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Bulletin archéologique des Écoles françaises
à l’étranger
Maghreb | 2024
Découverte d’un entrepôt dans lazone portuaire
deThapsus (RasDimass, Tunisie)
Laurent Brassous, Yamen Sghaïer, Laurence Tranoy, Mohamed BenNejma,
Guillaume Bruniaux, Jean-Michel Carozza, Lorenzo Fornaciari, Ahmed
Gadhoum, Fatma Haddad, Nicolas Lachaussée, François Lévêque, Vivien
Mathé, Chokri Touhiri et Natacha Volto
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/baefe/11828
DOI : 10.4000/1337x
ISSN : 2732-687X
Éditeur
ResEFE
Référence électronique
Laurent Brassous, Yamen Sghaïer, Laurence Tranoy, Mohamed BenNejma, Guillaume Bruniaux, Jean-
Michel Carozza, Lorenzo Fornaciari, Ahmed Gadhoum, Fatma Haddad, Nicolas Lachaussée, François
Lévêque, Vivien Mathé, Chokri Touhiri et Natacha Volto, «Découverte d’un entrepôt dans lazone
portuaire deThapsus (RasDimass, Tunisie)» [notice archéologique], Bulletin archéologique des Écoles
françaises à l’étranger [En ligne], Maghreb, mis en ligne le 14 janvier 2025, consulté le 15 janvier 2025.
URL: http://journals.openedition.org/baefe/11828 ; DOI: https://doi.org/10.4000/1337x
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Découverte d’un entrepôt dans
lazone portuaire deThapsus
(RasDimass, Tunisie)
Laurent Brassous, Yamen Sghaïer, Laurence Tranoy, Mohamed BenNejma,
Guillaume Bruniaux, Jean-Michel Carozza, Lorenzo Fornaciari, Ahmed
Gadhoum, Fatma Haddad, Nicolas Lachaussée, François Lévêque, Vivien
Mathé, Chokri Touhiri et Natacha Volto
NOTE DE L’AUTEUR
Date précise de l’opération: 6‑20mai 2023
Autorité nationale présente: Institut National du Patrimoine de Tunis
Composition de l’équipe de terrain: Mohamed Ben Nejma (Institut National du
Patrimoine) Laurent Brassous (UMR7266 LIENSs), Pascal Brunello (UMR7266 LIENSs),
Guillaume Bruniaux (UMR7266 LIENSs), Cécilia Cammas (UMR1402 Ecosys), Jean-
Michel Carozza (UMR7266 LIENSs), Xavier Deru (Université de Lille), Lorenzo
Fornaciari (École française de Rome), Ahmed Gadhoum (Institut National du
Patrimoine), Fatma Haddad (Université de Tunis), Nicolas Lachaussée (UMR7266
LIENSs), François Lévêque (UMR7266 LIENSs), Vivien Mathé (UMR7266 LIENSs),
Frédéric Pouget (UMR7266 LIENSs), Yamen Sghaïer (Institut National du Patrimoine),
Chokri Touihri (Institut National du Patrimoine), Laurence Tranoy (UMR7266 LIENSs),
Natacha Volto (UMR7266 LIENSs). Avec la participation de: Samuel Bacha, Sameh
Bettaïb, Mohamed Ali Bouchnak, Khaled Dhifi, Wajih Fadlaoui, Makrem Gabsi, Madallah
Nasraoui, Amel Minaoui, Fatma Touj, Kaïs Trabelsi, Makrem Dogui.
Partenariats institutionnels:
– Institut National du Patrimoine de Tunis
– Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
– La Rochelle Université, UMR 7266 LIENSs
– École française de Rome
Découverte d’un entrepôt dans lazone portuaire deThapsus (RasDimass, Tunisie)
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Maghreb
1
– Casa de Velázquez
– Institut national de recherches archéologiques préventives
Établissements porteurs de l’opération:
– École française de Rome
– Casa de Velázquez.
Organismes financeurs:
– Institut National du Patrimoine de Tunis
– Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
– La Rochelle Université, UMR 7266 LIENSs
– École française de Rome
– Casa de Velázquez
– Institut national de recherches archéologiques préventives
Données scientifiques produites:
https://thapsus.hypotheses.org/
1 La campagne de 2023 à Thapsus, sur le secteur2 (fig.1), a permis de mettre au jour les
vestiges d’un monument remarquable à la fois par son architecture et par l’utilisation à
grande échelle de la terre crue pour la construction de ses sols et peut‑être de ses
élévations de murs.
