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Université de Lille
Faculté PsySEF (Psychologie / Sciences de l’Éducation et de la Formation)
Master 2 Didactiques, Enseignement et Formation des formateurs
Option ADEA
Nicolas Lieury
Numéro étudiant : 52114009
La construction des problèmes scientifiques sur le terrain en écologie :
phénomènes et mécanismes d’apprentissages en SVT au lycée général.
Mémoire de recherche de Master 2
Mémoire de recherche soutenu le 04/07/2022 devant le jury :
Direction et examen du mémoire :
Denise ORANGE-RAVACHOL, Laboratoire Théodile-CIREL, Université de Lille
Cédric FLUCKIGER, Laboratoire Théodile-CIREL, Université de Lille
Présidence du jury :
Catherine BOYER, Laboratoire Théodile-CIREL, Université de Lille
2
3
Résumé :
L’enseignement de l’écologie scientifique à l’école est probablement une des clés
d’atténuation et d’adaptation des sociétés humaines à la crise environnementale planétaire qu’elles
engendrent et subissent. En conséquence, l’étude des pratiques d’enseignement et des phénomènes
d’apprentissage qu’elles génèrent chez les élèves est un objet d’étude majeur pour les recherches en
didactique des sciences. Confronté a priori à une construction des contenus scientifiques à partir du
réel de terrain malgré le surcroît d’investissement nécessaire, l’enseignement de l’écologie est riche
de phénomènes, d’évènements et de mécanismes d’apprentissage pouvant nourrir tout un champ de
recherche. En guise de première approche, ce mémoire de recherche présente une analyse
préliminaire de ces phénomènes et mécanismes d’apprentissages de la construction des problèmes
scientifiques sur le terrain en écologie, tels qu’ils peuvent être observés et interprétés au sein de la
discipline Sciences de la Vie et de la Terre au lycée général français. À partir de questionnaires
soumis à des élèves avant et après une diversité de séquences d’enseignement en écologie, ce
mémoire propose une analyse statistique quantitative des phénomènes d’apprentissage des contenus
disciplinaires en termes de savoir-être et de « rapport à ». Cette analyse se complète d’une
description qualitative et interprétative des pratiques d’enseignement suivies par les mêmes élèves à
partir des documents de travail des enseignants. Enfin, la combinaison des deux approches dans un
modèle statistique des phénomènes d’apprentissage a pour objectif d’identifier certains mécanismes
d’enseignement. Malgré un échantillon insuffisant et des problèmes méthodologiques, ce mémoire
révèle une dynamique d’apprentissage des savoir-être et des « rapport à » en écologie pouvant être
dépendante du degré de confrontation au réel de terrain comme du degré d’acquisition antérieure
des contenus travaillés. Au final, ce mémoire présente les conditions d’un projet de recherche de
long terme qui permettraient de lever certaines difficultés méthodologiques et d’avancer dans la
compréhension des phénomènes et des mécanismes d’enseignement-apprentissage en écologie.
Remerciements :
Merci à Denise Orange-Ravachol d’avoir montré un intérêt pour ce projet de recherche dès sa
genèse et d’avoir accepté d’en suivre la première étape d’aboutissement que constitue ce mémoire.
Merci à Cédric Fluckiger pour la richesse des échanges théoriques et méthodologiques autour
de ce projet dont il a gentiment accepté le suivi et la codirection.
Merci à l’ensemble des enseignants-chercheurs intervenant dans le Master 2 DEA,
particulièrement Cora Cohen-Azria et Bertrand Daunay, d’avoir accepté un enseignant écologue
parmi les étudiants et d’avoir montré un réel intérêt dans le partage d’idées et de méthodes avec ce
transfuge trop curieux.
Merci à l’ensemble de la promotion des étudiants du Master 2 pour la diversité de leurs
parcours, la richesse de leur intervention et la bonne humeur de leur présence.
Merci à Catherine Boyer d’avoir accepté la présidence du jury de la soutenance.
Ce mémoire est dédié aux élèves passés et présents des lycées Charles de Gaulle de Rosny-
sous-bois, Catherine et Raymon Janot de Sens, et Henri Darras de Liévin.
