Content uploaded by Raphael De Vittoris
Author content
All content in this area was uploaded by Raphael De Vittoris on Jan 13, 2025
Content may be subject to copyright.
1
RESTRICTED
Sensemaking et qualité décisionnelle dans les cellules de crises : le cas
de Michelin
Sensemaking and decision-making quality in crisis cells: the case of
Michelin
De Vittoris Raphaël
Crisis Manager Michelin, Clermont Ferrand, France
raphael.de_vittoris@uca.fr - https://orcid.org/0000-0002-5181-1597 -
https://www.linkedin.com/in/rapha%C3%ABl-de-vittoris-78698ba6/
Lissillour Raphaël – correspondant
Professeur associé, IPAG Business School, Paris, France
r.lissillour@ipag.fr - https://orcid.org/0000-0001-6952-0774 -
https://www.linkedin.com/in/raphael-lissillour-8266229b/
Bousquet Carole
Professeur assistant, IDRAC Business School, Lyon, France
carole.bousquet@idraclyon.com - https://orcid.org/0000-0002-6861-3861 -
https://www.linkedin.com/in/carole-bousquet-7445b891/
Résumé
A partir d’une recherche-intervention de 8 années au sein des sites Michelin (2012-
2020), en Chine, nous remettons en cause la généralité du concept du sensemaking.
L’étude de la littérature nous permet de nous aligner avec les auteurs qui ont
commencé à en étudier les sous-concepts, à ceci près que nous y associons les
méthodologies et les outils mobilisés en gestion de crise. Dans le cadre des
simulations de crises logistiques, nous décryptons le fonctionnement des cellules
de crise en identifiant les différents leviers contributifs aux sensemaking
automatique, algorithmique, improvisé et réflectif. En explicitant leurs rôles et
typologies, les résultats permettent de préciser leur importance dans la
2
RESTRICTED
compréhension et l’amélioration de la qualité décisionnelle de la cellule en milieu
industriel.
Mots clés : cellule de crise, sensemaking, simulation, logistique, qualité
décisionnelle
Abstract
Based on an 8-year intervention-research within Michelin sites (2012-2019), in
China, we question the generality of the sensemaking concept. The study of the
literature allows us to align with the authors who have begun to study the sub-
concepts of sensemaking, except that we associate the methodologies and tools
used in crisis management with sensemaking. In the context of logistical crisis
simulations, we decipher the functioning of crisis cells by identifying the different
levers that contribute to automatic, algorithmic, improvised, and reflective
sensemaking. By explaining their roles and typologies, the results clarify their
importance in understanding and improving the quality of cell decision-making in
an industrial environment.
Keywords: crisis cell, sensemaking, simulation, decision-making quality
Introduction
Ces dernières années n’ont épargné ni les hommes, ni les organisations. La gestion
de crise, particulièrement étudiée à la suite de la crise financière de 2008 (Höllerer et al.
2018) est devenue une composante stratégique pour toutes les entreprises,
particulièrement mise en exergue lors de la pandémie mondiale en 2020 et du conflit
Russo-Ukrainien en 2022. Face à de tels évènements qui plongent des nations entières
dans l’incertitude, les entreprises doivent créer du sens dans un contexte de crise(s)
systémique(s) et développer une flexibilité inédite, non seulement en termes d’action
mais aussi de décision (Alves et al. 2020 ; van Laere et Lindblom 2019). Le cas du Covid-
19 illustre cela parfaitement, avec des conséquences non seulement sanitaires mais
3
RESTRICTED
logistiques, politiques, scientifiques, économiques et sécuritaires (Weible et al. 2020).
Cette notion de « mégacrise », initialement proposé par Cadwell (1972) puis Lagadec
(2015) permet de considérer la crise comme un évènement d’ampleur mondial ayant un
impact massif sur les nations et les organisations (Boin et al., 2016, 2018). Le concept a
été développé par Yen et Salmon (2017) qui l’ont défini comme « un ensemble de crises
en interaction, dont l’impact est grave, la nature complexe, et les retombées mondiales,
sans points de départ ni d’arrivée distincts ».
De ce fait, la recherche de sens et les théories du sensemaking (Weick 1988), ainsi que
celles liées à l’apprentissage en situation de crise (Pergel et Psychogios 2013) ont un rôle
central à jouer dans la capacité des équipes et des entreprises à agir rapidement et
efficacement. Toutefois, ces théories ne semblent pas être en résonance avec la réalité du
terrain car elles concèdent le facteur imprédictible des crises comme manifeste, voire
central, mais elles ne tentent nullement de l’expliquer (De Vittoris 2020) ni d’y apporter
des solutions concrètes. En effet si l’incertitude et l’ambiguïté sont constatées comme
manifestation d’un « brouillard de guerre » évoqué par Clausewitz dès 1832, l’explication
de l’imprévisibilité des crises associée à la perte de repères n’a que très rarement fait
l’objet de recherche d’analyse alliant les sciences de gestion aux sciences cognitives (De
Vittoris, 2021). Par ailleurs, la simulation de crise est un outil indispensable pour garantir
un apprentissage et une résilience accrue de l’organisation vis-à-vis des crises (Lagadec
2001) tout en développant leur qualité décisionnelle ainsi que le sensemaking. Les
bénéfices de cette approche pédagogique ont été démontrés pour la gestion des chaînes
logistiques de plus en plus globalisées et multifactorielles (Thi le Hoa 2015). S’ils sont
catégoriques sur le bénéfice tiré des simulations de crise, certains auteurs s’interrogent
néanmoins sur la nature de celles-ci : « est-ce que les simulations améliorent la capacité
des organisations d’éviter ou de manager les crises ? » (Wybo 2006, 2018). De ce fait,
4
RESTRICTED
nous questionnons ce lien entre qualité décisionnelle et sensemaking au sein de la cellule
de crise et cherchons à comprendre comment les leviers de la simulation de crise
contribuent au sensemaking, voire aux différents types de sensemaking identifiés (Schildt
et al. 2020) : automatique, algorithmique, improvisé et délibéré.
Nous formulons ainsi la question de recherche suivante : à quelles typologies de
sensemaking correspondent les différents leviers contributifs de la qualité décisionnelle
de la cellule de crise ?
Pour répondre à cette question, notre article s’appuie sur une recherche-intervention
longitudinale réalisée au sein de l’entreprise Michelin entre 2012 et 2020 ; sur les sites
chinois de l’usine de Shenyang (Liaoning) en 2012 et 2013 et du siège régional de
Shanghai entre 2015 et 2020. Notre analyse repose sur des données récoltées pendant les
simulations en cellule de crise et des observations directes participantes sur une période
de huit ans. Notre première partie, qui porte sur une revue de la littérature du sensemaking
et de la simulation de crise dans une approche d’amélioration de la qualité décisionnelle,
nous permet de formuler nos propositions de recherche. Nous présenterons ensuite la
méthodologie mobilisée pour cette étude de cas. Ensuite, nous aborderons les résultats
observés et leur analyse. La quatrième section sera consacrée à la discussion de chaque
proposition de recherche pour conclure sur les contributions théoriques et implications
managériales de cette étude.
Revue de littérature : sensemaking et simulation au service de la qualité
décisionnelle
Nous proposons une revue diversifiée de la littérature du sensemaking selon les
sous-ensembles qui constituent le phénomène ainsi que son expression via des leviers
5
RESTRICTED
physiques ou physiologiques. Nous sollicitons également la littérature de la simulation de
crise aussi bien au niveau de ses apports pédagogiques que de la perspective cognitiviste
et psychologique qu’elle permet.
Le sensemaking et ses différentes typologies
Sur le plan conceptuel, la recherche sur le sensemaking (Brown, Colvill et Pye 2015 ;
Maitlis et Christianson 2014) présente ce dernier comme la mise entre parenthèse de cas
spécifiques dans un flux continu et renouvelé d’expériences réelles ou simulées. Le
sensemaking est ainsi compris comme un phénomène global composé de phases
successives succédant à une incompréhension générée par l’évènement crisogène
(Vandangeon-Derumez et Autissier 2006). Différentes typologies de sensemaking
existent dans la littérature. En effet, Sandberg & Tsoukas (2020) ont par exemple
identifiés quatre typologies de création de sens (immanente, impliquée-délibérée,
détachée-délibérée et représentative) qui s’appliquent à des raisons d’être, des activités,
des temporalités, des langages et des incarnations différents. Laroche & Steyer (2012) ont
quant à eux décliné le processus de création de sens en sous-processus de ponctuation, de
discours et de modalités. Cependant, dans une perspective de prise de décisions de la
cellule de crise, nous privilégions la typologie de Schildt et al. (2020) qui explore
différentes expressions de sensemaking, se balançant dans un jeu de pouvoir à travers des
influences conservatrices, facilitatrices, réformatrices et délibératives. Dans leur article,
les auteurs identifient ces quatre typologies de sensemaking (Figure 1) via la
considération du :
(1) degré d’attention consciente que les acteurs accordent à la formation et à la
plausibilité des conclusions qui relient les observations, les croyances et les
actions en des compréhensions et des récits cohérents
6
RESTRICTED
(2) degré déterminé ou provisoire de leur attitude à l'égard de leurs objectifs et de
leurs compréhensions initiales, évaluant la plausibilité soit de manière à les
confirmer, soit de manière à les remettre en question et à les enrichir.
