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Annales de Bretagne et des
Pays de l’Ouest
Numéro 114-1 (2007)
114-1
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Nathalie LeLuel
Étude des Vies de saint Ursin de
Bourges: une première approche
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Référence électronique
Nathalie LeLuel, «Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche», Annales de Bretagne et
des Pays de l’Ouest [En ligne],114-1|2007, mis en ligne le 30 mars 2009. URL : http://abpo.revues.org/589
DOI : en cours d'attribution
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© Presses universitaires de Rennes
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 2
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
Nathalie LeLuel
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges:
une première approche
Pagination de l'édition papier : p. 7-32
1Au XIesiècle, l’Église de Bourges, à l’image de nombreux sièges épiscopaux contemporains,
chercha à remettre en valeur les premiers temps de sa christianisation2, tentant de prouver
le passé apostolique de celui que la tradition hagiographique considérait comme le premier
évêque de la ville, Ursin3. Grand évangélisateur de la cité berruyère, saint Ursin aurait
également favorisé la christianisation dans l’ensemble du Berry pour, à sa mort, laisser derrière
lui une Église pleinement constituée.
2La légende commence à vivre sous forme écrite à partir de la fin du VIe siècle dans deux
passages rédigés par l’évêque Grégoire de Tours et issus, pour l’un, de son œuvre majeure,
l’Historia Francorum4 (chapitreXXI), pour l’autre, du Liber in Gloria Confessorum5 (chapitre
LXXIX). Ces deux textes de Grégoire de Tours forment le premier fonds permettant de connaître
l’hagiographie du saint berrichon. La seconde source, plus tardive, est celle sur laquelle nous
concentrerons notre attention: elle est constituée du corpus de Vitae conservées d’Ursin. La
rédaction quasi simultanée des deux Vies du saint s’insère parfaitement dans le contexte du
mouvement historique de quête des origines apostoliques6.
3Les Vitae d’Ursin nous apprennent que le premier évêque de Bourges fut envoyé depuis
Rome pour évangéliser le Berry. Peu avant l’arrivée au but final de son voyage, il perd son
compagnon de route, Just. Chassé une première fois de Bourges, il regagne la ville et y
poursuit son œuvre d’évangélisation. Il établit sa première église dans les écuries du sénateur
des Gaules, Leocadius, mais, les foules affluant, celle-ci s’avère rapidement trop exiguë. Le
sénateur, sensible aux prières d’Ursin, finit par lui céder le palais qu’il possédait dans la ville,
où sont alors déposées les reliques du martyr Étienne, et se convertit au christianisme tout
comme l’un de ses fils, Ludre. Après 27 ans d’épiscopat, Ursin, prévenu qu’il est sur le point
d’être rappelé par le Seigneur, choisit son successeur, Sénécien, et meurt.
Un corpus diversifié
4Le corpus hagiographique de saint Ursin (Ursinus), d’après le recensement effectué par
les Bollandistes dans la Bibliotheca Hagiographica Latina7, se présente ainsi: deux Vitae
différentes ont été dénombrées (BHL 8412 et 8413). On possède également un récit de
revelatio (BHL 8411) qui n’est autre que le chapitre LXXIX du Liber in Gloria Confessorum
écrit par Grégoire de Tours et enfin trois epitomae, récits abrégés de la vie de l’évêque de
Bourges (BHL 8414, 8415 et 8415b).
5LaVita BHL 8412, qu’on désignera par la lettre A8, se compose de 9 leçons sans prologue. Elle
a été publiée deux fois au XIXesiècle, la première fois par le prêtre sulpicien, Étienne-Michel
Faillon, dans le deuxième volume des Monuments inédits sur l’apostolat de Sainte-Marie-
Madeleine, en Provence et sur les autres apôtres de cette contrée9 sous le titre d’Acta sancti
Ursini et la seconde par l’abbé C. Narbey10. Les deux auteurs ont puisé le texte latin dans un
manuscrit parisien conservé aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale de France sous la cote
ms. Lat. 13220, aux folios13 à19. Daté des Xe-XIesiècles11, le manuscrit est un lectionnaire
et antiphonaire du monastère Saint-Martial de Limoges, ayant appartenu au XVIIesiècle à
François de Harlay, archevêque de Rouen (1615-1652). Il fut ensuite légué par Achille IV
de Harlay en 1716 à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, avant de faire partie des collections
de la Bibliothèque Royale (ancienne cote Saint-Germ., Harlay, 369)12. Cependant la Vita A
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 3
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
d’Ursin n’est pas conservée dans ce seul codex. On la retrouve dans d’autres manuscrits plus
tardifs: un manuscrit berlinois daté du XIesiècle (Berlin, ms. 120, Phillips 1683, f° 82-85 v
°), ainsi qu’un manuscrit de la Bibliothèque municipale d’Orléans (ms. 334, f° 109-122)13.
Ayant appartenu à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, il est daté des XIe-XIIesiècles14. Deux
autres manuscrits présentant la Vita A ont été inventoriés postérieurement par les Bollandistes.
Ils sont conservés à la Bibliothèque municipale de Bourges. Il s’agit, pour le premier, du
manuscrit n°31, un lectionnaire de 216 folios de parchemin réalisé au XIIesiècle et provenant
de l’abbaye bénédictine de Chezal-Benoît dont les folios5 verso et 6 présentent la Vita A15.
Le second manuscrit (n°28), est aussi un lectionnaire de 352 folios achevé vers 1470; de
provenance identique, il a d’ailleurs été copié sur le premier, le manuscrit n°3116.
6La seconde Vita de saint Ursin (BHL 8413), qu’on désignera par la lettre B, possède un
prologue suivi de 9 leçons17. Elle a été publiée par les Bollandistes eux-mêmes dans les Acta
Sanctorum en 1925. Ils furent les premiers à éditer cette vie en son entier et à en proposer une
version s’appuyant sur quatre manuscrits recensés par leurs soins: un manuscrit londonien
daté du XIIesiècle (Londres, British Museum, Royal 13. B. XIII, f° 125-127), un manuscrit
d’Oxford du XIIesiècle (Oxford, Bodleian library, Fell 3, f° 77-81), un manuscrit qui appartient
à la bibliothèque du chapitre de Bayeux (ms. 55, f° 67-74) des XIIe- XIIIe siècles et enfin
un manuscrit parisien (Paris, BNF, ms. Lat. 14364, f° 147-150) daté du XIIIe siècle18. Ce
dernier manuscrit19 est celui dans lequel Philippe Labbe a puisé la vie de saint Ursin imprimée
dans l’ouvrage intitulé Novae Bibliothecae Manuscriptorum Librorum et publié en 1657 en
l’honneur de Nicolas Fouquet20. La Vita B de saint Ursin est également conservée dans un
manuscrit de la Bibliothèque municipale de Bourges, le manuscrit n°35. Il s’agit du 2e tome
d’un légendier latin en quatre volumes datant du début du XVesiècle. Ouvrage luxueux orné
de miniatures, il fut probablement réalisé pour le chapitre de la Sainte-Chapelle de Bourges,
édifice aujourd’hui disparu, commandé par le duc Jean de Berry (1340-1416)21. Le numéro35
se présente donc sous la forme d’un lectionnaire de 221 folios, les folios202 v° à 207 proposant
un texte qui correspond à une version abrégée de la Vita B d’Ursin.
7Naturellement, le nombre des manuscrits recensés par les Bollandistes pourrait être encore
accru par de nouvelles découvertes. Notre recherche sur le corpus hagiographique de saint
Ursin atteste néanmoins de l’existence d’autres manuscrits recèlant une vie du premier évêque
de Bourges sans qu’il soit précisé, dans les ouvrages ou articles qui les signalent, à quelle vie
correspond le texte qui y est conservé. Le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques
publiques de France fait ainsi mention d’un lectionnaire (n°348 [288]) du XVIe siècle,
conservé à la Bibliothèque municipale de Bourges, qui contient plusieurs vies d’évêques
du diocèse dont une de saint Ursin22. Malheureusement, il n’est pas indiqué à quelle Vita
celle-ci correspond et le manuscrit est aujourd’hui manquant à l’inventaire de la bibliothèque
berruyère23. D’une manière identique, dans la revue Analecta Bollandiana, P.Grosjean citait
en 1929 un manuscrit écossais (Edimbourg, Bibliothèque Nationale, NL, Codex 18.2.3.), daté
du XVesiècle, dans lequel le folio219 comprend une Vita d’Ursin placée dans un ensemble de
vies consacrées à des disciples du Christ et des apôtres24. Appelé «BHL Ursinus» sur la base
multimédia des Bollandistes, on ne possède aucun autre renseignement sur ce texte. Cependant
si cette Vita «écossaise» n’a pas été classée sous les numéros déjà existants de la BHL, on
peut imaginer que son texte est différent. On ne peut que regretter qu’il n’ait pas été publié.
8Par ailleurs, notons que, dans les manuscrits précédemment cités, le texte d’une des deux Vitae
est parfois compilé avec celui de la revelatio (BHL 8411), texte à l’origine indépendant25, écrit
par Grégoire de Tours à la fin du VIesiècle26. C’est le cas dans le manuscrit londonien conservé
au British Museum (Royal 13. B. XIII, f° 127 v°), mais aussi dans le codex berlinois (ms. 120,
Phillips 1683, f° 85 v°-87)27 et enfin dans le manuscrit de la Bibliothèque municipale d’Orléans
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 4
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(ms 334 [283]) aux folios 124-12828. Il est vrai que ce chapitre LXXIX du Liber in Gloria
Confessorum de Grégoire, placé à la fin de chacune des deux Vitae, convient parfaitement: il
apparaît comme la suite logique de celles-ci. En parlant de la redécouverte du corps d’Ursin
et en évoquant brièvement ses miracles post mortem, il prend le relais avec la scène de la mort
d’Ursin qui achève le texte des Vitae et semble, de cette manière, clore la narration29. Ainsi,
la vie d’Ursin se déroule très nettement en trois temps: la période de sa naissance et de sa vie
auprès du Christ et des apôtres, puis sa mission d’évangélisation à Bourges jusqu’à sa mort et
enfin, l’épisode de l’invention et de la translation de son tombeau30.
9En ce qui concerne les trois épitomés, le BHL 8414 apparaît dans l’appendice de la Légende
dorée (Legenda aurea) publiée en 1507 (chapitre 192) et en 1518 (chapitre 193)31. Il s’agit
d’un abrégé de la Vita BHL 8413 tout comme l’épitomé BHL 8415 publié en 1757 par
Philippe Labbe dans sa Nova Bibliotheca32. En outre, l’épitomé BHL 8415b est connu par
l’intermédiaire d’un manuscrit qui était conservé dans l’église du Saint-Sauveur à Utrecht,
maintenant devenue la Bibliothèque universitaire de la ville : le texte se présente sous la
forme d’une vie très courte d’Ursin, ne s’étendant que sur quelques lignes33. L’hagiographe,
s’éloignant, dans ce texte, des autres Vitae, s’emploie uniquement à rapporter qu’Ursin et le
disciple Nathanaël, frère de l’apôtre Philippe, n’étaient qu’une seule et même personne.
10 Une étude attentive de la Vita A et de la Vita B (BHL 8412 et BHL 8413) montre que le texte
de celles-ci est extrêmement proche à quelques détails près. En effet, elles nous apportent
des informations identiques sur la vie du premier évêque de Bourges. Si, dans le texte de la
Vita B, l’hagiographe commence son récit à la naissance d’Ursin, ajoutant dans le prologue
qu’avant son baptême, il était appelé Nathanaël34, et poursuit en narrant la vie du saint auprès
du Christ et des apôtres jusqu’à son départ pour Rome en compagnie de Pierre (leçons 1, 2 et
la moitié de la 3), les deux textes se rejoignent au moment où le premier évêque de Bourges est
envoyé en mission dans les Gaules. Un seul élément différencie les deux récits sur ce point:
la Vita B précise qu’Ursin aurait été envoyé par le pape Clément lui-même, tandis que le texte
de la Vita A indique seulement que le saint aurait reçu sa mission des saints apôtres35 sans
autre précision. Les événements qui suivent son arrivée dans le Berry, comme son exil hors
de la ville, sont très abrégés dans la Vita A en comparaison avec le texte de la Vita B. En
outre, le passage le plus développé par l’auteur de la Vita A est sans conteste celui du don
fait par Leocadius, sénateur des Gaules, dans un premier temps de ses écuries, et, dans un
second, de son palais. Toutefois, on observe qu’aucune phrase de la Vita A, à la différence
de la Vita B, ne dit qu’Ursin fut le compagnon d’Etienne dont il aurait recueilli le sang à sa
lapidation: l’hagiographe cite seulement les reliques du martyr lors de la dédicace des deux
églises consacrées au saint. Par ailleurs, dans cette dernière Vie, n’apparaît pas non plus un
long fragment présent dans la Vita B: il s’agit du sermon prononcé par Ursin à Leocadius
pour le convaincre de se convertir au christianisme (leçon 8), sermon juste mentionné dans
le premier récit. Un autre élément est absent de la Vita A: le prologue de quelques lignes
qui constitue le premier paragraphe de la Vita B. L’hagiographe, exposant sa méthode et se
défendant de toute compétence, loue la figure de saint Ursin. Pour terminer, les deux textes
s’achèvent d’une manière analogue: Leocadius offre toutes ses propriétés et tous ses biens
dans le Berry à l’Église de Bourges et à son premier représentant, Ursin. Identique est aussi
l’épisode de la mort du saint précédé de l’institution de son successeur, Sénécien.
