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ESSAI DE THÉORIE GÉNÉRALE
DE LA RECHERCHE QUALITATIVE DE TERRAIN
EN DIDACTIQUE DES LANGUES-CULTURES
Christian PUREN
Professeur émérite
Université Jean Monnet (Saint-Étienne, France)
Première édition électronique www.christianpuren.com, septembre 2024, 60 p.
www.christianpuren.com/mes-travaux/2024i/
page 1
Table des matières
(liens cliquables)
Introduction .................................................................................................................. 2
1. Modèles, systèmes et modèles systémiques .................................................................. 4
1.1 La notion de « modèle » en DLC ............................................................................. 4
1.1.1 Le modèle, médiateur indispensable entre la théorie et la pratique ........................... 5
1.1.2 Le modèle, une représentation simplifiée d’une réalité destinée à être complexifiée .... 6
1.1.3 Les différentes fonctions des modèles ................................................................... 7
1.2 Le processus de modélisation ................................................................................. 8
1.3 La notion de système ............................................................................................ 9
1.2 La modélisation systémique ................................................................................. 11
2. La recherche en didactique des langues-cultures .......................................................... 14
2.1 Le projet de référence : l’intervention .................................................................... 14
2.2 L’opération cognitive de référence : la conceptualisation des données de terrain ......... 17
2.3 La démarche de référence : l’ingénierie ................................................................. 18
2.4. L’outil de référence : la modélisation .................................................................... 19
3. Le modèle du système de la recherche en DLC ............................................................. 20
3.1 Les composants du système ................................................................................. 20
3.1.1 Les données de terrain .................................................................................. 20
3.1.2 Les modèles méthodologiques ........................................................................ 21
3.1.3 Théories et modèles théoriques ...................................................................... 23
3.2 Les dynamiques externes : entrées, sorties et réentrées .......................................... 25
3.2.1 Les entrées dans le système ........................................................................... 25
3.2.2 Les sorties du système .................................................................................. 35
3.2.3. Réentrées et nouvelles entrées dans le système .............................................. 35
3.3 Les dynamiques internes ..................................................................................... 36
3.3.1 Les processus récursifs .................................................................................. 36
3.3.2 Les processus linéaires .................................................................................. 39
Conclusion ................................................................................................................... 48
Bibliographie de référence ............................................................................................. 50
Annexe 1 : schéma 1, « Le système général de la recherche en DLC » ................................ 57
Annexe 2 : schéma 2, « Les différents types de recherche en DLC » ................................... 58
Annexe 3 : schéma 3, « Typologie des modèles didactiques en DLC » ................................. 59
Liste des figures et tableaux .......................................................................................... 60
Sigles fréquemment utilisés
DLC : Didactique des Langues-Cultures
FLE : Français Langue Étrangère
L1, L2: Langue cible, Langue source
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 2
“There is nothing so practical as a good theory.” Kurt Lewin
“There is nothing so theoretical as a good method.” Antony G. Greenwald
« Nous ne raisonnons que sur des modèles. » Paul Valéry
Introduction générale
Le présent essai de 2024 est une réécriture presque intégrale d’un premier essai que j’ai rédigé
sur le même thème et publié en 2015 sur ce même site www.christianpuren.fr : Théorie générale
de la recherche en didactique des langues-cultures. Essai (2015a)
1
. Il s’agit dans cette nouvelle
version :
– d’afficher clairement, dès le titre de cet essai, que le type de recherche visé est la « recherche
qualitative de terrain », définie comme une recherche opérant à un certain moment une
conceptualisation de données recueillies sur le terrain ou chez les acteurs de terrain (les
apprenants et l’enseignant), quel que soit le chercheur (depuis l’enseignant observant les
réactions de ses élèves pour piloter en temps réel son action en classe, jusqu’au chercheur
universitaire testant des théories ou modèles linguistiques sur des corpus d’échanges en classe),
quel que soit son objectif (simplement de comprendre le processus didactique, ou le comprendre
pour en même temps proposer des moyens de l’améliorer, ou encore développer des outils de
recherche), enfin quel que soient les outils et dispositifs utilisés dans le cadre d’une recherche
de type qualitatif) ;
– de tenir compte de mes recherches et publications postérieures à la première version de 2015,
et tout particulièrement :
– d’un article de 2020 intitulé « Le système des modèles en didactique des langues-
cultures
2
: modèles pratiques, praxéologiques, théoriques, didactologiques »(2020a),
dans lequel j’ai modifié ma typologie des modèles disciplinaires,
– et d’un essai de 2022 intitulé Modélisation, types généraux et types didactiques de
modèles en didactique complexe des langues-cultures (2022f), dans lequel je présente
une typologie des modèles : le modèle-correspondances, le modèle cartographique, le
modèle procédure, le modèle processus, le modèle-réseau, ainsi que le type de modèle
auquel appartient celui qui fait l’objet du présent essai, le modèle systémique ;
– et de me concentrer exclusivement sur la discipline « didactique des langues-cultures »
(désormais « DLC »), en supprimant la comparaison entre elle et les Sciences de gestion (i.e.
de management d’entreprise) que je développais systématiquement dans la version de 2015.
Mais cette comparaison reste à mes yeux tout-à-fait valable : c’est elle qui m’a permis alors de
concevoir la modélisation d’ensemble du système de la recherche en DLC que je reproduis ici à
1
Toutes les références de type année + lettre (ex. : 2015a) ou simple nombre à trois chiffres (ex. 023) en
liens cliquables (ex. : 2015a, 023) sans précision d’auteur renvoient ici à mes propres publications.
2
Dans le présent essai, on trouvera, dans certains de mes textes ou leurs titres, des occurrences des deux
autres expressions que j’ai dans le passé utilisé comme certains collègues, « didactique des langues » et
« didactique des langues et des cultures ». Sur la justification de cette expression de « didactique des
langues-cultures » que j’utilise systématiquement désormais depuis une vingtaine d’années, cf. 2022f,
chap. 3.1.3, pp. 12-13.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 3
l’identique en annexe 1 (je le désignerai désormais sous le nom de « schéma 1 »)
3
. Je reste
donc redevable à Albert David, à l’époque Professeur de management à l'Université Paris-
Dauphine, de son projet d’élaboration d’une « théorie universelle de la recherche en
management ». Son article, intitulé « La recherche-intervention, un cadre général pour les
sciences de gestion ? » a été publié en 2000. Il est encore actuellement (juillet 2024) disponible
en ligne sur le site de l’AIMS, Association Internationale de Management Stratégique.
Je présente ici une théorie générale de la recherche en DLC telle que j’ai pu l’élaborer
− en en conceptualisant et en en sélectionnant les concepts-clés à partir de mon
expérience d’enseignant, de chercheur et de formateur à la recherche dans ma discipline,
ainsi qu’à partir de l’analyse des travaux d’autres chercheurs et formateurs à la
recherche ;
− en la théorisant en m’inspirant de travaux portant sur ce que l’on peut regrouper sous
le nom de « systémique », ou « théorie des systèmes » ;
− enfin en la modélisant de manière à lui donner la forme concrète d’une représentation
graphique dynamique – un « modèle systémique », plus précisément – qui réunit et relie
entre eux tous les concepts clés tout en maintenant des relations avec son environnement
extérieur
4
.
L’objectif de cet essai est de proposer aux lecteurs la modélisation la plus complète possible du
système de la recherche en DLC, afin qu’ils puissent exploiter pour eux-mêmes les différentes
fonctions que peuvent réaliser les modèles, et que je présente en détail au chapitre 1.1.3 : la
fonction cognitive (ils auront une meilleure perception globale de la configuration et du
fonctionnement de ce système), la fonction pédagogique (il auront mieux compris ce système,
et la manière dont ils conçoivent personnellement la recherche), la fonction heuristique (le
modèle leur suggéra de nouvelles idées) et la fonction décisionnelle (le modèle leur donnera
l’envie de se lancer dans de nouvelles recherches personnelles ou collectives).
On trouvera cette modélisation d’ensemble schéma 1. Elle est très complexe, et j’y renverrai
constamment mes lecteurs : je ne peux que leur conseiller, par conséquent, de l’imprimer pour
l’avoir constamment sous les yeux pendant la lecture du présent essai. Ils trouveront sans doute
intérêt à en faire de même pour les deux autres annexes 2 et 3 (« schéma 2 », « schéma 3 »)
auxquels certains passages du présent essai se réfèreront également.
Du point de vue de sa méthodologie de recherche, le présent essai de 2024 est à mettre en
relation, outre avec mes deux textes cités plus haut (2020a et 2022f), avec les quatre
publications suivantes, qui la préparaient déjà (elles datent de la fin des années 1990-tout début
des années 2000) :
– Un article intitulé « Concepts et conceptualisation en didactique des langues : pour une
épistémologie disciplinaire » (1997b), avec en particulier la présentation que j’y fais de
A. Michael Huberman A. & Mattew B. Miles Analyse des données qualitatives (1991). La
3
Ce schéma subi, au cours de la première rédaction de cet essai, de très nombreuses modifications. Il n’a
pas été modifié pour cette seconde rédaction, mais, pour reprendre l’expression de A. Michael Huberman
et Mattew B. Miles (1991), il n’est toujours qu’« un cadre conceptuel, [c’est-à-dire] simplement une version
momentanée de la carte du territoire exploré par le chercheur » (p. 54).
4
Je reviens sur ce processus au chapitre 1.2.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 4
démarche de recherche que j’ai présentée ci-dessus (conceptualiser – théoriser –
modéliser) est largement inspirée de cet ouvrage.
− Un chapitre d’ouvrage intitulé « Comment théoriser sa pratique ? » (1999h), où je
propose en particulier pp. 28-30 une séance de travaux pratiques de modélisation portant
sur les différentes origines des méthodologies personnelles d’enseignement (je reproduis
cette modélisation infra chap. 3.2.1.2).
− Le chapitre 5 de mon cours de Méthodologie de la recherche en DLC, « Mettre en œuvre
ses méthodes de recherche » (DLC-MR5). Il vise principalement à présenter et
commenter une typologie des types de recherche universitaire en DLC reproduite ici au
schéma 2.
− Le Dossier n° 3 de mon cours sur « la DLC comme domaine de recherche » : « La
perspective didactique 1/4. Modèles, théories et paradigmes » (DLC-DR3). Il aborde,
comme on le voit à son titre, la problématique épistémologique sur laquelle porte
l’ensemble du présent essai.
1. Modèles, systèmes et modèles systémiques
Il existe une relation étroite obligée entre les concepts de « système » et de « modèle », comme
le rappelle l’ingénieur et économiste français Bernard Walliser dans son ouvrage de 1977 intitulé
Systèmes et modèles. Introduction critique à l'analyse de systèmes :
Le concept de système est en fait inséparable du concept de modèle, conçu comme
système représentatif d'un système concret
5
. Tout système réel n'est connu, en
effet qu'à travers des modèles représentatifs (représentations mentales individuelles ou
représentations explicitées formellement). Inversement, tout modèle peut être considéré
comme un système spécifique, qu'il soit de nature concrète (maquette) ou abstraite
(ensemble de signes). (1977, pp. 10-11)
C’est ce qui explique qu’un autre épistémologue, Jean-Louis Le Moigne, puisse établir une
équivalence entre les deux théories correspondantes dès le titre de son ouvrage de 2006, La
théorie du système général. Théorie de la modélisation.
Il me faut bien cependant dans cette première partie présenter successivement les notions de
modèle (chap. 1.1), de système (chap. 1.2) et de modèle systémique (chap. 1.3). Cette
présentation se limitera ici à ce qui me semble indispensable pour introduire la thématique du
présent essai, à savoir la modélisation de la recherche en DLC. Je renvoie mes lecteurs, pour
plus de détails, à mon essai sur la modélisation en DLC déjà cité supra (2022f).
1.1 La notion de « modèle » en DLC
Le « modèle » présente, comme le constate Sinaceur (cité par Alex Mucchielli 2006),
une grande variété d’acceptions dans les sciences. Un modèle, ce peut être la
simplification d’une théorie, la reproduction analogique d’une réalité concrète, la
formalisation logique d’un ensemble de propriétés, la mise en équation d’un ensemble
d’observations et de mesures, un échantillon concret d’un fonctionnement particulier, ou
encore une réalisation matérielle du type « maquette». (p. 2)
5
Je souligne. B. Walliser donne une définition équivalente dans son ouvrage de 2011 : un modèle est « un
système formel qui représente un système réel » (p. 9).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 5
Cela m’autorise à proposer ici la définition qui me paraît la plus adéquate pour la DLC : il se
trouve – et ce n’est bien sûr pas un hasard – qu’elle est très proche de celle des Sciences
humaines et sociales auxquelles j’emprunte la démarche de modélisation que je propose, celle
de A. Michael Huberman A. & Mattew B. Miles : un modèle, dans le sens de produit d’une
modélisation
6
, est une représentation schématique d'une réalité à partir d’un certain nombre de
concepts-clés interreliés, qui vise non pas à représenter la réalité en elle-même, mais à se
la représenter à soi-même.
1.1.1 Le modèle, médiateur indispensable entre la théorie et la pratique
Au début de mon essai de 2022 sur la modélisation en DLC, j’explique la raison pour laquelle les
modèles sont indispensables en DLC :
Toutes les réalités didactiques sont par nature complexes : elles correspondent non pas
à des problèmes qu’on peut régler, mais à des problématiques qu’on ne peut que gérer
(cf. 023). C’est pourquoi je parle personnellement depuis près de trois décennies, dans
les contextes où l’épistémologie de la discipline est en jeu, de « didactique complexe
des langues-cultures »
7
.
Or les problématiques ne peuvent être gérées qu’au moyen de modèles, qui ne sont :
– ni des applications de théories
8
: celles-ci en effet limitent leur domaine pour des
raisons de cohérence interne et d’opposition aux théories concurrentes ;
– ni des reproductions de pratiques : celles-ci en effet sont limitées parce qu’adaptées à
leurs seuls environnements d’élaboration. (2022f, p. 2)
Le modèle, de par sa nature épistémologique elle-même, est une « interface » entre l’abstraction
théorique et la pratique concrète. Comme nous venons de le voir avec Sinaceur, ses acceptions
sont très diverses, mais la fonction essentielle qu’il assume est constante : « Un modèle fait
toujours fonction de médiateur entre un champ théorique dont il est une interprétation, et un
champ empirique dont il est une formalisation » (p. 2.). Bernard Walliser, dans un article de
2007 intitulé « Les fonctions des modèles économiques », indique comme l’une des fonctions
des modèles la « fonction empirique » qu’il définit ainsi : « Un modèle s’impose comme un cadre
puissant de confrontation des idées théoriques aux données empiriques » (p. 5).
Dans le chapitre 5 de mon cours en ligne DLC-DR3
9
, je cite (pp. 9-10) un passage d’Émile
Durkheim où, réfléchissant dans les premières années du XXe siècle au statut de la pratique et
de la théorie en pédagogie – discipline encore plus proche épistémologiquement de la DLC que
la sociologie, parce sa visée est la même, celle d’amélioration du processus d’enseignement-
apprentissage –, il finit par définir la pédagogie comme « une théorie pratique » : pour résoudre
le paradoxe exprimé par cette formule, il suffit d’intercaler, entre les deux concepts, celui de
« modèle » avec sa fonction médiatrice.
Le modèle assure cette médiation dans les deux sens de la relation théorie pratique. Dans le
sens – pour reprendre les deux concepts utilisés dans le schéma 1 – de la conceptualisation
6
Cette précision est nécessaire pour distinguer ce sens de modèle de celui, le plus fréquent dans le langage
courant, de « modèle concret à imiter ». Nous verrons plus avant, à propos des différentes fonctions du
modèle produit d’une modélisation, que le produit d’une modélisation est au contraire un « modèle abstrait
à manipuler ».
7
Cf. mon manifeste « Pour une didactique complexe », 2003b.
8
Sur la signification accordée à « théories » dans le présent essai, cf. infra chap. 3.1.3.
9
Le chapitre 2 de ce cours (pp. 10-14) est entièrement consacré à la notion de « modèle ».
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 6
(ou induction allant des connaissances et expériences pratiques vers la théorie), et dans le sens
de la mobilisation (de la théorie à sa mise en œuvre dans les pratiques).
1.1.2 Le modèle, une représentation simplifiée d’une réalité destinée à
être complexifiée
En tant que représentation schématique d’une problématique au moyen d’un nombre limité de
concepts, un modèle est toujours une simplification volontaire de la complexité. Mais cette
simplification est réalisée consciemment, au moyen de « concepts-clés » induits (ou
« abstraits », ou encore « conceptualisés ») à partir de nombreuses connaissances et
expériences pratiques puis sélectionnés en fonction de leur pertinence propre et leur capacité à
se relier aux autres de manière « significative » dans le sens premier du qualificatif, i.e. en
rappelant ou en créant du sens par rapport à ces connaissances et expériences.
C’est justement l’aspect simplifié du modèle qui permet à tous ses utilisateurs de reconstituer
pour eux-mêmes la complexité à la fois d’un point de vue abstrait, en diversifiant à leur idée les
modes et significations de la mise en relation des concepts – et même en en rajoutant ou en en
supprimant –, et à l’inverse, d’un point de vue concret, en rattachant ces concepts à leurs
propres expériences et connaissances.
En toute fin de conclusion à son ouvrage de 2001, Histoire des didactiques disciplinaires 1960-
1995, Philippe Sarremejane, professeur en sciences de l’éducation et qui se présente aussi
comme un épistémologue, critique ainsi les effets qu’il prête à la nécessaire conceptualisation
des pratiques d’enseignement :
La didactique est un hybride qui vit son écartèlement au gré des courants contradictoires
qui la traversent, […] elle est un « ni… ni… ». Ni théorique parce qu'elle ne veut pas
rompre avec « le sens pratique » qui la constitue et qui ressort aux individus empiriques,
ni pratique, parce que vouloir comprendre la pratique nécessite la médiation mutilante
d'un code symbolique qui de fait, se coupe du réel tel qu'il est. Il ne reste alors qu'un
substitut appauvri. (2001, pp. 444-455, je souligne)
De manière très surprenante, cet auteur ignore complètement cette fonction essentielle des
modèles, qui est de servir de support de « recomplexification » personnelle. En atteste entre
autres, dans la discipline de P. Sarremejane, le succès non démenti depuis sa publication en
1988 du modèle du « triangle didactique » de Jean Houssaye, qui s’explique aisément par la
richesse des réflexions qu’il suscite encore lorsqu’on l’exploite dans le domaine des pratiques
d’enseignement comme outil de description et d’intervention didactiques :
Figure 1
Modèle du « triangle didactique » de J. Houssaye (1988)
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 7
J. Houssaye présente ce schéma comme un « modèle de compréhension et de construction du
fonctionnement de la situation pédagogique » (p. 19). On pourrait ajouter « ainsi que de
reconstruction », parce que son intérêt, comme tous les modèles, est de pouvoir être manipulé
par d’autres didacticiens ou enseignants en fonction de leurs conceptions et de leurs objectifs.
Dans mon essai sur la médiation, j’ai complexifié ainsi ce modèle pour la DLC, avec les
explications que je reproduis en-dessous d’une manière qui me semble éclairer par ailleurs
l’insuffisance de la seule « centration sur l’apprenant »
10
:
Figure 2
Schéma augmenté en DLC du « triangle didactique » de J. Houssaye (1988)
– La médiation didactique la plus forte consiste à faire apprendre avec un étayage robuste
et préconçu à partir des savoirs (cf. la flèche en pointillés du haut dans le schéma ci-
dessous) : la logique dominante est celle du processus « enseigner ».
– La médiation didactique la plus faible consiste à simplement proposer aux élèves des
dispositifs de formation autonome à l’apprentissage (cf. la flèche en pointillés du bas) :
la logique dominante est alors celle de la formation – en l’occurrence de la formation à
l’apprentissage. (2019b, p.15)
1.1.3 Les différentes fonctions des modèles
Ce que j’ai fait jouer ainsi sur le modèle de J. Houssaye, c’est l’une des fonctions que les
épistémologues assignent aux modèles, la fonction cognitive (ou « descriptive »). Dans un
document de synthèse (014), je présente ainsi les correspondances repérables entre les
différentes fonctions des modèles proposées par Franck Varenne (2022) et Bernard Walliser
(1977)
11
:
10
J’avais par ailleurs plus de vingt ans auparavant consacré un article entier à critiquer cette notion de
« centration sur l’enseignant » ( 1995a).