Figure 1. Les quatre types de sensemaking au sein d’une cellule de crise (inspiré
par Schildt et al. 2020).
Le sensemaking automatique est engagé et préconscient. Il repose sur des observations et
affirmations pertinentes pour appréhender une situation donnée avec un minimum d'effort
ou d'attention consciente (Bingham et Eisenhardt, 2011). Il s’appuie sur des schémas
réactionnels acceptés par tous les acteurs qui en fournissent des interprétations et des
réponses.
Le sensemaking algorithmique est engagé et conscient. Il est basé sur la rationalisation et
des schémas préexistants (Cornelissen, 2012) sur lesquels on applique de nouvelles
7
RESTRICTED
situations et observations. Ces schémas peuvent être inculqués par les connaissances et
des discours précédemment mobilisés par les organisations. Ils permettent aux membres
de rationaliser les évènements sans être remis en question (Fiss et Hirsch, 2005 ; Fiss et
Zajac, 2006).
Le sensemaking improvisé est préconscient et provisoire. Il n'est pas basé sur l'attention
consciente d’éléments donnés mais implique une évaluation continue des actions et une
attention aux indices discordants.
Enfin, le sensemaking réfléchi est basé sur la prise en compte délibérée de plusieurs
sources et versions de la réalité qui permettent de donner sens aux observations,
croyances et actions passées. Cet effort de délibération rationnelle permet aux acteurs de
générer un sensemaking « génératif » plus holistique (Abolafia, 2010). Au regard de la
variété et de la complexité des situations de crise, et sur la base de cette segmentation du
sensemaking, nous formulation la proposition de recherche suivante :
Proposition 1 : en situation de crise, les quatre types de sensemaking s’expriment
au sein de la cellule de crise.
Nous venons de définir les quatre typologies de sensemaking que nous mobilisons et
ajoutons que le temps étant un élément central dans la gestion de crise, certains auteurs
soulignent même l’importance du corps – et de la pratique des acteurs - comme élément
fondamental dans la construction de sens (de Rond et al. 2019). Ceci justifie le lien avec
la simulation et la revue de littérature que nous présentons dans la partie suivante.
La simulation au service d’une meilleure qualité décisionnelle
La simulation a une vertu pédagogique évidente : celle de sensibiliser et
développer les compétences des individus au management de crise (Boutet et Derache
2022). En effet, lorsqu’elle est créée et animée dans la dynamique complexe des crises
8
RESTRICTED
contemporaines, elle est alors un vecteur « indispensable pour préparer nos dirigeants à
savoir appréhender une situation où les repères disparaissent » (Lagadec 2001). Certains
auteurs considèrent même les simulations de crise comme l’un des outils les plus efficace
pour former les personnes aux situations d’urgence, en particulier celles dont la fréquence
d’apparition est faible et les dommages potentiels, élevés (Wybo 2008). Dans la même
lignée, les travaux de Gredler (1992) nous indiquent que la performance des simulations
de gestion de crise nécessite que les participants perçoivent les scénarios proposés comme
une menace réelle assortie d’un temps limité pour une collecte efficace des données
(Borodzicz et Harperen 2002).
Le lien entre simulation et performance semble dès lors assez évident, mais comment
atteindre une meilleure qualité décisionnelle grâce à la simulation au sein des cellules de
crise ?
L’élaboration des simulations s’articule autour d’une thématique centrale déterminée par
le directeur de l’entité en question. Son scénario s’inspire de situations réelles similaires
et d’éclairages d’experts amenant à déterminer les décisions décisives et leurs
conséquences structurant le scénario. Ces nœuds décisionnels décisifs amènent
systématiquement des choix possibles (minimum deux) ouvrant soit sur a) une
aggravation de la situation ou b) une absence d’évolution ou bien une amélioration de la
situation. La simulation permet alors de cibler les capacités des systèmes multimodaux
dans un contexte de crise plus orienté vers l’entreprise ou l’organisation par rapport à un
scénario catastrophe. L’espace et la création de sens étant liés (Steigenberger et Lübcke
2022), la mise en place de simulations dans un espace donné joue un rôle certain dans le
sensemaking, car ce dernier implique d’apporter un flux continu d’expériences multiples
afin de réduire l’incertitude et les délais de réaction (Weik, Sutcliffe et Obstfeld 2005).
9
RESTRICTED
Facteurs intangibles de performance et sensemaking : l’immatérialité de la
simulation au service de la création de sens
L’étude de la littérature nous a permis d’identifier cinq facteurs intangibles que
nous allons détailler ci-dessous : le leadership, la facilitation, la gestion des perturbations,
l’anticipation et l’expérience de la cellule de crise.
Leadership
Dans la littérature sur la gestion des crises, la centralisation des décisions fait
notamment référence à la réduction du nombre de personnes ou d’unités incluses dans les
circuits de décisions et de pouvoir (Hart, Rosenthal et Kouzmin 1993). Si l’implication
locale, nationale et internationale des leaders est une notion clé de performance
lorsqu’une crise intervient (Lalonde 2007), Moynihan (2009) affirme que la « dynamique
de coordination change à mesure que l’autorité se disperse », quand selon Boin (2009),
la notion d’autorité semble fondamentale. Cette assertion peut être interprétée comme un
positionnement en faveur d’une typologie de leadership/autorité où la chaîne de
commandement habituelle (en temps de paix) est modifiée le temps de la crise vers un
niveau plus élevé, moins diffus et plus directif, pour davantage de performance et
d’efficacité.
Facilitation
La facilitation peut être observée au niveau micro ou local, selon des approches
verbales, non-verbales, formelles et informelles (Wybo 2008). Le facilitateur est un rôle
attribué à un membre de la cellule de crise ayant pour fonction, entre autres, de garantir
des échanges équilibrés (coordination, relation interpersonnelles, communication
implicite efficace (Borodzicz 2002, Masselin et al. 2023) et au bon niveau au sein de la
cellule. Nous considérons que la présence d’un facilitateur « catalysant » le
10
RESTRICTED
fonctionnement de groupe est un levier d’amélioration de la performance de la cellule de
crise.
Gestion des perturbations
Dans son développement du bénéfice de la mise en place d’une phase d’ «
engagement », Fabbri et al. (2015) démontrent que la bonne gestion des perturbations et
la priorisation des informations entrantes garantit une bonne focalisation des forces sur la
réalisation du problème. Gaultier-Gaillard et al. (2012) soulignent que « la capacité de
tri, de synthèse et de priorisation de l'information des membres de la cellule de crise » est
un paramètre fondamental dans le succès des décisions et actions de la cellule. Cros et
Vittoris ont montré l’importance de la gestion des perturbations pour les gestions de crises
complexes, notamment celles qui mobilisent des acteurs privés et publics (Cros et
Vittoris, 2020) ou des équipes hybrides en milieux industriels (Vittoris et Cros, 2023).
L’anticipation
Le caractère essentiel de l’anticipation des conséquences des évènements en cours
est démontré par Weick (2010) lors de sa description de la crise de Bhopal. De Vittoris
(2023) a démontré que « que non seulement cette identification est possible au moyen
d’outils d’analyse de personnalité mais aussi que l’activité d’anticipation, ainsi portée par
le profil le plus apte pour cette activité, contribue de manière significative à une meilleure
performance collective de la cellule ». LaPorte (2007) en confirme l’importance en
incluant l’anticipation dans les comportements et habitudes clefs à développer en cas de
gestion de crise.
L’expérience de la cellule de crise
Dès 1993 Weick démontre l’importance de la familiarité des membres de la
cellule à des situations anxiogènes et inattendues. L’expérience de la cellule de crise doit
11
RESTRICTED
être comprise non seulement comme un des facteurs majeurs contribuant au succès d’une
gestion de crise (Borodzicz, 2002), mais comme une mesure fondamentale dans le succès
d’une gestion d’évènements crisogènes (De Vittoris 2020). Cette expérience « peut avoir
une incidence importante sur le réalignement des images ou des scénarios de menace
dans les mondes cognitifs des décideurs et des grands publics » comme le démontre Stern
(1997) en prenant l’exemple de la catastrophe de Tchernobyl où les cellules de crises
(gouvernementales, dans l’exemple) ont conservé l’appréhension de la dimension
internationale de ce type de désastre.
Facteurs tangibles de performance et de sensemaking : la matérialité de la
simulation au service de la création de sens
Nous avons ainsi identifié cinq facteurs tangibles ayant une influence sur le
sensemaking, que nous détaillons ci-dessous : l’existence d’un espace de simulation (ici
une salle de crise), d’un manuel ou plan de crise, la distribution des rôles, la présence de
revues périodiques, et l’utilisation d’un journal de bord.