11 Il est facile d’observer que les textes des deux Vitae sont en de nombreux points tout à fait
semblables, ce qui laisse supposer que l’un a servi de modèle à l’autre. Par exemple, les
précisions données au sujet de la mort du compagnon du saint, Just, sont identiques dans les
deux textes36. Certaines phrases citées dans chacune des Vies sont extraites des mêmes livres
bibliques: comme cette sentence issue de l’Evangile de Jean, « S’ils m’ont persécuté, ils
vous persécuteront aussi» (Jn 15, 20), placée dans la Vita B à la fin de la leçon 4 et présente
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 5
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de manière littérale dans la Vita A37. On finit par constater que la Vita B (BHL 8413) n’est
autre qu’une version plus étoffée du texte de la Vita A (BHL 8412): toutes les scènes sont
volontairement plus détaillées à commencer par le récit de la naissance d’Ursin. Il est très
vraisemblable que la Vita A ait pu servir de modèle pour l’hagiographe à l’origine de la Vita
B, qui n’aurait fait qu’appliquer la « méthode d’amplification », cherchant délibérément à
développer le récit38. Le sermon prononcé par Ursin à Leocadius en serait d’ailleurs un parfait
exemple. Ou peut-on imaginer que l’inverse se soit produit? La Vita A pourrait-elle être un
résumé de la Vita B? La tradition a eu néanmoins tendance à considérer la Vita A comme
la Vie la plus ancienne39.
12 En effet, le plus vieux manuscrit conservé de la Vita A est daté des Xe- XIesiècles, même si
les folios nous intéressant semblent appartenir au XIesiècle40. Les autres manuscrits possédant
cette Vie s’échelonnent ensuite entre le XIeet le XIIesiècle, avec une copie au XVesiècle. Quant à
la Vita B, on constate que la majorité des manuscrits transmettant ce texte sont du XIIesiècle, à
l’exception de l’un d’entre eux daté du XIIIesiècle ainsi qu’une copie datant du XVesiècle. Cette
brève synthèse chronologique permet de constater que le premier témoignage aujourd’hui
possédé de la Vita A est conservé dans un manuscrit plus ancien que celui de la Vita B. Mais
tirer des conclusions à partir de cette seule observation serait trop simple. Elle met aussi en
évidence le fait que l’ensemble des manuscrits conservant des Vitae d’Ursin sont postérieurs
au haut Moyen Âge. Seul le récit de la revelatio, inséré dans le chapitre LXXIX du Liber in
Gloria Confessorum de Grégoire de Tours, se rattache à cette période et est contemporain de
la redécouverte du corps41.
13 Dans ces circonstances, il est légitime de s’interroger sur l’origine textuelle des deux Vitae:
ont-elles été rédigées pour la première fois au Moyen Âge central ou s’appuient-elles sur une
version primitive qui aurait pu être composée avant le Xesiècle et dont on aurait perdu le
manuscrit original? Passons à présent à l’observation rapprochée des deux textes qui doit nous
aider dans cette tentative de datation.
Forme hagiographique des Vitae
14 Les paragraphes précédents nous ont permis de formuler quelques remarques sur le corpus
hagiographique de saint Ursin. Les différences séparant les deux Vitae ont été énoncées pour
mieux mettre en évidence la grande similitude qui existe entre les deux textes, tant du point
de vue du contenu que de celui de la forme42. En s’appuyant sur cette proximité textuelle, les
observations faites dans ce chapitre sont donc valides pour chacune des Vies. Témoignage de
l’hagiographie médiévale, chaque Vita est construite selon des procédés stylistiques récurrents
utilisés par les auteurs de l’époque, procédés qu’on tente ici de déceler. Le but est égale ment
de pointer du doigt les clichés hagiographiques les plus caractéristiques ressortant des écrits
sur le saint.
15 À la lecture des deux textes construits tous deux selon un plan chronologique43, on constate
le très grand nombre de citations ou de paraphrases de la Bible utilisées par les hagiographes,
plus particulièrement encore dans la Vita B du fait de sa longueur. On les repère d’ailleurs
aisément dans le texte publié par les Bollandistes. La majorité de ces phrases est tirée du
Nouveau Testament : des Evangiles (la plupart de ceux de Matthieu et de Jean, moins de
Luc et de Marc), des Actes des apôtres, des épîtres (épître aux Romains, première épître aux
Corinthiens, première épître à Timothée, épître à Tite). Quelques citations sont aussi extraites
de l’Ancien Testament, surtout du Livre des Psaumes, mais également du Livre de la Genèse,
dans le sermon fait à Leocadius, et enfin du Libre de Job (uniquement dans la Vita B). Une telle
organisation du texte, qui s’appuie sur des références bibliques pour donner de l’autorité au
récit, est un procédé hagiographique typique qu’on retrouve dans les trois épitomés mais aussi
dans la plupart des Vitae de saints44. Ce recours «direct et formel» à la Bible, et ceci de manière
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 6
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abondante, est caractéristique des biographies hagiographiques «écrites très longtemps après
la mort du saint» et pour lesquelles existe un «manque d’informations concrètes» conduisant
inévitablement à l’accroissement du nombre des topoï littéraires45. Par ailleurs, le discours
prononcé par Ursin devant Leocadius est un parfait exemple de ce type de «sermons presque
entièrement faits de morceaux» bibliques destinés à «inculquer [aux] lecteurs et auditeurs
l’amour de l’Ecriture sainte et de son étude dévouée46».
16 C’est ainsi que de nombreux clichés hagiographiques apparaissent dans les deux Vitae.
Ils ne sont pas uniquement propres à l’hagiographie de saint Ursin mais à l’ensemble du
genre littéraire. Un autre exemple en est le début du texte de la Vita B, cliché des origines
apostoliques47, l’hagiographe ayant choisi de faire naître Ursin à l’époque du Christ et de
lui faire côtoyer les apôtres48. Le prologue rédigé par celui-ci est également tout à fait
caractéristique de cette littérature légendaire : l’auteur y conserve l’anonymat et utilise
le motif classique de la modestie affectée, de l’humilité pour introduire son texte49. Il y
affiche également très clairement ses intentions et la méthode employée pour parvenir à une
composition honorable, encourageant le peuple à suivre le modèle du saint évêque.
17 Attardons-nous également sur le cas de la mission des Sept évêques50 envoyés de Rome en
Gaule51 et évoquée dans les deux Vitae. Dans la B, Ursin est placé en tête des noms énoncés
pour cette mission, qui n’est donc plus composée de sept évêques mais de huit. Dans la Vita
A, la position d’Ursin au sein de la mission est moins affirmée. Elle se rapproche davantage de
la place donnée au saint dans le chapitre XXXI de l’Historia Francorum de Grégoire de Tours.
Historia Francorum52
XXX –«En ce temps sept hommes, qui avaient été ordonnés évêques, furent envoyés pour prêcher
dans les Gaules […]: chez les Tourangeaux Gatien évêque, chez les Arlésiens Trophime évêque, à
Narbonne Paul évêque, à Toulouse Saturnin évêque, chez les Parisiens Denis évêque, en Auvergne
Austre-moine évêque; chez les Limousins, Martial fut désigné comme évêque. […]»
XXXI–«Un de leurs disciples, s’étant rendu dans la cité de Bourges annonça aux habitants celui
qui donne le salut à tous, le Christ Seigneur.»
Vita A53
«Le très saint Ursin […] avait été envoyé, par les saints apôtres depuis la ville de Rome, répandre
la semence de l’Evangile dans les Gaules, avec le très précieux sang du protomartyr du Christ
Etienne, et les compagnons qui furent saint Denis de Paris, saint Saturnin de Toulouse, saint
Trophime d’Arles, saint Paul de Narbonne…, saint Austremoine d’Auvergne et saint Gatien
évêque.»
Vita B54
«Le bienheureux Clément, ayant reçu la charge de l’Église et soucieux d’appliquer ce que Pierre
lui avait recommandé pour que la foi catholique soit divulguée et propagée un peu partout par une
fidèle prédication, choisit des prédicateurs habiles à parler et constants dans la foi de toute l’Eglise,
les très saints Ursin, Denys l’Aréopagite […], Martial, Saturnin, Trophime, Paul, Austremoine
et Gatien.»
18 Cette image d’une mission d’évangélisation commandée par les apôtres eux-mêmes n’est pas
propre à l’hagiographie de la Gallia. On la retrouve par exemple dans l’hagiographie de la
Péninsule ibérique où il est également raconté que sept disciples de saint Jacques, choisis à
Rome par saint Pierre, auraient été envoyés en Péninsule ibérique porter l’Evangile55. Grégoire
et ensuite les hagiographes du Moyen Âge central ont simplement été les vecteurs d’une
légende, d’origine probablement orale, qui s’est diffusée dès le haut Moyen Âge.
19 En avançant dans l’histoire d’Ursin, un autre motif hagiographique apparaît lorsque le
compagnon du saint, du nom de Just, meurt en route après avoir franchi les frontières du Berry
à peu de distance de la ville de Bourges. Ursin est alors en proie au désespoir et au doute ne
sachant s’il doit continuer sa mission. Suivant un schéma classique, on retrouve le même type
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 7
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
d’épisode dans nombre de légendes de saints56: c’est le cas dans les Vies de saint Martial (BHL
5551-5552) mais, à la différence d’Ursin, l’évêque de Limoges ressuscite son disciple saint
Austriclinien57 tout comme saint Front (BHL 3182) avec son compagnon Georges. Ce dernier,
au bout de trois jours de voyage qui le menait en Gaule au côté de l’évêque de Périgueux, meurt
mais Front, après être retourné vers Pierre plein de tristesse, le ressuscite «par la vertu du
bâton pastoral» qui lui avait été confié par le premier des apôtres58. La scène est pratiquement
identique à celle des Vies de saint Martial.
20 La manière dont se déroule l’évangélisation de Bourges par Ursin appartient également aux
modèles hagiographiques utilisés par les clercs de l’époque. Le saint entre dans la ville et
commence à prêcher, viennent à lui tout d’abord les plus pauvres puis les puissants. Mais les
Gentils, prenant peur, chassent le saint qui, après une phase de doute, revient encore davantage
confiant dans la nécessité de sa mission et convertit de grandes foules. Cette organisation
correspond au schéma d’évangélisation de nombreux saints, en particulier l’épisode de l’exil
qui est très souvent raconté et qui, à la base et dans cette volonté d’imitation, est calqué sur
la vie du Christ59. La puissance divine est encore une fois soulignée lors de la conversion de
Leocadius, sénateur des Gaules, par Ursin. L’hagiographe insiste particulièrement sur le fait
que le sénateur était païen mais pieux en actes. Leocadius joue un rôle bien précis au sein de
la légende d’Ursin: il est censé illustrer, d’un côté, la conversion d’un haut fonctionnaire du
pouvoir romain et, de l’autre, la supériorité de la religion chrétienne sur la religion païenne
grâce à l’action de son serviteur Ursin. De cette manière, on fait de Leocadius un exemple
de conversion au christianisme et d’obéissance. Du reste, le fait que Leocadius soit mêlé à la
christianisation de Bourges est caractéristique de l’influence qu’eut le milieu aristocratique
gaulois d’origine romaine sur les débuts du christianisme en Gaule et dont Grégoire de Tours
est le digne héritier60.
21 Les miracles accomplis par Ursin, aussi brièvement évoqués soient-ils dans les Vitae, sont
des topoï de l’hagiographie: ils sont copiés sur ceux qu’accomplit le Christ dans le Nouveau
Testament, ultime référence en matière légendaire. En effet, Ursin rend la vue aux aveugles
mais il guérit aussi les paralytiques et les boiteux61.
