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Régis LAURENT , MÉTAP H Y SIQUE DU T E MPS CHEZ ARI S T OTE , Vol. II.
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II-3) Des noûs historiques, au noûs aristotélicien : une version thrace
ou ionienne de la théorie de la connaissance ?
On pour rait commencer ce dé veloppement en partant des contradi ctions
levées précédemment, si ce n’est que la théorie des opposés est assez
complexe c hez Arist ote et qu ’elle vient fusionner av ec les t héories du
noûs dont nous voulons rendre compte. Aussi, y aurait -il une pétition de
principe à veni r ap puyer notre d éveloppem ent sur les contradictoi res
alors qu ’ils possèdent, en eux -mêm es, une dimension hist orique. Nous
partirons donc du divers historique à partir de notre modèle initial sur
les infinis. Nous avons ramené le divers historique grec à deux
mouvements essentiels, le mouve ment d ialectiqu e ir anien qui passe en
Grèce d’abord par l ’interm édiaire du myth e des r aces d ’Hésiod e485 et
ensuite par le truchement du modèle n oétique d ’Anaxagor e486 ; et un
modèle ionien qui serait appu yé sur l a culture i onienne et qui travers erait
la théori e physique – les rech erches sur la nature elles -mêmes – depuis
son ori gine en suivant la thèse de Gérar d Naddaf. Nous compr enons
aisément qu’il pourrait y a voir un conflit possible, au sein de
l’aristotélisme, ent re ces deux gra nds cour ants hi storique s qui seront
nommés tardivement et historiquemen t, « italiq ue » et « ionien »,
entraînant une fu sion fâcheuse ent re le coura nt ir anien et le courant
pythagorici en au sein de l’Académie de Platon, comme nous le verr ons.
Nous devons d’abord nous inte rroger sur le possible théorique
aristotélicien comme réceptacle du probable hist orique de ce conflit et
cela en premier lieu en int errogeant la notion d ’infini. Si, en eff et,
Aristote était consci ent de ce conflit , il devr ait d onc y avoir une fractu re
continuelle entre deux infinis dans son œuv re ; l’un ini tial qui rendrait
compte de la Création et qui s ’appuierait sur le modèl e iranien et l ’autre,
ionien, dont le terme s erait la non-régression à l ’infi ni a p arte p ost ;
l’infini néo-grec d ’Aristote devenant conséquemment , l ’inf ini du jus te
485 La pri m a uté du mythe de Prométhée devra êt r e anal ys é e au se i n de la th é o rie de s
valeur s p uisq u ’ e lle e s t au fo n d ement m a térie l de l ’ i d éolog i e a lle m a n d e.
486 Er w i n Ro hde, comme nous le verr o ns da ns notre pr ochai n trav a i l , di s ting uera
justeme n t Pyt h a gore de s pyt h a gori c i ens e n pre n a nt a c t e q u e le s « pytha g o r icie n s »
sont to u s nés après la venue d’ A naxago r e en Grèc e , alors q u e l e coura n t
« pyth a g o rique » es t a nté r i e ur et n ’est s i t ué q u ’en As i e mine ur e .