Salle de crise
Steigenberger et Lübcke (2022) ont cherché à mieux comprendre comment
l'espace et la création de sens sont liés. L’espace influence les indices que les acteurs
perçoivent. L'espace n'est pas exogène au processus de sensemaking ; il est mis en œuvre
par les créateurs de sens, qui déterminent si et comment ils perçoivent les signaux, traitent
les signaux et agissent sur les modèles mentaux qu'ils développent. Une représentation
physique commune (carte, photo, plan, etc.) permet ainsi la création de sens commun, et
incarne donc un élément clef de l’organising constitutif du phénomène de sensemaking
(Beyes et Holt, 2020 ; Ratner, 2020).
12
RESTRICTED
Manuel ou plan de crise
Le manuel de crise a fait l’objet de nombreux développements de la part d’auteurs
qui sont avant tout des praticiens (Vraie, 2017). Il souligne l’existence d’un consensus
sur la nécessité de ce document ou « système documentaire » (Crocq, Huberson et Vraie,
2009) afin de gérer la crise. Pour Gaultier-Gaillard et al. (2012), « les membres de la ou
des cellules de crise doivent avoir acquis une parfaite connaissance des documents de
gestion de crise ».
Distribution des rôles
En cas de crise, les structures reposent sur ce qui est « prescrit par l'organisation,
objectivable et mesurable » (Wybo 2008). Ces prescriptions incluent principalement la
mise en place d’une répartition précise des tâches, des moyens, des règles et procédures,
etc., tandis que la distribution de la charge de travail et la mobilisation des personnes est
un paramètre fondamental (Reznek et al. 2003). Passè (2011) illustre combien le rôle des
acteurs est essentiel tant en mode de routine qu’en mode d’improvisation.
Revue périodique
Les revues périodiques sont considérées comme un élément clé de
synchronisation réguliers en vue de garantir l’organisation et la mise en œuvre de la
cellule. Gaultier-Gaillard et al. (2012), soulignent que les points de situation doivent être
« brefs et réguliers, [...] fixant les axes et les orientations pour la suite de l’intervention ;
il ne s'agit pas d'établir simplement un bilan de l'activité de la cellule ». Vraie (2017)
démontre l’importance de cet aspect comme clef de succès de la gestion de crise et
propose même un exemple de fiche de débriefing et d'évaluation générale où apparaissent
: la présence de points de synthèse réguliers et le résumé des évènements/décisions.
13
RESTRICTED
Journal de bord
Gaultier-Gaillard et al. (2012) considèrent le journal de bord comme un outil
essentiel à la gestion de crise. Dans son analyse de 2015, Fabbri démontre à quel point la
synthèse commune des évènements permet la pleine constitution de cette phase nécessaire
à la création de sens commun.
Proposition de leviers pour chaque type de sensemaking au regard de la
littérature
L’analyse de la littérature quant aux leviers principaux pour une meilleure qualité
décisionnelle en gestion de crise permet de les considérer à la lumière des différents
sensemaking s’exprimant dans ces situations. Ces derniers permettent de comprendre la
confrontation de différentes représentations du réel au sein d’un collectif, dès lors abordé
comme une arène politique, confronté à l’ambigüité et à l’incertitude (Figure 2).
Figure 2. Répartition des leviers de qualité décisionnelle en gestion de crise par type de
sensemaking – étude de la littérature
Source : Auteurs (2023)
14
RESTRICTED
La littérature semble indiquer que les leviers tangibles sont principalement associés à un
sensemaking engagé et notamment automatique (salle de crise, manuel de crise,
distribution des rôle, utilisation d’un journal de bord). Le développement de bonnes
pratiques (influence conservatrice) et outils de gestion de crise ont conduit à en
automatiser (influence facilitatrice) l’usage. Seul le recours aux revues périodiques
s’inscrit dans une influence délibérative, à la frontière entre l’application rigoureuses de
méthodologies et l’adaptabilité consensuelle. Il semble en outre que les leviers intangibles
(facilitation, leadership, anticipation, expérience collective et gestion des perturbations)
se répartissent à travers les différents leviers de manière équilibrée. Ces leviers sont aussi
bien adaptés à l’improvisation (leadership), la flexibilité (anticipation), l’adaptabilité
consensuelle (expérience collective et gestion des perturbation) ou l’application de
méthodologies fixes (facilitation). Nous proposons donc un modèle associant les
différents leviers aux différentes natures de sensemaking dans la figure 2 que nous
incluons dans notre seconde proposition de recherche :
Proposition 2 : En situation de crise, les leviers tangibles et intangibles
contribuent différemment aux divers types de sensemaking selon la disposition
illustrée dans la figure 2.
La revue de littérature nous a permis de formuler deux propositions de recherche au
regard du sensemaking et de la performance de la qualité décisionnelle d’une cellule de
crise. Nous allons à présent confronter nos observations qualitatives issues d’une
recherche-intervention de 8 ans au sein de la cellule de crise de l’entreprise de Michelin,
en Chine. Nous détaillons dans un premier temps notre méthodologie de collecte des
données, puis, dans un second temps, notre méthodologie analytique de ces mêmes
données. Enfin, nous présenterons nos résultats que nous pourrons confronter à la
littérature.
15
RESTRICTED
Cadre méthodologique
L’intérêt des approches qualitatives réside dans le fait qu’elles sont jugées
opportunes pour l’étude en profondeur des phénomènes (Huberman et Miles 1991 ;
Denzin et Lincoln 2008). En sciences de gestion, les méthodes qualitatives peuvent être
définies comme un éventail de techniques d’interprétation qui visent à décrire, décoder,
traduire et d’une façon plus générale, être en accord avec le sens des phénomènes (Van
Maanen 1983). C’est dans cet esprit que les recherches qualitatives sont souvent
qualifiées de compréhensives, c’est-à-dire qu’elles cherchent à comprendre le(s) sens de
situations de gestion (Girin 1990).
Méthodologie de recherche : une recherche-intervention longitudinale
Dans la littérature scientifique traitant de la gestion de crise, de nombreux auteurs
ont analysés des cas de crises réelles via une analyse documentaire rigoureuse et des
interviews de parties prenantes. Or, en tant que Crisis Manager du Groupe Michelin, l’un
des auteurs évolue pour ces travaux dans une dynamique de recherche-intervention ; cette
approche amenant au double enjeu à la fois scientifique, avec la création de connaissances
dans le domaine de la gestion de crise ; et managérial permettant à l’organisation face aux
crises potentielles que lui réserve l’avenir. Notre étude de cas a donc été réalisée dans
l’entreprise Michelin, sur les sites chinois de l’usine de Shenyang (province du Liaoning)
et du siège de Shanghai (province de Shanghai). Notre analyse repose sur des données
récoltées pendant les simulations en cellule de crise, des observations directes
participantes et des interventions (a posteriori des simulations) sur une période de huit
ans. Cette étude se caractérise par les éléments suivants (Tableau 1) :
Tableau 1. Modalités de l’analyse des modes de gestions des cellules de crise en
simulation
16
RESTRICTED
Échantillon
4 simulations de crises effectuées par 2 cellules de crises
différentes chez Michelin (2 fois chacune)
Durée
3 heures de simulation à chaque fois
Positionnement
Observation participante
Intervention a posteriori
Constructiviste
Collecte des
données
Durant les simulations (animateur / observateur)
Validation, avec les participants, des observations et constats
qualitatifs
Méthodologie
Retranscriptions et constats in situ des décisions et du
fonctionnement de la cellule de crise
Ajustement de l’animation scénaristique préétablie selon les
décisions de la cellule
Enregistrements des éléments de fonctionnement de la cellule de
crise dans des grilles de résultats et des observations préétablies
avant les expérimentations et remplie durant
l’animation/observation des simulations
Cibles
Individuelles : membres de la cellule de crise
Collectives: cellules de crise
Ici, l’intervenant chercheur aidait les praticiens à donner du sens aux informations et
phénomènes de terrain. La présentation régulière des résultats aux différents acteurs de
terrain permet non seulement une validation externe, mais un processus de reconnaissance
et de dialogue entre les acteurs (Davoine, 2021).
Collecte et analyse des données
Trois phases ont été construites pour réunir et analyser les données collectées lors
des différentes simulations au sein des cellules de crise sur le site de l’usine Michelin à
Shenyang et le siège chinois de Michelin à Shanghai. Nous avons créé une base de
données du cas d’étude (Yin, 2003) pour organiser l’ensemble des données collectées
durant les trois phases.
Phase préliminaire : création et animation de quatre simulations de crise
Cette première phase a pour but de fournir un réservoir de situations de crises
réalistes et variées (par la nature des scenarii) à des cellules de crises diverses par leur
composition, leur responsabilité et leur localisation sur site. En effet les types de sujets
17
RESTRICTED
de l’étude se composaient d’usines, de Directions Pays, de Directions Régions et de
Sociétés appartenant à l’entreprise. Cette variété de terrain d’application est complétée
par une homogénéité méthodologique du fait que le créateur des scenarii est
systématiquement le même intervenant-chercheur, entouré à chaque fois d’experts de
l’entreprise permettant d’offrir un scénario le plus réaliste possible.
