recours aux dispositifs professionnels et
organisationnels. L’enquête a été réalisée au cours des congrès annuels, organisés par famille de métiers,
de la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb). Les participants à ces
congrès sont des représentants professionnels venant de toutes les antennes locales de l’organisation
professionnelle. Ce mode de collecte des données constitue un biais. L’échantillon est constitué
d’entreprises de plus grande taille que la moyenne. Ces entrepreneurs sont de plus mieux informés
que les autres et sont plus souvent affiliés à des dispositifs professionnels et organisationnels. La
structure de l’échantillon est par ailleurs à peu près fidèle à la répartition par corps de métier de
l’ensemble des petites entreprises. Le Tableau I détaille cette répartition. On note que les entreprises
de maçonnerie, de métallerie serrurerie et d’équipement électrique ont un chiffre d’affaires et
un effectif moyens nettement supérieurs à la moyenne de l’échantillon et que les entreprises de
peinture ont en revanche un chiffre d’affaire et un effectif moyens bien inférieurs. Pour schématiser,
on peut distinguer deux principales conventions de qualité parmi les professions du bâtiment: la
convention technique et la convention esthétique. Ces conventions apparaissent, selon les métiers,
plus ou moins prépondérantes et plus ou moins combinées entre elles. La convention technique
prédomine principalement dans les métiers de la maçonnerie, de la charpente, de la menuiserie, de
la métallerie et surtout de l’équipement électrique. La qualité y est associée à la maîtrise de savoir-
faire et à la connaissance de matériaux et d’équipements spécifiques. La convention technique est,
Les dispositifs de confiance
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d’une manière générale, très présente dans les activités soumises à des normes de construction et de
sécurité. La convention esthétique est fréquente dans les métiers de la finition et très importante dans
les métiers d’art. Elle repose sur une définition de la qualité fondée sur le goût et le style. Certains
peintres mettent ainsi en avant leur maîtrise des couleurs et leur capacité à créer des ambiances.
L’enquête Stratégies repose sur un questionnaire administré en face-à-face auprès d’environ
160 entrepreneurs du bâtiment. Celui-ci porte sur le parcours et la formation de l’entrepreneur
interrogé, sur l’organisation et la stratégie de son entreprise ainsi que sur son réseau personnel
d’informateurs, de prescripteurs et d’apporteurs d’affaires et sur le recours à d’autres dispositifs
de confiance (qualification, certification, label, systèmes d’intermédiation gérés par des grandes
surfaces, des industriels…). Une classification ascendante hiérarchique a été réalisée à partir des
variables actives Chiffre d’affaires, Niveau de qualité, Niveau de prix et Périmètre. Il en résulte trois
classes d’entreprises aux positionnements stratégiques différenciés (voir Tableau II). La première
classe d’entreprises (44 entreprises) se caractérise par une part relativement élevée d’entreprises
ayant un niveau de qualité supérieur à la moyenne. La deuxième classe est la plus restreinte (13
entreprises). Elle se caractérise par un chiffre d’affaires moyen près de quatre fois supérieur au
chiffre d’affaires moyen et un périmètre d’intervention dépassant généralement les frontières du
département. La troisième classe est la plus importante (80 entreprises). Elle se caractérise par un
chiffre d’affaires moyen relativement faible, des prix peu élevés et un périmètre d’intervention
essentiellement local. Les stratégies de ces trois classes d’entreprises sont respectivement qualifiées
de «stratégie de qualité», «stratégie de volume» et «stratégie de proximité».
Le marché de l’entretien-amélioration de logements en France
L’asymétrie entreprise-client
Les observateurs du marché de l’entretien-rénovation de logements qualifient habituellement
ce marché de «marché de l’offre» pour traduire le fait que les entreprises sont généralement
en position de force vis-à-vis de leurs clients. Il est souvent difficile de trouver une entreprise
disponible pour réaliser des travaux. Ce volume élevé d’activité confère parfois aux artisans un
certain flegmatisme. Cette tension entre offre et demande de travaux au bénéfice des entreprises
est entretenue par une pénurie de main d’œuvre qualifiée: la majorité des petites entreprises du
bâtiment rencontrent des difficultés à recruter. Notons que la plupart des entreprises avaient des
carnets de commande bien remplis au moment de l’enquête.
Il s’agit d’un marché extrêmement atomisé: les entreprises de moins de 20 salariés réalisent
80% du chiffre d’affaires. L’offre de services est opaque et l’information peu accessible. Au-delà
de la difficulté à trouver une entreprise (disponible), les clients sont confrontés à différents types
d’incertitudes. D’une part, une incertitude sur l’aspect technique de la prestation. Les travaux
d’entretien-rénovation correspondent souvent à des prestations dont il est difficile d’estimer la
qualité avant leur achèvement2. L’incertitude sur la qualité est d’autant plus grande quand il s’agit de
prestations spécifiques aux goûts et attentes des clients et réalisées sur mesure en fonction du bâti.
Cependant, la plupart des prestations soulèvent moins d’incertitudes sur la qualité. Les clients
attendent bien entendu d’un artisan qu’il se conforme aux règles de l’art - d’autant plus que
les travaux concernent un actif particulièrement sensible, le « foyer » (Bourdieu, 2000), qui
constitue souvent l’essentiel de leur patrimoine. Mais les clients attendent aussi d’un artisan
qu’il respecte les délais annoncés (et le devis!). Or les chantiers accusent couramment des retards.