MÉTABIOLOGIE D U MOUVEMENT ENTÉ L É CHIQUE
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milieu, de la révélation, pour le dire théologiqu ement. En K, 10, 1068a
35-40, ce possible es t donné :
« L’in f i n i est, ou b i e n ce qu ’i l est imp o s sibl e d e p arcou r i r , parce q u ’il
n’est pas da n s la n a ture d’être p arco u ru, com m e l a vo ix es t in v i sibl e , ou
bien ce qu’on pe u t parco u r i r ma i s est san s fi n , ou bien ce qu ’on a pei n e
à parcou r ir, mai s q u i ne la i s se pas p a r c ouri r o u n ’a pas de f i n . Il y a
encor e l’infin i par co m posit i o n ou pa r di v i sio n , o u par le s deu x à la
fois. »
Nous avons donc q uatre infinis (hors les mixtes), ce qui est cohérent
avec la quadripartition de la causalité . La cau se efficiente est à l ’ori gine
et emp êche une ré gression à l’inf ini s elon le mouv ement, la cause finale,
empêche une pro gression à l’i nfini du mouvement comme saisie du sens
qui fait tendr e la quiddit é vers l ’univocit é et non en son contraire qui est
la polysémie infinie. Ensuite, Aristote donne les deux infini s, selon la
grandeur cette fois, division a par te po s t et a part e ante . Mod èle
étiologiqu e qui est, en outre, co rroboré par le développeme nt du livre
A487. Ce qui nou s donne l e schéma étiologiq ue suivant :
Schéma 10. Les quat re causes (dépliées)
Ca use matér ielle
Cause finale
Cause effi ciente
Cause formelle
487 « E n u n s e n s, par ca u s e n o u s e ntend o n s l a s u bstan c e fo rme l l e ou q u i d dité (e n
effet, l a ra i s o n d’ ê t r e d ’ une c h o s e s e ramèn e en d éfinit i v e à l a not i o n de c ette c h o se,
et l a rai s o n d ’être première es t c a use et princip e ) ; en un au t re se n s encore , la
cause e s t la mat i è r e ou le s u b stra t ; en u n t r o i sième sens, c’es t le p rinci p e d’ o ù pa r t
le m o u vem e n t ; en un quatr i è m e, e n fin, qu i es t l’ o pposé du trois i è me, la c ause, c’e s t
la ca u s e fina l e ou le bie n (car le bien es t la fi n de to u t e gén é r a tio n e t de to ut
mouveme n t . », A , 982a 3 0-3 , trad. J . Trico t .
ESPACE
ONTOLOGIQUE
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À l’aide de cette quadripartition, on comprend que les causes n ’ont pas le
même statut. Bien ent endu, s’il n’y a pas de mouvement
accidentell ement, comme en physique, les causes effici ente et finale
seront premières, m ais s’il n’y a pas mouvement, les causes matéri elle et
formelle s eront pr emières et fusionneront en un in fini un ique. Or, le
mouvement est mesuré par l ’intermédi aire de la grandeur, en
conséquenc e de quoi, la forme serait premi ère selon la mesure, et
seconde selon la non-mesure, sel on donc la mat ière définit ici
négativement à la forme. Toutefois, selo n le contraire, s’il n’y avait pas
mouvement, selon Aristote, la matière et la forme ne seraient pas
séparées, donc la matière ser ait forme et la forme matière, form e et
matière seraient co nfondus en une seule et même cause. Don c i l con vient
d’ajouter soit une matière à la forme soi t une for me à la matière, qui sont
les deux seuls proba bles du continu entre mouvement et non -mouv ement.
De la même maniè re, qua nd la cause finale est total ement formulée, elle
devient une cause formelle, et laisse pla ce à une nouvelle cause finale, et
cela ad infinit um. Il rester a, comme tout le mon de a pu le constater, que
nous avons qu atre infini s en mouv ement et qu e not re théorie n ’en a que
trois bien qu ’intégra nt également le mouvement, ce qui laisse à pen ser
que l’instant se ra toujours un com posé de matière (u ne) e t de fo rme
(deux). Articulons cela avec les doctrines historiques dont le Stagirite
aura fait le maximum po ur en comprendre les ori gines t ant sp atiales
(géographiques) que temporell es (historiqu es). Nous allons en premier
lieu étudier la noti on de noûs et observ er comment, par appropriation
« organi que », Aristote en fait un co ncept univoq ue alors que ce ter me
possède un e certaine diversit é, une plurivocité historico -culturelle qui a
entraîné Kant dans la pl us grande illusion tran scendantal e. Nous
appliquons ici la thèse histo rique évo quée des différents lo gos, des
différents in hérited conglom erates de Gilbert M urray dont le concept
cette fois s’encapsule dans celui de no ûs, comme « no yau dur », noya u
central, noyau fondamental d’un conglomérat culturel hérité 488.
