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AJ PénalAJ Pénal
Novembre 2022Novembre 2022
547
Données chirées Sous la direction scientifique de Jean-Paul Jean
L’homicide représente l’atteinte aux personnes
la plus grave. Il correspond au fait de donner volon-
tairement la mort à autrui et est, pour cette raison,
associé aux plus hautes sanctions pénales dans une
grande majorité des pays. Ce crime suscite ainsi
l’intérêt de nombreux chercheurs qui, pour la plu-
part, le considèrent comme la meilleure mesure du
niveau de violence générale d’une société 1.
Généralement, les études sur le sujet analysent
l’homicide comme une infraction homogène, alors
qu’il s’agit d’un crime protéiforme comme l’il-
lustrent les manifestations diverses qu’il peut
prendre : homicides familiaux, conjugaux, résultant d’alterca-
tions, pour des motifs sexuels, à des fins de vol ou encore de rè-
glement de comptes. Si l’issue de ces faits est la même, la mort
violente de la victime, leurs circonstances et leurs modes opéra-
toires (par arme blanche, par strangulation, par arme à feu ou
encore les homicides sans contact tel l’empoisonnement) peuvent
considérablement varier, au point de disqualifier la perspective de
les analyser de manière conjointe.
Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime
(ONUDC), les armes à feu sont impliquées dans plus de la moi-
tié des homicides volontaires commis dans le monde (54 %) 2. Si
ce pourcentage est moins élevé en France, où l’on compte 27 %
d’homicides par arme à feu sur les 1 689 homicides volontaires
recensés au total pour 2019 et 2020 3, ce type d’homicides n’en
demeure pas moins fréquent et leur aspect spectaculaire et mé-
diatique est renforcé par une tradition prohibitive du port d’arme.
Il peut donc apparaître légitime d’étudier ce phénomène criminel
plus en détail.
Les études internationales sur les homicides par arme à feu
tendent, pour la plupart, à examiner l’influence de divers facteurs
sur les taux de ce type d’homicides. Elles visent en particulier à
savoir si la prévention, passant par un contrôle plus strict de la
disponibilité des armes à feu, contribue à réduire ce type d’ho-
micides 4. La plupart des résultats suggèrent notamment qu’une
association significative et négative existe entre le niveau de dis-
ponibilité des armes à feu et les taux d’homicides par ce moyen.
En d’autres termes, plus le contrôle est strict, moins il y a d’homi-
cides par arme à feu 5.
L’intérêt de telles études n’est pas discutable. Toutefois, un grand
nombre d’entre elles sont peu détaillées et portent sur des com-
paraisons effectuées à l’échelle internationale. On recense peu
d’études s’intéressant particulièrement aux homicides par arme à
feu à un niveau strictement national. On en trouve cependant dans
certains pays européens 6 (Suède, Autriche, Angleterre et Pays de
Galles, etc.). Ce type d’informations, à notre connaissance, n’exis-
taient pas pour la France.
Le présent article expose ainsi une analyse descriptive détaillée
de ce crime spécifique qu’est l’homicide par arme à feu, à partir
de données inédites en France.
L’homicide volontaire est une atteinte d’une gravité exceptionnelle pourtant peu documentée
enFrance. L’usage d’une arme à feu pour la commission de l’homicide constitue une circonstance
aggravante. Cet article propose une analyse descriptive détaillée de ce type d’homicides, à partir
dedonnées inédites en France.
par Aurélien LangladeLanglade
Responsable de la cellule de recherche et d’analyse criminologiques de la sous-direction de la lutte contre la criminalité
organisée, direction centrale de la police judiciaire
Keltoume LarchetLarchet
Adjointe au responsable de la cellule de recherche et d’analyse criminologiques de la sous-direction de la lutte
contre la criminalité organisée, direction centrale de la police judiciaire
CaraCtéristiques des homiCides Commis
aveCarme à feu en franCe
(1) W. A. Pridemore,
A methodological addition to the cross-national
empirical literature on social structure and homicide : A first test
of the poverty-homicide thesis
, Criminology 2019. 133 ; M. Ouimet,
Un monde d’homicides, Champ pénal 2011, vol. VIII ; M. Liem, et
W. Pridemore,
Handbook of European Homicide Research
, Springer ;
A. Langlade, V. Delbecque, et C. Soullez, La mesure de l’homicide
en France, Cah. sécu. just. 2017. 6. ; M. Ouimet, A. Langlade, et
C. Chabot, La théorie dynamique de la violence : comment de
mauvaises conditions sociales et le contrôle social formel influencent
les variations du niveau de violence dans 150 pays, Cah. sécu.