11
On pourra consulter également l’article de B. Walliser 2007 déjà cité plus haut, intitulé « Les fonctions
des modèles économiques ». Disponible en ligne (2007), il propose une typologie sensiblement différente :
il passe en revue les fonctions iconique, démonstrative, empirique, heuristique, praxéologique, rhétorique,
avec pour chacune une présentation de son intérêt et de ses risques ou dérives.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 8
Tableau 1
Comparaison des fonctions des modèles selon Varenne 2022 et Walliser 1977
VARENNE 2022
WALLISER 1977
1. Faciliter l'appréhension sensible
Fonction cognitive [ou « descriptive »]
2. Faciliter la formulation intelligible
Fonction pédagogique
3. Faciliter la théorisation
Fonction de recherche [ou « heuristique »]
en cours d’élaboration du modèle
4. Faciliter la co-construction des savoirs
Fonction de recherche [ou « heuristique »]
en cours d’exploitation du modèle
5. Faciliter la décision et l'action
Fonction décisionnelle
À la fin d’un article proposant un modèle descriptif du changement, de l’élaboration et de
l’adaptation des méthodologies en DLC, le « modèle 3M (Matrice – Modèles – Méthodologie) »,
je conclus – et cette conclusion vaut pour tout modèle en DLC :
Ce modèle montre l’intérêt qu’il y a à modéliser pour guider et structurer la réflexion
didactique, et à manipuler les modèles ainsi produits pour enrichir cette réflexion,
produire de nouveaux concepts et générer des idées d’innovation pratique. La
modélisation s’impose comme un outil privilégié de réflexion et de créativité didactiques,
et par voie de conséquence de formation initiale et continue des enseignants (2024a,
p. 20)
Ce travail d’élaboration m’a amené par exemple dans cet article à illustrer le fonctionnement et
la productivité d’un concept que j’utilise depuis longtemps dans mes travaux, à savoir
l’homologie fin-moyen (fonction cognitive des modèles) ; à montrer la nécessité de distinguer
entre les modèles à imiter et les modèles à manipuler (fonction pédagogique) ; à proposer au
niveau des méthodologies une distinction opérationnelle entre tâche langagière et action
langagière, ainsi que, au niveau des séquences ou unités didactiques, une typologie originale
des tâches – tâche principale, tâches complémentaires, secondaires et collatérales – (fonction
heuristique). Enfin, ce modèle, qui fonctionne à tous les niveaux d’acteurs (des responsables
éducatifs aux enseignants dans leurs classes), peut les convaincre de privilégier désormais des
approches multi et pluriméthodologiques (fonction décisionnelle).
1.2 Le processus de modélisation
La méthode de modélisation que j’ai mise en œuvre pour élaborer le système de la recherche en
DLC s’inspire directement, comme je l’ai déjà signalé plus haut, de la procédure d’analyse
qualitative proposée par A.M. Huberman & M.B. Miles (1991). Il consiste plus précisément,
comme je l’ai présenté pour la première fois dans un article de 1997 (1997b, p. 8) :
1) à « condenser » les données de terrain en réalisant sur elles les différentes opérations
constitutives de la conceptualisation, c’est-à-dire la « sélection, centration, simplification,
abstraction et transformation » (p. 35) (sur la conceptualisation, cf. aussi infra
chap. 2.2).
2) puis à regrouper entre elles ces données dans des « éléments conceptuels »
(constructs) de plus en plus larges afin d'atteindre progressivement « une cohérence
conceptuelle/théorique » (p. 41) ; ces concepts vont alors pouvoir être reliés entre eux
dans une « théorie », celle-ci étant définie comme un « cadre conceptuel » consistant en
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 9
une description des concepts-clés (dimensions, facteurs, variables) ainsi que de leurs
relations et interactions ;
3) enfin à les présenter sous forme de matrices, graphiques, diagrammes et tableaux de
manière à « tirer des conclusions et passer à l'action » (p. 36).
Il s’agit d’un processus non pas linéaire, mais récursif : la théorisation peut amener à revenir
sur la conceptualisation, la modélisation sur la théorisation et la conceptualisation, soit pour le
reprendre à l’identique (on parle alors d’une « boucle d’itération »), soit pour le modifier (on
parle alors d’une « boucle de rétroaction »).
Le statut de ce que A.M. Huberman & M.B. Miles assigne à cette théorie, à savoir d’être
« simplement une version momentanée de la carte du territoire exploré par le chercheur »
(p. 54) correspond de exactement à celui d’un modèle. Ce « cadre conceptuel » avec des
dynamiques internes (i.e. des relations processuelles entre concepts-clés : cf. infra chap. 3.3),
correspond à un «modèle dit « systémique » s’il présente également des dynamiques externes
(i.e. des entrées et des sorties : cf. infra chap. 3.2).
1.3 La notion de système
Dans l’évolution des idées en Occident, on est passé depuis un demi-siècle, que ce soit pour
comprendre la réalité ou pour agir sur elle,
− d’un mode d’appréhension d’une réalité statique, où la forme privilégiée est la
structure, c’est-à-dire un ensemble d’éléments ayant entre eux des relations fixes et qui
est indépendant de son environnement ;
− à un mode d’appréhension d’une réalité dynamique, où la forme privilégiée est le
système, c’est-à-dire un ensemble cohérent d’éléments en interactions constantes, ce qui
lui donne une certaine stabilité, avec cependant une ouverture sur son environnement
qui lui permet d’évoluer pour s’adapter.
Dans toutes les sciences humaines, l’influence de la pensée systémique fait qu’on s’intéresse
désormais moins aux produits qu’aux processus, aux états qu’aux évolutions, aux organisations
qu’aux réseaux, à tout objet en lui-même que dans leurs relations avec son environnement.
Les cellules vivantes sont très souvent citées par les épistémologues comme l’exemple type de
systèmes autonomes en relation constante avec leur environnement, duquel elles puisent leur
alimentation et dans lequel elles éliminent leurs déchets. Certaines cellules ont même la capacité
de modifier leur conformation interne suivant leur environnement, ce qui leur permet de réaliser
des fonctions différentes : c’est le cas de l’hémoglobine du sang, qui peut ainsi capter l’oxygène
dans les poumons et le libérer ailleurs dans les tissus de l’organisme, et réaliser l’opération
inverse avec le dioxyde de carbone. Cette fonction dite « allostérique » de certains éléments du
vivant (du grec ἄλλος, « autre » et στερεός, « forme ») a été transposée de manière analogique
en éducation par un pédagogue français, André Giordan, pour désigner un modèle complexe
d’apprentissage basé sur la capacité que possède le système cognitif de tout apprenant de
diversifier ses modes d’apprentissage selon les objets, les activités et les contextes : la
compétence d’apprentissage est à la mesure de la capacité de passer d’un mode d’apprentissage
à un autre selon les situations d’apprentissage. Il illustre ainsi son « modèle allostérique » par
trois exemples concrets :
Pour apprendre à programmer un magnétoscope, on peut écouter un vendeur, imiter un
copain, lire la notice, essayer soi-même ou questionner un spécialiste. Dans
l’apprentissage d’une connaissance scientifique, on peut regarder une vidéo, travailler en
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 10
groupe, se documenter, élaborer des hypothèses et les tester. Pour certains savoirs,
comme ceux de l’EPS [discipline scolaire « Éducation Physique et Sportive »], l’apprenant
devra encore s’exercer, avancer par essais et erreurs, démonter une pratique inadéquate,
s’interroger sur son geste ou encore prendre du recul pour imaginer une autre façon de
faire
12
. (1999)
L’ensemble des éléments mobilisés dans les processus de recherche en DLC forme un
« système » dans le sens que l’économiste Bernard Walliser attribue à ce concept dans son
ouvrage de 1977 cité supra :
Le concept de système a été forgé autour de trois idées essentielles :
− celle d'un ensemble en rapport réciproque avec un environnement, ces échanges lui
assurant une certaine autonomie ;
− celle d'un ensemble formé de sous-systèmes en interaction, cette interdépendance lui
assurant une certaine cohérence ;
− celle d'un ensemble subissant des modifications plus ou moins profondes dans le
temps, tout en conservant une certaine cohérence. (p. 11)
Voici un premier exemple de système simple en DLC, celui des questions-réponses, plus
précisément des questions orales de l’enseignant – réponses orales des apprenants en situation
d’interaction enseignant-apprenants en classe. Une didacticienne de FLE, Sophie Moirand,
s’étonnait dans un article de 1988 (note 1 p. 234) de sa forte persistance dans les pratiques
malgré l’approche communicative en vigueur. Cette méthodologie, en effet, aurait dû au
contraire amener les enseignants à privilégier en classe les échanges directs entre apprenants.
L’explication psychologique par une soi-disant « résistance » des enseignants à l’innovation est
une erreur, cet usage « systématique » du schéma questions-réponses par les enseignants
s’expliquant rationnellement par le fait que c’est précisément un « système », et un système
robuste et efficace, capable de remplir simultanément de multiples fonctions didactiques. Il
permet ainsi à l’enseignant, appliqué à un support textuel, de stimuler l'activité langagière,
susciter le réemploi des formes langagières, expliquer et contrôler la compréhension, favoriser
la mémorisation, guider le commentaire (cf. mon article « Méthode interrogative et commentaire
de textes », 1989c, pp. 77-80). Dans mon essai sur la modélisation en DLC (2022f), j’ai proposé
de le représenter ainsi
13
:
Figure 3
Modèle du système des questions-réponses selon Puren 2022f
Cet exemple me permet ici d’introduire trois notions constitutives de la notion de système, à
savoir les « entrées », les « sorties » et les « réentrées ». Dans ce système, les entrées sont
assurées par questions de l’enseignant et les sorties par les réponses des apprenants, le
système lui-même étant composé ici de trois éléments interreliés sur le simple mode de la
12
Constatant que « toutes ces pratiques sont nécessaires pour apprendre, [qu’] elles sont à la fois
complémentaires et conflictuelles », A. Giordan en conclut logiquement que « les modèles constructivistes
– basés sur l’idée que l’élève construit nécessairement son savoir – sont trop frustres, trop fermés. »
13
J’en propose au chapitre suivant 1.4 une représentation plus élaborée.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 11
combinaison : les élèves doivent traiter la question sur le texte de manière à répondre eux-
mêmes (méthode active), par oral (méthode orale), et directement en langue étrangère
(méthode directe)
14
.
Un exemple plus complexe est celui système langagier en cours d’apprentissage, l’interlangue,
qui selon Karl Vogel, auteur en 1995 d’un ouvrage intitulé L'interlangue, la langue de l'apprenant,
« doit se concevoir comme un système ouvert dont l'utilisateur lui-même est partie intégrante »
(p. 279)
15
. Les didacticiens anglo-saxons distinguent dans le processus d’apprentissage entre
les opérations d’input, d’intake et d’output :
(1) L’input est composé des éléments langagiers auxquels un apprenant est exposé dans
son environnement apprentissage : ce sont donc les entrées du système.
(2) L’intake est la partie de ces éléments qui s’intègre effectivement dans son système
langagier provisoire pour entrer en interrelation avec les éléments déjà présents,
amenant ainsi l’ensemble de ce système à se réorganiser.
(3) L’output correspond aux éléments qui sortent de son système d’apprentissage, c’est-
à-dire ceux qu’il réutilise dans ses productions orales et écrites : ce sont les sorties du
système.
Mais considérer que l’interlangue fonctionne comme un système amène à ajouter une quatrième
type d’opération :
(4) La réentrée
16
correspond à la réponse de l’apprenant telle qu’elle a été corrigée (ou
non) par l’enseignant et prise en compte par l’apprenant en tant qu’intake : on sait
empiriquement depuis longtemps que ce type d’opération est indispensable au processus
d’apprentissage.
1.4 La modélisation systémique
Les modèles systémiques sont les plus complexes de tous les types existants de modèles
possibles en DLC parce qu’ils représentent les réalités les plus complexes. Ils peuvent avoir
cependant des niveaux de complexité différents, et pour le montrer, je vais commencer par
comparer le système de l’exercice structural à celui du système questions-réponses. Je précise
que j’utilise ici les concepts de la théorie systémique de manière analogique, en l’occurrence en
les adaptant aux activités de la DLC.
Le système de l’exercice structural tel qu’il a été mis en œuvre dans la méthodologie audio-orale
américaine dans les années 1950 et qui s’est répandu dans les deux décennies suivantes en
Europe peut être représenté de la manière suivante :
14
« Méthode » a ici le sens d’ « unité minimale de cohérence méthodologique » : la méthode est à la
méthodologie ce que le sème est à la sémantique et le phonème à la phonologie (cf. 2011k, et 008 pour la
liste des méthodes en DLC classées par paires opposées).
15
L’implication de l’acteur lui-même dans son dispositif d’observation, d’analyse, d’interprétation et
d’action est l’une des composantes définitoires de la complexité : cf. 046.
16
Le terme est le même en anglais : re-entries.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 12
Figure 4
Modèle du système de l’exercice structural
Le système est composé de quatre éléments, qui sont combinés comme ceux du système
questions-réponses : les apprenants reprennent de manière intensive (méthode répétitive) des
modèles (méthode imitative) oraux (méthode orale) de langue étrangère (méthode directe). Il
est mis en œuvre dans les laboratoires dits « audio-actifs », où chaque apprenant dispose de
son propre magnétophone bi-piste sur lequel il entend le stimulus, enregistre sa réponse, entend
la correction, qu’il répète à l’identique. Il peut reprendre à volonté cette procédure, pour
automatiser sa réponse et/ou pour travailler sa prononciation (cf. 1988a, chap. 4.1.3, pp. 196-
205).
Le système des questions-réponses sur les documents en place en France depuis le début du
XXe siècle en didactique scolaire permet des processus bien plus complexes du fait qu’il
fonctionne entièrement en temps réel, en environnement collectif, et dans le cadre d’une mise
en œuvre maximale de la méthode active. C’est un véritable système de questionnement des
documents, qui a été développé au sein de la méthodologie officielle des années 1920 aux
années 1960, appelée précisément « méthodologie active »
17
. Ce système peut être représenté
de la manière suivante :
Figure 5
Modèle du système de questionnement des documents en méthodologie active
Dans la perspective d’une intensification de la méthode active, les questions sont souvent posées
par l’enseignant en fonction de sa propre préparation antérieure du document et de ses objectifs,
mais il sollicite aussi les apprenants pour qu’ils posent leurs propres questions (avant la classe
ou en temps réel), et il peut même leur demander, par groupes, d’en préparer un
17
Cette méthodologie scolaire française s’appelle d’ailleurs pour cette raison la « méthodologie active ».
Pour une présentation des nombreuses techniques actives, cf. le document intitulé « La mise en œuvre de
la méthode active. François Closset 1950 » (006). Pour une présentation historique de cette méthodologie
active, cf. 1988a, 3e partie, avec pp. 147-149 la présentation de la « valorisation de la méthode active »
dans cette méthodologie. Pour une présentation détaillée de la typologie des questions (et des consignes)
dans cette méthodologie, que l’on retrouve plus ou moins jusqu’à présent dans tous les manuels de langues
à partir du niveau B2, et jusque dans les évaluations PIRLS et PISA, cf. 041.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 13
questionnement complet
18
. Les réponses des apprenants peuvent être plurielles, et donner lieu
de la part de l’enseignant mais aussi des apprenants, à corrections, commentaires et questions.
Pour tous les élèves – s’ils sont attentifs... –, ces réactions orales publiques génèrent des boucles
de rétroaction internes, ou « réentrées », l’enseignant s’assurant souvent qu’elles le soient au
moins pour l’élève qui a répondu en lui demandant de reprendre oralement l’énoncé correct
(comme dans l’exercice structural) ou de réagir lui-même cette fois aux commentaires et
questions de ses camarades. Ces réentrées, qui vont pouvoir générer directement de nouvelles
sorties, correspondent à la prise en compte par le système d’apprentissage de ses sorties telles
qu’elles ont été traitées au sein de son propre environnement, qui est ici la situation de
commentaire oral collectif d’un document en classe.
Dans le cadre de l’ensemble du système de questionnement des documents, les réponses déjà
données appellent de nouvelles questions de poursuite du commentaire (dans le sens de son
« élargissement », et non de son « approfondissement »). Il s’agit là aussi de boucles récursives,
mais cette fois de rétroaction externe, qui relancent l’ensemble du processus de questionnement
(il s’agit de nouvelles questions sur le document, i.e. de nouvelles entrées), alors que les boucles
de rétroactions internes visent à modifier les réponses déjà données. Dans l’exercice structural,
chaque stimulus réalise bien une nouvelle entrée dans le système, mais il ne s’agit pas de boucles
récursives puisqu’elles sont préprogrammées de manière linéaire (ce type de progression est dit
« step by step »).
Ce sont ces deux types de boucles récursives qui assurent pour le premier – la boucle interne –
l’approfondissement, et pour le second – la boucle externe – l’élargissement progressif du
commentaire oral collectif. La classe fonctionne ainsi comme un système collectif
démultiplicateur d’apprentissage, les productions en langue-cible de tout apprenant au cours
d’une séquence d’échanges oraux en classe et leurs corrections étant susceptibles pour tous les
autres de constituer de nouvelles entrées, sorties et réentrées dans leur propre système
d’apprentissage, comme d’ailleurs dans le système d’enseignement, ce qui assure la relation la
plus adéquate possible entre les deux processus, d’enseignement et d’apprentissage.
En théorie systémique, on utilise également, comme nous l’avons vu plus haut, le concept de
« boucle d’itération », qui sont des reprises à l’identique d’un même processus au sein d’un
système. Ces boucles récursives peuvent être elles aussi internes ou externes.
Dans les exercices structuraux réalisés en laboratoire audio-actif (chaque apprenant dispose de
son propre magnétophone avec l’enregistrement des exercices), une boucle d’itération interne
est réalisée lorsque l’apprenant reprend plusieurs fois sur la piste élève de son magnétophone
le même stimulus pour travailler la prononciation de sa réponse jusqu’à ce qu’il la considère
satisfaisante par rapport à la correction, qui est redonnée automatiquement à chaque fois sur la
piste maitre. Les exercices structuraux programment leurs propres boucles d’itération externe
en proposant des stimulus appelant le même type de réaction langagière, comme on le voit dans
l’exemple ci-dessous :
Écoutez. – Oui, j’ai un fils. “ Vous avez un fils ? ”
Répétez : Vous avez un fils ?
Cherchez la question.
1. Oui, j’ai une chambre.
2. Oui, j’ai une voiture.
3. Oui, j’ai une moto.
4. Oui, j’ai une fille.
18
Cf. aussi 2006e, chap. 3, pp. 13-17, avec p. 17 une série d’exemples concrets d’exercices de formation
au questionnement des documents (en l’occurrence, des textes littéraires).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 14
5. Oui, j’ai un camion.
6. Oui, j’ai une chambre.
Voix et images de France, Exercices pour le laboratoire de langues,
Livre du maître, Paris, Bruxelles-Montréal, CRÉDIF-Didier, 1967, 180 p.
Dans le système de questionnement actif des documents, il me semble qu’on peut avancer les
considérations suivantes
19
:
– Est effectuée une boucle interne d’itération lorsque les apprenants donnent différentes
réponses à la même question (d’un enseignant ou d’un apprenant).
– Lorsque différentes corrections, commentaires ou questions sont proposés à propos de
la même réponse, il y a combinaison entre la rétroaction et l’itération en tant que boucles
internes.
– Il y a combinaison entre la rétroaction et l’itération en tant que boucles externes lorsque
les réactions à une question ou à une réponse, ou l’absence de réaction, amènent
l’enseignant à reposer la même question, à l’identique ou, sans doute plus fréquemment,
en la reformulant.
Enfin, l’exemple le plus complexe de modélisation que je puisse présenter est précisément celle
du système de la recherche qui fait l’objet du présent essai (cf. schéma 1) : il est d’une grande
complexité parce qu’il s’efforce de couvrir de manière exhaustive la totalité du système de la
recherche en DLC tant pour les didacticiens que pour étudiants-chercheurs, les formateurs et les
enseignants, en ce qui concerne toutes ses composantes, que toute la variété attestée de
mécanismes internes et externes. Comme il est lui-même le résultat d’un processus complexe
de modélisation, je l’utiliserai dans la suite du présent essai pour illustrer aussi bien le processus
général de modélisation systémique, que le fonctionnement spécifique du système de la
recherche en DLC.
2. La recherche en didactique des langues-cultures
Dans la première version de 2015 de cet essai (2015a), ce chapitre était consacré à la
comparaison entre la recherche en DLC et dans les Sciences de gestion. Les différents thèmes
traités sont ici les mêmes, mais ils concernent exclusivement la DLC. Je décris cette recherche
au moyen de quatre caractéristiques majeures, ou « de référence » : le projet d’’intervention,
l’opération de conceptualisation, la démarche d’ingénierie et l’outil de modélisation.
2.1 Le projet de référence : l’intervention
Robert Galisson a été au cours de sa carrière le didacticien français qui a le plus insisté sur la
dimension qu’il appelait « interventionniste » de la DLC. Il la définissait ainsi dans un article de
1990 comme « une discipline d’observation (donc de connaissance) et d’intervention (c’est-à-
dire de remédiation et de novation) » (p. 25). Mais il ajoutait aussitôt après : « La D/DLC
20
est
aussi et d’abord une discipline d’observation (donc de connaissance) parce que, scientifiquement
19
Je rappelle qu’il s’agit ici d’utiliser les concepts de la théorie systémique dans le cadre de modélisations
didactiques, de manière analogique, donc.