2 De plus, les travaux de rénovation impliquent généralement l’intervention de plusieurs entreprises spécialisées, ce qui accroît encore les
incertitudes. Dans ce cas, la qualité du résultat ne dépend pas d’une seule entreprise mais de tous les intervenants du chantier et de leur
coordination (voir à ce sujet Comet, 2006).
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Une des spécificités de l’activité du bâtiment tient à la variabilité de l’activité. Il en résulte des
stratégies complexes de gestion du carnet de commande de la part des artisans, consistant à
modifier les ordres de priorité des chantiers selon une logique souvent obscure pour le client, mais
indispensable pour lisser l’activité et maintenir un taux d’occupation élevé des ouvriers. Il s’agit là
plutôt d’incertitudes stratégiques au sens où elles sont liées à l’asymétrie d’information et au risque
d’«opportunisme» des artisans.
Les différents types de dispositifs de confiance
Les dispositifs personnels
Le réseau personnel constitue de loin le principal dispositif mobilisépar les clients pour trouver
des professionnels : plus de la moitié des ménages demandent conseil à des artisans qu’ils
connaissent déjà et une part similaire à leur entourage, un tiers consultent l’annuaire et moins
de 10% interrogent des prescripteurs comme les grandes surfaces de bricolage, les fabricants, les
négociants spécialisés ou les artisans d’un autre corps de métier3. Symétriquement, le principal
dispositif mobilisé par les artisans et petites entreprises pour trouver des clients est également leur
réseau personnel. Le fait qu’un client se recommande d’une relation commune rassure les artisans,
souvent méfiants à l’égard desclients inconnus. Les relations communes leur permettent de
contrôler sa solvabilité. L’artisan A déclare qu’«il y en a certains [clients] dont il faut se méfier».
L’artisan B «met des barrières» suite à des problèmes d’impayés. Les réseaux personnels permettent
de filtrer les «bons» clients. Les artisans préfèrent les prises de contact sur recommandation d’un
tiers aux encarts dans les pages jaunes, dans la presse quotidienne régionale ou dans les gratuits,
car elles se transforment plus fréquemment en commande effective de travaux4.
Alors que leur réseau d’apport d’affaires joue un rôle décisif dans la profitabilité des petites
entreprises du bâtiment (Comet, 2007), sa taille est relativement limitée : les entrepreneurs
interviewés citent 6,3 relations en moyenne. Le TableauI présente la composition des réseaux
d’information, de recommandation et d’apport d’affaires direct. Les collègues artisans, concurrents
ou non, occupent une place prépondérante dans ces réseaux: ils représentent 36% de l’ensemble
des contacts cités et près de la moitié des relations d’information. Dans sa théorie des marchés de
production, Harrison White souligne l’importance des interactions entre producteurs vis-à-vis des
identités de marché (2002). Les relations entre pairs contribuent aussi à la stabilité des marchés
du bâtiment de par leur poids dans l’allocation des travaux. Une grande partie des chantiers font
l’objet d’échanges de travaux au niveau local, en particulier sous la forme de sous-traitance ou
de «co-traitance»5. Les relations intra- et surtout interprofessionnelles représentent à cet égard
d’importants dispositifs de captation de clients pour les artisans.
Les dispositifs professionnels
Les dispositifs professionnels sont des signaux de qualité mis en place par les organisations
professionnelles en vue de distinguer, à l’origine, les «vrais» professionnels des «faux». Ils reposent
3 Source: Rénoscope, Ipsos/Club de l’Amélioration de l’Habitat, 2006.
4 Après avoir longtemps acheté un encart dans les pages jaunes, l’artisan H y a renoncé, car les prises de contact se limitaient trop souvent
à des demandes de devis. Il estime que seule une prise de contact liée à un encart sur cinq débouchait sur des travaux contre une sur deux
pour les recommandations par un tiers.
5 Les artisans parlent de « co-traitance » pour désigner le fait de faire travailler une autre entreprise sur un chantier sans relation de sub-
ordination
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sur des critères et des modes de contrôle variables (cf. Tableau II). Les systèmes d’identification
sont des documents auto-déclaratifs sur les spécialités et les références de l’entreprise. Les
appellations sont délivrées à des entreprises en fonction de leur capacité technique dans un
domaine précis, comme l’installation de chauffe-eau solaires (Qualisol) ou de canalisations d’eau
potable (Quali’Eau). Les qualifications valident des capacités techniques et sont délivrées après
l’étude d’un dossier remis par les entreprises à des organismes de qualification tels que Qualibat
(ou Qualifélec pour les entreprises d’équipement électrique). Seules les certifications impliquent
un réel contrôle de la conformité d’une entreprise – en l’occurrence de son organisation - aux
exigences d’une norme (la norme ISO 9001 par exemple) ou d’un référentiel par un organisme
indépendant.