22 L’épisode de la mort de saint Ursin est, encore une fois, construit selon un plan très précis
propre à l’hagiographie. C’est Dieu lui-même pour récompenser le saint de sa peine qui lui
fait ressentir par une douleur corporelle, souvent une fièvre comme ici d’ailleurs, que sa
fin est proche62. Il s’agit donc d’une mort pressentie plus qu’annoncée. Sentant ses forces
l’abandonner, le saint prépare alors son départ en réunissant la communauté des fidèles63 et
en instituant un successeur, étapes que suit à la lettre Ursin. Donner la date du trépas du saint
est aussi un lieu commun hagiographique64: dans le cas d’Ursin, il s’agit du 4 des calendes
de janvier. Ce passage dans l’au-delà n’est pas montré comme un moment douloureux mais
comme un instant où la sérénité et la joie sont de mise65, «il migra par un décès heureux dans la
patrie d’Abraham» dans la Vita A66 ou encore «il fut transporté, un chœur d’anges chantant,
dans la joie du Paradis» dans la Vita B67, état qui contraste avec les pleurs des fidèles. On
remarque du reste que la mort n’est évoquée que par l’intermédiaire de périphrases qui ont
pour fonction de dédramatiser cet événement qui effrayait tant l’homme médiéval68.
23 Enfin, Ursin n’est pas le seul à être devenu un des soixante-douze disciples du Christ au point
que l’auteur de la Vita B et celui du texte BHL 8415b l’a très intentionnellement confondu
avec le Nathanaël de l’Evangile69: c’est aussi le cas de saint Front de Périgueux (BHL 3182)70
ou encore de saint Denis de Paris (BHL 2171) identifié avec Denys l’Aéropagite. Tous les
trois, d’après leur légende, furent envoyés en Gaule par saint Pierre ou saint Clément pour
évangéliser le territoire, tradition toujours dans la droite veine de la thèse apostoliciste.
24 À ce stade de l’étude, interrogeons-nous sur les sources à l’origine des Vitae A et B d’Ursin.
Où les hagiographes ont-ils été puisé? On constate très facilement que rien de ce que narre
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 8
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
Grégoire de Tours dans le chapitre XXXI de son Historia Francorum n’est absent des deux
Vitae d’Ursin à l’exception du fait que Leocadius était un descendant du martyr lyonnais
Vettius Epagathus. L’opinion, très largement admise aujourd’hui, est que ce chapitre serait
une des sources utilisées par les hagiographes d’Ursin71. Le texte de la Vita A ne serait qu'«une
amplification maladroite […] d’un récit plus simple et véridique72»; on peut supposer qu’il
s’agit de celui de Grégoire de Tours. Notons que ces remarques s’appliquent tout autant à la
Vita B. Dans l’épitomé BHL 8415b, c’est encore, et ici sans la moindre objection possible,
à l’évêque tourangeau que l’hagiographe, ayant confondu Nathanaël et Ursin, a emprunté la
fin de son passage. Cependant, cette fois, ce n’est pas à l’Historia Francorum que le texte fait
référence mais au chapitre LXXIX du Liber in Gloria Confessorum.
25 Se dressant contre cette opinion des origines apostoliques de l’Église de France réapparue au
XIXesiècle, l’abbé Casimir Chevalier fut le premier à déplacer vers le Moyen Âge central la
datation des vies d’Ursin après avoir remarqué que l’hagiographe de la Vita B avait imité un
passage de la légende de saint Martial composée à la fin du Xesiècle ou au début du XIesiècle73.
Toute la partie qui fait d’Ursin un contemporain du Christ et des apôtres, le faisant assister à
la Cène, au lavement des pieds, à la Passion du Seigneur, à sa Résurrection, à l’Ascension et à
la Pentecôte jusqu’à suivre saint Pierre à Rome, utilise un schéma identique à la Vita de saint
Martial, attribuée au Pseudo-Aurélien (BHL 5552)74. La similitude entre les deux Vitae de
l’épisode de la résurrection du compagnon de voyage ajoute encore à cette ressemblance entre
les deux textes75. Quant au chanoine de Laugardière, il faisait à son tour remarquer les liens
avec la Vita tertia de saint Austremoine (848)76: en effet, est attribué un même début de carrière
au saint d’Auvergne qu’à Martial et Ursin, témoignages encore une fois de la rhétorique
hagiographique propre au cliché des origines apostoliques. Par ailleurs, selon H. Delehaye
commentant la Vita B d’Ursin, en plus de s’être servi des livres bibliques et d’avoir utilisé très
librement l’Historia Francorum de Grégoire, l’hagiographe aurait aussi puisé dans les annales
liturgiques de la ville de Bourges77. Un même chemin fut sans doute suivi par l’auteur de la
Vita A. La présence d’un disciple du nom de Just est ajoutée, l’hagiographe de la Vita A ou
celui de la Vita B s’appuyant sur la dévotion qu’un village voisin de Bourges avait pour le
saint. Aurait également été inventé l’épisode d’un premier sanctuaire établi dans les écuries du
sénateur Leocadius. On aurait introduit, dans le récit, la présence d’un fils aîné de Leocadius,
Caremuselus, et le don perpétuel fait par le sénateur des Gaules, après son baptême, à l’Église
de Bourges de l’ensemble de ses domaines berrichons78. En plus de cela, l’auteur de la Vita
B aurait imaginé qu’Ursin avait lui-même apporté les reliques de saint Etienne à Bourges79.
Malheureusement, on ne peut, encore une fois, que constater que les hagiographes se sont
bien gardés de préciser ou de faire allusion aux sources qu’ils ont utilisées au cours de leur
rédaction. Même l’auteur de la Vita B, dans son prologue, n’évoque pas la matière dont il
aurait pu se servir pour la composition de son œuvre80. Il est du moins certain que ceux-ci ont
trouvé chez Grégoire quelques clés de départ à l’extension du récit qui, probablement, n’est
que pure imagination81.
26 Au terme de cette discussion autour de la forme des Vitae d’Ursin, on mesure à quel point
il est difficile d’évaluer la valeur historique des informations transmises par la légende du
saint. La tradition orale a du néanmoins beaucoup contribuer à la rédaction de ces deux Vies82.
En 1925, le Bollandiste, H.Delehaye, prônait qu’on ne pouvait faire confiance qu’aux seules
indications tirées du chapitre de l’Historia Francorum de Grégoire: toute anecdote ou tout
renseignement supplémentaires devaient être considérés de façon très critique, ce qui nous
semble l’attitude la plus raisonnable à adopter envers ces textes83.
27 Enchaînant les lieux communs, les deux Vitae d’Ursin, mais encore plus la Vita B, sont de
véritables combinaisons de citations bibliques ayant pour but, parallèlement à la transmission
de la légende d’un saint, de présenter des modèles de vertu et de sainteté au peuple chrétien.
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 9
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
Rédigées au cours du Moyen Âge central, elles demeurent, comme de nombreuses Vitae et
autres pièces hagiographiques, des textes orphelins de leurs auteurs. À ce stade de la recherche,
essayons de concevoir ce qui est à l’origine de leur rédaction.
Hypothèses sur la rédaction
28 À la suite de l’ensemble des observations faites sur le texte des Vitae, intéressons nous
maintenant de plus près à ceux qui ont rédigé ces morceaux d’hagiographie et aux raisons qui
ont motivé leur travail. Cette dernière partie de l’étude consacrée aux hypothèses de rédaction
nous donnera également l’occasion de mener une réflexion sur la datation des textes.
29 On ne connaît le nom d’aucun des hagiographes à l’origine des Vitae A ou B de saint Ursin, ni
du reste des épitomés. On ignore également où ces textes hagiographiques furent écrits, si c’est
à Bourges même, ailleurs dans le Berry ou dans un autre lieu. Enfin, la date de la rédaction
des deux plus importantes Vitae du saint demeure aussi inconnue même si, comme on l’a vu
plus haut, les manuscrits conservés constituent en quelque sorte des limites chronologiques
larges sur lesquelles on peut s’appuyer tout en restant prudent.
30 Essayons d’envisager la période à laquelle la première Vita, qu’il s’agisse de la version A ou de
la B, de saint Ursin aurait pu être composée. Parmi les légendes sur les débuts du christianisme
en Aquitaine, mais extérieures à Bourges, Ursin est désigné comme un disciple de saint
Austremoine (BHL 845 et 848)84 et de saint Martial85. Ceci met ainsi en évidence les rivalités
qui existaient dès le haut Moyen Âge entre les églises les plus importantes de cette grande
région historique, chacune cherchant déjà à démontrer son antériorité sur la voisine86. Ainsi les
hagiographes de saint Austremoine racontent qu’Ursin serait venu de Rome dans le cortège
de l’apôtre d’Auvergne87, et ce n’est qu’ensuite, aidé du saint clermontois, qu’il aurait fondé
l’Église de Bourges88. En effet, par ce moyen, les Auvergnats faisaient de l’Église de Bourges,
dont les prétentions de primatie sur le Centre et même l’ensemble du Sud de la France étaient
fortes, une église secondaire au regard de celle de Clermont. On comprend d’ailleurs que le
clergé berruyer ait peu affectionné ces versions légendaires, l’archevêque de Bourges étant
le métropolitain de celui de Clermont89. Néanmoins, la rivalité avec l’Église de Limoges, elle
aussi sous l’autorité de la métropole berruyère, fut encore davantage poussée. En 1031, Aimon
de Bourbon (1030-1070), archevêque de Bourges, convoquait deux conciles provinciaux dans
le contexte de la Paix de Dieu: le premier dans sa cité épiscopale le 1ernovembre et le second à
Limoges, quelque trois semaines plus tard, le 18novembre. Ce deuxième concile aurait permis
d’asseoir, devant l’ensemble des évêques d’Aquitaine, l’apostolicité, revendiquée par le clergé
local, du premier évêque de Limoges, saint Martial90. L’archevêque de Bourges y aurait déclaré
que seul Martial était digne de porter le titre d’apôtre, que lui seul pouvait être nommé comme
l’un des 72 disciples du Christ et donc, par déduction, que saint Ursin n’appartenait pas à ceux-
ci. Afin d’imposer l’apostolicité du saint limougeaud, il aurait également rédigé et envoyé, à la
suite du premier concile, un édit destiné aux évêques aquitains. Cependant, plusieurs études,
réalisées au cours du XXesiècle, ont montré qu’une partie des actes des conciles de Bourges
et de Limoges91, ainsi que l’édit d’Aimon sont des faux92 inventés par le célèbre moine de
l’abbaye limougeaude, Adémar de Chabannes, défenseur acharné de la cause de l’apostolicité
de Martial93. Cette manipulation, autant historique que politique, entraîna probablement le
siège épiscopal de Bourges, « compte-tenu de ses revendications provinciales, voire supra-
provinciales, […] à entrer dans la course94» à l’apostolicité. Certains auteurs, comme Louis
Réau, ont d’ailleurs émis une hypothèse très intéressante selon laquelle les textes ayant permis
l’assimilation d’Ursin à Nathanaël, un des 72 disciples du Christ, «n’[auraient eu] pour but
que d’“aligner” l’Église de Bourges sur les cathédrales des diocèses voisins auxquelles elle ne
voulait pas être inférieure en ancienneté et de mettre saint Ursin sur le même plan que saint
Martial de Limoges95».
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 10
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
31 Après ces mises au point, deux hypothèses s’offrent à nous quant à la date de rédaction
des Vitae. On envisage aisément qu’en réaction au concile de 1031, l’Église de Bourges, se
refusant à abandonner toute primatie à l’Église de Limoges96, ait commandé la rédaction d’une
légende dans laquelle Ursin aurait été au moins l’égal de saint Martial. La première hypothèse
consiste donc à penser que la Vita initiale de saint Ursin aurait pu être rédigée peu après 1031,
ou tout au moins avant la fin du XIesiècle. Il est alors fort possible qu’on en ait très rapidement
fait une version amplifiée, la Vita B, comme les constatations mentionnées plus haut sur la
forme et le fond du texte nous permettent de le supposer97.
32 Cependant, s’appuyant sur des arguments majoritairement historiques, une seconde hypothèse
se dégage de l’ensemble de cette étude : celle d’une rédaction de laVita B en réaction
immédiate au concile de Limoges, réécriture réalisée à partir de la Vita A, qui, elle, aurait
préexisté à la date de 103198. en effet, à la différence de la Vita A, Ursin est présenté dans la
Vita B non pas comme l’un des 72 disciples du Christ mais comme le premier de ceux-ci99.