20
Sigle pour « didactologie/didactique des langues et des cultures » », appellation que R. Galisson propose
dans cet article pour désigner la discipline. Il passera plus tard à l’appellation « didactologie des langues-
cultures ». J’ai repris pour ma part l’expression de « langues-cultures », mais j’ai conservé le terme
traditionnel de « didactique » pour désigner l’ensemble de la discipline, la didactologie ne correspondant,
pour moi, qu’à l’une de ses perspectives constitutives, avec la perspective méthodologique et la perspective
didactique (cf. DLC-DR1, premier chapitre de mon cours sur « la didactique des langues-cultures comme
domaine de recherche », intitulé « Les trois perspectives constitutives de la DLC »).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 15
et déontologiquement, elle n’est fondée à intervenir qu’en… connaissance de cause ! » (note 64,
p. 33)
21
. C’est pourquoi le schéma 1 est divisé verticalement en deux parties : l’une, à droite,
où prévaut la « logique de compréhension » (le but principal est de connaître la réalité) ; l’autre,
à gauche, où prévaut la « logique d’intervention » (le but principal est d’agir sur cette réalité).
Dans le premier cas, nous avons en « sortie » du système par exemple une analyse linguistique
des règles de grammaire proposées dans un manuel ou une analyse du discours de classe lors
de tâches grammaticales ; dans le second, les exercices de grammaire proposés dans les unités
didactiques d’un manuel de langue et son précis grammatical
22
.
La DLC vise des connaissances utiles pour l’action c’est-à-dire les connaissances du chercheur
qui permettront aux enseignants d’améliorer leur processus d’enseignement : c’est le type de
projet qui correspond à la « recherche-application » (par ex. le linguiste ou le didacticien va
mobiliser l’analyse des genres de discours sur des supports destinés à un enseignement sur
objectif spécifique) et à la « recherche-production » (par ex. le chercheur va élaborer un modèle
de séquence didactique adapté à la réalisation de mini-projets par les apprenants) : cf. ces deux
types de recherche dans le schéma 2.
L’ « application », dans la « recherche-application » telle qu’elle est présentée dans ce
schéma 2, correspond au concept de « mobilisation » dans le schéma 1, dans lequel j’ai préféré
réserver la notion d’application à ce que l’on appelle l’ « applicationnisme » (méthodologique,
technologique ou théorique), de manière à éviter la confusion entre deux visées différentes
s’appuyant sur des conceptions différentes de l’épistémologie de la DLC :
− Il y a applicationnisme lorsqu’on juge autosuffisant le processus linéaire d’application
parce qu’on en considère les effets comme constamment et immédiatement utiles à
l’enseignement-apprentissage.
− Il y a mobilisation (praxéologique ou théorique) lorsqu’on se propose de réinjecter les
résultats du processus, après une nouvelle conceptualisation, soit dans le sous-système
praxéologique (ils viennent alimenter en retour la modélisation praxéologique), soit dans
le sous-système théorique (ils viennent alors alimenter en retour la théorisation) : il s’agit
donc d’un processus récursif interne, puisque le « terrain » est un élément constitutif du
système de la recherche).
Mais la DLC vise ne vise pas seulement les « connaissances utiles pour l’action » : elle doit
prendre aussi en compte les « connaissances par l’action »
23
, cette expression ayant des
21
Cet article de Robert Galisson est le premier d’un numéro de la revue Études de Linguistique Appliquée
où il a regroupé par ordre chronologique inverse dix de ses propres textes déjà publiés par ailleurs, et qui
s’échelonnent de 1968 à 1990. L’ensemble retrace l’évolution historique en France de la discipline, comme
l’annonce le titre de ce numéro, « de la linguistique appliquée à la didactologie des langues-cultures ».
C’est dans cet article de 1990 qu’il propose le modèle le plus complet et le plus abouti de sa conception de
la discipline, l’ « appareil conceptuel/matriciel de référence pour la D/DLC » (p. 13) : son modèle est
construit à la manière du lexicologue, qu’il est par ailleurs, c’est-à-dire sur le mode du répertoire (ou des
« séries-modèles », pour reprendre l’expression que j’ai proposée pour ce type de modèle dans mon essai
sur la modélisation (2022f, chap. 3.1.2, pp. 11-12).
22
Un traité de linguistique ou un article sur un modèle d’analyse linguistique constituera, si un chercheur
l’utilise dans sa recherche en DLC, une « entrée théorique » (cf. infra chap. 3.3.1.5).
23
L’idée de « connaissance par l’action » a une longue tradition en pédagogie, qui commence avant même
le learning by doing de John Dewey, dans les années 1930. Elle a été reprise régulièrement par la suite (on
la retrouve par exemple dans la pédagogie Freinet), ou plus récemment par Donald Schön (1983), avec le
concept de « praticien réflexif), ou encore par Jean-Marie Barbier (1996), avec celui de « savoirs d’action ».
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 16
significations différentes selon que l’action considérée est celle (a) d’enseignants, (b) d’un
étudiant-chercheur ou (c) d’un enseignant-chercheur
24
.
(a) L’action considérée est celle d’enseignants
Il s’agit alors d’une « recherche-action », qui part des savoirs d’expérience d’un groupe
d’enseignants pour aboutir aux nouveaux savoirs qu’ils produiront eux-mêmes pour eux-mêmes
par leur propre action collective de recherche ; même si un enseignant-chercheur ou un groupe
d’enseignants-chercheurs peuvent éventuellement participer à leur recherche et l’exploiter de
leur côté pour leur propres travaux de recherche.
(b) L’action considérée est celle d’un étudiant-chercheur
25
Lorsque le chercheur est aussi l’enseignant qui intervient en tant que tel dans son propre
dispositif de recherche en classe − c’est un cas fréquent chez les étudiants préparant leur
mémoire de master ou leur thèse en DLC, qui travaillent souvent sur leurs propres classes −, sa
recherche est forcément en grande partie, qu’il le veuille ou non, une « recherche-
expérienciation », type de recherche où les connaissances de l’action se confondent avec les
connaissances pour l’action.
(c) L’action considérée est celle d’un enseignant-chercheur
C’est le cas dans la « recherche-expérimentation » et la « recherche-application », qui
mettent l’accent sur la production de connaissances par l’action du chercheur sur le terrain,
même si l’expérimentation ou l’application peuvent éventuellement être réalisées en classe par
d’autres enseignants, et si ces enseignants peuvent participer à la recherche.
Mais en DLC, même lorsque la recherche se veut « recherche-description », dans son
ensemble ou seulement dans l’une ou l’autre de ses phases (observation de classes, analyse des
interactions en classe, analyse de productions d’apprenants, etc.), elle ne peut se contenter des
données recueillies par le chercheur ; elle doit en effet intégrer des données recueillies auprès
des enseignants voire aussi parfois des apprenants, si du moins le chercheur met en œuvre cette
approche compréhensive que j’ai présentée, dans un manifeste de 2003, comme la première
des sept approches fondamentales d’une DLC parvenue à maturité :
L’approche compréhensive (la centration sur les acteurs)
L’expression d’ « approche compréhensive » est empruntée à l’opposition – bien connue
des spécialistes du domaine – entre une « sociologie critique » à la Bourdieu, dans
laquelle le chercheur se propose de révéler des réalités dont la majorité des acteurs ne
seraient pas conscients (ce qui permettrait en particulier à une minorité d’entre eux de
les utiliser à leur profit), et une « sociologie compréhensive » à la Max Weber, qui se
centre sur les acteurs dans leur environnement en valorisant leur conscience, leur
expérience et leur intentionnalité, c’est-à-dire leur degré de « compréhension » réelle
(d’où l’appellation de cette approche) des jeux auxquels ils ont soumis, des enjeux
auxquels ils sont confrontés, des actes qu’ils réalisent et des projets qu’ils construisent.
Cette approche compréhensive correspond à l’émergence d’un paradigme compréhensif
dans l’ensemble des Sciences sociales (auxquelles correspond en partie l’épistémologie
24
Pour plus de détails sur les différents types de recherche présentés dans les point (a), (b) et (c) ci-
dessous, je renvoie à leur représentation dans le schéma 2 en annexe du présent essai, et à leurs
commentaires dans le document DLC-MR5.
25
Je parle ici de l’ « étudiant-chercheur » pour le distinguer de l’ « enseignant-chercheur » titulaire des
universités françaises ; qui est statutairement, en tant que Maître de conférences ou Professeur des
universités, un chercheur professionnel.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 17
de la didactique des langues-cultures puisque son objet implique des acteurs en relation
active dans un cadre institué), paradigme qui repose sur une réhabilitation de la part
explicite et réfléchie de l’action, ainsi que de la compétence des acteurs à analyser eux-
mêmes leur environnement et les actions qu’ils y réalisent. (2003b, §4)
En d’autres termes, l’intervention du chercheur en DLC ne peut faire a priori l’impasse sur les
connaissances et compétences de ces autres acteurs qui sont constamment sur le terrain et
cherchent eux aussi à améliorer les pratiques d’enseignement ou d’apprentissage, à savoir les
enseignants et les apprenants. Le chercheur en DLC doit à la fois recueillir auprès des acteurs
de terrain, et produire pour les acteurs de terrain, des connaissances utiles pour l’action.
2.2 L’opération cognitive de référence : la conceptualisation des données de
terrain
J’ai présenté plus haut, au chapitre 1.2, la méthode de modélisation de A.M. Huberman
& M.B. Miles (1991) dont je me suis inspiré, méthode qui commence par l’opération de
conceptualisation. Le schéma 1 représente en son centre cette opération à partir des données
de terrain.
J’utilise ici « conceptualisation » dans le sens restreint de ce que j’appelle dans mon article de
1997 la « conceptualisation de premier niveau » (1997b, p. 3) : il s’agit d’induire, à partir des
données de terrain, des concepts, c’est-à-dire des « représentations mentales symboliques de
classes d’éléments permettant [les] manipulations intellectuelles à la fois [les] plus économiques
et [les] plus puissantes » (id., p. 2). Je renvoie mes lecteurs à cet article pour les exemples de
concepts de premier niveau que j’y donne, ceux de « forme linguistique », « répétition », et
« situation d’enseignement-apprentissage »
26
(pp. 2-3).
Le terme de « terrain » désigne tout environnement concret d’enseignement-apprentissage (sur
le concept de « données de terrain », cf. chap. 3.1.1, p. 20). Il ne s’agit pas exactement de
« réalité empirique », parce que la perception de ce terrain n’est jamais naïve, mais toujours
construite, aussi bien par l’enseignant que par le chercheur :
− L’enseignant perçoit son terrain de travail en fonction de ses intentions d’enseignement
et de ses modèles méthodologiques, qu’ils soient chez lui plus ou moins conscients et
plus ou moins élaborés (sur ces modèles méthodologiques, qui peuvent être « pratiques »
ou « praxéologiques », cf. infra chap. 3.1.2).
− Le chercheur perçoit le terrain d’enseignement-apprentissage non seulement en
fonction de ses propres modèles méthodologiques − s’il a une expérience d’enseignement
et plus encore si sa recherche a une visée interventionniste immédiate ou médiate −,
mais en fonction de ses modèles théoriques et de son projet de recherche.
26
Pour désigner ce que j’appelle « situation » dans cet article, j’utilise maintenant le concept d’ « environ-
nement », qui regroupe deux ensembles de données de terrain : celui sur lequel l’enseignant n’a pas de
prise (la « situation » stricto sensu) et celui qu’il construit intentionnellement pour l’apprentissage (le
« dispositif »). Ces trois concepts sont les concepts-clés du « champ sémantique de l’environnement en
DLC » (titre du document 030).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 18
Quel que soit leur mode de recueil, les « données de terrain » du chercheur ne seront pas plus
des « données brutes » que celles des enseignants, puisqu’il les aura au moins sélectionnées
puis analysées et interprétées
27
en fonction de sa problématique de recherche.
28
2.3 La démarche de référence : l’ingénierie
Cela fait longtemps que les spécialistes des sciences de l’éducation parlent de l’enseignement
comme relevant de l’ « ingénierie pédagogique », et qu’ils définissent de ce fait l’une des
fonctions principales de l’enseignant comme celle d’un concepteur de dispositifs artificiels
d’apprentissage
29
. L’une des grandes références en épistémologie de l’ingénierie est Herbert
Simon
30
, auteur entre autres du célèbre ouvrage de 1969 Sciences des systèmes, sciences de
l’artificiel. Herbert Simon est aussi, depuis longtemps, l’une de mes grandes références
épistémologiques de ce que j’appelle « la didactique complexe des langues-cultures »
31
. J’ai déjà
eu ailleurs l’occasion de citer les lignes suivantes
32
, où il élargit la notion de « concepteurs
professionnels » au-delà de ce que l’on appelle couramment des « ingénieurs » :
Les ingénieurs ne sont pas les seuls concepteurs professionnels. Quiconque imagine
quelques dispositions visant à changer une situation existante en une situation préférée,
est concepteur. L'activité intellectuelle par laquelle sont produits les artefacts matériels
n'est pas fondamentalement différente de celle par laquelle on prescrit un remède à un
malade ou par laquelle on imagine un nouveau plan de vente pour une société, voire
même une politique sociale pour un État. La conception, ainsi conçue, est au cœur de
toute formation professionnelle. C'est elle qui fait la différence entre sciences et
professions. Les écoles d'ingénieurs, comme les écoles d'architecture, de droit, de
gestion, de médecine, les écoles normales d’enseignement, toutes sont concernées,
au premier chef, par le processus de conception.
Par un paradoxe ironique, alors que s'affirme le rôle décisif de la conception dans toute
activité professionnelle, il faut observer que le XXe siècle a presque complètement éliminé
les sciences de l'artificiel du programme des écoles formant des professionnels. Les écoles
d'ingénieurs sont devenues des écoles de physique et de mathématiques ; les écoles de
gestion sont devenues des écoles de mathématiques. L'usage de qualificatifs du type
« appliqué » dissimule le fait, mais ne le change pas ! Il signifie simplement que dans les
écoles professionnelles, les matières enseignées sont sélectionnées dans les domaines
des mathématiques et des sciences naturelles, compte tenu de ce que l'on tient pour plus
particulièrement intéressant dans telle ou telle activité professionnelle. Mais il ne signifie
pas que la conception y soit enseignée en tant que telle, distincte de l'analyse. (1969,
pp. 113-114, je souligne)
27
Je renvoie au passage pp. 2-3 de DLC-DR1 où j’illustre très concrètement ces différentes activités
d’observation, d’analyse et d’interprétation (puis d’intervention) en DLC avec « l’exemple d’un formateur
réalisant une observation formative dans la classe d’un enseignant débutant ».
28
Sur le concept de « problématique de recherche », cf. le chapitre 1.2 (pp. 5-9) du document DLC-MR4,
où j’en présente les différentes composantes, qui peuvent être différentes suivant les directeurs de
recherche et les traditions universitaires.
29
On mesure le degré de rupture avec la pensée pédagogique qu’a pu maintenir la DLC pendant plusieurs
décennies, avec les promoteurs de l’approche communicative privilégiant systématiquement dans leur
discours les documents « authentiques » et la simulation en classe de situations de communication
« authentiques »…
30
Prix Nobel de Sciences Économiques en 1978, Herbert A. Simon a reçu la « Médaille Turing » (le « Nobel
de l'Informatique ») en 1975 pour ses recherches sur l'Intelligence Artificielle et la Science de la Cognition.
31
Cf. le document, 2024f, entièrement consacré aux apports de H.A. Simon à l’épistémologie de la DLC, et
le document 048, élargi à mes autres auteurs de référence. Sur le concept de « didactique complexe des
langues-cultures », cf. mon manifeste 2003b, déjà cité plus haut.
32
DLC-DR4, chap. 2.4 « Environnement et ingénierie », p. 13.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 19
On notera dans cette citation (cf. l’expression surlignée) que H.A. Simon considère très
justement les enseignants comme étant eux-aussi des « concepteurs professionnels ». En fait,
pour adapter le second paragraphe de ce passage à une critique de l’applicationnisme en DLC,
il suffirait de remplacer « écoles d’ingénieurs » par « formations universitaires à la DLC », et
« physique et mathématiques » par « linguistique et sociolinguistique »...
On peut élargir encore ce qualificatif d’ingénieurs aux chercheurs, quelles que soient leurs
spécialités, puisqu’ils sont aussi des concepteurs de dispositifs de recherche. La notion de
« projet », centrale dans l’enseignement comme en ingénierie − un ingénieur est
essentiellement un concepteur de projets −, l’est tout autant en recherche (cf. la notion de
« projet de recherche »). Pour ce qui concerne plus spécifiquement la recherche en DLC, je
renvoie au schéma 2 – où l’on voit que le projet joue un rôle décisif de médiation aussi bien
entre le sujet et l’objet, qu’entre la visée de compréhension et celle d’intervention –, ainsi qu’aux
développements correspondants dans le document originel dont est extrait ce schéma : DLC-
MR5.
2.4. L’outil de référence : la modélisation
Ce que conçoit un ingénieur, ce sont des modèles qui doivent prendre en compte les données
de terrain. Un ingénieur conçoit par exemple un pont (qui sera forcément à un certain moment
représenté par une maquette, désormais modélisée sur ordinateur) de manière à y intégrer tous
les paramètres de son environnement et de sa fonction : la nature du terrain avec le sous-sol
de la rivière et les berges, la largeur du cours d’eau et ses variations de débit, le type de trafic
attendu, etc. C’est exactement ce que fait un enseignant lorsqu’il produit ou modifie des modèles
méthodologiques (cf. infra chap. 3.1.2) pour s’adapter à son public, à ses conditions
d’enseignement et à ses objectifs : ces modèles méthodologiques sont, comme les modèles des
ingénieurs, des artefacts : unités didactiques, séquences de classe, scénarios pédagogiques,
appareillages didactiques de documents et autres dispositifs d’enseignement-apprentissage.
La « préparation de classe » d’un enseignant expert est à la séquence de classe qu’il réalisera à
la suite, ce que la maquette est au pont que l’ingénieur a conçu et dont il suivra la construction.
Cette « préparation de classe » ne correspond ni à des théories appliquées, ni aux pratiques
effectives qu’il réalisera dans sa classe, contrairement à ce que cette expression consacrée laisse
penser. Un enseignant expert ne prépare pas ses classes, il se prépare à faire classe : l’écart
entre ces deux postures correspond très précisément à la différence entre la pratique et le
« modèle » : « se préparer à faire classe », c’est se projeter dans la classe à venir
33
pour en
élaborer une sorte de « maquette », c’est-à-dire une représentation préliminaire d’ensemble où
l’on trouvera sans doute − pour utiliser cette fois la métaphore du voyage − la destination finale,
quelques jalons et étapes, quelques passages difficiles avec les différents types de guidage et
d’aide disponibles, peut-être quelques parcours différenciés… voire des destinations alternatives.
33
La notion de « projet » est aussi fondamentale dans l’enseignement et la recherche sur l’enseignement
qu’en ingénierie. Concernant le projet de recherche, cf. le chapitre 3 intitulé « Définir son projet de
recherche » du cours « Méthodologie de la recherche en DLC » (DLC-MR3).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 20
3. Le modèle du système de la recherche en DLC
La recherche en DLC fonctionne comme un système :
– Il comporte deux sous-systèmes :
– le sous-système praxéologique, qui fonctionne prioritairement dans une logique
d’intervention : il s’agit de modifier la réalité, en l’occurrence de concevoir des actions
sur les processus d’enseignement-apprentissage de manière à les améliorer ;
– et le sous-système théorique, qui fonctionne prioritairement dans une logique de
compréhension : il s’agit de connaître la réalité, en l’occurrence la nature et le
fonctionnement des processus d’enseignement et d’apprentissage, ce qui implique aussi
de connaître la nature et le fonctionnement des objets sur lesquels portent ces processus
– au moins les langues et les cultures cibles et sources, dans le cas de la DLC.
Ces deux sous-systèmes relèvent des deux grands paradigmes de la connaissance que Jean-
Louis Le Moigne appelle, respectivement, « le paradigme de la connaissance-projet » et « le
paradigme de la connaissance-objet » (1987, p. 7)
34
. Ces paradigmes se modifient et modifient
leurs relations au cours du temps collectif, avec l’évolution de la conception de la discipline et
de la recherche dans la discipline ; ainsi qu’au cours du temps individuel, avec l’avancement de
la recherche et de la maturation professionnelle du chercheur.
− Il est constitué d’un ensemble de composants (chap. 3.1) : ce sont les données de terrain, les
modèles et les théories.
− C’est un système dynamique : il possède des dynamiques externes (chap. 3.2) produites par
des entrées, des sorties, des réentrées et des nouvelles entrées, ainsi que des dynamiques
internes (chap. 3.3) avec des processus récursifs d’itération et de rétroaction, et des processus
linéaires de six types différents.
3.1 Les composants du système
Ce sont les données de terrain, les modèles méthodologiques (pratiques et praxéologiques),
ainsi que et les théories et les modèles théoriques.