Les dispositifs organisationnels
Les dispositifs organisationnels font référence aux systèmes d’intermédiation créés par des
industriels, des fournisseurs d’énergie ou d’eau, des grandes surfaces de bricolage (GSB) et des
sociétés d’assistance. Les dispositifs les plus importants en nombre d’entreprises affiliées sont ceux
des GSB et des sociétés d’assistance. Contrairement aux dispositifs professionnels qui opèrent
seulement comme un signal visant à atténuer les incertitudes techniques et commerciales, les
dispositifs organisationnels introduisent une médiation dans la relation clients-artisans : les
gestionnaires de ces dispositifs interviennent de manière active en canalisant des clients vers des
entreprises. A ce titre, ils prélèvent parfois un pourcentage de la transaction en plus des frais
d’adhésion supportés par les entreprises. Ils sélectionnent, à chaque prestation, les entreprises
en fonction de critères obscurs, même si le critère de proximité est généralement invoqué. Ils
bénéficient ainsi d’un pouvoir de contrôle bien plus important que dans le cas des dispositifs
professionnels. Formellement, les entreprises ne sont soumises qu’à un cahier des charges (respect
des délais et des devis) et à un barème de prix dans ces dispositifs. Cependant, au-delà d’une
certaine part de chiffre d’affaires apportée par l’opérateur, leur indépendance n’est plus que
théorique.
L’évolution des principaux corps de métier
D’une manière générale, les petites entreprises ont depuis la crise des années 70 bénéficié du
développement du marché de l’entretien-rénovation par rapport à celui de la construction neuve,
que les PME et grandes entreprises dominent. Mais la situation des petites entreprises est contrastée
selon les métiers. L’une des spécificités de la filière tient au déséquilibre entre l’atomicité des
entreprises du bâtiment et la concentration en amont des industriels et des distributeurs. Depuis
les années 90, les distributeurs – en particulier les grandes surfaces - ont favorisé le bricolage
au détriment des entreprises. Face aux limites de cette politique, certaines grandes surfaces de
bricolage mettent en place des réseaux de prestataires. Les industriels ont, quant à eux, tendance
à intégrer de plus en plus de valeur ajoutée dans leurs produits. Ils contribuent ainsi à remettre en
question les qualifications des artisans, dont la part d’activité en fabrication s’amenuise au profit
de la mise en œuvre de produits préfabriqués. Les corps de métier sont plus ou moins touchés par
ces évolutions.
Les entreprises de maçonnerie réalisent la majorité de leur activité en construction neuve.
Elles travaillent essentiellement en sous-traitance sur le marché de la maison individuelle. Peu
de petites entreprises ont les capacités financières d’établir un contrat de construction de maison
individuelle (CCMI), obligatoire au-delà de 170 m² et assorti de garanties de livraison.
Les petites entreprises de charpente, de menuiserie et de métallerie sont particulièrement
touchées par le développement des produits «prêts-à-poser», car leur identité professionnelle
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reposait avant tout sur la maîtrise de la fabrication. Leur activité de fabrication est de plus
parfois menacée par l’obligation de certification des produits. Les entreprises de charpente et de
menuiserie subissent de plus la concurrence d’autres matériaux. Elles tentent de s’organiser avec
d’autres acteurs de la filière bois pour défendre les qualités de ce matériau.
Les entreprises d’équipement électrique sont dans une position de dépendance vis-à-vis d’EDF,
étant donnée la concentration du marché électrique. A l’époque de l’enquête, le risque était
qu’EDF s’intéresse aux activités d’installation et de maintenance avec l’ouverture du marché à
la concurrence. Elles découvrent que l’ouverture du marché représente aussi une opportunité de
vendre des contrats de fourniture d’électricité. Le développement des courants faibles (câbles,
alarmes) représente une autre opportunité de diversification. Les entreprises de plomberie-
chauffage bénéficient d’une plus grande indépendance, car elles traitent plusieurs énergies.
Elles font face à une forte technicisation des produits avec notamment l’introduction de plus
en plus d’électronique dans les appareils de chauffage, mais bénéficient également de nouvelles
opportunités liées aux marchés des énergies renouvelables.
Les métiers de la finition sont peut-être ceux dont les savoir-faire sont les plus menacés.
Ces entreprises sont les plus confrontées à la concurrence du bricolage. Certains métiers se
sont profondément transformés, comme les métiers du plâtre avec le remplacement du plâtre
traditionnel par des éléments préfabriqués. Face au risque de déqualification, la principale stratégie
des entreprises de finition est de mettre en avant son rôle en matière de conseil, en amont des
projets de rénovation.
L’impact des conventions de qualité
Dispositifs de confiance et conventions de qualité
Je suppose dans cette partie que le recours aux dispositifs de confiance varie selon les conventions
de qualité et donc selon les corps de métier. Les dispositifs professionnels visent essentiellement à
évaluer les capacités techniques d’une entreprise. Je suppose qu’ils sont donc surtout choisis par
les entrepreneurs dont le corps de métier valorise la convention technique. Dans les professions où
prédomine la convention esthétique, les standards et référentiels se prêtent mal à l’évaluation des
prestations. Je suppose donc que les dispositifs professionnels sont moins utilisés dans ces corps
de métier. Les dispositifs personnels apparaissent les mieux adaptés à l’évaluation des entreprises
et à leur mise en relation avec des clients potentiels. Je suppose que ce sont les corps de métier où
ils ont le poids le plus important.
