Résumé : Depuis le milieu des années 2010, alors que l’industrie télévisuelle est marquée par le développement des plateformes de VOD et l’augmentation sans précédent de l’offre sérielle, les séries dystopiques se multiplient et séduisent un large public. Traditionnellement entendues comme des discours d’alerte reflétant des angoisses contemporaines, les dystopies permettent à leurs auteurs de formuler des critiques et inquiétudes quant aux orientations que prennent leurs sociétés contemporaines. Mais que devient cette dimension critique et politique lorsqu'elle est le produit d’industries culturelles, régies par des logiques de séduction de l’attention ? Cette thèse en Science de l’information et de la communication interroge les séries dystopiques comme vecteurs de réflexivité sociale et politique en se concentrant sur trois références du genre : Black Mirror (Channel 4, 2011–2014 ; Netflix, 2016–en cours), The Handmaid’s Tale (Hulu, 2017–en cours) et The 100 (2014–2020). Afin de saisir la manière dont elles sont susceptibles de reconfigurer les grilles de lecture de l’actualité sociale et politique et de conduire à la création d’arènes publiques alternatives spécifiques à leurs contenus, ce travail interroge le cycle de vie de chaque série : leur contexte de production et leur promotion, les représentations dystopiques des problèmes publics mis en récit, leur réception et leur mise en conversation en ligne. Plusieurs méthodes sont déployées, parmi lesquelles l’analyse des représentations mises en récit, l’étude de leur réception à partir de quarante entretiens – conduits auprès de critiques de séries français, de sériephiles et de fans –, ainsi qu’une ethnographie en ligne de trois groupes Facebook dédiés à ces séries.