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Résilience vernaculaire: Une approche analytique des pratiques sociales et des répertoires culturels de résilience à long terme en Côte d’Ivoire et en République Démocratique du Congo

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Abstract

Résilience vernaculaire: Une approche analytique des pratiques sociales et des répertoires culturels de résilience à long terme en Côte d'Ivoire et en République
Résilience vernaculaire:
Une approche analytique des
pratiques sociales et des répertoires
culturels de résilience à long terme
en Côte d’Ivoire et en République
Démocratique du Congo
Dieunedort Wandji, Jeremy Allouche
et Gauthier Marchais
À propos du STEPS Centre
Le STEPS Centre du ESRC (Social, Technological and
Environmental Pathways to Sustainability) mène des
recherches d’ampleur mondiale et de nature
interdisciplinaire, alliant études de développement et
études scientiques et technologiques.
Notre approche des parcours relie la théorie, les
méthodes de recherche et les pratiques dans l’optique
de mettre en évidence et pluraliser les politiques de
durabilité. Nous nous concentrons sur des dés
complexes tels que le changement climatique, les
systèmes alimentaires, l’urbanisation et la technologie,
auxquels sont doivent répondre la société et les
écologies. Notre travail explore la manière de mieux
comprendre ces dés et d’apprécier l’éventail des
réponses potentielles y aérentes.
Le STEPS Centre est hébergé au Royaume-Uni au sein
de l’Institute of Development Studies et de la Science
Policy Research Unit (SPRU) de Université de Sussex.
Notre principal nancement provient du Conseil de la
Recherche Économique et Sociale du Royaume-Uni.
Nous travaillons dans le cadre d’un Consortium Mondial
avec des hubs en Afrique, en Chine, en Europe, en
Amérique latine, en Amérique du Nord et en Asie du
Sud. Nos projets de recherche, dans de nombreux pays,
abordent des problèmes locaux et les relient à des
préoccupations plus larges.
Site web: steps-centre.org
Twitter: @stepscentre
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Cette publication fait partie d’une série de Documents de Travail du STEPS Centre
ISBN: 978-1-78118-796-8 DOI: 10.19088/STEPS.2021.002 © STEPS 2021
silience vernaculaire :
Une approche analytique des pratiques sociales et des
pertoires culturels de résilience à long terme en Côte d’Ivoire
et en publique démocratique du Congo
Dieunedort Wandji, Jeremy Allouche et Gauthier Marchais
Document de travail STEPS 116
Citation indiquée : Wandji, D., Allouche, J. et Marchais, G. (2021) Résilience vernaculaire :
Une approche analytique des pratiques sociales et des répertoires culturels de résilience à long terme
en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo, Document de travail STEPS 116, Brighton :
STEPS Centre.
© STEPS 2021
Certains droits sont réservés. Consultez la licence de droit d’auteur pour plus de détails.
ISBN : 978-1-78118-796-8
DOI : 10.19088/STEPS.2021.002
Ce document a été rédigé dans le cadre du projet Islands of Innovation in Protracted Crises: A New
Approach to Building Equitable Resilience from Below, financé par le GCRF [ES/T003367/1].
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centre@ids.ac.uk).
i
Table des matières
Acronymes .............................................................................................................................................. ii
Résumé .................................................................................................................................................. iii
Mots clés ................................................................................................................................................ iv
Remerciements ....................................................................................................................................... v
1 Introduction ....................................................................................................................................... 1
2 Dimensions ontologiques, politiques et épistémologiques de la résilience ..................................... 2
2.1 Résilience, résistance et biopolitique ..................................................................................... 3
2.2 Question empirique dans la réflexion sur la résilience ........................................................... 4
3 Paradigmes de résilience en Côte d’Ivoire ........................................................................................ 5
3.1 État résilient postcolonial et dynamique biopolitique descendante ...................................... 5
3.2 Répertoires de résistance ....................................................................................................... 7
3.3 Cultures et pratiques de débrouillardise ................................................................................ 7
3.4 Formes de culture populaire ................................................................................................... 8
4 Paradigmes de résilience en République démocratique du Congo ................................................ 10
4.1 État congolais : extractif, violent, faible, mais résilient ? ..................................................... 10
4.2 Résilience et résistance ......................................................................................................... 12
4.3 Formes collectives et populaires de résilience ..................................................................... 12
5 Résilience vernaculaire comme approche méthodologique pour étudier les répertoires à long
terme de pratiques résilientes en Côte d’Ivoire et en RDC .................................................................. 15
6 Conclusion ....................................................................................................................................... 17
Bibliographie ......................................................................................................................................... 18
ii
Acronymes
CENCO Conférence Épiscopale Nationale du Congo
FESCI Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte dIvoire
FPI Front Populaire Ivoirien
LUCHA Lutte pour le Changement
RDC République démocratique du Congo
RDR Rassemblement des Républicains
SAPE Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes
STEPS Social, Technological and Environmental Pathways to Sustainability
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
iii
Résumé
Ce document de travail vise à situer notre projet de recherche dans les débats sur la résilience. Le
projet adopte une approche sociohistorique et culturelle pour comprendre comment les
communautés développent et partagent des pratiques de résilience dans des contextes de crises. La
mise en relief de la résilience vernaculaire, telle qu’ancrée dans les pratiques sociales et les répertoires
culturels, comble un vide laissé par les approches conventionnelles de la résilience.
1
Il s’agit
notamment de comprendre comment les formes de résilience sont historiquement et localement
construites au sein des sociétés. Notre approche découle de deux observations : premièrement, les
approches conventionnelles de la résilience dans les études de développement, de l’humanitaire et
de la consolidation de la paix portent les limites de leurs propres hypothèses épistémiques
notamment le fait qu’elles ont des conceptions génériques de ce qui constitue la résilience.
Deuxièmement, ces approches sont souvent ahistoriques et négligent les dimensions temporelles et
intergénérationnelles des répertoires de résilience.
Notre projet Global Challenge Research Fund (GCRF)
2
adopte une perspective interdisciplinaire, alliant
des approches de sciences sociales, et des approches culturelles et artistiques pour analyser les
pratiques sociales, les imaginaires collectifs et les répertoires culturels de la résilience. La Côte d’Ivoire
et la République Démocratique du Congo, pays sur lesquels se focalise notre recherche, sont
marquées par des conflits armés, de l’instabilité politique et des formes d’oppression étatique, ainsi
que des crises sanitaires et environnementales qui ont donné lieu à des formes particulières de
résilience. La résilience vernaculaire, ancrée dans les pratiques sociales et les répertoires culturels,
s’est construite dans l’antre d’un système d’État postcolonial tout aussi « résilient » qui se manifeste
souvent par de l’inaptitude, sinon de l’oppression. Ce document de travail pose les jalons d’une
réflexion conceptuelle et méthodologique sur les répertoires populaires de résilience aux conflits et
systèmes d’extraction, ainsi que les cultures et les pratiques de débrouillardise
3
.
Nous jetons donc les bases de l’analyse des pratiques de résiliences locales qui émergent en réponse
à des environnements turbulents. Alors que les pratiques de résilience vernaculaire sont également
influencées par des dynamiques biopolitiques descendantes qui façonnent la résilience du système
étatique, ce document de travail donne un aperçu des contextes historiques post-coloniaux dans
lesquels les formes de culture populaire (chansons, poèmes, danse, art) et les pratiques sociales
intrinsèques sont documentées et analysées. Ceci influence certainement l’heuristique de la réflexion
sur la résilience ; va au-delà de l’orientation instrumentale, écologique/technique et de ses
interprétations développementalistes néolibérales ; et suggère la nécessité d’une approche
conceptuelle et méthodologique. Ce document de travail définit donc le champ des investigations sur
les fondements constitutifs des perturbations sociales et les ramifications plurielles des crises
spécifiques au sein de ces communautés qui développent des stratégies de survie, des moyens de
subsistance et des liens sociaux.
1
Imposées par les structures politiques ou les organismes experts ou encore reproduites par les communautés
par conformismes aux actions desdites structures, une forme de colonisation de la résilience.
2
https://www.ids.ac.uk/projects/islands-of-innovation-in-protracted-crises-a-new-approach-to-building-
equitable-resilience-from-below/
3
Pratiques de s’en sortir, d’improviser sur le Déplacer.
iv
Mots clés
Vernaculaire ; Résilience ; Résistance ; Postcolonial ; RDC ; Côte d’Ivoire
v
Remerciements
Les auteurs aimeraient remercier le Global Challenge Research Fund (GCRF) d’avoir rendu cette
recherche possible (Projet Islands of Innovation in Long Crises: A New Approach to Building Equitable
Resilience from below - ES/T003367/1).
Nous remercions également le professeur Ian Scoones (codirecteur du STEPS Centre), Dr Kando
Soumahoro Amédée (LAASSE), ainsi que Dr Albert Norström (Stockholm Resilience Centre) pour leurs
précieux commentaires.
1
1 Introduction
Le concept de résilience est issu des sciences « dures », en particulier la physique et le génie
mécanique (Holling, 1996), bien que cela ait récemment été contesté par certains auteurs (Bourbeau,
2018 ; Bourbeau, 2018b ; Manyena, 2006). Le concept a été introduit dans les sciences sociales pour
aider à comprendre les écosystèmes (Folke et coll., 2010). Aujourd’hui, le terme de résilience est
utilisé dans les sciences sociales et les arts pour décrire un large éventail d’attributs individuels et
systémiques (Lixiviation, 2008 ; Olsson et coll., 2015 ; Fourie et Follér, 2012). Il existe également une
littérature critique sur le concept de résilience, qui considère qu’elle constitue un sous-produit des
modes de gouvernance néolibéraux (Chandler, 2014 ; Brassett et coll., 2013 ; Chandler et Reid, 2018).
L’expansion de la résilience à plusieurs domaines de la connaissance a mis en évidence la confusion
et les limites de son cadre conventionnel (voir Baggio et coll., 2015). Malgré l’importance des diverses
critiques du concept de résilience, l’accent est désormais mis sur les alternatives méthodologiques qui
permettraient d’établir une compréhension plus fondée de la résilience. En effet, la littérature sur la
résilience reconnaît qu’il existe différentes formes de résilience dans des systèmes humains
complexes, tenant compte des « trajectoires » diverses de la résilience à travers les sciences sociales,
ainsi que des relations et/ou tensions entre ces différentes formes de résilience. Ceux-ci ont été mis
en évidence dans la littérature sur la résilience par des débats autour de la base ontologique du
concept de résilience (qu’est-ce que la résilience ?) et la question de la résilience équitable (la
résilience de qui ?).
