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Review
Reviewed Work(s):
Cultures et mondialisation. Gérer par-delà les frontières
by Philipped' Iribarne, Alain Henry, Jean-Pierre Segal, Sylvie Chevrier and Tatjana
Globokar
Review by: David Courpasson
Source:
Revue française de sociologie
, Jul. - Sep., 2000, Vol. 41, No. 3 (Jul. - Sep., 2000),
pp. 562-564
Published by: Sciences Po University Press on behalf of the Association Revue Française
de Sociologie
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/3322549
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Revue frangaise de sociologie
Nous devons souligner les qualit6s du
travail effectu6: la richesse d'observa-
tions de longue dur6e (une ann6e par cas,
66 ' 89 entretiens par site); une grande
rigueur d'analyse; la solidit6 des r6f6ren-
ces th6oriques. Les interpr6tations sont
toujours articul6es sur les observations
dans le cadre d'une d6marche inductive
qui explique les strat6gies d'acteurs en les
reliant au statut et aux fonctions des grou-
pes concern6s. Le dilemme de l'autonomie
et de la prescription, enjeu de ces organi-
sations 'a haut risque, apparait clairement.
L'interpr6tation reste toujours nuance :
l'autonomie des ex6cutants ne rime pas
n6cessairement avec l'impossibilit6 de les
contr1ler : elle ne suppose pas un recul de
la prescription. La prescription n'est pas
forc6ment ressentie comme contrainte ou
domination. Le rapport entre l'acteur et la
prescription n'est pas toujours conflic-
tuel: l'acteur peut 8tre impliqu6 dans la
modification de la prescription et retrouve
par 1la une autonomie au sein de l'organi-
sation (cas de North Anna). L'6cart 'a la
prescription peut 8tre lui-meme formalis6
et, en partie, organisationnellement cons-
truit. Ce type d'analyse est une faqon
d'6chapper aux interpr6tations ideologi-
ques courantes des dysfonctionnements
organisationnels. Elle r6duit 'a des strat6-
gies d6politis6es les rapports de pouvoir
dans les organisations.
Claude Durand
Iribarne (Philippe d') (dir.). - Cultures
et mondialisation. Gerer par-delti
les frontibres. Avec Alain Henry,
Jean-Pierre Segal, Sylvie Chevrier,
Tatjana Globokar.
Paris, Le Seuil, 1998, 358 p., 148 FF.
Le nouvel ouvrage de l'6quipe de
Philippe d'Iribarne s'inscrit tris explicite-
ment comme la suite de La logique de
l'honneur, paru en 1989. D'embl6e, la
forte dimension empirique du livre, qui se
presente en grande partie comme une riche
collection de monographies, laisse penser
que l'un de ses objectifs est de continuer a
justifier la pertinence d'une approche
culturelle de l'organisation et du manage-
ment, alors que l'ouvrage de 1989 avait
d6ji suscit6 de nombreux d6bats et contro-
verses, en grande partie inaboutis (1).
L'ouvrage est charpent6 comme une
d6monstration volontariste mais sobre de
la pertinence de l'approche culturelle. Les
neuf premiers chapitres sont principale-
ment constitues des restitutions brutes et
tres d6taill6es d'experiences de << gestion
multiculturelle>>, faisant poindre l'ex-
treme complexit6 des arrangements obli-
gatoires permettant 'a des organisations et
a des personnes diff6rentes non seulement
de cohabiter, mais de coop6rer. L'ouvrage
poursuit le projet de justifier empirique-
ment l'importance des dimensions cultu-
relles de l'action manag6riale, et de
montrer a quel point non seulement la
culture ne peut 8tre reduite 'a une anthro-
pologie simpliste du conditionnement
comportemental, mais qu'elle a au
contraire tout "a voir avec la question de
l'action. Il renvoie alors dos 'a dos les
sociologies purement actionnistes a la
Friedberg comme les tenants de l'approche
soci6tale, dont <<l'anticulturalisme pri-
maire >> ne permet pas selon Ph. d'Iribarne
de comprendre l'agencement diversifi6
des sens et des interpr6tations individuel-
les des regles que constitue une culture.
Le propos reste donc fort ambitieux,
meme s'il reveille une controverse dont les
arguments n'ont guere 6volue depuis dix
ans; il s'appuie, comme l'ouvrage de la
meme veine qui l'a prec6d6, sur des mono-
graphies fouill6es (dont on se demande
pourtant a nouveau en quoi elles produi-
sent une veritable demonstration), dont la
lecture souvent agr6able facilite l'intro-
duction de la probl6matique centrale de
1' ouvrage, qui apparait clairement au cha-
(1) Voir par exemple M. Maurice, F. Sellier
et J.-J. Silvestre, <<Analyse soci6tale et cultures
nationales. R6ponse 'a Philippe d'Iribarne >>, Re-
vue frangaise de sociologie, 1992, 33, 1, et l'ar-
ticle de P. d'Iribarne << Contre l'anti-culturalisme
primaire>>, Revue franqaise de gestion, 1992,
nov-d6c., pp. 132-137.
