Cet article s’intéresse à une diaspora commerçante érigée au rang de catégorie analytique par l’anthropologue Abner Cohen à la fin des années 1960. On doit cependant à l’historien Philip D. Curtin, par le biais de son désormais classique Cross-Cultural Trade in The World History publié en 1984, la bonne fortune que connaît l’étude des diasporas commerciales à l’ère moderne. Ici, le cas de la
... [Show full abstract] diaspora marchande des Jula s’inscrit néanmoins dans une perspective différente. Il s’agit moins en effet d’une histoire économique que d’une enquête sur la production des savoirs et de la connaissance relatifs à l’identité jula, en considérant le temps comme un principe de construction et de déploiement de cette identité. Comment se sédimente-t-elle à travers les âges et quelles sont les interactions qui la façonnent ? Pour rendre compte de cette histoire de production des savoirs, j’ai choisi comme horizon théorique la perspective interactionniste de Fredrik Barth qui permet de mieux penser l’enchevêtrement et l’interdépendance des identités dans les espaces et le temps des contextes migratoires. Les processus sociaux de la « fabrique des identités » s’en éclaircissent d’autant mieux que Barth privilégie le caractère éminemment relationnel des réalités sociales et que, dans cette optique, les notions de culture et d’identité perdent toute connotation essentialiste pour designer principalement des pratiques contingentes au sein et entre des groupements humains culturellement différents même si devenus, par la migration, coprésents sur un territoire. Cet angle de vue met en lumière les interactions qui se déroulent à la frontière symbolique de l’ethnicité et m’écarte de ce que le sociologue Rogers Brubaker appelle le « groupisme ». M’appuyant sur des sources narratives européennes, arabes et africaines et la littérature savante existante, je me propose de pister au cours de la période étudiée (1500-1900) les lignes de force de la fabrication de l’identité jula en Afrique de l’Ouest.