Phase analytique qualitative : validation externe des observations et constats
Cette deuxième phase a pour objectif de faire apparaître les performances et les
observations relatives aux simulations. Une grille d’analyse fut établie au préalable,
intégrant d’une part, les paramètres de performance de la cellule de crise (choix judicieux
et inappropriés de la cellule de crise, anticipations effectuées et non envisagées, etc.),
d’autre part, l’analyse des fonctionnements, méthodologies et comportement durant la
simulation.
Phase analytique modélisante : analyse comparative des observations et constats
des simulations
Cette troisième phase a pour but de comparer les conclusions issues des
différentes simulations (4) en vue de la confirmation/infirmation de points pouvant ainsi
permettre la proposition d’un modèle mettant en relation l’usage des différents leviers de
gestion de crise et l’expression des différents sensemaking qui contribuent à la qualité de
la prise de décision de la cellule de crise.
Les notes prises lors des différentes phases ont été synthétisées en tableaux listant les
principaux leviers de sensemaking observés lors des simulations avec les points positifs
et négatifs pour chaque cas (cf. base de données du cas d’étude).
18
RESTRICTED
Présentation des cas
Le cas approfondi : l’usine Michelin de Shenyang
L’usine de Shenyang (SHY) était une usine de fabrication de pneumatiques
abritant plus de 2 800 employés qui s’étendait sur plus de 28ha en plein centre-ville de la
cité de Shenyang (9 millions d’habitants) située dans la province du Liaoning en Chine.
Cette usine, qui fut en 1996 la première acquisition par le Groupe Michelin en Chine, a
été fermée et détruite en 2014. Une nouvelle usine (appelée Shenyang 2 ou SY2) fut
construite entre 2010 et 2014, hors de la ville, dans un bassin industriel où nombre
d’acteurs du secteur automobile sont installés. En quelques mois, plus de 300 personnes
furent recrutées ou mutées depuis d’autres entités du Groupe afin de prendre en charge le
projet de la construction de la seconde usine. L’entreprise s’exposait à un fort risque
social dans cette conduite de changement inévitable au vu des décisions des autorités
locales. Il fut alors décidé de mettre en place un dispositif de gestion de crise ainsi que
des mesures en vue de développer les compétences des managers sur ce point dans les
mois qui suivirent. C’est dans le cadre de ce plan que furent lancées les actions
organisationnelles, techniques et pédagogiques qui amenèrent à organiser deux
simulations de crise (2012 et 2013) auprès de l’équipe de direction de SHY (Tableau 2).
Tableau 2. Caractéristiques des simulations de 2012 à 2019
2012
2013
2015
2019
Appellation
SHYa
SHYb
CHNa
CHNb
Thème
Incendie
Crise Sociale
Qualité
Cyberattaque
Durée
3h00
3h30
3h00
3h00
Type
Table-top
Table-top
Créateur
Intervenant-Chercheur
Intervenant-Chercheur
Animateur
Membre(s) de la cellule de crise
Membre(s) de la cellule de crise
Observateur
Intervenant-Chercheur
Intervenant-Chercheur
19
RESTRICTED
Les équipes de direction des usines incarnant les cellules de crise, les membres de
l’équipe de direction de l’usine de Shenyang furent donc les acteurs principaux des
simulations. Si les cellules de crise pouvaient intégrer des experts au gré de leurs besoins
comme dans la réalité, leurs membres principaux étaient notamment : des directeurs de
département (lignes de fabrication, ressources humaines, maintenance, finance, achats,
qualité, etc.) encadrés par un leader incarné par a) un des directeurs des lignes de
fabrication dans la première simulation et b) le directeur de l’usine dans la seconde
simulation.
Concernant le site SHY, deux simulations de crise en mode « table top » furent
animées et observées. La première se déroula en 2012 et traitait d’un incendie majeur
dans l’usine alors que la seconde fut animée en 2013 avec un scénario de crise sociale.
Les observations réalisées pendant les simulations ont été prises en notes puis validées
par les participants en séance.
Nous avons ainsi observé qu’entre deux simulations de crise, où son expérience en termes
de gestion de crise s’est accrue, la cellule a développé un manuel de crise robuste et
généraliste, et progressé en termes d’anticipation. Toutefois, on note une constance dans
plusieurs aspects, notamment l’absence de distribution des rôles, le type de leadership
(équilibré), le faible niveau de facilitation, l’absence d’utilisation appropriée du journal
de bord, la mise en place de revues périodiques, le faible niveau de filtrage des
informations de faible importance, et la qualité de la cellule de crise.
Le cas secondaire : le siège chinois de Michelin à Shanghai
Le siège Michelin Chine (CHN), situé à Shanghai, regroupe plusieurs activités
notamment stratégiques pour la région voire pour le groupe (directions logistique,
approvisionnement, achat, informatique, ressources humaines, industrielles, marketing et
20
RESTRICTED
ventes, recherche, etc.). Contrairement à l’usine, le siège ne fonctionne pas en continu en
trois équipes en rotation de huit heures mais selon des horaires de bureau. Il est surtout
soumis à un panel de risques bien différents et plus diversifié que l’usine : cyberattaques,
environnementaux, sociaux, incendie (tout comme l’usine de Shenyang) mais aussi
antitrust, juridiques, financiers, économiques, etc. C’est dans le cadre de l’adoption d’un
modèle de gestion de crise que CHN a sollicité une simulation en 2016, suivie par une
seconde simulation (CHNb), animée en 2019 après une évolution significative des
membres de l’équipe de direction (cf. tableau 2).
Les deux simulations de crise en mode « table-top » furent animées et observées. La
première se déroula en 2016 et traitait d’un problème qualité produit (accident de la route
d’un dirigeant chinois attribué à un défaut de pneumatique Michelin et générant un
emballement médiatique chinois). La seconde eu lieu en 2019 et portait sur un scénario
de cyberattaque. Les observations ont été collectées de manière identique à celle déployée
durant les simulations de Shenyang. En ce qui concerne les différents leviers de
sensemaking, nous avons constaté qu’entre deux simulations de crise, où son expérience
en termes de gestion de crise s’est accrue, la cellule de crise de CHN a réduit son temps
d’activation (< 5 minutes), augmenté le niveau de détail de son manuel de crise
préexistant, modifié la typologie de leadership développé, augmenté la qualité des
anticipations, diminué la qualité de la facilitation, stoppé l’utilisation de revues
périodiques, et amélioré la qualité de la salle de crise. Toutefois, on note une constance
dans la distribution des rôles en début de crise, le bon usage du journal de bord, et le bon
niveau de priorisation des informations.
21
RESTRICTED
Résultats : analyse de l’expression des typologies de sensemaking et des leviers
tangibles et intangibles associés
Nous présentons dans cette section l’analyse de nos résultats au regard des deux
propositions de recherche suivantes :
Proposition 1 : En situation de crise, les quatre typologies de sensemaking s’expriment
au sein de la cellule de crise.
Proposition 2 : En situation de crise, les différents leviers tangibles et intangibles se
répartissent dans les diverses typologies de sensemaking selon la disposition illustrée
dans la figure 2
Nous observons qu’entre les deux simulations de crise, la cellule de crise de SHY
a gagné en expérience collective, développé un manuel/plan de crise robuste et généraliste
et a progressé en termes d’anticipation. Toutefois, on note une constance dans plusieurs
aspects, notamment la vitesse d’activation (> 5 minutes), l’absence de distribution des
rôles, le type de leadership (équilibré), le faible niveau de facilitation, l’absence
d’utilisation appropriée du journal de bord, la mise en place de revues périodiques, et le
faible niveau de filtrage des inputs de faible importance. La performance de la qualité
décisionnelle, basée sur le calcul automatique des conséquences issues des décisions
laissées au libre-arbitre de la cellule de crise, a été considérée « moyenne » en 2012 et «
élevée » en 2013. L’étude longitudinale du cas CHN montre, quant à elle, une
amélioration du niveau de qualité décisionnelle en parallèle : 1) à une amélioration de
l’expérience, de la rapidité d’activation, de la qualité du manuel de crise, de la qualité des
anticipations et de la qualité de la salle de crise ; 2) à une évolution de la typologie de
leadership ; 3) à une dégradation de la facilitation et une disparition des revues
périodiques. La performance de la qualité décisionnelle, de cette cellule de crise, a été
22
RESTRICTED
considérée « moyenne » en 2016 et « élevée » en 2019. Nous mesurons bien une évolution
positive de la qualité décisionnelle dans le temps.
La mesure de l’évolution de la performance démontre que l’acquisition d’expérience
influence aussi bien les leviers tangibles (de manière positive : manuel de crise, salle de
crise ; ou négative : revues périodiques) que les leviers intangibles (de manière positive :
leadership, anticipation ; ou négative : facilitation). Les résultats de performance de la
qualité décisionnelle semblent placer l’expérience comme élément d’influence majeur
d’expression des différents leviers.