Du reste, l’hagiographe de la Vita B, en faisant d’Ursin le Nathanaël de l’Évangile, indication
qui n’apparaît pas dans la Vita A, reléguait incontestablement saint Austremoine à l’arrière-
plan et permettait au premier évêque de Bourges d’égaler la figure de Martial, dont la Vita
prolixior (BHL 5552) en faisait le jeune cousin de Simon-Pierre et le fidèle compagnon de
Jésus100. À la suite du concile de Limoges, le clergé berruyer considéra probablement que la
Vita A était trop courte et commanda la rédaction d’une version plus longue et plus étoffée
de la légende d’Ursin qui aurait davantage d’autorité. Même si l’hagiographe de la Vita B
ne précise à aucun moment dans le prologue qu’il s’apprête à réécrire la vie de saint Ursin,
il est difficile d’imaginer, dans l’hypothèse où la Vita A serait un résumé de la B, qu’on ait
supprimé l’ensemble des éléments qui donnait un peu de gloire au premier évêque de Bourges.
Ce dernier argument continue de nous convaincre que la Vita A précède la Vita B: la Vita B
est donc une réécriture amplifiée de la Vita A, au sens que lui donne l’historienne, Monique
Goullet101. Enfin, il n’est pas nécessaire de revenir sur le fait que le début de la Vita B est
identique à celui de la Légende aurélienne de saint Martial mais notons tout de même que, la
Vie du saint limougeaud ayant été écrite entre 994 et 1028102, la rédaction de la Vita sancti
Ursini B lui est postérieure103.
33 Par ailleurs, l’observation des folios13 à19 du plus ancien manuscrit conservant la Vita A
(BNF, ms. Lat. 13220) apporte encore un nouvel élément en faveur de la seconde hypothèse. À
un moment donné au cours des siècles, on a curieusement rayé, au folio13 recto, le nom d’un
des Sept évêques de la mission qui, après déduction, ne peut-être que celui de saint Martial de
Limoges104. Compte-tenu de ce qu’on vient d’énoncer, il est frappant que ce soit justement le
nom de l’évêque de Limoges qui ait été effacé, rature qui a sans doute été faite après 1029, date
à laquelle les moines de Saint-Martial de Limoges «avancèrent que leur saint patron n’avait
pas été un simple confesseur […] mais bien plus: un véritable apôtre105». Vraisemblablement,
ce sont les moines de Saint-Martial de Limoges eux-mêmes, à qui appartenait le manuscrit,
qui grattèrent le nom de leur saint patron106. Il y a donc deux solutions à cette énigme: soit
le libelle correspondant aux folios13 à19 du manuscrit Lat. 13220, dont on se souvient qu’il
s’agit d’un recueil factice, n’a pas été rédigé à Saint-Martial de Limoges et donc, lors de son
arrivée dans l’abbaye, à une date inconnue mais après 1029, il a été corrigé; soit le libelle
provient de Saint-Martial de Limoges et a été composé avant 1029 puis corrigé par la suite,
en quel cas la Vita A est antérieure à cette date. Étant donné l’importance du scriptorium de
l’abbaye limougeaude, cette deuxième solution renforce notre conviction d’une rédaction de
la Vita A d’Ursin en amont du concile de Limoges.
34 Des deux hypothèses envisagées, la seconde, qui place la rédaction de laVita A avant les années
1930 du XIesiècle et celle de la Vita B à la suite du concile limougeaud, paraît à ce stade la plus
convaincante, même si elle ne répond pas à toutes nos interrogations. En outre, si on persiste
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 11
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
dans cette direction, l’absence pratiquement totale d’attention portée aux miracles du saint,
constatée dans les deux Vitae, pourrait être un autre argument en faveur d’une datation vers
le Xesiècle de la Vita A. Les deux Vitae appartiendrait à ce courant hagiographique issu du
haut Moyen Âge «réticen(t) vis-à-vis du «merveilleux» et du «miraculeux»», attitude la
plus répandue au Xesiècle, selon Giulia Barone107.
35 L’étude des deux vies de saint Ursin, au-delà de l’analyse hagiographique, permet donc de
vérifier encore une fois l’importance historique qu’eut cette quête des origines apostoliques
dans laquelle se lancèrent les grandes provinces ecclésiastiques. À ce propos, I. Van’t Spijker
faisait remarquer plus récemment que «[s]i les informations manquaient, par exemple dans
les listes épiscopales, alors étaient créées de toutes pièces des Vies de saints totalement
légendaires, dans lesquelles était mise en scène la continuité avec l’Église chrétienne
primitive ou même apostolique. Ainsi l’Église locale recevait-elle une place à l’intérieur de la
communauté universelle des croyants108…». Ce commentaire semble parfaitement s’accorder
avec le but qu’eut la rédaction d’une Vie d’Ursin dont il est difficile de douter que le
commanditaire ne fut pas l’archiépiscopat berruyer109, à moins que la restauration du chapitre
Saint-Ursin en 1012 ait quelque rapport avec ce projet légendaire110.
36 L’hagiographie en Aquitaine traversa pendant le IXesiècle, période des invasions normandes,
une période de stagnation pour connaître un regain de vitalité aux Xe-XIe siècles111. La
renaissance au XIesiècle de l’église Saint-Ursin transformée en collégiale, après un laps de
temps pendant lequel sa présence disparaît de toute documentation, a très facilement pu
encourager la rédaction d’une hagiographie sur le saint. Par une telle rédaction, on peut
supposer qu’on ait voulu donner un nouvel essor au culte du saint dont les reliques, pendant
cette période troublée, avaient été emmenées loin de Bourges112. Le chapitre de l’église y voyait
également peut-être un moyen de s’affirmer dans le présent et d’encourager le pèlerinage
vers la collégiale, véritable source de revenu pour l’établissement religieux, tout en renouant
avec le passé prestigieux du sanctuaire113. Pierre-André Sigal faisait remarquer à son tour que
«dans bien des cas, la coïncidence chronologique entre une tentative de réorganisation et de
restauration et la confection d’une Vita […] est frappante114». Selon lui, il n’y a aucun doute sur
le fait qu’un des objectifs d’une telle entreprise hagiographique était «d’ordre économique»:
la notoriété d’un saint et encore plus la célébrité de son tombeau devenait un attrait indéniable
aux yeux des pèlerins. Quant à l’épitomé BHL 8415b, sa composition dut intervenir encore
un peu plus tard, peut-être au cours du XIIesiècle, puisque son auteur, à la différence des Vitae
A et B, utilise le récit de la redécouverte du corps d’Ursin au VIesiècle de Grégoire. Sans
doute eut-elle pour dessein de rappeler encore une fois l’origine apostolique du fondateur de
l’Église de Bourges?
37 Néanmoins, bien que nous ayons situé plus précisément la période de rédaction des Vitae
d’Ursin, restent inconnus le lieu où elles furent composées ainsi que leurs auteurs. Il n’existe
malheureusement que peu d’études sur la question de l’hagiographie à Bourges au Moyen
Âge115. Remarquons que dans le prologue de la Vita B, l’hagiographe ne nous donne aucune
indication sur sa propre personne, gardant, selon la tradition, volontairement l’anonymat116, ni
sur le destinataire de l’œuvre ou encore sur les sources utilisées lors de la construction de la
Vie. L’étude de la forme des textes a montré à quel point nos hagiographes étaient imprégnés
des livres saints au point de ne plus citer, dans certains passages du texte, de manière littérale
la Bible mais de mémoire. Cependant ces Vies furent-elles composées au sein d’un monastère
ou au cœur d’un chapitre cathédral? La rédaction eut-elle lieu à Bourges ou à l’extérieur de la
cité berruyère? Serait-ce un clerc du chapitre cathédral de Bourges ou du chapitre de l’église
Saint-Ursin qui aurait pu rédiger une telle vie ou un moine d’un des monastères de la ville?
38 Dans son étude, Joseph-Claude Poulin constate qu’aucune cellule religieuse en Aquitaine ne
s’était spécialisée dans la production hagiographique, laissant ainsi entrevoir une géographie
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 12
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
dispersée du genre littéraire117. Il atteste cependant d’une production à Bourges118. Notons
que deux saints évêques de Bourges, saint Austrégésile (597-624) et saint Sulpice le
Bon (624-647), ont également bénéficié d’une hagiographie abondante dès la période
mérovingienne. Les deux Vitae les plus anciennes des deux évêques, la Vita Austrigisili
epicopi Biturigi (BHL 839) et la Vita sancti Sulpitii (BHL 7927-7928), seraient pratiquement
contemporaines de leur épiscopat, datées du VIIe siècle, reprises plus tard au IXe siècle
(respectivement BHL 841 et BHL 7930)119. Seule la première Vita de saint Austrégésile (BHL
839), d’après Joseph-Claude Poulin, serait l’œuvre d’un auteur étranger à l’Aquitaine120. Il n’y
aurait donc aucune objection à ce que les Vitae d’Ursin aient été écrites dans la région mais
on ne peut cependant pas affirmer que cela fut à Bourges121.
39 Rédigées dans une volonté d’édification du saint, les Vitae du premier évêque de Bourges,
comme on l’a déjà esquissé, apportent moins sur sa personnalité, dont d’ailleurs on devait
connaître peu de chose, que sur l’idéal de sainteté en lui-même122. En effet, on peut
supposer que la première Vita d’Ursin fut composée aussi tardivement à cause du manque de
connaissances sur l’épiscopat du fameux évêque. C’est sans doute la raison pour laquelle les
hagiographes d’Ursin empruntèrent des passages à d’autres vies de saints et, dans le cas de la
Vita B, un schéma de composition très proche de la Vita prolixior de saint Martial (BHL 5552).
Comme l’écrivait très justement Jean Leclercq en 1963, «les Vies de saints sont, pour une
grande part, l’illustration, au moyen d’exemples pratiques, des leçons que tout chrétien doit
puiser dans la Bible123». En effet, chaque épisode de la vie de saint Ursin est l’occasion d’un
parallèle avec la vie du Christ elle-même124. Ainsi l’hagiographe se sert de l’Écriture Sainte
pour donner à son texte un crédit incontestable: la Bible est en quelque sorte le garant des
faits qu’il énonce mais la Vita est, à son tour, un commentaire biblique adressé aux fidèles125.
40 On peut aussi se demander quelle était la destination de ces Vitae: étaient-elles réservées à la
lecture lors d’exercices conventuels (repas) ou lors de l’office, ou avaient-elles encore pour
but la prédication aux fidèles126? On peut du moins être certain qu’un des principaux buts de
rédaction de ces deux textes hagiographiques était la célébration liturgique de la fête de saint
Ursin, chacune des vies étant découpée en 9 leçons127.
41 Au terme de cette étude, ressortent plusieurs facteurs qui semblent avoir été à l’origine de
la rédaction de la majorité du corpus hagiographique dédié au premier évêque de Bourges,
Ursin, à l’exception de l’œuvre de Grégoire de Tours. La quête de l’archiépiscopat berruyer
pour prouver l’origine apostolique du siège, de manière similaire à de nombreux clergés
contemporains, est indubitablement le premier de ces facteurs, quête qui s’est faite dans
un but de prestige, mais également dans l’espoir de s’affirmer face, essentiellement, aux
prétentions limougeaudes. Deuxième facteur déterminant dans la création d’un tel ensemble
hagiographique, la fondation du chapitre Saint-Ursin, en 1012, a vraisemblablement aussi
motivé la constitution d’une légende. Rédigée vers la fin du Xesiècle ou le début du XIesiècle,
l’hagiographie connaissait une nouvelle floraison, la Vita A de saint Ursin aurait très vite
semblé trop insuffisante et, les événements se précipitant autour de la métropole berruyère,
une Vita B, plus longue, amplifiée, aurait vu le jour, peu après 1031.
Notes de fin numériques
1 Cet article est tiré, en grande partie, du premier chapitre du mémoire de Maîtrise d’Histoire du Moyen
Âge, réalisé en 2000-2001, sous la direction de Bernard Merdrignac à l’Université Rennes 2 et ayant
pour titre : La légende de fondation de l’église Saint-Ursin de Bourges: histoire et hagiographie. Je
tiens à exprimer toute ma gratitude à mon directeur de recherche pour avoir dirigé ce travail de maîtrise
et accepté de relire cet article à son terme. Que soient aussi remerciés ici Corinna Bottiglieri et Silvia
Toniato pour leur aide amicale.
