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DOSSIER DE CANDIDATURE EN VUE D’OBTENIR :
HABILITATION à DIRIGER LES RECHERCHES
Université de Montpellier
Ecologie fonctionnelle et Sciences Agronomiques
AGROECOLOGIE ET NUMERIQUE - QUELS OUTILS POUR COMPRENDRE ET
CONCEVOIR DES SYSTEMES AGRICOLES PLUS DURABLES ?
Présenté par :
Marie Gosme, Chargée de Recherches, INRAE
Devant le jury composé de :
Mme Véronique Bellon-Maurel, DR, INRAE……………………………………… Examinatrice
Mme Marie-Hélène Jeuffroy, DR, INRAE……………………………...…………. Rapporteure
M. William Puech, PR, Université de Montpellier………………………………. Examinateur
M. Olivier Thérond, IR-HDR, INRAE……………………………………………….. Rapporteur
M. Daniel Wipf, PR, Université de Bourgogne………………………….………. Rapporteur
Soutenance publique le 5/5/2021
2
A Clémence, Agathe, Juliette, Amandine, Martin, Paul, Adèle, Alice, Gaspard, Sacha,
Joseph, Eliette, Clément, Gabin, Pauline, Elise, Simon, Flore, Baptiste, Thomas,
Camille, Gaspard bis, Achille, Charline, Mateo, Naomi, Arthur, Lucie,
Arthur bis, Gabrielle, Martin bis, Emilie, Maylis, Raphael, Lisa
Marianne, Lucile, Elsa, Zoé, Adèle bis, Agathe bis
et tous les enfants du monde.
Puissent-ils vivre dans un monde plus sain et plus équitable
3
Remerciements
Qui l'eût cru ? Après des années de procrastination, j'ai finalement rédigé mon HDR ! Merci
Bruno Rapidel et Pierre-Eric Lauri pour la "saine et impérative stimulation" pour passer cette
HDR ; j'ai eu un peu peur le jour où vous êtes entrés dans mon bureau, avez fermé la porte et
avez commencé à dire "Marie, on voudrait te parler…" mais finalement, ça valait le coup ! Et
merci pour vos conseils lors de cette rédaction. Je remercie également Delphine Mézière et
Christian Dupraz pour leurs retours sur un premier jet, et pour leur soutien en général. Je dois
aussi beaucoup au Christian d'il y a 25 ans car il a cru en l'agroforesterie envers et contre tous,
il a créé l'expérimentation agroforestière de Restinclières et l'a animée sans relâche et sans
faillir malgré les difficultés techniques et administratives, les réticences de certains, le vent, la
pluie, la covid, etc. C'est un visionnaire et un fonceur, parfois pas facile à suivre, mais dont
l'énergie rejaillit sur ses collaborateurs. Sans lui, l'agroforesterie en France (et peut-être aussi
dans le monde) ne serait pas ce qu'elle est. Mais Restinclières, c'est aussi Lydie Dufour,
mémoire vivante des expérimentations depuis 18 ans et dépositaire de quelques dizaines de
milliers de données patiemment accumulées par des armées de stagiaires et de doctorants
depuis l'époque héroïque où Excel n'existait pas (bon courage pour intégrer les fichiers Lotus
1.2.3 et Quattro pro dans la base de données !).
Ma gratitude va également aux techniciens, cheville ouvrière et indispensable de la recherche,
avec qui j'ai travaillé dans les différents labos que j'ai fréquentés : Anne Bates, le regretté
Mathieu Bazot, Bruno Bernazeau, Yvan Bouisson, Jean-François Bourdoncle, Arnaud Butier,
Serge Carillo, Clément Enard, Patrice Lavene, Maryvonne Prunier, Jean-Luc Roger et Alain
Sellier. Merci d'avoir été là non seulement pour préparer, entretenir, mesurer, semer, récolter,
ranger, saisir, planifier, les parcelles, les données, les expérimentations, le matériel, les
cultures (petit exercice : remettre les COD en face des verbes correspondants), mais aussi de
m'avoir appris à reconnaître les adventices, les carabes, les maladies du blé, de la vigne, et de
m'avoir forcée à rester raisonnable et les pieds sur terre (ou plutôt dans la boue) quand je
voyais un peu trop grand.
Je suis sincèrement reconnaissante aux collègues scientifiques qui m'ont encadrée au début de
ma carrière et qui ont été mes modèles, qu'ils soient remerciés pour leur qualité scientifiques
et humaines : Philippe Lucas, le regretté Doug Bailey et Marie-Hélène Jeuffroy. Mais aussi
aux collègues avec qui j'ai collaboré plus ou moins étroitement, mais qui m'ont tous apporté
des points de vue intéressants, des idées nouvelles, des retours positifs sur l'intérêt de mon
travail et la motivation pour continuer : Lionel Lebreton, Sylvain Poggi, Muriel Valantin-
Morison, Dominique Desclaux, Fabrice Vinatier, Laure Hossard, ainsi que les membres des
réseaux payote et COPACABANA et du RMT AgroforesterieS. Merci à Christian Gary grâce
à qui j'ai pu migrer à Montpellier, à Eric Justes pour le lancement du projet biodiversify, qui
est très structurant pour l'unité et en particulier pour l'équipe TEAM que j'anime.
Je remercie également chaleureusement les étudiants que j'ai encadrés, grâce à qui j'ai pu
avancer plus vite et avec un enthousiasme renouvelé chaque année : Estelle, Maguie,
Barthelemy, Anabelle, Céline, Thomas, Romane, Laura, Anaïs, Sacha, Alexandre et Florent.
Et bien sûr les doctorants : Daniel Inurreta-Aguirre (le premier, ça ne s'oublie jamais) pour sa
bonne humeur ; Guillaume Blanchet pour son opiniâtreté face aux difficultés techniques, aux
ampoules et aux vêtements trempés (premier enseignement de sa thèse : travailler sur la
sécheresse n'est pas une bonne façon de rester au sec) et sa persévérance à fouiller les données
sous de multiples angles d'attaque jusqu'à trouver le bon cadre conceptuel ; Nicolas Barbault
dont l'aventure ne fait que commencer mais qui montre déjà son enthousiasme et son sérieux
et enfin Laëtitia Lemière, qui va être une passeuse de savoir entre l'agronomie et
l'informatique. Nicolas et Laetitia, j'espère que je serai à la hauteur pour vous permettre de
réaliser toutes vos potentialités.
4
Sommaire
I. CV ............................................................................................................................................................... 8
II. Liste des contrats de recherche ................................................................................................. 10
III. Liste des publications ................................................................................................................... 10
IV. Liste des encadrements de doctorants et stagiaires ......................................................... 14
V. Liste des tâches collectives........................................................................................................... 16
VI. Analyse des travaux scientifiques ............................................................................................ 18
1. Introduction ................................................................................................................................................... 18
2. La complexité de l'agroécologie ............................................................................................................ 23
3. La modélisation permet-elle de gérer cette complexité ? ........................................................... 40
4. Conclusion ...................................................................................................................................................... 50
VII. Projet : le numérique au service de l'agroécologie .......................................................... 52
1. Développer un support de conception de systèmes agroforestiers ....................................... 52
2. Evaluer des systèmes agroforestiers co-conçus par des acteurs ............................................. 55
3. Permettre aux acteurs de se projeter dans l'avenir ...................................................................... 56
4. Objets d'étude et projets associés ......................................................................................................... 57
5. Modalités de l'encadrement des doctorants .................................................................................... 60
VIII. Conclusion ..................................................................................................................................... 64
IX. Références ........................................................................................................................................ 66
X. Annexes ............................................................................................................................................... 76
5
• Listes des encadrés, figures et tableaux
Encadrés (les encadrés illustrent, par des exemples issus de mon parcours, les concepts
présentés dans le mémoire)
Encadré 1 : Typologie des interventions aux séminaires d'agroécologie de Montpellier ...... 21
Encadré 2 : Effet des pratiques en interculture sur la structure spatiale et le développement
des épidémies d'une maladie d'origine tellurique ........................................................ 24
Encadré 3 : l'allongement du délai de retour du blé : un moyen de faire d'une pierre deux
coups pour lutter contre le piétin-échaudage ? ............................................................25
Encadré 4 : Dépendance au contexte climatique de l'effet de la structure spatiale du couvert
sur le développement d'une maladie tellurique ........................................................... 26
Encadré 5 : Dépendance au contexte de l'effet de la compétition arbres-cultures ............... 27
Encadré 6 : Interaction entre pratiques locales et du voisinage sur les dynamiques de
bioagresseurs .............................................................................................................. 29
Encadré 7 : Comment décrire le paysage et caractériser son effet sur les bioagresseurs et
ennemis naturels ? ........................................................................................................ 31
Encadré 8 : Mission Ecophyt'eau ® : un outil de représentation et de conception collective
de systèmes de culture ou de l'importance d'intégrer tous les acteurs dans un processus
de conception ............................................................................................................... 32
Encadré 9 Sélection participative de blé dur pour l'agroforesterie ...................................... 34
Encadré 10 : Protection microclimatique des cultures en agroforesterie .............................. 37
Encadré 11 : Compétitions arbres-vigne ............................................................................... 38
Encadré 12 : Une démarche pour intégrer la biologie des champignons, l'épidémiologie
végétale et l'évolution des populations pour le contrôle durable des maladies d'origine
tellurique ...................................................................................................................... 41
Encadré 13 : Application de la théorie de la hiérarchie pour mieux comprendre la dispersion
des épidémies végétales ............................................................................................. 42
Encadré 14 : Un modèle spatialement explicite pour tester les effets combinés du type de
semis et du type de travail du sol ................................................................................. 44
Encadré 15 : Simulation de l'effet des interactions arbres-cultures sur le rendement du blé
sous différents scénarios climatiques .......................................................................... 46
Encadré 16 : MUSCLR-PODYAM : un cadre de modélisation pour construire des modèles de
dynamiques de populations multi-espèces dans les mosaïques paysagères ................ 49
Figures
Figure 1 : Rôle de l'agriculture dans le dépassement des limites planétaires (extrait de (Meier
2017))............................................................................................................................ 19
Figure 2 : Disciplines des interventions présentées lors des séminaires d'agroécologie de
Montpellier (sur un schéma adapté de Dalgaard et al 2003) d'après Checkland 1999. . 22
Figure 3 : le piétin échaudage présente une structure en foyers de maladie (gauche et droite,
les contrastes ont été accentués) dont la taille et la forme dépendent du type de travail
du sol (photo centrale)................................................................................................. 24
Figure 4 : trade-off entre l'efficacité d'infection et la survie en phase saprophyte ............... 26
Figure 5 : Évaluation expérimentale d'un levier original pour lutter contre une maladie
tellurique : la structure spatiale de la culture (A : semis en poquets, B : semis en ligne et
C : semis à la volée)....................................................................................................... 27
Figure 6 : La compétition domine les interactions arbres-cultures en conditions optimales
(l'année 2016 pour la figure de gauche, la situation de contrôle sans exclusion de pluie
pour la figure de droite), mais pas lorsque les conditions sont défavorables à la culture.
6
FS et AC : full sun et agricultural control, AF : agroforesterie, AF-S et AF-N : au Sud et
au Nord de l'arbre. ....................................................................................................... 28
Figure 7 : Deux des 216 parcelles de blé ayant servi de support à l'étude sur les interactions
entre pratiques locales et dans le voisinage : à gauche, parcelle en agriculture
biologique, à droite, parcelle en agriculture conventionnelle ...................................... 29
Figure 8 : A) méthode MAPI d'analyse génétique spatiale, B) résultats de la méthode MAPI,
C) paysage utilisé pour les simulations de la dynamique spatiale d'un bioagresseur, D)
buffers utilisés pour calculer la fonction d'influence spatiale (méthode SILand), E, F, et
G) données spatiales (paysage + bioagresseurs) intégrées dans le package rcopacabana
(Drouais, Dijon, haute vallée de la Durance). ................................................................ 31
Figure 9 : Interface informatique créée pour apporter des fonctionnalités supplémentaires à
l'outil "Mission Ecophyt'eau" ........................................................................................ 33
Figure 10 : Rendement normalisé en témoin culture pure et rendement relatif en
agroforesterie des variétés populations (vert), lignées pures "élite"(bleu) et lignées
pures de variétés anciennes (orange) ........................................................................... 35
Figure 11 : A gauche, dégâts dus aux gelées du 21-24 Avril 2017, à droite, les vignes près des
pins parasol n'ont pas été touchées (Photos C. Dupraz). .............................................. 37
Figure 12 : Poids de vendange par cep en fonction de l'année, du cépage et du système de
culture (AF : agroforesterie, TV : témoin viticulture pure). ........................................... 39
Figure 13 : Démarche adoptée pour proposer de nouvelles méthodes de lutte contre les
maladies d'origine tellurique. ....................................................................................... 41
Figure 14 : Représentation schématique du fonctionnement du modèle Cascade (Gosme
and Lucas, 2009a, 2009b) et exemple de hiérarchie de niveaux d'organisations pour son
application en épidémiologie végétale. ....................................................................... 42
Figure 15 : Un exemple de simulations très contrastées : structure de l'hôte aléatoire (semis
à la volée) ou agrégée (semis en poquets) en interaction avec la structure spatiale de
l'inoculum (qui pourrait dépendre du travail du sol pendant l'interculture, comme
montré dans l'Encadré 2, bien que les modalités testées ici soient plus contrastées). . 45
Figure 16 : Simulations du rendement et sa variabilité (écart-type) en agroforesterie vs
témoin agricole, pour trois scénarios climatiques et deux catégories d'âge des arbres 47
Figure 19 : Photomontage illustrant ce que pourrait donner l'application de réalité
augmentée pour visualiser le système agroforestier nouvellement conçu ou
nouvellement planté : aspect de la parcelle dans 10, 20, 30 ou 40 ans. ......................... 57
Figure 20 : Vignes associées à des pins pignon .....................................................................58
Figure 21 : Systèmes agroforestiers à base d'oliviers : oliviers dispersés dans une parcelle de
blé (A) et oliviers alignés, permettant une mécanisation des cultures intercalaires (B)
©Yann Arthus-Bertrand ...............................................................................................58
Figure 22 : Schéma d'intégration de l'outil de réalité augmentée pour la conception "sur
table", de la modélisation des systèmes agroforestiers et de la visualisation in situ.
ESFM : ecosystem services functional motif (Rafflegeau et al. 2019). ......................... 60
Tableaux
Tableau 1 : Rendement en tonnes par hectare (prenant en compte la surface prise par les
arbres) en vigne agroforestière (2 modalités de distance arbres-vigne) et en témoin
viticole. ......................................................................................................................... 39
Tableau 2 : vision des responsabilités : moyenne des pourcentages de mention par
personne, selon que c'est un doctorant ou un encadrant qui répond (100 %= la
personne ne parle que de cet aspect) ........................................................................... 61
7
Annexes
Annexe 1 : organigramme de l'unité ABSys .......................................................................... 76
Annexe 2 : Méthodes utilisées pour caractériser l'effet du contexte paysager sur les
populations de bioagresseurs ou d'auxiliaires ............................................................... 77
Annexe 3 : Tirés à part des principales publications .............................................................. 81
8
I. CV
Dr. Marie GOSME
Chargée de Recherches, INRAE
email : marie.gosme@inrae.fr
Diplômes
2007 Doctorat en "Biologie et Agronomie", mention très honorable – École
Nationale Supérieure Agronomique de Rennes, France
2003 Master Professionnel "Protection des Plantes et Environnement" – École
Nationale Supérieure Agronomique de Rennes, France
1999 Concours d'entrée des Grandes Ecoles – Lycée Henry IV, Paris, France
1997 Baccalauréat, spécialité "mathématiques", mention bien - Lycée Hélène
Boucher, Paris, France
Responsabilités
Responsable de l'équipe TEAM (Transition Ecologique des Agrosystèmes Méditerranéens)
de l'UMR ABSys (23 permanents)
Activités de recherche
Mécanismes de résilience des systèmes agroforestiers face à la variabilité climatique.
(Juillet 2014- présent) – UMR SYSTEM, INRA Montpellier, France
- Montage de projets européens et nationaux
- Encadrement de deux thèses de doctorat
- Co-chair du comité scientifique du 3ème congrès mondial d'agroforesterie 2019, éditrice en chef des
actes du congrès européen d'agroforesterie 2016
- Conception, réalisation et analyse d'expérimentations sur cultures annuelles (céréales, pois) et
pérennes (vigne) en agroforesterie
- Utilisation de modèles mécaniste des systèmes agroforestiers
Effet des systèmes de cultures dans un paysage sur la dynamique du profil de
bioagresseurs du blé. (Mai 2008-Juin 2014) – UMR Agronomie, INRA Grignon, France
- Montage et participation à des projets européens et nationaux
- Enquêtes auprès d’agriculteurs
- Suivis en parcelles d'agriculteurs de bioagresseurs et auxiliaires du blé
- Modélisation spatialement explicite de dynamiques de populations
Analyse de l’invasion et de la persistance de maladies telluriques par modélisation des
épidémies et de l’évolution de la structure génétique des populations pathogènes
responsables. Post-doctorat (Mai 2007 – Avril 2008) – University of Cambridge, UK
- Approfondissements en modélisation épidémiologique et évolutive
- Conception, réalisation et analyse d'expérimentations en conditions contrôlées
- Utilisation du logiciel statistique R
Modélisation spatio-temporelle d'épidémies d'origine tellurique. Thèse de doctorat
(Janvier 2004 - Janvier 2007) - INRA Rennes, France.
- Manipulation des concepts généraux de phytopathologie, épidémiologie et modélisation
- Conception, réalisation et analyse d'expérimentations en plein champ et en conditions contrôlées
- Utilisation de logiciels et plateformes de modélisation, logiciel statistique SAS
- Membre du comité d'organisation du 9ème Atelier International d'Épidémiologie Botanique
(Landerneau, France, 2004)
Analyse spatiale du piétin-échaudage du blé. Stage de fin d'études d'ingénieur (Mars-
Septembre 2003) - INRA Rennes, France.
- Échantillonnage au champ, notations de maladie, analyses statistiques
9
- Utilisation du logiciel statistique SAS et d'outils d'analyse spatiale
Mise en place d'un test précoce de dépistage de la résistance du cacaoyer à la maladie
du balai de sorcières (Avril-Août 2002) - University of the West Indies, Port of Spain,
Trinidad.
- Techniques de pathologie végétale : échantillonnage, extraction, observations microscopiques
- Travail en milieu anglophone
Agro-épuration des vinasses de distillerie sur l'île de La Réunion. (Septembre 2001-Mars
2002) - CIRAD Saint Denis, La Réunion.
- Carottage de sol, analyses physico-chimiques de sol et de vinasses, mise en place
d'expérimentations au champ et en conditions contrôlées
Autres expériences professionnelles
Gestion de la forêt et de la biodiversité au Costa Rica (Avril 2001), Costa Rica
Développement rural en Indonésie (Juin-Juillet 2000), Manado, Indonésie
Stage en exploitation agricole (Avril et Août 2000), Cognac, France
Informatique
- statistiques : SAS, R
- modélisation : Stella, ModelMaker, Simile, Record, livecode
- langages de programmation : C++, Tcl/Tk
- logiciel SIG : qGIS
Langues
Anglais : courant (640 points au TOEFL et 955 points au TOEIC), plus d'un an d'expérience
professionnelle en milieu anglophone
Loisirs
Apnée : niveau 3 (2015)
Plongée sous-marine : Plongeur niveau 2 (2010), Encadrant niveau 1 (2012)
Pilotage planeur : Licence de Pilote de Planeur (2003)
Pilotage avion : Licence de Pilote Privé Avion (2001)
10
II. Liste des contrats de recherche
années
titre
financeur
montan
t (k€)
rôle
2010-
2014
SOLIBAM (Strategies for Organic and Low-input
Integrated Breeding and Management)
Europe
7800
participante
2011-
2013
EPSIMBIOR (Etude préalable à la conception d’un
modèle simulant l’effet de systèmes de culture
agencés dans l’espace sur les pressions biotiques à
l’échelle régionale)
GIS GC-HP2E
127
coordinatrice
2012-
2016
GESTER (Gestion territoriale des résistances aux
maladies en rép
onse aux nouvelles contraintes
d'utilisation des pesticides en grande culture.)