Ce document vise à appréhender l’éventail des tentatives de définition empirique du concept de
résilience tout en prenant en compte la complexité et à la multiplicité des pratiques désignées par le
terme. Le projet Islands of Innovation (Îlots d’Innovation) s’appuie sur l’hypothèse clé selon laquelle
les populations qui ont résisté à la succession de crises multiples s’appuient sur un vaste répertoire de
pratiques résilientes locales. Ces formes individuelles et collectives de résilience méritent une
meilleure analyse, qui peut à son tour améliorer la compréhension des modes communautaires de
réduction des risques de catastrophe, de consolidation de la paix et de réponse aux épidémies. Notre
projet adopte une perspective interdisciplinaire, combinant des approches des sciences sociales,
culturelles et artistiques pour analyser les pratiques sociales, les imaginaires collectifs et les
répertoires culturels de la résilience.
Ce document est divisé en trois parties principales. La première partie présente les débats mentionnés
ci-dessus sur les dimensions ontologiques, politiques et épistémologiques de la résilience, ainsi que
des alternatives conceptuelles pour une compréhension plus fondée de la résilience. Dans la deuxième
partie, le document se penche sur le cadre contextuel de la recherche, axée sur la Côte d’Ivoire et la
République démocratique du Congo, et développant des points d’entrée sur les répertoires de
résistance, les pratiques de résilience et les formes de culture populaire. La troisième partie développe
les implications épistémologiques de l’intégration des limites des hypothèses existantes dans la
réflexion sur la résilience et l’approche méthodologique interdisciplinaire qui peut fournir de
nouvelles perspectives dans la façon dont la résilience est étudiée et comprise dans de tels contextes.
2
2 Dimensions ontologiques, politiques et épistémologiques de la
résilience
Les premières conceptualisations scientifiques de la résilience désignent « une mesure de la
persistance des systèmes et de leur capacité d’absorber le changement et les perturbations tout en
maintenant les mêmes relations entre les populations » (Holling, 1973, p. 14). Alors que la recherche
initiale sur la résilience tournait autour de la notion de « rebondissement », la réflexion actuelle sur la
résilience inclut son lien avec la capacité d’adaptation, mais aussi la capacité de transformation à long
terme (Carpenter et Folke, 2006 ; Pelling, 2011). Walker et coll. ont défini la résilience comme « la
capacité d’un système à absorber les perturbations et à se réorganiser tout en subissant des
changements afin de conserver essentiellement la même fonction, la même structure, la même
identité et les mêmes rétroactions » (2004, p. 4). Cette extension conceptuelle de la notion de
résilience intègre ainsi une dimension transformatrice qui est devenue un élément clé dans divers
efforts de (re)définition de la résilience, mais aussi un point de discorde pour les approches critiques
de la résilience.
Les penseurs de la résilience ont tendance à souligner trois dimensions centrales et interdépendantes
de la notion de résilience : (1) les capacités de maintien, (2) les capacités d’adaptation et (3) les
capacités transformatrices (Folke et coll., 2010 ; Maclean et coll., 2014 ; Barnes et coll., 2020). Les
capacités de maintien se réfèrent à la façon dont les systèmes et groupes d’individus gèrent et
surmontent les menaces immédiates en mobilisant les ressources disponibles. Les capacités
d’adaptation traitent des mesures réactives pour s’adapter ou tirer parti des changements qui se
produisent à différents niveaux (p. ex. ressources, souplesse, apprentissage, agentivité, organisation
sociale, etc.). Enfin, les capacités de transformation décrivent la capacité d’une collectivité à changer
à mesure que les conditions écologiques, sociales ou économiques ambiantes deviennent intenables
ou indésirables (Olsson et coll., 2004). La transformation décrit une forme de changement plus
importante que l’adaptation, selon laquelle les éléments existants d’un système sont recombinés de
façon fondamentalement nouvelle (sur ces trois dimensions, voir Moore, M. et coll., 2014). Bien qu’il
existe un consensus dans la littérature sur ces trois dimensions de la résilience, des questions
persistent quant à la façon dont ces conceptualisations expliquent le fait que la nature des systèmes
peut changer au fil du temps (Scheffer, 2009), la validité de diverses formes de résilience dans les
pratiques, ou même le sens pluriel de la résilience, en particulier dans les systèmes humains.
La notion de systèmes socioécologiques (en anglais, social-ecological systems ou SES) est apparue
comme une approche permettant d’aller au-delà de la délimitation « artificielle et arbitraire » entre
les systèmes sociaux et écologiques (Folke, 2006). Des concepts tels que « Five Capitals » adoptent
une approche holistique qui considère à la fois le capital naturel (air, sol, etc.) et le capital social
(confiance, normes et réseaux) comme importants pour déterminer la résilience d’un système
(Mayunga, 2007). L’approche « Perturbation comme opportunité » considère les facteurs
humains/sociaux et naturels/écologiques comme un « tout » systémique (Folke, 2006). Les deux sont
des exemples de la façon dont la notion d’interconnexion a été appliquée dans le contexte de la
résilience aux risques naturels (Manyena, 2006 ; Mayunga, 2007 ; Cutter et coll., 2008) et le
changement climatique (Adger, 2002 ; Fondation Rockefeller, 2009 ; Osbahr, 2007 ; Nelson et coll.,
2007). Cela conduit à une vision de la résilience sociétale fondée sur la complexité, l’auto-organisation,
la diversité fonctionnelle et la non-linéarité (Gunderson et coll., 2002, p. 530), centralisant des
questions telles que « résilience contre quoi ? ».
Un autre point central des débats sur la résilience est le fait qu’il existe une distinction entre la
résilience spécifiée et la résilience générale. La résilience spécifiée s’applique à « des problèmes liés à
des aspects particuliers d’un système qui pourraient découler d’un ensemble particulier de sources
3
ou de chocs » (Folke et coll., 2010), tandis que la résilience générale décrit la résilience à toutes sortes
de chocs, y compris les chocs peu fréquents ou nouveaux. En donnant une réponse concrète et ciblée
à la question « résilience de quoi, contre quoi ? » (Carpenter et coll., 2001), la résilience spécifiée
devient un dispositif conceptuel précieux pour naviguer dans la confusion qui entoure les
significations plurielles de la résilience dans ses divers contextes. L’inconvénient, cependant, est que
la résilience spécifiée ne peut pas être utilisée pour établir ou étudier la résilience globale d’un
système, puisqu’une résilience du système à un type spécifique de perturbation peut effectivement
signifier ou causer une vulnérabilité à d’autres formes de perturbation (Carson et Doyle, 2000 ;
Cifdaloz et coll., 2010).
2.1 Résilience, résistance et biopolitique
La résilience diffère de la résistance quotidienne. La résilience est généralement envisagée comme
résultant d’une menace (Alexander, 2013) tandis que la résistance, en particulier la résistance de bas
en haut théorisée par Scott (1985), suppose une dimension politique de la menace. La menace n’est
pas perçue dans la résistance comme une simple perturbation, mais comme liée à un pouvoir ou un
contrôle politique. En ce sens, la résilience semble être conçue comme une forme dépolitisée de
résistance, un concept qui dissimule ou ignore la dimension politique de la menace. Dans son étude
du Sumud comme pratique résiliente de la résistance politique palestinienne (2015), Ryan fait écho à
l’étude de Scott sur les paysans en Malaisie (1985) en explorant la possibilité de résilience comme
résistance ou résistance résiliente. Ryan (2015) présente la résilience comme un moyen d’atteindre
une fin, en fonction de l’agentivité et des objectifs des communautés qui s’engagent dans le
renforcement de leur propre résilience dans le cadre d’un mouvement de résistance politique. Bien
qu’il soit difficile d’apporter des réponses claires dans le débat résilience-résistance, ce qui en ressort
est la non-linéarité entre la résilience et son objet.
En outre, le débat sur la résilience est marqué par une certaine opposition entre une conception
servant à l’élaboration des politiques publiques d’une part, et les pratiques agentielles du point de
vue du sujet/système résilient, autrement connues sous le nom de formes vernaculaires de résilience
d’autre part (Lindbom et Rothstein, 2006). En d’autres termes, l’opérationnalisation du concept de
résilience par le biais de politiques publiques ou d’initiatives participatives soulève de nombreuses
questions qui ne peuvent être entièrement appréhendées par des définitions stables ou exhaustives.
Les questions soulevées par l’opérationnalisation du concept tournent aussi principalement autour de
« la résilience pour qui ? » ou « la résilience selon qui ? » et mettent en relief une fracture croissante
dans le débat sur la résilience. Cette fracture oppose donc ce que de nombreux chercheurs
considèrent comme une dynamique biopolitique descendante à des conceptualisations critiques
et/ou ascendantes de la résilience (Lindroth et Sinevaara-Niskanen, 2016). Le débat sur la distinction
entre résilience et résistance illustre bien cette question. Quoi qu’il en soit, la pluralité des orientations
dans l’examen de la résilience éclaire les contextes de notre étude, puisque les sociétés et les États
postcoloniaux peuvent aussi être considérés comme des systèmes résilients d’un point de vue
historique.
La question des dynamiques biopolitiques de la résilience a été abordée dans le cadre d’études
critiques, faisant écho aux thèses sur la gouvernementalité de Michel Foucault et mettant l’accent sur
l’orientation néolibérale de la conception actuelle du vocabulaire autour de la « résilience ». Cette
vision biopolitique de la résilience place au premier plan la capacité individuelle à tirer le meilleur parti
des « situations » sans remettre en question les inégalités structurelles de celle-ci (Chandler, 2012 ;
Chandler, 2013 ; Richmond, 2012). Cette approche critique retrace comment la résilience devient un
mécanisme de préservation et de perpétuation du « système » responsable de la création de
turbulences au sein des communautés à travers l’utilisation de paradigmes qui « naturalisent » et
« reproduisent les relations sociales et spatiales plus larges qui génèrent des turbulences et des
4
inégalités » (MacKinnon et Derickson, 2013, p. 254). Toutefois, lorsque le discours sur la résilience est
considéré comme une construction consensuelle, la subjectivité indigène est étudiée en termes de
résistance au biopouvoir (Lindroth et Sinevaara-Niskanen, 2016) ou d’ajout aux différents répertoires
de résilience (Chandler et Reid, 2018). Cela a donc maintenu la critique conceptuelle confinée dans
une optique centrée sur l’Occident et, peut-être par inadvertance, consacrant à l’Occident une
compétence intellectuelle exclusive sur les moyens de définition ou même de critique de la résilience.