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Sommaire
Résumé : .............................................................................................................................................. 3
Remerciements : ................................................................................................................................. 3
1. Introduction : « promenons-nous dans les bois… » ................................................................ 7
2. Contexte de recherche : enseigner l’écologie face à la crise environnementale .................... 9
2.1. Un contexte de crise environnementale ................................................................................. 9
2.2. La recherche scientifique face à la crise environnementale .................................................. 9
2.3. L’enseignement des sciences face à la crise environnementale .......................................... 11
2.4. L’enseignement de l’écologie dans le système scolaire français ........................................ 14
2.5. Quid d’une didactique de l’écologie ? ................................................................................. 15
3. Quel(s) cadre(s) théorique(s) pour une didactique de l’écologie .......................................... 18
3.1. L’évaluation quantitative des pratiques en éducation à l’environnement ........................... 18
3.2. L’analyse interprétative des obstacles à la construction des problèmes en SVT ................ 23
3.2.1. Le concept d’obstacle didactique ................................................................................. 24
3.2.2. Les obstacles à la construction de connaissances scientifiques sur le terrain .............. 24
3.2.3. Les obstacles à la construction de connaissances scientifiques en SVT ...................... 26
3.2.4. Les obstacles à la construction de connaissances scientifiques expérimentales .......... 30
3.3. L’apprentissage par problématisation en SVT .................................................................... 31
4. Problématique et hypothèses de recherche ............................................................................ 34
Quels mécanismes d’enseignement pour expliquer les phénomènes d’apprentissage identifiables
en Sciences de la Vie et de Terre au lycée général lors de la construction des problèmes
scientifiques en écologie à partir du réel de terrain ? .................................................................... 34
5. Un cadre méthodologique combinant évaluation quantitative des phénomènes
d’apprentissage et interprétation qualitative des mécanismes d’enseignement......................... 36
5.1. Les situations didactiques étudiées : les séquences d’activités d’écologie en SVT ............ 36
5.2. L’évaluation quantitative des phénomènes d’apprentissage en écologie ............................ 37
5.3. L’interprétation des obstacles d’apprentissage en écologie à partir des questionnaires ..... 41
5.4. L’interprétation des séquences d’enseignement à la lumière de la problématisation ......... 42
5.5. La recherche de mécanismes d’enseignements à l’origine des d’apprentissage ................. 43
6
6. Résultats préliminaires du projet de recherche ..................................................................... 47
6.1. Description de l’échantillon et identification de biais d’échantillonnage ........................... 47
6.2. Compréhension de phénomènes d’apprentissage lors des situations didactiques étudiées . 48
6.3. Description de représentations d’élèves et interprétation d’obstacles didactiques ............. 51
6.4. Description et catégorisation des pratiques enseignantes .................................................... 55
6.5. Explication des mécanismes d’apprentissage lors des situations didactiques étudiées....... 61
7. Apports, limites et améliorations du projet de recherche ..................................................... 68
7.1. Concernant l’échantillonnage des situations didactiques .................................................... 68
7.2. Concernant l’évaluation des phénomènes d’apprentissage ................................................. 71
7.3. Concernant l’interprétation des pratiques enseignantes ...................................................... 72
7.4. Concernant la complémentarité des approches quantitatives et qualitatives ...................... 75
7.5. Concernant l’émergence d’une didactique de l’écologie .................................................... 77
8. Éléments bibliographiques ....................................................................................................... 80
9. Annexes ...................................................................................................................................... 83
9.1. Annexe n°1 : l’écologie scientifique au programme du lycée en SVT ............................... 83
9.2. Annexe n°2 : liens internet vers les différents questionnaires soumis aux élèves .............. 86
9.3. Annexe n°3 : annotation des questionnaires soumis aux élèves dans le cadre du projet .... 87
9.4. Annexe n°4 : traitement des questionnaires et calcul de scores .......................................... 90
9.5. Annexe n°5 : corpus de documents relatif à l’étude des pratiques enseignantes ................ 92
9.6. Annexe n°6 : éléments de validation des modèles statistiques ........................................... 93
9.6.1. Vérification de l’homogénéité de la variance des variables expliquées ...................... 93
9.6.2. Vérification de l’absence d’autocorrélation entre les variables explicatives ............... 93
9.6.3. Vérification de la normalité des résidus de la modélisation ........................................ 94
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1. Introduction : « promenons-nous dans les bois… »
« Bon ! Alors, ça vous a plu cette journée ?
— Ah, super ! Merci beaucoup, ça fait du bien de sortir du lycée et voir de la nature !
— Miskine, t’es fou, ouaich ! Il a plu toute la journée et mes nikes sont pourries !
— Quand est-ce qu’on arrive ? On en peut plus là… »
Ce dialogue se déroule sur le chemin du retour au lycée entre un groupe de Première
spécialité Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) et leur enseignant. Dans le cadre du thème
d’écologie sur les écosystèmes, l’enseignant a organisé une activité de terrain dans une forêt à trente
minutes à pied de l’établissement. Après une première séance en classe quantifiant par imagerie
aérienne la destruction des espaces naturels autour du lycée, l’objectif de la sortie était de
comprendre pourquoi ces changements locaux entraînent une extinction globale des populations
naturelles. Chaque groupe d’élèves a mesuré des paramètres biotiques (diversité des arbres,
abondance par espèce…) et abiotiques (température, humidité…) sur un mètre carré échantillonné
au hasard dans la forêt. Rassemblées dans un tableur à la séance suivante, ces données riches
d’incertitudes de mesure et de variabilité inter-groupe seront analysées pour répondre au problème
par la découverte des concepts de niche écologique, de relation biotique et d’écosystème… Cette
séance de terrain est cruciale pour l’enseignant qui veut familiariser les élèves à la pratique des
méthodes utilisées pour décrire et comprendre les systèmes écologiques. Il espère qu’ils
comprendront la difficile évaluation des conséquences des activités humaines, qu’ils resteront
critiques sur les biais d’incertitude et d’échantillonnage, et qu’ils amélioreront leur apprentissage
comme leurs résultats scolaires. Pourtant, dans l’immédiat, les élèves retiennent principalement des
impressions sensibles (fatigue, pluie) ou émotionnelles (excitation, ennui). La déception est grande
au regard de l’investissement produit par l’enseignant : temps de préparation, accord administratif,
incertitude météorologique, risque pédagogique… L’enseignant se demande alors si toute l’énergie
dépensée en vaut la peine, si la sortie répond suffisamment aux objectifs fixés pour être reconduite,
bref si « ça sert à quelque chose de faire tout ça », si « ça marche ».