3.1.1 Les données de terrain
Dans mon article de 1997 intitulé « Concepts et conceptualisation en didactique des langues »,
je limitais les données de terrain aux « informations de tout type concernant le processus
d'enseignement-apprentissage de la langue-culture dans toutes ses phases et activités, que les
enseignants [eux-mêmes], sur la seule base de leur expérience professionnelle, peuvent
directement recueillir à partir de leur propre pratique ou de l'observation de collègues » (1997b,
note 3, p. 2, souligné dans le texte). Cette limitation ne me semble pas légitime dans le cas du
système de la recherche en DLC, et j’élargis ici ce concept pour les deux raisons suivantes :
34
J'ai ajouté en bibliographie finale les références de deux ouvrages de Le Moigne, La théorie du système
général. Théorie de la modélisation (1977) et La modélisation des systèmes complexes, (1990), qui portent
comme le premier à la fois sur les systèmes et leur modélisation. La place centrale du « projet », sur le
schéma 2, s’explique par l’importance que cet auteur attribue, à côté de l’objectivité et de la subjectivité,
a ce qu’il appelle dans son article de 2005 la « projectivité » (2005, p. 427, cité in DLC-MR5, p. 6).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 21
− D’une part l’expérience professionnelle est constamment enrichie, chez les « praticiens
réflexifs »
35
, non seulement dans la boucle praxéologique modélisation ➔ mobilisation ➔
conceptualisation appliquée à leurs propres pratiques, mais par les apports fournis par le
même processus récursif réalisé par les chercheurs dans le sous-système théorique.
− D’autre part ces praticiens réflexifs peuvent aussi prendre connaissance des données
de terrain recueillies par les chercheurs pour opérer sur elles leur propre
conceptualisation. Lorsque le chercheur est en même temps l’enseignant qui modélise à
partir de son propre terrain d’enseignement et mobilise ses modélisations sur ce même
terrain, comme c’est souvent le cas chez les jeunes chercheurs en mémoire ou en thèse,
le système global de la recherche n’est pas facilité, contrairement à ce qu’ils pourraient
penser, parce qu’il est plus difficile d’y maintenir la nécessaire distinction entre les deux
sous-systèmes et leurs logiques complémentaires, mais différentes.
Les données de terrain peuvent provenir de plusieurs sources, qui seront en règle générale
combinées de manière ensuite à croiser les données ainsi recueillies
36
. Il peut les faire produire
ou les produire lui-même spécialement pour sa recherche au moyen d’expérimentations, ou les
recueillir lui-même au moyen d’observations de classes, par l’analyse des productions
d’apprenants ou des préparations de classe écrites, etc. ; il peut aussi les recueillir chez d’autres
enseignants et apprenants par des questionnaires, entretiens, commentaires d’enregistrements
vidéo de séquences de classes, etc., ou encore en consultant des travaux de recherche publiés.
3.1.2 Les modèles méthodologiques
Parmi les exemples très variés de modèles que propose Sinaceur (cf. supra chap. 1.1), c’est
« un échantillon concret d’un fonctionnement particulier » qui correspondrait le mieux à la notion
de « modèle méthodologique » en DLC. Cette notion s’éclairera dans les deux sous-chapitres
suivants, qui traiteront successivement des deux types de modèles méthodologiques,
« pratiques » et « praxéologiques ». Je renvoie mes lecteurs au schéma 3, « Typologie des
modèles didactiques en DLC » et à son article de présentation (2020a), qui proposent une
typologie des modèles « didactiques » (i.e. de la discipline DLC) : on y retrouve, sous ce nom
de « modèles méthodologiques », les deux sous-types cités ci-dessus.
Les uns comme les autres peuvent être de tailles très variées :
– de petite taille : ce sont les modèles micro-méthodologiques, les plus réduits étant les
« méthodes » dans le sens d’ « unités minimales de cohérence méthodologique »
(cf. 2011k) ; sont aussi de ce type, par exemple, certains procédés ou techniques
37
limitées telles que la correction régressive de l’intonation d’une phrase
38
, la reprise par
l’enseignant d’une phrase d’un apprenant en s’arrêtant juste avant l’erreur pour lui
signaler le point à corriger, tel ou tel type d’exercice, ou encore toutes les techniques
35
Pour reprendre l’expression célèbre de Donald Schön (1983), pour qui le professeur construit son savoir
professionnel par l'action et la réflexion dans et sur l'action.
36
« Le croisement des données d’origines diversifiées […] constitue sans doute la méthode fondamentale
de la recherche en DLC » (DLC-MR5, pp. 42-43 et p. 46), dans laquelle les méthodes de recherche doivent
elles-mêmes être diverses et croisées (idem, « Conclusion de la 2e partie, pp. 45-47).
37
Sur les relatifs attribués à « méthode », « procédé », « technique » et autres notions du champ de la
méthode en DLC, cf. le glossaire 004 ;
38
Pour conserver l’intonation de l’ensemble d’une phrase longue par des apprenants débutants, on la fait
répéter en ajoutant successivement ses différentes parties à partir de la dernière : « rue Montmartre. » →
« 6, rue Montmartre. » → « de la conduire 6, Montmartre. » → « Elle demande au taxi de la conduire 6,
rue Montmartre. »
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 22
utilisées pour la mise en œuvre des méthodes : voir les exemples donnés pour la méthode
active, la méthode répétitive et la méthode conceptualisatrice dans le document 005 ;
– de taille moyenne : ce sont des modèles meso-méthodologiques tels qu’un modèle
d’unité didactique (011) ; une « logique documentaire », ou mode d’exploitation des
documents (2014g), chacune des différentes procédures de travail en grammaire (010) ;
ou encore, d’une taille plus importante, le modèle-procédure global de la correction des
erreurs orales des élèves en temps réel en classe tel qu'il est schématisé en 2022f
(pp. 21-22) ; et le modèle-procédure standard d’exercisation en langue (2016c, schéma
p. 1)
39
;
– de grande taille : ce sont les modèles macro-méthodologiques que représentent les
grandes méthodologies historiques : méthodologies directe, active, audio-orale et
audiovisuelle, approche communicative, perspective actionnelle...
3.1.2.1 Les modèles pratiques
Ce sont des modèles d’enseignement « fermés » dans le sens où ils donnent lieu à simple
« application méthodologique » (cf. infra chap. 3.3.2.1), c’est-à-dire qu’ils sont reproduits
constamment à l’identique dans les pratiques d’enseignement. Ils peuvent avoir été au départ
des « entrées méthodologiques » (cf. infra chap. 3.2.1.2), ou avoir été à un moment des
modèles praxéologiques qui se sont ensuite, en quelque sorte, « figés ». Les modèles pratiques
ne sont pas mauvais en eux-mêmes : toute une partie des pratiques d’enseignement doivent
être pilotée par des modèles pratiques, parce qu’ils peuvent être automatisés : en tant que tels,
ils sont indispensables à l’enseignant parce qu’ils lui permettent de garder suffisamment
d’énergie cognitive disponible pour gérer, au moyen de modèles praxéologiques, son adaptation
en temps réel à la dynamique du processus d’enseignement-apprentissage en classe, lequel
exige une constante attention et est donc très « consommateur » du point de vue cognitif.
Comme je l’ai écrit dans un article de 1994 sur l’observation formative en DLC, ces modèles
pratiques sont même indispensables à l’innovation, et donc, paradoxalement, au processus de
praxéologisation :
[...)) s'il est légitime de critiquer l'enseignant "routinier", c'est-à-dire qui ne fonctionne
constamment que par routines, il ne faudrait pas oublier que celles-ci sont malgré tout
des éléments constitutifs de la maîtrise professionnelle. Et que sans elles, il n'y a
d'innovation possible : il faut disposer en effet d'un haut degré d'automatismes sur les
problèmes professionnels habituels pour pouvoir consacrer de l'énergie à la gestion en
temps réel des problèmes inédits qui vont se poser en situation d'expérimentation; en
d'autres termes, il faut avoir une maîtrise suffisante de l'ensemble de sa pratique
professionnelle pour prendre le risque d'expérimenter des modifications partielles.
(1994d, p. 10).
Pour que les modèles pratiques automatisés soient compatibles avec la souplesse
méthodologique, il faut, forcément, qu’ils soient de taille limitée : un enseignant qui applique
rigoureusement et exclusivement toute une méthodologie constituée, quelle qu’elle soit, ne
dispose que d’une marge de manœuvre très limitée pour la mise en œuvre de la compétence
première de tout enseignant, à savoir sa capacité d’adaptation à ses apprenants et à
l’environnement d’enseignement-apprentissage.
39
Dans certaines publication J’ai appelé ces modèles méso-méthodologiques des « objets », par référence
à une technique de programmation informatique. Sur leur définition, cf. 2012f. Sur la liste de ces objets
actuellement disponibles, cf. 2019g, p. 11.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 23
3.1.2.2 Les modèles praxéologiques
Contrairement aux modèles pratiques, modèles fermés qui ne donnent lieu qu’à application, les
modèles praxéologiques sont des modèles ouverts que les enseignants mettent périodiquement
en récursivité dans le sous-système praxéologique du système de la recherche des enseignants
(mobilisation ➔ conceptualisation ➔ modélisation ➔ mobilisation. : cf. le schéma 1). Ce sont
ces récursivités qui permettent l’adaptation constante de leurs pratiques par les enseignants à
partir de la reconceptualisation des données de terrain (cf. supra chap. 2.2, p. 17), et ce sont
donc elles qui constituent la dynamique de la réflexion méthodologique professionnelle.
Un enseignant peut mobiliser les modèles praxéologiques dans ses pratiques de classe selon
trois grands types de processus, tous réflexifs puisque la réflexivité fait partie de la nature même
de ce type de modèle :
a) Il introduit dans sa pratique des modèles méthodologiques en fonction de ses besoins et de
ses intentions en observant en temps réel leurs effets et en évaluant leurs résultats ; il opère
alors, dans ce premier temps, une « application méthodologique », mais à titre
d’expérimentation, et donc en la soumettant ensuite ses observations des données de terrain à
conceptualisation (cf. le schéma 1). Il peut alors, en fonction de son évaluation, soit
l’abandonner, soit l’adopter définitivement tel quel (il deviendra alors pour lui un modèle
pratique), soit l’intégrer dans ses modèles praxéologiques, où il entrera alors, comme les autres
modèles de ce type, dans la boucle récursive permanente suivante :
Figure 6
La boucle récursive conceptualisation – modélisation praxéologique – mobilisation praxéologique
– conceptualisation
b) Il élabore directement des modèles praxéologiques à partir de sa pratique professionnelle.
c) Il emprunte des modèles praxéologiques – qui sont des propositions méthodologiques
ouvertes parce que référées à des modèles théoriques, confrontées à des données
d’expérimentation et conceptualisées – en les confrontant à son tour à ses données
d’expérimentation sur le terrain et à sa conceptualisation : pour mettre en avant leur caractère
d’ouverture et d’incitation à des expérimentations personnelles, le terme de « modélisation
praxéologique » convient mieux à ces emprunts, parce que ce sont des exemples de production
et non des « produits finis » : l’ambivalence du terme de « modélisation » – qui peut désigner
autant le processus que le produit – permet précisément d’inclure ces deux aspects.
Les « praticiens réflexifs » les plus actifs sont ceux qui réalisent simultanément et en
permanence ces trois processus de recherche (cf. fig. 6 ci-dessus) sur leur propre pratique
professionnelle.
3.1.3 Théories et modèles théoriques
Je réserve dans le présent essai le terme de « théories » à ce qu’on appelle traditionnellement
en DLC les « disciplines de référence », ou « connexes », ou encore « annexes ». Ce sont,
traditionnellement aussi, les « sciences du langage », les « sciences cognitives » et,
particulièrement pour la didactique scolaire, les « sciences de l’éducation ». D’un point de vue
épistémologique, on peut parfaitement considérer que ces sciences, comme toutes les sciences,
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 24
même exactes, ne produisent que des modèles, et non des théories. On peut difficilement
considérer le « triangle didactique » de J. Houssaye comme autre chose qu’un modèle, et c’est
d’ailleurs ainsi que je l’ai présenté plus haut au chapitre 1.1.2. Mais pour des raisons de
commodité terminologique, je réserve ici les concepts de « théories » aux cadres conceptuels
de ces disciplines extra-didactiques, qui, en étant importés tels quels par des didacticiens, vont
constituer des « entrées théoriques » dans leur système de recherche.
Quoi qu’il en soit de ce débat épistémologique et terminologique, l’essentiel ici est d’opposer
clairement la visée des modèles en DLC, qui est une discipline d’intervention, et celle des théories
dans ces sciences annexes : avec un modèle, on cherche à agir sur la réalité, et son critère
d’évaluation est sa pertinence et son efficacité en contexte une théorie ; avec une théorie, on
cherche à comprendre la réalité en elle-même, et son critère d’évaluation est son adéquation
à cette réalité (cf. 015). Les linguistes ne cherchent pas à modifier l’usage de la langue ni les
chercheurs en sciences cognitives le fonctionnement du cerveau des apprenants. C’est pourquoi,
s’ils veulent intervenir en didactique, ou si des didacticiens veulent s’appuyer sur leurs théories
pour intervenir en DLC, il est nécessaire d’abord d’en tirer des modèles : c’est l’opération de
« modélisation théorique » (cf. la flèche correspondante dans le schéma 1)
Dans mon article 2020, je présente en page 4 l’exemple historique suivant de relation entre une
théorie linguistique (le distributionalisme), une théorie cognitive (le béhaviorisme), et les
modèles théoriques correspondants qui se sont combinés pour générer un modèle
méthodologique en DLC :
Figure 7
Exemple 1 de relation théorie – modèle théorique – modèle méthodologique
Autre exemple : la théorie cognitive de l'apprentissage de Piaget est décrite comme un système
de traitement actif des entrées informatives sur la base de deux mécanismes internes inverses,
l'assimilation et l'accommodation, qui aboutissent tous deux à une réorganisation d'ensemble
des connaissances, considéré lui aussi comme un système ouvert sur son environnement. À cette
théorie correspondent en éducation un modèle théorique qui est celui de l’apprentissage comme
une construction par l’apprenant de ses propres connaissances, et en DLC le modèle théorique
de l’interlangue. Le modèle méthodologique généré en DLC par ce modèle théorique est la
technique de la conceptualisation par les apprenants de leurs propres erreurs, la prise de
conscience de son interlangue par l’apprenant étant supposée, par recours supplémentaire à un
postulat rationaliste, favoriser son évolution :
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 25
Figure 8
Exemple 2 de relation théorie – modèle théorique – modèle méthodologique
Ce modèle méthodologique peut être schématisé à son tour de la manière suivante :
Figure 9
Modèle méthodologique correspondant à la théorie constructiviste et son modèle théorique de
l’interlangue
3.2 Les dynamiques externes
3.2.1 Les entrées dans le système
Comme nous l’avons déjà annoncé plus haut, un « système », en théorie des systèmes, présente
des « entrées », des « sorties », des « réentrées » et des « nouvelles entrées ». Le terme
« entrées » et ses deux variantes, « réentrées » et « nouvelles entrées », correspondent en DLC
à des éléments informationnels provenant de l’environnement du système.
En ce qui concerne les entrées, elles sont d’origines différentes : ce sont, dans l’ordre de leur
lecture sur le schéma 1, les entrées empiriques, méthodologiques, technologiques sociales et
théoriques.
3.2.1.1 Les entrées empiriques
Les entrées empiriques sont à la fois massives et permanentes dans le système de la recherche
en DLC, beaucoup plus sans doute que dans d’autres disciplines, parce que la problématique de
l’enseignement des langues est constamment confrontée à l’existence d’une acquisition naturelle
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 26
(celle de la langue maternelle et celle obtenue en situation de « bain linguistique ») considérée
comme à la fois beaucoup plus aisée et efficace.
Historiquement, on trouve de nombreuses traces d’entrées empiriques en DLC. Il s’agit en
particulier :
− du rôle important qu’a joué la « méthode naturelle », ou « maternelle », dans la
première (et sans doute la plus grande) révolution méthodologique, celle de la
méthodologie directe du début du XXe siècle (cf. 1988a, 2e partie : « La méthodologie
directe », chap. 2.1.8, « La méthode naturelle », pp. 75-78) ;
− du poids permanent du modèle de l’immersion (ou du « bain linguistique ») tout au
long de cette histoire ;
− de la place prise en DLC par les recherches sur le bilinguisme, l’apprentissage précoce,
ou encore sur les mécanismes cognitifs à l’œuvre dans l’acquisition de la langue
maternelle.
Ce que l’on peut appeler le « postulat empirique », à savoir l’évidence que ce serait dans la
pratique elle-même de la langue étrangère que se trouverait le secret de son apprentissage
pratique, a constamment, jusqu’à nos jours, pesé d’un poids énorme sur la recherche en DLC
les conceptions de l’enseignement-apprentissage et le mécanisme d’élaboration de tout nouvelle
méthodologie (sur ce dernier point, cf. 2024a, chap. 3, pp. 8-9). Ce postulat correspond à des
énoncés tels que : « c’est d’abord en parlant la langue que l’on apprend à la parler », « c’est
d’abord en écrivant qu’on apprend à l’écrire », « c’est d’abord en communiquant que l’on
apprend à communiquer »
40
, et maintenant, avec la perspective actionnelle
41
, « c’est d’abord en
agissant en langue étrangère dans la microsociété classe que l’on apprend à agir en langue
étrangère dans la société extérieure ». Ce postulat explique, en DLC, l’importance de toutes les
activités qui mettent en œuvre le principe d’homologie maximale entre les fins (les objectifs de
pratique sociale de la langue) et les moyens (les activités réalisées en classe pour atteindre ces
objectifs). Dans le cas de la perspective actionnelle, la finalité de formation d’un acteur social
réactive mécaniquement l’orientation pédagogique déjà bien connue qui exploite au maximum
l’homologie entre la société extérieure et la société classe, à savoir la pédagogie de projet
(cf. 2014b).
3.2.1.2 Les entrées méthodologiques
Chez les enseignants, les entrées méthodologiques s’effectuent déjà en fonction de leurs propres
expériences passées et sous l’influence de leurs caractéristiques personnelles, puis à l’occasion
de la formation initiale, de la formation continuée, de leurs expériences d’enseignement
(forcément très modélisées par les manuels qu’ils utilisent
42
), de leurs lectures (dont celles des
instructions officielles) ou encore de leurs contacts personnels avec ses collègues. J’ai cité en
Introduction générale du présent essai une « séance de travaux pratiques de théorisation »
(1999h, pp. 28-30) portant sur les différentes origines des méthodologies personnelles
d’enseignement. J’y ai proposé (p. 33) la modélisation suivante :
40
D’où l’importance de la simulation dans l’approche communication, qui assure une homologie maximale
entre la pratique d’apprentissage et la pratique d’usage de la langue.
41
J’ai publié de très nombreux textes sur cette perspective actionnelle, dont on retrouvera les titres et les
résumés, ainsi que les liens de téléchargement, dans la rubrique bibliographique correspondante de mon
site : « Bibliographies - Perspective actionnelle ».
42
Ce sont sans doute les entrées qui ont les plus forts effets, parce qu’ils sont permanents et prégnants,
du moins dans la mesure où les manuels sont suivis rigoureusement (ce qui correspond aux niveaux 1 à 3
de compétence d’un enseignant dans l’utilisation de son manuel : cf. 2015e, pp. 2-4).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 27
Figure 10
Les différentes entrées dans le système méthodologique de l’enseignant
Ces « origines » des méthodologies personnelles d’enseignement constituent autant d’entrées
méthodologiques dans le système méthodologique de chaque enseignant. Elles peuvent donner
deux résultats différents :
− Elles restent des « modèles pratiques », c’est-à-dire qu’elles ne donnent lieu par la
suite qu’à une « application méthodologique » à l’identique (voir flèche correspondante
en pointillés dans le schéma 1).
− Elles se confrontent régulièrement avec le terrain et elles donnent lieu par conséquent
à de nouvelles conceptualisations, ce qui les fait s’intégrer dans la dynamique du sous-
système praxéologique.
L’enjeu majeur de la formation initiale, c’est de mettre en place des stratégies de formation qui
favorisent au maximum l’intégration la plus rapide possible des entrées méthodologiques dans
le système praxéologique des futurs enseignants : études de cas illustrant l’importance décisive
de l’environnement, comptes-rendus réflexifs d’observations de classes différentes, alternance
entre des périodes de cours de didactique et des périodes de pratique personnelle, etc. L’un des
critères d’évaluation du mémoire de fin de formation initiale à l’enseignement doit être
précisément cette capacité de praxéologisation des modèles méthodologiques.
Les « entrées » existent aussi dans les processus d’élaboration des grandes méthodologies
historiques. Dans mon essai 2024a, j’ai montré qu’elles se posent en s’opposant aux
méthodologies antérieures
43
, mais aussi qu’elles peuvent les prolonger (c’est le cas entre la
méthodologie audiovisuelle et l’approche communicative), et que toutes empruntent
éclectiquement les unes et aux autres
44
. Dans un essai récent (2024a), j’ai proposé une
43
La méthodologie directe s’est ainsi opposée systématiquement à la méthodologie traditionnelle (1988a,
chap. 2.2. « Les origines de la méthodologie directe » et chap. 2.1.5. « La rupture avec la méthodologie
traditionnelle scolaire », p. 72). Dans un article de 2014, j’ai expliqué pourquoi j’avais élaboré ma version
de la perspective actionnelle de la même manière, en opposition avec l’approche communicative (2014a,
« Introduction », p. 4.)