Les dispositifs de confiance sont l’objet de controverses entre les représentants des principaux
corps de métier. Leurs prises de position6 offrent une opportunité de saisir leurs différences
en matière de conventions de qualité. Aujourd’hui, les artisans sont relativement favorables à
l’égard des systèmes de qualification. Seuls les professionnels de la peinture considèrent qu’ils ne
permettent pas de rendre compte de leurs spécificités. Mais les professionnels de la maçonnerie
considèrent, à travers leurs représentants, qu’ils leur assurent une meilleure maîtrise de leurs marchés
(en particulier en construction neuve) et un accès aux marchés publics. Les professionnels de la
plomberie et du chauffage pensent que ces dispositifs permettent de valoriser leurs prestations,
à l’instar de ceux de l’équipement électrique qui y voient le moyen de renforcer leur statut de
spécialiste. Les serruriers métalliers voient ces dispositifs d’un œil favorable dans un contexte où
la réglementation est de plus en plus contraignante. Ceux des métiers du plâtre se demandent
6 Ces prises de position ont été recueillies lors d’un observation participante au sein de la Capeb entre 2000 et 2003 et à partir d’une
analyse documentaire des articles consacrés aux politiques professionnelles dans le Bâtiment artisanal, revue mensuelle publiée par ce même
syndicat.
Les dispositifs de confiance
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toutefois si ces dispositifs ne sont pas arrivés trop tard vis-à-vis de la crise de leur profession. D’une
manière générale, ce sont les professions les plus soumises aux normes de sécurité, comme les
métiers du gaz et de l’électricité, qui sont le plus favorables à ces dispositifs de confiance.
Les prises de position vis-à-vis des dispositifs organisationnels varient également en fonction des
corps de métier. Les menuisiers, les serruriers-métalliers et les charpentiers sont plus particulièrement
sollicités par les réseaux de poseurs agréés mis en place par des distributeurs et des industriels, qu’ils
considèrent comme une source de déqualification pour leurs professions. Cependant, de nouveaux
métiers ont également vu le jour dans ces réseaux comme le métier d’Aluminier Technal. Ces
professionnels ont donc une attitude ambivalente vis-à-vis des dispositifs organisationnels. Les
peintres sont surtout recherchés par les sociétés d’assistance. Ils apprécient les garanties de paiement
et les opportunités d’affaires qu’elles leur offrent, en particulier en période de ralentissement de
leurs prises de commande. Pour les électriciens, les dispositifs organisationnels évoquent surtout
ceux d’EDF. Etant donné le poids d’EDF sur le marché de l’électricité, ils se méfient de son intérêt
pour leur propre marché, mais adhèrent massivement à ces systèmes. Les plombiers-chauffagistes
se montrent plus favorables et y voient le moyen d’améliorer leur image de marque ainsi que leurs
marges. Les maçons associent ces dispositifs à une forme déguisée de sous-traitance et y sont donc
défavorables, tout en étant relativement peu concernés car leur activité concerne surtout les gros
travaux de rénovation, qui échappent encore largement à ces dispositifs.
Les différences par corps de métier
Le Tableau V présente l’importance des dispositifs personnels, professionnels et organisationnels
par corps de métier. Il a été construit à partir des deux enquêtes Professions et Stratégies, dont les
entreprises enquêtées diffèrent. Il permet d’identifier des différences par corps de métier, relativement
conformes aux prédictions quant au rôle des conventions de qualité dans le choix des dispositifs.
A partir de l’enquête Professions, il apparaît que la qualification Qualibat (ou Qualifélec) est la plus
fréquente parmi les entreprises de maçonnerie (39%) et d’équipement électrique (49%). Ce sont deux
corps de métier pour lesquels la convention technique semble prépondérante et deux corps de métier
fortement soumis aux normes de construction et de sécurité. Il faut néanmoins nuancer ce résultat
en soulignant que la fréquence de cette qualification peut également s’expliquer par l’importance de
la construction neuve et des marchés publics dans l’activité des entreprises. Or ces marchés sont plus
contraignants en matière de qualification que l’entretien-rénovation et le marché des particuliers. Par
ailleurs, l’hypothèse ne se vérifie pas dans le cas des entreprises de charpente et de menuiserie (27%
d’entreprises Qualibat, soit l’équivalent du taux moyen dans l’échantillon). La baisse de la part de
fabrication, par rapport à celle de la simple mise en œuvre, dans leur activité conduit peut-être à un
rééquilibrage des conventions de qualité au détriment de la convention technique et expliquerait ainsi
la plus faible fréquence des dispositifs professionnels que prévue.
L’hypothèse concernant l’impact de la convention esthétique se révèle également vérifiée dans
la mesure où le poids des dispositifs personnels est le plus élevé dans le cas des entreprises de
peinture. Il y aurait donc une convergence entre prépondérance de la convention esthétique
et poids des dispositifs personnels. Notons toutefois que le poids des dispositifs personnels est
également très important pour les entreprises de maçonnerie et, dans une moindre mesure,
d’équipement électrique. L’importance des dispositifs organisationnels pour les entreprises de
peinture tend de plus à relativiser l’impact de la convention esthétique pour ces entreprises. Il
est néanmoins difficile d’en tirer des conclusions. Les dispositifs organisationnels sont pour la
plupart relativement récents, et leur diffusion au sein des professions dépend du rôle de leur
initiateur sur les marchés du bâtiment. Ces dispositifs sont, d’après l’enquête Professions, les plus
fréquents pour les entreprises d’équipement électrique et de peinture. Les premières adhèrent
essentiellement à des dispositifs gérés par EDF. Les secondes sont très recherchées par les sociétés
d’assistance, qui gèrent la réparation de sinistres.