488 No u s filo n s do n c la métap h o r e de Gi l b ert Murray e n avanç a n t qu e to u t i n h e rit e d
conglom e r a te a un no y a u a t o mique qu i es t sa co ncept i o n p r o p re du noûs. C haque
noûs de v a nt ensuit e qu a lifie r le mo u vem e nt sui gen e r i s de c haque co n glomér a t . C e l a
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Depuis le Protrep tique, Aristote associe touj ours le terme de noûs avec
le noûs d’Anaxagore , comme nous l’avo ns vu489, alors que cette notion
semble exist er bien avant l ’arriv ée d’Anaxa gore en terre grecque
continental e. Pour tant il est relativement diffi cile de s’en faire une idé e
claire et précis e puisqu e tous les dictionnaires r estent sur la réserve
lorsqu’il s ’agit d’en donne r une définit ion satisfai sante, mêm e l e
dictionnaire Ch antraine 490. On reti ent néanm oins q u’il y aurait deux
tendances interprétatives491 :
« […] l’une q u i m è n e a u νέυειν (" a c q u ie s c e r " , " faire si g ne a vec la
tête" ) , ges t e typ i q u e d e Zeu s , par leque l celu i -c i " accomp l i t s a
volont é " ; l’autre , suiv i e déjà par Eduard Schwy z e r, qu i co n du it à la
racine *sn u ("f l a i rer" ) et s u ppose p our ν όος u n e fo r m e o r i g inel l e σνό ϝ ο ς,
et, pou r ν οεῖν , σ νέϝε ν . »
n’était p a s l e sens i n i tial de ce t t e notio n . G i lber t M u r ray a va n c ait : « A l l t h roug h t
the Mi ddle Ages again there was pl e n ty of ve r y ac u t e ph i l o sophy , but it ha d t o
confo r m to th e i n h erite d co n glome r a te o f ta boos and d o g mas wh i c h w a s fo r
histo r i c a l rea s o n s d omi n a n t. A nthro p o logy ad m i n ist r a t e rs it s de p res s i n g c o rdia l t o
the extr e m e co nse r v a tive and the e x t r e me rad i c a l i n about equa l p r o p ort i o n s . I t
seems to sho w that th e th e s e inh e r ited co nglo m e r a te s have pr a c tica l l y no chance of
being true or eve n s e n sible ; and, on the oth e r h a n d , that no soc i e ty can exist
withou t th e m or e v e n sub m i t to an y d rast i c co rrect i o n of them w h ithou t so c ial
dange r . » , in « Prol e gomena to the study of ancie n t p h i losoph y », 19 36, in Gre e k
studie s , Oxford at the cl a rendo n Pr e ss, 1948, pp . 6 5 -8 6 , p . 6 7. Le co n gmoéra t hé r ité
était a l o rs m a i ntenu a u n i v e au d e s no rme s ( dogmas) et d e s vale u r s ( t a b oos ) e t
n’avai t p a s d u t o ut pour f o n c tio n de p a r t icip e r à u n e t héor i e d e l a c o nnai s s a nce.
C’est la not i o n de noû s qui semble se r v i r dans ces u n i vers tota l e ment reli g i e ux de
pivot, d ’ artic u l a tion f o ndame n t a le.
489 Il n’y a q u’Al e x a ndre d ’ Aphro d i se q ui fer a l e ra p p ort, c e nous se m b le, a v e c le
Protr e p t ique et rapp r ocher a le no ûs du De A n ima en 41 3 a 7 -8 a vec l’i n t e llect pi l o te.
En D e An i m a , 2 6-21 11 ( ed. B r uns) ce d ernie r ava n c e : « En r éalit é le p ilot e n’e s t ni
la fo r m e n i la p e r fectio n du n a vire , car l e na v i re e x iste a u ssi s a ns l e pil o t e . » L ’ â m e
serait do n c une facul t é (dunamis) e n g e ndré e à p a r tir du méla n g e alors qu e l e no û s
serait un premi e r pr inci p e di v i n. Néanmoi n s Alexandr e ne fil e que par t i e lle m e n t la
métapho r e comme u n e étoil e « f i l a nte », puis q u e si l’o n s e main t i e nt au ré c i t du
Protr e p t ique , le pilo t e n e go u v e r ne le navir e (noûs) que da n s la me s u r e o ù i l es t lu i -
même gouve r né p a r l e c i e l, c ’ est d onc le c iel qui est prin c i p e d e m esure ( No û s),
comme l e P r e mier c i el d i ra A r i stote pour le t e mps. C f. D i m i tris Papad i s ,
« L’i n t e l lect a g e nt sel o n Alexa n d r e d’Ap h r o d is e » , Revue d e p h il o s o phie a n c ienne ,
vol. 9, n ° 2, 1 9 91, p p . 13 3 -151.