ANR
515
responsable de
work-package
2013-
2016
COPACABANA (COmment décrire le PAysage pour
CAractériser son
effet sur les BioAgresseurs et
ennemis Naturels ?)
métaprogra
mme INRA
SMACH 70 coordinatrice
2014-
2017
AGFORWARD (AGroFORestry that Will Advance
Rural Development)
Europe
7000
participante
2015-
2021
BAG'AGES (Bassin Adour-
Garonne, quelles
performances des pratiques AGroEcologiqueS)
Agence de
l'eau Adour-
Garonne 510 participante
2018-
2021
Arbriss'eau (L'agroforesterie au sein de pratiques
agroécologiques pour la préservation de l'Eau)
Agence de
l'eau RMC
300
participante
2018-
2021
Sun'Agri 3 (agrivoltaïque dynamique)
ADEME
15200
participante
2018-
2022
D4Declic (Dual cropping system, Genetic Diversity,
Decision support and Digital tool for Designing Eco-
efficient Cereal-Legume Integrated food value Chain
in the Mediterranean Basin)
ANR
463
coordinatrice
(remplacement
de la
coordinatrice
initiale)
2020-
2023
Biodiversify (Boost ecosystem services through
highly Biodiversity-based Mediterranean Farming
sYstems)
ANR
1300
responsable de
WP
2020-
2023
RASCAS (La Réalité Augmentée comme Support
pour la Conception de systèmes AgroforestierS)
#DigitAg/INR
AE
130
coordinatrice
2020-
2023
MODOLIVIER (Modélisation de systèmes
agroforestiers à base d'oliviers pour évaluer ex-ante
la multifonctionnalité de systèmes co-
conçus avec
des acteurs)
Fondation de
France
105
coordinatrice
2020-
2024
AGROMIX (AGROforestry and MIXed farming
systems -
Participatory research to drive the
transition to a resilient and efficient land use in
Europe) Europe 7000 participante
III. Liste des publications
Publications dans des revues internationales à comité de lecture (les co-auteurs stagiaires
de M2 ou doctorants que j'encadrais sont soulignés). Les indicateurs de notoriété indiqués
en couleur sont ceux de l'évaluation des revues NORIA.
1. Gosme, M., Willocquet, L., and Lucas, P. (2007) Size, Shape and Intensity of
Aggregation of Take-all Disease during Natural Epidemics in Second Wheat Crops.
11
Plant Pathology, 56: 87-96. DOI: 10.1111/j.1365-3059.2006.01503.x (FI 2,178,
excellente: agronomy)
2. Lebreton, L., Gosme, M., Philippe Lucas, Guillerm-Erckelboudt, A.-Y. and Sarniguet,
A. (2007) Linear relationship between Gaeumannomyces graminis var. tritici (Ggt)
genotypic frequencies and disease severity on wheat roots in the field. Environmental
Microbiology, 9: 492-499. DOI: 10.1111/j.1462-2920.2006.01166.x (FI 5,337, excellente:
microbiology)
3. Gosme, M. (2008) Comment analyser la structure spatiale et modéliser le
développement spatio-temporel des épiphyties?. Canadian Journal of Plant Pathology
30 :4-23 DOI: 10.1080/07060660809507492 (FI 1,01, acceptable: plant sci.)
4. Gosme, M. and Lucas, P. (2009) Cascade: an epidemiological model to simulate
disease spread and aggregation across multiple scales in a spatial hierarchy.
Phytopathology 99: 823-832. DOI: 10.1094/PHYTO-99-7-0823 (FI 2,618, excellente:
plant sci.)
5. Gosme, M. and Lucas, P. (2009) Disease spread across multiple scales in a spatial
hierarchy: effect of host spatial structure, and of inoculum quantity and repartition.
Phytopathology 99: 833-839 DOI: 10.1094/PHYTO-99-7-0833 (FI 2,618, excellente:
plant sci.)
6. Gosme, M. and Lucas, P. (2009) Combining experimentation and modelling to
estimate primary and secondary infections of take-all disease of wheat. Soil Biology
and Biochemistry 41: 1523-1530 DOI: 10.1016/j.soilbio.2009.04.012 (FI 3,566,
excellente: soil sci.)
7. Gosme, M., Suffert, F. and Jeuffroy, M.H. (2010) Intensive versus low-input cropping
systems: what is the optimal partitioning of agricultural area in order to reduce
pesticide use while maintaining productivity? Agricultural Systems 103: 110-116 DOI:
10.1016/j.agsy.2009.11.002 (FI 2,856, excellente: agric. multidiscip.)
8. Gosme, M., Lucas, P. (2011) Effect of host and inoculum patterns on take-all disease
of wheat incidence, severity and disease gradient. European Journal of Plant Pathology
129, 119-131. DOI: 10.1007/s10658-010-9700-3 (FI 1,87, correcte: agronomy)
9. Médiène, S., Valantin-Morison, M., Sarthou, J.P., de Tourdonnet, S., Gosme, M.,
Bertrand, M., Roger-Estrade, J., Aubertot, J.N., Rusch, A., Motisi, N., Pelosi, C., and
Doré, T. (2011) Agroecosystem management and biotic interactions: a review.
Agronomy for Sustainable Development. 31(3): 491-514. DOI 10.1007/s13593-011-
0009-1 (FI 2,562, excellente: agronomy)
10. Gosme, M., de Villemandy, M., Bazot, M., Marchand, D., Jeuffroy, M.-H. (2012) Local
and neighbourhood effects of organic and conventional wheat management on
aphids, weeds, and foliar diseases. Agriculture, Ecosystems, Environment. 161: 121-
129. DOI: 10.1016/j.agee.2012.07.009 (FI 3,969, exceptionnelle: agric. multidiscip.)
11. Vinatier, F. Gosme, M., Valantin-Morison, M. (2012) A tool for testing integrated pest
management strategies on a tritrophic system involving pollen beetle, its parasitoid
and oilseed rape at the landscape scale. Landscape Ecology, 27(10) 1421-1433. DOI:
10.1007/s10980-012-9795-3 (FI 3,83, correcte: ecology)
12. Vinatier, F. Gosme, M., Valantin-Morison, M. (2012) Explaining host-parasitoid
interactions at the landscape scale: a new approach for calibration and sensitivity
analysis of complex spatio-temporal models. Landscape Ecology, 28(2): 217-231. DOI:
10.1007/s10980-012-9822-4 (FI 3,83, correcte: ecology)
12
13. Jeuffroy M.H., Baranger E., Carrouée B., de Chezelles E., Gosme M., Hénault C.,
Schneider A., Cellier P., (2013). Nitrous oxide emissions from crop rotations including
wheat, rapeseed and dry pea. Biogeosciences, 10, 1787-1797 DOI: 10.5194/bg-10-1787-
2013 (FI 4,193, excellente: ecology)
14. Gosme, M., Lebreton, L., Sarniguet, A., Lucas, P., Gilligan, C.A., Bailey, D. J., (2013). A
new model for the pathozone of the take-all pathogen, Gaeumannomyces graminis
var. tritici. Annals of Applied Biology 163, 359–366. DOI: 10.1111/aab.12060 (FI: 1,681,
excellente: agric. multidiscip)
15. Hossard, L., Gosme, M., Souchère, V., Jeuffroy, M.H., (2015) Linking Cropping System
Mosaics to Disease Resistance Durability. Ecological Modelling 307: 1–9.
DOI:10.1016/j.ecolmodel.2015.03.016 (FI 2,321, correcte: ecology)
16. Garcia de Jalon S., Burgess P.J., Graves, A., Moreno G., Pottier, E., Novak, S.,
Bondesan, V., Mosquera Losada, R., Crous-Duran, J., Palma, JHN, Paulo, J., Oliveira,
T., Cirou, E., Hannachi, Y., Pantera, A., Wartelle, R., Kay, S., Malignier, N., Van
Lerberghe, P., Tsonkova, P., Mirck, J., Rois, M., Kongsted, A.G., Thenail, C., Luske, B.,
Berg, S., Gosme, M., McAdam, J., Vityi, A. (2017). How Is Agroforestry Perceived in
Europe? An Assessment of Positive and Negative Aspects by Stakeholders.
Agroforestry Systems, DOI: 10.1007/s10457-017-0116-3. (FI 1.973, correcte: agronomy)
17. Camara, B., Gosme, M., Ngom, D., Gomis, Z.D., Badji, M., Sanogo, D., and Dupraz, C.
(2018). Ecological characterization and evolution of Elaeis guineensis Jacq. traditional
parklands in Lower Casamance (Senegal). Agroforestry Systems. DOI:
10.1007/s10457-018-0237-3 (FI 1.973, correcte: agronomy)
18. Dupraz, C., Blitz-Frayret, C., Lecomte, I., Molto, Q., Reyes, F. and Gosme, M. (2018).
Influence of Latitude on the Light Availability for Intercrops in an Agroforestry Alley-
Cropping System. Agroforestry Systems, March 2, 2018. DOI: 10.1007/s10457-018-
0214-x. (FI 1.973, correcte: agronomy)
19. Inurreta-Aguirre, H.D., Lauri, P.E., Dupraz, C., and Gosme, M. (2018). Yield
Components and Phenology of Durum Wheat in a Mediterranean Alley-Cropping
System. Agroforestry Systems. DOI: 10.1007/s10457-018-0201-2. (FI 1.973, correcte:
agronomy)
20. Christian Dupraz, Kevin Wolz, Isabelle Lecomte, Grégoire Talbot, Grégoire Vincent,
Rachmat Mulia, François Bussière, Harry Ozier-Lafontaine, Sitraka Andrianarisoa,
Nick Jackson, Gerry Lawson, Nicolas Dones, Hervé Sinoquet, Betha Lusiana, Degi
Harja, Susy Domenicano, Francesco Reyes, Marie Gosme, Meine Noordwijk (2019).
Hi-sAFe: A 3D Agroforestry Model for Integrating Dynamic Tree–Crop Interactions.
Sustainability, 11 2293, DOI: 10.3390/su11082293 (FI: 2,576 correcte: environ.sci.)
21. Lydie Dufour, Marie Gosme, Jimmy Le Bec, Christian Dupraz (2020). Does pollarding
trees improve the crop yield in a mature alley-cropping agroforestry system?. Journal
of Agronomy and Crop Science, 1-10, DOI: 10.1111/jac.12403 (FI 3,057 excellente:
agronomy)
22. Anne Merot, Marc Fermaud, Marie Gosme, Nathalie Smits (2020). Effect of
conversion to organic rarming on pest and disease control in French vineyards.
Agronomy, 10 1-18, DOI: 10.3390/agronomy10071047 (FI 2.259 excellente: agronomy)
23. Hector Daniel Inurreta-Aguirre, Pierre-Eric Lauri, Christian Dupraz and Marie Gosme,
(révisions majeures à Agricultural Water Management) Tree root pruning increases
soil water content but not crop yield in winter cereals in a Mediterranean alley
cropping system.
13
24. Guillaume Blanchet, Karim Barkaoui, Mattia Bradley, Christian Dupraz and Marie
Gosme (soumis à Journal of Agronomy and Crop Science, accepté avec modifications)
Interactions between drought and shade on the productivity of winter pea - an
assessment with a rainfall manipulation experiment in a 25-year-old walnut
agroforestry system.
14
IV. Liste des encadrements de doctorants et stagiaires
Doctorants :
doctorant
années
sujet
publications
associées
présentations à des congrès
Daniel
Innurreta
Oct
2015-
Nov
2018
Looking for
facilitation in
agroforestry: can
trees reduce
terminal water and
heat stress in winter
cereals in the
Mediterranean
climate? An
experimental and
modelling approach
publications
19 et 23 dans
la liste des
publis page
10
H.D. Inurreta Aguirre, Kévin Wolz, Christian
Dupraz, Marie Gosme (2019-05-20). Using the
Hi-sAFe model to test the effect of tree root
and branch pruning with different crop
management options. Presented at : 4. World
Congress of Agroforestry, Montpellier, fr
(2019-05-20 - 2019-05-22)
Hector Daniel Inurreta Aguirre, Lydie Dufour,
Christian Dupraz, Pierre-Eric Lauri, Marie
Gosme (2016-05-23). Effect of agroforestry on
phenology and components of yield of
different varieties of durum wheat. Presented
at : 3. European Agroforestry Conference
(EURAF 2016), Montpellier, fr (2016-05-23 -
2016-05-25)
Guillaume
Blanchet
Oct
2017-
présent
Les systèmes
agroforestiers face
au changement
climatique :
analyses des
mécanismes de
résilience face aux
excès climatiques
par expérimentation
au champ et
modélisation
numérique
publication
24 dans la
liste des
publis page
10
Guillaume Blanchet, Marie Gosme, Jean-
Francois Bourdoncle, Alain Sellier, Lydie
Dufour, Grégoire Vincent, Christian Dupraz
(2019). Drought experiments in alley-cropping
systems, from concepts to field reality: lessons
learnt at Restinclières, France. Presented at : 4.
World Congress on Agroforestry, Montpellier,
fr (2019-05-20 - 2019-05-22)
Guillaume Blanchet, Marie Gosme, Lydie
Dufour, Jean-Francois Bourdoncle, Alain
Sellier, Christian Dupraz (2018) Will cereal
crops better cope with climate change in
agroforestry? A first assessment with a rain
reduction experiment in a mature alley-
cropping system. Presented at : XVe European
Society for Agronomy Congress, Geneva,
Switzerland
Devenir des doctorants : Daniel Innurreta est chercheur à l'INIFAP au Mexique. Guillaume
Blanchet est encore en thèse.
Etudiants
étudiant niveau année sujet
publication/ communication
associée
Florent
Deslandes
M2
2020
Viticulture agroforestière :
comportement de la vigne à
l'ombre de pins parasol
15
Alexandre
Tallaa
M2
2020
La réalité augmentée pour
faciliter les ateliers de conception
de systèmes agroforestiers
Gosme M, Tallaa A, Jaeger M.
Augmented reality to support the
design of innovative agroforestry
systems. résumé soumis pour la
conférence de l'EURAF
initialement prévue en 2020
Sacha Delmotte M1 2019
Influence des arbres sur la culture
de vignes en agroforesterie
viticole
Marie Gosme, Sacha Delmotte,
Juliette Grimaldi, William
Trambouze. 2019. Diachronic
study of the effect of growing
trees on grapevine yield: 24
years of experience in the South
of France. Présentation orale au
3ème congrès mondial
d'agroforesterie, Montpellier
2019
Anais Hubert
M2
2017
Plasticité phénotypique des
céréales en réponse à la culture en
agroforesterie en région
méditerranéenne
Laura Cervello
M2
2016
Screening de variétés de blé dur
adaptées à l’agroforesterie
Romane Leroy
L2
2015
Screening de variétés de blé dur
adaptées à l’agroforesterie
Thomas
Brequigny césure 2014
Comparaison et évaluation de
protocoles caractérisant les
populations de bioagresseurs et
leurs régulations biologiques
Céline
Colombet L2 2013
Les effets des aménagements
paysagers sur les populations de
bioagresseurs et d’auxiliaires
Anabelle
Laurent
M2
2012
Effet de la présence de haies sur
les populations de carabes dans
les parcelles de blé et en bord de
champ
Barthelemy
Chenaux césure 2011
Effets du type de blé (paysan vs
moderne) sur l'efficacité des
régulations biologiques offertes
par les espaces interstitiels en
système Bio
Maguie De
Villemandy
M2
2010
Caractérisation du profil de
maladies, populations
d'adventices et infestations de
puceron dans des parcelles de blé.
publication 10 dans la liste des
publis page 10
Estelle Kydjian
licence
pro 2009
Caractérisation du profil de
maladies, populations
d'adventices et infestations de
puceron dans des parcelles de blé.
16
Participations à des comités de pilotage de thèse (hors thèses encadrées)
doctorant
années
titre
Toky Ramananjatovo
2018-2021
Systèmes verger-maraîcher : recherche appliquée dans le
continuum sol-plante-atmosphère
Nirina Ratsimba
2016-2019
Conception d’un modèle simulant de manière spatialement
explicite les services de régulation biologique et de pollinisation, à
l’échelle du paysage
Juliette Grimaldi
2014-2017
Quel est l’apport de l’agroforesterie face au risque climatique en
régions tempérées ?
Développement d’une approche combinant mesures in situ,
télédétection et analyse morphologique de la végétation
Stéphanie Klaedtke
2013-2016
Plant adaptation and plant health in a context of on-farm
breeding of common bean (Phaseolus vulgaris) in European
organic farms.
Camille Puech
2011-2014
Rôle de la diversité et de l’organisation spatiale des pratiques en
agriculture biologique et conventionnelle pour le contrôle
biologique des ravageurs
Marie-Hélène Bonnemé
2010-2014
Analyse et modélisation des effets du système de culture et de
l’environnement de production sur le profil de dégâts du blé
d’hiver
Melen Leclerc
2010-2013
Approche par modélisation et expérimentation du
développement spatio-temporel des maladies telluriques : le cas
du pathosystème betterave à sucre - Rhizoctonia solani
Julien Papaïx 2009-2011
Dynamique et évolution génétique d’une population d’un
champignon phytopathogène anémophile en réponse à la
structure spatiotemporelle de son hôte.
Julie Caubel
2009-2011
Typologie des maladies et ravageurs des principales cultures et
modélisation des effets du changement climatique sur leur
évolution à l’échelle de l’ensemble du territoire français
Béatrice Collange
2008-2011
Vers une gestion agronomique des bioagresseurs telluriques en
maraîchage sous abri : évaluation de systèmes de culture
Elise Lô-Pelzer
2005-2008
Modélisation des effets des systèmes de culture et de leur
agencement dans l’espace sur l’adaptation des populations de
Leptosphaeria maculans aux résistances présentes dans les
variétés de colza et sur les pertes de rendement
V. Liste des tâches collectives
Liste des responsabilités (hors management de projet, qui sont listés dans le tableau page
10)
Responsabilité Année
17
Responsable de l'équipe TEAM (transition
écologique des agrosystèmes
méditerranéens) au sein de l'UMR ABSys. 23 permanents et une dizaine de
doctorants, postdocs et CDD.
2020-
2025
Co-présidente du comité scientifique et membre du comité d’organisation
du congrès mondial d’agroforesterie 2019 (1200 participants)
2019
Présidente du comité scientifique et éditrice en chef des actes du congrès
européen d’agroforesterie 2016 (300 participants)
2016
18
VI. Analyse des travaux scientifiques
Dans cette partie, j'ai pris le parti de défendre une thèse (cf. ci-dessous) en m'appuyant sur
une revue de la littérature et d'illustrer mon propos par des exemples tirés de mon
expérience professionnelle, présentés sous forme d'encadrés. J'espère que ce format
facilitera la lecture et la rendra plus agréable et intéressante qu'une présentation exhaustive
de mes travaux.
Je défends la thèse que les problèmes (agronomiques, économiques, sociaux) de
l'agriculture intensive sont dus à la vision de l'agriculture comme un procédé industriel, qui
doit être rationalisé (on pourrait dire réduit à sa plus simple expression) et standardisé (on
pourrait dire déconnecté de l'environnement) pour simplifier sa gestion (par des méthodes
qu'on pourrait qualifier de brutales). Je pense qu'au contraire il faut faire non pas contre
mais avec la nature. L'agroécologie, à la fois comme science ayant pour domaine d'étude
des systèmes complexes et comme pratique reposant sur la biodiversité, permet de sortir
de cette vision simpliste. Mais l'agroécologie reposant sur une complexification des
agrosystèmes dans leur structure et dans leur pilotage par les agriculteurs, il faut donc
utiliser des outils adaptés pour gérer cette complexité et rendre intelligible le
fonctionnement des agrosystèmes. La modélisation apporte de tels outils, mais on se rend
compte que la connaissance du fonctionnement des agrosystèmes ne suffit pas à faire
changer les pratiques des agriculteurs. Le projet que je présenterai dans la partie suivante
vise donc à proposer des outils qui pourraient être utilisés dans le cadre de démarches
participatives de conception de nouveaux systèmes plus durables et plus résilients,
produisant et valorisant les services écosystémiques.
1. Introduction
La "modernisation" de l'agriculture lors de la seconde moitié du 20ème siècle, basée sur la
motorisation (et son corollaire, le remembrement), l'utilisation de pesticides chimiques, la
sélection de variétés de plantes et d'animaux très productives, la fertilisation chimique et
l’irrigation, associées à une "rationalisation" de l'activité agricole et à une spécialisation des
exploitations, ont permis une augmentation spectaculaire de la production alimentaire. La
productivité des cultures de céréales dans le monde a ainsi pu augmenter de près de 44
kg.ha-1 chaque année entre 1961 et 2006, doublant en quarante ans, entre 1966 et 2006
(Source : FAOstats, 2008). Cependant, ce modèle de développement agricole, basé sur la
recherche d’un contrôle le plus poussé possible des conditions de production et l'utilisation
massive d'intrants, a atteint ses limites et ses impacts négatifs sont de plus en plus
largement reconnus.