Cela conduit à une situation où la complexité de la résilience est largement reconnue, mais plutôt que
de confirmer la conclusion logique selon laquelle, étant donné la complexité du phénomène, il ne
devrait pas y avoir de restriction préalable à ce qu’est ou n’est pas la résilience, la littérature préconise
une chose tout en semblant l’illustrer avec des matériaux contraires, en se concentrant trop sur la
définition et/ou la critique de la résilience (Ryan, 2015). La contextualisation de la résilience est donc
nécessaire pour intégrer une éthique décentrée dans son application empirique.
2.2 Question empirique dans la réflexion sur la résilience
La recherche a mis en évidence l’importance de la contextualisation et de la temporalité dans
l’opérationnalisation du concept de résilience (Linkov et Palma-Oliveira, 2017). L’évaluation de la
résilience est une question d’examen et de localisation des pratiques qui y correspondent dans des
contextes sociaux, économiques et écologiques particuliers. Cela implique la prise en compte des
différents besoins, intérêts et croyances des différents groupes sociaux qui sont investis ou affectés
par le défi à relever. À cet égard, la distinction entre « le système en observation [d’une part], et les
perturbations, le stress, ou les crises induites par l’extérieur [d’autre part] » (2013, p. 253) aide à
mieux articuler les deux dimensions de la contextualisation qui, dans le cas de notre étude, se
compose de diverses communautés et types de chocs auxquels ces communautés ont été
confrontées. Dans cette configuration, les approches ascendantes et non occidentales de la résilience
constituent une occasion précieuse d’ouvrir le cadre conceptuel de la résilience à la pluralité (Ryan,
2015, pp. 300-302). Un tel engagement empirique est susceptible de remédier à l’insuffisance
soulignée par de nombreux auteurs malgré les changements paradigmatiques des conceptions de la
résilience (Berkes et Folke, 1998, p. 12). Cette approche garantit également que la valorisation des
conceptions non occidentales de la résilience ne dissimule pas un programme d’extension des
pratiques hégémoniques dominantes (Corry, 2014, p. 271). Par conséquent, un examen empirique de
la résilience doit être « éclairé par le contexte » (Bourbeau, 2013, p. 11) et, surtout, se faire dans un
cadre normatif non occidental. Il est nécessaire de situer la résilience dans la perspective et les modes
de compréhension des individus qui déploient des pratiques de résilience.
Dans l’ensemble, il est clair que l’omniprésence du terme résilience tend à renforcer sa nature
« imprécise ou inutile » (Bourbeau, 2013, p. 4). Un travail de clarification conceptuelle de la résilience
semble être une condition nécessaire à sa pertinence (Gibbons et coll., 2015, p. 28-29). Toutefois, une
telle clarification par des tentatives de resserrement de la définition de la résilience est révélatrice
d’une obsession sous-jacente à contrôler le concept de résilience. Cet effort peut piéger la pensée de
la résilience dans un désir moderniste d’exhaustivité et de catégorisation systématique. Une
conception de la résilience comme étant inhérente à la nature humaine encouragerait en fait le
contraire. La complexité et la diversité du phénomène de résilience, ainsi que les articulations entre
les formes individuelles et collectives de résilience appellent ainsi à une approche plus ouverte de sa
définition par l’examen des « îlots d’innovation » qui ont pu être négligés par les praticiens, les
décideurs et les théoriciens. Ainsi, au lieu d’essayer d’étudier des pratiques résilientes à travers
l’« anneau de vertu et de moralité incontestée » d’une définition (Sarason, 1993, p. 260), il est
préférable de commencer par un examen de ses manifestations empiriques. Dans la section suivante,
nous présentons les aspects saillants des contextes des répertoires de résistance, les pratiques de
résilience et les formes de culture populaire qui sont pertinentes pour notre étude de la résilience.
5
3 Paradigmes de résilience en Côte d’Ivoire
Malgré plusieurs crises répétées, et en particulier le conflit militaire entre 2002 et 2010, la trajectoire
institutionnelle et sociopolitique de la Côte d’Ivoire a été marquée par un État fort et une économie
en plein essor. Le concept de résilience n’a pas été utilisé comme cadre analytique central dans les
études universitaires sur la Côte d’Ivoire, mais il a été utilisé sous divers angles académiques, des
études postcoloniales et sexospécifiques à l’agroforesterie et à la santé publique (Bovcon, 2009 ; Ruf,
2014 ; Bearth et Baya, 2010 ; Bissouma et coll., 2017). Compte tenu de la nature rurale de l’économie,
un certain nombre d’études ont porté sur la résilience des agriculteurs. Certains ont même suivi une
compréhension culturelle. Dans son analyse des griots Malinke dans la société Dan dans la partie
occidentale de la Côte d’Ivoire, Zemp (1964) montre le pouvoir de la musique de motiver les
agriculteurs. Il se pose la question suivante : « Comment comprendre l’infatigabilité des moissonneurs
coupant le riz épi par épi avec des petits couteaux sur des pentes raides du matin au soir si ce n’est que
les rythmes des tambourinaires fortifient l’entrain des travailleurs ? Ceux-ci chantent en coupant le riz,
mais ce sont bien les tambours qui transmettent la force » (voir aussi Lemaire 1999 sur la relation entre
le chant, le travail et les relations intercommunautaires dans la société senoufo). Cependant, dans
l’ensemble, les études sont divisées entre celles qui se concentrent sur la résilience de l’État ivoirien
et de son économie politique, et celles qui examinent les réponses populaires aux crises qui peuvent
être associées à la trajectoire de l’État ivoirien postcolonial.
3.1 État résilient postcolonial et dynamique biopolitique descendante
La caractéristique la plus importante dans l’étude de l’histoire politique ivoirienne est la continuité.
Un corpus de littérature montre les continuités historiques entre les époques coloniale et
postcoloniale, et les longévités coloniales dans les modes contemporains de l’organisation politique,
en particulier la relation économique politique avec les entreprises françaises et l’idéologie durable
de la Françafrique (voir Bovcon, 2009). Après l’indépendance, Houphouët-Boigny a dirigé pendant plus
de trois décennies un État pro-occidental, procapitaliste, et légèrement dictatorial, et qui exigeait que
le développement économique ait la primauté sur les réformes politiques (Foster et Zolberg, 1971).
La stratégie de développement de la Côte d’Ivoire reposait sur la cooptation de groupes identitaires
régionaux et sociaux ayant des avantages liés au favoritisme qui encourageait la loyauté envers le
président, y compris par la participation politique aux institutions de l’État formellement équilibrées
entre les groupes ethniques (Boone, 2007 ; Bakary, 1984). De plus, le recours continu au soutien
militaire français a supprimé la possibilité d’un coup d’État pendant cette période (Charbonneau,
2012). Les dynamiques biopolitiques descendantes du système étatique façonnaient aussi le paysage
des arts. Les efforts de Houphouët pour construire un récit de modernisation ne signifiaient pas
seulement rejeter le nationalisme, dans le but de promouvoir l’unité nationale, mais aussi se tourner
vers l’Occident pour créer une certaine forme de hiérarchie culturelle (Land, 1995).
La culture occidentale a été promue au-dessus des coutumes culturelles locales, considérées comme
arriérées et contrecarrant l’unité nationale (Dedy, 1984). Les artistes interprètes ou exécutants
dépendaient des appareils d’information de l’État et les contenus politiques et socialement sensibles
étaient contrôlés par le gouvernement (Land, 1992 ; Kamate, 2006). La liberté était également très
limitée en termes d’expression par voie de presse (voir le récit de Gbagbo de 1983 sur la consolidation
politique de la presse ivoirienne). Une exception notable à cette préférence pour la culture
occidentale était la littérature, en particulier le théâtre qui faisait la promotion des valeurs
socioculturelles de l’Afrique traditionnelle (Dominique, 2015). Les effets de cette hiérarchie culturelle
6
ont été démontrés dans diverses études portant sur l’influence de la culture occidentale sur la
jeunesse urbaine ivoirienne (Ouattara, 1985).
4
Au cours des années 1980, l’État ivoirien a connu une crise profonde et prolongée notamment en
raison de l’effondrement du prix du cacao, qui est l’une des principales exportations du pays, qui a
duré toute la « décennie perdue » des années 1980 et 1990. Les ajustements structurels et la
conditionnalité de l’aide par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ont
considérablement réduit l’espace politique du gouvernement et, par conséquent, sa capacité à faire
face de manière proactive à l’augmentation des niveaux de pauvreté, à la désaffection ainsi qu’aux
crises sociales liées à la terre. Les conséquences de cette situation comprenaient une forte instabilité
économique, une pauvreté agricole accrue, une baisse de la qualité de l’éducation et du système de
santé, et une baisse du niveau de vie et du pouvoir d’achat des pauvres en raison de la dévaluation
monétaire (Kingston et coll., 2011). L’évolution du contexte économique coïncidait avec les luttes de
pouvoir d’élite et a considérablement accru les enjeux des élections présidentielles et législatives de
1995 dans le pays. Bien que le régime ivoirien ait d’abord cherché à modérer les intérêts sous-jacents
des groupes identitaires par le biais d’un règlement politique de grande envergure et le favoritisme,
des tensions ont finalement éclaté en l’absence de vastes ressources nécessaires à l’entretien de ce
favoritisme. À mesure que les niveaux d’endettement énormes et les privatisations à grande échelle
réduisaient considérablement les ressources auxquelles l’État avait accès, la concurrence pour réduire
les ressources s’intensifiait et leur potentiel d’apaiser les contestations concurrentielles et violentes
diminuait. Ce contexte changeant a considérablement accru les enjeux des élections, ce qui a
déstabilisé le système démocratique naissant du pays, conduisant à des violences à grande échelle.
Du point de vue d’un État résilient, l’incapacité des pouvoirs qui doivent contrôler pleinement l’espace
sociopolitique a créé des zones de vulnérabilité qui, en même temps, se sont révélées être le théâtre
d’observation des formes non étatiques d’adaptation aux différentes crises.