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L’impact des stratégies commerciales
Dispositifs de confiance et stratégies commerciales
Les observations non participantes et entretiens semi-directifs menés en amont de l’enquête
Stratégies auprès d’une dizaine d’entrepreneurs suggèrent qu’il existe un lien entre positionnement
stratégique et dispositifs de confiance. Si la plupart des entrepreneurs concernés comptent avant
tout sur leur réputation et le bouche-à-oreille pour acquérir de nouveaux clients, ils mobilisent
parfois d’autres dispositifs. L’entrepreneur A possède une entreprise de plomberie-couverture dans
le Nord ayant une stratégie de qualité, lui permettant d’appliquer des prix «raisonnablement
élevés». Il développe en particulier une activité de rénovation de salles-de-bain haut-de-gamme
en partenariat avec un décorateur. Il a entrepris une démarche-qualité débouchant sur une
certification et fait parti du «club VIP» d’un fabricant de chaudières. L’entrepreneur C est à
la tête d’une entreprise d’électricité dans le Languedoc-Roussillon. Sa stratégie est plutôt une
stratégie de volume. Il fait notamment partie d’une association d’électriciens affiliée à EDF, qui
lui apporte de nombreux clients. L’entrepreneur E gère une entreprise de Charpente-Menuiserie
en zone rurale dans les Pays de la Loire. Privilégiant une stratégie de proximité, il s’est notamment
spécialisé dans la construction de hangars agricoles. Ses efforts commerciaux se concentrent sur la
fidélisation d’une clientèle locale et l’entretien de relations personnelles.
Il semble ainsi que plus une entreprise adopte une stratégie de proximité, plus elle se limite aux
dispositifs personnels. En revanche, plus une entreprise adopte une stratégie de qualité, plus elle
cherche à se distinguer au moyen de dispositifs professionnels. Enfin, plus une entreprise adopte
une stratégie de volume, plus elle multiplie les adhésions aux dispositifs organisationnels.
Les différences par classe d’entreprises
Le Tableau VI présente l’importance du recours aux dispositifs personnels, professionnels et
organisationnels par classe d’entreprises à partir de l’enquête Stratégies. Les hypothèses semblent à
première vue confirmées par ces résultats, mais doivent être nuancées. Les entreprises adoptant une
stratégie de proximité privilégient en effet les dispositifs personnels. Les relations interpersonnelles
ne semblent cependant pas représenter une part d’apport d’affaires plus important pour elles que pour
les autres entreprises. Les entreprises ayant une stratégie de qualité sont plus fréquemment dotées
d’un dispositif professionnel, mais dans une proportion équivalente aux entreprises caractérisées
par une stratégie de volume. Enfin, ces dernières adhèrent effectivement plus fréquemment à
un dispositif organisationnel. Ces derniers résultats sont toutefois à considérer avec prudence, à
cause du faible nombre de données. La classe «stratégie de volume» est en particulier très limitée.
De plus, une faible part d’entreprises adhère à des dispositifs organisationnels. En dépit de ces
limites, ces résultats sont cohérents avec les hypothèses avancées. Le principal apport est d’éclairer
l’ambivalence des dispositifs de confiance, en particulier des dispositifs professionnels. Ce sont à
la fois des systèmes d’évaluation des entreprises et des systèmes de captation de clients. On trouve
ainsi des taux de recours à ces dispositifs comparables parmi les entreprises ayant des stratégies
de qualité et de volume, voire supérieurs pour les entreprises ayant des stratégies de volume si on
comptabilise tous les dispositifs professionnels.
Conclusion
Ces analyses montrent quels types de dispositifs personnels, professionnels et organisationnels les
entreprises du bâtiment tendent à mobiliser en fonction de leurs conventions de qualité et de leur
Les dispositifs de confiance
132 | JSRP
positionnement stratégique. Les entreprises recourent massivement aux réseaux interpersonnels
pour capter des clients. Cependant ces analyses permettent de mieux comprendre dans quel
contexte certaines entreprises se dotent aussi d’autres types dispositifs de captation.
D’une part, les analyses par corps de métier confirment le lien entre conventions de qualité et
dispositifs de confiance. Ce lien est surtout clair pour les métiers revendiquant des conventions
de qualité techniques: ils adoptent plus fréquemment des dispositifs professionnels que les autres.
Par ailleurs, ce sont les entreprises de finition affichant des conventions plutôt esthétiques, outre
les entreprises d’équipement électrique, qui s’affilient le plus aux dispositifs organisationnels.
Comment l’expliquer? Il s’agit des entreprises les plus fragilisées par la déqualification et les plus
soumises à la concurrence du bricolage. Dans ce contexte difficile, ces dispositifs se présentent
donc comme une opportunité de diversifier les débouchés.
D’autre part, on observe également un lien entre stratégies commerciales et dispositifs de
confiance. A l’intérieur de chaque corps de métier, les entreprises ont des positionnements
stratégiques différents. Or ces positionnements influent aussi sur le mode d’attachement au marché.