Fig.1. Plan des vestiges identiés de la ville antique de Thapsus.
© Pascal Brunello.
2 Le secteur2 correspond à une parcelle privée, localisée à quelques dizaines de mètres
du rivage et du port antique. En2022, elle a fait l’objet d’une demande de permis de
construire. Elle couvre une superficie de 3100m2 (fig.2), dans un secteur sensible de la
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ville antique, identifié par le «Plan de délimitation» de l’Institut National du
Patrimoine. Cette demande nécessitait une intervention d’archéologie préventive avant
de rendre au propriétaire la disponibilité du terrain. Celle‑ci a été réalisée par les
équipes de l’INP et du laboratoire Littoral ENvironnement et Sociétés LIENSs.
Fig. 2. Orthophotographie générale du secteur2.
© Lorenzo Fornaciari.
3 Les prospections géophysiques de2022 avaient révélé la présence de structures
alignées et parallèles d’orientation ouest-nord‑ouest–sud-sud‑est, d’une longueur
approximative de25m1 (fig.3).
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Fig.3. Prospection géomagnétique.
© François Lévêque.
4 Le peu de temps disponible n’a pas permis d’approfondir l’étude de l’ensemble des
structures2. Afin d’optimiser la collecte des données, nous avons concentré nos efforts
sur une superficie limitée de1560m2 et sur la mise au jour, quoique superficielle, des
structures de l’ensemble de la zone (fig.4). Deux sondages ont permis d’observer les
techniques de construction des maçonneries et leur chronologie relative.
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Fig. 4. Plan des structures fouillées en2023 sur le secteur2.
© Lorenzo Fornaciari.
5 La fouille a révélé sur la partie sud un ensemble de maçonneries qui appartient à un
vaste bâtiment. Au nord de ce dernier, les structures étant arasées et lacunaires, il n’a
pas été possible de déterminer la nature et les limites de l’occupation. Nos travaux ont
toutefois permis d’acquérir des informations sur l’orientation de l’urbanisme dans ce
secteur.
6 Le bâtiment s’organise autour de cinq travées définies par six murs parallèles, orientés
ouest‑nord-ouest–sud-sud‑est). Les sols des travées sont formés de carreaux de terre
crue (fig.2 et4). Au sud, un ensemble de pièces quadrangulaires et deux citernes
complètent le plan de ce bâtiment dont les limites ne sont pas connues à ce jour.
Travée1
7 Cette travée, définie par les mursM2180 au nord etM2081 au sud‑est, est large
de3,35m. Le murM2180 est identifié sur une longueur de3,50m. Sa fondation mesure
en moyenne 1,15m d’épaisseur. Le murM2081 est seulement reconnu par sa tranchée
d’arrachement visible sur une longueur de7,60m (fig.5). Quelques vestiges du
parement sud attestent que ce mur était, comme M2180, formé de blocs de grès coquillé
et de calcaire liés à un mortier rose. Entre les murs, sous la couche de surface (US2001),
se trouvait une strate de terre argileuse compacte présentant des nodules de chaux et
un petit cailloutis (US2103). Sous celle‑ci est apparu un sol (US2083) formé de carreaux
de terre crue de50cm de largeur sur 31cm de longueur et épais de 10cm. Les carreaux
sont disposés de manière régulière selon la technique des joints contrariés3.
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8 Des structures postérieures recoupent les murs du bâtiment, sans doute déjà en ruine.
Parmi elles, une sépulture, à cheval sur l’arase du murM2180 a livré les restes de deux
individus. Dans cette tombe était déposée une petite cruche datée duVes. apr.J.‑C., ce
qui fournit un terminus post quem.
Fig. 5. Maçonneries et sols des travées1à4.
© Nicolas Lachaussée.