just. 2017. 66.
(2) ONUDC,
Global Study on Homicide,
Vienne : UNODC Research,
2019.
(3) Les données présentées dans cet article ont été recueillies par
la cellule de recherche et d’analyse criminologiques rattachée à la
sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée de la Direction
centrale de la police judiciaire.
(4) E. Blais, I. Linteau, et M.-P. Gagné, Le contrôle des armes à feu,
les homicides et les violences armées,
in
M. Cusson, S. Guay, J. Proulx,
et F. Cortoni,
Traité des violences criminelles
, Hurtubise Hmh, 2013,
p. 651 ; C. Langmann,
Effect of firearms legislation on suicide and
homicide in Canada from 1981 to 2016
, Plos one 2020. 1.
(5) S. Hurka, et C. Knill,
Does regulation matter ? A cross-national
analysis of the impact of gun policies on homicide and suicide rates
,
Regulation and Governance 2020. 787 ; D. Semenza, R. Stansfield,
T. Steidley, et A. Mancik,
Firearm Availability, Homicide, and the
Context of Structural Disadvantage
, Homicide Studies sept. 2021, 1 ;
K. Krüsselmann, P. Aarten, et M. Liem,
Firearms and violence in Europe
– A systematic review
, Plos one 2021. 1 ; T. Kovandzic, et G. Kleck,
The
Impact of Firearm Levels on Homicide Rates : the Effects of Controlling
for Cultural Differences in Cross-National Research
, American Journal
of Criminal Justice 2021. 41.
(6) M. Killias et N. Markwalder,
Firearms and Homicide in Europe, in
M. Liem et A. Pridemore,
op. cit.
, p. 261.
AJ PénalAJ Pénal
Novembre 2022Novembre 2022
548 Des chiffres pour comprendre Données chirées
■ Les données sur les homicides
et les armes à feu
Le contrôle et la circulation
des armes à feu en France
Le décret-loi du 18 avril 1939 est considéré comme étant le fonde-
ment de la législation sur le contrôle des armes civiles 7. De nom-
breux textes (Ord. du 7 mars 1958 ; Décr. du 12 mars 1973 ; Dir. du
18 juin 1991 ; L. du 18 mars 2003, ou encore celle du 6 mars 2012)
ont, par la suite, complété, ajusté, précisé cette réglementation.
Récemment, le décret no 2021-1403 du 29 octobre 2021 est venu
renforcer les mesures d’encadrement de la détention d’armes, en
interdisant d’acquérir et de détenir des armes de guerre trans-
formées. Cet usage constitue d’ailleurs une circonstance aggra-
vante pour tous les délits et crimes liés aux violences physiques en
France 8, dont l’homicide fait partie intégrante.
Ce cadrage législatif régissant l’acquisition, la possession et donc
la circulation d’armes civiles apparaît ainsi plutôt prohibitif en
comparaison d’autres pays. Il est adossé à une classification des
armes en quatre catégories (A, B, C et D) selon leur mode d’acqui-
sition et de détention 9. Cette législation permet un contrôle strict
des armes à feu civiles.
Aujourd’hui, d’après les données issues de l’application de ges-
tion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs
d’armes 10 (Agrippa), on évalue à plus de 5,3 millions le nombre
d’armes détenues légalement en France en 2021 11. Cette esti-
mation occulte cependant un chiffre noir de circulation d’armes
à feu illégales dont il est difficile d’évaluer l’ampleur tant les ra-
mifications des filières d’approvisionnement sont complexes et
nombreuses.