La Côte d’Ivoire est entrée dans une longue période de turbulences sociopolitiques qui a atteint son
paroxysme avec la crise postélectorale de novembre 2010 à avril 2011. Cette longue période a été
ponctuée par de nombreux épisodes de crises. Les questions sociopolitiques ont aggravé les effets
négatifs de la crise économique qui fait rage depuis les années 1980 (succession au chef de l’État à la
mort du président Félix Houphouët-Boigny en décembre 1993, boycott actif des élections
présidentielles de 1995, coup d’État militaire de décembre 1999, rébellion armée de septembre 2002,
élections générales non tenues de 2005 à 2010) (Huff et coll., 2016). Après la mort de Houphouët-
Boigny, la dynamique biopolitique descendante du système étatique a viré vers l’ultranationalisme
dans les années 1990 avec le concept divoirité. En fait, cela avait déjà commencé avant la mort de
Houphouët avec la fin du vote des étrangers et l’introduction d’un permis de séjour qui a conduit à
des descentes régulières par la police dont les contrôles d’identité étaient parfois associés à des
mauvais traitements et au racket (Dembele, 2003). Ceci fut suivi par la réforme électorale de 1994 qui
restreignît le droit de vote et les revendications de candidature au poste de président pour des raisons
liées à l’identité d’Alassane Ouattara en tant que nordiste et musulman, qui étaient perçues comme
une menace pour l’hégémonie de l’État. Ces restrictions menaçaient à leur tour de pénaliser une partie
importante de la population du nord (Langer, 2007). La réforme électorale a été suivie par la loi
foncière de 1998, qui stipulait que seuls les citoyens ivoiriens pouvaient posséder des terres.
Des revendications territoriales controversées ont été organisées entre ceux qui ont rendu la terre
productive grâce à l’agriculture (par exemple les Maliens, les Burkinabés, les Ivoiriens du nord) et les
citoyens dits « autochtones » du sud de la Côte d’Ivoire (Klaus et Mitchell, 2015). Cette amplification
des tensions intercommunautaires s’est imbriquée dans la lutte pour le pouvoir des élites, ce qui a
4
Cependant, bien que le théâtre occupe une place particulière dans l’univers littéraire ivoirien tel que c’est à
travers lui que la littérature ivoirienne est née, l’histoire spécifique de ce genre est restée dans l’ombre des
autres (Kouassi Akissi, 2019).
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conduit à une nouvelle victimisation des communautés migrantes venant du nord du pays, et même
des pays voisins, dans le but de dissiper les tensions autour de la crise économique, loin du
gouvernement. Au fur et à mesure que les tensions accumulées et non adressées se sont finalement
jouées dans les catastrophes, les crises et même les bouleversements politiques violents, les formes
populaires sous-jacentes de résilience ont commencé à émerger. Ce moment charnière de l’histoire
ivoirienne marque également un point d’intérêt pour déplacer l’attention pour passer de l’État aux
populations et observer comment les formes de vie populaires se sont transformées en stratégies
individuelles et collectives pour faire face aux crises.
3.2 Répertoires de résistance
Cette période turbulente de l’après-1990, qui avait façonné les pratiques oppressives de l’État, a
également rencontré des répertoires de résistance. En réponse à la détérioration de leurs conditions
de vie et d’études, les étudiants se sont organisés collectivement avec l’avènement de la Fédération
Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), un mouvement étudiant de gauche radicalement
opposé à l’ancien parti unique (le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, PDCI). Avec la naissance de
FESCI, l’université est devenue un site très politisé. Cela a donné lieu à de nombreuses interventions
de la police sur les campus ivoiriens (Théodore, 2012). Les syndicats étudiants entretenaient
également des relations directes avec les syndicats enseignants et les partis politiques, notamment le
Front Populaire Ivoirien (FPI) et le Rassemblement des Républicains (RDR). Cette forte intrusion
politique dans la communauté estudiantine a généré de nouvelles formes d’affrontements violents
sur les campus. Des batailles entre divers groupes rivaux ont éclaté et les campus sont alors devenus
le théâtre de combats à la machette menant à des mutilations et même à la mort. Les répertoires de
résistance à l’oppression de l’État sont passés des grèves et des négociations à la violence comme
arme ultime de lutte. De nombreux leaders étudiants tels que Guillaume Soro et Charles Blé Goudé
ont ensuite joué des rôles de premier plan dans la politique nationale ivoirienne de 2000, notamment
en occupant des fonctions gouvernementales (Banégas, 2010). Ces répertoires de résistance ne se
limitent pas au niveau politique, mais sont également présents dans les crises environnementales et
sanitaires.
3.3 Cultures et pratiques de débrouillardise
Une autre manifestation qui a caractérisé la période post-1990-2011 est la débrouillardise.
L’augmentation de la pauvreté, le chômage élevé, en particulier chez les jeunes, et l’érosion de la
cohésion sociale nationale ont conduit à l’élaboration d’un certain nombre de stratégies
essentiellement informelles. Les études actuelles se sont surtout concentrées sur ces pratiques
utilisées par les migrants ou les enfants pour faire face à cette nouvelle précarité. Dacher (2003)
retrace par exemple le voyage d’un jeune paysan burkinabé immigré en Côte d’Ivoire au début des
années 1990. Elle montre comment, après avoir voyagé à travers de nombreuses villes, Seydou rejoint
Ouangolodougou, où vit un parent paternel éloigné. Là, il rencontre des douaniers qui lui confient de
petits boulots. Seydou lave leurs vêtements, fait leurs courses, entretient leurs champs et peu à peu,
Seydou s’associe de manière informelle aux services de douane. Il obtient la permission de bloquer la
route départementale avec une barrière de bambou qu’il a lui-même faite et qu’il soulève lorsque les
camions passent. Chaque fois que le fonctionnaire des douanes change, il est chassé, mais il revient.
Les gens finissent par s’habituer à lui et il se voit confier le travail des préposés. Il réussit même à
recevoir un salaire modeste en échange de ses services. En outre, les douaniers, qui apprécient sa
gentillesse et sa débrouillardise, lui confient plusieurs petites transactions pour leur bénéfice et le
récompensent. Les exemples de débrouillardise pendant cette période de crise sont courants (voir
aussi Monique, 1990 sur les migrants maliens ou plus généralement sur l’économie informelle ; voir
Loukou, 2003 sur le secteur de la téléphonie informelle et les nouvelles formes de subsistance). De
8
nombreuses études sur les enfants des rues en Côte d’Ivoire sont très révélatrices. Hérault et
Adesanmi (1997, p. 7) relatent comment les enfants des rues définissent la débrouillardise.
[...] Cest se mettre à plusieurs pour faire tous les métiers qui permettent de vivre dans la rue. Cest
tout ce qui peut nous donner des jetons, cest-à-dire de largent. Se débrouiller, cest se libérer des
parents ; cest avoir une indépendance dans la rue et y chercher son avenir par ses propres moyens.
Se débrouiller, cest faire des petits boulots, cest voler pour avoir sa nourriture, agresser les gens pour
leur prendre leur chaîne et leur portefeuille, cest mendier [...] celui qui ne connaît pas tout ça, il ne
peut pas sen sortir. Les petits boulots que nous faisons, ça ne nous permet pas de satisfaire nos
besoins. Dans la rue, il faut se battre pour avoir de largent, cest ça qui fait quon peut se passer des
parents.
Ces enfants des rues ont mis en place toute une culture de survie que la langue populaire d’Abidjan
qualifie de débrouillardise. « S’en sortir » ou « se chercher » à Abidjan signifie mettre en place des
stratégies capables d’assurer la survie quotidienne face aux difficultés économiques, au chômage et à
l’érosion des valeurs de solidarité traditionnelle qui ont permis à l’individu, même pauvre, de ne pas
être abandonné, ou de céder au désespoir et à la misère. Le recours à de petits boulots dans la rue
exprime donc avant tout la capacité de ces jeunes enfants à s’adapter à une évolution sociale qui
perturbe la structure sociale générale (Pira, 2006).
3.4 Formes de culture populaire
En Côte d’Ivoire, les genres de musique populaire tels que le reggae, le zouglou et le coupé décalé ont
joué un rôle essentiel à des tournants importants et ont servi de domaine pour articuler des idées et
partager des informations sur les politiciens, la corruption, la citoyenneté, l’histoire nationale et
l’identité. La musique populaire ivoirienne a partiellement rompu son lien et sa dépendance du
mécénat du gouvernement grâce à la libéralisation de l’industrie musicale, les radios FM et les
radiocassettes. À travers la musique populaire, les jeunes, en particulier d’Abidjan, exprimaient le
désir d’une agence politique. Le zouglou a émergé dans les années 1990 dans le contexte des
manifestations estudiantines pour la libéralisation politique et, avec le reggae, ont servi de plateforme
pour la critique des conditions sociales et politiques dominantes. La musique populaire ivoirienne a
donc été associée au retour du multipartisme sous Félix Houphouët-Boigny en 1990 et au
renversement d’Henri Konan Bédié par le général Robert Gueï en 1999 (Schumann, 2009). La
« génération zouglou » est précisément la génération qui a fait les frais de la crise économique. Elle a
d’abord été liée au mouvement étudiant, en particulier au campus de Yopougon, mais a rapidement
été appropriée par des jeunes marginalisés dans les zones périurbaines d’Abidjan. La musique zouglou
est poétique et pratiquée principalement par des hommes relativement jeunes comme Didier Bilé qui
atteint l’âge adulte dans un contexte de déclin des possibilités d’emploi dans le secteur formel
(Konaté, 2003 ; Blé, 2006). Grâce à la musique zouglou, les jeunes marginalisés se sont affirmés en
tant que groupe, et ont ainsi créé un espace discursif pour exprimer leurs revendications d’inclusion
sociale et de justice intergénérationnelle à l’ancienne génération et aux politiciens alors que le
compromis postcolonial était rompu (Mbembe, 2000).