Les limites de l'intensification agricole sont à la fois internes et externes :
- les limites internes conduisent à des impasses techniques, comme le contournement
des résistances variétales (Rouxel et al. 2003; Papaix et al. 2011), l'apparition de
résistances aux pesticides chez les bioagresseurs (Beckert et al. 2011), la raréfaction
des ressources, en particulier l'eau dans les régions d'irrigation intensive (Amigues et
al. 2006), ou la dégradation du sol (Montgomery 2007; Virto et al. 2014) mais aussi à
des verrouillages sociotechniques qui empêchent les solutions alternatives,
pourtant plus performantes, d'être adoptées (Vanloqueren and Baret 2008)
- les externalités négatives sont de moins en moins tolérées par la société et les
agriculteurs : risques des pesticides pour la santé humaine (producteurs et
consommateurs) et l’environnement (toxicité pour les organismes non-cibles tels
que les pollinisateurs et autres organismes sauvages, contamination des sols, de l’eau
19
et de l’air pouvant aller jusqu’à remettre en cause le fonctionnement de l’écosystème)
(Aubertot et al. 2005), perte de biodiversité liée à l'intensification agricole et à la
simplification des paysages (Le Roux et al. 2008), pollutions dues à la surfertilisation
(Romero et al. 2016), émissions de gaz à effet de serre (IPCC 2014). Ainsi, parmi les 6
"limites planétaires" (Steffen et al. 2015) déjà dépassées (sur 10), 4 le sont du fait de
l'agriculture (Figure 1)
Figure 1 : Rôle de l'agriculture dans le dépassement des limites planétaires (extrait de (Meier 2017))
On parle souvent de la dépendance aux intrants de l'agriculture. Mais le terme de
dépendance est-il approprié ? La classification internationale des maladies (CIM10), dans
son chapitre sur la santé mentale, autorise à poser un diagnostic certain de dépendance si
au moins 3 des critères suivants sont vérifiés. Examinons la situation du patient "agriculture
industrielle" :
- désir puissant ou compulsif d’utiliser une substance. Plusieurs études ont montré
que les agriculteurs conventionnels utilisent plus de pesticides, et à des dates plus
précoces, que les recommandations des outils d'aide à la décision (Shtienberg 2013;
Möhring et al. 2020)
- altération de la capacité à contrôler l’utilisation de la substance, caractérisée par des
difficultés à s’abstenir initialement d’une substance, à interrompre sa consommation
ou à contrôler son utilisation. Malgré les tentatives de réduction des produits
20
phytosanitaires (rappelez-vous 2007, le Grenelle de l'environnement, et l'année
suivante le Plan Ecophyto, qui devait permettre de réduire de 50% l'utilisation des
pesticides en 10 ans, soit en 2018), la consommation de pesticides à l'échelle
nationale, mesurée par l'indicateur NODU, a augmenté (+ 25 % en 2016-2018 par
rapport à 2009-2011) (Ministère de l’agriculture et de l’alimentation 2020).
- syndrome de sevrage. La perte de biodiversité, non seulement au sein de la faune
auxiliaire mais aussi en termes de diversité génétique des cultivars (Bonnin et al.
2014) rend l'agriculture plus sensible aux épidémies de maladies des plantes et aux
pullulation d'insectes ravageurs (Marshall 1977), l'agriculture ne peut donc plus se
passer de pesticides (y compris en bio, qui utilise des pesticides, certes non
chimiques, mais pesticides quand même). De même, la diminution de la fertilité
naturelle des sols (par érosion, diminution de la teneur en matière organique,
altération de la structure du sol…) conduit à diminution des rendements, par
exemple une perte de 10 cm de sol s'accompagne en moyenne d'une perte de 4% de
rendement (Bakker et al. 2007) (NB : ces mêmes auteurs concluent que l'érosion ne
menace pas la productivité agricole en Europe, parce qu'ils font l'hypothèse
"raisonnable" que la diminution de la disponibilité de nutriments sera compensée par
une augmentation de la fertilisation (cf. point suivant).
- besoin d’une quantité plus importante de la substance pour obtenir l’effet désiré.
L'apparition de résistances aux pesticides oblige à augmenter les doses et/ou à
multiplier les traitements avec des molécules alternatives, la perte de fertilité du sol
conduit à une augmentation des fertilisants pour compenser cette perte.
- désinvestissement progressif des autres activités et augmentation du temps passé à
se procurer la substance. Les raisons qui conduisent au déséquilibre d'investissement
entre la recherche sur les biotechnologies et la recherche sur l'agroécologie sont
nombreuses (Vanloqueren and Baret 2009), et le constat est toujours valable 11 ans
plus tard : environ 80 % des fonds de l'union européenne visent toujours des
programmes et des projets axés sur l'agriculture conventionnelle et/ou des
approches axées sur l'efficacité des intrants (Moeller 2020)
- poursuite de la consommation de la substance malgré la survenue de conséquences
manifestement nocives. Nous avons vu dans l'introduction quelques exemples de
dommages environnementaux et de risques pour la santé humaine de l'utilisation
excessive d'intrants, et ce constat n'est pas nouveau (Carson 1962).
Tous les critères étant vérifiés, on peut clairement poser un diagnostic de dépendance des
systèmes agricoles industriels aux intrants.
Plusieurs voies sont possibles pour sortir de cette impasse. Il y a la voie du toujours plus
technologique : biotechnologies pour créer des plantes résistantes aux maladies ou à la
sécheresse, chimie pour développer de nouvelles molécules pesticides plus efficaces et plus
spécifiques, guidage satellite pour optimiser la fertilisation… sans remettre en cause le
système agricole ni ses objectifs. Mais comme (ne) l'a (pas) dit Einstein, "la folie, c'est de
refaire toujours la même chose en espérant des résultats différents". Or le problème vient
du paradigme du développement agricole d'après-guerre : pour faire entrer l'agriculture
dans l'ère moderne, on a voulu lui appliquer les mêmes principes qui ont fait le succès de
l'industrie, c'est à dire rationaliser les process en les simplifiant au maximum (puisque c'est
la plante cultivée qui produit, pourquoi tolérer la présence d'autres plantes ?), s'affranchir
des conditions locales (par exemple par l'irrigation ou au contraire le drainage artificiel des
21
parcelles), ce qui permet une standardisation des itinéraires techniques et chercher, à
chaque problème, en particulier phytosanitaire, la solution la plus efficace, en l'occurrence
un pesticide. Sans rejeter les innovations technologiques, il faut donc arrêter de chercher
une solution unique à chaque problème, et considérer le système dans son ensemble
pour (re)concevoir des systèmes (par exemple des systèmes de culture) plus durables.
L'agroécologie est une piste intéressante pour changer de paradigme et passer du
paradigme de la simplification au paradigme de la complexité (Lauri 2017). L'objectif est
bien de produire autrement, pour le développement durable d'une agriculture plus
productive et plus riche en biodiversité, qui évitera et atténuera les effets négatifs des
pratiques développées au cours des décennies précédentes (Schutter and Vanloqueren
2011). L'agroécologie est une discipline scientifique au carrefour de l’agronomie et de
l’écologie, ainsi que la somme des pratiques qui en découlent. C'est aussi un mouvement
social qui interroge la relation entre l'agriculture et la société (Wezel et al. 2009).
L’agroécologie est un nouveau paradigme qui vise à valoriser les processus biologiques pour
couvrir à la fois les attentes de production et l’ensemble des autres services écosystémiques
fournis par les agrosystèmes (Caquet et al. 2019) et, par conséquent, réduire
considérablement l'utilisation d'intrants externes (Wezel et al. 2015). D'autres termes
similaires sont l'agriculture durable, l'intensification écologique ou agriculture
écologiquement intensive (Griffon 2013) ; l'agroécologie peut également emprunter au
concept d'ingénierie écologique (Rey et al. 2014). En réalité, il n'existe pas une définition
unique de l'agroécologie, et l'un des défis de l'agroécologie en tant que science est de
définir ses propres limites et ses concepts fondamentaux (Wezel et al. 2018). La diversité
des disciplines alimentant l'agroécologie est illustrée dans l'Encadré 1.
Encadré 1 : Typologie des interventions aux séminaires d'agroécologie de
Montpellier
De 2011 à 2018, un groupe de chercheurs de plusieurs unités du CIRAD et de l'INRA a
organisé un cycle de séminaires mensuels sur l'agroécologie. Au total, près de 80 exposés
ont été présentés pour éclairer différents aspects de l'agroécologie (Figure 2). J'ai fait partie
du comité d'organisation à partir de 2014.
22
Figure 2 : Disciplines des interventions présentées lors des séminaires d'agroécologie de Montpellier (sur un schéma
adapté de Dalgaard et al 2003) d'après Checkland 1999.
Bien que le classement de chaque intervention dans une discipline particulière soit à la fois
difficile et critiquable du fait de l'approche nécessairement pluridisciplinaire de
l'agroécologie, j'ai recensé les disciplines suivantes : agronomie (31), sociologie (15),
écologie (8), économie (4), didactique (3), chimie (2), éco-hydrologie (2), ethnologie (2),
histoire (2), biologie (1), ethnobiologie (1), halieutique (1), microbiologie (1), nutrition (1),
philosophie (1), physique (1). Il est étonnant qu'il y ait finalement si peu d'interventions
relevant de l'écologie, mais c'est peut-être un biais de classement dû au fait que les
écologues ont pu insister dans leurs présentations sur les applications agronomiques de
leurs travaux.
La liste complète des séminaires (ainsi que les vidéos) sont disponibles à l'adresse
https://www.agropolis.fr/agronomie/liste-seminaires.php
Au niveau des pratiques, l'agroécologie n'est pas, contrairement à l'agriculture biologique
par exemple, définie par un cahier des charges, mais plutôt par les objectifs visés
(Claveirole 2016) : utilisation des processus écologiques et valorisation de l’agrobiodiversité
pour (i) optimiser le rendement de la photosynthèse sur la surface cultivée en limitant les
externalités négatives, (ii) améliorer le capital sol en le protégeant et en augmentant son
taux de matière organique et (iii) réduire progressivement tous les recours aux intrants. Les
techniques souvent regroupées sous le terme d'agroécologie sont :
- l’agroforesterie qui met en valeur l’arbre et la haie comme des alliés précieux de la
fertilité et de la protection des cultures et des animaux
- les techniques simplifiées de travail du sol ; les couvertures permanentes des sols, les
semis sous couverts et le retour au sol d’une partie de la biomasse
23
- les rotations longues et les diversifications des cultures, en particulier lorsqu'elles
impliquent d'introduire des légumineuses
- l’élevage en plein air et le pâturage en système herbagé, notamment liés à la
présence d’arbres et de haies pour le confort animal
- la polyculture/élevage qui favorise le bouclage des cycles des nutriments
- le contrôle biologique par conservation, qui consiste à créer des habitats favorables
aux ennemis naturels des ravageurs.
La reconnaissance politique des potentialités de l'agroécologie est récente, que ce soit au
niveau national (Claveirole 2016) ou au niveau international (IPES-Food 2016) ; elle suit une
reconnaissance institutionnelle à peine plus ancienne : ainsi, le chantier "agroécologie" de
l'INRA n'a vu le jour qu'en 2011. Auparavant, cette approche était beaucoup moins présente
dans le champ politique, comme dans le champ de la recherche. Cela était dû en partie au
faible niveau de financement de la recherche en agroécologie et à son incompatibilité avec
les systèmes agricoles existants, mais aussi parce qu'elle nécessite des études à une large
échelle et/ou sur des temps longs, avec des effets difficiles à quantifier et à publier car elle
repose sur la compréhension de systèmes complexes (Vanloqueren and Baret 2009). Un
système complexe est un système constitué de multiples composants en interaction les uns
avec les autres, ce qui crée des boucles de rétroaction et fait que le comportement du
système n'est pas prévisible à partir des caractéristiques individuelles de ses éléments. Dans
le cas de l'agroécologie, cette complexité se manifeste sous trois formes, qui ont chacune
des conséquences à la fois sur la façon de faire de la science en agroécologie et sur la
pratique des agriculteurs : effets partiels, interactions entre pratiques et entre éléments du
système, et dépendance au contexte.
2. La complexité de l'agroécologie
a) Effets partiels des leviers agroécologiques
Les leviers mis en œuvre par l'agroécologie ont en général un effet partiel comparé à l'effet
observé lors de l'application de pesticides ou lors d'un apport d'engrais minéral dans le cadre
de l'agriculture industrielle. En effet les produits chimiques sont malheureusement (c'est ce
qui les rend si attractifs) redoutablement efficaces (du moins à court terme) alors que les
processus écologiques ont des effets plus diffus, décalés dans le temps ou incertains.
(1) Impacts sur la pratique agroécologique
Du point de vue de la pratique agroécologique, cela signifie que pour obtenir un même
niveau de résultat, il faudra combiner plusieurs leviers. Par exemple pour la protection des
cultures, les alternatives aux pesticides ayant un effet partiel sur les bioagresseurs, il est
nécessaire de combiner différentes méthodes de lutte afin d'obtenir un contrôle efficace
des bioagresseurs, et n'utiliser les pesticides qu'en dernier recours : c'est la protection
intégrée des cultures (FAO, 2013). Cette approche nécessite l'examen minutieux de toutes
les techniques de lutte directe disponibles et la combinaison de mesures qui réduisent le
développement de populations de bioagresseurs et encouragent les mécanismes naturels
de contrôle biologique. Cela implique donc de mieux comprendre les mécanismes d'action
des pratiques (cf. par exemple l'Encadré 2 sur l'effet des pratiques en interculture sur le
piétin-échaudage du blé) et de prendre en compte les interactions entre pratiques. Par
ailleurs, les agriculteurs sont généralement confrontés à plusieurs bioagresseurs
simultanément et certaines méthodes peuvent avoir des effets antagonistes sur plusieurs
24
bioagresseurs (réduisant certains bioagresseurs mais augmentant d'autres), et, en raison
des rotations, sur plusieurs cultures lorsque le cycle de vie du bioagresseurs s'étend avant ou
après la saison de culture de l'hôte. En outre, comme les bioagresseurs et leurs ennemis
naturels peuvent se disperser entre les champs ou accomplir une partie de leur cycle de vie
en dehors de la culture, l'effet de la composition et de la configuration du paysage
entourant le champ doit être pris en compte dans la conception de la protection intégrée.
Encadré 2 : Effet des pratiques en interculture sur la structure spatiale et le
développement des épidémies d'une maladie d'origine tellurique
J'ai réalisé ma thèse sur le piétin-échaudage du blé. De façon très opportune (pour ma
formation aux concepts de l'agroécologie), nous ne disposons pas de fongicide ni de gène
de résistance efficace contre cette maladie. J'ai donc dès le début de ma formation été
habituée à réfléchir en termes de combinaisons de leviers à effet partiel et donc
d'interactions entre ces leviers.
Figure 3 : le piétin échaudage présente une structure en foyers de maladie (gauche et droite, les contrastes ont été
accentués) dont la taille et la forme dépendent du type de travail du sol (photo centrale)
J'ai mené une première expérimentation sur les pratiques réalisées dans l'interculture
(cultures intermédiaires de service à but assainissant et travail du sol). Les résultats obtenus
(Gosme et al. 2007) nous ont conduits à remettre en cause l'idée généralement admise
(basée sur l'observation des symptômes sur parties aériennes) que les foyers de piétin-
échaudage se développent au cours d'une saison culturale par infection de plante à plante
sur de courtes distances. La structure spatiale de la maladie (Figure 3) semblait plutôt liée à
la structure spatiale de l'inoculum primaire qui était elle-même déterminée par la
dispersion, lors des travaux du sol, des débris de culture infectés. L'augmentation de la taille
des foyers de plantes échaudées parfois observée pourrait être due à l'augmentation (par
intensification au sein des plantes malades) progressive du niveau de maladie au-delà du
seuil d'expression des symptômes aériens. Ce travail a également montré que les pratiques
culturales (ici, la gestion de l'interculture et le travail du sol) pouvaient influencer non
seulement le niveau moyen mais aussi la structure spatiale d'une maladie d'origine
tellurique, qui à son tour influence la vitesse des épidémies et la relation dégâts-dommages.
La modification des pratiques culturales en interculture offre donc des pistes intéressantes
dans une optique de protection intégrée des cultures
Par conséquent, la complexité des décisions des agriculteurs s'est accrue, passant de
décisions tactiques telles que "dois-je traiter ce champ particulier contre un bioagresseur
particulier avec un pesticide particulier" à des décisions stratégiques telles que "quelles
méthodes (avec une efficacité partielle contre un ou plusieurs bioagresseurs et
éventuellement un effet positif sur d'autres bioagresseurs) dois-je combiner pour protéger
25
cette culture et/ou la prochaine culture dans la rotation et/ou les cultures voisines ?". Il en va
de même pour la fertilisation azotée. Les engrais chimiques ont un effet immédiat et on
peut ajuster la dose en cours de culture en fonction de l'état de nutrition azotée de la culture
(par comparaison visuelle avec une bande témoin surfertilisée, dosage de la teneur en azote
de la plante ou estimation de la teneur en chlorophylle par transmittance ou réflectance).
Au contraire, les méthodes "agroécologiques", comme l'utilisation d'engrais organiques ou
l'insertion de légumineuses dans la rotation (en culture principale ou en culture de service),
ont des effets à plus long terme.
Mais parfois on a de la chance, et une pratique visant un objectif partiel (par exemple
réduire l'inoculum primaire) a également un effet positif sur un autre objectif (par exemple
réduire la virulence des souches d'agent pathogène), comme mes résultats de postdoc
semblent l'indiquer (Encadré 3).
Encadré 3 : l'allongement du délai de retour du blé : un moyen de faire
d'une pierre deux coups pour lutter contre le piétin-échaudage ?
L'objectif de mon postdoc à l'Université de Cambridge était de paramétrer des modèles
d’évolution des populations de l’agent causal du piétin-échaudage, qui présentent une
structuration génétique en deux groupes. Cette structuration, observable avec différents
outils (RFLP sur de l’ADN ribosomal mitochondrien de souches anglaises (Bateman et al.,
1997), RAPD et AFLP sur l’ADN nucléique de souches françaises (Lebreton et al., 2004)),
existe à l’échelle mondiale et les deux groupes peuvent coexister au sein d’une même
parcelle. La proportion de chaque groupe dans la population évolue avec l’âge de la
monoculture de blé et cette évolution est associée à une variation de la sévérité de la
maladie (Lebreton et al. 2007). De plus, des tests de pathogénicité sur un grand nombre de
souches de chaque groupe indiquaient des différences d’agressivité entre les deux groupes.
Il était donc légitime de se demander s’il serait possible d’influencer l’évolution des
populations vers une prédominance des souches les moins agressives. Cela nécessitait de
mieux caractériser les paramètres épidémiologiques de chaque groupe pour identifier les
processus épidémiologiques régissant la compétition entre les deux groupes. J’ai donc
mesuré différents paramètres épidémiologiques (taux de déclin lors de la phase saprophyte,
paramètres décrivant la dynamique de la pathozone pour les infections primaires) sur cinq
souches de chaque groupe, qui avaient été choisies de façon à couvrir l’ensemble du profil
de variabilité génétique.
Les résultats (Gosme et al. 2013) indiquent une forte variabilité entre souches au sein même
des groupes génétiques et aucune différence significative ni tendance claire n’ont pu être
identifiées entre les deux groupes, probablement parce que la diversité intra-groupe (les
souches avaient été sélectionnées pour couvrir l’ensemble du profil AFLP de la collection de
souches Rennaises) masquait la diversité entre groupes sur un petit échantillon de 10
souches. Par contre, cette diversité a permis d’observer un trade-off (Figure 4) significatif
entre deux paramètres épidémiologiques concernant deux phases différentes du cycle de
vie de l’agent pathogène : l’efficacité d’infection (phase parasitaire) et la survie en l’absence
d’hôte (phase saprophyte). Ainsi, les souches ayant la meilleure efficacité d’infection
survivent moins longtemps dans le sol en l’absence de plante hôte (et inversement, les
souches survivant le mieux ont une plus faible efficacité d’infection).
26
Figure 4 : trade-off entre l'efficacité d'infection et la survie en phase saprophyte
En termes pratiques, ce résultat indique le double effet bénéfique de l’allongement de la
période de retour du blé : non seulement l’inoculum est réduit, mais les souches les moins
agressives sont sélectionnées.
(2) Impacts sur la recherche en agroécologie
Du point de vue de la recherche, le fait que les leviers mis en œuvre par l'agroécologie ont
un effet partiel implique que ces effets faibles sont plus difficiles à mesurer que les effets
très marqués des leviers utilisés en agriculture industrielle. Il faut donc utiliser des méthodes
statistiques particulières pour parvenir à détecter un signal dans des données très bruitées
et avec de nombreux facteurs perturbants.
b) Dépendance au contexte
L'agriculture industrielle repose sur l'utilisation massive d'intrants pour s'affranchir des
conditions du milieu et standardiser les situations de production (y compris en drainant les
parcelles sujettes à l'hydromorphie). A contrario, l'agroécologie repose sur la mobilisation
de ressources locales.