La situation didactique ainsi exposée correspond à une activité pratique de SVT, réalisée sur
le terrain à l’extérieur du lycée, et participant à la construction de connaissances en écologie. La
locution adverbiale couramment utilisée « sur le terrain » sera utilisée dans cet écrit et jusqu’à
nouvel ordre (c’est-à-dire avant d’être questionnée plus en détail) comme signifiant le lieu où se
passe l’action, où est perceptible la réalité de l’objet étudié. Dans le cas de l’enseignement de
l’écologie au lycée, le « terrain » correspond donc à tout environnement extérieur à un bâtiment
scolaire et dont la composante vivante non humaine est suffisamment riche pour pouvoir y étudier
les interactions entre les êtres vivants et avec leur milieu de vie, par exemple, la pelouse arborée du
8
lycée, un parc urbain ou une forêt ou une prairie à proximité du lycée ou lors d’un voyage scolaire.
Ces activités ou pratiques d’enseignement sur le terrain sont fortement recommandées par les
programmes des disciplines scolaires traitant d’écologie mais le surcroît d’investissement qu’elles
représentent pour l’enseignant invite à les questionner à la lumière des apprentissages qu’elles
induisent. Le travail de recherche présenté par ce mémoire souhaite donc éclairer ce type de
situation didactique à partir d’une question de départ similaire à celle du praticien enseignant
présenté dans la situation d’accroche.
Après avoir justifié le sujet de recherche de ce mémoire par le rôle de l’école en contexte de
crise environnementale planétaire, un état des lieux de la littérature scientifique étudiant les
situations d’enseignement-apprentissage de l’écologie sur le terrain montrera que deux angles de
vue complémentaires sont nécessaires pour construire une problématique de recherche à partir de la
question de départ. Le premier angle de vue est celui de la gestion scientifique des systèmes
éducatifs (« evidence-based education ») qui cherche à évaluer l’efficacité d’une situation
didactique, c’est-à-dire sa capacité à atteindre les objectifs fixés en termes d’apprentissage. La
méthodologie correspondante reposera sur une analyse statistique de déclarations d’élèves lors de
questionnaires soumis en amont et en aval de la séquence didactique étudiée. Le second angle de
vue est l’interprétation de certains obstacles à la construction de connaissances scientifiques et leur
levée grâce à l’apprentissage par problématisation. Des analyses interprétatives de documents de
travail d’enseignants permettront de catégoriser les pratiques enseignantes utilisées pour faire face à
ces obstacles d’apprentissage.
9
2. Contexte de recherche : enseigner l’écologie face à la crise environnementale
2.1. Un contexte de crise environnementale
Depuis la Révolution industrielle des années 1850 à la mondialisation des échanges
commerciaux au 21e siècle, l’intensification des activités humaines reposant sur la combustion des
roches carbonées fossiles est à l’origine d’une augmentation de 25 % de la teneur en dioxyde de
carbone atmosphérique et en conséquence d’une augmentation de 1,5°C de la température moyenne
à la surface de la Terre (Pachauri & Reisinger, 2007). En parallèle, l’exploitation des ressources
naturelles (bois, pêche et chasse) nécessaires à l’approvisionnement d’une démographie humaine
croissance est à l’origine du déclin mondiale des effectifs des êtres vivants non humains (Figure 1)
et de la disparition de certaines de leurs espèces (Díaz, Settele, Brondízio, & Hugo, 2019). Ces deux
constats entremêlés à la dégradation et à la destruction des écosystèmes
1
sont les phénomènes
décrits d’une crise
2
environnementale qui touche la biosphère terrestre et notre humanité de plein
fouet. L’intensité de cette crise est telle qu’un consensus scientifique s’est établi pour la qualifier de
sixième crise biologique d’extinction marquant le début d’une nouvelle ère géologique :
l’Anthropocène (Lange, 2020).
Figure 1 : Variation de l'indice global Planète Vivante élaborée par le WWF (World Wildlife Fondation) entre 1970 et 2015. Cet indice
est une synthèse des estimations d’effectifs des populations animales suivies par des chercheurs et gestionnaires dans le monde
entier, et rapporté à sa valeur de 1970. La présente figure est extraite d’un article du quotidien de presse Le Monde en date du 30
octobre 2018 afin de montrer que cette crise environnementale est désormais de notoriété publique.