Dans le symbolisme des textes de la chanson zouglou, cette génération de jeunes ivoiriens a fait les
frais de la crise économique et est devenue métaphoriquement orpheline (Schumann, 2012). Les
chansons sont en nouchi, une langue émergente populaire dont la base lexicale est un français
populaire régional auquel s’ajoutent des éléments de diverses langues autochtones (principalement
Agni, Baoulé, Bété et Dioula), s’éloignant des formes de hiérarchie culturelle décrites ci-dessus. À
travers la musique zouglou, les jeunes ivoiriens se sont affirmés en tant que groupe et ont exigé un
chemin dans la société ivoirienne, plutôt que ses bouleversements. Cela peut sembler contraster avec
9
le mouvement étudiant du début des années 1990, qui présentait un défi pour le système politique
lui-même (Schumann, 2012). C’est la différence entre résilience et résistance. Comme l’a dit Bahi
(2011), la musique populaire serait un défoulement, si ce n’est une manière d’adjurer les maux qu’elle
condamne, de conjurer le sort funeste du monde tel qu’il est. Mais, en laissant la vapeur s’échapper
du chaudron, la catharsis peut avoir une fonctionnalité conservatrice et n’être qu’un moment de
transgression visant à maintenir l’ordre du monde. Le zouglou a d’abord été très actif contre la
rhétorique politique de division comme l’ivoirité (de même avec les artistes reggae tels que Tiken Jah
Fakoly). Les Potes de la Rue abordent le thème du tribalisme et de la xénophobie par exemple dans sa
chanson Zio Pin. Sur un ton humoristique, Zio Pin esquisse les préjugés ethniques tout en établissant
leur réversibilité. En fait, l’association du zouglou à l’identité ivoirienne non ethnique va au-delà des
textes de chansons apparents. Konaté (2002) note qu’en tant que musique urbaine, le zouglou ne se
réfère pas à une partie particulière de l’espace national et n’est associé à aucune région ou groupe
ethnique particulier. C’est une musique nationale en ce sens que cette musique est née en Côte
d’Ivoire et est internationalement reconnue comme ivoirienne.
Grâce à la musique populaire, le désir des jeunes d’avoir une agentivité politique reflétait ce conflit
intergénérationnel, plutôt qu’une représentation du conflit autour d’un axe nord-sud. Le mot
Ndégocratie est intéressant à cet égard. « N’dé » en malinké signifie enfant, jeune. La démocratie
prônée par le FPI n’était rien d’autre que la dictature du « Ndé », c’est-à-dire des jeunes et des enfants
sur les personnes âgées. En effet, une incongruité de la crise ivoirienne est l’accueil donné par les
zones occupées par la rébellion à la musique « patriotique ». La musique patriotique a connu le même
succès dans le nord que dans le sud de la Côte d’Ivoire (Konaté 2002, pp. 91-792). Les rebelles ont
chanté et dansé cette musique parce que les textes étaient aussi, disent-ils, ce qu’ils défendaient : leur
pays. En vérité, il reflète l’un des éléments fondamentaux de la culture de la sociabilité des jeunes.
Une des explications possibles de l’importance de la musique dans la guerre ivoirienne est que celle-
ci est une guerre de générations. La crise a encore accentué un sentiment de désillusion envers le
système officiel et a entraîné une forme de débrouillardise. Un volet de la littérature s’est concentré
sur les pratiques populaires, les idiomes et limagination populaire, généralement conçus comme des
formes de résilience collective développées par les populations dans un contexte de négligence
institutionnalisée par les autorités publiques et d’idéologies parrainées par l’État de « se débrouiller
par soi-même ». Cette débrouillardise est particulièrement représentée dans la musique coupé-
décalé, qui est considérée comme l’expression de « l’espoir de nouvelles voies vers le succès et l’accès
possible au monde de la consommation » (Kohlhagen 2005, p. 104). Le coupeur décaleur se distingue
du zouglouman et du reggaeman. Ce qui l’intéresse, c’est de quitter le pays, de revenir riche (une sorte
de revanche sur le destin) et de le faire savoir à l’ensemble de la société par une redistribution
scandaleuse du butin ramené. Ainsi, il abandonne les réponses locales aux difficultés pour un ailleurs
qu’il croit meilleur (Kamate, 2006). Les initiateurs du mouvement sont de jeunes Ivoiriens vivant à
Paris.
Selon Flore Biet, le coupé-décalé ne parle pas d’une crise, mais s’en nourrit pour la surmonter. La
chanson Cabri mort de Serges Kassy est intéressante à cet égard. Dans le jargon ivoirien, la « chèvre
morte » est celle qui n’a plus rien à perdre. En d’autres termes, selon l’artiste, l’Ivoirien a connu tant
de difficultés que rien ne peut l’atteindre. Faire son « atalaku » signifie, par exemple, faire l’éloge de
quelqu’un, comme les griots le font si bien dans la tradition africaine. À l’occasion de spectacles dans
les boîtes de nuit ou les maquis, les DJ ou les animateurs font des « atalakus » à certaines personnes
qui, émues, font des dons sous forme d’espèces. Avant chaque morceau musical, l’hôte ou « atalaku »
tente de nommer des noms de personnes éminentes dans tous les domaines de la société. La musique
de fond est ainsi consacrée par le dieu de l’argent. Depuis quelque temps déjà, compte tenu de l’échec
des processus de démocratisation, de la croissance des inégalités sociales, de la situation économique
difficile, mais aussi de l’accélération des flux liés à la mondialisation (circulation des biens, des images
et des styles de vie venant d’ailleurs), les stratégies traditionnelles d’avancement social (diplômes,
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fonctionnaires, etc.) sont devenues obsolètes dans de nombreux pays africains. Cela a conduit à un
changement dans les imaginaires et les modes de subjectivation politique, en particulier chez les
jeunes. Cette modification est accentuée dans certains pays comme la Côte d’Ivoire par la
criminalisation de l’État, la guerre civile et son corollaire de violence. Les modifications de
l’imagination se matérialisent par ce que Banégas et Warnier (2001) appellent « une économie morale
de ruse et de débrouillardise ». En fait, ce que revendiquent les organisateurs du coupé décalé, qui se
disent d’ailleurs « présidents », « gouverneurs » ou « lieutenants », est en effet d’être un nouveau
modèle d’avancement social.
L’image de réussite associée à la figure sociale du diplômé disparaît au profit de celui qui peut faire un
usage criminel de la ruse et de la débrouillardise, voire de l’exemplification de son talent à travers le
sport, la musique et les nouvelles technologies. Cette métamorphose, loin de rompre avec les logiques
politiques conventionnelles, est plutôt révélatrice des pratiques corrompues qui se déroulent au
sommet de l’appareil d’État ivoirien (Gawa, 2014). Cela apporte un changement paradigmatique en
faisant ressortir l’éthique de l’individu. Cela implique la capacité matérielle de pouvoir se libérer de
l’appartenance communautaire. Ce style musical renforce également une culture de la mobilité. En
effet, les jeunes Africains sont motivés par le projet migratoire européen en raison de la faiblesse
institutionnelle de l’État en Afrique, aggravée par les multiplicités de crises qui ponctuent le quotidien
de ces jeunes (Gawa, 2014).
4 Paradigmes de résilience en République démocratique du Congo
Un paradigme récurrent dans la littérature sur la résilience en RDC est l’opposition entre un État faible,
mais extractif et oppressif d’un côté et une population/société civile résiliente de l’autre. Bien que
l’histoire de la RDC fournisse de nombreuses preuves empiriques pour les deux volets de cette
proposition, leur opposition binaire obscurcit souvent une interdépendance plus complexe entre
l’État, les institutions qui organisent la vie sociale et la population.
4.1 État congolais : extractif, violent, faible, mais résilient ?
L’État congolais occupe une position ambiguë dans la littérature sur la résilience en RDC. D’une part,
il a été largement conçu comme oppressif, extractif, violent, et la source même de la vulnérabilité à la
population (Nzongola-Ntalaja, 2002). Cette conception recoupe souvent l’idée d’un État congolais
faible, ayant peu de contrôle sur son territoire et sa population, et des services publics et des
institutions inefficaces (Nest, Grignon et Kisangani, 2006 ; Hesselbein, 2007 ; Herbst, 2000).
Cependant, des études et des universitaires ont noté une résilience quelque peu paradoxale de l’État
congolais (Englebert et Tull, 2013 ; Stearns et coll., 2017).
L’histoire de la RDC a été marquée par des violences et des régimes d’extraction et dexploitation à
grande échelle, dans lesquelles l’État congolais a joué un rôle central. L’exploitation violente à grande
échelle sur le territoire qui est aujourd’hui la RDC remonte à la traite négrière dans ses parties
occidentales, qui a commencé avec le commerce du royaume Kongo avec l’Empire portugais à la fin
du XVe siècle et au début du XVIe siècle, et a provoqué des changements profonds dans les sociétés
Bantu et Batwa d’Afrique centrale, renforçant les hiérarchies sociales et les formes violentes de
domination et d’accumulation de ressources (Vansina, 1990 ; Klieman, 2003). À partir du XIXe siècle,
l’expansion de la traite négrière d'Afrique orientale et la soi-disant « colonisation zanzibari » dans les
parties orientales du territoire actuel ont introduit de la même manière des formes violentes
d’accumulation de ressources et de mobilisation de la main-d’œuvre (Newbury, 2009; Northrup,
1988). Ces deux processus macro-historiques ont eu des effets néfastes sur les sociétés congolaises,
11
appauvrissant les ressources humaines et les moyens de subsistance, ainsi que les mécanismes
d’adaptation.
L’ère coloniale a encore renforcé les formes institutionnalisées d’accumulation violente à travers le
pays. La brutalité et l’exploitation de LÉtat indépendant du Congo et de l’État colonial belge ont été
largement documentées et commentées (Van Reybrouck, 2010 ; Hochschild, 1998 ; Chasse, 2014 ;
Ndaywel è Nziem, 1998). Comme dans le cas de la Côte d’Ivoire, un ensemble de littérature a émergé
pour montrer les continuités historiques entre les époques coloniale et postcoloniale dans les modes
contemporains de l’organisation politique, en particulier l’ethnoterritorialisation de l’État (Hoffmann,
2019), les modes de taxation (Hoffmann, Vlassenroot et Marchais, 2016) et la « politique d’exclusion »
qui caractérise la politique congolaise contemporaine (Kisangani, 2012). À ce jour, l’exploitation à
grande échelle des populations par les réseaux d’élite imbriqués dans l’appareil d’État reste une
caractéristique de la RDC, notamment dans les provinces orientales du pays touchées par le conflit
(Vlassenroot et Raeymaekers, 2004), ainsi que dans les provinces riches en minerais du sud.