La typologie de leadership
Dans le cas de l’usine de Shenyang, un leadership équilibré fut noté dans les deux
simulations. Or les leaders étaient différents. Le leader de la première simulation était
américain et était le directeur de l’usine alors que le leader de la seconde simulation était
français et était le directeur qualité de l’usine. En effet, le leader de Shenyang a choisi
une posture humble où il s’exprime à deux reprises sur son désarroi : « Désolé mais je
découvre comment on fait, je suis comme vous, c’est la première fois que je vis ce genre
de situations, mais aussi ce genre de responsabilités. » (Directeur Fab. 3, p. 3). Par cette
posture, il installe un climat dans lequel les collaborateurs peuvent augmenter leur niveau
de conscience et participer à l’évaluation des phénomènes émergents.
Dans le cas du siège Michelin de Shanghai, un leadership « autoritaire » est observé lors
de CHNa « voici nos priorités, elles sont simples et vont être à l’origine d’un partage en
trois sous-groupes qui vont travailler de concert… » (Directeur Siège, p.7). Cette posture
plus autoritaire force les collaborateur à centrer leur attention sur un éventail plus réduit
de phénomènes. Cela créé une interprétation plus rapide mais exclu certains indices. La
posture du leader évolue lors de CHNb vers un leadership plus « équilibré » où l’attitude
23
RESTRICTED
et la prise de décisions du leader dans la simulation montre une approche désireuses des
éclairages et de l’aval du plus grand nombre (Intervenant, p.9) . Cette transition
correspond à un changement de directeur du siège qui ont manifesté une approche
différente de la direction d’une équipe de crise.
Le niveau de facilitation
Le niveau de facilitation est une levier ayant peu évolué durant les études
longitudinales au regard d’autres leviers identifiés précédemment. Nous notons que ce
niveau ne s’est pas amélioré au cours de l’étude longitudinale. L’expérience collective ne
semble pas influencer ce levier au vu des résultats. Nous notons que des niveaux de
facilitation faibles ont été observés dans des situations aussi bien à niveaux élevés de
performance (SHYb, CHNb) qu’à des niveaux moyens (SHYa, CHNa) : « s’il vous plaît,
on ne s’entend plus ici » (Leader, p. 6), « n’avons-nous pas d’autres lieux de réunions ?
Ce n’est pas possible de travailler dans une telle promiscuité. » (Directeur des achats, p.
7).
La gestion des perturbations
Le levier gestion des perturbations a également peu évolué durant les études
longitudinales. Nous notons que son niveau de contribution ne s’est pas amélioré dans les
cas étudiés au cours de l’étude. Si CHN montre une gestion des perturbations adaptée via
le filtrage des informations de secondes importances volontairement délivrées par les
équipes d’animations, SHY n’a pas montré de capacités claires de focalisation sur la
problématique centrale. Malgré quelques initiatives évitant la dispersion (SHYa), nous
avons observé un fort niveau d’anxiété « ça ne s’arrête jamais ! » (Responsable
communication, p.3). En effet, le leader dans cette simulation n’était pas préparé à gérer
les perturbations qui se rajoutaient à la crise, et n’a pas pu faciliter la capacité des
24
RESTRICTED
collaborateurs à évaluer en continue les aspects centraux de la crise. Dans le cas de SHYa,
le leader avoue qu’il n’a « jamais eu à gérer de communication extérieure dans l’urgence,
l’incertitude et dans une telle position difficile » (Directeur Communication, p. 4).
Ces observations et analyses nous permettent de classifier les trois leviers ci-dessus
(typologie du leadership, facilitation et gestion des perturbations) dans un sensemaking
improvisé.
La qualité de la salle de crise
Ce levier a évolué dès la première simulation aussi bien dans le cas de l’usine de
Shenyang (SHY) que dans le siège de Shanghai (CHN). À chaque fois, cela a été
l’occasion d’une amélioration continue. Par qualité de la salle de crise nous entendons à
la fois le matériel mis à disposition (présence de tableaux blancs, de tables et chaises,
d’un projecteur, de capacité d’impression et de déchiquetage), le contrôle d’accès, l’accès
à des éléments indispensables à l’hygiène et à l’eau potable et l’accès aux moyens de
communication. « La salle de crise, mise en place depuis plusieurs mois et utilisée une
fois par semaine par l’équipe de direction, est très familière des acteurs en présence qui
se l’approprient immédiatement : activation des caméras intérieures et extérieures,
projections, organisation du pan de mur en tableau blanc magnétique afin de
suspendre/coller les documents collectés contribuant à l’interprétation de la situation. »
(Intervenant, p. 3). Toutefois, la salle de crise se limite à la mise à disposition de divers
ensembles aux membres de la cellule de crise qui choisiront de les utiliser tout ou partie.
En ce sens, ce levier tangible s’inscrit dans un sensemaking automatique puisque la salle
de crise est supposée disposer à l’avance des éléments le plus souvent pré-listés.
25
RESTRICTED
Le journal de bord
Dans le cas de SHYa, « le journal de bord fut immédiatement pris en charge et
projeté dans la salle. Son utilité fut manifeste car 1) il fut consulté à de multiples reprises
par certains membres pour comprendre la chronologie des actions ou encore d’actualiser
leur connaissance de la situation (en réponse à leur incompréhension générale due à
l’absence de revues périodiques), 2) il fut spontanément décidé de l’utiliser comme base
pour les synthèses périodiques envoyées à la cellule miroir» (Intervenant, p.10). Dans ce
contexte, le responsable du journal de bord proposa au leader et au facilitateur :
« pourquoi ne pas envoyer des « extracts » du journal de bord à intervalles réguliers afin
d’alimenter la cellule corporate sans avoir à les contacter. Ils doivent être en effet
submergés par les appels des autres régions (Responsable Juridique, p.10). » De fait, ce
levier s’inscrit parfaitement dans la typologie de sensemaking algorithmique, car le
journal de bord permet d’objectiver l’expérience et d’y faire référence lors de nouvelles
crises . Dans les cellules peu expérimentées, et montrant un niveau de performance
moindre, il peut n’être « jamais consulté par les membres de la cellule de crise »
(Intervenant, p.3) ou susciter des difficultés de prise en charge, notamment pour
« capturer les informations » (Intervenant, p.4).
Le manuel ou plan de crise
Lorsqu’il n’était pas déjà au niveau le plus avancé, le niveau de détail du manuel
de crise s’est systématiquement accru entre deux crises d’un sujet, que ce soit au niveau
de l’usine de Shenyang ou du siège de Shanghai. L’amélioration du détail des manuels
de crise semble ainsi être une conséquence de la pratique de la gestion de crise, qu’elle
soit réelle ou simulée. Lors de la simulation SHYb, l’intervenant observe « Cinq minutes
après l’arrivée des premiers membres, le Directeur Qualité rappela la répartition des
rôles telle qu’il l’avait proposé dans les semaines précédant la simulation. Il utilisa le
26
RESTRICTED
manuel de crise pour rappeler le détail des missions. » (Intervenant, p. 5). En revanche,
nous nous gardons de conclure que la présence d’un manuel (quel que soit son niveau de
détail) soit essentiel à la bonne performance de la cellule de crise en termes de choix
décisionnels.
Le manuel de crise peut aussi bien proposer des actions et développements précis à
appliquer littéralement dans le cadre de fiches réflexes et plans de crise pour de multiples
scénarios (SHYb, CHNb) ou encore être basique en proposant des lignes guides
nécessaires ou non à la cellule (CHNa). Le manuel de crise peut se positionner entre le
sensemaking automatique et le sensemaking algorithmique. En mobilisant cet outil, les
collaborateurs n’ont pas besoin de pondérer consciemment les détails pour appréhender
la situation de crise.
La distribution des rôles
Nous avons observé le cas SHY où la distribution des rôles auprès des membres
de la cellule de crise n’a pas été effectuée lors de deux simulations. Or, lors de la seconde
simulation, la performance de la cellule de crise, en termes de choix, fut considérée élevée
(Intervenant, p. 3 et 5). Ainsi cela amène à songer que : 1) soit l’absence de distribution
des rôles n’a pas d’influence négative sur la performance de la cellule de crise ; 2) soit
l’effet néfaste de cette absence de distribution des rôles peut être compensée par
l’amélioration d’autres leviers contributif du sensemaking (dans le cas de SHYb :
l’augmentation de l’expérience collective, la mise en place d’un manuel de crise,
l’utilisation d’anticipation). Ainsi, le sensemaking absent de toute manœuvre observée
lors de la première simulation de SHY, pourrait-être compris comme explication possible
aux choix partiellement inadaptés (performance moyenne) contrairement à ceux effectués
lors de la seconde simulation (performance élevée).