(1) Dépendance au contexte pédoclimatique
Pour la recherche, cela implique que les expérimentations en conditions contrôlées ont un
intérêt limité (Dalgaard et al. 2003). Les expérimentations ont donc lieu en conditions
naturelles, au champ, et sont de ce fait soumises aux conditions pédoclimatiques locales.
Cela peut avoir un impact sur les résultats, avec pour corollaire que ces résultats sont
difficilement généralisables, et sont même variables selon les années et donc difficilement
publiables. L'Encadré 4 illustre une expérimentation où les conditions climatiques ont sans
doute été la cause des résultats contradictoires sur l'impact de la structure spatiale du
couvert de blé sur l'épidémie de piétin-échaudage.
Encadré 4 : Dépendance au contexte climatique de l'effet de la structure
spatiale du couvert sur le développement d'une maladie tellurique
27
Figure 5 : Évaluation expérimentale d'un levier original pour lutter contre une maladie tellurique : la structure spatiale
de la culture (A : semis en poquets, B : semis en ligne et C : semis à la volée)
J'ai mis en place une expérimentation au champ sur deux années pour tester l'effet de la
répartition spatiale des plantes (lignes, volée, poquets, Figure 5) et de l'inoculum (agrégé,
uniforme) sur le développement spatio-temporel du piétin-échaudage (Gosme and Lucas
2011). En 2005, l'effet significatif de la structure spatiale de l'hôte sur la sévérité et les
incidences à l'échelle des plantes et des racines indique que, dans les conditions rencontrées
cette année-là, l'agrégation de l'hôte augmente le niveau de maladie. Par contre, aucun
effet de la structure spatiale de l'hôte n'a pu être démontré en 2006, peut-être du fait des
conditions environnementales peu propices aux infections secondaires à travers le sol
(faible pluviosité au printemps) ; or c'est à travers la modification du taux d'infection
secondaire de plante à plante que devrait s'exprimer l'effet de la répartition des plantes
(taux d'infection accru dans les poquets et diminué dans le semis à la volée, du fait de la plus
grande proximité des plantes dans un cas, de la distance plus importante entre plantes dans
l'autre).
En réalité, cette dépendance au contexte n'est pas spécifique de l'agroécologie, c'est pour
cela qu'on répète les expérimentations. Cependant, les effets observables suite à
l'application de pratiques agroécologiques ayant tendance à être plus faibles qu'en
agriculture industrielle (cf. point précédent), les perturbations apportées par la variabilité
pédoclimatique sont particulièrement gênantes pour dégager des résultats généralisables.
Dans certains cas, au contraire, les pratiques agroécologiques créent une plus faible
dépendance au contexte (en particulier climatique). Cela pourrait être le cas de
l'agroforesterie, qui permettrait ainsi de "tamponner" la variabilité des rendements due aux
conditions climatiques, comme l'a montré une étude de simulation (Talbot 2011), et ce que
nos résultats expérimentaux semblent confirmer (Figure 5).
Encadré 5 : Dépendance au contexte de l'effet de la compétition arbres-
cultures
28
Figure 6 : La compétition domine les interactions arbres-cultures en conditions optimales (l'année 2016 pour la figure
de gauche, la situation de contrôle sans exclusion de pluie pour la figure de droite), mais pas lorsque les conditions
sont défavorables à la culture. FS et AC : full sun et agricultural control, AF : agroforesterie, AF-S et AF-N : au Sud et
au Nord de l'arbre.
Une question centrale en agroforesterie est de quantifier la perte de rendement des cultures
due aux compétitions pour la lumière, l'eau et les nutriments, qui n'est bien souvent pas
compensée par les phénomènes de facilitation. On a beau être convaincu de la nécessaire
multiperformance de l'agriculture, on finit donc toujours par tout simplement comparer le
rendement en situation agroforestière avec la situation sans arbres. Dans nos
expérimentations dans un système de noyers associés à des grandes cultures implanté sur le
Domaine de Restinclières, nous avons ainsi observé à plusieurs reprises que les pertes de
rendement sont très dépendantes des conditions, et en particulier du fait que les conditions
sont proches de l'optimal dans la situation agriculture pure, ou au contraire que les
conditions sont défavorables à la culture. Ainsi, dans une expérimentation sur le blé dur en
2015 et 2016, nous avons observé que le fait d'être cultivé sous les arbres ne diminuait pas le
rendement en 2015 (en rouge sur la Figure 6), lorsque des inondations d'automnes avaient
retardé le semis jusqu'en janvier (au lieu de novembre), alors qu'en 2016 (en bleu), année
sans accident climatique majeur, la perte de rendement était de l'ordre de 70% (Inurreta-
Aguirre et al. 2018). Le même phénomène a été observé en 2019 sur pois : en condition de
contrainte hydrique forte (réalisée à l'aide de dispositifs d'interception de pluie), le
rendement du pois est peu dépendant de la présence d'arbres et de leur taille (points
rouges), alors qu'en conditions témoin normalement arrosé, le rendement décroit beaucoup
plus lorsque la compétition pour la lumière augmente (Blanchet et al. 2020). L'analyse de
données sur plusieurs années consécutives de rendement de vigne en agroforesterie vs
témoin culture pure est également en cours, pour voir si l'effet millésime est atténué en
agroforesterie.
(2) Dépendance au contexte paysager
Le contexte paysager joue également un rôle important dans l'efficacité des pratiques
agroécologiques. C'est particulièrement vrai pour la gestion des bioagresseurs, une méta-
analyse de Garratt et al. (2011) a montré que l'agriculture biologique tendait à augmenter
les populations de ravageurs mais aussi d'ennemis naturels, et que l'importance de cet effet
dépendait de l'échelle à laquelle les expérimentations étaient menées (parcelle ou
exploitation). Les études montrent même que les interactions biotiques doivent être
considérées à l'échelle du paysage (Médiène et al. 2011). Cet effet du contexte paysager est
29
tellement important qu'il faut parfois appliquer une pratique sur une surface suffisamment
importante pour masquer l'effet du paysage. Par exemple il a fallu tester un mélange de
variétés de riz résistante et sensible à la pyriculariose sur une surface de plus de 3000 ha
pour démontrer l'efficacité des mélanges variétaux (Zhu et al. 2000). Un autre exemple est
l'impact très important de la complexité du paysage sur l'efficacité des mesures agri-
environementales pour améliorer la biodiversité et les services éco-systémiques
(Tscharntke et al. 2012) : dans un paysage d'agriculture intensive, le pool d'espèce régional
est très faible et les habitats favorables mis en place ne sont pas colonisés. A l'autre
extrême, dans un habitat très diversifié, la biodiversité est de toute façon très importante
donc l'aménagement d'habitats favorables ne change rien (par exemple (Smits et al. 2012)).
Finalement, seuls les paysages intermédiaires permettent aux pratiques agroécologiques
d'exprimer leur effet.
Cependant cette description très sommaire qui oppose paysage complexe et paysage
simplifié ne suffit pas, et il faut prendre en compte plus de nuances dans la description des
habitats, en allant même jusqu'à la prise en compte des pratiques agricoles appliquées dans
les parcelles voisines, voir même l'ensemble du paysage. Par exemple, l'Encadré 6 présente
une étude sur l'effet de l'interactions entre les pratiques locales et les pratiques des parcelles
voisines sur les populations de bioagresseurs du blé.
Encadré 6 : Interaction entre pratiques locales et du voisinage sur les
dynamiques de bioagresseurs
La superficie cultivée en agriculture biologique (AB) est en augmentation dans de nombreux
pays pour des raisons environnementales, politiques et économiques, mais on ne sait pas
prédire l'effet de cette augmentation sur la dynamique d’évolution des populations des
bioagresseurs (maladies, insectes ravageurs, mauvaises herbes). Cet effet dépendra à la fois
de la capacité de multiplication des bioagresseurs dans les parcelles AB relativement aux
parcelles conventionnelles, et de la dispersion de ces organismes entre parcelles. Pour
l'instant, nous manquons de données sur ces deux aspects pour la majorité des
bioagresseurs.
Figure 7 : Deux des 216 parcelles de blé ayant servi de support à l'étude sur les interactions entre pratiques locales et
dans le voisinage : à gauche, parcelle en agriculture biologique, à droite, parcelle en agriculture conventionnelle
Les pucerons, les adventices et quatre maladies foliaires du blé (septoriose, oïdium, rouilles
brune et jaune) ont été observés afin de comparer leur abondance dans un réseau de 216
parcelles agricoles, en AB et en conventionnel, entourées ou non de parcelles AB, et situées
dans l'ouest des Yvelines (Gosme et al. 2012). Il y avait significativement plus de pucerons
dans les parcelles conventionnelles que dans les parcelles en AB, et significativement plus
30
de pucerons dans les parcelles entourées uniquement de parcelles conventionnelles,
comparées aux parcelles ayant au moins une voisine en AB, ce qui pourrait s'expliquer par
une augmentation de la prédation/du parasitisme des pucerons dans les parcelles AB et aux
alentours, du fait de l'absence d'insecticides et des ressources trophiques plus importantes
fournies par les adventices. En effet, les parcelles AB contenaient significativement plus
d’adventices (aussi bien en nombre qu’en diversité). L’environnement des parcelles interagit
donc avec les pratiques locales pour déterminer le niveau d'infestation par les pucerons. Par
contre aucun effet significatif de la présence de parcelles AB dans le voisinage n’a pu être
démontré en ce qui concerne les adventices, et contrairement aux craintes émises par
certains auteurs (par exemple (Adl et al. 2011)), l’agriculture biologique ne semble pas
accroitre le risque de multiplication d’inoculum de maladies ou de pucerons, en tout cas
dans les conditions de l’étude, ni de dispersion de graines d’adventices vers les parcelles
voisines.
(3) Comment bien caractériser ce contexte paysager ?
Mais en réalité, c'est même plus que les interactions entre parcelles qu'il faut prendre en
compte, du fait des interactions complexes entre paysage, systèmes de cultures présents
dans le territoire et pratiques locales (Chabert and Sarthou 2017). Mais alors qu'on sait que
les variables du paysage influencent fortement la dissémination, la dynamique et l’évolution
des bioagresseurs (Plantegenest et al. 2007), permettant en théorie une gestion proactive
des éléments paysagers pour améliorer le contrôle des bioagresseurs dans les
agroécosystèmes (Bianchi et al. 2006), cette pratique est encore peu développée du fait du
manque de description robuste de l'effet du paysage sur la dynamique des populations de
bioagresseurs. En réalité, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet, mais il
n'existe pas de consensus sur la démarche à adopter pour caractériser le paysage ni sur la
pertinence des méthodes utilisées pour relier les variables paysagères aux données
caractérisant les populations étudiées. Les études sur le sujet présentent une grande
diversité à la fois en ce qui concerne l'étendue du paysage considéré (de 250 à 3000 m de
rayon), les métriques paysagères utilisées pour caractériser la structure du paysage (rapport
périmètre sur aire des parcelles, nombre de patches ou taille moyenne des parcelles,
densité ou longueur de bordures, indices de connectivité prenant en compte la taille et la
distances des patches "favorables" dans le paysage) ou sa composition (proportion
d'habitats favorables ou diversité des habitats). De même la caractérisation de la
composition du paysage est très variable (proportion d'un ou plusieurs habitats considérés
comme plus ou moins favorables), de même que le niveau de détail utilisé pour décrire les
habitats, des grands types d'occupation du sol du Corine Land Cover à une description fine
du paysage incluant les pratiques agricoles (Annexe 2). Pour le traitement de données
ponctuelles d'abondance, la technique d'utilisation de buffers de taille croissante autour
d'un point d'observation est très largement utilisée dans ces études, mais le nombre de
buffers, et surtout la façon dont l'autocorrélation des variables observées à différentes
distances est prise en compte sont très variables d'une étude à l'autre (les auteurs réalisent
en général une régression multiple, soit en incluant toutes les variables soit avec une étape
de sélection stepwise des variables, ou une ACP sur les variables puis une régression sur les
composantes de l'ACP). D'autres méthodes peuvent également être utilisées pour relier les
variables paysagères aux abondances, diversité ou structure spatiale des populations :
random forest, analyse canonique des redondances, inférences multi-modèles, Partial Least
Squares, etc. Si les auteurs soulignent parfois le risque de dépendance des résultats au choix
31
des variables et des méthodes utilisées (Calcagno and de Mazancourt 2010), les méthodes
ne sont jamais comparées entre elles et le choix des variables paysagères est rarement
justifié (sauf par exemple dans (Batary et al. 2010)). Il est donc difficile de comparer les
études entre elles et d'évaluer la robustesse des résultats. Forts de ce constat, un collègue et
moi avons monté un réseau de collaborations entre chercheurs français travaillant sur les
impacts du paysage sur les populations (y compris leur génétique) de bioagresseurs et/ou
d'auxiliaires (Encadré 7).
Encadré 7 : Comment décrire le paysage et caractériser son effet sur les
bioagresseurs et ennemis naturels ?
La description du paysage est l'un des éléments clefs des études visant à comprendre l'effet
de la composition et de l'organisation du paysage sur les populations d'adventices,
d'insectes et sur les maladies. Pourtant, il n'existe pas de consensus dans la littérature sur
les variables à mesurer (proportions de différentes occupations du sol (lesquelles ?), forme
des patches, indices de connectivité) ni sur les méthodes statistiques à utiliser pour analyser
ces données particulières. Or le choix de la méthode statistique a un impact sur les résultats.
L'objectif du projet COPACABANA (Gosme and Poggi 2016), qui réunissait 23 chercheurs de
11 unités différentes, était donc de mettre en commun un certain nombre de jeux de
données (expérimentales ou simulées) à l'échelle paysagère afin de réaliser une
comparaison de différentes méthodes d'analyse spatiale, y compris de nouvelles méthodes
développées au cours du projet (Figure 8).
Figure 8 : A) méthode MAPI d'analyse génétique spatiale, B) résultats de la méthode MAPI, C) paysage utilisé pour les
simulations de la dynamique spatiale d'un bioagresseur, D) buffers utilisés pour calculer la fonction d'influence
spatiale (méthode SILand), E, F, et G) données spatiales (paysage + bioagresseurs) intégrées dans le package
rcopacabana (Drouais, Dijon, haute vallée de la Durance).
Du point de vue méthodologique, la comparaison de neuf méthodes statistiques existantes
a permis d'identifier les avantages et les limites de chacune (sensibilité aux corrélations des
variables, aux données manquantes, possibilité ou non d'intégrer différents types de
variables etc.) et de proposer une démarche permettant à tout chercheur de choisir la
méthode (ou la chaine de méthodes) la plus adaptée, en fonction de ses objectifs et des
données dont il dispose. Deux nouvelles méthodes, MAPI et SILand, ont été développées
A
B
C
D
E
F
G
32
afin, d’une part, de prendre en compte la diversité génétique des parasites et, d’autre part,
de mieux caractériser les effets des variables paysagères à différentes distances.
Du point de vue scientifique, ce travail de mise en commun et de ré-analyse des données
acquises sur les effets du paysage sur différents bioagresseurs a permis de montrer que tous
les bioagresseurs et auxiliaires ne réagissent pas de la même façon, ou pas aux mêmes
échelles, aux différentes pratiques agricoles et de gestion du paysage, ce qui implique qu'il
pourrait exister des antagonismes entre méthodes de lutte ciblant différents bioagresseurs
de différentes cultures, ce qui complique la lutte agroécologique à l'échelle du paysage.
(4) Conséquence pour la conception
Pour la pratique de l'agroécologie, la dépendance au contexte signifie qu'il n'y a pas de
solution miracle à attendre, ni même de package de solutions comme il peut y en avoir en
agriculture industrielle (par exemple le package variétés élites + fertilisants qui ont fait
succès de révolution verte). De ce fait, les systèmes de culture agroécologiques doivent être
conçus localement, en prenant en compte les ressources locales (sol, biodiversité), les
enjeux locaux et le contexte socio-économique local. Les approches participatives sont
particulièrement adaptées à la conception de systèmes agroécologiques (Lacombe et al.
2018). En effet, ces approches, qui combinent les deux volets de l'agroécologie que sont la
production de connaissances et l'utilisation de ces connaissances pour l'action, permettent
de s'assurer que les leviers sont efficaces dans leur contexte d'utilisation, les agriculteurs
apportant la connaissance du contexte local (Reynolds et al. 2014). L'enjeu de ces approches
est donc de combiner les savoirs locaux, parfois empiriques, des agriculteurs et les
connaissances plus détaillées mais plus génériques des chercheurs, dans l'objectif de réduire
l'incertitude des agriculteurs et donc de favoriser l'adoption des pratiques agroécologiques
(Lauri et al. 2016). Il faut aussi réussir à combiner les connaissances scientifiques issues de
plusieurs disciplines (agronomie, économie, écologie, sciences sociales) (Altieri 1989).
Cependant l'interdisciplinarité se heurte à différentes difficultés, non seulement l'existence
d'un vocabulaire spécifique à chaque communauté scientifique, mais aussi des barrières
institutionnelles et organisationnelles qui relèvent de la façon dont la recherche est évaluée
et financée (Dalgaard et al. 2003). Pour surmonter ces difficultés, et parvenir à une approche
transdisciplinaire, une collaboration étroite entre de multiples acteurs est nécessaire (Lauri
2017). Le travail de co-conception (associant des agriculteurs, des conseillers agricoles,
d'autres acteurs du territoire et des chercheurs) prend souvent la forme d'ateliers de co-
conception, qui permettent de construire une vision commune du problème, des objectifs
et des moyens d'y parvenir. L'Encadré 8 présente un exemple d'outil utilisé pour animer ces
ateliers de co-conception ciblant les agriculteurs en grandes cultures.
Encadré 8 : Mission Ecophyt'eau ® : un outil de représentation et de
conception collective de systèmes de culture ou de l'importance d'intégrer
tous les acteurs dans un processus de conception
33
Figure 9 : Interface informatique créée pour apporter des fonctionnalités supplémentaires à l'outil "Mission
Ecophyt'eau"
Les ateliers de conception de systèmes de culture innovants utilisent différents outils
comme supports pour faciliter le partage d'informations et servir de support visuel aux
différentes solutions proposées. Les animateurs d'ateliers sont ainsi de gros
consommateurs de post'its, mais des supports plus élaborés ont été développés par
différentes structures de conseil impliquées dans la conception de systèmes avec et pour les
agriculteurs. C'est le cas de la mallette Ecophyt'Eau développée par le CIVAM du Haut
Bocage, un outil coopératif permettant de représenter les systèmes de culture et leurs
caractéristiques techniques grâce à un ensemble de cartes et de pions. L'outil permet ainsi
de visualiser et comprendre le système de culture dans son ensemble et dans son contexte,
d'identifier les problématiques agronomiques du système de culture, d'amener un groupe
d’agriculteurs à proposer des pistes d’amélioration du système tenant compte des atouts,
des contraintes et des objectifs de l’agriculteur. Lorsque la créatrice de l'outil est venue
présenter cet outil dans l'UMR SYSTEM, j'ai été enthousiasmée par le concept. Cependant
la créatrice déplorait le manque d'un moyen d'enregistrer les différentes étapes de la
conception (elle prenait des photos du plateau de jeu, qui ne permettaient pas toujours de
retrouver toutes les étapes, ni d'enregistrer le raisonnement qui conduisait aux différentes
étapes). C'est d'autant plus problématique que le processus de conception n'est pas linéaire
mais fait d'aller-retours et de négociations pour trouver le bon compromis (Penvern et al.
2018) et que l'importance de l'enregistrement et de la construction d'une "mémoire" des
différents processus de conception, est reconnue (Chizallet et al. 2020). Je lui ai donc
proposé de travailler avec elle à une interface informatique pour son outil, qui permettrait
de sauvegarder les différentes étapes de la conception tout en les accompagnant de
commentaires pour tracer les réflexions ayant conduit aux choix effectués, et cerise sur le
gâteau, de pouvoir partager les résultats obtenus par un groupe avec d'autres groupes pour
bénéficier d'une fertilisation croisée des idées. Nous avons donc collaboré pendant quelques
mois pour mettre au point cette interface (Figure 9) et le résultat correspondait bien aux
attentes en termes de fonctionnalités (une démonstration est disponible ici
https://youtu.be/4PtfZq_FDbo). Malheureusement, au moment de faire valider par sa
direction, elle n'a pas eu l'accord de diffuser l'interface, car bien que je l'aie développé en
open source de façon à ce qu'elle puisse être utilisée avec plusieurs jeux de cartes, les cartes
restant la propriété de leur créateur, la direction craignait qu'une fois les cartes numérisées,
elles pourraient être piratées et utilisées sans contrôle (le CIVAM commercialise la mallette,
34
et la formation de deux jours indispensable pour avoir le droit de l'utiliser). Moralité : lors
d'un travail participatif, il vaut mieux avoir les bons participants dès le début.