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Les livres
pitre 10: la culture doit &tre consid6r6e
comme un <<contexte d'interpr6tation>>
producteur d'une unit6 de sens. Cette d6-
finition exclut selon Philippe d'Iribarne
que la culture puisse se r6duire 'a des st6-
r6otypes ou 'a des modes de conditionne-
ment univoques. Au contraire, la culture
favorise la diversite, la richesse et la sub-
tilite des actions individuelles et collecti-
ves. Plus qu'un 6tat des regles et de
l'interpr6tation des regles, elle constitue
bien par ailleurs une heuristique qui peut
faciliter la compr6hension des mecanis-
mes de gestion. C'est en cela que l'auteur
parle de <<culture politique >>. Ref6rentiel
de sens, la culture 6chappe alors 'a l'id6e
de force magique contraignante; elle n'est
pas une puissance mais un contexte (2), et
perd de ce fait la faqade <<totalitaire>> qui
a provoqu6 tant de r6criminations. Telle
est en tout cas l'id6e maftresse du livre qui
le rapproche d'ailleurs 'a maints 6gards, y
compris dans le style g6neral de l'ouvrage,
de La logique de l'honneur: proximite
avec le terrain, une certaine humilit6 et une
volont6 sincere de comprendre finement la
contingence culturelle en organisation, en
6vitant a nouveau tout jugement et toute
comparaison sur des indices de sup6riorit6
culturelle dans telle ou telle entreprise ou
dans tel ou tel pays.
Ce livre ne manque donc pas des quali-
t6s d'un excellent compte rendu de recher-
ches meme si les chapitres sont assez
in6galement convaincants. Certains vont
assez loin dans l'analyse, d'autres restent
a la surface de ph6nomenes d6crits parfois
avec une naivete confondante pour qui
connait un tant soit peu les m6canismes
gestionnaires dans les entreprises contem-
poraines. Et c'est sans doute a cet endroit
que l'ouvrage est le plus fragile : il veut
parler de gestion et de management, mais
la gestion est en d6finitive cruellement ab-
sente du propos. Les auteurs 6voquent tres
peu souvent la question de la place des
instruments de gestion, des procedures
(2) Voir en effet C. Geertz, dont Ph. d'Iribarne
se sert abondamment pour justifier sa definition
de la culture, The interpretation of cultures, New
York, Basic Books Publishers.
dont ils d6battent pourtant avec leurs inter-
locuteurs. Toute la dimension << hard>> des
mecanismes gestionnaires disparait der-
riere les discours des acteurs et derriere de
nombreux encadr6s qui illustrent des pro-
cessus que finalement on ne discerne pas
assez nettement. L'6tude des interrelations
entre culture et gestion est certes cruciale,
et le projet de Ph. d'Iribarne et de ses
collaborateurs est utile de ce point de vue;
mais il perd son sens s'il ne traite pas en
soi les criteres, les indicateurs, les outils
concrets qui font les processus gestionnai-
res. Il y a la, plus qu'un probleme de m6-
thode, une d6faillance th6orique qui
conduit les auteurs 'a ignorer l'ordre ins-
trumental de l'organisation.
On pourrait dire la meme chose d'un
autre absent, ou d'un autre ordre invisible
dans l'ouvrage, celui de l'9conomique;
raisonner sur les modes de gestion et de
gouvernement des organisations 'a partir
d'un point de vue culturel ne suppose pas
de laisser de c6t6 la question des contrain-
tes 6conomiques qui sont encastrees dans
tous les actes et tous les gestes des mana-
gers, quel que soit le pays oui ils exercent
leur activite. Les questions des cofits, des
d6lais, de la concurrence, de l'obligation
de la qualit6, de la contrainte individuelle
de rdussite ne sont jamais 6voqu6es
comme constituant la trame de toute orga-
nisation, et peut-8tre d'ailleurs, en consti-
tuant le substrat culturel le plus universel
auquel on puisse penser. Le projet d'une
sociologie industrielle humaniste comme
celle que Ph. d'Iribarne veut 16gitimement
construire sera d'autant plus cr6dible qu'il
saura parler directement de la violence or-
ganisationnelle, sans passer trop syst6ma-
tiquement, et parfois artificiellement, par
un filtrage culturel qui, en l'occurrence,
sert plus le relativisme que l'humanisme.
On ne voit donc pas clairement quels
progres le projet de Ph. d'Iribarne a pu
faire depuis La logique de l'honneur.