L’usage d’armes à feu dans un cadre illégal
L’utilisation illégale d’armes à feu – c’est-à-dire hors cadre sportif
ou de chasse – est peu documentée en France. Il est donc com-
plexe de disposer d’un dénominateur auquel rapporter les at-
teintes commises avec armes à feu.
Les enquêtes de victimation Cadre de vie et sécurité 12 permettent
d’estimer à environ 700 000 le nombre annuel de victimes de vio-
lences physiques en dehors du ménage. Parmi celles-ci, 2 % sont
commises avec l’usage d’une arme à feu. Une autre donnée dis-
ponible l’est grâce à l’observatoire national du suicide qui a évalué
à 15 % les suicides commis par armes à feu en France en 2012 13.
Le cadre empirique qui nous intéresse dans cet article concerne
l’utilisation d’armes à feu dans des contextes de violence, d’illéga-
lité et de létalité, réunis à travers l’homicide volontaire par arme à
feu. D’après l’ONUDC, qui a uniformisé la définition de l’homicide
volontaire au niveau international, celui-ci nécessite la réunion
de trois critères : la mise à mort d’une personne par une autre
personne (élément objectif), un acte contraire à la loi (élément
juridique) et un auteur avec une intention de tuer ou de blesser
gravement la victime (élément subjectif). Dans cette acception, les
violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner font
donc partie du périmètre des homicides 14.
La cellule de recherche et d’analyse criminologiques a compilé
des informations sur les homicides commis en France en 2019 et
2020 15. Les informations recueillies, du fait de leur degré de détail
élevé, fournissent des éléments utiles à l’appréciation des homi-
cides selon leur mode opératoire et apportent ainsi un éclairage
inédit sur l’utilisation d’armes à feu dans ce type de faits.
■ L’arme à feu est
un des moyens privilégiés
pour commettre un homicide
D’après les données compilées par la cellule de re-
cherche et d’analyse criminologiques, sur les 1 689
homicides volontaires au total recensés en France
en 2019 et 2020, on estime à 27 % la proportion de
ceux commis avec arme à feu. Cela représente un
des modes opératoires les plus courants puisque
seuls les couteaux, utilisés dans 29 % des homi-
cides, le sont davantage. Le taux d’homicides par
arme à feu s’élève ainsi à 0,33 pour 100 000 habi-
tants en France.
Graphique 1. Procédés utilisés au cours Graphique 1. Procédés utilisés au cours
deshomicidesdeshomicides
Couteau
Violences
Autres types d'armes
(arme par destination, matraque...)
Autres procédés
(noyade, empoisonnement...)
Arme à feu
27 %
25 %
8 %
6 %
29 %
Champ : France entière, 2019-2020
Source : SDLCO, CRAC
Note de lecture : 27 % des homicides sont commis avec
arme à feu.
(7) J.-P. Le Moigne,
La détention des armes à feu par des particuliers en
France
, thèse, université de Reims, 2005.
(8) C. pén., art. 222-8.
(9) P. Nobles, Les armes illicites sur le territoire national. Filière
d’approvisionnement, armement des criminels et stratégie de lutte,
Cah. sécu. just. 2021, no 51, p. 85.
(10) Créée en 2007, cette application jugée obsolète (comme le rappelle
une réponse à une question parlementaire no 18266 du 9 juill. 2019)
sera prochainement remplacée par le Système d’identification des
armes (SIA) censé améliorer la traçabilité des armes.
(11) T. Ourgaud, Le contrôle des armes à feu en France. D’une politique
de réglementation à une politique publique 2.0, Cah. sécu. just. 2021,
no 51, p. 76.
(12) L’enquête cadre de vie et sécurité est une enquête en population
générale qui fut pilotée par l’INSEE et l’ONDRP entre 2007 et 2019.
(13) Observatoire national du suicide, Suicide. Connaître pour
prévenir : dimensions nationales, locales et associatives, 2e rapp., 2016.
(14) ONUDC.
Global Study on Homicide.