(5) Conséquence pour la sélection variétale
La recherche participative est également bien adaptée à la sélection variétale pour
développer des variétés, voire des variétés populations, adaptées au contexte de chaque
agriculteur. En effet il est maintenant bien démontré qu'il existe une forte interaction
génotype x environnement x pratiques, et que la meilleure variété sélectionnée en station
de recherche avec des conditions de culture optimales n'est pas forcément la meilleure
variété à cultiver en conditions suboptimales (par exemple agriculture biologique ou
agroforesterie). La sélection participative permet également de sélectionner des variétés
qui sont adaptées aux critères de sélection des agriculteurs, des industriels (dans le cas de
produits destinés à être transformés), et des consommateurs. Comme les variétés actuelles
de toutes les espèces cultivées ont été sélectionnées pour l'agriculture conventionnelle
(Wolfe et al. 2008), il est peut-être possible d'améliorer les performances de la culture en
conditions agroforestières grâce à la sélection variétale. En outre, la diversité génétique
améliore la résistance des cultures aux stress biotiques et abiotiques (Reiss and Drinkwater
2017), augmente la production de services écosystémiques (Hajjar et al. 2008) et permet,
sous certaines conditions, aux populations de continuer à évoluer pour s'adapter à un
contexte particulier (Phillips and Wolfe 2005). Il pourrait donc être intéressant de
sélectionner pour l'agroforesterie des variétés populations qui présentent une forte
variabilité génétique intra-variétale et pourraient donc être plus adaptées à l'agroforesterie.
L'Encadré 9 présente un exemple de screening de variétés en conditions agroforestières
pour identifier des variétés qui pourraient être prometteuses pour un futur programme de
sélection variétale.
Encadré 9 Sélection participative de blé dur pour l'agroforesterie
En collaboration avec l'unité expérimentale de Diascope, j'ai participé à une
expérimentation de screening de variétés de blé dur en termes d'adaptation à
l'agroforesterie et de qualités agronomiques et technologiques. La définition de ces critères
de qualité a été réalisée lors d'ateliers participatifs avec des industriels des pâtes, des
oléiculteurs amenés à insérer le blé entre les oliviers, des nutritionnistes, d'où le terme de
sélection participative (une partie des expérimentations a aussi été menée chez un
agriculteur, mais des problèmes expérimentaux nous ont obligés à supprimer les résultats
de cette parcelle de l'analyse). Le but de ce travail était d'évaluer la performance de
plusieurs variétés de blé dur (lignées pures élites, populations et ressources génétiques)
dans différentes conditions agroforestières ainsi qu'en plein soleil, afin de (i) tester
l'hypothèse selon laquelle les variétés génétiquement diversifiées sont moins affectées par
les conditions agroforestières que les lignées pures, (ii) caractériser les caractéristiques
souhaitables de la culture pour les systèmes agroforestiers et (iii) identifier les variétés
intéressantes à utiliser comme parents dans les futurs programmes de sélection végétale
pour l'agroforesterie.
35
Figure 10 : Rendement normalisé en témoin culture pure et rendement relatif en agroforesterie des variétés
populations (vert), lignées pures "élite"(bleu) et lignées pures de variétés anciennes (orange)
La Figure 10 indique que contrairement à notre hypothèse, les cultivars (populations)
génétiquement diversifiés n'étaient pas mieux adaptés aux conditions agroforestières que
les lignées pures : sauf à l'INRA en 2017, où les populations avaient un rendement relatif
élevé, les populations n'ont pas eu un rendement significativement meilleur que les lignées
pures et n'ont pas eu de composantes de rendement plus élevées. Par ailleurs aucune
variété n'a donné de résultats systématiquement satisfaisant en agroforesterie dans tous les
sites-années, nous n'avons donc pas pu sélectionner de candidats évidents pour un
programme de sélection.
c) Un exemple de pratique agroécologique : l'agroforesterie est-elle une voie
d'adaptation de l'agriculture au changement climatique ?
La caractéristique d'un système complexe tel qu'un agroécosystème est que son
fonctionnement ne peut pas être prédit par simple observation de ses parties constitutives.
On ne peut donc pas facilement prévoir l'efficacité de telle ou telle pratique à répondre à tel
ou tel enjeu. Examinons un cas d'application : l'agroforesterie. Cette association d'arbres et
de cultures ou d'élevage, est un exemple typique de diversification des systèmes agricoles
prônée par l'agroécologie, dont on attend un grand nombre de bénéfices, d'une part grâce à
la complémentarité spatio-temporelle pour l'utilisation des ressources entre espèces
associées et d'autre part grâce à la contribution de la biodiversité végétale au
fonctionnement écologique et aux services des agrosystèmes. Ainsi, des travaux ont
montré l'augmentation de la productivité de l'ensemble du système, mesurée par le LER
(Mead and Willey 1980), sur des systèmes à base d'arbres à bois en Europe (Graves et al.
2007), ou pour les vergers-maraichers (Paut et al. 2018), et une méta-analyse sur les impacts
des différents modes de diversification à l'échelle mondiale a montré un effet positif de
l'agroforesterie non seulement sur la biodiversité et sur la qualité des sols, mais aussi,
lorsqu'elle est associée à une diversification des cultures, sur le rendement (Beillouin et al.
36
2019). Par ailleurs, les services écosystémiques produits par l'agroforesterie sont nombreux
(Jose 2009), par exemple le stockage du carbone (Kay et al. 2019), les régulations
biologiques (Boinot et al. 2019), l'amélioration de l'efficience d'utilisation de l'eau (Bai et al.
2016) ou la régulation du microclimat (Gomes et al. 2020). Ces deux derniers points sont
particulièrement intéressants dans le cadre de l'adaptation au changement climatique.
(1) Effets positifs sur l'atténuation des extrêmes climatiques
En effet, le changement climatique global impacte directement la production agricole et
forestière non seulement par l'augmentation de la température moyenne et du taux de CO2,
mais également par la modification de l'intensité et de la répartition saisonnière des pluies
et par l'augmentation de la fréquence d'événements extrêmes (sécheresses, tempêtes,
inondations, etc.). En milieu méditerranéen, les impacts prévus sont globalement négatifs
pour les cultures comme pour les forêts, du fait principalement de l'augmentation du stress
hydrique printanier et de l'échaudage estival. Pour les céréales, ce sont les fortes
températures au moment de l'anthèse qui sont les plus néfastes (Zampieri et al. 2017), alors
que pour les fruits, ce sont les coups de soleil ou "sunburn" (Racsko and Schrader 2012). Les
arbres modifient le microclimat sous leur canopée du fait de l'ombre qu'ils portent pendant
la journée, du masque nocturne qui diminue le refroidissement radiatif, de la transpiration
des arbres et de la modification de la vitesse du vent (Peng et al. 2015). Les arbres
d'ombrage sont souvent utilisés en milieu tropical pour protéger les cultures des excès de
lumière et de chaleur, et l'agroforesterie est clairement identifiée comme un moyen
d'adaptation de l'agriculture au changement climatique dans ces régions (van Noordwijk
et al. 2014) en atténuant les variations de température de l'air et du sol (Lin 2007) et en
réduisant l'évaporation du sol (Siriri et al. 2013). En milieu tempéré, l'agroforesterie est
moins développée, mais elle attire de plus en plus l'attention en raison des divers services
écosystémiques qu'elle peut fournir (Torralba et al. 2016). Il pourrait être intéressant de
cultiver des céréales et des arbres fruitiers sous ombrage pour adapter l'agriculture au
changement climatique en limitant les variations de température à la fois à l'échelle
annuelle et à l'échelle journalière, réduisant ainsi la perte de rendement due aux
températures extrêmes (gel, vague de chaleur), et en réduisant l'évaporation du sol par une
diminution du rayonnement, de la vitesse du vent, de la température et une augmentation
de l'humidité de l'air. En milieu tempéré, l'effet microclimatique de l'agroforesterie a été
étudié principalement dans les systèmes agroforestiers traditionnels du Sud de l'Europe
comme la dehesa (Sánchez et al. 2010), ou dans le cas des haies brise-vent (Nuberg 1998;
Quinkenstein et al. 2009) mais, hormis l'étude de Peng et collaborateurs (2015) en Ontario,
il n'existe pas d'étude du microclimat dans les systèmes agroforestiers "modernes"
(alignements d'arbres dans des grandes cultures) avec des arbres adultes.
Le masque du ciel nocturne par les arbres réduit le refroidissement radiatif la nuit en
réfléchissant le rayonnement infrarouge. Cet effet réduit le risque de dommages dus au gel
(Scowcroft et al. 2000). Ceci est important pour l'adaptation de l'agriculture au changement
climatique car des températures hivernales plus élevées accéléreront la phénologie des
cultures (Zheng et al. 2016), ce qui pourrait rendre la plante plus sensible aux gels tardifs s'ils
se produisent au moment où la culture est la plus vulnérable. Au printemps, pendant les
nuits claires et froides, les cultures non protégées seront gravement endommagées par le
gel, tandis que les cultures sous la canopée des arbres seront exposées à un risque moindre
(cf. Encadré 10).
37
Pendant la journée, l'ombre des arbres évite que les parties sensibles de la culture soient
exposées à la lumière directe du soleil et réduit la température des organes de la culture,
ainsi que la température de l'air. Bien que l'ombre soit généralement préjudiciable au
rendement des cultures en réduisant la photosynthèse, elle peut également protéger les
cultures sensibles contre l'excès de rayonnement (par exemple "coups de soleil" sur les
fruits), qui devrait augmenter avec le changement climatique (Webber et al. 2015). Par
exemple, la production de pommes est très sensible à l'excès de chaleur et de lumière, qui
provoque un stress photo-oxydatif dans les feuilles, entraînant une diminution des
performances de l'arbre, ainsi que des coups de soleil sur les fruits eux-mêmes, les rendant
invendables (jusqu'à 10 % des fruits, (Racsko and Schrader 2012)). La solution actuelle à ce
problème consiste à utiliser des filets d'ombrage qui modifient à la fois la quantité et la
qualité de la lumière incidente, avec des effets variables sur la qualité des pommes, selon le
cultivar (Widmer 2001; Dayioglu and Hepaksoy 2016; Treder et al. 2016). Mais ces filets
augmentent la température de l'air (jusqu'à +10°C mesurés par le CETA Hérault-Vidourle en
2019 !). Dans une perspective agroécologique, il faudrait remplacer ces protections
artificielles par des arbres d'ombrage, d'autant que l'agroforesterie permettrait de
bénéficier non seulement d'un effet protecteur, mais aussi des autres services
écosystémiques.
Encadré 10 : Protection microclimatique des cultures en agroforesterie
Figure 11 : A gauche, dégâts dus aux gelées du 21-24 Avril 2017, à droite, les vignes près des pins parasol n'ont pas été
touchées (Photos C. Dupraz).
Une vague de froid a frappé la région viticole du Languedoc-Roussillon les 19 et 20 avril
2017. Notre site expérimental n'a pas été trop touché (Figure 11), mais la proportion de
plantes ayant subi des dommages dus au gel a été significativement plus importante dans la
culture pure de vigne que sur la vigne cultivée sous les pins (7% des plantes au lieu de 2,2%,
p= 0,0006), et sous les sorbiers (1,3% des plantes au lieu de 0%, p=0,016). Ces observations
ont été confirmées par des témoignages d'agriculteurs, par exemple Gaël Guibert (Mas
Daumas-Gassac, l'un des plus célèbres domaines viticoles du Languedoc-Roussillon) a
déclaré avoir perdu entre 50 et 100 % de la production de cette année-là dans les parcelles
qui étaient en plein champ, alors qu'il n'y a eu aucun dommage visible dans les parcelles plus
petites qui étaient entourées d'arbres.
Pour ce qui est de la protection contre la chaleur, nous avons observé une légère réduction
de la température de l'air dans la zone des grappes en agroforesterie par rapport au témoin
viticole (maximales journalières réduites de 1 à 3 °C selon les endroits de la parcelle).
Malheureusement pour nos études (mais heureusement pour le viticulteur), la canicule de
Juin 2019 n’a pas touché la parcelle, et nous n'avons donc pas pu voir si les arbres ont un
effet protecteur, ce qui n'est pas certain. En effet la réduction de température à l’ombre des
38
arbres ne suffit pas : un sol bien pourvu en eau est également nécessaire car cela favorise la
transpiration par les plantes, qui participe à leur refroidissement. Or il ne faut pas oublier
que les arbres, même s'ils ont un effet bénéfique sur le microclimat, sont en compétition
avec la vigne pour les ressources du sol (en particulier l’eau et l’azote) et pour la lumière.
(2) Effets négatifs sur la disponibilité des ressources
Mais évidemment, cet effet positif s'accompagne aussi d'effets négatifs (compétitions pour
l'eau, la lumière l'azote entre les différentes espèces). Dans les systèmes agroforestiers
tempérés, la complémentarité des arbres à feuilles caduques et des céréales d’hiver pour
l’utilisation des ressources a été très bien mise en évidence (Dupraz and Liagre 2011; Dufour
et al. 2013). En été, après la récolte de la culture, la lumière profite à la croissance des arbres
tandis qu'en hiver, les arbres ayant perdu leurs feuilles, la lumière est captée par la culture
d'hiver, de même qu'au cours de toute l'année dans les systèmes agroforestiers jeunes, les
petits arbres captant très peu de rayonnement. Cependant, la complémentarité n'est que
partielle et pendant une partie de l'année, les arbres et les cultures sont en compétition pour
les ressources. Pour les cultures d'été (y compris la vigne), il n'y a pas de complémentarité
temporelle pour l'utilisation des ressources, on peut donc s'attendre à des pertes de
rendement plus importantes. L'Encadré 11 par exemple montre l'impact de la compétition
arbres-culture dans le cas de la vigne.
Encadré 11 : Compétitions arbres-vigne
Afin de quantifier les effets de l'agroforesterie sur le comportement de la vigne, j'ai suivi le
rendement et la vigueur végétative, ainsi que la phénologie, des indicateurs de stress
hydrique et la composition des raisins, en agroforesterie (AF, association dès la plantation
en 1996 avec des pins parasol) et en témoin viticulture pure (TV) trois années de suite (pas
d'analyse de baies la première année) sur le domaine de Restinclières (Hérault).
39
Figure 12 : Poids de vendange par cep en fonction de l'année, du cépage et du système de culture (AF : agroforesterie,
TV : témoin viticulture pure).
Les résultats montrent une perte importante de rendement par cep en agroforesterie par
rapport au témoin viticole, sur Grenache (en moyenne -34% en 2018, - 36,7% en 2019, -
33,8% en 2020), mais surtout sur Syrah (-55,3 % en 2020). Bien que la mortalité des ceps soit
légèrement inférieure en agroforesterie (taux de survie de 77,4% en AF contre 74,6% en TV
pour Grenache, taux de survie de 46,3% contre 44,6% pour Syrah), cet effet positif est très
loin de compenser les pertes de rendement, d'autant qu'en agroforesterie, on perd
également des ceps du fait de la rangée d'arbres, qui remplace un à deux (selon les
parcelles) rangs sur 6. Les rendements à l'hectare (en prenant en compte l'emprise de la
rangée d'arbres) sont donc :
Tableau 1 : Rendement en tonnes par hectare (prenant en compte la surface prise par les arbres) en vigne
agroforestière (2 modalités de distance arbres-vigne) et en témoin viticole.
On peut donc en conclure que l'association vigne-pin parasol de plus de vingt ans avec une
forte densité d'arbres n'est pas bénéfique. En effet, même si les arbres peuvent apporter
une protection climatique à la vigne (cf. Encadré 10), il faudrait, pour justifier
l'implantation d'agroforesterie extensive uniquement sur des critères de productivité, que
40
cette protection "sauve" systématiquement le rendement lors d'événements extrêmes
dévastateurs pour la vigne pure qui surviendraient tous les 1,7 ans en moyenne. Cela a très
peu de chance d'arriver, d'une part parce que même dans le cas du changement climatique,
la probabilité d'avoir une perte totale de rendement en témoin viticole plus d'un an sur deux
est faible, et d'autre part, si un tel bouleversement climatique catastrophique arrivait, les
chances pour que les arbres parviennent à sauver la récolte à tous les coups seraient faibles.
Bien entendu, il existe d'autres justifications pour implanter des arbres (production fruitière,
aspects paysagers, impacts sur la biodiversité ou l'érosion, etc.), et surtout d'autres
essences sans doute plus adaptées à l'association que le pin parasol qui, comme son nom
l'indique… fait beaucoup d'ombre !
Il est donc difficile de prévoir la balance entre les effets positifs et négatifs de
l'agroforesterie du fait des nombreuses interactions à l'œuvre. D'autant que les
expérimentations sur ce sujet ne sont pas faciles à réaliser, principalement en raison des
échelles spatiales et temporelles impliquées dans l'étude des systèmes agroforestiers. Les
sites de cultures en allées avec des arbres assez vieux pour avoir un impact significatif sur
les cultures sont très rares : 30 % de toutes les publications faisant état d'expériences de
cultures en allées tempérées au cours des trois dernières décennies provenaient de trois
sites seulement (Wolz and DeLucia 2018) : Station de recherche en agroforesterie de
Guelph (Guelph, Canada ; planté en 1988), Centre de recherche Greenley Memorial de
l'université du Missouri (Novelty, MO, USA ; planté en 1997), et Domaine de Restinclières
(Montpellier, France ; planté en 1995).
3. La modélisation permet-elle de gérer cette complexité ?
Heureusement, la science a justement pour objectif de comprendre les phénomènes
complexes, et la recherche a développé des outils pour gérer cette complexité. L'un de ces
outils est la modélisation. Le modèle est construit pour donner une représentation
intelligible et partageable d'un système qui nous intéresse pour mieux le comprendre et
l’expliquer. Il existe plusieurs types de modèles : modèles analogiques (par exemple une
maquette), modèles conceptuels (par exemple un schéma de fonctionnement), modèles
mathématiques (par exemple système d'équations différentielles couplées). Parmi les
modèles mathématiques, on peut encore distinguer les modèles mécanistes, où le
fonctionnement du système est représenté à l'aide d'équations décrivant les processus
sous-jacents, et les modèles empiriques, qui fonctionnent comme des boites noires et sont
juste utilisés pour faire de la prédiction sans chercher à comprendre les processus qui
causent les sorties du modèle. Je ne parlerai ici que des modèles mathématiques (mais
j'aborderai un exemple de modèle analogique dans la partie projet) et mécanistes.
a) La modélisation pour favoriser l'interdisciplinarité
L'une des principales difficultés de l'interdisciplinarité est l'existence d'un vocabulaire
spécifique à chaque discipline (le jargon), qui complique le dialogue entre spécialistes de
chaque discipline. Un modèle, en particulier un modèle mathématique, permet de lever
cette barrière : les mathématiques sont un langage universel. Par ailleurs, on peut coupler
des modèles issus de différentes disciplines pour accéder à de nouvelles dimensions dans
la prédiction. Ce couplage peut être soit fort, lorsque deux modèles échangent des
informations dans les deux sens, permettant des boucles de rétroaction de chacun des
modèles sur l'autre, soit faible, lorsque les sorties d'un modèle sont utilisées comme entrées
41
d'un autre modèle. C'était le cas des travaux que je présente dans l'Encadré 12, qui
enchainaient des travaux de biologie, d'épidémiologie et d'écologie évolutive pour proposer
des méthodes pour favoriser l’invasion et la persistance des souches les moins agressives de
pathogènes d'origine tellurique.
Encadré 12 : Une démarche pour intégrer la biologie des champignons,
l'épidémiologie végétale et l'évolution des populations pour le contrôle
durable des maladies d'origine tellurique
Figure 13 : Démarche adoptée pour proposer de nouvelles méthodes de lutte contre les maladies d'origine tellurique.