490 Fabio S t e lla, « L a no t i on d’Inte l l i genc e ( Noûs - N o e în) da n s la Gr è c e a n t ique. D e
Homère a u Pl a t o nisme », M e thodo s , 16, 2 0 1 6 [E n ligne ] .
491 Fabio Ste l l a « L ’ orig i n e de s te r mes ν ό ο ς-νο ε ῖν. L ’ i n tell i g e nce c o mme s c hé ma
d’acti o n », M e thodo s , 16 , 2016 [ E n li g n e éga l e ment] . L’aut e ur ci t e les t r avaux d u
philolo g u e E d uard Sc h wyzer sa n s en do n n er les référe n c es ( E. Sch w y z e r, Fests c h r ift
für P. K r etsch m e r : B eiträ g e zu r griech i s chen u n d latei n i s chen S p ra c h f o rsch u n g
(Berli n , 19 2 6, p . 247) ; p o ur l e s spécia l i stes, on pe u t me n t ion n e r le p r e mier cha p i tre
en li g ne su r le site de l’ u n i versi t é d’H a r vard : « for m a l evid e nce fo r th e ety m o l o gy
of Greek noo s » : http s : / /chs. h a r vard. e du/c h a p ter/ 1 -for m a l -evi d e nce- f o r -the -
etymolo g y -of-gree k -noo s / , d u livre de Dougla s Fr a me i ntitul é The Myth of Re turn in
Early Greek Epic : h tt p s: / /c h s. h ar v ar d .e d u/ b oo k/ fr a me - d ou g la s -t h e- m yt h -of-ret u r n-
in-earl y - gree k -epic/
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La d euxième tendan ce qui rapp roche le noos grec du « noz » an glais,
rapprocherait « l’intelligence » de la « non-intel ligence » au sens
aristotélicien, c’est- à-dire de la pha ntasia, qui gouver ne la partie
irrationnelle de l ’âme au sei n de sa modélisatio n, comme le rep rendra
Heidegger 492. Si, p ar ailleurs, je cite da ns le même arti cle :
« Nόος ne signifie jamais, même dans les cas où il corr espond à l’aor iste
du verbe νοεῖν, un e décision mom entanée mais implique toujours une
sorte de vi sion à long terme . », on comprend qu e cette « vision » serait
spatiale et tempor elle, ce que l ’on range du côté d u concept de
« continu », qu’il soit spatial ou temporel, à l’opposé du noûs
d’Anaxagore qui n’art icule que des parties et forme et contrôle du
discontinu, comme nous le verrons. C ’est vraim ent brill amment que
Fabio Stella compare cet acquis de l’anal yse de Gadamer qui insiste
davantage s ur l ’objet, comme t e kmerion, que sur la phantas ia, c omme
liaison de parties tirées de la mémoire493 :
« […] ν ο ε ῖ ν sem b l e corre s p o ndre à q u elqu e c hose c o m me, pa r e x emple ,
l’action du ch e vreu i l qui se me t à fl a irer et qu i "décèl e " quelqu e chose ,
au sen s où n o u s d i r ions : "il y a là q u elque c hose. " Te l l e est la fa ç o n
dont le s animaux re p ère n t le dange r , non cer t e s en reco n n a is s a n t ce qu e
c’est, mais en senta n t q u ’il y a là q u e l q ue chose de mena ç a n t. Il s ’a g it
ici d ’u ne p ercep t i o n t r ès s e n sib l e , s i bi e n qu ’el le d e m e ure ind i v i d uell e et
compl è t e m ent c a c hée au x autre s ê tres. »
Il y aurait alo rs bien un e dualité sémique, l’une renvo yant à la vision
transcendantale des dieux qui acquiescent et l’autre à la vi sion
immanente des ho mmes qui dénote le monde-ci déict iquement par l e
geste. Si ce n’est que les dieux grecs n ’ont ét é créés que pour voir ce que