Vienne : UNODC Research.
2019
(15) Les données analysées dans cet article sont issues de différentes
sources opérationnelles dont les archives judiciaires. Les données
collectées sont nationales et incluent donc les faits commis en zone
police et gendarmerie.
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549
Des chiffres pour comprendre
Données chirées
Malgré une législation sur les armes à feu stricte, le
taux d’homicides par armes à feu français peut être
considéré comme étant élevé si on le compare à celui
des pays européens (Europe géographique). En effet,
il se situe à un niveau identique ou similaire à ceux
de l’Irlande, de la Lituanie, de la Turquie, de l’Islande
ou de l’Italie.
Voir Carte 1, ci-dessous.
■ Les circonstances des homicides
par arme à feu
Plus de la moitié a lieu sur la voie publique
Les homicides par arme à feu ont davantage lieu dans l’espace public
que le reste des homicides (57 % contre 35 %), et plus spécifiquement
dans la rue (52 %). Un quart d’entre eux ont lieu au domicile de la vic-
time (contre 45 % des autres types d’homicides). Dans ces cas de fi-
gure, il s’agit principalement de faits commis dans la sphère familiale.
Champ : Europe géographique
Source : ONUDC, traitement SDLCO, CRAC. Dates des données variant entre
2011 pour le Danemark et 2019-2020 pour la France.
Carte 1. Taux d’homicides (hors tentatives) pararme à feu pour 100000 habitants en EuropeCarte 1. Taux d’homicides (hors tentatives) pararme à feu pour 100000 habitants en Europe
Islande
Norvège
Suède
Finlande
Russie
Estonie
Lettonie
Lituanie
Biélorussie
Ukraine
Moldavie
Roumanie
Bulgarie
Serbie
Bosnie
-H.
Monténégro
Macédoine
Albanie
Croatie
Slovénie
Grèce
Italie
France
Espagne
Portugal
Irlande
Ecosse
Belgique
Luxembourg
Pays-Bas
Allemagne
Pologne
Rep. Tchèque
Slovaquie
Autriche
Suisse Hongrie
Angleterre et
Pays de Galles
Géorgie
Chypre
Turquie
Arménie Azerbaïdjan
Aucun homicide
0 à 0,09 pour 100 000 habitants
0,1 à 0,19 pour 100 000 habitants
0,2 à 0,29 pour 100 000 habitants
0,3 à 0,49 pour 100 000 habitants
0,5 et plus pour 100 000 habitants
Danemark
Données chiffréesDonnées chiffrées
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550 Des chiffres pour comprendre Données chirées
Graphique 2. Circonstances spatio-temporelles Graphique 2. Circonstances spatio-temporelles
des homicides par arme à feudes homicides par arme à feu
32 % des homicides
ont lieu le week-end
Matin
16 %
Matin
16 %
Après-midi
22 %
Nuit
22 %
Soir
34 %
33 % des homicides
ont lieu pendant l’été
Lieu public Lieu privé
Dont 52 % sur la voie
publique
Dont 25 % au domicile
de la victime
Champ : France entière, 2019-2020
Source : SDLCO, CRAC.
Note de lecture : 52 % des homicides commis avec arme à feu ont lieu sur
la voie publique.
Un tiers a lieu pendant l’été contre 28 % des autres faits. Les mois
de juillet et d’août sont les plus meurtriers en termes d’usage
d’armes à feu (11 % contre 10 % et 9 % pour le reste des faits)
mais pas beaucoup plus que les autres types d’homicides. De
même, les homicides par arme à feu se déroulent presque autant
de jour que de nuit, avec une très légère tendance à être davan-
tage commis pendant la nuit que le reste des homicides (56 %
contre 53 %).
Principalement liés à des activités illégales
Près de trois homicides volontaires en France sur dix sont donc
commis avec des armes à feu. Dans quelles circonstances ont-ils
lieu ?