Travée2
9 La travée2, large de3,30m, est délimitée au nord par le murM2081 et au sud par le
murM2003. Ce dernier est formé par un alignement de moellons de tailles hétérogènes,
de calcaires et de grès coquillés. À l’ouest, seule sa tranchée d’arrachement US2057 est
conservée. Elle atteste qu’il s’étendait sur plus de26m. La travée est également dotée
d’un pavement, US2072, composé de carreaux de terre crue placés en pose droite sur
5colonnes et 21lignes d’ouest enest. Les modules des carreaux sont de50cm sur 32cm
et épais de 10cm. Seuls les carreaux latéraux au contact des murs M2081 et M2067 sont
de demi-modules (25 sur 30cm) et disposés en décalé par rapport aux modules
centraux. À l’ouest, ce carrelage paraît fermé par un négatif de mur, composé de
pierres et de moellons sans parement net, M2082, observable en limite de fouille. La
coupe réalisée à l’est, en limite de fouille(fig.6), indique qu’il existait au‑dessus de
cette assise de carreaux au moins deux assises supplémentaires, dégradées et
partiellement enlevées lors du décapage de la couche de surface. Au‑dessus de ces
assises, la coucheUS2210 présente les mêmes tons et la même composition que les
carreaux de terre, mais aucun joint n'est distingué. Il pourrait s’agir d’adobe fondu. Si
cela est confirmé par les analyses en cours, on peut supposer que cet adobe provient de
l’élévation des murs des travées4. Chaque couche de carreaux était séparée par du sable
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gris dont nous supposons qu’il jouait le rôle de strate de régularisation pour asseoir et
caler les carreaux, faisant office à la fois d’isolant, de liant et d’amortisseur mécanique.
Fig. 6. US2210 (adobe fondu?) vue en coupe, à l’est, en limite de fouille.
© Laurent Brassous.
Travée3
10 La troisième travée large de3,46m est délimitée au nord par le murM2003 et au sud
par le murM2005, le mieux conservé de cette série de maçonneries parallèles. Il a été
observé sur une longueur de 35m. Il est large de1,2m, formé de blocs et de moellons
de calcaires et de grès coquillés de tailles hétérogènes. Les parements sont droits; le
comblement est composé de moellons liés au mortier. Les assises irrégulières varient de
10 à 25cm de hauteur. Deux sondages ont permis de l’observer jusqu’à ses fondations,
sur une profondeur de2,10m. Dans le sondage1, au nord, la fondation est construite
avec des moellons irréguliers formant une semelle (US2166) outrepassant de 15 à 20cm
le parement de l’élévation (fig.7). Dans le sondage2, réalisé à l’extrémité occidentale
du mur, la semelle de fondation est composée de grands blocs quadrangulaires de grès
coquillés, US2171, disposés en boutisses. Le sol de la travée3, US2068, était également
en carreaux de terre crue, d’un module proche de celui des travées1 et2 soit 50cm sur
34cm et 10cm d’épaisseur. Les carreaux sont ici disposés de manière régulière à joints
contrariés. Les lignes alternent toutefois les carreaux disposés sur leur largeur et ceux
placés sur leur longueur. Un sondage de3m sur 1,7m, ouvert le long du mur M2005, a
révélé la synchronie du sol et du mur ainsi que la superposition de sept couches de
carreaux (fig.8). Une mince couche de sable gris s’intercale entre chacune d’elles,
destinée sans doute au calage des carreaux. Ce sable forme également un joint vertical
entre les carreaux d’une même couche. Pour ces huit strates, les modules restent
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identiques; les carreaux sont disposés de manière décalée d’une couche à l’autre
contribuant à la solidité de l’ensemble. Ce dispositif repose sur une épaisse couche de
sable gris, US2158, qui elle‑même couvre une couche argileuse grise comprenant de
nombreux morceaux de charbon et d’os, US2163. Cette couche s’appuie sur la semelle
de fondation, US2166, du murM2005. L’installation de la fondation du mur a recoupé la
couche argileuse orangée, US2170, sous l’US2163 ainsi que l’US2173, sous-jacente,
plane, compacte et jaune. La tranchée de fondation du murUS2174 est comblée par
l’US2175.
Fig. 7. Sondage 1: fondation du murM2005.
© Laurent Brassous.
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Fig. 8. Sondage1: superposition des couches de carreaux de terre crue.
© Laurent Brassous.
11 Dans ce sondage, nous avons pu partiellement observer, sous l’US2173, un remblai de
terre brun‑vert riche en matériel, US2176, comprenant principalement de la céramique
datant de l’époque punique. On note quelques fragments de céramique attique à vernis
noir parmi lesquelles une coupe à pied haut et un skyphos dont la datation se situe entre
la fin duVes. et le début duIVes. av.J.‑C., une amphore gréco-italique, du typeMGSV,
et des amphores puniques du type RamonT‑7.4.2.1 qui datent entre leIIIeet le IIes.
av.J.‑C.5.