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 13
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
2 DEVÀILLY,Guy (dir.), Le Diocèse de Bourges, (Histoire des diocèses de France), Paris, 1973, p.7: «On
pensait en effet aux XIIe et XIIIesiècles que l’antériorité d’un siège épiscopal donnait à son titulaire une
sorte de prééminence sur les évêques voisins. Bourges qui réclamait non seulement la direction d’une
province ecclésiastique mais la primatie sur l’ensemble de l’Aquitaine et parfois même sur toute la moitié
méridionale de la France se devait de revendiquer une très haute antiquité. C’est l’époque où on prétendit
identifier le premier évêque de Bourges saint Ursin à un disciple du Christ mentionné dans l’Évangile,
Nathanaël». La réflexion menée ici par Guy Devailly, même s’il évoque seulement les XIIe-XIIIe siècles,
s’applique, à l’aune des recherches actuelles, dès le XIesiècle.
3 En 1689, date de la première parution de l’ouvrage de Gaspard Thaumas de la Thaumassière, l’historien
moderne écrivait: «Tous les auteurs conviennent que saint Ursin est l’Apôtre de Bourges, le premier de
nos prélats, celuy qui aprez avoir banni les Prêtres des Idoles, ôté leurs Sacrifices, ruiné leurs Temples,
extirpé l’Idolâtrie, y sema par ses prédictions la Doctrine de l’Évangile, y arbora l’Étendart de la Croix et
établit le christianisme…»: THAUMAS DE LA THAUMASSIÈRE, Gaspard, Histoire de Berry et du diocèse
de Bourges, vol. 2, Bourges, 1865, p.132.
4 « Gregorii episcopi Turonensis Historiarum Liber I», dansMonumenta Germaniae Historica, éd.
KRUSCH, Bernard, Scriptorum rerum merovingicarum, Tomus I Pars I, Fasc. I, Gregorii episcopi
Turonensis Historiarum LibriX,Hanovre, 1885, p.22-24.
5 «Gregorii episcopi Turonensis Liber in Gloria Confessorum», dans Monumenta Germaniae Historica,
éd. Krusch, Bernard, Scriptorum rerum merovingicarum, Tomus I Pars II, Gregorii episcopi Turonensis
Miracula et opera minora, Hanovre, 1885, p.346-348.
6 L’abbé VILLEPELET écrivait, en 1931, à propos des Acta sancti Ursini : « Ils s’apparentent à cet
ensemble de légendes écrites à une époque tardive, dans l’intention de faire remonter aux temps
apostoliques les origines de telle ou telle église des Gaules » (Nos saints berrichons, Bourges, 1931,
p.192).
7 Bibliotheca Hagiographica Latina Antiquae et Mediae Aetatis, vol. 2 (K-Z), Bruxelles, 1900-1901,
p.1216. L’épitomé BHL 8415b n’est référencé qu’à partir de la Bibliotheca Hagiographica Latina
antiquae et mediae aetatis, Novum supplementum, Bruxelles, 1986, p.847. Voir également le site en ligne
de la Bibliotheca Hagiographica Latina Manuscripta (index analytique des catalogues de manuscrits
hagiographiques latins publiés par les Bollandistes :http://bhlms.fltr.ucl.ac.be/presentation.cfm).
8 Nous reprenons la désignation déjà en cours dans les Acta Santorum concernant les deux vies de saint
Ursin: DELEHAYE, Hyppolite, PEETERS, Paul, (éd.), Acta Santorum, Novembris, Tomus IV, Bruxelles,
1925, p.101-115.
9 FAILLON, Étienne-Michel, Monuments inédits sur l’apostolat de Sainte-Marie-Madeleine, en Provence
et sur les autres apôtres de cette contrée, vol. 2, Paris, 1848, col. 423-428. L’ouvrage appartient à
ce courant de pensée, ayant fleuri au XIXe siècle, qui soutenait la thèse d’une origine apostolique du
diocèse de Bourges, thèse sans doute remise à l’honneur par un auteur comme Lenain de Tillemont
(Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, tomeIV, 3e partie, Bruxelles,
1706, p.1046-1047) au début du XVIIIesiècle et reprise ensuite dans le Bréviaire de Bourges de 1734
(Pars autumn., aux 9 et 11novembre). E. M. Faillon prônait en effet qu’Ursin se serait rendu à Bourges
au IERsiècle envoyé par saint Pierre.
10 NARBEY, Abbé C., Supplément aux Acta Sanctorum pour des Vies de Saints de l’Époque
Mérovingienne, tomeI, contenant des documents nouveaux ou peu connus sur toutes les églises des
Gaules (50), qui se glorifient de remonter aux temps apostoliques ou quasi apostoliques, Paris, 1899.
11 Il y a eu un important débat entre les auteurs à propos de ce manuscrit: les uns affirmant qu’il
datait du Xesiècle (E. M. FAILLON, H.DELEHAYE), les autres du XIesiècle (L. DUCHESNE, C. CHEVALIER).
Léopold Delisle ne tranche pas et attribue le manuscrit aux Xe-XIe siècles: DELISLE, Léopold, Inventaire
des manuscrits latins, conservés à la Bibliothèque Nationale sous les numéros 8823-18613, vol. 1, Paris,
1863-1871, p.94.
12 DELISLE, Léopold, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t.II, Paris, 1874, p.101
et 495 ; Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo xviqui asservantur
in Bibliotheca nationali Parisiensi, tomus III, Bruxelles/Paris, 1893, p. 183 ; SAMARAN, Charles et
MARICHAL, Robert, Catalogue des manuscrits en écriture latine, portant des indications de date, de lieu
ou de copiste, t.III, Paris, 1974, p.319.
13 Recensement effectué par les Bollandistes et en particulier ici par le Père H.Delehaye: DELEHAYE,
Hyppolite, «De sancto Ursino, primo biturigensi episcopo», dans DELEHAYE, Hyppolite, PEETERS, Paul,
(éd.), op. cit., p.102.
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 14
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
14 Ce manuscrit est également mentionné dans l’étude de VAN DER STRAETEN, Joseph, Les manuscrits
hagiographiques d’Orléans, Tours et Angers avec plusieurs textes inédits, Bruxelles, 1982, p.62-63.
15 VAN DER STRAETEN, Joseph, «Manuscrits hagiographiques de Bourges», dans Analecta Bollandiana,
LXXXV, 1967, p.75-112 et plus spécialement p.89.
16 Ibidem, p.77, 85-86: La Vita d’Ursin occupe les folios11-12 verso dans le manuscrit n°28.
17 Bien que le découpage en leçons nous donne, aussi bien pour la Vita A que pour la Vita B, un total de
9, on s’aperçoit au premier coup d’œil de la longueur considérable des paragraphes de la B par rapport
à ceux de la A.
18 À la consultation des folios, il apparaît que les trois derniers paragraphes qui constituent la fin de la Vie
de saint Ursin publiée par les Bollandistes manquent. Sur ce manuscrit, DELISLE, Léopold, Inventaire…
op. cit., vol. 1, Paris, 1863-1871, p.8 et9.
19 DELEHAYE, Hyppolite, «De sancto Ursino, primo biturigensi episcopo», dans op. cit., p.102. On
pourra également se référer pour ce manuscrit au Catalogus codicum hagio-graphicorum. , op. cit.,
p.228-233.
20 Cette Vie est également tronquée des trois paragraphes finaux de l’édition bollandiste et présente
quelques variantes textuelles: LABBE, Philippe, Novae Bibliothecae Manuscriptorum Librorum, Tomus
secundus, Rerum Aquitanicarum praesertim Bituricensium uberrima collectio, Paris, 1657, p.455-459.
21 VAN DER STRAETEN, Joseph, «Manuscrits hagiographiques de Bourges», dans op. cit., p.77, 79-84.
22 Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, tomeIV,
Paris, 1886, p.81.
23 Je remercie ici Mme Marie-Jeanne BOISTARD, conservatrice de la Bibliothèque des Quatre-Piliers,
bibliothèque municipale de Bourges, pour m’avoir fourni cette information.
24 GROSJEAN, Paul, « Catalogus codicum Hagiographicorum latinorum bibliothecarum
edinburgensium», dans Analecta Bollandiana, XLVII, 1929, I et II, p.31-38.
25 AIGRAIN, René, L’Hagiographie, ses sources, ses méthodes, son histoire, Paris, 1953, p. 186
sqq. : René Aigrain faisait remarquer que « les récits de translations ou d’inventions des reliques
figur(aient) parfois en conclusion des Vies de saints, mais constitu[aient] fréquemment des compositions
indépendantes».
26 BEAUJARD Brigitte, Le culte des martyrs en Gaule d’Hilaire de Poitiers à la fin du VIesiècle, tome
1, Thèse de doctorat d’Etat sous la direction de Luce PIETRI, Paris, Université de Paris IV, 1993, p.414,
note 427: Le Livre à la Gloire des Confesseurs aurait définitivement été achevé entre 587 et 591.
27 DELEHAYE H., «De sancto Ursino, primo biturigensi episcopo», dans op. cit., p.102.
28 VAN DER STRAETEN, Joseph, op. cit., p.62-63.
29 On pourra consulter au sujet de cette idée l’article de LAUWERS, Michel, «La mort et le corps des
saints. La scène de la mort dans les Vitae du haut Moyen Âge», dans Le Moyen Âge, XCIV (5e série. t.2),
1988, n°1, p.21-50, particulièrement p.22.
30 Le Père Hippolyte DELEHAYE rappelle dans ses Légendes hagiographiques (Bruxelles, 1927, p.92)
que c’est la construction classique d’une Vie de saint.
31 Bibliotheca Hagiographica Latina…, op. cit., p.1216.
32 LABBE, Philippe, op. cit., p.459-460.
33 Deux manuscrits possédant l’épitomé ont été recensés par les Bollandistes (DELEHAYE, Hippolyte,
«De sancto Ursino…», dans DELEHAYE, Hippolyte, PEETERS, Paul [éd.], op. cit., p.103). Le premier est
conservé à la Bibliothèque royale de Belgique (cod. Bruxellensis, 8936-8938, f° 112-116) et le second,
copié sur le codex bruxellois, à la bibliothèque universitaire d’Utrecht.
34 «Hic enim Nathanahel esse dicitur de quo ipsa Veritas sanctitatis testimonium perhi-bens dixit:
"Ecce vere Israhelita in quo dolus non est". Verum postea baptizatus ab apos-tolis Ursinus est appellatus
sicut de Paulo apostolo legitur, qui ante conversionem Saulus dicebatur, et postquam adeptus vere fidei
professionem fuit, Paulus est vocatus.» (BHL 8413): Acta Santorum, Novembris, Tomus IV, p.109.
35 « …qui a sanctis apostolis ab urbeRoma […], Evangeliisemina sparsurus Galliis direc-tus
fuisset…» (BHL 8412): FAILLON, Etienne-Michel, op. cit., col. 423.
36 « Hic namque Justus cum beato Ursino, ad urbem Biturigam properans, orientali in urbis
plaga, miliario ab urbe nono, super alveum Utrionem feliciter mligravit ad Christum.» (BHL
8412):FÀILLON,Étienne-Michel, op. cit.,col. 423; «Qui etiam miliario ab urbe non in orientali plaga
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 15
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
super Utrionis alveum ultimum claudens diem feliciter migravit ad Christum.» (BHL 8413) : Acta
Santorum, Novembris, Tomus IV, p.110.
37 «Si me persecuti sunt et vos persequentur»(BHL 8412 et 8413): respectivement, FAILLON, Étienne-
Michel, op. cit.,col. 423 et:Acta Santorum, Novembris, Tomus IV, p.111.
38 DELEHAYE,Hyppolite, Les Légendes…, op. cit., p.92. Voir également un ensemble de publications
récentes ayant pour thème central d’étude la question de la réécriture des vies de saints :
GOULLET, Monique et HEINZELMANN, Martin, (dir.), La réécriture hagiographique dans l’Occident
médiéval, Transformations formelles et idéologiques, Ostfildern, 2003; Le riscritture agiografiche, V
Convegno Internazionale della SISMEL, Firenze, Certosa del Galluzzo, 22-23 mars 2002, (publié dans
Hagiographica, X, 2003, p.107- 297); GOULLET, Monique, Écriture et réécriture hagiographiques. Essai
sur les réécritures de Vies de saints dans l’Occident latin médiéval (VIIIe-XIIIesiècle), (Hagiologia, 4),
Turnhout, 2005.