Les stratégies de proximité conduisent les entreprises à privilégier les dispositifs personnels. Les
stratégies de qualité conduisent les entreprises à s’affilier aux dispositifs professionnels pour faire
reconnaître leur positionnement et capter des clients (recherchant des prestations peut-être plus
haut de gamme). Les stratégies de volume engagent les entreprises à multiplier et à diversifier les
dispositifs de captation. A chaque positionnement correspond un mode d’attachement au marché
plus ou moins ténu, plus ou moins diversifié. Ce résultat tend à montrer qu’à positionnement
commercial équivalent les entreprises sont encastrées de manière analogue dans les réseaux
sociotechniques servant d’interface entre entreprises et clients. Il serait intéressant de tester cette
idée dans d’autres secteurs pour en mesurer le degré de généralité7.
Evidemment, il aurait été intéressant pour affiner les résultats de croiser ces deux dimension,
conventions de qualité et stratégies commerciales, mais nos données ne le permettent pas. En
outre, les mécanismes collectifs de diffusion et d’adoption des dispositifs professionnels et
organisationnels ne sont pas analysés dans cet article.
7 Une étude portant sur la restauration montre ainsi qu’il existe un lien entre niches commerciales telles que les dé nit par Harrison White
et niches sociales telles que les dé nit Emmanuel Lazega (Eloire, 2009).
Catherine Comet
JSRP | 133
Références
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Mechanism. Quarterly Journal of Economics 84, 488-50.
2. Callon M., 2002. Pour en finir avec les incertitudes. Dossier-débat : La qualité. Sociologie du
travail 44(2), 261–267.
3. Cochoy F., 2004. La captation des publics entre dispositifs et dispositions, ou le petit chaperon
revisité. In: Cochoy F. (dir.). La captation des publics. Toulouse, Presses Universitaires du
Mirail, 11-68.
4. Comet C., 2007. Capital social et profits des artisans du bâtiment: le poids des incertitudes
sociotechniques. Revue française de sociologie 48(1), 67-91.
5. DiMaggio P., Louch H., 1998. Socially embedded consumer transactions: For what kinds
of purchase do people most often use networks? American Sociological Review 63, 619-637.
6. Dubuisson-Quellier, S., 2003. Contacts et relations au marché chez les très petites entreprises.
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7. Dubuisson-Quellier S., Neuville J.-Ph., 2003. Juger pour échanger. Vers une économie des
jugements. Paris, INRA Éditions, collection MSH.
8. Eloire, F., 2009. Les restaurateurs lillois. Thèse de sociologie. Université de Lille 1.
9. Eymard-Duvernay, F., 1989. Conventions de qualité et formes de coordination. Revue
économique 40(2), 329-359.
10. Favereau O., Biencourt O., Eymard-Duvernay F., 2002. Where do markets come from? From
(quality) conventions! In: Favereau O. and Lazega E.. Conventions and Strutures in Economic
Organization: Markets, Networks and Hierarchies. Edward Elgar Publishing, p. 213-252.
11. Karpik L., 1989. L’économie de la qualité. Revue française de sociologie 30, 187-210.
12. Karpik L., 1996. Dispositifs de confiance et engagements crédibles, Sociologie du travail
38(4), 527-550.
13. Karpik L., 2007. L’économie des singularités. Paris, Editions Gallimard.
14. Mallard A., 2007. La pluralité des rapports au marché dans les très petites entreprises: une
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15. Trompette P., 2005. Une économie de la captation: les dynamiques concurrentielles au sein
du marché funéraire. Revue française de sociologie 46(2), 233-264.
16. White H. C., 1981. Where do markets come from? American Journal of Sociology 87(3),
17. White H. C., 2002. Markets from Networks. Princeton: Princeton University Press.
18. Williamson O., 1985. The Economic Institutions of Capitalism. New York, Free Press.
Les dispositifs de confiance
134 | JSRP
Annexe
Tableau I: Composition de l’échantillon de l’Enquête Professions par corps de métier
NChiffre d’affaires moyen en
million d’€(écart-type)
Effectif salarié moyen
(écart-type)
Maçonnerie 41 0.49 (0.37) 6.4 (4.7)
Charpente Menuiserie 48 0.43 (0.30) 4.7 (3.7)
Métallerie Serrurerie 16 0.64 (1.02) 6.5 (11.3)
Equipement Electrique 41 0.53 (0.53) 5.6 (7.2)
Plomberie Couverture 97 0.37 (0.23) 4.3 (3.9)
Métiers du plâtre 12 0.35 (0.21) 4.4 (3.1)
Peinture 42 0.18 (0.18) 3.6 (3.8)
Ensemble de l’échantillon 297 0.41 (0.40) 4.9 (5.1)
Tableau II: Composition de l’échantillon de l’Enquête Stratégies par positionnement stratégique-
résultat de la classification hiérarchique à partir des variables actives Chiffre d’affaires, Niveau de
qualité, Niveau de prix et Périmètre
N
Chiffre
d’affaires moyen
en million d’€
(écart-type)
Part d’entreprises
ayant un niveau
de qualité
supérieur (1)
Par t
d’entreprises
ayant des prix
élevés (2)
Par t
d’entreprises
travaillant dans
un périmètre
local (commune
ou département)
Classe 1 (Qualité) 44 0.48 (0.14) 36% 30% 73%
Classe 2 (Volume) 13 1.28 (0.49) 15% 31% 38%
Classe 3 (Proximité) 80 0.14 (0.07) 26% 15% 66%
Non réponse 16 0.43 (0.19) 38% 6% 69%
Ensemble de
l’échantillon 153 0.36 (0.37) 29% 20% 66%
1. Ce ratio est calculé à partir de la question suivante: «Par rapport à vos collègues, pensez-vous
travailler mieux/aussi bien/ou moins bien?»