12 Notons le creusement, dans la stratification de carreaux de terre, d’une structure qui
s’apparente à un bassin quadrangulaire de2,5m de long sur un1,25m de large. Les
parois, US2104, US2105, US2106, sont formées de moellons de grès coquillés mesurant
entre 30 et 60cm de largeur. Ces blocs sont soit disposés en assises régulières mesurant
alors de 10 et 15cm de haut, soit calés sur le flanc. Le fond du bassin, US2191, est
composé de blocs aplanis de formes irrégulières, de grès coquillés et de calcaire. Sur ce
dallage reposait une fine couche de terre, US2107, argileuse, noire, homogène,
caractéristique d’un sédiment déposé par de l’eau stagnante. Ce sédiment est couvert
par un épais comblement riche en matériel, US2093.
13 L’espace de la travée a été compartimenté à une époque postérieure par des murs dont
les moellons irréguliers sont liés par de la terre (M2138, M2179 et M2113) (fig.2 et 4).
Ils n’ont été observés qu’à leur surface d’arasement. Les murs M2179 et M2113 forment
un espace quadrangulaire clos dont la fonction reste inconnue. Ces murs sont
directement construits sur le sol de carreaux de terre crue.
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Travée 4
14 La quatrième travée est limitée par les murs M2005 au nord et M2007 au sud. Elle est
large de3,46m. M2007 est partiellement conservé sur 20m d’ouest en est; son unique
assise est formée de pierres calcaires et de blocs de grès coquillés. Le comblement entre
les parements est fait de moellons hétérogènes liés au mortier. Le mur est épais de1m.
À l’ouest du mur, un alignement de moellons suggère que le mur se prolongeait ici, ce
que confirment les prospections géophysiques. Le sol de cette travée, US2154, est aussi
formé par un carrelage de terre crue. Les modules des carreaux de50 sur 32cm sont
similaires à ceux utilisés dans les travées1, 2et3. Dans cette travée il a été possible
d’observer les traces d’un enduit d’adobe mural, épais de quelques centimètres, US2211,
contre le parement méridional du murM2005.
15 Notons la présence, au centre de la travée, à égale distance de M2005 et M2007, d’une
base de fut de colonne d’un diamètre de0,50m. Son insertion dans l’édifice est encore
difficile à comprendre, il est ainsi impossible de savoir s’il s’agit de la fondation d’un
support de pilier de la travée. Dans cette travée, deux amphores, d’un type non
identifié, dépourvues de col, étaient fichées dans le sol.
16 Le sondage2, de 2,80m sur 1,90m, a révélé d’une part que la travée4 s’étendait à
l’ouest, au‑delà de la zone de fouille; cela est confirmé par la découverte du
prolongement du mur M2005 et de sa fondation M2171. Il a permis d’autre part de
constater que le sol de la travée ne repose pas ici sur plusieurs niveaux de carreaux de
terre crue, à la différence de ce qui a été observé dans la travée3, mais sur un épais
remblai formé d’éléments de destruction. Ce remblai est constitué de gros blocs et
déchets de construction US2177, en particulier d’épais fragments de sol en béton de
tuileau, ainsi que de terre et de moellons, US2153.
17 La travée a été compartimentée, dans une phase ultérieure, par différents murs de
refends principalement faits de moellons irréguliers de 10 à 20cm, liés à la terre
comme les mursM2006 et M2010, ou construits de petits moellons réguliers posés de
champs également liés à la terre comme M2115.