2.2. La recherche scientifique face à la crise environnementale
Bien que la prise de conscience de cette crise environnementale soit aujourd’hui partagée par
une majeure partie de la population suite aux efforts de médiatisation, de vulgarisation et
d’instruction de ces dernières décennies, la compréhension de ce phénomène et l’explication de ses
1
Un système est défini ici comme un ensemble d’éléments en interaction dans un espace donné et durant un temps
donné. Par exemple, un système écologique ou écosystème est un ensemble d’êtres vivants en interaction dans un
espace et un temps donné, caractérisé par des conditions de vie mesurables.
2
Une crise peut être définie comme un évènement grave et profond qui perturbe l’organisation et le fonctionnement
d’un système, qu’il soit écologique, physiologique, économique ou social.
10
mécanismes a requis près d’un demi-siècle de recherche scientifique en écologie. L’écologie est la
science qui étudie les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur environnement abiotique.
Elle s’intéresse en particulier à comprendre les mécanismes expliquant la distribution dans le temps
et l’espace des êtres vivants (Begon et al., 2006; Magro & Hemptinne, 2011). Initialement
descriptive et inductive lors de son développement durant la première moitié du XXe siècle sous
l’influence des auteurs pionniers (Elton, Odum, Tansley, Hutchinson…avec 5% des études publiées
de nature expérimentale en 1950), l’écologie s’est progressivement muée au cours de la seconde
moitié du siècle vers une science quantitative, statistique et expérimentale visant à éprouver ses
concepts primordiaux (30% d’études expérimentales en 1990 ; Finn, Maxwell, & Calver, 2002). De
plus, au tournant des années 1960-1970, la brutale prise de conscience des conséquences
inattendues des activités humaines sur son environnement
3
a conduit l’écologie scientifique a
réorienté ces objets de recherche : initialement concentré sur la compréhension fondamentale d’une
nature sauvage, c’est-à-dire libre de toute influence humaine apparente (forêt équatoriale, parcs
nationaux, grandes prairies désertes, littoraux rocailleux…), la communauté des écologues s’est
progressivement intéressée à l’influence des activités humaines sur les écosystèmes, à la
démonstration de leurs responsabilités dans la crise écologique constatée comme à l’évaluation des
conséquences de la gestion des ressources naturelles (voir Lieury 2015, Introduction, Partie 1).
Ainsi, la recherche scientifique a montré qu’elle permettait de faire face aux crises, en produisant
collectivement des connaissances au sujet de la compréhension et de l’explication de ces dernières.
Or, ceci n’était et n’est toujours pas une mince affaire étant donné la complexité des réseaux
écologiques, la variabilité spatio-temporelle de ces réseaux comme des activités humaines, l’échelle
spatiale mondiale et l’échelle temporelle décennale des changements étudiés.
Une première approche phénoménologique a été de démontrer l’existence d’une telle crise
environnementale par la généralisation planétaire des observations localisées induisant l’hypothèse
d’une extinction des populations et des espèces. Pour ce faire, des dizaines de milliers de
populations de milliers d’espèces différentes ont été suivies pendant des décennies dans plusieurs
endroits du monde en utilisant des protocoles rigoureux et comparables d’estimation des effectifs
d’individus en tenant des variations de la probabilité de détecter les individus à chaque session de
comptage. Les revues systématiques
4
de ces suivis par des communautés de chercheurs
académiques (IPBES) ou associatives (Figure 1 du WWF) ont alors permis l’établissement d’un
consensus sur la nature de cette crise environnementale. En parallèle, une deuxième approche
3
On peut citer l’ouvrage Silent Spring publié en 1962 par la biologiste Rachel Carson sur les conséquences de
l’épandage des pesticides sur la diversité biologique des systèmes agricoles, ou encore le rapport Meadows publié en
1972 sur les conséquences de la croissance économique et démographique sur la surexploitation des ressources.
4
Une revue systématique est une synthèse exhaustive de toutes les études scientifiques publiés sur un sujet donné
permettant d’établir à un instant t un bilan des connaissances et du niveau de certitude sur ce sujet.
11
mécaniste a consisté à valider l’hypothèse de l’origine anthropique de cette crise par l’explication
des mécanismes, c’est-à-dire des liens de cause à effet entre les activités humaines et les
phénomènes de déclin et d’extinction des populations. Pour ce faire, des milliers de protocoles
expérimentaux ont interrogé des dizaines de mécanismes suspectés (concentration des pesticides le
long des chaînes alimentaires, fragmentation génétique des populations, eutrophisation des milieux
aquatiques, favorisation d’espèces envahissantes…). Les méta-analyses
5
effectués sur ces résultats
ont permis l’établissement d’un consensus sur la responsabilité humaine de cette crise
environnementale. La figure 2 ci-dessous présente en guise d’exemple les résultats d’une méta-
analyse des conséquences de différentes activités humaines sur les effectifs d’insectes pollinisateurs
(Winfree, Aguilar, Vázquez, Lebuhn, & Aizen, 2009).