Plus d’un tiers de ces homicides par arme à feu sont liés à des
activités illégales (34 %), ces dernières pouvant être plus ou
moins sophistiquées puisqu’englobant à la fois des conflits entre
malfaiteurs et des vols. L’appréhension du deuxième type d’homi-
cides commis avec arme à feu est moins intuitive : 27 % ont lieu
dans la sphère familiale. Ces circonstances renvoient à des morts
violentes dans le couple (entre partenaires de vie ou occasion-
nels, actuels ou passés) ainsi qu’à des homicides entre autres
membres de la famille. Par ailleurs, plus d’un cinquième (21 %)
des homicides commis avec arme à feu résulte d’altercations.
Dans la plupart de ces cas, victime et auteur se connaissent.
Graphique 3. Répartition des homicides commis Graphique 3. Répartition des homicides commis
avec arme à feu selon les circonstancesavec arme à feu selon les circonstances
Homicides liés à des activités illégales
Conflits entre malfaiteurs
À des fins crapuleuses
Homicides familiaux
Dans le couple
Entre autres membres de la famille
Homicides liés à des altercations
Entre inconnus
Entre personnes qui se connaissent
Autres types d’homicides
Non caractérisables
Homicides sexuels
Actes de terrorisme
34 %
27 %
21 %
17 %
Champ : France entière, 2019-2020
Source : SDLCO, CRAC.
Note de lecture : 34 % des homicides commis avec arme à
feu sont liés à des activités illégales.
■ Les victimes
et les mis en cause
des homicides par arme à feu
Dans 83 % des homicides par arme à feu, victime et
mis en cause se connaissent, ce qui est très légè-
rement plus le cas que dans le reste des homicides
(81 %). Cela montre à quel point l’homicide est une
infraction de proximité, même lorsqu’il est commis à
l’aide d’une arme à feu.
Surreprésentation des hommes
parmi les victimes
Les victimes d’homicides par arme à feu présentent
des caractéristiques spécifiques les distinguant des
victimes d’autres types d’homicides. Du point de vue
sociodémographique, leur genre, leur âge, leur na-
tionalité, leur lieu d’habitation ainsi que leur statut
vis-à-vis de l’emploi diffèrent. En effet, les victimes
sont plus fréquemment des hommes (78 % contre
67 % des victimes d’autres types d’homicides) ; elles
sont plutôt jeunes puisque 49 % ont moins de 36
ans. Leur moyenne d’âge (37 ans) est moins élevée
que celle des autres victimes (41 ans). On compte
57 %
1 %
42 %
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551
Des chiffres pour comprendre
Données chirées
également moins d’étrangers parmi les victimes
d’homicides par arme à feu (15 % contre 19 % de vic-
times d’homicides avec un autre mode opératoire).
29 % des victimes de ce type d’homicides est sans
emploi (contre 33 % pour les victimes d’autres ho-
micides) et 31 % d’entre elles vivent dans des villes
avec quartier de reconquête républicaine (QRR) ou
zone de sécurité prioritaire (ZSP) (contre 26 % des
victimes d’autres types d’homicides).
Du point de vue criminel, les antécédents des vic-
times diffèrent également. En effet, plus de la moi-
tié des victimes d’homicides par arme à feu sont
connues des services de police ou de gendarmerie
(57 % contre 39 % des victimes d’autres types d’ho-
micides). Elles sont 51 % à avoir des antécédents
multiples (contre 31 %). Le niveau de détail des in-
formations collectées permet de connaître le type
d’antécédents : 40 % des victimes ont des antécé-
dents de violences, contre 22 % des victimes d’autres
types d’homicides.
Près des deux tiers des mis en cause
sont connus des services de police
La quasi-totalité des mis en cause 16 pour homicides par arme à
feu sont des hommes (95 %). Ils ont en moyenne 38 ans (55 % ont
35 ans ou moins) et 12 % d’entre eux sont de nationalité étrangère
(contre 20 % des mis en cause pour d’autres types d’homicides).
Plus d’un tiers sont sans emploi (39 % contre 48 % des individus
mis en cause pour homicides sans arme à feu) et 28 % vivent dans
une ville dans laquelle il y a un QRR et/ou une ZSP.