44
C’est le cas de la méthodologie active, méthodologie officielle dans l’enseignement scolaire des langues
vivantes étrangères en France des années 1920 aux années 1960, et dont les promoteurs s’étaient proposé
de corriger ce qu’ils considéraient comme des excès de la méthodologie directe par un retour partiel à
certaines démarches de la méthodologie traditionnelle (cf. 1988a, chap. 3.2 « Les principes de la
méthodologie active », pp. 148-153). C’est aussi le cas des manuels de FLE à partir des années 1980, qui
abandonnent la version forte de l’approche communicative pour revenir, en particulier, à un enseignement
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 28
modélisation « 3M (Matrice – Modèles – Méthodologie) » du « mécanisme de changement,
d'élaboration et d'adaptation des méthodologies en DLC », dans laquelle les « modèles »
(pédagogiques, linguistiques, cognitifs, culturels, méthodologiques, épistémologiques et
idéologiques) constituent autant d’entrées dans le processus d’élaboration, et éventuellement
par la suite, d’adaptation, de ces méthodologies qu’on peut considérer elles-mêmes comme des
systèmes.
Les cultures pédagogiques et plus largement scolaires,, qui sont un autre exemple d’entrées
méthodologiques et qui sont directement influencées par les cultures sociales
45
, peuvent être
considérées également comme des entrées sociales (cf. infra chap. 3.2.1.4), dans la mesure où
elles font aussi partie de l’environnement externe du processus d’enseignement-apprentissage-
usage.
3.2.1.3 Les entrées technologiques
J’ai déjà analysé ce que je n'appelais pas encore des « entrées technologiques » dans plusieurs
articles, en particulier dans 2009e. et, pour le plus récent, 2022c. Ils présentent les différentes
manières dont au cours de l’histoire on a organisé ces entrées dans le système de la recherche,
et qui sont toujours les différentes options actuellement disponibles.
La présentation la plus complète et la plus détaillée est celle de l'article 2009e, dans lequel je
définis pp. 3-5 les « cinq postulats différents portant sur les mécanismes que l’on considère à
l'œuvre dans le fonctionnement des relations entre innovation technologique et innovation
didactique » :
− Le déterminisme technologique : Les potentialités des innovations technologiques
provoqueraient en elles-mêmes des effets mécaniques d’innovation didactique.
Ce postulat correspond à une position que l'on peut appeler « l'applicationnisme
technologique ». Dans un certain nombre de comptes rendus d'expérimentations, on a
effectivement l'impression que l'intervention sur le terrain est déterminée principalement
par les activités que génère d’elle-même la technologie utilisée.
− Le déterminisme social : Les innovations technologiques ne se développeraient et/ou ne se
diffuseraient que si elles correspondent à des demandes, attentes et besoins sociaux, en
l’occurrence ceux des apprenants et des enseignants ; en outre, ces utilisateurs se les
approprieraient en imposant leurs propres usages, au besoin en les détournant à leur manière
et à leur profit.
Si l'on part sur ce postulat, on considérera que les innovations technologiques
correspondent à une combinaison entre les entrées technologiques et les entrées sociales.
Cette stratégie d'intervention est certainement plus intéressante d'un point de vue
didactique que la première, dans la mesure où elle amène forcément à observer, analyser
et interpréter les comportements des apprenants, ce qui permet ensuite, en
conceptualisant les nouvelles données ainsi recueillies, de lancer la dynamique récursive
du sous-système praxéologique.
− Le déterminisme disciplinaire : Ce seraient les demandes, attentes et besoins apparus
dans les différentes disciplines (la didactique des langues-cultures, par exemple) qui
plus systématique de la grammaire avec des exercices « traditionnels » de repérage, conceptualisation,
application et entraînement (cf. 1994e, chap. 1.1.2 « Éclectisme et matériels didactiques », pp. 16-19).
45
Le niveau et la fréquence d’utilisation de la méthode active ou de la méthode opposée « transmissive »,
par exemple (cf. 008), seront forcément très différents dans les institutions scolaires des sociétés plus
égalitaires ou plus hiérarchiques.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 29
amèneraient leurs spécialistes (didacticiens, méthodologues, concepteurs de manuels,
inspecteurs, formateurs et enseignants des langues-cultures) à promouvoir ou recourir à telle
ou telle technologie de telle ou telle manière pour en réaliser telle ou telle potentialité.
Ce postulat fonde une sorte d'« implicationnisme technologique », qui suppose, comme
celui du déterminisme technologique d'ailleurs, l'existence de « modèles technologiques »
pouvant fonctionner directement en tant que modèles méthodologiques. Comme je le
signale dans cet article (p. 4), c'est bien en partie ce postulat qui a fonctionné pour
justifier le recours massif aux laboratoires de langues dans les années 1960-1970.
− La convergence/ la divergence : Il faudrait qu’il y ait « convergence » historique (on
pourrait aussi parler de « conjonction », « rencontre », de « coïncidence » ou encore de «
synergie ») entre les potentialités technologiques, d’une part, et d’autre part les demandes,
attentes et besoins sociaux et disciplinaires, pour qu’apparaisse de l’« innovation durable »,
c’est-à-dire une innovation qui se diffuse largement et se maintienne dans la durée. Si cette
conjonction n’avait pas lieu ou, pire, s’il y avait divergence(s), il ne pourrait s’établir de relation
durable entre une innovation didactique et une innovation technologique.
Ce postulat, comme celui du déterminisme social, est interprétable dans ma modélisation
du système de la recherche en DLC comme une variante de la combinaison entre les
entrées didactiques, sociales et technologiques.
− Le postulat de la complexité : Ce dernier postulat peut être qualifié de « complexe » parce
qu’il inclut tous les précédents en considérant que les mécanismes correspondants jouent de
manière aussi diverse et variable qu’aléatoire : la présence des quatre types antérieurs de
mécanisme serait constante, et suivant les cas, ce serait l'un ou l'autre d’entre eux qui
s'imposerait, ou se combinerait (simultanément) et/ou encore s'articulerait (chronologiquement)
avec un ou plusieurs autres.
Ce postulat recoupe l'idée, sur laquelle repose toute ma modélisation du système de la
recherche en DLC, que ce système est complexe dans le sens où les processus qui le
composent sont nombreux et variés, et qu'ils fonctionnent de manière très variable.
Le fonctionnement des entrées technologiques dans les systèmes de la recherche des disciplines
scolaires en général fait l’objet, de la part de nombreux spécialistes, de constats plutôt critiques.
Bruno Devauchelle, par exemple, considère que « l'on survalorise les expérimentations-
innovations par rapport aux pratiques ordinaires » (2015) ; et si l’on en croit Jean-François
Fiorina (2015), ces expérimentations elles-mêmes seraient sous-exploitées à cause de
l’évolution rapide des technologies : « la rapidité d’évolution laisse peu de temps à
l’expérimentation et à la prise de recul. » Si ces constats sont exacts, on peut malheureusement
craindre que les entrées technologiques ne soient pas en mesure d’alimenter les différents
processus du sous-système praxéologique, dont le fonctionnement demande du temps, de la
pratique et de la réflexion collective ; sans parler de la difficulté de parvenir à opérer des mises
en relation des sous-systèmes praxéologique et théorique : comment mobiliser les études sur
l’ergonomie lorsque l’on passe dans les salles de classe, en quelques années, des ordinateurs de
bureau aux TBI, puis aux tablettes et aux smartphones ? On parle beaucoup des
« environnements numériques », mais l’innovation durable, la seule qui intéresse vraiment le
didacticien parce qu’elle seule assure la généralisation et la pérennisation de nouveaux modèles
méthodologiques – demanderait assurément des environnements de recherche différents.
La conclusion de mon article 2009e s’intitulait précisément « quelques règles d’action pour de
l’innovation durable » (p. 17). Je les ai reprises par la suite dans plusieurs publications, jusqu’à
parvenir, dans une conférence intitulée « Convergences between the social action-oriented
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 30
approach and digital tools » (Bilkent University, Ankara, conférence en anglais le 30 mai 2024,
non publiée), au modèle suivant (ma traduction) :
1. Partir du modèle
46
du déterminisme didactique. Ceci nous oriente vers la
perspective actionnelle et sa pédagogie de référence, la pédagogie de projet, pour deux
raisons : a) c'est l'innovation didactique du moment dans toutes les disciplines (pas
seulement les langues), et b) c'est la configuration didactique avec laquelle les
convergences sont les plus grandes avec les technologies numériques.
2. Considérer les convergences et les divergences entre les innovations didactiques et
technologiques (modèle des convergences-divergences).
3. Rechercher les innovations didactiques possibles en exploitant le potentiel des
innovations technologiques (modèle du déterminisme technologique).
4. Prendre en compte le modèle du déterminisme social : a) mobiliser les étudiants
dès le début du processus de transformation, b) se concentrer sur leur utilisation
quotidienne des technologies numériques.
5. Créer dès le départ les conditions d'une transformation durable (c'est-à-dire
généralisée et pérenne) : il s'agit de travailler à une échelle maîtrisable, celle de
l'institution (université, école...), d'assurer un soutien fort et constant de l'institution, et
de mobiliser les enseignants de toutes les disciplines.
Ce sont effectivement là autant de mesures à prendre pour que les entrées technologiques
puissent entrer véritablement dans la dynamique récursive du sous-système praxéologique.
3.2.1.4 Les entrées sociales
Ce sont les plus importantes pour ce qui concerne l’évolution du système général de la recherche.
C’est là l’une des principales leçons que j’ai tirées dans la conclusion générale de mon Histoire
des méthodologies, où, en énumérant « les impressions marquantes que je ramène de ce
parcours historique », j’écrivais avoir été frappé particulièrement…
… par les rapports étroits et constants entre cette DLVE [Didactique des Langues Vivantes
Étrangères] et la vie économique, politique et intellectuelle du pays, qui font que
le véritable moteur du changement méthodologique n’est pas l’évolution interne de la
discipline didactique (en particulier, comme on le présente souvent, les modifications
intervenant dans les théories de référence, qu’elles soient pédagogiques, psychologiques,
linguistiques,...), mais bien l’apparition de nouveaux besoins sociaux : l’enseignement
des LVE et par conséquent la réflexion sur cet enseignement apparaissent comme des
pratiques éminemment sociales, au-delà des illusions individualistes ou technocratiques
que peuvent entretenir parfois ses différents acteurs. (1988a, p. 261, souligné dans le
texte)
Ces entrées sociales influencent aussi constamment les effets que peuvent avoir les autres
entrées dans l’un et l’autre des sous-systèmes : j’écrivais, à la fin du même ouvrage, avoir été
frappé aussi…
… par le poids énorme et décisif, sur le destin de chacune des méthodologies constituées,
des situations d’enseignement-apprentissage
47
: les lacunes de la formation des
46
A partir du moment où on considère les différents postulats non comme exclusifs les uns des autres,
mais comme combinables entre eux, on peut considérer, du point de vue épistémologique, qu’ils
fonctionnent comme des « modèles ».
47
J’écrirais maintenant « situation d’enseignement-apprentissage-usage », justement pour prendre en
compte l’importance des usages sociaux visés de la L2 (cf. 2023 12 04).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 31
professeurs, le trop petit nombre d’heures d’enseignement par semaine, le trop grand
nombre d’élèves par classe, leur trop faible motivation et leur trop forte hétérogénéité,
entre autres, ont constamment été ressentis, par les méthodologues directs et
audiovisualistes, comme les freins les plus puissants à l’innovation et les premiers
responsables des échecs. La méthodologie a sans cesse fluctué entre d’une part la prise
en compte des situations d’enseignement-apprentissage et l’élaboration de
méthodologies qui voulaient d’emblée s’y adapter (MT, MA)
48
, et d’autre part la
construction de projets ambitieux dont la mise en œuvre aurait exigé un changement
radical des situations existantes (MD, MAV). Nous sommes actuellement en train de
revenir, semble-t-il, à une phase de prise en compte prioritaire de ces situations, sans
doute à la suite du développement de l’enseignement des LVE aux adultes, où les
situations sont d’une extrême diversité, et aussi en raison de la massification de
l’Enseignement secondaire, qui s’impose de plus en plus comme sa première réalité. Mais
quelle que soit l’orientation choisie, ces situations d’enseignement-apprentissage se
révèlent en définitive déterminantes, sur lesquelles méthodologues, concepteurs de cours
et professeurs n’ont en tant que tels nulle prise. (1988a, p. 261)
Mes recherches postérieures, jusqu’à présent, n’ont pas modifié cette analyse, mais l’ont au
contraire confortée en montrant que ces entrées sociales continuent à fonctionner de la même
manière et tout aussi puissamment. J’ai ainsi introduit il y a quelques années le concept de
« configuration didactique » (cf. 029), dans lequel la fonction des objectifs sociaux langagiers et
culturels est déterminante : c’est en effet une modification significative de l’un et/ou l’autre de
ces objectifs qui déclenche le processus de reconfiguration générale qui aboutira finalement aux
modifications, dans les ministères, des curricula ; chez les éditeurs, des manuels ; dans les salles
de classe, des attentes des apprenants et des pratiques d’enseignement. La dernière évolution
des configurations didactiques, celle qui apparaît dans le Cadre Européen Commun de Référence
de 2000 avec les nouveaux objectifs des compétences plurilingue et pluriculturelle et de la
formation d’un acteur social, n’échappe pas la règle (cf. 2014a et sa bibliographie). Dans le
modèle de changement, d’élaboration et d’adaptation des méthodologies en DLC que j’ai publié
en 2024, le mécanisme « 3M (Matrice – Modèles – Méthodologie) », c’est le même mécanisme
que je propose :
Une nouvelle méthodologie émerge à la suite d'un changement social dans l'objectif
d'usage et l'environnement d'usage de la L2, et une nouvelle matrice est formée avec ces
deux éléments primaires, auxquels s'ajoutent l'action d'usage et les compétences
linguistiques et culturelles correspondantes. La nouvelle méthodologie est alors générée
par l'application à cette matrice d'une série de modèles différents : pédagogique,
linguistique, cognitif, culturel, méthodologique, épistémologique et idéologique. (2024a,
résumé)
C’est pourquoi je considère que la problématique centrale de la DLC, dite traditionnellement
« d’enseignement-apprentissage », devrait être appelée « d’enseignement-apprentissage-
usage » : l’objectif principal visé dans une classe de L2 est bien qu’y apparaisse un véritable
usage de la L2, et le principal moyen utilisé pour y parvenir est précisément ce même usage de
la L2 (c’est le principe de l’« homologie fin-moyen » présenté dans mon billet de blog
2023 12 04, que je reprends dans mon article 2024a, et, plus longuement, dans l’ouvrage
commun Acar A. & Puren C. 2024 (à paraître, en anglais).
48
MT = méthodologie traditionnelle. MA = méthodologie active. Dans la suite de cette citation : MD =
méthodologie directe. MAV = méthodologie audiovisuelle. LVE = langues vivantes étrangères.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 32
3.2.1.5 Les entrées théoriques
Les théories externes à la DLC qui vont entrer dans son système de recherche-intervention y
donnent lieu à deux grandes sortes de traitement. Soit elles sont utilisées uniquement pour de
la mobilisation rhétorique (cf. infra chap. 3.3.2.6), soit elles sont utilisées pour générer des
modèles théoriques qui vont pouvoir entrer ensuite dans différentes processus linéaires ou
récursifs de recherche (cf. schéma 1). Dans certaines recherches d'étudiants-chercheurs, la
théorie se trouve faire seulement l'objet d'une mobilisation rhétorique, alors que dans d'autres
la même théorie est intégrée dans une véritable dynamique de recherche-intervention
(cf. schéma 2). On peut penser aussi que la même théorie est susceptible de faire l’objet
successivement de ces deux traitements au cours de l’évolution historique de la DLC.
Il n’est pas toujours facile, lorsqu’on fait l’histoire des méthodologies, de pondérer ce qui vient
réellement des entrées théoriques. Prenons l’exemple des modèles de conception et de gestion
des processus cognitifs d’enseignement-apprentissage dont j’ai fait la synthèse dans le
document 016. Les idées que je vais présenter ci-dessous
49
peuvent certainement être discutées
indéfiniment, la vérité historique – si tant est que ce concept ait vraiment un sens en cette
affaire… – étant maintenant définitivement impossible à reconstituer.
− Les modèles de la réception et de l’imprégnation (ou « immersion ») ont correspondu à des
entrées empiriques. Il est probable que les neurosciences nous éclaireront sur les mécanismes
neurologiques à l’œuvre dans cette acquisition naturelle que veut reproduire le modèle de
l’immersion, mais cela ne résoudra pas la question de la gestion complexe des modèles cognitifs
à mettre en œuvre dans l’apprentissage formel, qui devront toujours rester variés et variables.
− Le modèle de l’activation − celui de la méthodologie directe, mis en œuvre principalement au
moyen de la « méthode interrogative » (question de l’enseignant ➔ réponse des apprenants ➔
correction de l’enseignant : cf. supra Figure 5, chap. 1.4 p. 12): ce schéma interrogatif, en effet,
n’est jamais utilisé de cette manière intensive et systématique ailleurs qu’en apprentissage
formel, même dans des situations naturelles d’appui à l’apprentissage, par exemple par la mère
avec son enfant. C’est sans doute un modèle méthodologique élaboré au cours des siècles par
les processus à l’œuvre dans le sous-système praxéologique : on le trouve déjà dans la
« méthode socratique » utilisée dans les dialogues de Platon, et on le retrouve plus tard dans le
modèle catéchistique tridentin au XVIe siècle. Ce modèle a été réactivé et renforcé par
l’émergence des « méthodes actives » à la fin du XIXe siècle, elles-mêmes influencées par les
recherches théoriques de l’époque sur la psychologie de l’enfant
50
. Mais il est difficile de dire
dans quelle mesure. Comme ces recherches sont très rarement citées dans les textes des
méthodologues de l’époque, on peut penser qu’elles n’y correspondent alors qu’à de la
« mobilisation rhétorique ». En outre, il n’y a pas eu à ma connaissance de tentative
d’élaboration d’un modèle théorique correspondant, même dans l’ouvrage entier que François
Closset consacre en 1950 à la méthodologie active : l’extrait reproduit dans le document 006
est un bon exemple des différentes techniques de mise en œuvre d’un modèle praxéologique,
celui de la « méthode active »
51
.
− Le modèle de la réaction semble bien correspondre à une entrée théorique repérable et
explicitement revendiquée par les méthodologues audio-oralistes américains − le
béhaviorisme −, mais j’ai remarqué dans mon Histoire des méthodologies (1988a) que la
préoccupation pour le montage d’automatismes au moyen d’exercices intensifs mono-
49
Cf. aussi infra le chap. 3.3.2.6.
50
Cf. 1988a, p. 78.
51
Sur la présentation de cette méthode, voir 005.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 33
structuraux ne date pas de la méthodologie audio-orale : cette entrée théorique a bien donné
lieu à application théorique (le modèle théorique correspondant, à savoir le schéma skinnérien
stimulus-réponse-renforcement, a été mis tel quel en pratique dans les exercices structuraux au
moyen des magnétophones bi-piste), mais il a en partie fonctionné aussi sur le mode de la
mobilisation rhétorique. C’est en grande partie sur ce même mode de la mobilisation rhétorique
qu’a fonctionné le structuro-globalisme dans la méthodologie audiovisuelle française, où, comme
je le remarquais aussi dans Histoire des méthodologies, elle a servi en quelque sorte
d’« antidote » au « virus » antimentaliste du béhaviorisme
52
. Pour la raison évoquée par
S. Moirand dans son article de 1988 (cf. supra p. 10), celle du désir de légitimation, les
méthodologues ont toujours eu tendance à survaloriser les références théoriques, c’est-à-dire,
pour le dire dans la terminologie que j’utilise ici, à faire de la mobilisation rhétorique.
− Le modèle de l’interaction (celui de l’approche communicative) est d’origine empirique, même
si, comme nous l’avons vu plus haut, les recherches théoriques sur la « co-construction du sujet
et des savoirs » ont pu être mobilisées de manière rhétorique, (cf. infra chap. 3.3.2.6).
−Le modèle de la construction, avec son hypothèse centrale de l’interlangue, est venu en partie
légitimer scientifiquement les activités très anciennes de conceptualisation grammaticale
53
, et il
a donc alimenté de la mobilisation rhétorique. Mais il a aussi donné lieu à une variante du modèle
praxéologique de la conceptualisation grammaticale par les apprenants, à savoir la
conceptualisation des apprenants sur leurs propres erreurs ? et non plus, comme
précédemment, sur des énoncés modèles : cf. supra le modèle de la Figure 9, p. 25. Pour
l’instant, je n’ai vu fonctionner les références au socioconstructivisme, même avec son modèle
théorique de la « résolution de problèmes en groupes », qu’en tant que mobilisation rhétorique :
ce qui ne veut pas dire qu’elle ne puisse, comme les autres, avoir un effet indirect mais très
concret de renforcement de tel ou tel modèle praxéologique.