Figure 2 : Résultat d'une méta-analyse de l'effet de différentes activités humaines sur l'abondance des insectes pollinisateurs
(adapté de Winfree et al 2009). Pour chaque activité testée, le point central indique la moyenne des effets identifiés par les études
prises en compte, la barre d’erreur horizontale indique la variation (écart-type) des effets autour de la moyenne, et le nombre entre
parenthèses indique le nombre d’articles scientifiques pris en compte. Le lecteur peut constater qu’à l’époque de l’étude, seule la
conversion d’une prairie fleurie en un autre système (forêt, zone industrielle…) induit un déclin certain des pollinisateurs tandis que
les autres activités n’ont pas suffisamment été étudiées pour pallier la forte variation dans les effets constatés.
Ainsi, par la combinaison de ces deux approches, la recherche scientifique en écologie a pu
participer activement à la production de connaissances consensuelles appliquées au sujet d’un enjeu
contemporain de société, à l’image de l’apport de la recherche en climatologie au sujet du
réchauffement climatique actuel. En agissant de la sorte, les communautés de chercheurs concernés
ont profondément modifié leurs objets d’étude sans se détourner de la finalité de la recherche
scientifique qui reste la construction collective et rigoureuse de connaissances empiriques et
théoriques sur le monde qui nous entoure (Bachelard, 1938; repris par Lecointre, 2011).
2.3. L’enseignement des sciences face à la crise environnementale
À l’aune des conséquences néfastes, irrémédiables et profondes des activités humaines sur
l’état des écosystèmes et de la santé humaine, que doivent être les réponses de l’école si un de ses
5
Une méta-analyse est une analyse comparative et cumulative des effets mesurés d’un traitement expérimental testé
par plusieurs études scientifiques en différents contextes sélectionnés par la rigueur de leur protocole, afin d’établir le
niveau de certitude et l’intensité de l’effet identifié.
12
objectifs est de préparer les générations futures aux défis qui les attendent (Ministère de l’Éducation
Nationale, 2011, 2019a) ? Doit-elle limiter son enseignement à l’apprentissage de comportements
compatibles avec une atténuation de la crise environnementale actuelle (tri des déchets, réduction
du gaspillage, économie d’énergie…) ? Doit-elle limiter les connaissances transmises à l’existence
de cette crise et de ses causes anthropiques ? Doit-elle expliciter en complément les méthodes de
construction et de résolution de problème qui ont permis à 30 ans de recherche d’aboutir à ces
connaissances aujourd’hui consensuelles ? Dans son article intitulé « Repères pour l’enseignement
à l’ère de l’anthropocène » (2020), Jean-Marc Lange déclare que « [le contexte d’anthropocène
invite] à une éducation forte qui vise la transformation sociétale et le développement de
dispositions collectives (p. 9). » Il semble porter ici le message d’une école directement impliquée
en société par la transformation durable des comportements
6
. Néanmoins, par quels moyens
s’assurer d’une telle transformation durable ? Quels leviers d’enseignement-apprentissage faudrait-
il utiliser pour rendre possible une telle éducation forte, semble-t-il dire efficace, soit capable
d’atteindre les objectifs d’une « transformation sociétale » ? Toujours selon Jean-Marc Lange
(2020), « [il s’agit] d’apprendre à agir de manière raisonnée sans oublier les dimensions sensibles
et affectives qui entrent dans l’élaboration des jugements (p. 14). » Ainsi, la prise de conscience
chez un enfant du rapport écocentré plutôt qu’anthropocentré
7
qui le relie à son environnement
pourrait reposer sur une émotion d’émerveillement ancrée lors d’une immersion prolongée en forêt
ou en bord de mer, bien plus que par la construction schématique de réseaux d’interactions
écologiques à partir de résultats de recherche. De même, l’apprentissage des gestes de tri des
déchets demeurerait solide si ses fondations étaient le dégoût ressenti lors de la visite d’une
déchetterie sauvage ou l’empathie éprouvé par la vision d’enfants vivant dans une décharge.
Néanmoins, à l’heure où l’accès aux contrevérités semble disproportionné par l’utilisation
d’images chocs jouant sur ces mêmes « dimensions sensibles et affectives », il est légitimé de
questionner une approche éducative qui s’en limiterait, pouvant ainsi faire le jeu de l’idéologie
institutionnelle du moment et perdant en influence selon les changements de rapport de force. En
proposant « d’apprendre à agir de manière raisonnée », Jean-Marc Lange va donc bien au-delà de
cette approche simpliste en déclarant que « cette entrée [dans le monde de l’anthropocène]
questionne le monde de l’éducation […] du fait de l’incertitude des savoirs impliqués, de la
complexité de la pensée inhérente aux défis soulevés, et la difficulté à penser rationnellement et
6
Le terme de comportement sera utilisé ici dans une acception usuelle telle que toute action observable d'un sujet
dans son environnement, en réponse aux stimuli reçus. L’apprentissage de comportements adaptés fait donc
référence à l’acquisition de savoir-être, éléments de contenus d’apprentissage reliés à un champ disciplinaire.