Les personnes mises en cause pour homicides volontaires impliquant
des armes à feu ont davantage tendance que les mis en cause utili-
sant un autre procédé à avoir des antécédents policiers. La plupart
des mis en cause pour ce type d’homicides sont connus des services
de police (67 %), soit davantage que lorsqu’un autre procédé a été
utilisé (61 %). Les mis en cause ayant plus de dix antécédents sont
également plus fréquents (32 %) que dans le reste des homicides
(20 %). Dans le cas d’usage d’arme à feu, les mis en cause ont encore
davantage tendance à être connus des services de police pour des
infractions liées à la législation sur les stupéfiants (36 % contre 24 %).
(16) Un mis en cause est une personne ayant été entendue par
procès-verbal et à l’encontre de laquelle sont réunis dans la procédure
transmise au parquet des indices ou éléments graves et concordants
de culpabilité, attestant de sa participation à la commission de
l’infraction. Le statut de mis en cause ne préjuge en rien de son
éventuelle condamnation judiciaire ultérieure.
(17) L’homicide-suicide se définit comme un homicide suivi, dans les
24 heures, du suicide de l’auteur (Abramsky & Helfman, 1999).
Graphique 4. Antécédents des mis en cause selon l’usage d’arme à feuGraphique 4. Antécédents des mis en cause selon l’usage d’arme à feu
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
Homicides sans arme à feu
Homicides avec arme à feu
Antécédents
d'homicide
Antécédents
sexuels
Antécédents liés
aux stupéfiants
Antécédents
d'atteintes
aux biens
Antécédents
de violence
10 antécédents
ou plus
Antécédents
policiers
67 %
32 %
46 % 47 %
36 %
6 % 5 %
61 %
20 %
41 % 39 %
24 %
8 %
1 %
Champ : France entière, 2019-2020
Source : SDLCO, CRAC.
Note de lecture : 67 % des personnes mises en cause pour homicides avec arme à feu ont des antécédents policiers tandis que c’est le cas de
61 % des mis en cause pour homicide sans arme à feu.
Lorsqu’une arme à feu est utilisée pour commettre
un homicide, les personnes mises en cause ont
beaucoup plus tendance à se suicider (15 %) que dans lorsqu’un
autre procédé est utilisé (3 %). Dans ces cas de figure (homicide
par arme à feu suivi du suicide du mis en cause), il s’agit quasi
exclusivement d’homicides familiaux et plus précisément dans
le couple. Notons d’ailleurs que 62 % des homicides commis au
sein du couple à l’aide d’une arme à feu sont suivis du suicide de
l’auteur. Cela apparaît cohérent avec le fait que ce type d’homi-
cides représente d’après la littérature la forme la plus courante
des homicides-suicides 17.
Données chiffréesDonnées chiffrées
AJ PénalAJ Pénal
Novembre 2022Novembre 2022
552 Des chiffres pour comprendre Données chirées
(18) W. Regoeczi, L. Kennedy, et R. Silverman,
Uncleared homicides :
A Canada/United States comparison
, Homicide Studies 2000. 135 ;
T. Trussler,
Explaining the changing nature of homicide clearance in
Canada
, International Criminal Justice Review 2010, p. 366 ; B. Souidi,
Les facteurs d’élucidation des homicides. L’état des savoirs, Déviance et
Société 2018, no 42, p. 687.
(19) G. Marché,
The production of homicide solutions : an empirical
analysis
, American Journal of Economics and Sociology 1994, 4(53),
p. 385.
(20) J. Pizarro, K. Holt et K. Pelletier,
An examination of the situated
transactions of firearm homicides
, Journal of Behavioral Medicine
2019. 613.
(21) A. Geleri et M. Demirbilek,
Crime victimisation : a study into the
profile of homicide victims in Istanbul
, International Journal of Police
Science & Management 2005. 33.
(22) J. Pizarro, K. Holt et K. Pelletier,
An examination of the
situated transactions of firearm homicides
, Journal of Behavioral
Medicine 2019. 613.