− Qu’en sera-t-il du modèle de la « proaction », que j’avance dans le même document 016
comme étant une référence théorique nouvelle de la perspective actionnelle, ou encore de la
théorie cognitive des « neurones miroirs » (cf. infra p. 47) ? Seul l’avenir de la DLC nous dira
s’ils entreront un jour dans un autre processus que celui auquel ils se limitent actuellement, celui
de la mobilisation rhétorique…
3.2.1.6 L’exemple historique des entrées dans le cas de la méthodologie
directe
Dans mon Histoire des méthodologies, en introduction du chapitre 2.2 consacré aux origines de
la méthodologie directe (1988a, pp. 65-81), j’écrivais ceci :
Lorsqu’il s’agit de décrire les « origines » de la MD, les différents chapitres s’imposent
pratiquement d’eux-mêmes à l’historien. Mais il semble en même temps très difficile
d’opérer entre ces diverses «origines» une classification et surtout une hiérarchisation
qui ne soient pas largement arbitraires. Dans ce labyrinthe des causes, des sources ou
encore des influences qui ont présidé à la naissance, à la vie et à la postérité de la MD,
je convie donc prudemment les lecteurs, au-delà du parcours qu’il m’y faut bien tracer,
à y dérouler leur propre fil d’Ariane. (p. 65)
Je disais plus haut, au chapitre 3.2.1.5, qu’il n’est pas facile de pondérer ce qui vient réellement
des entrées théoriques. En fait, c’est le poids de chaque type d’entrée, et le poids de chaque
52
Pour toutes ces remarques sur le modèle de la réaction, je renvoie à mon ouvrage de 1988(a),
chap. 4.1.3, pp. 198-202 et chap. 4.2.3.2, pp. 231-234.
53
Elles ont déjà une place centrale dans la méthodologie traditionnelle, dite de « grammaire-traduction »
(cf. 1988a, Première partie, pp. 16 sqq.).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 34
type d’entrée par rapport aux autres types d’entrées, qu’il est difficile d’estimer a posteriori dans
les systèmes méthodologiques. Je peux maintenant classer les dix « origines » de la
méthodologie directe que j’ai repérées dans mon Histoire des méthodologies (1988a) selon la
typologie fournie par les concepts du schéma 1 (les chapitres numérotés ci-dessous sont ceux
de cet ouvrage de 1988) :
− 1 entrée empirique :
• La méthode naturelle (chap. 2.1.8)
− 4 entrées méthodologiques
• L’évolution interne de la méthodologie traditionnelle (chap. 2.1.4)
• La rupture avec la méthodologie traditionnelle scolaire (chap. 2.1.5)
• Le modèle allemand (chap. 2.1.6)
• Précurseurs (chap. 2.1.7)
− 3 entrées sociales
• Nouveaux besoins et nouveaux objectifs (chap. 2.1.1)
• Le contexte politique et éducatif (chap. 2.1.2)
• La professionnalisation du corps enseignant (chap. 2.1.3)
− 2 entrées théoriques
• La nouvelle psychologie (chap. 2.1.9)
• La phonétique pratique (chap. 2.1.10)
Ces nombres d’entrées différentes pour la méthodologie directe n’ont aucune valeur statistique
générale en DLC. Tout au plus montrent-ils, s’il en était besoin, la complexité des mécanismes
à l’œuvre lors des (r)évolutions méthodologiques dans cette discipline ; ils montrent aussi – du
moins je l’espère − l’intérêt et la pertinence des concepts systémiques utilisés dans cette
présente théorie de la recherche en DLC.
3.2.1.7 L’exemple des « modèles » dans la modélisation « 3M » (Matrice
– Modèles – Méthodologie) »
J’ai déjà eu l’occasion plus haut de citer à plusieurs reprises le modèle « 3M » (Matrice – Modèles
– Méthodologie ») que j’ai proposé dans mon essai de 2024a. J’en ai parlé également au chapitre
3.2.1.2 supra, où j'ai précisé que « les modèles pédagogiques, linguistiques, cognitifs, culturels,
méthodologiques, épistémologiques et idéologiques [y] constituent autant d’entrées dans le
processus d’élaboration, et éventuellement par la suite, d’adaptation, de ces méthodologies
considérées elles-mêmes comme des systèmes » (p. 28)
54
.
La comparaison entre les « entrées » dans le présent essai (2024i) et les modèles dans celui de
2024a aboutit au tableau suivant :
54
Pour une présentation et analyse beaucoup plus détaillées de ces différents modèles, cf. l’ouvrage à
paraître Acar A. et Puren C. 2024.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 35
Tableau 2
Comparaison entre les « modèles » selon Puren 2024a et les « entrées » selon Puren 2014i
« Modèles » (2024a)
« Entrées » (2024i)
[homologie fin-moyen]
empiriques
méthodologiques
méthodologiques
technologiques
technologiques
idéologiques
sociales
pédagogiques
linguistiques
cognitifs
culturels
épistémologiques
théoriques
J’ai classé en « entrées théoriques » tous les modèles relevant de disciples extérieures à la DLC,
sans entrer dans la question délicate de savoir si elles produisent des théories stricto sensu, ou
seulement des modèles, comme la DLC.
Comme je l’ai précisé aussi dans mon essai 2024a, certains modèles ont entre eux des relations
étroites et même structurelles : les modèles pédagogiques, par exemple, dépendent toujours
dans une certaine mesure des modèles sociaux et des modèles idéologiques, et ils influencent à
leur tour fortement les modèles méthodologiques ; le modèle pédagogique de la perspective
actionnelle – la pédagogie de projet – est à la fois un modèle pédagogique, un modèle
méthodologique et un modèle d’action sociale (cf. 2024a, p. 10 et note 10 p. 10) ; l’homologie
fin-moyen, cité plus haut à plusieurs reprises, est un principe empirique, mais son application
constitue une orientation pédagogique majeure en pédagogie, et sa mise en avant en DLC,
comme je fais moi-même, influence fortement la conception que l’on peut avoir de
l’épistémologie de cette discipline.
Mais quel que soit le concept-clé utilisé – « modèle », ou « théorie » –, c’est toujours l’extrême
complexité du système de la recherche qui s’impose à l’analyse. L’enseignant, le chercheur et le
formateur ne peuvent échapper à cette complexité, mais on peut leur demander au moins d’en
être conscients, et d’en tirer les conclusions nécessaires.
3.2.2 Les sorties du système
En théorie des systèmes, tout système possède des entrées et des sorties. Les « sorties » du
système général de la recherche en DLC peuvent être produites par le sous-système
praxéologique – comptes rendus d’expérimentations pratiques, fiches de préparation de classe,
manuels, exercices de tous types tels qu’on en trouve en grand nombre sur Internet, etc. – ou
par le sous-système théorique – analyses linguistiques des échanges en classe ou des manuels,
propositions de pratiques s’appuyant sur telle ou telle théorie cognitive, etc. Des programmes
de formation qui se voudraient complets devraient s’appuyer sur l’ensemble des types d’entrées
et de sorties.
3.2.3. Réentrées et nouvelles entrées dans le système
La Figure 5 « Modèle du système de questionnement des documents en méthodologie active »,
p. 12) nous a fourni une bonne illustration de la différence entre des deux dynamiques dans
lesquelles peuvent être prises les sorties. Au niveau du système global de la recherche, les
sorties de ce système vont pouvoir générer des réentrées (une modification de recherches en
cours) ou de nouvelles entrées (de nouvelles recherches) : une conférence va donner l’idée à un
enseignant d’expérimenter une nouveau procédé ; une formation va amener des enseignants à
tester une nouvelle méthodologie ou du moins certains de leurs composants ; la présentation
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 36
d’un nouveau manuel va convaincre des enseignants de l’adopter ; un ouvrage ou un article va
donner à certains chercheurs universitaires l’idée d’une nouvelle recherche, ou d’une
réorientation de leurs recherches en cours ; etc.
L’écriture de recherche constitue également un exemple à la fois de réentrées et de nouvelles
entrées. Dans le premier chapitre intitulé « Recherche et écriture de la recherche » du cours en
ligne « L’écriture de la recherche en DLC » (DLC-RER1), je propose la figure ci-dessous :
Figure 11
La boucle récursive recherche –écriture – recherche
Et je la commente ainsi :
[L’écriture de la recherche] n’est pas seulement une « écriture-produit-de-la-recherche »,
c’est-à-dire la rédaction d’un texte qui recueillerait le produit de la recherche [...] (flèche
du haut, de gauche à droite. C’est en même temps une « écriture-processus-de-la-
recherche », c’est-à-dire une écriture en cours de recherche qui impulse celle-ci, amène
à l’enrichir mais aussi parfois la remet en question (flèche du bas, de droite à gauche,
dans le schéma ci-dessus) : c’est parce que l’on est en train de rédiger son « travail de
recherche », ou « écrit de recherche », que l’on se rend compte que certaines idées ne
sont pas encore claires, ou qu’elles ne sont pas pertinentes, ou qu’il est impossible de les
valider ; ou qu’elles ne sont pas assez hiérarchisées, reliées, articulées logiquement les
unes aux autres et par rapport à la problématique générale ; ou que celles qui ont émergé
des expérimentations ou de la lecture de nouveaux articles demandent de reprendre la
problématisation voire de modifier les objectifs de la recherche ; etc. (p. 2)
Il me semble qu’on peut distinguer dans ce passage d’une part des bouclages récursifs internes
ou « réentrées » (du début à «... par rapport à la problématique générale »), et d’autre part des
bouclages récursifs externes ou « nouvelles entrées » (suite du passage).
3.3 Les dynamiques internes
Ces dynamiques sont créées, au sein des deux sous-systèmes du système général et entre ces
deux sous-systèmes, par des processus de deux types : récursifs (flèches en trait continu sur le
schéma 1) et linéaires (flèches en trait discontinu).
3.3.1 Les processus récursifs
Dans le processus de modélisation qu’ils proposent (cf. supra chap. 1.2, p. 8), A.M. Huberman
& M.B. Miles citent, après la conceptualisation des données de terrain, deux autres types
d’opérations successives, la théorisation (i.e. la construction d’une « cohérence conceptuelle-
théorique »), puis la modélisation (i.e. l’élaboration de « matrices, graphiques, diagrammes et
tableaux »).
En DLC, la conceptualisation (des données de terrain) peut s’effectuer à la suite d’une
« mobilisation théorique » ou d’une « mobilisation praxéologique ». Nous examinerons les deux
grands types de processus récursifs qui peuvent à partir de là se réaliser, l’un dans le sous-
système théorique dans une logique prioritaire de compréhension, donc, l’autre dans le sous-
système praxéologique, dans une logique prioritaire d’intervention. À la suite de la
conceptualisation, le choix entre d’une part la « théorisation » ou la « modélisation théorique »,
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 37
et d’autre part la « modélisation praxéologique », relève de qu’on peut appeler une « bifurcation
épistémologique » au sein du système global de la recherche en DLC.
3.3.1.1 Les processus récursifs du sous-système théorique
La bifurcation à la sortie de la conceptualisation vers le sous-système théorique s’effectue
lorsque les concepts se détachent de leurs données de terrain d’origine parce que le chercheur
commence à les travailler à la fois en eux-mêmes et les uns par rapport aux autres dans le but
de parvenir à la « cohérence conceptuelle » dont parlent A.M. Huberman & M.B. Miles : après
avoir testé sur le terrain la pertinence de son modèle théorique, il s’agit pour le chercheur de
mettre en place la boucle de rétroaction suivante :
Figure 12
La boucle récursive conceptualisation – modélisation théorique – mobilisation théorique –
conceptualisation
Il est possible que les effets de rétroaction sur les modèles théoriques amènent le chercheur à
interroger les théories elles-mêmes, une nouvelle boucle récursive se mettant alors
éventuellement en place, que l’on peut représenter de la manière suivante
Figure 13
La boucle récursive théorisation – modélisation théorique – théorisation
Cette boucle peut amener à son tour le chercheur à effectuer une réentrée théorique, c’est-à-
dire, concrètement, à faire appel à de nouveaux éléments théoriques.
Le sous-système théorique a ses propres logiques spécifiques – celles d’adéquation à la réalité
et de cohérence interne –, et il peut parfois de ce fait ne pas parvenir à produire dans la
conceptualisation des données de terrain des éléments réutilisables dans la modélisation
praxéologique. C’est le cas décrit par Dominique Bucheton et Élisabeth Bautier dans un article
de 1996 intitulé « Interactions : co-construction du sujet et des savoirs », où elles passent en
revue toutes les théories disponibles sur cette thématique. Elles concluent très honnêtement :
Ces différentes recherches sont le plus souvent pointues et apportent de réelles
connaissances, mais ces connaissances sont centrées sur le fonctionnement même
des échanges dans leur dimension linguistique et conversationnelle. Même si
elles sont utiles pour comprendre comment fonctionne la classe, ou comment les sujets
de l'interaction construisent ce qui s'y produit, malgré tout. Ces recherches jusqu'à
présent ne se sont pas centrées sur les sujets dans leur spécificité individuelle et sociale.
Dès lors, elles n'ont pas, pour le moment du moins, été d'un grand secours pour
améliorer les situations d'apprentissage, même si elles ont néanmoins montré que les
élèves, même en difficulté, que les enfants, même très jeunes (Frédéric François),
manifestent des possibilités d'échanges langagiers et d'élaboration discursive tout autant
que référentielle, souvent méconnues – et ce faisant inutilisées – comme compétences
ou savoirs, par les enseignants. (je souligne)
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 38
En d’autres termes, la mobilisation des modèles théoriques permet de produire de nouvelles
données, mais (cf. le premier passage souligné) la bifurcation vers la modélisation praxéologique
ne parvient pas à se réaliser. On peut s’étonner, au passage, que les auteures critiquent les
enseignants parce qu’ils ne mettent pas à profit les compétences discursives de leurs élèves,
alors qu’elles reconnaissent par ailleurs que les chercheurs eux-mêmes ne sont pas en mesure
de proposer de modèles praxéologiques correspondants… On remarquera aussi les deux
expressions soulignées dans la suite de la citation (« jusqu’à présent », « pour le moment du
moins ») : les expressions de ce type sont systématiquement utilisées par ceux qui veulent à
tout prix protéger leur foi – quelque peu scientiste – dans l’efficacité obligatoire de toute
recherche théorique en DLC. L’histoire montre pourtant de nombreux exemples où le sous-
système théorique ne parvenant pas à fournir rapidement des réentrées dans le système
praxéologique, les recherches théoriques correspondantes finissent par être abandonnées
55
.
C’est l’une des conclusions générales que j’ai tirées à la fin de mon Histoire des méthodologies
(1988a) :
Je ne nie pas la réalité de certains progrès dans les théories de référence, mais je constate
qu’ils ont davantage amené à poser de nouveaux problèmes qu’apporté des solutions aux
problèmes déjà posés, et que les « révolutions » méthodologiques ont opéré moins des
renouvellements que des déplacements de la problématique didactique. (p. 264)
Un exemple nous est donné par les recherches sur l’évolution des erreurs des apprenants au
cours de leur apprentissage, recherches à partir desquelles certains spécialistes ont pensé dans
les années 80 pouvoir générer des modèles idéals de progression linguistique entre telles ou
telles langues-sources et langues-cibles : ce projet de recherche a échoué en raison la
complexité des évolutions des interlangues individuelles (cf. supra Vogel 1995, p. 11). S’il paraît
encore parfois quelques publications attardées sur cette thématique, l’ambitieux projet
scientifique initial a été abandonné.
3.3.1.2 Les processus récursifs du sous-système praxéologique
Suite à une mobilisation théorique ou à une mobilisation praxéologique, la bifurcation, à la sortie
de la conceptualisation, peut s’effectuer vers le sous-système praxéologique, dans une logique
d’intervention, donc. L’objectif consiste à traiter des données de terrain dans une perspective
didactique, comme lorsque des spécialistes de l’analyse de discours étudient des corpus
d’interactions langagières en classe de manière à en tirer des informations et propositions pour
la classe (il s’est agi au départ d’une mobilisation théorique) ; ou lorsque des didacticiens ou des
enseignants recherchent les effets de différents modes de mises en œuvre de la procédure
standard d’exercisation grammaticale (cf. 2016c) selon les élèves, les types de problèmes
grammaticaux ou encore selon les types de tâches préparées : il s’est agi alors au départ d’une
mobilisation praxéologique, laquelle, par définition, vise à rechercher la meilleure adéquation
possible entre des modèles praxéologiques et les caractéristiques de l’environnement d’action
56
.
La boucle récursive qui peut alors se mettre en place est alors est la suivante :
55
« Il n’y a pas de problème qui résiste indéfiniment à une absence de solution » : cette pensée est
attribuée par certains historiens à Henri Queuille, homme politique français plusieurs fois ministre et
président du Conseil sous la IIIe et la IVe République. Elle apparaît très pertinente lorsque l’on observe
l’histoire de la DLC. Comme son domaine est constitué de problématiques permanentes, et non de
problèmes (cf. à nouveau 023), le changement y consiste souvent à abandonner une problématique
momentanément épuisée pour en reprendre une ancienne, dans le meilleur des cas en la traitant avec les
nouveaux outils disponibles.
56
La logique d’intervention en DLC est en même temps, par nature, une logique d’adéquation, la
compétence première d’un enseignant étant sa capacité d’adaptation.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 39
Figure 14
La boucle récursive conceptualisation – modélisation praxéologique – mobilisation praxéologique
– conceptualisation
Cette boucle récursive fonctionne en tant que boucle d’itération lorsque la conceptualisation
confirme le modèle praxéologique mis en œuvre (qui est de ce fait à nouveau mobilisé à
l’identique), et en tant que bouche de rétroaction lorsque le modèle est modifié. Lorsque le
modèle praxéologique est confirmé un grand nombre de fois – après plusieurs boucles
d’itération, donc – il est possible qu’il se transforme en modèle pratique : il sort alors de la boucle
récursive conceptualisation – modélisation praxéologique – mobilisation praxéologique –
conceptualisation pour ne donner lieu qu’à « application méthodologique ».
3.3.2 Les processus linéaires
Le deuxième type de processus assurant la dynamique du système de la recherche en DLC, ce
sont les processus linéaires. Ils sont représentés dans le schéma 1 par les flèches en pointillés
(voir la légende en bas de ce schéma). Je les passe en revue les uns après les autres dans les
six sous-chapitres suivants. Je commence par trois opérations relevant de la même orientation
épistémologique, l’applicationnisme, et je traite ensuite deux opérations inverses entre les
mêmes deux éléments du système, les modèles théoriques et les modèles praxéologiques.
Toutes ces opérations peuvent être réalisées aussi bien par des enseignants dans leurs classes
que par des chercheurs dans leurs propositions d’intervention didactique faites aux enseignants.
3.3.2.1 L’application méthodologique
L’application méthodologique consiste pour un enseignant à mettre directement en œuvre dans
ses pratiques un modèle méthodologique tel qu’il l’a emprunté, et qui a donc opéré dans son
système d’enseignement une « entrée méthodologique » (cf. supra chap. 3.2.1.2) en tant que
« modèle pratique ». (cf. infra chap. 3.1.2.1). Pour prendre une métaphore informatique, on
pourrait dire que l’enseignant fait un « copier-coller » des lignes de code d’un « objet
méthodologique » dans son logiciel professionnel (cf. 2012f et 2019g). Il est possible que ce
modèle pratique se transforme en modèle praxéologique s’il donne lieu, après confrontation au
terrain, à conceptualisation puis modélisation praxéologique. Les modèles pratiques, qui sont
donc les modèles donnant lieu simplement à application, n’apparaissent pas dans le système de
la recherche en DLC tout simplement parce qu’ils ne donnent pas lieu à une démarche de
recherche de la part de l’enseignant.
Dans un article récent (2022d, pp. 10-14), j’ai proposé une typologie des applicationnismes où
je distingue entre deux types d’applicationnisme méthodologique. L’un d’eux, auquel j’ai réservé
l’appellation d’« applicationnisme méthodologique », porte sur les grandes méthodologies
généralistes – en France, depuis le début du XXe siècle, il s'agit des méthodologies grammaire-
traduction, directe, active et audiovisuelle, de l’approche communicative" et de la perspective
actionnelle. L'autre, « l'applicationnisme pratique », « [peut être considéré] comme une variante
de l’applicationnisme méthodologique mais, contrairement à ce dernier, il ne s’agit pas d’un
ensemble de pratiques déterminées par une cohérence d’ensemble, mais de “bonnes pratiques”
(« best practices ») plus ou moins isolées et ponctuelles" (p. 12). Ces modèles pratiques sont à
tester par chaque enseignant sur son terrain parce qu’il n’existe pas de « bonnes pratiques »
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 40
dans l’absolu
57
. On peut néanmoins comprendre que certaines, s’ils correspondent à des micro-
modèles (cf. supra chap. 3.1.2 p. 21), peuvent venir enrichir le stock d’automatismes
professionnels des enseignants (cf. supra chap. 3.1.2.1).