Dans l’ère postcoloniale, l’État congolais a été profondément façonné par le régime autoritaire de
Mobutu Sese Seko, qui est resté au pouvoir de 1965 à 1997 et qui a symbolisé les dictatures africaines
post-indépendance. Bien que, dans les premières années au pouvoir de Mobutu, de vastes projets
d’infrastructure et des politiques de redistribution aient été lancés, l’État congolais a connu une crise
profonde et prolongée dans les années 1970, notamment en raison de l’effondrement du prix du
cuivre, qui est l’une des principales exportations de la RDC. La crise a évidé le secteur public et s’est
accompagnée d’un contrôle personnalisé par le régime autoritaire sur l’appareil d’État. La fameuse
plaisanterie sur un « article 15 » (fictif) de la Constitution, « Débrouillez-vous ! », cristallise le
sentiment d’abandon du devoir public par l’État, et l’emprise d’une forme de « laissez-faire » »
individualiste parrainé par l’État. La libéralisation politique du début des années 1990 a intensifié la
concurrence politique entre les réseaux d’élite de « pouvoir, protection et pillage », et attisé les
conflits politiques entre entités ethnoterritoriales qui deviendront violents avec les conflits armés des
années 1990, en particulier la Première guerre du Congo (1997-1998) et la Deuxième guerre du Congo
(1998-2003).
La faiblesse caractéristique de l’État congolais et son utilisation par les réseaux d’élite comme vecteur
de pratiques extractives ont persévéré jusqu’à ce jour et ont été documentées par une littérature
empirique. Des études empiriques sur le secteur de la sécurité en RDC ont révélé des pratiques
continues et généralisées d’extorsion et de racket, en particulier dans les provinces orientales
l’armée nationale s’est révélée impliquée dans de multiples formes d’extorsion coercitive et
d’accumulation illicite de revenus (Verweijen, 2013 ; Baaz et Verweijen, 2013). De même, des études
récentes de la police nationale congolaise ont analysé la génération systématique et organisée de
revenus illicites dans le secteur (Sanchez de la Sierra et coll., 2020). Malgré sa faiblesse caractéristique,
ces études ont également souvent noté une résilience surprenante et quelque peu paradoxale de
l’État congolais en tant que mode d’organisation de la vie politique, sociale et économique en RDC.
Cette résilience est en partie tributaire de la « gouvernance réelle » qui caractérise les secteurs publics
tels que l’éducation, qui ont fait preuve d’une résilience durable malgré l’effondrement du cadre
institutionnel formel (Titeca et De Herdt, 2011 ; Brandt, 2017). Elle est également liée à la façon dont
les populations ont durablement soutenu l’État en tant qu’idée et modèle d’organisation politique,
malgré son absence généralisée et sa faiblesse caractéristique (Stearns et coll., 2017 ; Englebert et
Tull, 2013).
12
4.2 Résilience et résistance
La résistance et la résilience sont particulièrement difficiles à discerner lors d’une observation
superficielle dans le contexte de la RDC, où les pratiques que ces termes désignent sont souvent
étroitement liées ou même indiscernables. Dans un exercice participatif organisé par l’UNICEF sur la
résilience, le mot le plus choisi par les participants pour désigner ce que la résilience signifiait pour
eux était celui de résistance (UNICEF et OCDE, 2014 : 5). Compte tenu de l’historique d’extraction et
d’exploitation coercitives généralement orchestrée par l’État, la notion de résistance a fourni un cadre
approprié pour comprendre un grand nombre de pratiques utilisées par la population congolaise. Les
formes violentes de politique et résistance ont reçu une attention considérable (Kisangani, 2012), que
ce soient les rébellions des années 1960 (Verhaegen, 1969) ou les guerres des années 1990 (voir
notamment le projet Usalama du Rift Valley Institute). Dans l’ensemble, le thème de la résistance aux
pratiques d’exploitation, de marginalisation des instances décisionnaires et de privation des droits, en
particulier des droits fonciers, est un thème commun de cette littérature pour expliquer les
mouvements de résistance violente. La résistance à la dépossession et à l’exploitation a souvent des
racines historiques, qui remontent à la pénétration de circuits d’exploitation et d’extraction dans le
pays, et ont souvent établi des modèles durables de résistance collective violente qui ont persévéré
jusqu’à ce jour.
Les formes violentes, cependant, font partie d’une constellation plus large de formes de résistance.
Ces dernières comprennent aussi les mouvements pacifiques de résistance, un exemple récent étant
le mouvement LUCHA (actif depuis 2016) ou la mobilisation pacifique contre la prorogation des
élections en 2018, menée par la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO). À partir des
travaux développés notamment par James C. Scott, certains auteurs ont également analysé les
« formes quotidiennes de résistance » auxquelles les populations ont recours contre un ordre
politique et économique généralement oppressif (Iñiguez de Heredia, 2013). Ces formes pacifiques de
résistance ont également une longue histoire, et tirent souvent leur origine des mouvements
anticoloniaux, en particulier les mouvements religieux et millénaristes tels que le kimbanguisme
(MacGaffey, 1982).
4.3 Formes collectives et populaires de résilience
Un autre corps de littérature s’est concentré sur les pratiques populaires et les formes d’organisation
que les populations de la RDC ont utilisées face aux crises répétées. Celles-ci ne sont pas
nécessairement conçues comme une résistance politique à l’État congolais ou au régime politique,
mais plutôt comme des formes d’organisation collective face à son absence ou à sa présence
oppressive. Un volet de cette littérature s’est concentré sur l’activité économique, l’entreprise privée
et les marchés. Les travaux de Janet Mc Gaffey, par exemple, ont identifié et documenté la
persévérance et la résilience du secteur privé face à la prédation et à l’ingérence de l’État, en analysant
les formes de « capitalisme indigène » (MacGaffey, 1987) et d« économie réelle » qui ont fait preuve
d’une résilience exceptionnelle en RDC (MacGaffey, 1991). Si l’on examine le côté populaire de la
résilience, les pratiques populaires, les idiomes et limagination populaire sont généralement conçus
comme des formes de résilience collective développées par les communautés dans un contexte de
négligence institutionnalisée de la part des autorités publiques.
Souvent, des combinaisons de pratiques traditionnelles et de pratiques ayant émergé pour faire face
à des contextes particulièrement difficiles sont interprétées comme des formes typiquement
congolaises d’adaptation créative à l’adversité, ou « débrouillardise ». Cette imagination créative
populaire va des formes d’art qui ont émergé dans les rues de Kinshasa (Blanc et Yoka, 2010) avec des
instruments emblématiques tels que la Sanza qui ont acquis une notoriété mondiale, à des formes
originales d’aborder la vie quotidienne, l’organisation de l’activité économique (Ayimpam, 2014), des
13
rues de Kinshasa à celles de Goma (Trefon et Kabuyaya, 2018). Bien que ces formes de « bricolage »
pratique, organisationnel et social ne soient pas nécessairement conçues comme politiques, elles
recoupent souvent les « formes quotidiennes de résistance » mentionnées précédemment. Ces volets
de la littérature, ainsi que les processus et les pratiques qu’ils soulignent, nous permettent de
comprendre le contexte dans lequel la littérature sur la résilience en RDC a émergé et l’opposition
entre un État faible ou extractif d’une part et une population résiliente de l’autre qui l’a généralement
caractérisée.
Un segment important de la littérature spécialisée sur la RDC s’est concentré sur la façon dont diverses
formes d’expression artistique, en particulier dans le paysage musical, servent à la fois d’outils pour
relever la dimension psychologique de nombreux défis sociaux et de prisme pour capturer la condition
humaine dans le contexte congolais (Mukuna, 2020). Émergeant dans les années 1950 et presque
simultanément tissée dans la tapisserie historique de l’activisme politique nationaliste et
indépendantiste, la rumba congolaise, portée par des figures emblématiques telles que Tabu Ley
Rochereau, Franco Luambo et Le Grand Kallé, a acquis une reconnaissance internationale. Un manque
de contenu politique explicite est une caractéristique paradoxale et intrigante de cette musique qui,
selon Joseph Trapido, doit être « considérée dans son contexte social, [car elle] ne se contente pas de
refléter, mais reproduit activement un ensemble de relations économiques affectives et politiques »
(2010, p. 121). Les remarques de Trapido semblent être contredites par l’absence d’alignement
objectif de la production musicale populaire congolaise sur des exigences sociopolitiques spécifiques.
Même la chanson emblématique « Indépendance Cha Cha » interprétée dans les années 1960 par
Joseph Kabasele (nom de scène, Le Grand Kallé), pour célébrer l’indépendance congolaise de la
domination coloniale belge est un exemple de la façon dont la rumba congolaise peut s’engager dans
des événements de son temps sans « prendre parti » ouvertement dans un contexte de résistance
populaire. Il y a au moins deux explications à ce caractère apparemment apolitique de la rumba
congolaise.
Dans la première explication, Bob White (2008) propose que, au cours plus de 30 ans de régime
autoritaire de Mobutu, les artistes en général et les musiciens en particulier étaient contraints de faire
étalage de leur loyauté envers le régime, mais devaient s’autocensurer en termes d’opinions
politiques. Les récompenses pour la loyauté prenaient la forme d’un accès facile aux acteurs du
pouvoir en place et aux sources financières du régime. Inversement, la punition pour déloyauté
pouvait aller jusqu’à la mort. On pourrait toutefois soutenir qu’avant ces dérives autoritaires, la
musique congolaise des années 1950 et 1960 n’était pas caractérisée comme une musique de
protestation autour de questions sociales ou politiques (Botombele, 1976). En outre, comme
deuxième explication, une analyse plus approfondie de « l’architecture » de la plupart des chansons
de rumba congolaises révèle une structure subtile et contrastée qui mélange à la fois des messages
lyriques significatifs, et des messages plus légers de divertissement et de distraction dans la même
chanson (Martin, 2009, pp. 264-65). Cette structure est dominée par la partie la plus flamboyante
(distraction et divertissement) généralement pas jouée par le chanteur principal, mais un atalaku
(artiste) qui fait littéralement irruption sur scène et crie des louanges à l’intention de personnages
importants (libanga). Cette partie, connue sous le nom de seben, est la partie la plus longue des
chansons et celle à laquelle les spectateurs réagissent le plus vivement. Un tel arrangement occulte la
partie lyrique plus courte de la chanson, qui porte le cachet original de la création artistique et des
messages clés. Cette partie plus courte est comme une transcription cachée, dissimulée sous la
flamboyance du seben. Ce caractère en quelque sorte trompeur de la rumba congolaise contraste par
exemple avec la franchise idéologique du cinéma congolais dans une RDC (post-)conflit, que Ndaliko
(2012, p. 2) considère comme comportant de nombreux « exemples de pratiques, esthétiques et
idéologiques [...] qui émergent comme étant au cœur de grands projets de transformation sociale ».