■ Les modalités d’utilisation
des armes à feu
Près de la moitié des homicides avec arme à feu sont commis avec
une arme d’épaule (44 %). Cela comprend à la fois, et principale-
ment, des fusils de chasse (35 %), mais aussi des armes de guerre
(7 %). Un tiers (35 %) des armes utilisées sont des armes de poing
(c’est-à-dire pouvant être tenues d’une seule main).
L’homicide par arme à feu ne donne lieu qu’à un seul
tir dans 30 % des cas. Dans la plupart des situations,
deux à neuf tirs sont effectués (43 %). Dans 10 % des
cas, il y a dix tirs ou plus. Par ailleurs, la zone du
corps de la victime la plus touchée est la tête (33 %).
On relève un décalage entre le nombre de tirs et
le nombre d’impacts sur le corps de la victime. Le
corps de la victime ne comporte qu’un seul impact
de balle dans 42 % des cas.
Graphique 5. Nombre de tirs et d’impacts au cours des homicides par arme à feuGraphique 5. Nombre de tirs et d’impacts au cours des homicides par arme à feu
Plus de 10 tirs2 à 10 tirs1 tir 10 impacts et plus2 à 9 impacts1 impact
30 %
43 %
10 %
42 %
34 %
5 %
Champ : France entière, 2019-2020
Source : SDLCO, CRAC.
Note de lecture : dans 30 % des cas un seul tir d’arme à feu est effectué. Dans 42 % des cas un seul impact de balle est relevé sur le corps de la victime.
■ Les homicides par arme à feu
moins élucidés que les autres
L’élucidation se caractérise par l’identification et l’arrestation d’un
ou plusieurs mis en cause. Les trois quarts des homicides commis
avec arme à feu sont élucidés (75 %), soit moins que lorsqu’un autre
procédé est utilisé (86 %). Il n’est cependant pas exact de dire que
l’usage d’une arme à feu serait un facteur amoindrissant l’élucida-
tion car cela nécessiterait d’effectuer des analyses statistiques plus
poussées. Notons toutefois que la plupart des études relèvent une
élucidation moins marquée lorsqu’une arme à feu a été utilisée 18.
L’explication fournie par la littérature est la distance physique entre
victime et auteur que permet l’usage d’une arme à feu contraire-
ment à des procédés impliquant un contact et donc augmentant les
possibilités de dépôt de traces matérielles favorisant l’élucidation.
B. Souidi relève cependant une dissonance dans cette unanimité de
la littérature chez Marché 19 selon lequel l’usage d’arme à feu favo-
riserait l’élucidation en raison des « résidus balistiques qui peuvent
lier l’arme à l’auteur des faits, ou établir un rapport physique ».
Dans la plupart des cas, l’arme à feu n’est pas retrouvée sur les
lieux du crime (61 %). Selon les informations dont nous disposons,
le fait de retrouver l’arme à feu sur les lieux modifie considérable-
ment le taux d’élucidation puisque celui-ci passe à 97 % lorsque
l’arme à feu est retrouvée, contre 62 % lorsque ce n’est pas le cas.
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Lorsque des armes à feu sont utilisées pour commettre des homi-
cides, ces derniers revêtent certaines spécificités, tant en termes
de déroulement, de profils des victimes et des mis en cause qu’en
termes d’élucidation. Ces caractéristiques spéci-
fiques, ici présentées, se retrouvent également dans
les études étrangères sur le sujet : il s’agit princi-
palement d’homicides commis la nuit, sur la voie
publique 20, dans le cadre d’activités illégales 21, im-
pliquant des protagonistes masculins, jeunes et sou-
vent connus des forces de l’ordre 22. Par ailleurs, alors
que l’homicide est une atteinte de proximité, au sens
où les protagonistes ont tendance à se connaître, ce
type de procédés introduit une distance physique qui
tranche avec les configurations dans lesquelles des
armes de contact sont utilisées.
Les éléments descriptifs exposés dans cet article
gagneraient à être prolongés par des analyses visant
à identifier l’impact de l’usage d’une arme à feu au
cours d’un homicide.