2. Ce ratio est calculé à partir de la question suivante: «Pensez-vous que vos prix sont très compétitifs/
dans la moyenne/ plus élevés?»
Tableau III: Composition des réseaux personnels des artisans
Informateurs Prescripteurs Apporteurs
d’affaires directs Ensemble
Artisans d’autres corps de métier 26% 16% 20% 21%
Artisans du même corps de métier 22% 10% 6% 15%
Clients particuliers 9% 27% 1% 14%
Maîtres d’œuvre, architectes 10% 8% 38% 13%
Fournisseurs 8% 11% 5% 8%
Proches (famille, amis, voisins…) 7% 9% 2% 7%
Autres relations 20% 19% 29% 21%
Total 100% 100% 100% 100%
N* 473 330 133 936
Catherine Comet
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*L’unité est le nombre de relations citées.
Lecture: Chaque colonne correspond à la répartition des contacts cités pour une ressource donnée:
l’information, la recommandation et l’apport d’affaires direct. Ainsi 26% des contacts cités comme
importants en matière d’information sur les marchés sont des artisans d’autres corps de métier.
Source: Enquête Stratégies
Tableau IV: Typologie des dispositifs professionnels et organisationnels
Type de dispositifs* Mode de contrôle Exemples
INCERTITUDE TECHNIQUE
Dispositifs
Profession-nels
Certificat Aucun: simple déclaration des spécialités
techniques de l’entreprise
CIP (Certificat d’Identité
Professionnelle), CIB (Carte
d’Identification du Bâtiment)
Appellation
Contrôle des capacités techniques de
l’entreprise par une OP dans un domaine
de spécialité (formation et/ou enquête de
satisfaction et/ou audit d’installations par
un organisme indépendant)
Qualisol (chauffe-eau solaires, systèmes
solaires combinés), Quali’Eau (sécurité
sanitaire des canalisations), PG
(Professionnels du Gaz)
Qualification
Contrôle sur dossier des capacités
techniques de l’entreprise par un
organisme indépendant (retrait de la
qualification en cas de réclamations de la
part de clients)
Qualibat (Qualification des entreprises
du bâtiment), Qualifelec (Qualification
des entreprises d’équipement électrique)
INCERTITUDE COMMERCIALE
Dispositifs
Profession-nels
Label Aucun: sensibilisation à la qualité
du service rendu au client (dossier et
formation) et engagement de l’artisan à
respecter une charte
AB5 (Artisans du Bâtiment: 5
engagements)
Certification
Contrôle de la conformité d’une
organisation à un référentiel ou une
norme par un organisme indépendant
(dossier et audit en général)
Certifications Qualibat et Qualifélec,
certification de services OCMS,
certifications ISO
Dispositifs
Organisa
-tionnels
Agrément
Contrôle par une société du respect d’un
cahier des charges (dossier et formation
en général et/ou enquête de satisfaction),
retrait en cas de réclamations
Aluminiers Technal, Toituriers de France
(industriels);
Leroy Merlin, Service Installation
Lapeyre(grandes surfaces de bricolage);
Texeurop, Inter Mutuelles Assistance
(sociétés d’assistance);
Alliance Electrique, Système Bien Etre
(EDF)
* Ne sont présentés dans ce tableau que les dispositifs qualifiant les entreprises. Sont notamment
omis les dispositifs qualifiant les produits comme par exemple le dispositif HQE (Haute Qualité
Environnementale).
Les dispositifs de confiance
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Tableau V: Importance du recours aux dispositifs personnels, professionnels ou organisationnels
par corps de métier
Dispositifs personnels Dispositifs
professionnels
Dispositifs
organisationnels
Part d’entreprises
réalisant plus de la
moitié de leur chiffre
d’affaires grâce au
bouche-à-oreille (1)
Part des entreprises
qualifiées Qualibat (ou
Qualifélec) (2)
Part des entreprises
adhérant à au
moins un dispositif
organisationnel (2)
Maçonnerie 80% 39% 2%
Charpente, menuiserie n.d. 27% 8%
Electricité 80% 49% 44%
Plomberie, couverture 61% 27% 14%
Peinture, revêtement 83% 21% 29%
Ensemble de l’échantillon 77% 30% 19%
1. Source: Enquête Stratégies
2. Source: Enquête Professions. Les corps de métier pour lesquels les effectifs sont inférieurs à 40 ne
sont pas présentés dans le tableau, mais sont intégrés dans le calcul pour l’ensemble de l’échantillon.
Tableau VI: Importance du recours aux dispositifs personnels, professionnels ou organisationnels selon
le positionnement stratégique des entreprises
Dispositifs
personnels Dispositifs professionnels Dispositifs
organisationnels
Part d’entreprises
réalisant plus de la
moitié de leur CA
grâce
au bouche-à-oreille
Part d’entreprises ayant
au moins un dispositif
professionnel*
Part d’entreprises
adhérant à au
moins un dispositif
organisationnel
Classe 1 (Qualité) 73% 61% 9%
Classe 2 (Volume) 77% 62% 15%
Classe 3 (Proximité) 76% 45% 5%
Ensemble de l’échantillon 74% 50% 7%
*La dépendance est significative: chi2=6.01; ddl=3; 1-p=89%.