7
A l’opposé d’une éthique anthropocentrée de l’environnement qui stimule la différence de nature et la supériorité
de l’être humain par rapport aux autres êtres vivants, l’éthique écocentrée invite à prendre conscience des relations
d’interdépendance entre les êtres vivants, l’être humain n’étant qu’une espèce parmi d’autres (Larrère & Larrère,
2011)
13
collectivement (p. 2). » Ces mots font écho à la précédente partie de ce mémoire qui présentait la
recherche scientifique en écologie comme la construction rationnelle et collective de savoirs
interrogeant les phénomènes et mécanismes d’un système planétaire éminemment complexe et
incertain. Les propos de Jean-Marc Lange invitent donc à compléter l’approche éducative sensible
par une approche éducative scientifique qui aurait pour objet les méthodes scientifiques de
construction et de résolutions des problèmes auxquels les élèves instruits auront à faire face.
Ces propositions d’approches éducatives pour l’enseignement scientifique à l’heure de
l’Anthropocène concernent plusieurs champs de recherche scientifique : climatologie, physique,
chimie, sciences économiques et sociales, mathématiques probabilistes… Comme énoncé
précédemment, l’écologie est, parmi celles-ci, une discipline fondamentale à la compréhension des
phénomènes et à l’explication des mécanismes de cet Anthropocène. C’est pourquoi certains
auteurs ont spécifiquement interrogé les objectifs d’un enseignement de l’écologie. Par exemple,
dans un article intitulé « The influence of outdoor ecology education» (1998), Franz Bogner
déclare : « The ultimate goal of environmental and ecological education, other than to generate
knowledge, is to develop student’s awareness and concern about the total ecosystem and its
problems and to shape student’s behavior concerning the environment » (p. 18). Si l’on combine
ces derniers propos avec ceux de Jean-Marc Lange, un enseignement de l’écologie face à la crise
environnementale consisterait en l’articulation d’une approche individuelle sensible et d’une
approche collective rationnelle dans l’objectif de transformer durablement les connaissances (ou
savoirs), les capacités (ou savoir-faire), les attitudes
8
(ou « rapport à ») et les comportements (ou
savoir-être) des apprenants envers leur environnement non-humain. Proposer un tel cadre suggère
des questionnements de différentes natures : (1) d’un point de vue socio-cognitif fondamental,
quelle serait la pratique d’enseignement (approche individuelle sensible vs. approche collective
rationnelle) la plus adaptée à l’apprentissage de ces différentes natures de contenus (connaissances,
attitude, comportement) ? (2) d’un point de vue socio-culturel opérationnel, quelles sont les
prescriptions et les pratiques effectives d’un tel enseignement de l’écologie ? Ces deux questions
sont éminemment didactiques dans le sens où chacune se réfère à la relation entre les enseignants,
leurs élèves et les contenus susnommés en écologie. De plus, au-delà de l’écologie, l’idée d’un
enseignement en contexte de crise, dont les interactions avec la sphère sociale et quotidienne vont
être à l’origine de tensions, est devenu un centre d’intérêt majeur pour les didactiques à travers le
cadre des questions socialement vives (Chauvigné & Fabre, 2021). Ainsi, l’enseignement de
l’écologie scientifique en contexte de crise environnementale constitue pleinement un sujet de
recherche fondamentale en didactique.
8
Le terme d’attitude sera utilisé ici dans une acception usuelle telle que toute intention d'un sujet vis-à-vis d'un objet,
prédisposition mentale à agir de telle ou telle façon. L’apprentissage d’attitudes fait donc référence à l’acquisition de
« rapport à », éléments de contenus d’apprentissage reliés à un champ disciplinaire.
14
2.4. L’enseignement de l’écologie dans le système scolaire français
Avant de s’intéresser plus précisément à la première question dans la suite du mémoire, une
réponse partielle à la seconde est un prérequis pour préciser le contexte didactique de la recherche
présentée. Celle-ci se déroule au sein du système scolaire français qui aborde l’écologie scientifique
à plusieurs niveaux et différentes disciplines ou dispositifs scolaires (Tableau 1) :
Tableau 1 : Simplification des contenus d'enseignement en écologie prescrits dans l'enseignement scolaire français (MEN 2015,
2019abc). Un tableau plus complet est disponible en annexe I
Niveau
Savoir
Savoir-faire
Cycle 1
(PS-MS-GS)
- Découvrir le monde vivant
La diversité des êtres vivants du quotidien
Observer les différentes manifestations
de la vie animale et végétale.