Mon postdoc consistait à appliquer les 3 premières étapes de cette démarche dans le cas du
piétin-échaudage du blé. J'ai travaillé avec un mathématicien pour l'intégration
mathématique du modèle épidémiologique, mes résultats ont ensuite servi à des
évolutionnistes qui ont étudié, à l'aide de modèles d'évolution des populations, les
conséquences évolutives (spéciation, coexistence entre souches), pour en déduire des
critères d'invasion et de persistance. L'objectif final était de favoriser l’invasion et la
persistance des souches les moins agressives. Il se trouve que les résultats ont montré
qu'aucun des modèles théoriques testés ne réussissait à expliquer l'existence des deux
souches de Ggt observées dans les populations naturelles (van den Berg et al. 2010), par
contre, l'existence d'un trade-off entre efficacité d'infection et survie (Figure 4) permet bien
de sélectionner les souches les moins agressives (van den Berg et al. 2011).
b) La modélisation pour rendre appréhendable la complexité
L'importance pour l'agroécologie de la hiérarchie des différents niveaux d'organisation du
vivant a été soulignée (Dalgaard et al. 2003). Or l'un des principaux défis de la modélisation
en biologie est l'élaboration d'approches permettant de traiter et de mettre en relation des
phénomènes à des échelles disparates d'espace, de temps et de complexité
organisationnelle (Levin 1992). La théorie de la hiérarchie fournit un cadre théorique qui
permet de traiter ce problème. Wu et David (2002) ont défini une approche hiérarchique
comme une manière de décomposer la complexité et un processus de mise en évidence de
l'ordre sous-jacent. Correctement définis, les niveaux hiérarchiques permettent de délimiter
les holons (c'est-à-dire les éléments du système). Un holon est à la fois un ensemble
atomique, lorsqu'il est vu à un niveau donné de la hiérarchie, et un composé, lorsqu'il est vu
à un niveau inférieur de la hiérarchie (c'est-à-dire à une résolution spatiale et/ou temporelle
42
plus élevée) (Koestler 1967). À chaque niveau, les holons sont définis de telle manière que
les interactions entre leurs composants soient sensiblement plus fréquentes à l'intérieur
qu'entre les holons. Cette théorie fournit un cadre très puissant pour appréhender la
complexité des agrosystèmes. En effet, les systèmes hiérarchiques ont des propriétés
communes, indépendantes de leurs contenus spécifiques (Simon 1962).
Une approche réductionniste se contenterait d'étudier les phénomènes au sein d'un holon
unique. Le défi de l'agroécologie dans cette approche hiérarchique est au contraire de
comprendre comment des processus agissant à différents niveaux de la hiérarchie
interagissent entre eux. Là encore, la modélisation peut s'avérer utile.
En ne considérant que 2 niveaux, on retrouve le cadre théorique des métapopulations
(Gilligan, 2002). Cette théorie permet de prédire la probabilité de colonisation et
d'extinction de la maladie dans des sous-populations individuelles (par exemple les champs)
et à l'échelle du paysage en fonction du paramètre de transmission de la maladie (au sein
des sous-populations et entre elles), des taux de remplacement ou d'élimination des hôtes
et du nombre et de la taille des sous-populations (Park et al., 2001). Cette théorie a été
testée dans des habitats naturels ou semi-naturels, avec des patchs de plantes sauvages
comme sous-populations (Burdon et al., 1995; Ericson et al., 1999) mais ses applications
dans des systèmes agricoles, avec des champs comme sous-populations est rare (Gilligan,
2008). L'étape suivante est de considérer non plus seulement deux niveaux mais toute une
échelle de niveaux emboités les uns dans les autres.
L'Encadré 13 présente un exemple de l'utilisation de cette théorie pour développer un
modèle générique, applicable aussi bien à une hiérarchie plante>racine>site en
épidémiologie végétale qu'à une hiérarchie région>troupeau>animal en épidémiologie
animale (voire ville>école>classe en épidémiologie humaine). Bien sûr, cela ne s'applique
qu'aux cas où la structuration en niveaux existe clairement : si par exemple les plantes
interagissent autant avec les plantes des champs voisins qu'avec les autres plantes du
même champ, on ne pourra pas considérer l'échelle "champs" comme un niveau pertinent.
Encadré 13 : Application de la théorie de la hiérarchie pour mieux
comprendre la dispersion des épidémies végétales
Figure 14 : Représentation schématique du fonctionnement du modèle Cascade (Gosme and Lucas, 2009a, 2009b) et
exemple de hiérarchie de niveaux d'organisations pour son application en épidémiologie végétale.
43
Un paysage peut être vu comme un ensemble de champs au sein desquels les éléments, ici
des poquets (c'est-à-dire des groupes de plantes), interagissent plus entre eux qu'entre
poquets de champs différents, et les plantes d'un même poquet interagissent plus entre
elles qu'entre plantes de poquets différents, une plante contient plusieurs racines, et une
racine est constituée de plusieurs sites d'infection (Figure 14). J'ai créé un modèle
épidémiologique qui prend en compte cette structuration de l'hôte sous forme d'échelles
spatiales emboitées afin de répondre aux questions suivantes : Comment la structure
spatiale de l'hôte (architecture et localisation), ainsi que la localisation de l'inoculum
influencent-t-elles la dynamique spatiale et temporelle des épidémies ? Quelle(s)
combinaison(s) de ces éléments minimise le risque de maladie ?
Le modèle est un modèle individu-centré, les individus étant les éléments à chaque niveau.
Ils se regroupent sous la forme d'un arbre pour représenter la nature hiérarchique du
système. Chaque individu est soit sain, soit infecté. Et au sein d'un groupe, les individus
s'infectent entre eux en fonction d'une équation d'infection où le terme de contact dépend
de leur organisation spatiale, c'est-à-dire du fait que la maladie se propage soit de façon
homogène, soit en foyers en deux dimensions , soit en ligne… Avec autant de niveaux qu'on
veut et autant d'individus par niveaux qu'on veut. Dans la théorie de la hiérarchie, ce qui
justifie l'existence de niveaux différents, c'est que les interactions entre éléments d'une
même entité sont beaucoup plus importantes qu'entre éléments de deux entités
différentes. Dans mon modèle, j'ai fait l'hypothèse de l'étanchéité entre les entités :
l'infection entre individus de différents holons n'est pas possible directement, mais résulte
de l'infection entre individus à l'échelle supérieure. Les sorties du modèle sont de 2 types :
- les proportions d'individus malades aux différents niveaux, ce qui permet d'une part de
représenter la dynamique temporelle des épidémies et d'autre part de réaliser des
courbes d'incidence à deux niveaux successifs, ce qui permet de caractériser le niveau
d'agrégation. Ainsi, le modèle permet de tester des hypothèses concernant le
fonctionnement des épidémies et les liens entre incidences à différentes échelles, et en
particulier l'effet de la structure spatiale du peuplement hôte et de l'inoculum primaire
sur la dynamique et l'agrégation de la maladie (Gosme and Lucas 2009a).
- La variance du nombre d'individus malades par groupe à chaque niveau, ce qui permet
de la comparer à la variance théorique sous l'hypothèse d'une loi binomiale et ainsi
d'analyser le niveau d'agrégation par une analyse power-law modifiée (Hughes and
Madden 1992), une méthode statistique utilisée en phytopathologie pour analyser
l’agrégation des maladies mesurées sous forme d’incidence (proportion de plantes ou
d’organes malades).
On retrouve donc des méthodes classiques de description de la dynamique spatio-
temporelles des épidémies, ce qui permet de tester le modèle à l'aide de données de la
littérature. Cela nous a permis de mettre en évidence de nouvelles propriétés de l’analyse
power-law modifiée (Gosme and Lucas 2009b). Ce travail a inspiré d’autres chercheurs
spécialistes de l’analyse spatiale et a motivé la rédaction d'une "letter to the editor" de la
revue Phytopathology, dans laquelle les auteurs écrivent, à propos de mes résultats, "The
results are genuinely interesting and may have important theoretical and practical
implications" (Turechek et al. 2011).
Du point de vue de la pratique, le modèle montre l'intérêt de maintenir l'inoculum initial
agrégé pour réduire les épidémies. Dans la plupart des cas, les épidémies étaient plus lentes
dans le cas de grands agrégats d'hôtes que dans celui de petits agrégats, sauf dans le cas
44
d'une combinaison d'inoculum agrégé et de dispersion uniforme de la maladie. La stratégie
optimale de lutte contre la maladie dépend donc de plusieurs facteurs, dont les conditions
initiales.
c) La modélisation pour prédire la résultante d'interactions multiples
La modélisation mathématique, qu'elle soit mécaniste ou empirique, permet de prédire les
effets d'interactions multiples, qui ne sont pas triviales et dont la résultante n'est donc pas
prévisible par un simple raisonnement à partir d'un modèle conceptuel. Elle permet ainsi
d'extrapoler les résultats par rapport aux situations testées expérimentalement, soit pour
tester des combinaisons de pratiques qui n'ont pas pu être testées, soit pour extrapoler à
d'autres conditions pédoclimatiques, soit les deux.
(1) "Prédictions" a posteriori pour vérifier la cohérence d'hypothèse
explicatives
Une première application des modèles mécanistes est leur utilisation pour vérifier que les
hypothèses émises pour interpréter les résultats expérimentaux sont suffisantes pour
rendre compte des phénomènes observés. Ce n'est bien sûr pas une preuve que
l'explication avancée est la bonne, car il y a plusieurs façons possibles d'arriver au même
résultat, mais la capacité d'un modèle à correctement prédire une situation observée
constitue un faisceau d'indices qui donne une certaine assurance dans l'interprétation des
observations. Meine van Noordwijk a l'habitude de commencer chaque formation à la
modélisation par une petite comptine, qui illustre cela, dans son deuxième paragraphe :
“Don’t believe, Don’t believe,
Don’t believe the models you will see,
Unless the data agree
Don’t believe, Don’t believe,
Don’t believe your data again,
Unless your models explain
However, suspicion will be on you,
If agreement is too good, to be true”
Au contraire, si le modèle s'avère incapable de reproduire les données observées, c'est une
démonstration par l'absurde que les processus inclus dans le modèle ne sont pas
suffisants et que d'autres explications doivent être recherchées. Avant la tentative
infructueuse d'expliquer la structure génétique des populations de Gaeumannomyces
graminis var tritici par des différences de niche, de sensibilité à la flore antagoniste ou de
sélection divergente pendant différentes phases épidémiologiques (cf. Encadré 12), j'avais,
pendant ma thèse, développé un modèle pour valider les interprétations des
expérimentations présentées dans l'Encadré 2 et l'Encadré 5. Cette tentative est présentée
dans l'Encadré 14.
Encadré 14 : Un modèle spatialement explicite pour tester les effets
combinés du type de semis et du type de travail du sol
45
Lorsque j'ai réalisé ma thèse, le terme d'agroécologie n'était pas encore très répandu, on
parlait plutôt d'agriculture durable (Meynard et al. 2006), et dans le cas particulier de la
réduction de la dépendance aux pesticides, de protection intégrée des cultures. Mais les
objectifs, les méthodes et les moyens de la protection intégrée s'intègrent bien dans
l'agroécologie : réduction des intrants, utilisation de connaissances biologiques et
écologiques pour contrôler les bioagresseurs en combinant des pratiques à effets partiels, et
bien sûr place prépondérante des régulations biologiques. Mon manuscrit de thèse se
terminait d’ailleurs par les phrases suivantes : « Cette réduction [de l’utilisation des
pesticides] va nécessiter la mise en œuvre de stratégies de gestion innovantes, intégrant les
différents éléments de la biologie et de l'écologie des bioagresseurs. Nous espérons que les
modèles développés dans cette thèse nous permettront de nous inscrire dans cette
démarche. ».
J'ai par exemple développé un modèle spatialement explicite permettant de prédire l'effet
combiné de la structure spatiale de l'hôte (dépendant du type de semis) et de l'inoculum
(dépendant du type de travail du sol). Les simulations montrent que l'agrégation de
l'inoculum réduit la vitesse de développement de la maladie et, dans le cas du semis en
poquets, le niveau final de maladie, et que l'agrégation de l'hôte accélère le développement
de la maladie en début d'épidémie, mais le ralentit ensuite (Figure 15).
Figure 15 : Un exemple de simulations très contrastées : structure de l'hôte aléatoire (semis à la volée) ou agrégée
(semis en poquets) en interaction avec la structure spatiale de l'inoculum (qui pourrait dépendre du travail du sol
pendant l'interculture, comme montré dans l'Encadré 2, bien que les modalités testées ici soient plus contrastées).
Bien que les tendances mises en évidence dans le modèle correspondent aux tendances
observées au champ, les résultats restent quantitativement très différents. Ce qui prouve
que le modèle ne capture pas tous les processus pertinents. En effet, des expérimentations
indépendantes ont montré que les processus sur lesquels le modèle avait été construit
(infections de plante à plante au cours d'une saison) étaient finalement secondaires dans
l'épidémiologie de la maladie (cf. Encadré 2).
(2) Evaluation ex ante
Les modèles de culture sont des outils puissants pour prédire le rendement et les impacts
environnementaux de différents systèmes de culture dans une large gamme de conditions
pédoclimatiques, permettant de réaliser une évaluation multicritère ex ante de systèmes
de culture innovants sans avoir à mener des expériences de terrain longues et coûteuses.
46
Par exemple, le modèle de culture STICS (Brisson et al. 1998) simule les cycles de l'eau, du
carbone et de l'azote à un pas quotidien à l'échelle du système de culture. Sa robustesse et
sa précision ont été largement évaluées dans une série de conditions pédoclimatiques
(Coucheney et al. 2015), y compris dans la région méditerranéenne (Plaza-Bonilla et al.
2017, 2018). Sa dernière version permet de simuler des mélanges bispécifiques, par exemple
céréales-légumineuses (Vezy et al. 2020). Les modèles de cultures permettant de prédire les
interactions entre différentes pratiques, et avec l'environnement (sol, climat), ils peuvent
être utilisés pour concevoir/évaluer des systèmes de culture optimisant un ou plusieurs
critères d'évaluation (Demestihas et al. 2018). Les modèles de cultures qui intègrent des
paramètres variétaux (ce qui est le cas de STICS) peuvent également servir à prédire les
performance de nouveaux génotypes dans des conditions autres que celles dans lesquelles
ils ont été initialement testés, que ce soit en termes de conditions pédoclimatiques ou
d'itinéraire techniques, permettant ainsi d'étudier les interactions génotype-environnement
conduite (Jeuffroy et al. 2014).
(3) Prédiction de situations non testables expérimentalement : temps
long
Le modèle STICS est à la base du modèle d'agroforesterie Hi-sAFe (Dupraz et al. 2019), qui
simule en trois dimensions les compétitions entre les arbres et les cultures pour la lumière,
l'eau et l'azote. Il est particulièrement utile pour prédire les effets de différents contextes
pédoclimatiques sur les interactions arbres-cultures, pour étudier la balance entre les
effets positifs (microclimat sous les arbres) et négatifs (compétitions) de l'agroforesterie
dans différentes conditions. Cela diminue le besoin d'expérimentations au champ, qui sont
particulièrement longues et gourmandes en terrain dans le cas de l'agroforesterie (Stamps
and Linit 1998). On peut également l'utiliser pour tester l'effet de situations qui n'existent
pas encore, comme les projections climatiques pour les 50 prochaines années. L'Encadré 15
présente un exemple d'utilisation de ce modèle pour étudier l'effet de l'agroforesterie sur les
stress hydriques, thermiques et azotés (et leurs impacts sur le rendement) en climat passé,
actuel et futur. Ce modèle a par ailleurs déjà été utilisé pour étudier la compétition pour la
lumière en fonction du design de la parcelle (distance et orientation de lignes d'arbres) et de
la latitude (Dupraz et al. 2018), et des études sont en cours pour étudier l'effet de
l'agroforesterie sur le bilan hydrique de parcelles sous différents climats et différents types
de sol.
Encadré 15 : Simulation de l'effet des interactions arbres-cultures sur le
rendement du blé sous différents scénarios climatiques
Même si globalement les effets attendus du changement climatique sur les cultures sont
négatifs, en particulier aux latitudes faibles et moyennes (Rosenzweig et al. 2014), il y a des
mécanismes complexes d'interaction entre les décalages phénologiques et les périodes de
sensibilité des cultures aux excès ou au manque de température. Par exemple, à
température moyenne de 22,3°C, certaines saisons de croissance peuvent connaitre des
températures plus chaudes au début de la période de croissance qui avancent les dates
d'anthèse, mais des températures plus fraîches pendant le remplissage des grains qui
retardent les dates de maturité, ce qui entraîne des rendements plus élevés (et vice-versa si
le pattern de variation thermique est inversé) (Asseng et al. 2015). Dans le cas de
l'agroforesterie, la situation est encore plus complexe : la présence des arbres modifie le
microclimat de façon différente le jour et la nuit, entraine des décalages phénologiques
47
supplémentaires, et son effet n'est pas identique chaque année du fait de la réaction de
l'arbre lui-même aux conditions climatiques (en plus bien entendu de sa croissance d'année
en année). L'objectif d'un des post-doctorants pour qui j'ai participé à l'encadrement était
justement d'étudier ces interactions complexes entre changement climatique, microclimat,
stress hydriques et thermiques des cultures et finalement rendement des cultures et de
l'association, à l'aide du modèle de simulation Hi-sAFe.
Figure 16 : Simulations du rendement et sa variabilité (écart-type) en agroforesterie vs témoin agricole, pour trois
scénarios climatiques et deux catégories d'âge des arbres
Les résultats montrent que l'agroforesterie atténue fortement les stress dus aux extrêmes
de températures (à la fois chauds et froids). Le rendement des cultures dans le système
agroforestier diminue avec l'âge des arbres, mais devient plus stable (réduction de l'écart-
type interannuel) par rapport au témoin agricole, et ce quelle que soit la période simulée
(Figure 16).
(4) Prédiction de situations non testables expérimentalement : larges
échelles spatiales
Des outils d'aide à la décision (OAD) ont été conçus et sont utilisés pour répondre à des
questions du type "Dois-je traiter maintenant contre tel ou tel bioagresseur" depuis
plusieurs décennies (par exemple (Zadoks 1981)). Cependant, comme nous l'avons vu
précédemment (partie VI.2.a)), l'agroécologie nécessite d'élargir à la fois l'échelle
temporelle (de quelques jours à la rotation complète des cultures) et l'échelle spatiale (des
décisions individuelles prises pour un champ donné aux décisions prises collectivement par
les exploitations agricoles d'un même paysage). Par conséquent, les outils d'aide à la
décision classiques ne sont plus suffisants et d'autres approches visant à faciliter la prise de
décision collective doivent être développées. L'une de ces approches utilise des ateliers de
conception de systèmes de culture où une série d'ateliers réunissant tous les acteurs
concernés permet 1) de partager une vision commune de la question traitée, 2) de proposer
des systèmes de culture candidats et leur organisation spatiale, 3) d'évaluer ex ante les
performances attendues (avec éventuellement plusieurs boucles des étapes 2 et 3 pour
48
améliorer les performances si elles sont jugées insuffisantes) et 4) de tester
expérimentalement les meilleurs systèmes de culture (Hossard et al. 2013). La modélisation
peut être particulièrement utile à l'étape 1, notamment si le modèle est conçu par ou avec
les acteurs, et à l'étape 3, pour prévoir les résultats attendus du système, en particulier
lorsque les systèmes de culture candidats sont trop exotiques pour que les experts puissent
estimer leurs performances à partir de leur expérience passée, ou lorsque des interactions
complexes sont susceptibles de se produire entre les champs du paysage. Plusieurs modèles
ont été développés pour représenter le développement spatio-temporel des ravageurs et
des organismes utiles dans les paysages agricoles, pour les insectes (Lee et al. 2007; Bianchi
et al. 2009; O’Rourke and Jones 2011; Vinatier et al. 2013), les maladies (Kampmeijer and
Zadoks 1977; Skelsey et al. 2009; Lô-Pelzer et al. 2010) et les mauvaises herbes (Colbach
2009), mais tous ces modèles ne prennent en compte qu'un seul système culture-nuisibles
en même temps, et ne sont donc pas bien adaptés à la conception de stratégies de
protection intégrée des cultures. Le cadre de modélisation présenté dans l'Encadré 16
permet, lui, de construire facilement des modèles multi-bioagresseurs.
d) La modélisation pour rendre appréhendable la complexité…. des modèles
eux-mêmes
Un autre problème lié à l'utilisation de modèles de ravageurs pour la pratique de la lutte
intégrée est que le délai d'élaboration du modèle est souvent plus long que la durée de la
question agronomique (temps entre la (ré)émergence d'un ravageur et son remplacement
par d'autres). Par exemple, de graves attaques de colza par des méligèthes en 1999
(Ballanger 2006) ont conduit à de nouvelles recherches sur ce ravageur, qui ont permis
d'acquérir des connaissances sur l'effet de la composition du paysage sur la dynamique des
coléoptères ravageurs et le taux de parasitisme (Rusch et al. 2011, 2012, 2013). Puis le projet
de recherche suivant a permis de construire un modèle mécaniste de la dynamique du
ravageur et de son contrôle par l'un de ses parasitoïdes (Vinatier et al. 2012).