27
RESTRICTED
Au contraire, dans le cas des simulations du siège de Shanghai, (Intervenant, p.7 et 8) une
distribution des rôles a été notée à chaque fois dans le respect des règles établies par le
manuel de crise, et ceci que la performance ait été faible-moyenne ou satisfaisante. Ce
levier tangible à influence conservatrice (puisque fédérant la démarche) s’inscrit aussi
bien dans une optique facilitatrice lorsque détaillé et appliqué rigoureusement (CHN a et
b), que délibérative puisque assimilée par les membres d’une cellule expérimentée
capables d’adapter la répartition des missions et responsabilités au gré de la situation
(SHYb). Au vu de ces résultats, la distribution des rôles se positionne à cheval entre le
sensemaking automatique et le sensemaking algorithmique.
La présence de revues périodiques
La mise en place de revues périodiques par la cellule de crise est un levier n’ayant
pas évolué dans le cas de l’usine de Shenyang. « Sous l’impulsion du leader et l’animation
du facilitateur, des revues périodiques furent effectuées et furent l’occasion d’échanges
permettant notamment la précision des scénarios d’anticipation. » (Intervenant, p.6).
Durant la première de ces revues périodiques, le leader de la cellule de crise invita à la
participation de manière très claire : « qui a une information complémentaire ou
contradictoire à apporter à la « big picture » ? » (Directeur Qualité, p.5). En revanche,
la mise en place de revues périodiques n’est pas systématique dans le cas du siège de
Shanghai puisque que lors de CHNa des revues périodiques sont observées en dépit d’une
qualité décisionnelle moyenne alors que CHNb montre un niveau de performance élevé
malgré une absence de revues périodiques. Les revues périodiques peuvent être alors
considérées comme une autre source de sensemaking pour la cellule de crise en
permettant un ajustement constant de la compréhension collective des évènements. Ces
revues ont eu pour conséquence des réalignements complets d’interprétation de la
28
RESTRICTED
situation (influence réformatrice) via un échange collectif parfois intense (influence
délibérative). C’est ainsi que nous l’inscrivons dans un sensemaking réfléchi.
Discussion : les rôles des quatre types de sensemaking dans la gestion de crise
L’analyse de l’expression des différents leviers de gestion de crise montre
l’expression de sensemaking différents selon leur orientation facilitatrice, réformatrice,
délibérative ou conservatrice. Ceci notamment du fait des jeux d’influences respectifs des
divers membres au regard de leurs missions respectives. Ceci nous amène à valider notre
première proposition confirmant que les sensemaking proposés par Schildt et al. (2020)
s’expriment au sein de la cellule de crise, ouvrant leur théorie aux situations les plus
ambigües, volatiles et anxiogènes.
L’observation de l’utilisation et de l’expression des différents leviers a amené à leur
répartition selon un modèle différent de notre proposition initiale. Ceci invalide notre
seconde proposition et permet ainsi d’affiner notre modèle selon une répartition comme
développée dans la figure 3.
29
RESTRICTED
Figure 3. Modélisation des quatre types de sensemaking au sein d’une cellule de crise
Source : Auteurs (2023)
En ce qui concerne les leviers tangibles, comme dans le modèle proposé, la salle
de crise, le journal de bord, la distribution des rôles et le manuel de crise s’inscrivent
majoritairement dans une démarche conservatrice (par leur caractère fédérateur).
Cependant, les simulations ont montré que la distribution des rôles et le manuel de crise
pouvaient tout aussi bien être développés de manière automatique ou être considérés
comme des lignes guides permettant de lancer une dynamique d’action. La distribution
des rôle amenant à une combinaison de savoirs individuels en vue de créer une
compétence collective afin d’atteindre un résultat collectif (Bousquet 2018 ; Beton et
Bertolucci 2020). Les revues périodiques apparaissent plus réformatrices qu’escompté au
regard de la plateforme délibérative qu’elles fournissent à un conflit d’interprétations.
30
RESTRICTED
En ce qui concerne les leviers intangibles, comme dans le modèle proposé, ils se
répartissent aussi bien dans les approches réformatrices que conservatrices. Toutefois ils
semblent s’inscrire dans une « diagonale adaptative » où : a) la facilitation et le leadership
s’élaborent selon une rationalisation basée sur des schémas préexistants (actions clefs
d’animation dans le cas du facilitateur, valeurs et raison d’être de l’entreprise dans le cas
du leader) sur lesquels on applique de nouvelles situations et observations. La facilitation
et le leadership pouvant aussi bien s’incarner qu’être distribué en tant que phénomène
social (Bolden 2011 ; Thorpe et al. 2011) et b) l’anticipation et la gestion des
perturbations nécessitent une évaluation continue des actions et une attention aux indices
discordants. L’expérience collective, en tant que socle d’aptitudes acquises influençant
tous les autres leviers se répartissant dans les quatre sensemaking, se positionne ainsi au
centre du système. Ceci illustrant combien, par l’expérience, il est possible d’enrichir les
différents sensemaking nécessaires à une interprétation optimale de la situation au regard
de sa complexité et de son ambiguïté.
Toutefois, l’analyse des verbatims montre des influences respectives et des interactions
entre ces différents leviers, qu’ils soient tangibles ou intangibles. Des recherches futures
permettront de préciser un positionnement définitivement non statique, voire dynamique.
Notre analyse nous amène ainsi à considérer la gestion de crise selon un usage équilibré
des différents sensemaking proposés par Schildt et al. (2020). Si certains d’entre eux sont
représentés par des leviers divers, d’autres, comme le sensemaking réfléchi, ne le sont
qu’au travers d’un seul levier identifié par la littérature : les revues périodiques. Il
convient ainsi aux cellules de crise de garantir une méthodologie permettant de garantir
l’usage de ces leviers, non pas dans une dynamique d’application robotisée d’une
méthodologie mais dans la perspective de générer le contexte le plus propice à la prise de
décision dans l’incertitude.
31
RESTRICTED
Conclusion
Nous avons présenté une recherche-intervention longitudinale réalisée au sein de
l’entreprise Michelin au niveau de ses sites chinois entre 2012 et 2020. Dans un
environnement de crises permanentes – réelles et/ou potentielles, nous avons cherché à
décrypter le fonctionnement des cellules de crise pour identifier des leviers
d’amélioration de la qualité décisionnelle. Pour cela, nous avons identifié les différents
leviers contributifs aux sensemaking automatique, algorithmique, improvisé et réflectif.
Aussi, nous avons formulé la question de recherche suivante : comment se positionnent
les leviers contributifs de la qualité décisionnelle de la cellule de crise par rapport aux
différents types de sensemaking ? Pour répondre à cette question, deux propositions de
recherche ont structuré notre analyse. La première est qu’en situation de crise, les quatre
types de sensemaking jouent un rôle distinct au sein de la cellule de crise. La seconde est
qu’en situation de crise, les leviers tangibles et intangibles contribuent différemment à
chaque type de sensemaking.
Le croisement des données empiriques et de la littérature nous ont permis de nous aligner
avec les auteurs cherchant à définir et étudier les sous-concepts du sensemaking et
interroger sa matérialité sur le terrain et auprès des acteurs (Whiteman et Cooper 2011).
En y associant les méthodologies et les outils mobilisés en gestion de crise, nous
proposons un modèle de répartition des leviers permettant de favoriser les quatre types
de sensemaking. D’un point de vue managérial, ce modèle permet de donner du sens aux
acteurs qui tendent à favoriser – naturellement – les leviers tangibles (manuel de crise,
salle de crise, journal de bord, distribution des rôles, revues périodiques) dans un
sensemaking de nature plutôt automatique à influence conservatrice. Or, notre étude
souligne l’importance des leviers intangibles (anticipation, leadership, facilitation,
32
RESTRICTED
gestion des perturbations) pour une meilleure qualité décisionnelle et une agilité continue
de la cellule de crise. Enfin, l’expérience collective se positionne ainsi au centre du
système en tant que socle d’aptitudes acquises influençant tous les autres leviers se
répartissant dans les quatre sensemaking. Ceci illustrant combien, par l’expérience et la
simulation, il est possible d’enrichir les différents sensemaking nécessaires à une
interprétation optimale de la situation au regard de sa complexité et de son ambiguïté.
La quête de ce sensemaking en situation de crise est promue par certaines universités
d’entreprises qui contribuent alors à la propagation de pratiques communes dans
l’organisation (Lissillour et al. 2020 ; Lissillour et Rodriguez-Escobar 2022). Toutefois,
leur rôle dans la gestion de crise reste inconnu et pourra être le sujet de futures recherches.
Notre étude, illustrant l’intérêt pour les entreprises industrielles de mettre en place des
simulations de crise prenant en compte la dimension logistique dans toute sa complexité,
dévoile ainsi un développement des métiers de la logistique et de la supply-chain. C’est
dans ce cadre que cette recherche contribue à la littérature en logistique. En effet, le
concept de crise a été principalement traité comme un contexte global dans lequel la
chaine d’approvisionnement évolue, c’est notamment le cas des crises sanitaires comme
celle du coronavirus (Garidi 2020) ou de l’influenza aviaire (Thi Le Hoa 2010), et qui
peut engendrer de nouvelles formes de coordination des chaines d’approvisionnement,
dont un exemple est la logistique humanitaire (Tosi 2022 ; Chandes et Paché 2006). Ainsi,
cet article contribue en mettant l’accent sur l’usage de cellules de crise pour gérer une
crise logistique, et en mettant en relief les facteurs clés de succès pour la mise en place
de ces cellules.