39 DELEHAYE, Hyppolite, «De sancto Ursino, primo biturigensi episcopo», dans op. cit., p.102.
40 Il s’agit d’un recueil composite (BNF, ms. lat. 13220) dont la datation est extrêmement difficile.
Après consultation des folios 13 à19 conservant la Vita A de saint Ursin, il semblerait que ceux-ci
puissent être datés du XIesiècle. Seuls les folios 52 à 59 contenant les Sermones in natale s. Martialis,
reconnus comme étant de la main d’Adémar de Chabannes (989-1034), sont datés entre 1029 et 1034:
SAMARAN, Charles et MARICHAL, Robert, op. cit., p.319. Un grand remerciement à Mme Marie-Françoise
DAMONGEOT, conservateur en chef au département des manuscrits de la BNF, pour m’avoir permis de
consulter le manuscrit.
41 La redécouverte du corps de saint Ursin daterait, si on s’appuie sur le chapitre LXXIX du Liber in
Gloria Confessorum de Grégoire de Tours, du milieu du VIesiècle: cf. LE LUEL, Nathalie, La légende de
fondation de l’église Saint-Ursin de Bourges…, op. cit., p.79-90.
42 On constate d’ailleurs qu’elles, toutes deux, appartiennent au type biographique des vies de saint (cf.
GOULLET, Monique, op. cit., p.212).
43 Sur cette question, SIGAL, Pierre-André, «Le travail des hagiographes aux XIeet XIIesiècles: sources
d’information et méthodes de rédaction», dansFrancia,vol. 15, 1987, p.149-182 et plus spécialement
p.177 sqq.
44 Jean LECLERCQ, dans son article intitulé «L’écriture sainte dans l’hagiographie monastique du haut
Moyen Âge », paru en 1963 (LaBibbia nell’alto medioevo, Settimane di Studio del Centro italiano
di Studi sull’alto Medioevo, 26 aprile-2 maggio 1962,Spolète, 1963, p. 103-128), constate que, dans
la littérature légendaire, les livres «qui sont cités le plus abondamment sont le Psautier et les quatre
Évangiles» (p.107). on pourra se référer sur ce point également aux travaux de Marc VAN UYTFANGHE,
«Le culte des saints et l’hagiographie face à l’écriture: les avatars d’une relation ambiguë», dansSanti
e Demoni nell’alto medioevo occidentale (secoli V-XI), Settimane di Studio del Centro italiano di Studi
sull’alto Medioevo, 7-13 aprile 1988,Spolète, 1989, p.155-202.
45 VAN UYTFANGHE, Marc, « Modèles bibliques dans l’hagiographie », dans RICHÉ, Pierre et
LOBRICHON,Guy (dir.), Le Moyen Âge et la Bible, Paris, 1984, p. 449-488 et plus particulièrement p.454;
id., «Le remploi dans l’hagiographie: une «loi du genre» qui étouffe l’originalité?», dansIdeologie
e pratiche del reimpiego nell’alto medioevo, Settimane di studio del centro italiano di studi sull’alto
medioevo, XLVI,16-21 aprile 1998, vol. 1, Spolète, 1999, p.359-411 et surtout p.391. Voir aussi à ce
sujet, même si l’objet de l’étude précède notre propos: id., Stylisation biblique et condition humaine
dans l’hagiographie mérovingienne, 600-750, Bruxelles, 1987, notamment p.60.
46 VAN UYTFANGHE, Marc, « Modèles bibliques dans l’hagiographie », dans RICHÉ, Pierre et
LOBRICHON,Guy (dir.), op. cit., p.464.
47 Sur ce point, voir HOUTIN, Albert, La controverse de l’apostolicité des églises de France, Paris,
1903 (3e éd.); DUCHESNE, Louis, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, Tome 2: L'Aquitaine et les
Lyonnaises, Paris, 1910 (2e éd.). Plus récemment, voir à ce sujet La mémoire des origines dans les
institutions médiévales, Actes de la table ronde organisée à l’Ecole française de Rome en juin 2002, dans
Mélanges de l’EFR, tome 115, 2003, 1, p.132- 267.
48 DELEHAYE, Hyppolite, Les légendes…, op. cit., p.52-53.
49 Ibidem, p. 63. Voir également l’article plus récent de Pierre-André SIGAL, « Le travail des
hagiographes aux XIe et XIIesiècles…», dans op. cit., p.151, 156 et171.
50 Gatien (Tours), Trophime (Arles), Paul (Narbonne), Saturnin (Toulouse) et Denis (Paris).
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 16
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
51 À ce sujet, se référer à LEVILLAIN, Léon, «Saint Trophime et la mission des sept en Gaule», dans
RHEF, XIII, 1927, p.145-189 et, pour un bilan plus récent sur la question, consulter BEAUJARD, Brigitte,
op. cit., p.389 sqq.
52 «30. Huius tempore septem viri episcopi ordenati ad praedicandum in Galliis missi sunt […] :
Turonicis Catianus episcopus, Arelatensibus Trophimus episcopus, Arvernis Stremonius episcopus,
Lemovicinis Martialis est distinatus episcopus. […] 31. De horum vero discipulis quidam Bituricas
cvitatem adgressus, salutare omnium, Christum dominum populis nuntiavit. »: « Gregorii episcopi
Turonensis Historiarum Liber I», dans op. cit., p.22-24. Traduction de Robert LÂTOUCHE: cf. Grégoire
de TOURS, Histoire des Francs, tome 1, Paris, 1963, Livre I, p.54-57.
53 «Sanctissimus […] Ursinus, qui a sanctis apostolis ab urbe Roma, cum pretiosissimo protomartyris
Christi Stephani sanguine, comitibusque qui sunt sanctus Dionysius Parisiaciensis, sanctus Saturninus
Tholonensis, Trophimus Arelatensis, Paulus Narbonensis, […], Austremonius Arvernensis, et sanctus
Vatianus episcopus, Evangelii semina sparsurus Galiis directus fuisset…» (BHL 8412):FAILLON E. M.,
op. cit.,col. 423.
54 « Suscepta igitur beatus Clemens ecclesie cura, sollicitus eorum que sibi a Petro fuerant
commendata, ut fides catholica per orbis esset elimata predicatione fidelium propalata, pre-
dicatores disertos et constantes in fide ex tota assumpsit ecclesia beatissimum Ursinum, Dionisium
Atheniensem […], Martialem, Saturninum, Trophimum, Paulum, Austremonium, ac Gatianum et eorum
discipulos…» (BHL 8413):Acta Santorum, Novembris, Tomus IV, p.110.
55 KURTH,Geoffroy, «Les traditions du VIesiècle sur l’apostolicité de saint Denis de Paris», dans Kurth
G., Etudes Franques, t.2, Paris/Bruxelles, 1919, p.302: l’historien les nomme Torquatus à Guadix,
Eufrasius à Andujar, Ctesifon à Berja, Indalecius à Almeria, Secundus à Abula, Caecilius à Grenade et
Hesychius à Cazorla; voir aussi LEVILLAIN, Léon, «Saint Trophime et la mission des sept en Gaule»,
dans op. cit., p.167 et LAUGARDIÈRE, Maurice de, L’Église de Bourges avant Charlemagne, Paris, 1951,
p.16, note 3.
56 VEILLAT,Just, «Légende de saint Ursin, patron du Berry, de saint Léocade et de saint Ludre», dans
Comptes-rendus des travaux de la société du Berry à Paris, vol. IX, 1862, p. 128-168, plus spécialement
p.139, note 1. Voir également DUCHESNE, Louis, op. cit., p.108-109.
57 Saint Martial avait deux compagnons, saint Alpinien et saint Austriclinien.
58 COENS, Maurice, « La vie ancienne de saint Front», dans Analecta Bollandiana., XLVIII, 1930,
p.324-360, spécialement p.324 et328: Georges serait ensuite resté dans le Velay, épuisé, et y aurait
fondé l’Église du Puy.
59 VAN UYTFANGHE, Marc, (« Modèles bibliques dans l’hagiographie », dans RICHE, Pierre et
LOBRICHON, Guy, (dir.), op. cit., p.464) observe que le saint ne réplique pas à ces «humiliations et [ . ]
souffrances forcées».
60 BEAUJARD, Brigitte, op. cit., tome 1, p.169. Voir également à ce propos, même si cela concerne
davantage la christianisation dans le Nord-Est de la Gaule : WERNER, Karl-Ferdinand, « Le rôle de
l’aristocratie dans la christianisation du Nord-Est de la Gaule», dans La christianisation des pays entre
Loire et Rhin (IVe-VIe siècles), Actes du colloque de Nanterre, RHEF, LXII, n°168, janvier-juin 1976,
p.45-73 ainsi que HEINZELMANN, Martin, «L’aristocratie et les évêchés entre Loire et Rhin jusqu’à la
fin du VIIesiècle», dans La christianisation des pays entre Loire et Rhin.., op. cit., p.75-90.
61 DELEHAYE, Hyppolite, Les Légendes…, op. cit., p.92.
62 LAUWERS, Michel, «La mort et le corps des saints…», dans op. cit., p.23, 27 et42; concernant les
différents schèmes composant classiquement une vie de saint, notamment celle de la «prescience de la
mort», on se référera à GOULLET, Monique, op. cit., p.213. 18
63 LAUWERS, Michel, «La mort et le corps des saints…», dans op. cit., p.24-25.
64 Ibidem, p.30 et36.
65 Ibid., p.26.
66 «…Abrahae patriam felici migravit excessu.» (BHL 8412)
67 «.. angelorum psallentibus choris translatus est ad gaudia paradis…» (BHL 8413)
68 LAUWERS, Michel, «La mort et le corps des saints…», dans op. cit., p.29 et32-33: Michel LAUWERS
écrit que «cette vision pacifiée de la mort témoigne de la transformation de la sainteté : à l’époque
mérovingienne, le modèle des saints évêques et des saints abbés se substitue à celui des martyrs et des
confesseurs. Plutôt que le martyre qui ne correspond plus guère aux possibilités de sanctification du
moment, la représentation du saint mort dans la paix devient un exemple.»
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 17
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
69 Nathanaël est un disciple du Christ mentionné dans l’Evangile de Jean, (Jean, I,4351 et XXI, 2).
L’évangéliste nous apprend que Nathanaël aurait été présenté par Philippe à Jésus après qu’il l’a vu
sous le figuier. Il aurait également assisté à l’apparition du Christ sur les bords du lac de Tibériade en
compagnie de Simon-Pierre, Thomas, des fils de zébédée ainsi que de deux autres disciples.
70 COENS, Maurice, «La «scriptura de sancto Fronto Nova» attribuée au chorévêque Gauzbert», dans
Analecta Bollandiana, LXXV, 1957, 3 et 4, p.340-356 et surtout p.341.
71 CHEVALIER, Abbé C., « Les origines de l’Église de Tours », dans Mémoires de la Société
archéologique de Touraine, tome XXI, 1871, p.69-634, mais particulièrement p.139-143 et 474-480;
KURTH, Geoffroy, «De l’autorité de Grégoire de Tours», dans op. cit., p.139; DELEHAYE, Hyppolite,
«De sancto Ursino, primo biturigensi episcopo», dans op. cit., p.102.
72 CHEVALIER, Abbé C., «Les origines de l’Église de Tours», dans op. cit., p.139.
73 Ibidem, p. 144, note 1, et 476-478. Il existe plusieurs légendes de Martial dont la première date
du IXesiècle mais ici c’est précisément à la Vita de la fin Xesiècle/début XIe siècle (BHL 5552),
attribuée à Aurélien, compagnon du saint, que l’hagiographe de la Vita B d’Ursin a emprunté des
éléments. Pour Pierre Bonnassié (BONNASSIE, Pierre, SIGAL Pierre-André, IOGNA-PRAT Dominique, «La
Gallia du Sud, 930-1130», dans PHILIPPART, Guy (dir.), Hagiographies, Histoire internationale de la
littérature hagiographiques latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, vol. 1, Turnhout,
1994, p. 289-344, et plus particulièrement p.297), la Vita aurait été écrite entre 994 et 1028, date de
la consécration de la nouvelle basilique Saint-Martial. Seule différence avec Ursin, Martial aurait été le
propre neveu de saint Pierre.
74 On pourra consulter DUCHESNE, Louis, op. cit., p.111. Sur la question de la filiation entre certaines
vies de saint, on pourra se référer à l’article de Baudouin de GAIFFIER, «Les thèmes hagiographiques; est-
il possible d’établir pour chacun d’eux une filiation?», dans Revue d’Histoire ecclésiastique, LXXVII,
1982, p.78-81.