Malheureusement, dix ans après le début de ce thème de recherche, le méligèthe n'était
plus un problème majeur du colza, grâce à l'introduction de nouveaux insecticides
(Ballanger 2010). Ce n'est qu'un exemple : le délai entre le début de la recherche et l'impact
socio-économique est souvent d'environ 10 ans (par exemple, une étude des projets
financés par le gouvernement australien a observé un délai moyen de 9 ans (Allen
Consulting Group 2005)) et ce décalage entre le calendrier de la recherche et l'urgence des
questions pratiques pose un problème pour la protection des cultures. Afin de produire des
modèles capables de répondre aux questions agronomiques pertinentes dès qu'elles se
posent, il est nécessaire de raccourcir le cycle de développement des modèles. Dans
l'Encadré 16, je présente un exemple de cadre de modélisation qui permet de raccourcir le
temps nécessaire pour développer un modèle, via l'utilisation de bibliothèques de
fonctions pré-codées et la possibilité de transposer par copier-coller des parties de modèles
d'un bioagresseur à un autre. Il permet également de mieux comprendre ce que fait le
modèle grâce à la séparation complète entre la spécification du modèle et la "cuisine
interne" du modèle qui permet de le faire tourner et de visualiser les sorties, et grâce à une
structure hiérarchique qui permet de naviguer dans la structure du modèle en allant du plus
général au plus particulier.
49
Encadré 16 : MUSCLR-PODYAM : un cadre de modélisation pour construire
des modèles de dynamiques de populations multi-espèces dans les
mosaïques paysagères
Un cadre de modélisation est un outil moins générique qu'une plateforme (par exemple
STELLA ou Simulistics) mais plus adapté à un domaine d'application spécifique, ici la
simulation des populations de ravageurs et d'ennemis naturels dans les paysages agricoles.
Le cadre de modélisation proposé ici comporte deux composantes : PODYAM, une interface
graphique qui aide l'utilisateur à construire la "recette" de son modèle (c'est-à-dire toutes
les spécifications du modèle) et MUSCLR, un ensemble de fonctions R qui transforme cette
recette en un modèle exécutable. De cette manière, l'utilisateur peut construire et exécuter
des modèles sans aucune écriture de code, et les fonctions peuvent être partagées et
réutilisées entre les modèles.
A
B
C
D
A
E
50
La spécificité de MUSCLR (multi-scale landscapes in R) est sa représentation de l'espace par
plusieurs échelles emboitées (cf. Figure 17B), pour que chaque population d'organismes soit
représentée à une échelle pertinente. Ces échelles multiples donnent également la
possibilité de "simplifier" des pixels lorsqu'ils sont dans un environnement homogène ; ainsi,
on ne détaille tous les pixels que dans les zones d'interfaces entre habitats différents et on
économise du temps de calcul.
Les organismes (cultures, bioagresseurs, auxiliaires) sont représentés de façon générique,
par des compartiments qui représentent soit la biomasse de différents organes à l'échelle
du couvert (cas des plantes cultivées), soit les effectifs dans différents stades (souvent
utilisé pour les insectes), soit les effectifs dans les différents statuts des sites (souvent utilisé
pour les maladies). Les biomasses de ces compartiments sont modifiées par des processus,
qui sont simulés à l'aide de fonctions emboitées : une fonction peut en appeler une autre, et
le nom de la fonction appelée est un paramètre de la fonction appelante. Cela permet une
grande modularité et une représentation hiérarchique du fonctionnement du modèle : on
visualise tout d'abord les caractéristiques les plus générales du modèle ou du module avant
d'aller explorer chaque processus et sous-processus plus en détail (cf. Figure 17E).
Enfin, l'originalité de l'approche est l'accent mis sur l'interface de construction du modèle
(par opposition aux modèles classiques, qui mettent l'accent sur la réalisation des
simulations) : la manipulation du modèle pour faire tourner les simulations et analyser les
résultats est laissée au choix de l'utilisateur, qui peut faire appel à ses packages R préférés.
Par contre, l'interface développée ici (PODYAM : Population Dynamics in Agricultural
Mosaics) permet de construire de façon hiérarchique une description du modèle (par
exemple le choix des espèces puis le choix des processus pour chaque espèce puis le choix
des formalismes pour chaque processus et enfin le choix des paramètres pour chaque
formalisme, ou encore le choix des espèces de la rotation puis le choix des pratiques pour
chaque terme de la rotation et enfin le choix des paramètres pour chaque pratique). Cette
description au format texte est ensuite lue par MUSCLR pour construire "à la demande" le
modèle correspondant en allant chercher les fonctions désirées dans la bibliothèque de
fonctions. Une courte démonstration de cette interface de construction de modèle est
disponible ici (https://youtu.be/lDphbQ3bJWk)
4. Conclusion
L'agroécologie est donc une solution intéressante pour résoudre une partie des problèmes
de l'agriculture moderne. Cette approche est certes complexe, mais on a des moyens pour
rendre intelligible cette complexité, alors pourquoi les agriculteurs sont-ils aussi réticents
aux apports de l'agroécologie ?
Le problème n'est pas (uniquement) un problème de connaissances, car on connaît (le plan
Ecophyto l'a montré) des solutions techniques basées sur l'agroécologie qui permettent de
réduire significativement l'utilisation de pesticides sans perte de production, en tout cas en
grandes cultures. C'est donc un problème d'adoption de l'agroécologie. Mon projet s'oriente
donc dans cette direction. Mes compétences et mes inclinaisons me poussent à essayer de
Figure 17 : (A) exemple de paysage agricole (5 km x 5 km) où les parcelles sont catégorisées en fonction de leur
caractère hôte (par exemple pour une maladie du blé) et leurs pratiques (par exemple bio/non bio), (B)
représentation de ce paysage à l'aide d'une hiérarchie d'échelles emboitées (pixels de 1m, 5m, 25m et 125m de côté)
et "simplification" des pixels homogènes (un seul pixel de niveau inférieur gardé dans les pixels homogènes), (C)
exemple de dispersion d'un organisme à l'échelle des pixels de niveau 2, (D) dynamiques simulées de 3 bioagresseurs
(phoma du colza, rouille du blé, méligèthe du colza) et d'un parasitoïde du méligèthe et (E) Description hiérarchique
du système tri
-trophique colza-méligèthe-parasitoïde (constituant une "recette" à partir de laquell
e MUSCLR peut
construire un modèle de simulation).
51
développer des outils pour les agriculteurs, pour les aider à réduire l'incertitude et à mieux
se projeter dans l'avenir.
C'est particulièrement important pour l'agroforesterie, dont les freins à l'adoption sont
nombreux : parmi toutes les pratiques agroécologiques étudiées par Wezel et
collaborateurs, c'est l'agroforesterie pour laquelle le potentiel de développement a été
évalué comme étant le plus faible (Wezel et al. 2014), car elle est perçue comme une
pratique désuète et réduisant le rendement des cultures.
52
VII. Projet : le numérique au service de l'agroécologie
L’opinion publique associe la science et la technologie à une agriculture industrialisée, non
respectueuse de l’environnement (ifop 2017). Il est vrai que les premiers développements de
l'agriculture numérique, en particulier l'agriculture de précision, ont pu être utilisés pour
légitimer l'usage des pesticides et fertilisants chimiques (Wolf and Wood 2010). Pourtant, la
corrélation high-tech-agriculture industrielle versus low-tech-agroécologie n'a pas lieu
d'être. En effet, il existe de nombreuses applications numériques qui pourraient être utiles à
l'agroécologie. Le "numérique" englobe plusieurs activités : la collecte de données, leur
analyse, leur échange, leur stockage, leur utilisation pour contrôler des automates, etc.
(Bellon-Maurel and Huyghe 2016). Toutes ces tâches pourraient être utiles à
l'agroécologie. Ainsi la forte dépendance au contexte des processus agroécologiques
nécessite de bien caractériser l'environnement biotique et abiotique, de l'échelle locale à
l'échelle du paysage, ce qui bénéficierait grandement de l'utilisation de capteurs connectés
et/ou embarqués, de proxidétection et d'imagerie satellite, ainsi bien sûr que des bases de
données pour stocker ces informations et les partager entre agriculteurs d'un même
territoire. L'analyse de données issues d'agroécosystèmes complexes nécessite des
techniques avancées (Deep learning, machine learning) pour pouvoir tirer des conclusions
de données très bruitées et à multiples facteurs imbriqués. Par ailleurs le pilotage des
systèmes agroécologiques peut être facilité par l'utilisation d'outils d'aide à la décision, la
géolocalisation et le traçage automatique des interventions. L'échange de données (via les
technologies web, les réseaux IoT (Internet of things)) et d'informations (via les réseaux
sociaux par exemple) peut favoriser le développement d'une agriculture intensive en savoir
plutôt qu'en intrants, tout en rapprochant les citoyens de l'agriculture via les sciences
ouvertes. La complexité de l'agroécologie peut être abordée par des dispositifs
pédagogiques nouveaux permis par le numérique : MOOC, jeux sérieux (Jouan et al. 2020).
Même l'utilisation de robots peut permettre de se passer d'intrants qui ne servent qu'à
faciliter ou remplacer les interventions des agriculteurs (mais il n'est pas sûr que le gain en
intrants compense le coût environnemental de la fabrication et de la mise en œuvre de ces
robots, il faudrait faire une analyse de cycle de vie). Tous ces outils peuvent également
apporter de l'autonomie aux agriculteurs qui expérimentent des systèmes innovants, en leur
permettant de collecter des données sur les résultats de leurs pratiques, de mener leurs
propres expérimentations, de les analyser et de partager leurs résultats. Pour la conception
de systèmes de cultures agroécologiques, la modélisation permet d'explorer une multitude
de scénarios qu’on ne pourrait pas tester expérimentalement et de co-concevoir des
systèmes de cultures avec les acteurs (conseil, agriculteurs) en discutant autour des sorties
du modèle, ce qui permet une évaluation ex ante des systèmes co-conçus.
J'ai donc décidé d'explorer la voie du numérique au service de l'agroécologie. Le projet que
je propose de développer dans les années à venir a pour objectif de développer des outils
numériques facilitant la conception de systèmes agroforestiers, en explorant trois axes :
apporter plus d'interactivité dans les ateliers de conception en atelier, permettre
l'évaluation ex ante de nouveaux systèmes agroforestiers et améliorer la perception des
agriculteurs sur ce que pourrait être un système agroforestier sur leurs propres parcelles.
1. Développer un support de conception de systèmes agroforestiers
Les bénéfices attendus de l'agroforesterie (productivité accrue – en incluant les produits des
arbres bien sûr), stockage de carbone, protection des sols et des eaux, conservation de la
biodiversité) dépendent à la fois de la structure du système (essences, distance entre lignes
d'arbres et largeur des bandes non cultivées sous les arbres), de leur âge ainsi que des
53
pratiques de gestion des arbres, des cultures (usage de pesticides en particulier) et de la
bande non cultivée (fréquence et intensité des fauches). Il existe donc de nombreux leviers
de gestion qui permettent de piloter les régulations biologiques de ces agroécosystèmes,
d'où la nécessité de concevoir des systèmes agroforestiers en prenant en compte la
complexité des interactions et leurs évolutions sur le temps long. Les combinaisons
d'espèces, de configurations spatiales et d'itinéraires de gestion sont donc innombrables, et
influencent toutes les performances des systèmes agroforestiers. Ces performances
concernent :
- la rentabilité économique, qui est dépendante de la productivité et donc des
équilibres compétition/facilitation mais aussi des débouchés des produits (en
particulier produits des arbres : bois mais pas seulement) ou des charges (par
exemple la main d'œuvre pour tailler les arbres, que les agriculteurs négligent
souvent au détriment de la qualité du bois)
- les impacts environnementaux (stockage du carbone, maintien de la biodiversité,
qualité de l'eau, besoins en irrigation, etc.)
- les aspects paysagers.
La conception de systèmes agroforestiers multiperformants nécessite donc de multiples
compétences qui vont bien au-delà de ce que peut savoir un agriculteur seul. La conception
de systèmes agroforestiers est donc souvent réalisée à plusieurs, au minimum un
agriculteur et un conseiller agroforestier, ou plusieurs agriculteurs et un ou plusieurs
conseillers, jusqu'à des ateliers participatifs (Berthet et al. 2016) qui regroupent des
chercheurs spécialistes de différentes disciplines, des conseillers, plusieurs agriculteurs et
d'autres acteurs du territoire (syndicats de bassin…). Cela permet de concevoir des
systèmes innovants en combinant les connaissances scientifiques et empiriques grâce au
dialogue entre des chercheurs et des agriculteurs ou conseillers (cf. partie VI.2.b)(4)). Même
dans les cas les plus simples, l'agriculteur qui souhaite mettre en place un projet
agroforestier est souvent accompagné par un conseiller agroforestier.
Ces ateliers utilisent pour l'instant des outils privilégiant soit la dimension spatiale (cartes et
plans, "maquettes" utilisant des pions (Figure 18A) ou des flocons de maïs (Figure 18B) pour
représenter les végétaux), soit la dimension temporelle (par exemple Mission Ecophyt'eau®
ou Rami fourrager®(Martin 2015)).
54
Or l'agroforesterie nécessite de prendre en compte à la fois la dimension spatiale du fait de
l'hétérogénéité spatiale créée par la présence des arbres et la dimension temporelle, les
interactions arbres-cultures évoluant au cours de la croissance des arbres. Mon idée est
d'utiliser la réalité augmentée (superposition d'images virtuelles sur des images du monde
réel) (Figure 18C) pour visualiser l'évolution des arbres (Figure 18D) et des interactions
arbres-cultures (compétitions pour la lumière (Figure 18E) et l'eau par exemple) en
superposition de la maquette physique avec laquelle on continuerait d'interagir comme
avec les pions (qui seront remplacés par des marqueurs reconnus par l'ordinateur).
Cela permettrait de bénéficier à la fois de l'engagement des participants grâce à l'existence
d'un support physique (ce qui facilite le "bidouillage" : on tripote, on essaye, on revient en
arrière), et à la fois des possibilités de représentation dynamique et des capacités de
prédiction des modèles offertes par une représentation numérique. J'ai soumis cette idée à
B
C
D
E
A
Figure 18 : Outils de support d'ateliers de co-conception de systèmes agroforestiers : (A) atelier de conception de
système
s
agroforestiers à cacaoyers avec des jetons, (B) atelier de conception d'un verger diversifié avec des flocons
de maïs, (C) première proposition d'utilisation de la réalité augmentée, (D) représentation
dynamique de la
croissance d'un arbre, (E) représentation de l'ombre projetée par les arbres.
55
des informaticiens du CIRAD et du CNRS, spécialistes de la représentation de l'arbre et du
traitement d'image, et obtenu les financements pour une thèse interdisciplinaire que nous
co-encadrerons.
Les questions de recherche en informatique concernent l'interfaçage entre les
participants à l'atelier, qui ont différents points de vue dont le partage entre participants est
un objectif central des ateliers, et l'ordinateur, qui pourra apporter soit un point de vue
différent (celui des chercheurs qui ont conçu le modèle), soit synthétiser les différents
points de vue des participants. En effet il faudra trouver des moyens intuitifs de faire passer
les informations aux participants, que ce soient des sorties de modèles de simulation ou des
avertissements (à l'aide de signaux visuels ou, pourquoi pas, sonores) lorsque des
contraintes ne seront pas vérifiées par le système agroforestier en cours de construction.
Une seconde question est la façon dont la machine va pouvoir extraire de l'image de la
maquette le motif de base du système (ESFM pour ecosystem services functional motif)
(Rafflegeau et al. 2019). En effet, si on veut que l'outil représente des interactions arbres-
cultures plus élaborées que la simple projection d'une ombre ponctuelle, il faudra faire
tourner des modèles de prédiction, et donc pouvoir les paramétrer à l'aide de la topologie
du système identifiée à partir de la maquette. Cette étape fera sans doute appel à la théorie
des graphes, puis à une simplification du graphe par recherche de similitudes (car la
maquette ne correspondra jamais au millimètre près à l'idée qu'on se fait du système) et
enfin une extraction de l'information et un couplage avec un ou des modèles de simulation.
Les questions agronomiques, outre bien entendu les questions appliquées auxquelles les
ateliers répondront (mise au point de systèmes agroforestiers répondant à des enjeux
spécifiés et adaptés aux conditions locales, cf. partie VI.2.b)(4)), concernent la définition
des contraintes que le système devra respecter (l'exemple bateau est que la largeur entre
les lignes d'arbres soit un multiple de la largeur des machines intervenant sur la parcelle
(charrue, semoir, épandeur, pulvérisateur, moissonneuse…), plus une marge de sécurité
pour éviter que les arbres soient abîmés par le passage des engins). Il faudra également
identifier les informations pertinentes par type d'acteurs (par exemple le rendement des
cultures pour l'agriculteur, la lixiviation d'azote pour le responsable de zone de captage), et
les modèles permettant de les calculer (cf. ci-dessous).
2. Evaluer des systèmes agroforestiers co-conçus par des acteurs
Le problème du temps nécessaire pour que l’agroforesterie ait un impact favorable sur les
différents enjeux (érosion, qualité de l'eau, biodiversité, et bien entendu rentabilité) est
aussi un des freins à son adoption, pour deux raisons : (i) il faut attendre et (ii) les
agriculteurs (hors arboriculteurs bien sûr) ont du mal à se projeter sur le temps long, d'une
part car ils sont habitués à raisonner le pilotage de leur exploitation à un pas de temps
annuel (choix des assolements) ou de quelques années (rotations, investissements,
évolution du cheptel etc.) et d'autre part car les références technico-économiques et
environnementales sont rares du fait du faible nombre de systèmes agroforestiers matures.
La solution au premier problème peut être de gérer les systèmes agroforestiers comme une
succession d'étapes, avec certaines espèces présentes uniquement les premières années,
lorsque les espèces à croissance lente ne sont pas encore développées : c'est l'agroforesterie
successionnelle (Young 2017). La solution au second problème est d'utiliser des modèles de
simulation, qui permettent de prédire l'évolution sur le long terme de systèmes
agroforestiers (cf. partie VI.3.c)(3)). Par exemple, le modèle Hi-sAFe, en simulant la
croissance des arbres et des cultures en compétition pour l'eau, l'azote et la lumière, permet
de prédire les performances agronomiques (rendement et qualité du grain, production de
56
bois, stabilité de ces variables face aux aléas climatiques) et environnementales (entre
autres lixiviation de l'azote ou stockage du carbone) des systèmes agroforestiers, et donc de
fournir au(x) décideur(s) des estimations robustes et justifiées des impacts attendus des
systèmes agroforestiers concernant un certain nombre d'enjeux (productivité, résilience,
impacts environnementaux…).
On pourrait donc l'utiliser pour l'évaluation ex ante de systèmes co-conçus avec des
acteurs, pour vérifier si les systèmes qu'ils ont imaginés permettent bien, dans l'état actuel
des connaissances (ou plutôt dans le sous-ensemble de connaissances qui ont été intégrées
au modèle), d'atteindre les objectifs que les acteurs s'étaient fixés. Il serait également
intéressant de tester la résilience des systèmes proposés face au changement climatique, en
faisant tourner le modèle sur les projections climatiques du GIEC.
Pour l'instant, le modèle Hi-sAFe n'a jamais été utilisé dans cet objectif, il faut donc mettre
en place des procédures de simulation et d'analyse des résultats qui apportent des
informations utiles aux acteurs, et réfléchir à la façon de visualiser les résultats pour les
rendre intelligibles de façon intuitive (pour l'instant, le modèle exporte des fichiers texte à
498 variables et des milliers de lignes (une par jour pour une simulation de 40 ans, cela fait
14600 lignes !).
Il serait même peut-être possible de faire un méta-modèle "simplifiant" le modèle Hi-sAFe
et de le coupler avec l'outil de réalité augmentée présenté précédemment pour visualiser
certaines variables d'interaction arbres-culture (par exemple zones de compétition aérienne
ou racinaire) en superposition sur la maquette physique utilisée en atelier. La difficulté dans
ce cas sera de faire tourner le modèle en temps réel pour que les utilisateurs puissent
explorer en direct les différentes options possibles (le modèle complet a besoin de plusieurs
heures de calcul pour faire tourner une simulation complète et n'est donc pas utilisable tel
quel). Pour cela il faudra faire une analyse de sensibilité du modèle pour déterminer quelles
variables, parmi les variables d'entrées modifiées en temps réel lors de l'atelier, influencent
quelles sorties du modèle pertinentes pour les acteurs rassemblés autour de la table, pour
savoir sur quel espace de paramètres construire le méta-modèle.