14
Un parallèle pourrait être établi à la place entre la rumba congolaise et la culture de la SAPE. Un Sapeur
est quelqu’un qui souscrit aux principes de la SAPE (Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes).
Outil de lecture important pour l’histoire sociale de la RDC, le mouvement des Sapeurs est
généralement perçu par certains comme l’exubérante démonstration de mimétisme coloré de la
mode vestimentaire, e de circonstances coloniales. Pourtant, un style de vie sapeur va au-delà des
vêtements et du colonialisme. Ce n’est pas simplement, comme Brodin et coll. (2016) le suggèrent,
« un luxe ostentatoire comme un processus créatif et mimétique ». L’esprit et l’ensemble des valeurs
incarnés dans la SAPE sont plus anciens que le nom SAPE lui-même, qui est représentatif d’une histoire
culturelle plus longue, y compris les traditions et les croyances antérieures au colonialisme (Allman,
2004 ; Balandier, 1968). Marquer la continuité de l’histoire culturelle à travers le symbolisme de
l’apparence à la mode est avant tout une expression de l’esprit résilient qui a transporté ces traditions
et croyances au travers de défis tels que les terreurs du colonialisme et l’oppression postcoloniale de
l’État (Porter, 2010). Par conséquent, s’habiller élégamment n’est pas seulement une question
d’apparence. Comme le seben dans la rumba congolaise, l’apparence flamboyante des Sapeurs peut
à juste titre être considérée comme un subterfuge qui dissimule une expression d’agentivité déguisée,
centrée sur le message clé de défi symbolique vis-à-vis des contraintes sociotemporelles actuelles. Le
lyrisme de la rumba congolaise et l’exposition d’agence dans le mouvement des Sapeurs sont des
exemples de la façon dont la résilience peut à la fois être cachée, exprimée et mise en œuvre à travers
les pratiques culturelles et la création artistique.
Il y a cependant un changement notable dans les « pratiques idéologiques et esthétiques » (Ndaliko,
2012, p. 2) des formes et des genres artistiques qui ont émergé dans l’ère post-Mobutu.
Contrairement à la rumba avec sa méthodologie de dissimulation, les paroles, costumes et
chorégraphies des chansons hip-hop dans l’est de la RDC dépeignent clairement la guerre et le
déplacement, et véhiculent des opinions politiques à ce sujet (Ndaliko, 2014). Les artistes hip-hop du
groupe Yole, par exemple, utilisent leurs chansons pour critiquer ouvertement la corruption et
l’incapacité du gouvernement à tenir ses promesses (Lamb, 2015). À travers ces expressions
artistiques, les jeunes façonnent une voix politique qui peut être considérée comme des stratégies
d’adaptation pour naviguer les difficultés de vivre dans des régions défavorisées et déchirées par la
guerre comme les Kivus en RDC. Leurs créativités artistiques sont aussi des formes d’activisme
politique et des actions transformationnelles conscientes. Qu’il s’agisse de façonner implicitement la
résilience des communautés ou d’investir explicitement dans le changement social, les formes
vernaculaires d’expression et de pratique de la résilience sont au cœur de la condition humaine et ne
peuvent être identifiées que par une analyse approfondie de la façon dont la culture, l’histoire et les
pratiques sociales se réunissent face aux multiples perturbations des trajectoires sociales.
La section ci-dessous met en évidence un engagement empirique avec la résilience « vernaculaire » à
travers les pratiques socioculturelles en réaction aux contextes nationaux. Basé sur l’examen des
limitations des approches conventionnelles de la résilience comme nous l’avons vu dans la première
section, cet engagement empirique est fondé sur la relation historicisée entre résilience, résistance et
biopolitique. Cette relation semble être au cœur de la compréhension de la façon dont les
communautés font face à de multiples crises à long terme, et notre document de travail a retracé les
tensions au sein desquelles se développent les formes et les pratiques de résilience vernaculaire. Dans
la section suivante, nous proposons donc une voie méthodologique pour examiner ces aspects.
15
5 Résilience vernaculaire comme approche méthodologique pour
étudier les répertoires à long terme de pratiques résilientes en Côte
d’Ivoire et en RDC
Notre approche méthodologique pour étudier les répertoires de pratiques résilientes en Côte d’Ivoire
et en RDC est de regarder au-delà de l’objet ou du sujet immédiat de la résilience. Elle cherche à
retracer la résilience des communautés telle qu’elle se construit à travers le chevauchement entre 1)
l’historicité des conditions environnementales, économiques et sociopolitiques défavorables, 2) les
répertoires culturels et les pratiques sociales transmis de génération en génération, et 3) la variété
des réponses contextuelles aux crises multiples. Cette approche s’inspire de perspectives
ethnographiques, émancipatrices, cosmopolites et constructivistes sur l’expérience humaine. Elle est
donc également fondée sur une compréhension des conditions de l’oppression épistémique qui
affaiblit à la fois « l’oppresseur et les opprimés » (Byrd et Rothberg, 2011 ; Guha et Spivak, 1988) et
obscurcit les niveaux herméneutiques de la connaissance vernaculaire (Santos, 2014). Par conséquent,
une approche vernaculaire de la résilience peut aider à une compréhension a priori, et même des
réponses à l’adversité autrement non accessibles à partir du cadre conventionnel de la résilience.
Cette approche est également fermement ancrée dans une vision de la résilience non seulement
comme une description d’un système ou d’une personne, mais également comme une qualité
métaphorique qui émerge au travers de la mémoire culturelle et des pratiques sociales permettant
de faire face aux difficultés qui se croisent (Atallah, 2016 ; Kirmayer et coll., 2009 ; Shapiro, 2013).
Nous appelons donc cette résilience « vernaculaire », car elle esquisse la diversité des façons dont les difrentes
communautés réagissent aux crises multiples, tout en centralisant les pratiques culturelles et sociales
intégrées à travers le temps. Cette notion de résilience vernaculaire s’inscrit également bien dans
lheuristique du cadre de résistance tel que développé par James C. Scott (1985) à travers les « formes
quotidiennes de résistance ».
Une telle perspective sur la résilience étudie à la fois les fondements constitutifs des perturbations
sociales au fil du temps et les ramifications plurielles de chocs ou de crises spécifiques, comme on
peut le retracer à travers des pratiques de résilience individuelles et collectives. Il s’ensuit que, dans
le contexte postcolonial de la RDC et de la Côte d’Ivoire, la résilience et la résistance ne peuvent être
dissociées de la compréhension des pratiques sociales individuelles et collectives comme étroitement
liées. Une approche holistique de la résilience ne peut être linéaire ou sectorielle dans sa réflexion sur
la communauté, le contexte sociohistorique, les pratiques socioculturelles ou même la résilience elle-
même. Cette approche intègre le fait qu’un facteur donné peut améliorer la résilience dans une
situation, tout en causant la vulnérabilité dans une autre. Comme dans le cas des chansons congolaises
de rumba et de zouglou en Côte d’Ivoire, la résilience elle-même peut s’exprimer en termes presque
paradoxaux dans le même contexte géographique humain, selon les différences de périodes (Kirmayer
et coll., 2009 ; Ungar, 2010 ; Wilkinson et Kleinman, 2016). Ceci est révélateur du fait que la recherche
des conditions de souffrance humaine et des réponses vernaculaires qui y sont consacrées échappe à
la pratique des photographies des sociétés humaines, les relations interconnectées entre les pratiques
sociales actuelles étant ancrées à la fois dans des normes culturelles durables et des réponses
complexes aux problèmes qui se croisent dans divers domaines de la société. Considérant les réalités
matérielles et sociales qui s’enchevêtrent, y compris la prévalence de relations de pouvoir complexes
dans des contextes d’États postcoloniaux tout aussi résilients (Atallah, 2016 ; Fernando,
2012 ; MacKinnon et Derickson, 2012), l’analyse critique interdisciplinaire est nécessaire pour tenir
compte de la variété des pratiques sociales résilientes intégrées face aux crises multiples.
16
Notre perspective interdisciplinaire, combinant approches des sciences sociales, et approches
culturelles et artistiques de l’analyse des idiomes, des imaginaires collectifs et des pratiques de
résilience, peut être catégorisée en trois axes :
Répertoires de résistance permettant aux gens de répondre à l’instabilité, aux conflits, à
l’extraction, à la violence dans un contexte d’États inefficaces, parfois oppressifs ;
Cultures et pratique de la débrouillardise, ancrées dans des moyens de subsistance urbains et
ruraux précaires ;
Formes de culture populaire (chansons, poèmes, danse, art) qui reflètent ce qui précède, et
donnent de l’espoir, apportent un soulagement et offrent de la solidarité à ceux qui réagissent
à des contextes turbulents.
Lorsqu’elle est envisagée en dehors du paradigme conventionnel de la résilience, une approche
interdisciplinaire de l’analyse de ces trois axes permet de s’orienter vers le fait que les menaces, les
crises ou les perturbations peuvent également être intégrées dans la transformation discursive des
environnements. En tant que telle, la pertinence des pratiques vernaculaires de résilience signifie plus
que de simples représentations illustratives des variétés de résilience. Ce cadrage montre comment
les actions quotidiennes peuvent être considérées non seulement comme des pratiques exotiques
résilientes, exigeant l’entrée légitime dans l’axiologie de la résilience, mais également comme un
questionnement fondamental de la définition de la résilience elle-même, et comme un défi lancé
contre le caractère ahistorique des cadres conventionnels.
