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T h a l è s
Θ Α Λ Η Σ Milet, -584.05.28
Léo Dubal
Nîmes, +2024.01.01
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Que savons-nous de Thalès de Milet ?
Comment a-t-il pu prédire au roi lydien Alyattès l’éclipse de soleil qui mit
fin à la guerre lydo-mède, alors que Thalès ne connaissait pas encore le Saros,
cette période de 223 lunaisons permettant de la prédiction des éclipses?
La réponse est claire: toute prévision découlant d’une règle établie sur un
nombre restreint d’observations est exposée à l’erreur, ce qui n’exclut pas
parfois le succès ! Même si aucune de ses notes n’a été retrouvée, Thalès a dû
noter avec soin ses observations des phénomènes naturels, telles les dates des
éclipses de soleil.
Il faut rappeler que l’observation à l’œil nu d’éclipses partielles de soleil
exige que le soleil soit bas sur l’horizon, ou filtré, par exemple, par les feuilles
d’un arbre et projeté sur une surface claire ou alors filtré par les nuages.
Après avoir observé une éclipse de soleil, Thalès a dû s’interroger sur
le plus petit nombre de jours qu’il faut attendre pour qu’une nouvelle éclipse se
produise. La liste des éclipses de soleil qu’il a pu observer à Milet - sous
réserve d’une météo favorable - est donnée dans le tableau suivant :
2
Le tableau ci-dessus, indique que les plus petits nombres que Thalès a pu
trouver sont 503 ou 533 jours (soit 17 ou 18 lunaisons).
Sans aucune justification physique, on dira qu’il existe, en un site donné,
une tendance statistique des éclipses de soleil au regroupement dans le temps.
Ces clusters ne sont pas exclusivement de 18 lunaisons, comme les 2
éclipses partielles, à Milet, les -596.07.09 & -595.12.23 ou récemment les 2
éclipses totales observées à Kikombo, en Angola, les +2001.07.21 &
+2002.12.04, mais aussi de 12 lunaisons, comme les 2 éclipses partielles que
l’on observera à Nîmes à 96% le +2026.08.12/19:25h et à 71% le +2027.08.02/
10:01h, voire de 6 lunaisons, comme les 2 premières éclipses, partielles à 17%,
qu’enfant j’ai observées à Genève à l’aide d’une plaquette de verre noircie à la
bougie, les +1951.09.01 & +1952.02.25.
Ainsi, à défaut de connaissances plus approfondies, Thalès s’est aventuré
à faire le pronostic qui l’a rendu célèbre: une éclipse aura lieu le 28 mai -584,
soit 18 lunaisons après celle du 14 décembre -586.
Six siècles plus tard, alors que le calcul astronomique de la date d’une
éclipse de soleil avait été maîtrisé (la date seulement, mais pas encore la
phase !), l’éclipse de Thalès a été rétrodatée par Pline l’ancien: l’an CLXX de
l’ère de la fondation de Rome. Cependant, ce n’est qu’en juin 2023 que nous
sommes parvenus, grâce au logiciel 5MCSE de rétrodiction des éclipses de soleil
de Xavier JUBIER, à reconstituer la règle empirique suivie par Thalès.
Alors pourquoi l’éclipse de Thalès a-t-elle provoqué tant de
controverses ?
La réponse est à nouveau simple: aucun écrit de Thalès ou contemporains
à Thalès ne nous est parvenu, et sans la rétrodiction de Pline l’Ancien, même la
date de l’éclipse resterait incertaine.
Il existe cependant des artefacts contemporains de Thalès, porteurs d’une
représentation iconique d’une éclipse de soleil !
Tout d’abord examinons le plus ancien coin monétaire « avers » retrouvé
à ce jour. Il provient de l’atelier de Sardes s/Pactole, la capitale de la Lydie, et
date du règne de Crésus, fils d’Alyatte.
Sur la pièce frappée à l’aide de ce coin, on distingue, au dessus de l’œil du
lion, un petit disque auréolé de rayons.
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Cette pièce est en électrum, un alliage d’or et d’argent provenant de la
rivière Pactole. Le flan utilisé était d’un tiers de statère, soit 4,75 g, le poids
certifié utilisé à l’époque, et disponible en grand nombre. Notons que les pièces
anépigraphiques frappées sous Crésus diffèrent fortement des pièces
épigraphiques frappées sous Alyattès. Sur ces dernières, le disque sur l’œil des
lions n’a pas de rayon et représente manifestement l’éclipse de soleil qui a
permis à Alyattès de s’imposer comme le roi des rois.
Le nom grec Alyattès se dit VALVET en Lydien et signifie « lion ». En
dessous de la pièce avec le lion regardant vers la droite et de celle vers la gauche
est présenté le photomontage de ces 2 pièces par superposition à 76% d’opacité.
Ce montage révèle l’ensemble sous-jacent de la carte de prestige distribuée aux
alliés du monarque.
La surface d’un flan n’étant pas assez grande pour couvrir l’ensemble de
la partie gravée du coin, la frappe de 2 flans a été nécessaire. Parmi les
nombreuses pièces circulant encore aujourd’hui, seules ces deux-là ont, sans
ambiguité, été frappées sur le même coin !
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Une question subsiste. Pourquoi Thalès a-t-il prévenu le roi Alyattès de la
venue d’une éclipse?
Il semblerait que les bandes armées du roi lydien avaient chaque année
l’habitude de piller les récoltes autour de Milet, sans oser pour autant s’emparer
de la ville qui était déjà une puissance maritime.
Nous supposerons donc que Thalès, en fin stratège, ait passé un accord de
bon voisinage avec Alyattès. Le pari était risqué, mais s’est révélé payant car la
zone centrale de cette éclipse passait entre Milet et la rivière Halys.