Travée5
18 La travée 5 est circonscrite par les murs M2005 au nord et M2009 au sud. Elle est large
de3,40m (fig.2 et4). Le murM2009, long de32m et épais de0,80m, a été observé sur
une assise. Il présente deux factures différentes sur sa longueur. À l’ouest, la
construction du mur alterne de gros blocs de grès coquillés posés en boutisses avec un
remblai entre les blocs, fait de petits moellons d’une dizaine decm. À l’est, le mur est
formé plus classiquement de deux parements de blocs taillés et d’un blocage interne de
petits moellons. À ce niveau, le parement sud est endommagé. Dans cette travée, seuls
quelques vestiges lacunaires d’un sol en carreaux de terre crue ont été observés. Les
modules des carreaux sont semblables à ceux observés dans les travées précédentes,
soit50cm sur 32cm. La travée est également compartimentée par au moins trois murs
de refends postérieurs. Le premier, mal conservé, correspond à un alignement de
pierres, sans doute des fondations, prolongeant au sud le murM2115, perpendiculaire
au murM2009. Le deuxième correspond au murM2116 perpendiculaire au mur M2009
qu’il chevauche. À l’endroit de ce chevauchement, le mur M2009 paraît avoir été coupé
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et renforcé au contact du mur M2116 par les murs M2099 et M2100 formés de moellons
hétérogènes. Le mur M2116 s’étend sur 3,20m, soit presque la totalité de la largeur de
la travée. Il est épais de0,86m. Il est également formé de moellons de pierres
hétérogènes posés de champs; les parements sont irréguliers et liés à la terre. À l’est de
la travée, les murs de refends M2008 et M2002, perpendiculaires à M2007 et M2009,
compartimentent également l’espace. Ces deux murs de fabriques similaires sont
largesde 0,55m; ils sont formés de blocs en calcaire ou grès coquillés taillés de10 à
25cm de large. Les parements sont réguliers; le blocage est composé de petits
moellons. Une seule assise a pu être observée.
Les salles etciternes méridionales
19 Au sud des travées, l’espace est davantage compartimenté (fig.2 et4). À l’ouest se
situent deux salles dont les murs périphériques sont arasés; les sols sont en béton de
tuileau épais d’une dizaine de cm (US2015 et US2130). La première salle, fermée par les
mursM2131, M2124 et M2129, est quadrangulaire et mesure 7m sur 6m. La seconde,
fermée par les murs M2129 et M2128 pourrait avoir été plus étroite. Située en bordure
de la zone de fouille, son extension maximale reste inconnue. À l’ouest de ces deux
salles, un mur de16,46m de long partage l’espace en deux parties. Il est formé de blocs
en calcaire ou grès coquillé taillés de10 à 25cm de large. Les parements sont réguliers;
le blocage est fait de petits moellons. Une seule assise a pu être observée. Son épaisseur
varie entre 0,60m à l’ouest et 0,70m à l’est. Cette différence de factures indique
l’existence de deux murs, M2124 et M2016. Au nord, les murs de compartimentation
sont mal conservés. Il s’agit de tronçons de murs parallèles, M2101, ou
perpendiculaires, M2012 à M2009, construits en moellons de pierres hétérogènes posés
de champs; les parements sont irréguliers et liés à la terre. Ils ne dessinent pas
d’espaces significatifs. Plus à l’est les murs M2031, M2032 et M2004, faits de gros
moellons taillés aux parements nets et épais de0,60m, forment un espace
quadrangulaire de 5,10m sur 6,50m fermé, à cheval sur le mur M2009. L’examen des
liaisons des murs n’a cependant pas permis de déterminer si cet espace était antérieur
ou postérieur au murM2009. Notons enfin dans ce secteur la présence d’une
énigmatique bande de béton, US2118, longue de10,71m et large de0,60 à 1,50m. Au
sud, cette bande épouse les murs M2016 et M2013. Au nord, ses côtés sont lisses. Ce
lissage suggère le négatif d'un mur contre lequel la bande était posée. En surface,
celle‑ci s’avère légèrement concave en son centre. Il pourrait s’agir des vestiges d’un
système de canalisation d’eau.
20 Au sud des murs M2124 et M2016, l’espace est divisé en deux modules similaires dont
ne sont conservées que les parties septentrionales. Chaque module comprend d’ouest
en est, une citerne, deux petites salles quadrangulaires et une salle oblongue (fig.9).