3.3.2.2 L’application technologique
Il y a application technologique lorsque des enseignants, utilisent et/ou font utiliser par leurs
apprenants des technologies (un vidéoprojecteur, un ordinateur, le web, un chatbot, etc.) en se
situant exclusivement dans le cadre épistémologique du « paradigme du déterminisme
technologique » tel que je l’ai présenté plus haut au chapitre 3.2.1.3, p. 28, c’est-à-dire en
considérant que cette technologie va générer mécaniquement des effets bénéfiques pour
l’apprentissage. Cela revient à confondre deux notions fort différentes :
– l’innovation, que l’application technologique permet immédiatement (et facilement) :
l’innovation s’appuie sur l’expérimentation d’une nouvelle technologie, elle est localisée
et ponctuelle, et le ou les chercheurs mobilisent le plus souvent pour elle un maximum
de moyens dans des environnements les plus favorables possible)
– et le changement, qui ne se produit que lorsque l’innovation se généralise et se
pérennise parmi les enseignants
58
.
Or le changement dépend de multiples facteurs, de sorte qu’il est nécessaire, dans les projets
visant réellement cette généralisation et pérennisation, de mettre en œuvre une démarche
tenant compte de tous les paradigmes disponibles, comme je l’ai proposé dans les « règles
d’action pour de l’innovation durable » présentées également au chapitre 3.2.1.3 (p. 30).
3.3.2.3 L’application théorique
L’application théorique est le processus qui consiste à mettre directement en œuvre en classe
des modèles théoriques (cf. la flèche correspondante sur le schéma 1). C’est à l’applicationnisme
théorique, le plus connu en DLC, que pensent généralement les didacticiens français de langues-
cultures lorsqu’ils utilisent ce concept, qui renvoie concrètement à la linguistique appliquée et à
psychologie appliquée des années 1960, contre lesquelles la « didactique des langues » a imposé
en France son nom et sa revendication d’autonomie au début des années 1970 (cf. 043).
Un des marqueurs de l’applicationnisme théorique, c’est la critique de la dégradation que
subiraient les concepts théoriques d’origine extra-didactique une fois entrés dans le système de
la recherche en DLC. J’ai longuement traité la question dans un article de 1997 (1997b, chap.
3, pp. 5-7), dans lequel j’ai cité cette idée centrale du pragmatisme, exprimée par Richard Rorty,
selon laquelle il faut « trait[er] la théorie comme un auxiliaire de la pratique, au lieu de voir dans
la pratique le produit d'une dégradation de la théorie » (1995, p. 29). Je serais prêt, maintenant,
à accepter cette idée que les concepts venant des entrées théoriques se dégradent effectivement
après avoir été intégrés dans le système de la recherche en DLC ; mais en précisant aussitôt
que cela est normal et positif : ils se dégradent exactement comme un aliment doit être dégradé
pour être assimilé par un organisme. La différence de posture d’un linguiste devant les concepts
de sa théorie et celle d’un didacticien devant les mêmes concepts peut être comparée aux
regards différents que portent sur le même panier de fruits un biochimiste et un nutritionniste.
57
Pour une critique de ce qu’on peut appeler une « idéologie des bonnes pratiques », que l’on retrouve
actuellement dans les recommandations de grands organismes internationaux tels que l’UNESCO, l’OCDE,
le Conseil de l’Europe et la Commission européenne, cf. voir 2016 01 05 et 2007a point 4, p. 3.
58
Cette contradiction structurelle génère une des « lois » de la DLC, à savoir que plus une expérimentation
réussit, et moins elle est généralisable. Il s’agit là d’une des sept « lois scientifiques » que j’ai pu repérer
en DLC au cours de ma carrière : cf. 078.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 41
Le combat des didacticiens contre l’applicationnisme ne peut pas être considéré de nos jours
comme gagné, en particulier parce que beaucoup de sociolinguistes semblent avoir repris à leur
compte les positions des linguistes des années 60. Parmi les multiples exemples qui montrent
régulièrement la permanence de la tentation applicationniste, voici un extrait de l’appel à
contribution d’un colloque de 2015 : la question de recherche ainsi rédigée pour définir l’un des
axes de ce colloque relève d’un véritable délire scientiste :
Pourquoi et comment la psychologie cognitive, la linguistique cognitive, la sociologie
cognitive, l’intelligence artificielle, etc. peuvent-elles constituer des assises
méthodologiques dans la recherche en didactique des langues et des cultures, en
l’occurrence dans la conception des démarches d’enseignement, la conception des
manuels scolaires, le mode d’évaluation des apprentissages, la question des aides à
l’apprentissage dans le cadre des nouvelles technologies éducatives, etc. ?
La linguiste et didacticienne française de FLE Sophie Moirand a critiqué cet applicationnisme,
tout en le comprenant. Elle écrit ainsi dans son ouvrage de 1979 (je reviens au chapitre suivant
sur les propositions d’ « analyse pré-pédagogique » qu’elle y fait) :
Le premier danger serait de la confondre [l’analyse pré-pédagogique à la charge de
l’enseignant préparant son cours] avec les analyses théoriques du discours (ou les
grammaires textuelles) et de la subordonner à une théorie linguistique unique. On
comprend le désir légitime des enseignants, quand ils se recyclent, de vouloir appliquer
ce qu’ils apprennent et celui (encore plus légitime) des théoriciens de voir appliquer leurs
modèles. Mais le cours de langue ne doit pas devenir un champ d’application pour des
théories en cours d’élaboration : il existe bien d’autres lieux où l’on peut tester leur bien-
fondé. (p. 91)
Je suis pour ma part beaucoup moins compréhensif, et je ne qualifierais certainement pas de
« légitimes » les prétentions des linguistes, sociolinguistes, psycholinguistes et autres
cognitivistes à occuper une position « méta » par rapport aux didacticiens de langues-cultures.
En tout état de cause, ce n’est pas à eux de s’octroyer pour eux-mêmes cette légitimité dans le
champ de la didactique, et je ne vois pas pourquoi les didacticiens la leur accorderait, au vu de
tous les effets négatifs que l’applicationnisme théorique a provoqués et provoque encore sur les
contenus des formations universitaires françaises en didactique du français langue étrangère, et
sur la gestion de la carrière universitaire des véritables chercheurs didacticiens de langues-
cultures.
Ce combat encore nécessaire de nos jours contre l’applicationnisme théorique
59
ne doit pas
occulter qu’il a toujours existé à côté, comme nous venons de le voir, un applicationnisme
méthodologique et un applicationnisme technologique dont les effets sont tout aussi négatifs.
3.3.2.4 L’implication théorique
Selon Denis Lehmann (1985), le concept de « linguistique impliquée » a été proposé par Gisèle
Khan, Rémy Porquier et René Vivès – didacticiens de FLE comme lui − dans un article de 1980
60
,
59
Je suis de nouveau en 2009 monté au front à l’occasion d’une conférence devant un public d’enseignants
et de didacticiens de FLE (2009f). Même si la reconnaissance universitaire et institutionnelle de la DLC
semble avoir malgré tout progressé depuis l’année de publication de la première version de cet essai
(2015), cette reconnaissance n’est pas encore suffisamment forte et généralisée pour que la dénonciation
de l’applicationnisme théorique ne soit pas encore d’actualité [note de septembre 2024].
60
G., Porquier R., Vives R. (1980), « Didactique des langues et/ou linguistique appliquée. Le français
langue étrangère », Bulletin de l'A.F.L.A. (Association Française de Linguistique Appliquée), n° 9. Je ne suis
pas parvenu à consulter cet article de 1980.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 42
pour s’opposer à la démarche de la linguistique appliquée. L’article de D. Lehmann s’intitule « La
grammaire de texte : une linguistique impliquée », et il y défend l’idée que les « mécanismes
d’organisation textuelle » que met en évidence cette grammaire « sont de nature à améliorer
les conditions d’enseignement/apprentissage de la lecture et de l'expression écrite » (p. 113). Il
se retrouve cependant sur une position qui n’est pas réellement différente de celle de la
linguistique appliquée, après avoir fait les deux « pas » dont il parle ci-dessous, puisqu’il finit
par considérer que c’est l’ensemble de la grammaire textuelle qui doit d’emblée être mise en
œuvre pour l’enseignement de l’expression écrite :
Le pas n'est pas grand qui va du recensement de ces phénomènes [mis en évidence par
la grammaire textuelle] dont ne peut rendre compte une grammaire de phrase, à la
désignation de ceux-ci comme les points où se marque l'organisation textuelle de la
manière la plus évidente, et donc comme étant probablement, pour ceux qui concernent
l'ordre scriptural, ces objets sur lesquels doivent s'opérer prioritairement les repérages
pédagogiques en vue de l'apprentissage de la lecture. Un pas de plus et l'on dispose alors,
avec cette liste ou avec toute autre, du programme déjà abondamment rempli de ce qu'il
conviendrait de faire figurer dans un cours visant à l'acquisition des composants
proprement linguistiques d'une compétence textuelle, à supposer que l'on juge nécessaire
d'élaborer préalablement un contenu linguistique. (p. 105)
On comprend dès lors pourquoi ce concept de « linguistique impliquée » n’a pas prospéré en
DLC, pas même en didactique du FLE en France, où il était apparu : on peut penser que ces
linguistes-didacticiens ne l’ont utilisé en réalité que pour maintenir entre la linguistique et la DLC
une relation étroite, tout en abandonnant l’expression de « linguistique appliquée », devenue
« politiquement incorrecte » en DLC depuis le début des années 1970
61
.
Il me semble malgré tout que l’ « implication théorique » correspond à l’un des processus
observables dans le système de la recherche en DLC, à condition de la concevoir comme un
processus initié par les enseignants et les didacticiens, et réalisé au coup par coup, en fonction
de leurs besoins d’étayage théorique. Sur le modèle du mot « applicationnisme », j’ai ainsi
proposé, dans un article de 1998, de réserver le terme d’« implicationnisme » pour désigner la
démarche par laquelle ces acteurs vont à faire appel à la linguistique lorsqu’ils rencontrent un
problème qu’ils ne peuvent résoudre eux-mêmes (1998c, p. 16). Je dirais maintenant : « … un
problème qu’ils ne peuvent résoudre eux-mêmes avec les modèles méthodologiques dont ils
disposent ».
Dans ce même article de 1998, j’ai proposé également une représentation des « modes
fondamentaux de relation théorie-pratique » dans un modèle construit sur la double base du
sens de la relation entre théorie et pratique, et de l’opposition entre l’orientation objet et
l’orientation sujet (sur cette dernière opposition, cf. 1998f), où applicationnisme et
implicationnisme se retrouvent comme les deux positions extrêmes en présence :
61
Cf. dans le document 003 les citations de Denis Girard 1972 (p. 4) et de Michel Dabène 1972 (p. 5).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 43
Figure 15
Modélisation des modes fondamentaux de relation théorie-pratique
Je renvoie mes lecteurs à cet article, en me contentant de copier ci-après le passage nécessaire
pour comprendre ce schéma :
(1) Le sens de la relation que l’on assigne au couple théorie/pratique
(1.1) On peut décider d’aller de la théorie vers la pratique. C’est
l’ « applicationnisme » proprement dit, où l’on va considérer que certaines
connaissances produites par des disciplines extérieures reconnues comme
scientifiques peuvent et doivent déterminer a priori les contenus et définir à
l’intérieur du champ didactique les modes d’intervention. Historiquement, dans le
cas du FLE, ces disciplines ont été et sont encore la linguistique et la « psychologie
de l’apprentissage ».
(1.2) On peut décider à l’inverse d’aller de la pratique vers la théorie. C’est
« l’implicationnisme », où l’on va considérer que c’est à l’intérieur du champ
didactique et a posteriori – en fonction des besoins propres repérés dans les
pratiques didactiques – que doivent être déterminés les contenus et les modes
d’intervention didactique.
(2) La perspective que l’on adopte pour considérer cette relation théorie-pratique
(2.1) Cette perspective peut être de type objet : le linguiste et le psychologue de
l’apprentissage vont s’appuyer sur les connaissances (extérieures au champ
didactique) qu’ils possèdent de l’objet « langue » et/ou de l’objet « processus
cognitif d’acquisition/apprentissage » pour intervenir directement et
normativement auprès des sujets didactiques (apprenants, enseignants et
concepteurs de matériels). Cette perspective impose d’elle-même le seul
sens (1.1) ci-dessus (théorie
→
pratique).
(2.2) Cette perspective peut être à l’inverse de type sujet.
– (2.2.1) Elle peut être croisée avec le sens théorie
→
pratique, comme lorsque le
linguiste et le psychologue de l’apprentissage décrivent et analysent les pratiques
et productions des sujets didactiques : c’est le cas dans l’analyse de manuels, du
discours de classe, des erreurs des apprenants, des processus d’apprentissage, de
l’évolution des interlangues...
– (2.2.2) Elle s’impose d’elle-même si l’on adopte le sens pratique
→
théorie : ce
sont alors les apprenants et les enseignants qui théorisent eux-mêmes à partir de
leurs propres pratiques et productions avant de confronter leurs analyses aux
théories externes ; comme dans les « exercices de conceptualisation
grammaticale » proposés en FLE au début des années 70), où dans la « pratique
raisonnée de la langue » proposée dans les instructions françaises actuelles pour
l’enseignement scolaire de l’anglais. (1998c, pp. 15-17)
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 44
Je suis revenu quelques années plus tard, dans ma conférence de 2009 citée plus haut (2009f :
cf. supra note p. 41), sur cet « implicationnisme » ainsi défini, en en modernisant l’idée au
moyen de deux emprunts conceptuels, le principe d’ « émergence » en acoustique, et le principe
de « subsidiarité » dans l’Union Européenne (cf. p. 3). Et je l’élargis à d’autres disciplines qui
peuvent se retrouver elles aussi « impliquées » de même dans la recherche en DLC, comme on
peut le voir sur ce schéma de la page 5 de cet article, reproduit ci-dessous :
Tableau 3
Modèle des émergences des disciplines de référence dans les sous domaines de la DLC
La flèche verticale indique les différents niveaux éventuels de recours à des disciplines
extérieures à la DLC : un enseignant, dans ses pratiques, sera amené à faire appel au didacticien
seulement si (principe de subsidiarité) une question « émerge » (principe d’émergence : la
question dépasse ses compétences) ; si le didacticien n’a pas la réponse (et seulement dans ce
cas : même principe de subsidiarité), il fera appel, au besoin, aux spécialistes d’autres disciplines
ou à leurs travaux.
Enfin, dans le dossier 7 de mon cours DLC-MR7, au chapitre 5.2 (pp. 10-11), j’ai représenté trois
grandes conceptions possibles de relation théorie-pratique sous la forme de trois
positionnements, correspondant à une conception forte, celle de l'applicationnisme ; à une
conception moyenne, qui correspond à l' « implicationnisme » et à l' « applicationnisme
méthodologique » ; et à une conception faible, celle du « pragmatisme ». Et j’ai clarifié ma
position personnelle à partir d’une réflexion sur l’origine des « modèles cognitifs » qui ont
successivement prévalu en DLC (cf. ici même supra chap. 3.2.1.5).
3.3.2.5 La « transposition didactique »
Le concept de « transposition didactique » a été lancé par Yves Chevallard, didacticien français
des mathématiques, dans un ouvrage de 1985 portant ce titre, et il est resté très présent et
actif depuis, aussi bien dans les didactiques des sciences exactes, pour lesquelles il a été conçu
à l’origine, que dans les sciences de l’éducation, qui s’inspirent toujours prioritairement de ces
disciplines. Le sous-titre de cet ouvrage, Du savoir savant au savoir enseigné, explique ce
concept : la « transposition didactique » consiste à adapter les modèles théoriques pour en faire
immédiatement
62
des modèles praxéologiques (cf. la flèche correspondante entre ces deux
modèles sur le schéma 1).
62
« Immédiatement » dans le sens étymologique de l’adverbe, en l’occurrence, ici, sans passer par la
médiation de la série processuelle mobilisation théorique ➔ conceptualisation des données de terrain ➔
modélisation praxéologique, avec bifurcation éventuelle vers conceptualisation ➔ théorisation ➔
modélisation théorique. On comprend que les linguistes pressés ou persuadés a priori de la pertinence et
de l’efficacité immédiates et universelles de leurs modèles veuillent faire l’économie de ce parcours long …
et dont la maîtrise leur échappe en partie.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 45
Ce concept n’a jamais bien « pris » en DLC (comme on dit d’une greffe qu’elle n’a pas « pris »,
qu’elle n’a pas réussi), sans doute parce que les savoirs sur la langue, en DLC, ne sont pas des
objectifs mais des moyens, qui plus est des moyens accessoires : les savoirs métalinguistiques
ne sont que des outils utilisés provisoirement dans les phases de repérage, conceptualisation et
application, au cours de la procédure d’enseignement-apprentissage de la grammaire (cf.
2016c), mais l’objectif terminal, qui est l’ « assimilation », est atteint précisément quand les
apprenants réemploient spontanément les formes grammaticales sans plus avoir besoin de
mobiliser ces savoirs métalinguistiques. Les savoirs culturels, quant à eux, ne peuvent s’appuyer
sur aucune théorie ou modélisation culturelles opératoires, et ils ne correspondraient de toutes
manières qu’à la « composante métaculturelle », qui n’est que l’une des cinq composantes de la
compétence culturelle (cf. 2011j)
63
.
Il me semble que l’« analyse pré-pédagogique » que Sophie Moirand a proposée en didactique
du FLE en 1979, et qu’elle avait élaborée à partir des différentes « analyses théoriques du
discours » ou « grammaires textuelles » disponibles à l’époque, correspondait à une
« transposition didactique » avant la lettre. Elle la présentait ainsi :
Tout texte destiné à être utilisé dans un cours de langue nécessite une analyse préalable
par l’enseignant. On l’appellera « analyse pré-pédagogique », car elle concourt à la
préparation de l’acte pédagogique et ne sert, à la différence des analyses théoriques, ni
à construire ni à tester une théorie linguistique.
64
Dans le domaine particulier de la compréhension de l’écrit, l’analyse pré-pédagogique a
deux objectifs principaux :
− d’une part, elle constitue, pour l’enseignant, un moyen d’investigation des
fonctionnements d’un texte à différents niveaux (lors d’un cours il doit en effet
pouvoir répondre aux demandes, pas toujours prévisibles, des apprenants) ;
− d’autre part, elle doit permettre à l’enseignant d’imaginer des stratégies
pédagogiques pour aider les apprenants à accéder au(x) sens d’un texte
(techniques de repérages, découverte d’indices, tactiques de vérification, par
exemple).
L’analyse pré-pédagogique consiste à poser sur le document plusieurs regards successifs
afin de trouver l’angle d’attaque pédagogiquement le plus efficace pour entrer dans le
texte. Elle doit tenir compte des particularités de chaque groupe d’apprenants, de leurs
motivations et de leurs besoins. Ainsi ne trouvera-t-on ici que des exemples (et non des
modèles) de fiches d’analyses réalisées (et utilisées). (056, p. 74)
65
C'est explicitement au concept de « transposition didactique », concrètement à « la transposition
didactique des concepts théoriques sur les genres de texte et sur l’analyse de textes », que se
réfère Luiza Guimarães-Santos dans un article de 2012, où elle propose, à partir des
63
Il est possible de repérer dans l’histoire de la DLC des approches culturelles différentes, mais elles
dépendent non de théories ou modèles culturels, mais de compétences culturelles visées différentes (cf.
019). Il existe en DLC des conceptions différentes de la culture (par ex. anthropologique, socio-culturelle,
socio-historique, organisationnelle, patrimoniale...), mais elles correspondent précisément à des approches
différentes et non à des théories stricto sensu.
64
Nous retrouvons là la « bifurcation épistémologique » dont j’ai parlé plus haut, p. 37.
65
Ce document 056 reproduit, avec l’aimable autorisation de l’auteure, la totalité du chapitre de cet
ouvrage de S. Moirand dans lequel elle illustre sur plusieurs exemples de documents son « analyse pré-
pédagogique ». Ce modèle a suscité à l’époque beaucoup d’intérêt, et il a été utilisé très longtemps par de
nombreux enseignants. Je m’en suis moi-même inspiré pour concevoir les tâches « Explorar » proposées
sur certains documents de chaque unité didactique dans les manuels d’espagnol de second cycle que j’ai
conçus et dont j’ai dirigé l’élaboration dans les années 1990. Cf., à l’adresse 062 sur mon site, dans la
préface du Guide pédagogique, le chap. 3, pp. 8-9, et les exemples de tâches que l’on trouvera dans les
deux unités complètes n° 5 et 7 du manuel pour classes terminales.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 46
« présupposés théoriques de l'interactionnisme socio-discursif présenté par Bronckart », un
« modèle didactique d'un genre [qui] consiste à détailler les caractéristiques de ses conditions
enseignables » (p. 1). Et elle conclut : « À travers notre modèle didactique, nous voulons
montrer que l'utilisation des concepts de genres textuels peut contribuer à la mise en œuvre de
la perspective actionnelle pour l'enseignement et l'apprentissage de la langue française. »
(p. 10)
Sophie Moirand avertissait ainsi de l’un des dangers de son analyse pré-pédagogique : « Le
premier danger serait de la confondre avec les analyses théoriques du discours (ou les
grammaires textuelles) et de la subordonner à une théorie linguistique unique. » (p. 91). Pour
cette raison, sa « Grille pour l’analyse pré-pédagogique » (p. 86-88) s’inspirait explicitement de
trois « approches » différentes, « sociolinguistique », « linguistique » et « logico-syntaxique ».