Cycle 2
(CP-CE1-CE2)
- Questionner le monde vivant
Les interactions des êtres vivants entre eux et leur
milieu
Observer des animaux et des végétaux
de l'environnement proche, puis plus
lointain,
Cycle 3
(CM1-CM2-6e)
- Le vivant et sa diversité
- La répartition des êtres vivants et peuplement
Exploiter l’observation d’êtres vivants
de l’environnement proche
Cycle 4
SVT
(5e-4e-3e)
- Planète Terre, environnement et Humanité
L’exploitation humaine des ressources naturelles
vivantes et les interactions entre l’Humain et son
environnement.
Privilégier les observations de terrain,
la récolte de données simples et la
mise en œuvre de démarche
expérimentale.
Seconde SVT
- Agrosystèmes et développement durable
La gestion éclairée et durable des agrosystèmes en
lien avec le développement de l’agro-écologie.
Conduire une démarche scientifique
de projet étudiant les effets
environnementaux des agrosystèmes
Première
spécialité SVT
- Écosystèmes et services environnementaux
La gestion éclairée et durable des écosystèmes grâce
à la science écologie et l’application de la démarche
scientifique.
Observer sur le terrain l’organisation
d’un écosystème avec des protocoles de
recueil et d’analyse des données sur un
écosystème.
Terminale
spécialité SVT
- Les conséquences du réchauffement climatique
L’effet direct sur la répartition des populations et les
effets indirects sur la perturbation des écosystèmes.
Favoriser une démarche de projet en
insistant sur les méthodes d’études,
d’évaluation et de synthèse.
Terminale
Enseignement
scientifique
- La biodiversité et son évolution
La mesure de la biodiversité et des effectifs des
populations
L’effet des activités humaines sur la diversité et
l’abondance
Quantifier la biodiversité ou les effectifs
d’une population à partir d’une sortie
terrain ou par l’analyse de données
récoltées.
Première et
Terminale
Spécialité
Biologie-
Ecologie
- Structure et fonctionnement des écosystèmes
- L’inventaire de la biodiversité et de sa dynamique
- La biodiversité et son évolution
- La dynamique des populations
- L’érosion de la biodiversité
Mettre en œuvre des démarches
scientifiques d’observation et de
quantification de la biodiversité et de
sa dynamique
Education au
développement
durable
Fournir une boussole aux élèves, qui leur permette d'acquérir des savoirs et des compétences,
d'orienter leurs parcours individuels, personnels et professionnels, ainsi que de fonder leurs
engagements citoyens pour un monde soutenable et respectueux des personnes et de leur
environnement.
- En école élémentaire et primaire (cycle 1, 2 et 3), l’unique enseignant de la classe aborde
l’écologie par la lunette de l’observation de l’environnement proche.
- Au collège (cycle 4) et au lycée général, l’essentiel des savoirs en écologie est abordé au
sein de la discipline Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) puisqu’une part importante des
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programmes officiels interrogent les changements climatiques, les crises biologiques, le
fonctionnement des systèmes écologiques… (Tableau 1 et Annexe 1, MEN, 2015, 2019abc). Une
approche par observation et récolte de données est toujours recommandée mais elle est complétée à
ce niveau par un travail d’analyse et d’expérimentation qui rend possible une première construction
des concepts fondamentaux en écologie (écosystème, biodiversité, niche écologique, relations
interspécifiques…).
- En lycée agricole, une discipline spécifiquement construire sous l’appellation de « Biologie-
Ecologie » détaille ces concepts d’écologie dans le contexte agricole grâce à un travail
d’observation, de projets et d’expérimentations. (Magro & Hemptinne, 2011; Ministère de
L’Agriculture, 2019).
- En complément de l’apport d’autres disciplines (histoire-géographie, sciences économiques
et sociales, physique-chimie…), le dispositif interdisciplinaire d’éducation au développement
durable (EDD) a été initié à tous les niveaux pour enseigner conjointement esprit critique et bonnes
pratiques face aux changements planétaires (Ravachol, 2014).
Ainsi, si l’écologie scientifique ne constitue pas une discipline scolaire dans le système
éducatif français, le tableau 1 indique qu’elle reste pleinement représentée dans les prescriptions
institutionnelles. Les pratiques d’enseignement/apprentissage de cette science ont donc pu être
interrogées par les sciences de l’éducation, et en particulier par les didactiques selon qu’elles
s’intéressaient à l’enseignement primaire, à l’EDD, aux SVT ou encore à l’enseignement agricole.
2.5. Quid d’une didactique de l’écologie ?
Du fait de son éclatement en différents dispositifs et disciplines scolaires, l’enseignement de
l’écologie scientifique ne bénéficie pas d’une didactique à part entière. Pour ce mémoire de
recherche, il est donc nécessaire de choisir le champ de recherche au sein duquel se placer.