Bien sûr, la question de la validité du modèle se posera de façon particulièrement aigue si
l'on veut utiliser le modèle pour guider les décisions des acteurs, car les erreurs auraient des
conséquences sur le monde réel (par opposition aux explorations de scénarios qui ont été
réalisées jusqu'à présent, qui avaient surtout pour objectif d'expliquer de façon théorique le
fonctionnement des systèmes agroforestiers dans différentes conditions). Cela implique de
vérifier expérimentalement (au moins une partie) des résultats de modélisation. Ce n'est
évidemment pas facile lorsqu'on s'attaque à la résilience des systèmes agroforestiers face
au changement climatique, mais l'expérience acquise, par exemple via l'utilisation de
plusieurs types de dispositif d'interception des pluies (cf. Encadré 5), s'avèrera sans doute
utile pour ce travail.
3. Permettre aux acteurs de se projeter dans l'avenir
La plantation d'arbres agroforestiers dans une parcelle implique une prise de risque à court
terme pour des bénéfices pas immédiatement perceptibles. De plus, les agriculteurs
manquent de représentations mentales de l'aspect et des interactions arbres-cultures
dans les systèmes agroforestiers, à cause du manque de sites de démonstration
suffisamment matures à l'échelle nationale et internationale. Pour preuve, des agriculteurs
sont prêts à faire des centaines de kilomètres pour venir visiter le domaine de Restinclières,
l'un des seuls sites agroforestiers matures d'Europe (j'ai fait visiter le site à des groupes
venus de Suisse, du Portugal et même de république tchèque !). Pour ceux qui n'ont pas la
57
chance de pouvoir visiter ce site, il est difficile de se représenter l'aspect de parcelles
agroforestières et encore plus d'imaginer toutes les interactions arbres-cultures dans les
systèmes agroforestiers. Une solution pourrait être l'utilisation de la réalité augmentée,
cette fois directement dans les parcelles agricoles, pour visualiser l'aspect futur des
parcelles dans 10, 20 ou 50 ans (Figure 19). Je fais l'hypothèse que l'impact de la
modélisation sera d'autant plus important si elle cible directement les propres parcelles de
l'agriculteur, et si les sorties sont visualisées in situ grâce à la réalité augmentée. De même,
le fait que l'agriculteur pourra visualiser les effets futurs des systèmes co-conçus (ou qu'il
aura conçus par ailleurs) directement sur ses propres parcelle devrait augmenter son
adoption des systèmes agroforestiers, ou au moins, s'il décide de ne pas le faire, ce sera en
connaissance de cause.
Figure 19 : Photomontage illustrant ce que pourrait donner l'application de réalité augmentée pour visualiser le
système agroforestier nouvellement conçu ou nouvellement planté : aspect de la parcelle dans 10, 20, 30 ou 40 ans.
Les questions informatiques que cette démarche soulève sont à la fois d'ordre technique
(comment calculer la géolocalisation et l'orientation du téléphone avec suffisamment de
précision pour que les arbres soient au bon endroit et que leur position à l'écran s'ajuste de
façon précise aux déplacements de l'utilisateur), et également scientifiques : comment
réaliser un pavage de l'espace (qui n'est pas un plan: les parcelles peuvent avoir une
topographie marquée) avec le motif identifié dans la partie VII.1 tout en respectant des
contraintes (tournières, éléments topographiques dans la parcelle ou aux abords…). D'un
point de vue agronomique, les enjeux seront comme précédemment d'identifier les
critères d'évaluation pertinents pour les acteurs, calculables à partir des informations
issues de l'atelier de conception et visualisables en 3D.
4. Objets d'étude et projets associés
J'aimerais continuer à diversifier mes systèmes d'étude, afin d'acquérir une bonne expertise
sur plusieurs systèmes agroforestiers afin de répondre aux demandes des agriculteurs et de
la profession, qui ont besoin de connaissances sur les systèmes agroforestiers qui se
développent le plus actuellement.
J'envisage de tester les outils facilitant l'animation d'ateliers de co-conception de systèmes
agroforestiers dans le cas de l'agroforesterie viticole (Figure 20), qui intéresse de plus en
plus (particulièrement depuis l'événement de canicule extrême de juin 2019) des
groupements de viticulteurs (GIEE IGP Cévennes, GIEE Vignerons du Ventoux, Syndicat des
cote du Rhône, Association VIVR' etc.). Je participe donc au montage d'un projet CASDAR,
58
coordonné par le bureau d'études AGROOF qui vise à favoriser le développement de
l'agroforesterie (via, entre autres, la co-conception de systèmes innovants), quantifier les
performances agronomiques et économiques de ces systèmes, et évaluer leurs impacts sur
la biodiversité.
Figure 20 : Vignes associées à des pins pignon
En ce qui concerne l'évaluation par simulation numérique de systèmes agroforestiers co-
conçus, le travail étant prévu dans le cadre du projet Biodiversify, qui est centré sur la
Méditerranée, je vais commencer par me pencher plus particulièrement sur les systèmes
agroforestiers à base d'oliviers.
Figure 21 : Systèmes agroforestiers à base d'oliviers : oliviers dispersés dans une parcelle de blé (A) et oliviers alignés,
permettant une mécanisation des cultures intercalaires (B) ©Yann Arthus-Bertrand
Les systèmes agroforestiers basés sur l'olivier sont très répandus dans la région
méditerranéenne (den Herder et al. 2017) en raison de l'effet bénéfique des arbres sur les
microclimats des régions chaudes et sèches (Mosquera-Losada et al. 2012). Cependant, la
majorité des systèmes agroforestiers basés sur l'olivier sont des vestiges de systèmes
traditionnels (Figure 21A), qui ne conviennent pas à l'agroforesterie moderne, mécanisée.
Au contraire, la culture moderne en allées, où les arbres sont alignés pour permettre un
accès facile par des machines (Figure 21B), est rare, en particulier pour les systèmes à base
d'oliviers. Pourtant, une méta-analyse sur l'effet de cultures intercalaires sur production
d'arbres fruitiers (dont l'olivier) en milieu méditerranéen a montré une augmentation de la
matière organique du sol, une tendance à l'amélioration de la teneur en azote, et pas d'effet
négatif sur le rendement des fruitiers (Morugán-Coronado et al. 2020). Cela indique le
A
B
59
potentiel de l'agroforesterie pour augmenter la productivité des vergers en milieu
méditerranéen tout en réduisant le risque d'érosion et en améliorant la fertilité du sol.
Malheureusement, le modèle Hi-sAFe ne représente pour l'instant que des arbres à bois
(noyer, peuplier, merisier). J'ai donc obtenu le financement d'une thèse (financement
ANR/Fondation de France) que je co-encadrerai avec un collègue spécialiste des arbres
fruitiers, et en collaboration avec un chercheur du CREA en Italie, spécialiste de l'olivier.
L'objectif de cette thèse est dans un premier temps d'adapter le modèle Hi-sAFe à l'olivier
(adaptation des formalismes à un arbre fruitier à feuilles persistantes, puis paramétrisation
pour l'olivier). Dans un second temps, le modèle sera testé sur des données acquises dans
le cadre du projet Biodiversify et enfin il sera utilisé pour évaluer ex ante les systèmes
agroforestiers co-conçus avec des acteurs dans le cadre de ce même projet.
Enfin, pour l'outil de visualisation, il est important de pouvoir représenter de façon réaliste
une grande diversité d'espèces fréquemment utilisées en agroforesterie. Pour l'instant, les
espèces ciblées sont le noyer hybride, le peuplier, le robinier faux-acacia, le merisier, le
paulownia, le chêne pubescent, l'olivier, le pommier, le grenadier et le pêcher. Le travail de
création des représentations des arbres sera réalisé par un collègue de l'UMR AMAP, avec
qui je co-encadre une thèse dont j'ai obtenu le financement (financement #DigitAg/INRAE)
sur ce sujet. L'objectif de cette thèse interdisciplinaire sera de développer une suite d'outils
numériques intégrant entre autres les outils présentés dans les trois points précédents.
Cette intégration pourrait suivre le schéma de la Figure 22, la partie gauche correspondant
aux ateliers de co-conception, où des marqueurs physiques sont (dé)placés pour créer une
maquette représentant un système agroforestier, l'outil détectant les changements et
extrayant le motif fonctionnel pour ensuite faire tourner des modèles de simulation simples
en temps réel pour calculer les informations (croissance des arbres, zones de compétitions
trop importantes entre arbres et cultures, distance de dispersion potentielle des auxiliaires
etc.) à afficher sur la vidéo de la maquette, pour guider les acteurs dans les éléments à faire
évoluer. Le motif fonctionnel final est ensuite extrait, éventuellement finalisé par
l'animateur de l'atelier (choix des variétés, des porte-greffes, calage précis des distances
etc.) et répété pour emplir la parcelle décrite par l'animateur, en respectant un certain
nombre de contraintes liées à la topographie particulière de la parcelle. Par ailleurs un ou
des modèles de simulations plus précis peuvent être utilisés pour calculer des indicateurs
pertinents, par exemple cartographie du rendement, vitesse de croissance des arbres ou
dispersion des bioagresseurs ou auxiliaires. Enfin, la position de tous les arbres étant
géoréférencée, on pourra se rendre sur la parcelle pour visualiser in situ l'aspect des arbres
et les indicateurs calculés, pour discuter des résultats attendus et éventuellement reprendre
une itération de conception.
60
Figure 22 : Schéma d'intégration de l'outil de réalité augmentée pour la conception "sur table", de la modélisation des
systèmes agroforestiers et de la visualisation in situ. ESFM : ecosystem services functional motif (Rafflegeau et al.
2019).
Tous ces cas d'application incluent une forte composante participative : implication de GIEE
de viticulteurs via le projet CASDAR, organisation d'ateliers d'agriculteurs et autres acteurs
(conseillers, industriels, etc.) via le projet Biodiversify. Bien que je ne sois pas moi-même
spécialiste, j'ai déjà travaillé avec des spécialistes de la recherche participative (cf. Encadré 8
et Encadré 9). Il me semble important que la conception de systèmes de culture soit réalisée
de manière participative, pour que la conception bénéficie des connaissances locales des
agriculteurs, et que les systèmes conçus aient une meilleure chance d'être adoptés. Les
outils que je propose de développer seront également co-conçus avec les acteurs du
monde agricole qui en seront les utilisateurs, à la fois pour s'assurer qu'ils répondent bien à
leurs besoins, mais aussi pour que l'innovation soit responsable, c'est à dire que nous soyons
en capacité d'anticiper les problèmes causés par nos produits, de répondre aux problèmes
émergents, d'inclure des publics divers pour tenter de répondre à leurs préoccupations, et
enfin d'adopter une approche réflexive et flexible du développement (Klerkx et al. 2019).
5. Modalités de l'encadrement des doctorants
J'ai suivi la formation "encadrer un doctorant" proposée par l'école doctorale GAIA les 1er et
2 décembre 2016. J'en ai retenu d'une part des méthodes de gestion de projet à transmettre
aux doctorants (gestion du temps, planification des tâches, etc.) ainsi que la nécessité de
faire une réunion de lancement du projet avec tous les co-encadrants, puis des réunions
formelles avec les co-encadrants toutes les 6 à 8 semaines, et des réunions hebdomadaires
de suivi de l'avancement du travail avec le doctorant toutes les semaines. J'ai également
beaucoup apprécié l'exercice de vision partagée des responsabilités, que j'ai réalisé pour
deux thèses que je co-encadre, en laissant les gens répondre en texte libre sur 3 questions :
quelles sont selon vous les responsabilités de l'encadrant ? Quelles sont selon vous les
responsabilités du doctorant et quelles sont selon vous les responsabilités mutuelles des co-
encadrants ? Les résultats sont assez intéressants (en plus des échanges que la discussion
des résultats a suscités). Le Tableau 2 indique, pour chaque groupe de responsabilité, le
pourcentage de réponse concernant ce groupe parmi les réponses des doctorants d'une part
et des encadrants d'autre part. On voit par exemple que la vision des responsabilités est
61
assez différente entre les doctorants et les encadrants : les doctorants attendent de leurs
encadrants qu'ils les forment à la gestion de projet et qu'ils leur permettent de démontrer
leurs qualités scientifiques, alors que les encadrants estiment que leur premier rôle est de
former les doctorants dans le domaine d'application de la thèse et de leur fournir les
moyens de réaliser leur thèse dans de bonnes conditions. Par contre, les encadrants
attendent en retour que le doctorant fasse preuve de qualités scientifiques, alors que les
doctorants ont à cœur de bien communiquer avec leur encadrant. Enfin, encadrants comme
doctorants estiment que l'essentiel dans les relations mutuelles entre co-encadrants est une
bonne communication pour arriver à un consensus (éventuellement après un débat
scientifique) sur les objectifs de la thèse et les orientations à court et moyen terme. Ces
résultats sont juste indicatifs, car l'échantillon est très réduit (2 doctorants et 4 encadrants,
et les chiffres recouvrent une grande disparité entre individus (Figure 23) cependant une
bonne communication semble être une condition essentielle au bon déroulement d'une
thèse. J'ai donc mis en place avec les doctorants que j'encadre différents calendriers de
réunions : une réunion hebdomadaire courte (30 à 45 minutes) avec chacun des doctorants
pour faire le point du travail de la semaine et organiser le travail de la semaine suivante et
une réunion plus formelle toutes les 6 semaines avec tous les co-encadrants, pour discuter
de choix à réaliser, de stratégie de valorisation des résultats ou pour réactualiser le
calendrier prévisionnel.
Tableau 2 : vision des responsabilités : moyenne des pourcentages de mention par personne, selon que c'est un
doctorant ou un encadrant qui répond (100 %= la personne ne parle que de cet aspect)
groupe de responsabilité
exemples
doc
enc
responsabilités
de l'encadrant vis-à-vis du
doctorant
former aux compétences
métier
biblio, formulation d'une question
scientifique, analyse et interprétation
des résultats, communications, etc.
6
14
fournir un environnement
favorable
moyens matériels, financiers,
disponibilité en temps, interface avec le
bailleur, questions administratives, etc.
3
14
former aux compétences
projet
organisation, outils de suivi, traçabilité
10
9
favoriser l'expression de
savoir-être
curiosité, audace, indépendance
10
7
apporter une vision plus large,
anticiper les problèmes
recul sur le domaine, éviter de tourner
en rond
4
8
rôle de garant de l'institution
académique
comité de pilotage, jury, manuscrit de
thèse, soutenance
0
6
faciliter l'insertion
professionnelle
réseau académique et professionnel,
4
1
responsabilités du
doctorant
communication
fournir les résultats, demander de l'aide
21
5
faire preuve de savoir-être
rigueur, honnêteté scientifique,
curiosité, audace
5
12
investissement personnel
volonté de se former
8
3
respect des règles
règles de l'école doctorale (copil, quota
de formation, publication, soutenance),
de confidentialité, engagements auprès
du bailleur, etc.
9
0
62
acquérir des compétences
métier
connaissances scientifiques, biblio
0
2
gérer son projet
gestion du temps
0
1
publier
0
1
responsabilités mutuelles des co
-
encadrants les uns envers les autres
communication
écoute, cohérence des messages
transmis au doctorant, entente sur les
objectifs
10
8
jouer le jeu de la
pluridisciplinarité
s'initier au domaine des autres, co-
signature des publications, savoir
transmettre les questions lorsque c'est
hors du domaine de compétence
9
4
créer un environnement
humain favorable
bonne humeur sympathie, bienveillance,
prise en compte des contraintes des uns
et des autres
0
3
contrôle mutuel
vérifier que chacun assume ses
responsabilités, prendre le relais en cas
d'indisponibilité d'un encadrant
3
0
implication
accorder du temps pour les réunions
1
1
63
B encadrants
A doctorants
Figure 23 : vision des responsabilités encadrants-doctorant : poids des différentes responsabilités du
doctorant, de l'encadrant et des co
-encadrants dans les réponses de deux doctorants et 4 encadrants
64
VIII. Conclusion
Mon parcours scientifique m'a permis d'aborder une diversité de leviers de l'agroécologie :
contrôle biologique par conservation des bioagresseurs, variétés adaptées aux systèmes à
bas niveau d'intrants, agroforesterie. L'évolution de mes approches est caractérisée par
deux tendances fortes : (i) la complexité croissante des processus et interactions prises en
compte (de l'interaction entre deux pratiques sur une maladie, à la prise en compte d'un
complexe de bioagresseurs dans un paysage et jusqu'à l'étude de systèmes complexes,
nécessitant une reconception du système, tels que l'agroforesterie) et (ii) l'intégration
croissante des acteurs (de pas du tout d'interactions, à des expérimentations sur parcelles
d'agriculteurs, des enquêtes auprès d'agriculteurs, de la recherche participative et jusqu'à la
création d'outils spécifiquement pour les acteurs). Ces évolutions sont représentatives du
changement de paradigme nécessaire au développement de l'agroécologie (Lauri 2017).
En parallèle, la révolution numérique qui bouleverse nos sociétés et l'industrie n'épargne pas
l'agriculture : on parle d'agriculture 4.0 (les avis sont partagés pour savoir exactement
quelles révolutions ont permis de passer de l'agriculture du néolithique à cette nouvelle
forme d'agriculture : révolution agricole anglaise du 18ème siècle avec l'abandon de la jachère
au profit du trèfle, mécanisation et révolution verte au 20ème siècle et enfin révolution
numérique (Rose and Chilvers 2018) ou intrants chimiques (fertilisants et pesticides) dans
les années 1950, agriculture de précision dans les années 1990 et agriculture numérique
dans les années 2010 (Bongomin et al. 2020), mais ce terme de 4.0 est également utilisé
dans l'industrie pour parler de l'importance croissante des technologies numériques, donc il
faut s'arranger pour trouver trois formes d'agriculture précédentes). Bongomin et
collaborateurs ont identifié les technologies suivantes pour la conception et la gestion des
systèmes agricoles : intelligence artificielle, réalité augmentée, "big data" et "cloud
computing". Cependant les applications de la réalité augmentée en agriculture sont rares
et concernent pour l'instant principalement l'agriculture de précision (guidage du tracteur et
visualisation des zones à traiter, par exemple (Santana-Fernández et al. 2010), ou
visualisation des endroits où effectuer des prélèvements de sol par superposition
d'informations issues de drones (Huuskonen and Oksanen 2018)) et l'éducation (y compris
en permettant de visualiser l'aspect futur des plantes (Okayama and Miyawaki 2013)) mais
sont, à ma connaissance, inexistantes pour la conception de systèmes agroécologiques.
L'agroécologie 4.0 est donc un champ nouveau à explorer qui devrait porter des fruits non
seulement intéressants scientifiquement, mais aussi, je l'espère, utiles au développement
d'une agriculture suffisamment productive et plus respectueuse de l'environnement. Au
sein de l'équipe que j'anime dans l'UMR ABSys, les travaux sur ce thème ne sont pas encore
structurés, mais nous avons un potentiel intéressant pour développer des travaux originaux
et qui à la fois répondent bien aux enjeux des filières locales et offrent des potentialités de
rayonnement international sur un sujet novateur. En effet, un enseignant-chercheur vient
d'être recruté sur le thème "Agronomie et Transition Numérique". Il prévoit, entre autres,
de faire intervenir des agriculteurs "connectés" (parfois d'anciens élèves) auprès des
étudiants ingénieurs agronomes lors de tables rondes autour des outils numériques, et
d'encadrer des projets d'ingénieur sur l'analyse des réseaux sociaux pour faire de la traque à
l'innovation et identifier les problématiques agroécologiques actuelles, qui pourraient être
les bases de futurs programmes de recherche. La présence du Mas Numérique, une
exploitation viticole appartenant à Supagro et servant de plate-forme de test et de
démonstration des outils numériques disponibles pour la vigne est une aubaine, puisqu'elle
pourra servir de vitrine pour les outils que nous pourrons développer, et nous permettra
65
également d'entrer en contact avec des viticulteurs curieux des technologies numériques,
avec qui nous pourrions collaborer pour de nouveaux développements. Par ailleurs, la
présence dans l'équipe d'une ingénieure de recherches qui co-anime le RMT
AgroforesterieS et travaille à la DipSO (Direction pour la Science Ouverte) est une chance
pour ouvrir nos recherches à la fois vers les agriculteurs et conseillers et vers les citoyens.
Les autres chercheurs ne sont pas en reste, car nous disposons dans l'unité d'une très bonne
culture de l'analyse et de la gestion de la complexité (y compris via le développement de
modèles) ainsi que d'une bonne expérience des recherches participatives. Le fait que nous
soyons une unité mixte de recherche sous cotutelle du CIRAD, avec des chercheurs
travaillant sur les systèmes agroforestiers complexes à base de café ou de cacao est
également un élément favorable car ces systèmes n'ont pas subi l'appauvrissement
drastique qu'ont subi les systèmes occidentaux et pourraient être sources d'inspiration
pour la rediversification de nos systèmes agricoles, tandis que les outils numériques
développés pour observer, comprendre et planifier cette biodiversité pourraient également
nous être utiles.
66
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