75 POULIN, Joseph-Claude, L’idéal de sainteté dans l’Aquitaine carolingienne d’après les sources
hagiographiques (750-950), Québec, 1975, p. 61: l’auteur ajoute que le thème du « compagnon de
route» ressuscité par le bâton de saint Pierre est «un thème peut-être introduit en Gaule par le biographe
de saint Front», thème qui fut «abondamment diffusé à partir de la seconde moitié du Xesiècle par la
légende aurélienne».
76 LAUGARDIÈRE, Maurice de, op. cit., p.18 et21: précisons également que le chanoine reconnaissait
dans la légende d’Ursin «un arrangement des récits de Grégoire». Il faisait référence ici à la troisième
vie de saint Austremoine rédigée comme les autres dans l’abbaye de Mozat: celle-ci daterait du début
XIesiècle.
77 DELEHAYE, Hyppolite, «De sancto Ursino, primo biturigensi episcopo», dans op. cit., p.102.
78 Voir à ce sujet, LAUGARDIÈRE, Maurice de, op. cit., p.22-24.
79 Sur cette question de l’invention hagiographique, voir GOULLET, Monique, op. cit., p.214: «Quand
l’hagiographe ne sait rien de la biographie d’un saint, il invente en puisant dans le fonds commun des
«bonnes actions» et des miracles de toutes sortes: il «invente», c’est-à-dire qu’il «entre dans» (in-
venit) quelque chose qui existait déjà, en se gardant surtout d’innover et de créer quelque suspense que
ce soit».
80 Pierre-André SIGAL note que souvent les hagiographes font référence à leurs sources d’information,
soucieux «de répondre à des critiques éventuelles ou à des accusations de mensonges». Ils se justifient
ainsi «face aux incrédules et aux détracteurs de miracles», ce qui n’est pas le cas dans le prologue de
la Vita B d’Ursin: SIGAL, Pierre-André, «Le travail des hagiographes aux XIeet XIIesiècles…», dans
op. cit., p.151.
81 Dans son étude sur L’idéal de sainteté dans l’Aquitaine carolingienne d’après les sources
hagiographiques (750-950) (op. cit., p.21), Joseph-Claude POULIN identifie un type de vie de saints
mérovingiens recomposé «par développement d’un passage de Grégoire de Tours». Il donne le cas de
la vie de saint Martial (BHL 5559-5560) s’appuyant sur les chapitresXXVII-XXVIII du Liber in Gloria
Confessorum.
82 Sur la question de l’oralité cf.: OLDONI, Massimo, Culture del Medioevo, dotta, popolare, orale,
Rome, 1999, surtout p.78; DELEHAYE, Hyppolite, Les légendes… op. cit., p.69-70; SIGAL, Pierre-André,
«Le travail des hagiographes aux XIEet XIIe siècles…», dans op. cit., p.154.
83 Ibidem, p.151. C’était également l’avis de l’auteur du Patriarchum Bituricense au XVIesiècle (Le
Patriarchum Bituricense est une histoire des archevêques de Bourges écrit par un bénédictin de Saint-
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 18
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
Sulpice et publié d’après le manuscrit 233 de la Bibliothèque de Bourges : voir LABBE, Philippe, op.
cit., p.5-6 et 22).
84 Voir, sur cette question, l’ouvrage de MONNIER, Abbé S. M., Les saints d’Auvergne, histoire de tous les
personnages de cette province honorés d’un culte public, Paris, 1899. Voir également l’étude du dossier
hagiographique du saint par FOURNIER, Pierre-François, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne.
Saint Austremoine, premier évêque de Clermont. Son épiscopat, ses reliques, ses légendes», Bulletin
historique et scientifique de l’Auvergne, 89, 1979, p.417-471.
85 L’hagiographie de saint Martial, à notre connaissance, ne mentionne pas ce lien entre Ursin et l’évêque
de Limoges. Néanmoins, l’historiographie a retenu cette idée qu’Ursin fut un compagnon de Martial.
C’est le cas dans: BRIMONT, Thierry de, Saint Ursin, son apostolat dans le Berry et son culte, Bourges,
1884, p.24 ; DUCHESNE, Louis, op. cit., p. 9; CRISTIANI, Léon, «Liste chronologique des saints de
France, des origines à l’avènement des Carolingiens», dans RHEF, XXXI, 1945, p.12-13; REAU, Louis,
Iconographie de l’art chrétien, tome 3: iconographie des saints, Paris, 1959, p.1295.
86 À ce propos, on consultera :EHLERS, Joachim, « Pilitik und Heiligenverehrung in Frankreich »,
dansPETERSON, Jürgen (éd.),Politik und Heiligenverehrung im Hochmittelalter, (Vorkräge und
Vorschungen, 42), Sigmarigen, p.149-175.
87 Dans laVita tertia (BHL 848) du saint, on peut lire: «Venerabilis igitur Dei cultor Austremonius
partes Galliarum ingressus, et comitibus praefatis a se mutuo divisis, paucis tantum secum
comitando, quos a beato Petro discipulos et socios accipere meruit, retentis, Necterium scilicet
presbyterum, Ursinumque almificae probitatis virum, Mametum quoque habentem levitalis ordinis
officium…»:ActaSanctorum, Novembris, Tomus i, Bruxelles, 1887, p.63.
88 « Itaque beatus Austremonius ad Bituricensium, incolas usque perveniens, populum adhuc in fide
vacillantem suo studuit roborare documento et exemplo, et inibi aliquantisper commoratus, in ejusdem
cathedrae pontificatu sublimavit beatum Ursinum, discipulum suum, nobilitatis apice pollentem et per
omnia Deo placere studentem. » (Vita secunda, BHL 845) : Acta Sanctorum, Novembris, Tomus i,
Bruxelles, 1887, p.57. L’hagiographe de la Vita tertia reprend pratiquement intégralement ce passage
à la Vita secunda.
89 DUCHESNE, Louis, op. cit., p.123; voir aussi PÉRICARD, Jacques, Le diocèse de Bourges au haut
Moyen Âge de saint Ursin à Audebert (IVe siècle-1097). Essai sur le gouvernement épiscopal et les
structures ecclésiastiques en Berry, thèse sous la dir. de Christian LAURANSON-ROSAZ, Université Jean
Moulin-Lyon III, 2004, p.72, 278 et284.
90 Ce concile fut entre autres la conséquence d’une revendication partie de l’abbaye Saint-Martial de
Limoges à la suite, sans doute, de la rédaction de la légende aurélienne du saint. Pour les moines de Saint-
Martial, le saint avait été un véritable apôtre et aurait reçu des mains du Christ lui-même sa mission.
91 Pour Bourges, voir HARDOUIN, Jean, Acta conciliorum, Paris, 1714-1715, t.VI, pars 1, col. 847; pour
Limoges, voir MIGNE, Jacques-Paul, P.L., t.CXLII, col. 1356-1400.
92 SALTET, Louis, «Les faux d’Adémar de Chabannes. Prétendues décisions sur saint Martial au concile
de Bourges du 1ernovembre 1031 », Bulletin de littérature ecclésiastique, t.27, 1926, p. 145-160 ;
CALLAHAN, Daniel F., «Adémar of Chabannes, Apocalypticism and the Peace of Council of Limoges
of 1031», Revue bénédictine, t. 101, 1991, p. 32-49, surtout p. 35; BECQUET, Jacques, «Le concile
de Limoges de 1031», Bulletin de la société archéologique et historique du Limousin, t. 128, 2000,
p.23-62. Pour un résumé de ces questions, voir Adémar de CHABANNES, Chronique, (traduction par Y.
CHAUVIN Yves et PLON, Georges), coll. «Miroir du Moyen Âge», Turnhout, 2003, p.13.
93 À propos d’A. de CHABANNES, voir l’article de ARBELLOT, François, «Etude historique sur l’ancienne
vie de saint Martial», dans Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, LX, 1892,
p.213-269, celui déjà cité de Maurice COENS, «La «scriptura de sancto Fronto Nova» attribuée au
chorévêque Gauzbert », dans op. cit., p. 342-346, ou encore le livre de LANDES, Richard, PAUPERT,
Catherine, Naissance d’apôtre. La vie de saint Martial de Limoges, un apocryphe de l’an Mil, Turnhout,
1991, mais surtout la thèse de Michel AUBRUN, L’ancien diocèse de Limoges, des origines au milieu du
XIesiècle, Clermont-Ferrand, Institut d’Etudes du Massif Central, 1981, p.73-86, 204-206.
94 PERICARD, Jacques, op. cit., p.284.
95 REAU, Louis, Iconographie de l’art chrétien, tome 3: iconographie des saints, Paris, 1959, p.1295.
96 Louis DUCHESNE (op. cit., p.19) écrivait que Bourges, à partir de la fin du XIesiècle, n’a plus jamais
eu la prépondérance qu’elle souhaitait sur la province du Centre et même au-delà, raison qui poussa
vraisemblablement encore davantage la rédaction d’une telle légende que celle d’Ursin.
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Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
97 Il semble plus logique que la vie de saint Ursin ait été augmentée plutôt que condensée. Cependant,
en 1951, le chanoine de LAUGARDIÈRE soutenait que laVitaA était un abrégé de laVitaB (op. cit., p.21,
note 2) ce qui sous-entendrait qu’un seul et même hagiographe serait à l’origine de la rédaction des deux
textes. En suivant cette hypothèse, laVitaA correspondrait à unelegenda litúrgica,version résumée de
laVitaB qu’on aurait réduit dans un but liturgique. Au contraire, Brigitte BEAUJARD écrit dans sa thèse
que «plus le temps passait, plus la biographie d’un saint devenait détaillée» (op. cit., tome 1, p.10).
Monique GOULLET note également qu’au XIesiècle, période de développement considérable de l’écrit, on
atteint un point culminant dans la fréquence de la pratique de l’augmentation: GOULLET, Monique, «Une
typologie des réécritures peut-elle éclairer la nature du discours hagiographique?», dans Le riscritture
agiografiche…, op. cit., p.109-122 (surtout p.115) et ead., op. cit., p.246.
98 On a vu que le manuscrit le plus ancien conservé de laVitaA (Paris, BNF, ms. Lat. 13220) date
des Xe-XIe siècles. Les folios transmettant la vie d’Ursin pourraient donc être antérieurs à 1031 mais
l’observation du manuscrit n’a pas permis de dater précisément les folios.
99 « …adeo ut in numero septuaginta duorum discipulorum unus princeps post apostolos
constitueretur». (BHL 8413):Acta Santorum, Novembris, Tomus IV, p.109.
100 LANDES, Richard, PAUPERT, Catherine, op. cit., p.9.
101 L’amplification est à la fois une extension du texte originel par «un ajout de parties » et une
expansion, c’est-à-dire « une dilatation stylistique de chacune des parties du texte » Souvent, les
réécritures des vies de saints contiennent plus de citations bibliques, surtout évangéliques, utilisées pour
développer des textes trop courts et pour mettre en évidence les similitudes de la vie du saint avec celle
du Christ. Donc d’après la classification s’appuyant sur des notions d’intertextualité utilisée par Monique
GOULLET (calquée sur celle établie par Gérard GENETTE dans Palimpsestes. La littérature au second
degré, Paris, 1982), laVitaA correspond à l’hypotexte et laVitaB à l’hypertexte. Le but d’une réécriture
d’une vie de saint est d'«adapter l’hypertexte aux conditions historiques nouvelles, (de) le réorienter vers
une finalité différente de celle de l’hypotexte», GOULLET, Monique, «Vers une typologie des réécritures
hagiographiques à partir de quelques exemples du Nord-Est de la France», dans GOULLET, Monique, et
HEINZELMÂNN, Martin (dir.), op. cit., p.109-144, plus spécialement p.112), notamment en transformant
le «statut» historique d’un saint. C’est exactement ce à quoi nous assistons entre laVitaA et laVita B
(voir ibidem, p.111-112 et GOULLET, Monique, op. cit., p.111, 185-186). LaVita B d’Ursin n’est donc
pas, comme l’indiquait Hyppolite DELEHAYE («De sancto Ursino, primo bituri-gensi episcopo», dans
op. cit., p.108), laVita prior du saint mais laVita prolixior.
102 BONNASSIÉ, Pierre, SIGAL Pierre-André, IOGNA-PRAT Dominique, «La Gallia du Sud, 930-1130»,
dans op. cit., p.297.