Les dimensions du module 1 à l’ouest sont plus petites que celle du module2. Les
citernes de ces modules sont trilobées et de dimensions identiques. La partie principale
de la citerne mesure 3,90m sur 1,10m de large. À l’est un appendice de la citerne
mesure 1,58m sur 0,70m. Le temps et les moyens disponibles n'ont pas permis de vider
ces citernes pour connaître leur profondeur et estimer ainsi leur contenance. Elles sont
construites avec de gros blocs de grès coquillés. Leurs couvertures sont en bâtière avec
deux plans inclinés formés par de gros blocs de grès coquillés en double pente. Le
revêtement interne est en béton lissé gris, fait de chaux et de cendres. Notons quelques
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traces de réparations du revêtement en béton de tuileau. La citerne US2038 du
module2 est dotée de trois conduits en céramique de 8 à 10cm de diamètre. Deux
conduits devaient servir au remplissage de la citerne, US2122, US2123; le troisième,
horizontal, correspond probablement à un trop plein, US2124. Àun mètre au sud de
chacune de ces citernes, se trouve un puisard. Les deux puisards similaires, de 48cm de
diamètre, sont construits en pierres de calcaire et de grès taillées liées au mortier; les
assises mesurent de12 à 14cm. La profondeur observée du puisard de la citerne2038
est de1,25m mais le fond n’a pas été atteint. Il n’avait pas de margelle. Ces puisards
étaient vraisemblablement liés aux citernes, pour permettre d’extraire l’eau de ces
dernières, peut‑être par un effet de siphon qu’il n’a pas été possible de vérifier. À l’est
des citernes, deux pièces quadrangulaires sont formées par des murs en pierres de grès
coquillés taillées, liées au mortier de chaux; ces murs sont épais de0,40 à 0,50cm. Le
sol de ces pièces a été doté à un moment donné de mortier lissé, US2039. À l’est deux
pièces oblongues se trouvent dans chaque module. Dans le module1, la pièce est longue
d’au moins 4,80m sur 2,58m de large. Dans le module 2, elle est longue d’au moins 4m
sur 3,54m de large. À l’est de cette dernière, une salle quadrangulaire d’au moins
3,50m2 complète l’ensemble. Située en bordure de fouilles, ses dimensions restent
incomplètes.
Fig. 9. Les citernes dans leur contexte; vue verticale vers lesud.
© Nicolas Lachaussée.
Conclusion
21 Ces découvertes, dans le secteur méridional du terrain, montrent la présence d’un
édifice de vastes dimensions s’organisant autour de cinq travées, larges en moyenne
de3,40m, dont les sols sont pourvus d’un carrelage en terre crue. En l’attente de
Découverte d’un entrepôt dans lazone portuaire deThapsus (RasDimass, Tunisie)
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données plus précises, nous pouvons déjà esquisser un calage chronologique large pour
la construction et l’usage de ce bâtiment: les données proviennent d’une part d’une
strate sous-jacente contenant du mobilier de la fin de l'époque punique et de l’époque
républicaine romaine et d’autre part d’une sépulture postérieure à cet édifice
contenant un vase duVes. apr.J.‑C. D’après le murM2005, le mieux connu, les travées
s’étendent sur au moins 35m d’est en ouest. La limite septentrionale semble être
atteinte par le murM2180. Au‑delà de ce mur l’orientation des structures adopte une
divergence d’environ45° qui signale un autre programme de constructions dont une
part au moins est postérieure. Au sud, un ensemble de pièces se distingue des travées.
La présence de sols en béton tuileau et de citernes couvertes évoquent des installations
à finalité productives. Si ces structures ont pu être liées à l’édifice aux travées, il n’est
cependant pas possible de l’attester car aucun accès n’a été mis au jour entre les travées
et ces pièces. De même aucune porte de communication entre les travées n’a pu être
identifiée.
22 L’absence de béton lissé étanche sur les murs des travées ou sur les sols permet
d’écarter l’idée qu’il s’agissait de citernes dont la conception en longues travées
juxtaposées est comparable avec ce type d’édifice. En revanche ce plan ainsi que la
proximité du port invitent à proposer l’hypothèse que ces vestiges correspondent à des
entrepôts liés aux activités maritimes. La présence de tels équipements sur le rivage est
commune et bien documentée en Afrique comme à Meninx6, Hergla7, Rass Ghirane (Ras
Ben Sekka)8 ou Leptis Magna 9. Nombre d’entre eux par ailleurs fournissent des
parallèles architecturaux. Il s’agit de bâtiments de grandes superficies qui s’organisent
également autour de longues travées dallées dont l’écartement, souvent entre 3et4m,
est proche de celui de l’édifice découvert à Thapsus. Remarquons que pour les
entrepôts d’Hergla, T.Ghalia et Fr.Villedieu soupçonnent une élévation en terre pour
certains murs et supposent que les sols étaient en terre battue, deux caractéristiques
qui les rapprocheraient de ceux de Thapsus.
23 Nous n’avons pas exhumé de matériel manufacturé ou de restes d'ichtyofaune
caractéristiques d’activités commerciales et/ou halieutiques. La comparaison des
structures avec le plan du Stabulum Factionis Russatae à Rome10 offre une autre piste
d’interprétation. Le bâtiment aurait pu servir à la stabulation d’animaux en transit par
le port, d’autant que les citernes et le bassin pourraient, selon cette hypothèse, avoir un
usage pour leur entretien et leur hydratation ainsi qu’au nettoyage des structures. À
l’orée de notre étude, nous n’écartons aucune hypothèse pour interpréter ces
bâtiments qui nourrissent la connaissance des structures littorales de la ville antique de
Thapsus.