Les limites de notre recherche amènent à appeler à une application à d’autres cellules de
crises, dans d’autres secteurs, pour également approfondir la dimension logistique en y
33
RESTRICTED
intégrant donc une approche globale et systémique (Baumann, 2011). En outre, des
recherches ultérieures devront interroger la question culturelle en répliquant le protocole
de recherche dans d’autres pays. Enfin, nous mettons en tension la littérature qui exprime
le sensemaking par composites (de Rond et al., 2019 ; Schildt et al. 2019 ; Sandberg et
Tsoukas 2020), par rapport aux praticiens qui expérimentent une vision systémique de ce
dernier (Weick 1993, 2010 ; Vandageon-Derumez et Autissier 2006 ; Mailtlis et
Lawrence 2009 ; Steigenberger et Lübcke 2022). En considérant la cellule de crise
comme un système de traitement de l’information, nous amenons à reconsidérer la nature
même de celle-ci : elle devient alors une entité de traitement de l’information adaptée à
l’incertitude d’un monde en crise(s) actuelle(s) et future(s).
Notes
1. Les auteurs remercient très chaleureusement les évaluateurs anonymes du comité
scientifique de la revue Logistique & Management, pour leurs riches commentaires et
suggestions formulés sur des versions antérieures de cet article.
Déclaration
Les auteurs confirment qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt
Références
Abolafia, M. Y., & Hatmaker, D. M. 2013. “Fine-tuning the signal: image and identity at
the Federal Reserve.” International Public Management Journal, 16(4), 532-556.
https://doi.org/10.1080/10967494.2013.849167
Alves, J. C., Lok, T. C., Luo, Y., & Hao, W. 2020. “Crisis management for small business
during the COVID-19 outbreak: Survival, resilience and renewal strategies of firms in
Macau”. Research Square. https://doi.org/10.21203/rs.3.rs-34541/v1
34
RESTRICTED
Baumann, E. 2011. « Modèles d’évaluation des performances économique,
environnementale et sociale dans les chaînes logistiques ». Gestion et management. INSA
de Lyon. https://theses.hal.science/tel-00679706
Beton, L., & Bertolucci, M. 2020. « Dynamique de déconstruction de la compétence
collective-Le cas d’une équipe en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ».
Revue française de gestion, 46(290), 85-106. https://doi.org/10.3166/rfg.2020.00454
Beyes, Timon, & Holt, Robin. 2020. “The topographical imagination: Space and
organization theory.” Organization Theory, 1, 2631787720913880.
https://doi.org/10.1177/2631787720913880
Bingham, C. B., & Eisenhardt, K. M. 2011. “Rational heuristics: the ‘simple rules’ that
strategists learn from process experience.” Strategic management journal, 32(13), 1437-
1464. https://doi.org/10.1002/smj.965
Boin, A. 2009. « The new world of crises and crisis management: Implications for
policymaking and research ». Review of Policy research 26(4): 367-377.
https://doi.org/10.1111/j.1541-1338.2009.00389.x
Boin, A., T’ Hart, P., & Kuipers, S. 2018. « The crisis approach ». in H. Rodríguez, W.
Donner, & J. E. Trainor (Eds.), Handbook of disaster research, Springer International
Publishing, Cham., pp. 23–38. Available at
https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-63254-4_2
Boin, A., T. Hart, P., Stern, E., & Sundelius, B. 2016. The politics of crisis management:
Public leadership under pressure, Second edition, Cambridge, Cambridge University
Press.
35
RESTRICTED
Bolden, R. 2011. “Distributed leadership in organizations: A review of theory and
research.” International journal of management reviews, 13(3), 251-269.
https://doi.org/10.1111/j.1468-2370.2011.00306.x
Borodzicz E., Haperen KV. 2002. « Individual and Group Learning in Crisis
Simulations ». Discussion papers in management - University of Southampton.
https://doi.org/10.1111/1468-5973.00190
Bousquet, C. 2018. L’articulation des compétences individuelles et collectives à la
stratégie de l’entreprise. Doctoral Dissertation, Université Jean Moulin Lyon 3, France.
https://www.theses.fr/2018LYSE3081
Boutet, A., et Derache, G. 2022. « Simulation de crise-24h dans la tempête ». In RESSI
2022-Rendez-vous de la Recherche et de l'Enseignement de la Sécurité des Systèmes
d'Information. https://hal.inria.fr/hal-03611184
Brown, A. D., Colville, I., et Pye, A. 2015. « Making sense of sensemaking in
organization studies”. Organization studies 36(2): 265-277. DOI:
10.1177/0170840614559259
Caldwell L.K. 1972. “Megacrisis and the Need for a Science of Man”, The American
Biology Teacher, Vol. 34, No. 8, pp. 443-448. https://doi.org/10.2307/4444080
Chandes, J. et Paché, G. 2006. « La coordination des chaînes logistiques multi-acteurs
dans un context humanitaire : quels cadres conceptuels pour améliorer l’action ? »
Logistique & Management 14(1): 33-42.
https://doi.org/10.1080/12507970.2006.11516852
36
RESTRICTED
Cornelissen, J. P. 2012. “Sensemaking under pressure: The influence of professional roles
and social accountability on the creation of sense.” Organization Science, 23(1), 118-137.
https://doi.org/10.1287/orsc.1100.0640
Cros R., De Vittoris R. (2020). Apprendre à favoriser les apprentissages entre acteurs
privés et publics : Cas d’un site Michelin. Gestion 2000, 36(5), 46-66.
Crocq, L., Huberson, S., et Vraie, B. 2009. Gérer les grandes crises : Sanitaires,
écologiques, politiques et économiques. Odile Jacob.
Davoine E. 2021. The Mirror-Effect. A self image for Change, in Savall H. & Zardet V.,
Traité de management socio-économique. Théorie et pratiques, Caen, Éditions EMS, p.
1145-1153. Available at https://www.researchgate.net/profile/Eric-
Davoine/publication/356063981_The_Mirror-Effect_a_Self-
Image_for_Change/links/618a7cce61f098772074031e/The-Mirror-Effect-a-Self-Image-
for-Change.pdf
De Rond, Mark, Isaac Holeman, and Jennifer Howard-Grenville. 2019. «Sensemaking
from the Body: An Enactive Ethnography of Rowing the Amazon. » Academy of
Management Journal 62(6): 1961–88. https://doi.org/10.5465/amj.2017.1417
De Vittoris, R. 2020. Pilotage des cellules de crise: Développement d'un modèle au sein
du Groupe Michelin (Doctoral dissertation, Normandie). https://theses.hal.science/tel-
03217078
De Vittoris R., Cros S. 2023. Le serious game, un outil pertinent pour la gestion de crise,
Recherches en Sciences de Gestion-Management Sciences-Ciencias de Gestión
De Vittoris, R. 2021. Surmonter les crises, idées reçues et vraies pistes pour les
entreprises. Dunod, Paris.
37
RESTRICTED
De Vittoris, R. 2023. « Identification des profils d'anticipateurs et amélioration des
performances de gestion de crise. GT pratiques d'anticipation : capacités stratégiques,
responsabilités et vulnérabilités des organisations », AIMS. Janvier 2023
De Vittoris, R., Lissilour, R., et Bousquet C. 2022. Simulation, sensemaking et
performance dans les équipes de gestion de crise : le cas de Michelin. IRMBAM. Juillet
2022. https://uca.hal.science/hal-03882736/document
Denzin, N. K., et Lincoln, Y. S. 2008. Introduction: The discipline and practice of
qualitative research. Sage Publications, Inc. Available at
https://psycnet.apa.org/record/2008-06339-001
Fabbri, R., Goedert, B. & Janasiewicz, D. 2015. Analyse de la création de sens commun
par l’engagement vers l’action. Conference paper, PROLOG, Metz.
https://www.researchgate.net/publication/273609793
Fiss, P. C., & Hirsch, P. M. 2005. “The discourse of globalization: Framing and
sensemaking of an emerging concept” American sociological review, 70(1), 29-52.
https://doi.org/10.1177/000312240507000103
Fiss, P. C., & Zajac, E. J. 2006. “The symbolic management of strategic change:
Sensegiving via framing and decoupling.” Academy of management journal, 49(6), 1173-
1193. https://doi.org/10.5465/amj.2006.23478255
Garidi S. 2020. « L’adoption d’un système d’information à l’hôpital dans le contexte de
la crise sanitaire du coronavirus ». Logistique & Management 28(3-4): 169-183.
https://doi.org/10.1080/12507970.2020.1837024
38
RESTRICTED
Gaultier-Gaillard, S., Persin, M. et Vraie, B. 2012. Gestion de crise – Les exercices de
simulation : de l’apprentissage à l’alerte. AFNOR, La plaine Saint-Denis Cedex.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02288123
Girin, J. 1990. « L’analyse empirique des situations de gestion : éléments de théorie et de
méthode ». Epistémologies et sciences de gestion, 141-182.