l’œil hu main ne pouva it pas voir. Les dieux des hum ains voient ce que
nous ne pouvons vo ir enco re de telle mani ère que c ette division n ’est
qu’apparente p uisqu’ils perçoiv ent final ement de la m ême maniè re que
492 « De l à v i e n t qu e νόο ς et ν ο ῦς n e sig n i fient p a s o r igine l l e ment c e qu i se d e ssine r a
plus tard co mme la Raison. Νόος signi f i e le Senti m e n t, qu i se se n t po rté à qu e l q ue
chose et le p rend à cœur. C’e s t pourquo i νο εῖν sig n ifie au s si c e que no us en t e n dons
par "fla i r e r" e t " flai r " . Il est v r a i q ue no u s e mployo n s c e mo t p l u tôt po u r les
animau x , l es bête s s a uva g e s », i n M a rtin H e i d egger , Qu’app e l le-t - o n pens e r ?,
tradui t p a r Al o ys Bec k e r et G é r ard G r anel, P U F, 1 9 7 3, p. 258.
493 N o te 19. Ha ns-G e o rg Gad a mer (20 0 1 ), Au co m menc e m e nt de la ph ilo s o p hie. Po u r
une le c t u re d e s pré s o c ratiqu e s , t r aduit p ar Pi e r r e Fr u c h o n, P a r is, Se u il, p . 137.
MÉTABIOLOGIE D U MOUVEMENT ENTÉ L É CHIQUE
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nous ma is sur d es obj ets que nous ne pouvons pas voir ac tuellement .
Jacob Burckhardt , l e m aître de Nietzsche à Bâle, nous apprend qu’on
qualifiait déjà les Grecs de « peupl e d e l ’œil » en rappelant comment
Homère avait été aveuglé par la cu irasse d’A chille fabriquée par
Héphaïstos 494. Au re gard de l’humain donc les hommes ne vo ient que le
visible alors que les dieux voient l ’invisible. Ul ysse doit montrer sa
cicatrice pour prouver qu ’il est bien rattachabl e à une lignée reconnue
par sa vill e natal e et cela san s recou rs à la dimension sacrale
(commentai res de textes obs curs, observ ation de sign es dans la nature,
etc.). C’est pourquoi tout l’invisible pourrait devenir visibl e en
augmentant la puissance de voir de l’homme. Ce qu’Ari stote contestera
en avançant 495 :
« En o u t r e, c e r tain e s choses s o n t de s rap p o rts s e l o n la p r i vatio n d e
puissa n c e, c o mme l’impos s i b le e t tout c e q u’o n a p pelle ai n s i, p ar
exemp l e l ’invi s i ble. »
L’invisibl e en tant qu ’invisible est priv é de puissan ce et ne peut donc
jamais être en acte496. Alo rs si l’œil ne peut percevoi r, faut -il se tour ner
vers la perception du n ez qui introduit le deuxième sens du noûs
strictement humain cette fois ? Peut- on « flai rer » quelque chose ici qui
ne soit pas le jeu du lan gage (du possi ble) et de son ra pport
signans/si gnatum introduit par le platonisme ta rdif d’un saint Augustin
et repris par de S aussure ? Qu’est -ce qu i est impossible et qui « est »
néanmoins puis que non encore vis ible mais susceptible d ’être pri s en
compte p ar l a puissance et donc sus ceptible « d’arriver » d ans l e sens
qu’en donn e Paul Viri lio ? Nous s ommes obligés de fracturer le si gne, ce
qui n’es t qu ’une conséquence de la fract ure du noûs. Le no ûs
d’Anaxagore introduit le séméion (σημεῖον) alors que l e noûs ionien
introduit le tekmer i on (τε κμήριον) et que le signe augustinien n’est que
l’eikos (εἰκώς, le possiblant ), comme mixte usuel. Le séméio n, e ncapsulé
494 Jac o b Burc k h ardt , Hi s<