L'ouvrage pr6sent est certes serein, con-
fiant, il 6gratigne 'a peine ses opposants
comme si finalement cela n'6tait pas n6-
cessaire. Mais il perd aussi en puissance
th6orique et ne peut pas satisfaire a l'heure
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Revue frangaise de sociologie
oii la sociologie a besoin de clairvoyance
autant sur les processus d'homog6ndisa-
tion, voire d'uniformisation des m6thodes
de management des firmes (3), que sur la
sacro-sainte analyse sociologique des di-
versitrs locales.
David Courpasson
icole de Management de Lyon
(3) Hypothese pourtant fortement presente
dans le courant neo-institutionnaliste oii Ph.
d'Iribarne cherche un bien improbable alli6
(p. 269 du present ouvrage), en particulier par un
amalgame fdcheux entre la notion ndo-institu-
tionnelle d'institution et la notion de culture.
Heinich (Nathalie). - L'dpreuve de la
grandeur. Prix littiraires et recon-
naissance.
Paris, La D6couverte (Armillaire), 1999,
298 p., 145 FF.
L'ouvrage de Nathalie Heinich s'ouvre
sur l'6vocation du t6moignage de l'6cri-
vain Jean Carribre, Le Prix d'un Goncourt
(1987), pour rdpondre a la question sous-
jacente ' son titre : quel est le prix ' payer,
pour le laureat d'un prix litteraire ? L'ob-
tention d'un prix litt6raire entraine deux
consequences immediates et brutales:
1'<< agrandissement de sa propre existence
aux yeux d'autrui >> et 1'<< alourdissement
de la pr6sence d'autrui dans sa propre vie >>
- qui se conjuguent parfois jusqu'a provo-
quer un <<sentiment d'6tranget6 a soi-
meme>>. Ce sentiment de d6personna-
lisation se nourrit de la confrontation de
l'crivain singulier avec des masses ano-
nymes, qui le connaissent mais avec les-
quelles il ne peut nouer de relations
personnalisees; de la perte de controle des
e6vnements - des le moment de l'attribu-
tion du prix ; de la conscience que ce n'est
pas sa personne propre mais le <<laureat
d'un prix litteraire >> qui suscite l'admira-
tion. Ce sont les diverses manieres d'exp6-
rimenter ce sentiment qui interessent
Nathalie Heinich, parce qu'elles nourris-
sent de maniere originale la r6flexion
sur les crises identitaires. Celles-ci sont
assocides, trop systimatiquement, <aux
6preuves d'indignit6 extreme, ou plus sim-
plement aux d6ceptions et aux 6checs qui
6maillent normalement toute existence >>,
alors que l'on peut traverser une crise << par
exces de dignit6 ou, si l'on pr6ffre, de
grandeur >> (p. 25).
Heinich a choisi de travailler par entre-
tiens, non qu'elle nourrisse l'illusion de
recueillir ainsi l'expirience v6cue par les
6crivains au moment de l'obtention du prix
mais parce que le r6cit de cette experience
lui parait significatif. L'6chantillon des
personnes interrog6es a 6t6 6labor6 de ma-
nitre a 8tre le plus contrast6 possible (du
point de vue de l'importance du prix, de la
notoridt6, de l'age, du sexe, de l'origine
sociale, de l'origine geographique, du de-
gr6 d'integration dans le milieu litt'raire,
de la trajectoire biographique et de l'im-
pact du prix). Les sept cas pr6sent6s sont
donc des cas ideaux-typiques, dont les
traits les plus saillants permettent de met-
tre au jour les caracteristiques fondamen-
tales de la situation 6tudide. Le choix de
pr6sentation de ces entretiens doit tre si-
gnal6 car il se distingue par sa singularit6 :
chaque entretien, en partie r66crit par la
sociologue mais soumis a l'accord de l'in-
terview6, est pr6sent6 sous forme d'un
texte, organis6 en paragraphes, introduits
par des titres qu'a inspires l'analyse the-
matique men6e sur l'entretien et qui figure
sous forme de marginalia en face des pas-
sages concernes.
Claude Simon a v6cu l'attribution du
Prix Nobel comme une v6ritable 6preuve,
a cause de l'agrandissement soudain de sa
notoridt6 et de la nouvelle intensit6 de sa
vie publique - qui eurent l'effet paradoxal
de l'6loigner de l'activit6 littrraire - meme
si les effets de cette 6preuve identitaire
furent attenues par le fait que, deji ag6, il
6tait prialablement tres connu par un
groupe de sp6cialistes et de lecteurs aver-
tis. Dans le cas de Jean Rouaud, la rupture
avec sa vie anterieure induite par le Prix
Goncourt que lui valut son premier livre
fut plus violente, puisque, tout en lui per-
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