Source: Enquête Stratégies
Catherine Comet
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Article
La confiance permet de transformer les engagements problématiques en engagements crédibles. Pour supprimer l'opacité qui domine l'économie de la qualité, pour neutraliser l'opportunisme qui menace l'économie conventionnelle, et qui, tous deux, interdisent la formation et la continuité de l'échange économique, deux ensembles de dispositifs sont respectivement à l'œuvre. Les dispositifs de jugement permettent de réduire l'ignorance ; ils sont fondés soit sur la confiance personnelle (le réseau) soit sur la confiance impersonnelle (classements, appellations, guides). Les dispositifs de promesse permettent de contrecarrer le risque d'opportunisme ; ils englobent la qualité des personnes, le réseau ou des ensembles normatifs comme la norme unilatérale des avocats, la norme coproduite du partenariat ou la norme technique. Ainsi, là où menacent l'opacité et l'opportunisme, là ou l'échange ne peut se soutenir de la seule convergence des intérêts, les dispositifs de confiance, cet univers de délégués personnels ou impersonnels, servent de points d'appui à la coordination de l'action.
Article
The problematic of how supply and demand meet on a particular market is at the core of the economic sociology project. For several years this problematic has generated detailed analyses of the ways in which judgments of product or service-provider quality are constructed before the exchange relation occurs. Through observation of how funeral services are purchased and analysis of competition dynamics on local funeral service markets, this article brings to light certain alternative ways of organizing the marketplace encounter in this business sector. It describes arrangements used to capture the market, such as socio-technical operations for channeling customers toward a single service provider. It shows the degree to which service-provider activity, relations among competitors, and the market regulation game in this sector are structured by moves to produce an economy based on client manipulation.
Article
The profitability of small construction businesses depends in part on their social capital ; a company's relations determine its opportunities for finding more or less advantageous job contracts. The link between profitability and social network is not easy to measure, however, because social capital implies constraints as well as advantages. How and under what conditions does a company's social network improve its profit margin ? Ronald Burl's structural holes theory predicts that an entrepreneur's performance will increase systematically with social network porosity. The article argues from a socio-technical, strategic analysis perspective that the return on social capital is conditioned by the nature of jobs and by interdependence. Comparison of companies with different technical specializations shows that loose business networks are more likely to profit relatively specialized companies working independently on construction sites while cohesive networks are beneficial for companies likely to be affected by socio-technical uncertainty.
Article
La profitabilite des petites entreprises du bâtiment depend en partie de leur capital social. Leurs relations determinent notamment les opportunites qu’elles rencontrent de conclure des marches plus ou moins avantageux. Cependant, le lien entre profitabilite et reseaux sociaux n’est pas simple a mesurer, car le capital social ne produit pas uniquement des avantages, il implique egalement des contraintes. Comment et sous quelles conditions les reseaux sociaux ameliorent-ils les marges beneficiaires de ces entreprises ? Alors que la theorie des trous structuraux de Ronald Burt predit que la performance des entrepreneurs augmente systematiquement avec la porosite de leur reseau, nous defendons l’idee, inspiree de la perspective sociotechnique et de l’analyse strategique, selon laquelle le rendement du capital social est conditionne par la nature des tâches et par les interdependances. L’approche consiste a comparer des entreprises de differents corps de metier. Il ressort principalement de cette comparaison que les reseaux d’affaires epars profitent aux entreprises relativement specialisees et autonomes sur les chantiers et que les reseaux cohesifs profitent aux entreprises les plus soumises aux incertitudes sociotechniques.
Article
This paper relates quality and uncertainty. The existence of goods of many grades poses interesting and important problems for the theory of markets. On the one hand, the interaction of quality differences and uncertainty may explain important institutions of the labor market. On the other hand, this paper presents a struggling attempt to give structure to the statement: “Business in under-developed countries is difficult”; in particular, a structure is given for determining the economic costs of dishonesty. Additional applications of the theory include comments on the structure of money markets, on the notion of “insurability,” on the liquidity of durables, and on brand-name goods.
Article
Why and to what extent do people make significant purchases from people with whom they have prior noncommercial relationships? Using data from the economic sociology module of the 1996 General Social Survey, we document high levels of within-network exchanges. We argue that transacting with social contacts is effective because it embeds commercial exchanges in a web of obligations and holds the seller's network hostage to appropriate role performance in the economic transaction. It follows that within-network exchanges will be more common in risky transactions that are unlikely to be repeated and in which uncertainty is high. The data support this view. Self-reports about major purchases are consistent with the expectation that exchange frequency reduces the extent of within-network exchanges. Responses to questions about preferences for in-group exchanges support the argument that uncertainty about product and performance quality leads people to prefer sellers with whom they have noncommercial ties. Moreover, people prefer to avoid selling to social contacts under the same conditions that lead buyers to seek such transactions; and people who transact with friends and relatives report greater satisfaction with the results than do people who transact with strangers, especially for risk-laden exchanges.