Mais lorsque la transposition didactique n’est qu’une transposition d’un modèle théorique issu
d’une théorie unique (comme celle que propose Luiza Guimarães-Santos), et que l’on veut la
mettre en œuvre directement sur le terrain de l’enseignement-apprentissage (comme cela a été
très fréquent ces dernières décennies en français langue maternelle), elle n’est guère autre
chose qu’une application théorique (cf. supra chap. 3.3.2.3). En lisant les propositions de
transposition didactique en FLE et en français langue maternelle (FLM), j’ai souvent pensé à
cette remarque très pertinente de Frank Marchand, auteur en 1920 d’un manuel de FLE (Méthode
Marchand. La famille Dupond, Imp. J. De Mersch, 1920) : « La grammaire étant l’art de lever
les difficultés d’une langue, il ne faut pas que le levier soit plus lourd que le fardeau. » (cité dans
1998f, note 10 p. 6).
3.3.2.6 La mobilisation rhétorique
Elle est à distinguer de la mobilisation théorique, que nous avons abordée au chapitre sur les
processus récursifs (chap. 3.3.1). Il y a « mobilisation rhétorique » lorsque les méthodologues
et didacticiens citent dans leur discours des théories dans le but de légitimer par cette seule
référence des propositions didactiques.
La linguistique, la sociolinguistique et la « psychologie de l’apprentissage » (rebaptisée
« théories cognitives ») ont été traditionnellement appelées « théories de référence » en
didactique du français langue étrangère FLE). Ces théories on parfois alimenté les processus du
sous-système théorique, mais elles ont été déviées parfois en partie vers ce processus de
« mobilisation rhétorique » (cf. la flèche correspondante sur le schéma 1), leur appellation de
« théories de référence » prenant alors tout son sens. Dans mon Histoire des méthodologies, j’ai
noté à plusieurs reprises ce phénomène, et je l’ai repris dans la conclusion générale de cet
ouvrage en prenant comme exemple le cas de la méthodologie audiovisuelle française :
Les références à la MAO
66
et aux principes de la Linguistique appliquée américaine sont
certes très nombreuses dans le discours didactique français entre 1960 et 1975 ; et
jusqu’à nos jours, l’histoire de la MAO américaine est en France bien mieux connue des
didacticiens que celle de la MD française. Mais de telles références me semblent avoir été
utilisées très souvent comme une garantie scientifique de prestige dans une
rationalisation a posteriori de conceptions et de pratiques très largement héritées de
l’histoire française : le phénomène me paraît particulièrement évident, par exemple, dans
la tentative de certains théoriciens français d’assigner à l’image dans la MAV le rôle que
joue le stimulus dans la psychologie béhavioriste, alors que de toute évidence elle ne fait
qu’y systématiser les deux fonctions principales déjà assignées aux images dans la MD,
où elles étaient des procédés intuitifs d’explication du lexique ou de présentation de la
situation. (1988a, p. 210)
66
MAO = méthodologie audio-orale. MD = méthodologie directe. MAV = méthodologie audiovisuelle.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 47
C’est aussi ce qui s’est passé – autre exemple – avec les références que certains didacticiens
promoteurs de l’approche communicative ont faites à la théorie socioconstructiviste de
l’interaction comme co-construction du sens, alors que dans les manuels, et dans les pratiques
de communication en classe, cette interaction se limitait généralement à de simples échanges
d’informations. On peut penser qu’il y a une bonne part de mobilisation rhétorique à l’œuvre
dans la citation de D. Bucheton et É. Bautier, supra p. 37.
Cette appellation de « mobilisation rhétorique » n’a rien de péjoratif dans mon esprit. D’une part
parce que le discours didactique, à défaut de pouvoir vraiment démontrer, s’efforce de montrer
et de convaincre : ces références théoriques constituent précisément des arguments
67
. D’autre
part parce que les théories auxquelles il est ainsi fait référence entreront peut-être par la suite
dans le sous-système théorique, avec l’élaboration de modèles théoriques mobilisables dans
l’enseignement-apprentissage, puis de modèles praxéologiques.
Ce sera peut-être le cas (il faut l’espérer) de la « linguistique actionnelle », laquelle, faute pour
l’instant de modèles praxéologiques, n’est mobilisée dans le discours didactique que de manière
rhétorique, comme le reconnaît honnêtement Jean-Jacques Richer dans ces lignes publiées en
2011 :
[…] la linguistique actionnelle, qui a pour programme de recherche de considérer « une
prise de parole comme un acte de langage sanctionné non plus seulement par des
conditions de vérité, mais par des conditions de légitimité et d’efficacité, c’est-à-dire
comme une action » (Durand et Filliettaz, 2009: 18) n’en est qu’à ses débuts. Elle se doit
d’affiner ses concepts, de valider ses hypothèses en multipliant ses champs de recherche,
et, si elle ne peut fournir actuellement à la perspective actionnelle que des données
ponctuelles trop fragmentaires pour pouvoir concevoir une « compétence
opérationnelle » (pour reprendre l’expression de Roulet et Filliettaz) qui articulerait
langage et action physique et s’ajouterait aux autres composantes de la compétence à
communiquer langagièrement, du moins doit-elle avoir pour fonction de rappeler
impérativement aux didacticiens des langues la nécessité de « dépasser une conception
logocentrique de l’interaction » (Filliettaz, Bronckart, 2005:8). (Richer 2011, pp. 111-
112)
68
.
Pour la perspective actionnelle, également, j’ai fait moi-même référence, mais de manière
encore plus rhétorique, à la théorie cognitive des « neurones miroirs », qui semble valider au
niveau cognitif l’hypothèse d’une relation étroite entre la perception et l’action (2009b, note 31,
p. 25). On peut avancer l’hypothèse que la relation étroite entre le langage et l’action,
amplement documentée dans les observations linguistiques en environnement professionnel,
existe aussi au niveau cognitif.
La lecture des travaux des étudiants-chercheurs fait souvent apparaître que les théories
auxquelles ils font référence, faute d’être réellement intégrées à leur système de recherche, ne
font l’objet que d’une mobilisation rhétorique. Ce phénomène est inévitable, et massif, lorsque
leur directeur exige qu’ils rédigent – ou lorsqu’ils s’obligent eux-mêmes à rédiger – une première
partie « théorique » consacrée à une revue exhaustive de la littérature disponible, qui se trouve
de ce fait déconnectée de la présentation de leur dispositif de recherche, de leur recherche elle-
même et de ses résultats.
67
Encore faut-il que ces arguments soient convaincants...
68
Je souligne : « perspective actionnelle » et « compétence à communiquer langagièrement » sont deux expressions
utilisées par les auteurs du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL, COE 2000).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 48
Conclusion générale
Je me suis proposé dans cet essai d’élaborer une théorisation des processus de recherche dans
ma discipline en recourant au cadre conceptuel de la systémique, et c’est pourquoi le résultat
en est une modélisation du « système de la recherche en DLC » dans lequel, s’il veulent être
actifs, se retrouvent impliqués, consciemment ou inconsciemment, tous les acteurs intervenant
dans cette discipline, depuis les responsables éducatifs jusqu’aux enseignants en classe, en
passant les auteurs de curricula, les concepteurs de manuels, didacticiens et formateurs.
Ce système est complexe – il comporte de nombreux éléments reliés entre eux par de nombreux
processus, et il entretient de multiples relations de différents types avec un environnement lui
aussi complexe, comme le veut la théorie systémique – qui a été élaborée précisément pour
rendre compte du fonctionnement des systèmes complexes –, et comme l’exige la nature de la
DLC, qui est une « didactique complexe » (cf. mon manifeste 2003b).
Pour ne pas conclure cet essai sur des idées trop générales parce que destinées à tous les acteurs
de la DLC, je m’adresserai aux seuls étudiants-chercheurs, c’est-à-dire en cours de rédaction de
leur mémoire de master ou de leur thèse de doctorat, qui représente le public que je vise
prioritairement dans la plupart de mes travaux, et particulièrement sur mon site
www.christianpuren.com.
C’est le nombre d’entrées ainsi que le nombre et la longueur des processus internes aux deux
systèmes et mettant en relation les deux sous-systèmes de la recherche qui font la qualité – et
donc aussi la complexité… − d’une recherche en DLC :
− Les processus linéaires (flèches en pointillés sur le schéma 1) sont ceux dont l’efficacité
formative est la plus limitée : en tout état de cause aucune recherche universitaire ne devrait se
limiter à l’un ou l’autre de ce seul type de processus.
− Il y a certainement un équilibre à trouver – un « régime optimal », serais-je tenté de dire, en
comparant ce système à un moteur – entre un nombre important d’entrées extérieures, qui
enrichissent le système de la recherche mais peuvent en gêner le fonctionnement interne (on
« noie » alors le moteur…), et un nombre d’entrées extérieures insuffisant pour alimenter
suffisamment le fonctionnement de ce système (on tombe alors « en panne sèche »…). On ne
peut pas accepter dans une recherche universitaire une absence totale de « revue de la
littérature » spécialisée, mais, si j’en crois ma longue expérience de mécanicien dans les ateliers
de réparation de recherches d’étudiants-chercheurs, un grand nombre de problèmes de
fonctionnement du processus de recherche provient chez eux de moteurs noyés par des flux trop
massifs d’entrées théoriques avant même que la voiture n’ait commencé à rouler sur le terrain…
Et filons une dernière fois la métaphore : autant que la mécanique du moteur, son alimentation
et son régime de fonctionnement, l’important est de connaître la destination souhaitée, et
pourquoi on veut y aller : le projet de recherche occupe la place centrale dans toute recherche
(il est au centre du schéma 2), il en est en même temps l’origine, le moyen et la fin, et c’est sur
lui que porte en priorité l’évaluation des recherches des étudiants-chercheurs. C’est pourquoi il
est indispensable, dans l’introduction générale d’un mémoire ou d’une thèse, d’en présenter les
motifs et les motivations, les objectifs et les finalités, et de les reprendre systématiquement
dans la conclusion générale : je rappelle ce principe dans le chapitre de mon cours de
méthodologie de la recherche où je traite les relations entre ces deux parties. Il s’agit du
chapitre 6 intitulé « Boucler sa recherche : de l’introduction générale à la conclusion générale »
(DLC-MR6).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 49
Il est logique de s’appliquer à soi-même les exigences que l’on formule vis-à-vis des autres, et
c’est pourquoi je terminerai par « boucler » moi-même la recherche que j’ai menée pour élaborer
cette théorie générale de la recherche en DLC, en en rappelant textuellement ci-dessous les
objectifs que j’ai annoncé dans l’Introduction générale :
L’objectif de cet essai est de proposer à mes lecteurs la modélisation la plus complète
possible du système de la recherche en DLC, afin qu’ils puissent exploiter pour eux-
mêmes les différentes fonctions que peuvent réaliser les modèles, et que je présente en
détail au chapitre 1.1.3 : la fonction cognitive (ils auront une meilleure perception globale
de la configuration et du fonctionnement de ce système), la fonction pédagogique (il
auront mieux compris ce système, et la manière dont ils conçoivent personnellement la
recherche), la fonction heuristique (le modèle leur suggéra de nouvelles idées) et la
fonction décisionnelle (le modèle leur donnera l’envie de se lancer dans de nouvelles
recherches personnelles ou collectives).
Les différentes fonctions énumérées ci-dessus me semblent fournir à mes lecteurs une bonne
grille d’évaluation de mon essai, évaluation qu’il revient à eux seuls de réaliser à partir du
« produit » que constitue ce modèle. L’intérêt des modèles est ce qu’ils peuvent apporter non
seulement une fois produit, mais aussi et même surtout au cours de leur processus
d’élaboration : je pense avoir profité moi-même de ces différentes fonctions lors de l’écriture de
cet essai.
Une théorisation de la recherche en DLC ne peut être en réalité, étant donné la nature
épistémologique de la discipline, qu’une modélisation ; et une « théorie générale de la
recherche », comme annoncée dans le titre du présent essai, ne peut être qu’un « modèle » du
système de la recherche en DLC, comme celui proposé dans le schéma 1. J’ai déjà cité à plusieurs
reprises dans mes travaux les lignes ci-dessous de Pierre Lévy dans son ouvrage de 1990
Les technologies de l'intelligence. L'avenir de la pensée à l'ère informatique
69
, tellement elles
me paraissent pertinentes. Il y explique pour quelles raisons la modélisation s’impose, et pas
seulement en DLC, aux dépens de la théorisation telle qu’elle est encore conçue par beaucoup
dans les sciences dites « dures » ou « exactes » :
Dans la civilisation de l'écriture, le texte, le livre, la théorie restaient, à l'horizon de la
connaissance, des pôles d'identification possibles. Derrière l'activité critique, il y avait
encore une stabilité, une unicité possibles de la théorie vraie, de la bonne explication.
Aujourd'hui, il devient de plus en plus difficile pour un sujet d'envisager son identification,
même partielle, à une théorie. [...] Les théories, avec leur norme de vérité et l'activité
critique qui les accompagne, cèdent du terrain aux modèles, avec leur norme d'efficience
et le jugement d'à-propos qui préside à leur évaluation. Le modèle n'est plus couché sur
le papier, ce support inerte, il tourne sur un ordinateur. C'est ainsi que les modèles sont
perpétuellement rectifiés et améliorés au fil des simulations. [...] Dorénavant [...] nous
aurons affaire à des modèles plus ou moins pertinents, obtenus et simulés plus ou moins
vite, et cela de plus en plus indépendamment d'un horizon de la vérité, à laquelle nous
pourrions adhérer durablement. S'il y a de moins en moins de contradictions, c'est parce
que la prétention à la vérité diminue. On ne critique plus, on débogue. » (pp. 136-137)
À une époque où les innovations numériques explosent – en 2015, lors de la publication de la
première version de cet essai, par exemple, les systèmes conversationnels reposant sur des
69
Docteur en économie, Pierre Lévy est aussi philosophe, sociologue et chercheur en sciences de
l'information et de la communication : la conjonction dans son « profil épistémologique » de ces différentes
disciplines rend ses idées particulièrement stimulantes pour la réflexion en DLC.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 50
modèles de langage n’étaient pas encore disponibles pour tout un chacun –, ces réflexions de
Pierre Lévy, qui datent de plus de trente ans, me semblent encore plus pertinentes qu’à cette
époque. J’invite mes lecteurs non seulement à faire jouer sur mon modèle la fonction que
B. Walliser, dans son article de 2007, appelle « la fonction praxéologique » des modèles
(cf. supra note p. 7, en le « soum[ettant] délibérément à une "contextualisation" qui conduit à
l’adapter à certains environnements et à certains problèmes » (Walliser 2007, p. 9), mais, s’il
leur paraît devoir être corrigé, à le « déboguer », et même, s’ils considèrent qu’il ne peut l’être,
à élaborer leur propre modèle concurrent du système de la recherche en DLC.
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page 57
Annexe 1 : schéma 1, « Le système général de la recherche en DLC »
SORTIES
MODÉLISATION THÉORIQUE
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 59
Annexe 3 : schéma 3, « Typologie des modèles didactiques en DLC »
Ce schéma avec ses notes a été présenté et commenté dans un article intitulé « Typologie des modèles
didactiques en didactique des langues-cultures : modèles pratiques, praxéologiques, théoriques et
didactologiques » (2020a).
Il inclut le type de modèle relevant de la troisième perspective constitutive de la DLC, la « perspective
didactologique ». Sur les trois perspectives constitutives de la DLC, dont cette perspective
didactologique, cf. 002, avec une bibliographie renvoyant à une dizaine de mes publications.
Notes :
– Didactique 1 : nom de l’ensemble de la discipline (« didactique des langues-cultures, DLC »).
– Didactique 2 : qualificatif de l’une des trois perspectives internes de la DLC : perspective méthodologique,
perspective didactique, perspective didactologique. Cf. « Les trois perspectives de la didactique des
langues-cultures », 002).
– Modèle1 = sens systémique : ce sont des modèles dynamiques, s’adaptant aux différents contextes, s’articulation
ou se combinant eux et évoluant en fonction de l’expérience.
– Modèle2 = sens structural : ce sont des modèles figés (i.e. reproduits de manière automatique), voire des modèles
fossilisés (i.e. reproduits de manière mécanique).
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 60
Liste des figures et tableaux
Figure 1 – Modèle du « triangle didactique » de J. Houssaye (1988) – p. 6.
Figure 2 – Schéma augmenté en DLC du « triangle didactique » de J. Houssaye (1988) – p. 7.
Figure 3 – Modèle du système des questions-réponses selon Puren 2022f – p. 10.
Figure 4 – Modèle du système de l’exercice structural – p. 12.
Figure 5 – Modèle complexifié du système des questions-réponses (avec réentrées et boucles
récursives) – p. 12.
Figure 6 – La boucle récursive conceptualisation – modélisation praxéologique – mobilisation
praxéologique – conceptualisation – p. 23.
Figure 7 – Exemple 1 de relation théorie – modèle théorique – modèle méthodologique – p. 24.
Figure 8 – Exemple 2 de relation théorie – modèle théorique – modèle méthodologique – p. 25.
Figure 9 – Modèle méthodologique correspondant à la théorie constructiviste et son modèle
théorique de l’interlangue – p. 25.
Figure 10 – Les différentes entrées dans le système méthodologique de l’enseignant – p. 27.
Figure 11 – La boucle récursive recherche – écriture – recherche – p. 36.
Figure 12 – La boucle récursive conceptualisation – modélisation théorique – mobilisation théorique
– conceptualisation – p. 37.
Figure 13 – La boucle récursive théorisation – modélisation théorique – théorisation – p. 37.
Figure 14 – La boucle récursive conceptualisation – modélisation praxéologique – mobilisation
praxéologique – conceptualisation – p. 39.
Figure 15. – Modélisation des modes fondamentaux de relation théorie-pratique – p. 43.
Tableau 1 – Comparaison des fonctions des modèles selon Varenne 2022 et Walliser 1977 – p. 8.
Tableau 2 – Comparaison entre les « entrées » selon Puren 2014h et les « modèles » selon Puren
2024a – p. 35.
Tableau 3 – Modèle des émergences des disciplines de référence dans les sous domaines de la DLC –
p. 44.
Christian Puren, « Essai de théorie générale de la recherche en didactique des langues-cultures »
page 61
Cet essai propose une théorie générale de la recherche en didactique des langues-
cultures (DLC) sous la forme d’une modélisation d’ensemble des processus de
recherche dans cette discipline– valable tant pour les chercheurs universitaires que
pour les enseignants – élaborée dans le cadre de la théorie systémique, dont les
concepts sont ici utilisés de manière analogique dans le champ de la DLC. Il présente
une synthèse de 50 ans d'expérience de recherche et de 20 ans d'expérience en
tant que directeur de recherche (mémoires de master et thèses doctorales) dans
cette discipline. Le système global de la recherche en DLC proposé ici comporte
deux sous-systèmes : le sous-système praxéologique, avec les modèles praxéo-
logiques ; le sous-système théorique, avec les théories et les modèles théoriques,
tous deux se partageant le traitement des données de terrain. Ces deux sous-
systèmes fonctionnent chacun selon sa propre logique interne mais au moyen des
mêmes processus récursifs (conceptualisation, modélisation, mobilisation), ainsi
que de plusieurs processus linéaires spécifiques (applications théoriques, méthodo-
logiques et technologiques, transposition didactique, implication théorique,
mobilisation rhétorique). Les processus récursifs (i.e. assurés par des « boucles
récursives ») assurent la cohérence et la stabilité de chaque sous-système par
l'itération (reprises à l’identique) et la rétroaction (effets retours), la conceptuali-
sation des données de terrain assurant quant à elle l’interface entre les deux sous-
systèmes. Comme tout système, le système global de la recherche en DLC ainsi
modélisé reçoit des "entrées" (inputs) – de cinq types pour la DLC : empiriques,
méthodologiques, technologiques, sociaux et théoriques – ; et il produit des
« sorties » (outputs) – livres, articles, échanges entre chercheurs lors de
rencontres, manuels, fiches pratiques, etc. –, susceptibles d’y provoquer en retour
des « réentrées » (re-entries) et de « nouvelles entrées », comme lorsque les
échanges entre chercheurs ou l’analyse de manuels fait évoluer la réflexion dans la
discipline et les outils d’intervention. Cette modélisation a été réalisée en pensant
d’abord aux étudiants-chercheurs en DLC, afin de leur proposer une vision globale
des activités de recherche et de concevoir leur propre travail de recherche. Elle est
complémentaire d’une modélisation des types des recherche déjà présentée ailleurs
et reproduite ici en annexe.