103 Dans sa thèse sur L’idéal de sainteté dans l’Aquitaine carolingienne, Joseph-Claude POULIN (op. cit.,
p.9-10) rattache, avec justesse, laVitaB de saint Ursin (BHL 8413) au cycle de la «légende aurélienne»
attribué à un « pseudo-aurélien qui travaillait vers 955, et [à] plusieurs hagiographes aquitains à sa
suite [qui] transformèrent leurs saints favoris en autant d’émissaires de saint Pierre», similitude déjà
soulignée précédemment. Selon lui, cette production aurait abouti à la «mise en circulation, dans la
deuxième moitié du Xesiècle, d’une série de fables «apostoliques» au profit de saint Martial d’abord
(BHL 5552), puis d’Ausone d’Angoulême (BHL 828), Austriclinien et Valérie de Limoges (BHL 857
et 8476), Sylvain et Ursin de Berry (BHL 7723 et 8413)». Cette datation de Joseph-Claude Poulin, qui
place la rédaction de laVitaB au cours de la seconde moitié du Xesiècle, ne nous semble pas justifiée
au regard de l’ensemble des arguments énoncés plus haut, notamment celui du contexte historique, qui
tendent à prouver que laVita B a été écrite au XIesiècle.
104 «sanctus Dionysius Parisiacensis, sanctus Saturninus Tholosensis, Trophimus Arelatensis, Paulus
Narbonensis… Austremonius Arvernensis, et sanctus Vatianus episco-pus » (BHL 8412). Étienne-
Michel FAILLON (op. cit., p.419-422), cohérent avec sa datation des Ve-VIe siècles de laVitaA de saint
Ursin, en déduit, de son côté par contre, qu’à la suite du concile de Limoges, on dut adapter la liturgie
de l’Église de Bourges et c’est ainsi que fut barré le nom de Martial sur le manuscrit puisqu’il avait été
démontré au concile de Limoges que Martial avait précédé la mission des Sept. L’abbé C. CHEVALIER
(«Les origines de l’Église de Tours», dans op. cit., p.479), réfutant cette thèse, précise d’ailleurs que le
Sulpicien s’est bien gardé de mentionner qu’il y a en fait deux ratures sur le manuscrit de la Bibliothèque
Nationale. En effet, au folio13 recto, apparaissent deux ratures: la première est sans doute une erreur
du copiste et on lit aisément, sous la rature, le nom de Trophime tandis que la seconde serait celle
correspondant à l’évêque de Limoges. Toutefois, dans ce cas, il est pratiquement impossible de distinguer
ce qui se cache sous le grattage. On peut seulement constater, en début de rature, la présence d’un «a»
et, au milieu, la subsistance d’une haste qu’on peut imaginer être le reste d’un «l». Enfin, on remarque
que l’espace laissé est assez grand pour y voir l’inscription suivante «Martialis Lemovicensis».
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 20
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
105 LANDES, Richard, PAUPERT, Catherine, op. cit., p.9.
106 « Les livres limousins eux-mêmes et spécialement […] ceux de l’abbaye Saint-Martial [s]ans
doute à de bien rares exceptions près, [avaient] été grattés pour les accommoder au système
d’Adémar» (Duchesne L., op. cit., p.115). R. LANDES mentionne également ce phénomène: «Dans le
même temps, les moines limougeauds commencèrent à gratter et retoucher tous les passages susceptibles
d’être opposés à leurs revendications nouvelles. Ils rachetèrent tout au long des XIIEet XIIIe siècles, les
manuscrits liturgiques des abbayes voisines pour les corriger dans le même sens. Il résulta de cet effort
soutenu un tel ensemble de preuves qu’en dépit d’une résistance opposée dès la première heure, ce culte
apostolique de saint Martial né de l’initiative des moines de Limoges "fit loi en Limousin pendant plus
de sept siècles"» (LANDES, Richard, PAUPERT, Catherine, op. cit., p.9).
107 BARONE, Giulia, « Une hagiographie sans miracles. Observations en marge de quelques vies du
Xesiècle», dans Les fonctions des saints dans le monde occidental (IIIe-XIIIesiècles), Actes du colloque
organisé par l’École française de Rome, Rome, 27-29 octobre 1988, Rome/Paris, 1991, p. 435-446.
108 VAN’T SPIJKER, Ienje, « Gallia du Nord et de l’Ouest. Les provinces ecclésiastiques de Tours,
Rouen, Reims (950-1130)», dans PHILIPPART, Guy (dir.), Hagiographies…, op. cit., vol. 2, Turnhout,
1996, p.239-290 et plus spécialement p.243-244. Michel LAUWERS écrit, dans un article récent sur la
«Mémoire des origines et idéologies monastiques. Saint-Pierre-des-Fossés et Saint-Victor de Marseille
au XIEsiècle » (dans La mémoire des origines…, op. cit. Mélanges de l’EFR, tome 115, 2003, 1,
p.155-180), que « [l]es entreprises d’écriture [sont] souvent liées à des situations de crise ou à des
moments de tension» (p.179).
109 Pour Jacques PÉRICARD (op. cit., p.285), l’origine de l’hagiographie d’Ursin pourrait se situer sous
l’épiscopat de l’archevêque Gauzlin (1012-1030).
110 Après les importants dommages subis par l’église lors des invasions normandes pendant la seconde
moitié du IXesiècle, le culte aurait été rétabli dans l’église Saint-Ursin au début du XIesiècle (cf. LE LUEL,
Nathalie, Le portail Saint-Ursin de Bourges: recherches sur l’iconographie profane dans l’art religieux
monumental de l’époque romane, doctorat en cours sous la direction de X. Barral i Altet, Université
de Rennes 2). Une communauté de chanoines réguliers s’y installa, installation attestée par une charte
de restauration datée de 1012, (Archives du Cher, 14 G 4: Charte de restauration de Saint-Ursin par
le vicomte de Bourges Gaufredus [Geoffroy le Noble] en 1012, reproduite dans une charte de Philippe
Ier de 1102, présentée dans PROU, Michel, Recueil des actes de Philippe Ier roi de France [Paris, 1908],
CXLVI, p.368-372) et y prospéra tout au long du Moyen Âge.
111 POULIN, Joseph-Claude, op. cit., p. 11 ; BONNASSIÉ, Pierre, SIGAL Pierre-André, IOGNA-PRAT
Dominique, «La Gallia du Sud, 930-1130», dans op. cit., p. 291-311.
112 OTTAWAY, John, «Bourges.», dans BARRAL I ALTET, Xavier (dir.), Le Paysage monumental de la
France autour de l’an Mil, Paris, 1987, p.262. Voir aussi AUGONNET, Chanoine, Les reliques de saint
Ursin, Bourges, 1894.
113 VAN’T SPIJKER, Ienje, «Gallia du Nord et de l’Ouest…», dans op. cit., p.243. Sur la question de
l’écriture ou de la réécriture par les communautés régulières de leur histoire, cf. Écrire son histoire.
Les communautés régulières face à leur passé, actes du 5e colloque International du CERCOR, Saint-
Étienne, 6-8novembre 2002, Saint-Étienne, 2005.
114 SIGAL Pierre-André, «Le travail des hagiographes aux XIe et XIIe siècles…», dans op. cit., p.150.
115 On pourra toutefois se reporter à l’ouvrage collectif dirigé par HEINZELMANN, Martin (dir.),
Manuscrits hagiographiques et travail des hagiographes, (Francia, band 24), Sigmaringen, 1992.
116 SIGAL, Pierre-André, «Le travail des hagiographes aux XIeet XIIe siècles…», dans op. cit. , p.171.
117 POULIN, Joseph-Claude, op. cit., p.37.
118 Ibidem.
119 Ibid., p.16 et168-177. Selon Louis DUCHESNE (op. cit., p.25-26), les deux Vitae mérovingiennes
seraient de main contemporaine.
120 POULIN, Joseph-Claude, op. cit., p.177.
121 SIGAL, Pierre-André, «Le travail des hagiographes aux XIeet XIIe siècles…», dans op. cit., p.171:
Pierre-André Sigal constate que « dans la très grande majorité des cas, l’auteur fait partie de la
communauté locale».
122 DELEHAYE, Hyppolite, Les légendes…, op. cit., p.23; Voir au sujet de l’idéal de sainteté, POULIN,
Joseph-Claude, op. cit., p.99 sqq.
123 LECLERCQ, Jean, «L’écriture sainte dans l’hagiographie monastique…», dans op. cit., p.110.
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 21
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
124 En rapport avec cette observation, Jean LECLERCQ (« L’écriture sainte dans l’hagiographie
monastique…», dans op. cit., p.115 et116) notait que «le thème de l’imitation de Jésus Christ est, de
tous, le plus fréquent» et que «toute action doit s’appuyer sur l’auctoritas de la Bible, [qu'] elle doit
avoir un précédent dans un texte qui constitue un modèle et sa garantie ». Plus récemment, Monique
GOULLET (op. cit., p.210) écrivait: le «modèle de tout récit hagiographique, c’est la vie du Christ, de
sa naissance à sa Passion pour ce qui est de la vie terrestre, et surtout sa résurrection».
125 LECLERCQ, Jean, «L’écriture sainte dans l’hagiographie monastique…», dans op. cit., p.117.
126 MERDRIGNAC, Bernard, Les Vies de saints bretons durant le haut Moyen Âge, la culture, les
croyances en Bretagne (VIIe-XIIesiècles), Rennes, 1993, p.11-13. Pour Pierre-André SIGAL, dans son
article sur «Le travail des hagiographes aux XIeet XIIe siècles…», dans op. cit., p. 150, le premier
but d’une Vie de saint était liturgique « destin[ée] avant tout à la célébration de la fête du saint et,
secondairement, à des lectures pieuses», la seconde fin étant «d’ordre économique» comme écrit plus
haut.
127 AIGRAIN, René, op. cit., p.166; SIGAL Pierre-André, L’homme et le miracle dans la France médiévale
(XIe-XIIesiècle), Paris, 1985, p.10; DUBOIS Dom Jacques, LEMATRE Jean-Loup, Sources et méthodes de
l’hagiographie médiévale, Paris, 1993, p.89-98.
Pour citer cet article
Référence électronique
Nathalie LeLuel, «Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche», Annales de
Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne],114-1|2007, mis en ligne le 30 mars 2009. URL : http://
abpo.revues.org/589
À propos de l'auteur
Nathalie LeLuel
Doctorante en histoire de l’art, université Rennes 2 Haute-Bretagne
Droits d'auteur
30 mars 2010
Résumé / Abstract
La légende de saint Ursin raconte qu’il aurait été le premier évêque de Bourges et le grand
évangélisateur du Berry. Son histoire est donc directement associée à celle des origines de
l’Église berruyère. Le présent article examine, pour la première fois, les deux Vitae (BHL
8412 et BHL 8413) qui composent le cœur du corpus hagiographique d’Ursin, avec pour but
de déterminer la date, le lieu et principalement les motifs de leur rédaction. L’observation
attentive du couple de textes, construits suivant une structure fort proche et selon des procédés
hagiographiques classiques, met en évidence une composition quasi simultanée des deux
Vies d’Ursin dans le contexte du mouvement historique de quête des origines apostoliques
au XIEsiècle. Motivée par la détermination du clergé berruyer à prouver l’ancienneté de la
fondation du siège épiscopal, notamment en réaction aux fortes revendications auvergnates et
surtout limougeaudes, la rédaction d’une première Vie (BHL 8412), entre la fin du XEsiècle
et le début du XIEsiècle, fut très rapidement suivie d’une réécriture amplifiée, correspondant
à la seconde Vita d’Ursin (BHL 8413).
Étude des Vies de saint Ursin de Bourges: une première approche 22
Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 114-1 | 2007
The legend of Saint Ursin relates that he would have been the first bishop of Bourges and
the great evangelist of the Berry area. His history is therefore directly linked to that which
tells the origins of Bourges' Church. The present article examines, for the first time, the two
Vitae (BHL 8412 et BHL 8413) which composed the heart of Ursin’s hagiographic corpus,
with the aim to determine the date, the place and mainly the reasons for their redaction. The
careful observation of the two texts, constructed on the basis of a really similar structure and
according to classic hagiographic processes, reveals an almost simultaneous composition of
Ursin’s two Lives in the context of the historical movement of quest for apostolic origins
during the 11th century. Motivated by the determination of Bourges' clergy to prove the old age
of the episcopal see’s foundation, notably in reaction to strong claims coming from Auvergne
and, especially, from Limoges, the redaction of a first Life (BHL 8412), between the end of the
10th century and the beginning of the 11th century, was very quickly followed by an expanded
rewritten version, corresponding to the Ursin’s second Vita (BHL 8413).
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Chronologie :XIIesiècle, XIesiècle, Xesiècle
Licence portant sur le document :30 mars 2010