Le tournant conceptuel dans la résilience et ses implications politiques vers des solutions « bottom-
up » (de bas en haut) ont souvent cherché à mettre l’accent sur la participation, la reconnaissance et
l’intégration des communautés ciblées. Toutefois, en n’approfondissant pas lenvironnement
institutionnel et de pouvoir dans ces dynamiques de participation, ces nouvelles approches ont
tendance à être ahistoriques, négligeant la temporalité et le caractère intergénérationnel de la
résilience. L’étude interdisciplinaire de la résilience doit se concentrer davantage sur l’histoire orale
et la résilience mémorielle, comme l’indique le titre du livre d’Osterhoudt paru en 2018. Osterhoudt
(2018) rappelle comment le processus de partage des récits de l’histoire orale peut contribuer à la
résilience de la communauté, la résilience englobant ici non seulement les facteurs techniques ou
écologiques, mais aussi les domaines plus affectifs de l’héritage, de l’espoir et de l’appartenance
partagés. Garde-Hansen et coll. (2017) ont eux développé l’idée d’une mémoire durable des
inondations comme une forme critique et agentique de mémoire sociale et culturelle de
l’apprentissage de la vie avec les inondations. Ils proposent par exemple d’aborder les perturbations
causées par les « inondations » d’une manière essentielle à la compréhension de la façon dont les
communautés utilisent des pratiques de mémoire (se souvenir et oublier stratégiquement) afin de
faire face aux changements environnementaux (Garde-Hansen et coll., 2017). Les deux approches
soulignent l’importance des connaissances vernaculaires, des modes locaux de narration aux journaux
nationaux et aux réseaux sociaux, mais aussi l’historicité des connaissances vernaculaires. Les chocs
multiples étudiés dans des communautés différentes sont itératifs et relationnels, offrant un aperçu
du changement et reconnaissant les continuités de l’expérience communautaire.
Nous soutenons donc que cette connaissance vernaculaire et les formes de répertoires à long terme
doivent être situées dans l’engagement contextuel des pratiques culturelles et sociales aux niveaux
individuel et collectif en ce qui concerne les crises pertinentes. Bien que le concept de culture soit de
plus en plus reconnu dans les domaines de la réduction des risques de catastrophes, la consolidation
de la paix et les études pandémiques (voir Kulatunga, 2010 ; Mercer et coll., 2012 ; Benadusi, 2014 ;
Richmond, 2009 ; Finuras, 2020), l’accent mis sur la culture et les connaissances indigènes est
néanmoins laux mécanismes d’adaptation et surtout instrumental. Enfin, ces formes ascendantes
de maintien, d’adaptation et de résistance qui émergent à travers les stratégies et la culture populaire
17
doivent être comprises en tension avec la dynamique biopolitique descendante comme façonnant
également la résilience du système étatique.
L’État postcolonial en Afrique peut être considéré du point de vue de la résilience à la fois comme un
système résilient en soi (Lonsdale, 1981) et comme créant un contexte structurel dans lequel la
résilience populaire est organisée en réponse à l’absence oppressive ou à la présence répressive de
l’État moteurs de l’oppression », Soyinka, 1967). D’une part, il faut reconnaître que les États
africains qui ont pris forme depuis l’indépendance dans les années 1960 sont des systèmes politiques
émergents confrontés à diverses perturbations sociopolitiques et économiques, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur. Cela a remis en question leur existence même et a donné lieu à diverses dynamiques
descendantes pour maintenir le contrôle sur les populations en utilisant des ressources très limitées
ou mal réparties, et à un discours politique d’autonomie destiné à encadrer l’incapacité de l’État à
s’acquitter de ses fonctions en tant que responsable des citoyens. D’autre part, les processus sociaux
qui découlent de la fragilité des formalités et des fonctions autoritaires de l’État (dés)organisant des
espaces socio-économiques locaux ont également suscité des pratiques ascendantes qui seront
étudiées comme un engagement résilient face aux défis du contexte ainsi créé.
6 Conclusion
Ce document de travail sur nos recherches sur le renforcement de la résilience en contexte de crises
prolongées a exploré les principaux débats actuels concernant le concept de résilience. Nous avons
souligné la difficulté d’épingler le concept à l’aide d’une définition universelle, les dangers de
l’exploitation néolibérale et subversive de la résilience, et la promesse encore non tenue de
contextualisation empirique qui tend à essentialiser les formes non occidentales de résilience. Ces
lacunes ont permis à nos recherches préliminaires de situer notre travail dans une approche
ascendante et multidisciplinaire, et ce dans un cadre qui tient compte de la tendance à naturaliser la
résilience au lieu de remettre en question sa constitution à travers les crises et l’agentivité
vernaculaire. Notre hypothèse de travail sur les îlots d’innovation se situe ainsi dans le contexte
sociohistorique plus large des États postcoloniaux en Afrique, dont nous avons présenté un aperçu
pour ouvrir la voie à des analyses empiriques plus ciblées sur des communautés spécifiques.
Cette vue d’ensemble qui retrace la résilience dans les deux directions (ascendante, descendante)
dans les deux pays illustre la résilience des deux États et de leurs populations respectives dans
l’acceptation générale du concept comme la capacité de traverser les crises et de maintenir une
stabilité relative. Toutefois, un examen plus étroit du contexte de chaque pays par le biais du travail
sur le terrain se focalisera sur des communautés distinctes. À ce titre, les deux pays présentent les
promesses d’un contexte pertinent l’on peut approfondir une analyse de la résilience, ses
différentes formes collectives et individuelles. L’occasion s’y présente ainsi d’établir des comparaisons
dynamiques entre les pratiques résilientes. La tension entre les dynamiques biopolitiques
descendantes (qui façonnent la résilience du système étatique) et les formes ascendantes de maintien
et d’adaptation qui émergent à travers les stratégies et la culture populaire caractérise toutes ces
analyses. Il s’agit certainement d’un modèle significatif dans les deux pays, mais avec des nuances
spécifiques qui peuvent enrichir l’analyse. Néanmoins, loin d’une conceptualisation binaire de la
résilience qui place l’État et les communautés sur des plateformes égales, contraster les deux
orientations de résilience d’un point de vue historique constitue le point d’ancrage d’un engagement
empirique plus détaillé. Les études longitudinales sur des lieux spécifiques nous permettront de mieux
comprendre comment les répertoires à long terme des pratiques résilientes sont utilisés tout au long
de crises successives, et c’est la prochaine phase de ce projet.
18
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À propos des Auteurs
Dieunedort Wandji est actuellement chargé de
recherche sur le projet multisite Islands of Innovation
in Protracted Crises: Building Equitable Resilience
from Below, qui couvre la Côte d’Ivoire et la République
Démocratique du Congo. Il est titulaire d’un doctorat en
politique et développement international de l’Université
de Portsmouth. Il se spécialise sur les idiomes
vernaculaires de la sécurité et de la résilience au sein
des communautés frontalières en Afrique.
Jeremy Allouche est Professeur à IDS, membre du
STEPS Centre, et co-directeur du Humanitarian
Learning Centre. Il dirige le projet Islands of
Innovation in Protracted Crisis nancé par le Global
Challenge Research Fund (GCRF), et le projet New
Community-Informed Approaches to Humanitarian
Protection and Restraint nancé par AHRC/DFID
Gauthier Marchais est Chercheur à IDS et également
associé au projet GCRF. Il est titulaire d’un doctorat en
études du développement de la London School of
Economics and Political Science. Ses recherches
portent principalement sur la façon dont les sociétés se
transforment en temps de guerre, avec une perspective
multidisciplinaire.
Reconnaissance
Les auteurs aimeraient remercier le Global Challenge
Research Fund (GCRF) d’avoir rendu cette recherche
possible (Projet Islands of Innovation in Long Crises: A
New Approach to Building Equitable Resilience from
below - ES / T003367 / 1). Nous remercions également
le Professeur Ian Scoones (co-directeur du STEPS
Centre), Dr. Kando Soumahoro Amédée (LAASSE), ainsi
que Dr Albert Norström (Stockholm Resilience Centre)
pour leurs précieux commentaires.
Résilience vernaculaire:
Une approche analytique
des pratiques sociales et
des répertoires culturels
de résilience à long terme
en Côte d’Ivoire et en
République Démocratique
du Congo
STEPS Working Paper 116
Ce document de travail vise à situer notre projet de
recherche dans les débats sur la résilience. Le projet
adopte une approche socio-historique et culturelle pour
comprendre comment les communautés développent et
partagent des pratiques de résilience dans des contextes
de crises. La mise en relief de la résilience vernaculaire, telle
qu’ancrée dans les pratiques sociales et les répertoires
culturels, comble un vide laissé par les approches
conventionnelles de la résilience. Il s’agit notamment de
comprendre comment les formes de résilience sont
historiquement et localement construites au sein des
sociétés. Notre approche découle de deux observations :
premièrement, les approches conventionnelles de la
résilience dans les études de développement, de
l’humanitaire et de la consolidation de la paix portent les
limites de leurs propres hypothèses épistémiques
notamment le fait qu’elles ont des conceptions génériques
de ce qui constitue la résilience. Deuxièmement, ces
approches sont souvent ahistoriques et négligent les
dimensions temporelles et intergénérationnelles des
répertoires de résilience.
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Article
Full-text available
To cope effectively with the impacts of climate change, people will need to change existing practices or behaviours within existing social–ecological systems (adaptation) or enact more fundamental changes that can alter dominant social–ecological relationships and create new systems or futures (transformation). Here we use multilevel network modelling to examine how different domains of adaptive capacity—assets, flexibility, organization, learning, socio-cognitive constructs and agency—are related to adaptive and transformative actions. We find evidence consistent with an influence process in which aspects of social organization (exposure to others in social networks) encourage both adaptive and transformative actions among Papua New Guinean islanders experiencing climate change impacts. Adaptive and transformative actions are also related to social–ecological network structures between people and ecological resources that enable learning and the internalization of ecological feedbacks. Agency is also key, yet we show that while perceived power may encourage adaptations, it may discourage more transformative actions. Multilevel network modelling shows that social network exposure promotes both adaptive and transformative responses to climate change among Papua New Guinean islanders. Different social–ecological network structures are associated with adaptation versus transformation.
Article
In the African economies both formal and informal sectors coexist. In the telecommunications services, informal activities are growing (telephony, fax, text processing, Internet).
Article
In this article I investigate colonial constructions of ethnicity and territory and their effects in the post-independence period in eastern Democratic Republic of the Congo. The core argument of the article is that the constructions of ethnicity and territory that are set in motion in struggles over political space in the Congolese conflicts are conditioned by what I call “ethnogovernmentality”, which denotes a heterogeneous ensemble of biopolitical and territorial rationalities and practices of power concerned with the conduct of conduct of ethnic populations. Through ethnogovernmentality colonial authorities sought to impose ordered scientific visions of ethnicity, custom, culture, space, territory, and geography, upon ambivalent cultures and spaces. I show that while ethnogovernmentality failed to produce the stability and order the colonial authorities sought, its ethno-territorial regime of truth and practice has had durable effects on people’s sense of self and on struggles over political space.