Examinons le film de l’éclipse à l’emplacement (marqué ) du champs
de bataille des armées Lydienne et Mède sur la rivière Halys:
Heure
locale
Montée Lune
devant Soleil
Contact
Hauteur
Soleil
17 :00
C1
19°
17 :56
Max
98,4%
9°
18 :40
C4
0°
18 :52
Coucher
-0,3°
Pour ce site, le logiciel 5MCSE illustre les étapes du transit de la Lune
devant le Soleil en fin d’après-midi du 28 mai -584. Il y eu un double coucher
de Soleil: passé le maximum d’obscurité, le soleil réapparu pour près d’une
heure.
Grisé par ce succès et fort de son théorème, il n’est pas exclu que Thalès
ait interprété les éclipses de -602 & -584, cataloguées SAROS 57/-05 & 57/-04,
comme relevant d’une proportionnalité propre aux éclipses de soleil: celle entre
une haute fréquence de 18 mois lunaires et d’une basse fréquence de 18 années
solaires. La connaissance des 2 premières entrées d’éclipses solaires des
Chroniques chinoises ont même pu conforter Thalès dans cette trop hâtive
déduction. Ce savoir hypothétique serait lui une retombée de l’exportation, de
Phénicie en Chine, des perles de verre coloré, telles celles trouvées dans la
tombe de l’épouse du Prince Fuchai de l’état de Wu, dans le Henan.
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Les 2 éclipses chinoises correspondent à celles de -708.08.17 &
-600.09.20, soit SAROS 44/07 & 44/13. Dans cette hypothèse, ce serait Thalès
et non des astronomes babyloniens qui aurait découvert le cycle du Saros !
Ici se termine la partie « factuelle » de la biographie de Thalès.
Tout en rappelant que l’on ne prête qu’aux riches, d’autres prouesses
scientifiques attribuées à Thalès méritent d’être contées.
Les origines de Thalès
L’astronome et marchand Thalès serait le descendant de la famille
phénicienne des Thélides, l’une des plus illustres de Phénicie, et issue elle-
même de Cadmus d’Agénor. Il serait né à Milet vers -623. Thalès fonda dans
cette ville une école, où il transmit ses enseignements à de nombreux élèves, tel
Pythagore, un autre phénicien, né à Tyr ou Samos.
Voici le plus ancien portrait de lui qui nous soit parvenu. Il date de huit
siècles après l’éclipse.
Sur cette mosaïque trouvée près de Baalbek, Thalès y figure comme l’un
des 7 sages de l’antiquité. La maxime en exergue se lit :
Qui cautionne sera ruiné.
Thalès en Egypte
Une autre saga relate que, dans sa jeunesse, Thalès, après avoir remonté le
Nil jusqu’au plateau de Gizeh, eût été impressionné par la grande pyramide et
aurait cherché à relever le défi lancé par le Pharaon (qui ne pouvait être que
Nékao II) de mesurer cette hauteur.
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Thalès démontra que, lorsque sa propre ombre projetée sur le sol égale sa
taille, soit une longueur de 1 Thalès, c’est également le cas pour l’ombre de la
grande pyramide. Il mesura la longueur de cette ombre comme étant 85 Thalès,
et détermina ainsi la hauteur de la pyramide.
Par la suite, Thalès ou ses disciples généralisèrent cette découverte, ce qui
est appelé, dans le monde francophone, le Théorème de Thalès.
Le premier savant
Pour la transcription de ses observations, on peut supposer que le digne
descendant de Cadmus, ait utilisé un système numérique, proche du système dit
milétien :
Ce système est très ingénieux car indépendant du sens de la lecture :
533 peut s’écrire soit , soit .
Thalès n’aurait pas seulement étudié la fréquence des éclipses de soleil,
mais aussi celle d’autres évènements naturels tels que les nouvelles lunes,
les solstices, les équinoxes, et la longueur de l’année solaire. Le seul calendrier
solaire de l’époque, le calendrier nilotique d’Imhotep, n’avait que 360 & 5 jours
épagomènes. Il se pourrait bien que l’on doive à Thalès l’ajout tous les 4 ans
d’un 6ème jour épagomène. Ce ne sera que 3 siècles plus tard, en -237, que par
décret, Ptolémée III introduira officiellement cette importante découverte
calendaire.
L’homme d’affaire avisé
À la sortie d'un hiver très rigoureux, Thalès remarqua que la récolte
d'olives s'annonçait très prometteuse. Il réserva alors tous les moulins à huile de
la région.
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La saison de la récolte venue, il les loua à prix d'or aux producteurs
d’olives, et devint riche !
Est-ce Thalès qui sugéra à Alyattès de frapper monnaie ? Nous ne le
savons pas.
Ce dont nous sommes sûrs, c’est que les Milétiens, avec ou sans Thalès,
récupérèrent très vite l’idée d’une monnaie, non plus seulement de prestige,
mais encore comme l’outil idéal pour le commerce. L’icône léonine a été
adoptée en tant que métaphore de ce dernier assurant ses arrières.
Le statère de 14 g au lion biface est, lui, une innovation, qui sera plus tard
déclarée romaine sous le nom de Janus!
Quoi qu’il en soit, Thalès de Milet reste un des précurseurs de la
démarche scientifique moderne.
Léo Dubal est né à Genève.
En 1967, il obtint le doctorat en physique des hautes énergies
au CERN, le Centre Européen de Recherches Nucléaires.
Depuis, Léo Dubal a été très actif dans un large spectre
d’activités de recherche allant de la haute technologie à la
sémiologie.
En 2000, retraité, il lance le site https://www.archaeometry.org
dédié principalement à la lecture des artefacts anciens.
Depuis 2006, il réside à Nîmes.