Gredler, M. E. 1992. Designing and evaluating games and simulations: A process
approach. Kogan Page.
Hart, P., Rosenthal, U., et Kouzmin, A. 1993. « Crisis decision making: The
centralization thesis revisited ». Administration & Society 25(1): 12-45.
https://doi.org/10.1177/009539979302500102
Höllerer, M. A., Jancsary, D., et Grafström, M. 2018. « A picture is worth a thousand
words : Multimodal sensemaking of the global financial crisis ». Organization Studies
39(5-6): 617-644. https://doi.org/10.1177/0170840618765019
Huberman, A. M., et Miles, M. B. 1991. Analyse des données qualitatives: recueil de
nouvelles méthodes. Éditions du Renouveau pédagogique, De Boeck.
www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1993_num_105_1_2525_t1_0132_0000_2
Lagadec P. 2001. « Les exercices de simulation, une voie essentielle d'apprentissage ».
La Lettre des Cindyniques 34. https://doi.org.10.3406/airdf.2001.1467
Lagadec P. 2015. « Aux prises avec l’inconnu ». Préventique 139 Janvier-Février.
Lalonde C. 2007. « Crisis management and organizational development towards the
conception of a learning model in crisis management ». Organization Development
Journal, 25(1), 17-26. 10.1111/j.1467-7717.2010.01223.x
39
RESTRICTED
LaPorte TR. 2007. Anticipating rude surprises. Communicable Crises: Prevention,
Response, and Recovery in the Global Arena, 25–44.
Laroche H., Steyer V. 2012. Le virus du doute – Décision et sensemaking dans une cellule
de crise. Revue française de gestion, 225, 167-186.
Lissillour, R., et Rodriguez-Escobar J. A. 2022. « Organizational ambidexterity and the
learning organization: the strategic role of a corporate university ».Learning
Organization https://doi.org/10.1108/TLO-01-2021-0011 .
Lissillour, R., Rodríguez-Escobar, J. A., et Wang, Y. 2020. « A strategic alignment to
leverage the role of corporate universities ». Gestion 2000 37(3): 39-65. DOI :
10.3917/resg.145.0153
Maitlis, S., et Christianson, M. 2014. « Sensemaking in organizations: Taking stock and
moving forward ». Academy of Management Annals 8(1), 57-125.
10.1080/19416520.2014.873177
Masselin, B., Hartmann, F. et Artigue, M. 2023. « Étude du rôle des facilitateurs dans un
dispositif de lesson study adapté. » Annales de Didactique et de Sciences Cognitives, 213-
260. https://doi.org/10.4000/adsc.1816
Moynihan DP. 2009. « The Network Governance of Crisis Response: Case Studies of
Incident Command Systems ». J-PART 19(4): 895-915. 10.1093/JOPART/MUN033
Passè E. 2011. Gestion de crise et improvisation, les leçons de 4 études de cas. Thèse de
doctorat, Université de Strasbourg. Available at https://publication-
theses.unistra.fr/public/theses_doctorat/2011/PASSE_Edmond_2011.pdf
40
RESTRICTED
Pergel R. Psychogios AG. 2013. « Making Sense of Crisis: Cognitive Barriers of
Learning in Critical Situations”. Management Dynamics in the Knowledge Economy 1(2):
179-205. Available at
https://www.managementdynamics.ro/index.php/journal/article/view/20
Ratner, H. 2020. Topologies of organization: Space in continuous deformation.
Organization Studies, 41, 1513–1530. https://doi.org/10.1177/0170840619874464
Reznek, M., Smith‐Coggins, R., Howard, S., Kiran, K., Harter, P., Sowb, Y., Gaba, D.,
& Krummel, T. 2003. Emergency Medicine Crisis Resource Management (EMCRM):
Pilot study of a simulation‐based crisis management course for emergency medicine.
Academic Emergency Medicine, 10(4), 386-389. 10.1111/j.1553-2712.2003.tb01354.x
Sandberg J., Tsoukas H. 2020. Sensemaking reconsidered : towards a broader
understanding through phenomenology. Organization theory, 1, 1-34.
https://doi.org/10.1177/2631787719879937
Schildt H., Mantere S., Cornelissen J. 2020. “Power in sensemaking processes.”
Organization Studies, 41(2), 241-265. https://doi.org/10.1177/0170840619847718
Steigenberger, N., & Lübcke, T. 2022. “Space and Sensemaking in High-Reliability Task
Contexts: Insights from a maritime mass rescue exercise.” Organization Studies, 43(5),
699-724. DOI 10.1177/01708406211035511
Stern E. 1997. « Crisis and Learning: A Conceptual Balance Sheet ». Journal of
Contingencies and Crisis Management 5(2): 69–86. 10.1111/1468-5973.00039
Thi Le Hoa, V. O. 2010. « Simulation et gestion des chaînes logistiques globales dans
l’incertain: application à une filière agro-alimentaire face à la crise sanitaire ». Logistique
& Management 18(1): 81-93. https://doi.org/10.1080/12507970.2010.11516962
41
RESTRICTED
Thorpe, R., Gold, J., & Lawler, J. 2011. “Locating distributed leadership.” International
journal of management reviews, 13(3), 239-250. https://doi.org/10.1111/j.1468-
2370.2011.00303.x
Tosi, L. 2022. "Une exploration bibliométrique de la structuration disciplinaire de la
recherche en logistique humanitaire : une perspective managériale." Logistique &
Management 30(1): 1-15. https://doi.org/10.1080/12507970.2021.1977195
Van Laere, J., & Lindblom, J. 2019. “Cultivating a longitudinal learning process through
recurring crisis management training exercises in twelve Swedish municipalities.”
Journal of Contingencies and Crisis Management, 27(1), pp. 38-49.
https://doi.org/10.1111/1468-5973.12230
Van Maanen, J. 1983. Qualitative Methods Reclaimed. Alfred P Sloan School of
management Cambridge MA. Available at https://apps.dtic.mil/sti/pdfs/ADA134640.pdf
Vandangeon-Derumez I. et Autissier D. 2006. Construire du sens pour réussir les projets
de changement. Les Défis du Sensemaking en Entreprise. Economica.
Vraie B. 2017. Management sous stress - Prise en compte du facteur « stress aigu » dans
la gestion de crise. Thèse de doctorat. Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
https://www.theses.fr/2017PA01E002
Weible, C. M., Nohrstedt, D., Cairney, P., Carter, D. P., Crow, D. A., Durnová, A. P.,
Stone, D. 2020. “COVID-19 and the policy sciences: Initial reactions and perspectives”,
Policy Sciences, Vol.50, pp. 1-17. https://doi.org/10.1007/s11077-020-09381-4
Weick, K. E. 1988. « Enacted sensemaking in crisis situations ». Journal of Management
Studies 25: 305–17. DOI: 10.1111/j.1467-6486.1988.tb00039.x
42
RESTRICTED
Weick, K. E. 1993. « The collapse of sensemaking in organizations: the Mann Gulch
disaster ». Administrative Science Quarterly 38: 628–52. doi:10.2307/2393339.
Weick, K. E. 2010. « Reflections on enacted sensemaking in the Bhopal disaster ».
Journal of Management Studies 47(3): 537–550. https://doi.org/10.1111/j.1467-
6486.2010.00900.x
Weick, K. E., Sutcliffe, K. M., et Obstfeld, D. 2005. « Organizing and the process of
sensemaking ». Organization science 16(4): 409-421. 10.1287/orsc.1050.0133
Whiteman, G., & Cooper, W. H. 2011. “Ecological sensemaking.” Academy of
Management Journal, 54(5), 889-911. http://www.jstor.org/stable/41413598.
Wybo JL. 2006. « Using simulation of accidents to assess resilience capacities of
organizations ». 2nd Symposium on Resilience Engineering, Nov, Juan-les-Pins, France:
9. ⟨hal-00637869⟩
Wybo JL. 2008. The Role of Simulation Exercises in the Assessment of Robustness and
Resilience of Private or Public organizations. Resilience of Cities to Terrorist and other
Threats - Learning from 9/11 and further Research Issues, Springer-Verlag, pp.491-507,
2008, NATO Science for Peace and Security Series, volume 6.
Wybo JL. 2018. “Track circuit reliability assessment for preventing railway accidents.”
Safety Science 110: 268-275. https://doi.org/10.1016/j.ssci.2018.03.022
Yen V.Y., Salmon C.T. 2017. “Further explication of mega-crisis concept and feasible
responses”, paper presented at SHS Web of Conferences 33, i-COME'16.
Yin, R.K. 2003. Case study research design and methods. Sage publications, Thousand
Oaks, CA.