BIBLIOGRAPHIE
DRINE 2007
Ali Drine, «Les entrepôts de Méninx», Antiquités africaines43, 2007, p.239‑251.
Découverte d’un entrepôt dans lazone portuaire deThapsus (RasDimass, Tunisie)
Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger , Maghreb
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Taher Ghalia, Françoise Villedieu, «Recherches en cours sur l’entrepôt d’Hergla (Tunisie)», dans
Véronique Chankowski, Xavier Lafon, Catherine Virlouvet(dir.), Entrepôts et circuits de distribution
en Méditerranée antique, Athènes, EFA, BCH Suppl.58, 2018, p.209‑230.
RICKMAN 1971
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Hédi Slim, Pol Trousset, Roland Paskoff, Ameur Oueslati, avec la collaboration de Michel Bonnifay
et Jean Lenne, Le littoral de la Tunisie. Étude géoarchéologique et historique, Paris, 2004.
THUILLIER 2022
Jean‑Paul Thuillier, «Le siège des quatre factions du cirque au Champ de Mars. Retour sur les
fouilles du Palais Farnèse (1974)», dans Philippe Fleury, Sophie Madeleine(dir.), Topographie et
urbanisme de la Rome antique, nouvelle édition en ligne: http://books.openedition.org/puc/29034.
ISBN : 978-2-38185-222‑5. DOI : https://doi.org/10.4000/books.puc.29034.
TRANOY etal. 2023
Laurence Tranoy, Yamen Sghaïer, Laurent Brassous, avec Mohamed BenNejma, Guillaume
Bruniaux, Jean-Michel Carozza, Lorenzo Fornaciari, Ahmed Gadhoum, Fatma Haddad, Nicolas
Lachaussée, François Lévêque, Vivien Mathé, Chokri Touhiri et Natacha Volto, «Thapsus, port
antique de Méditerranée», BAEFE, 2023. DOI: https://doi.org/10.4000/baefe.7660.
NOTES
1. TRANOY etal. 2023, fig.5.
2. Le plan de surface avait été en partie dégagé et certaines structures fouillées durant
les mois précédents la mission de mai2023.
3. Une étude détaillée sur ces données est en cours pour une prochaine publication.
4. Analyses conduites par Cécilia Cammas, Inrap, UMR1402 Ecosys.
5. L’étude céramique est menée par Yamen Sghaïer(INP) et Fatma Haddad (Université
de Tunis).
6. DRINE 2007.
7. GHALIA, VILLEDIEU 2018.
8. SLIM etal. 2004, p.209.
9. RICKMAN 1971, p.135.
10. THUILLIER 2022.
Découverte d’un entrepôt dans lazone portuaire deThapsus (RasDimass, Tunisie)
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INDEX
Année de l’opération : 2023
Thèmes : EFR
nature https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtb1E0Dz7cSX
sujets https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrt5g258z4mhg, https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/
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lieux https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtFfNysEfSPf, https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/
pcrtZwfwfG5NLx
AUTEURS
LAURENT BRASSOUS
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
YAMEN SGHAÏER
Institut National du Patrimoine, Tunis
LAURENCE TRANOY
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
MOHAMED BENNEJMA
Institut National du Patrimoine, Tunis
GUILLAUME BRUNIAUX
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
JEAN-MICHEL CAROZZA
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
LORENZO FORNACIARI
École française de Rome
AHMED GADHOUM
Institut National du Patrimoine, Tunis
FATMA HADDAD
Université de Tunis
NICOLAS LACHAUSSÉE
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
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FRANÇOIS LÉVÊQUE
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
VIVIEN MATHÉ
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
CHOKRI TOUHIRI
Institut National du Patrimoine, Tunis
NATACHA VOLTO
LaRochelle Université, UMR7266 LIENSs
DIRECTEURFOUILLES_DESCRIPTION
LAURENT BRASSOUS
La Rochelle Université, UMR7266 LIENSs
YAMEN SGHAÏER
Institut National du Patrimoine, Tunis
LAURENCE TRANOY
La Rochelle Université, UMR7266 LIENSs
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