Jusqu’alors, et sans en avoir fait une revue suffisante, il semble que la didactique des «éducations
à » focalise l’attention, en ce qui concerne le développement durable, sur les prescriptions et les
pratiques d’enseignement de ce dispositif interdisciplinaire voire adisciplinaire (Ravachol, 2014) :
la dimension épistémologique en lien avec l’écologie scientifique ne semble pas encore abordée. Au
contraire, les didacticiens de SVT semblent avoir principalement concentré leur attention sur cette
dimension épistémologique en questionnant la construction des savoirs scientifiques en SVT
(Lhoste, 2018; Orange-Ravachol, 2012), mais ils ont principalement étudié des problèmes de
physiologie, géologie ou évolution car ces disciplines scientifiques représentent la majorité des
objets du programme de SVT (MEN, 2015, 2019c, 2019a). Il reste donc à se tourner vers les
didacticiens de la biologie-écologie agricole pour interroger spécifiquement l’enseignement de
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l’écologie (Magro & Hemptinne, 2011). Ces derniers se placent dans un cadre socioconstructiviste
(d'après Vygotsky, 1978) pour valoriser et encourager une pratique du terrain en écologie par
l’élève entourée de ses camarades, de l’enseignant et éventuellement d’autres acteurs experts, au
plus près des problèmes rencontrés en gestion scientifique des systèmes écologiques. Cependant,
l’essentiel de leurs travaux semblent consister à profiter des expériences de recherche et
d’enseignement de chacun pour proposer des séquences ou des pratiques d’enseignement qui
sembleraient à même de répondre à l’objectif d’une construction des savoirs en écologie en contexte
de crise basée sur approche sensible individuelle combinée à une approche rationnelle collective
(Lange, 2020; Magro & Hemptinne, 2011). Les auteurs de ce champ ne semblent donc pas encore
questionner les phénomènes et mécanismes d’enseignement / apprentissage au sein des séquences
qu’ils proposent. De plus, l’enseignement en lycée agricole de la discipline « Biologie-Ecologie »
reste une niche qui ne concerne qu’un faible nombre d’élèves du système scolaire français.
En conséquence, le choix a été fait de placer le travail de recherche présenté par ce mémoire
dans le champ de la didactique des SVT car :
- Les problèmes d’écologie scientifique sont bien représentés dans les programmes.
- Un grand nombre d’élèves reçoit cet enseignement en collège puis au lycée général.
- Les phénomènes et mécanismes d’enseignement/apprentissage de la construction des
problèmes scientifiques sont au cœur des questionnements en didactique des SVT.
En conclusion, la constellation didactique (au sens de Dabène, 2008, repris par Lhoste, 2018)
qui fait l’objet de ce mémoire peut être résumée par ces différentes étoiles (Figure 3) :
Figure 3 : la constellation didactique étudiée par le projet de recherche présenté (adapté de Lhoste 2017)
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- Le contexte social est celui de la crise environnementale qui condamne les sociétés et les
acteurs de leur éducation à prendre conscience de l’effet des activités humaines sur l’environnement
non-humain et à agir urgemment pour transformer les attitudes et les comportements vis-à-vis de cet
environnement.
- Le contexte éducatif institutionnel est celui des prescriptions et recommandations en faveur
de pratiques d’enseignement cumulant une approche individuelle sensible et une approche
collective rationnelle permettant d’apporter les connaissances et les méthodes nécessaires à une
transformation durable et critiques des attitudes et des comportements vis-à-vis de la crise
environnementale.
- Le contexte scientifique de référence est celui de l’écologie scientifique qui mène la
réflexion face à cette crise environnementale en étant capable de manipuler la complexité, la
variabilité et l’incertitude des systèmes écologiques affectés par les activités humaines.
- Le contexte scolaire est celui de la discipline SVT au lycée général au sein de laquelle les
contenus liés à l’écologie scientifique ont acquis une importance non négligeable au fil des
dernières réformes.
- Les enseignants considérés sont donc des enseignants de SVT au lycée général ayant réussi
à développer et tester des séquences d’enseignements en écologie suite à la réforme des
programmes de 2019.
- Les apprenants considérés sont des élèves de lycée général assistant aux séances de SVT,
soit parce que cette discipline fait partie du tronc commun d’enseignement au niveau seconde, soit
parce que ces élèves l’ont choisi comme spécialité au niveau Première dans le cadre de la réforme
du lycée de 2019.
- Enfin, les contenus considérés sont des savoirs (concept d’écosystèmes, de biodiversité,
d’interactions biotiques, de niche écologique…), des savoir-faire (protocole d’échantillonnage et
d’expérimentation sur le terrain, analyse de données de grande dimension…), des savoirs-être
(sobriété énergétique, tri des déchets…) et des « rapports à » (éthique écocentrée…) prescrits pour
l’enseignement de l’écologie scientifique en contexte de crise environnementale.
La seconde partie de ce mémoire a pour objet d’identifier les cadres théoriques en sciences de
l’éducation et particulièrement en didactique des SVT qui peuvent permettre de penser la
constellation didactique précédente et de proposer une problématique de recherche pertinente avec
une méthodologie associée.
18
3. Quel(s) cadre(s) théorique(s) pour une didactique de l’écologie
3.1. L’évaluation quantitative des pratiques en éducation à l’environnement
La situation problème présentée en introduction de ce mémoire est celle d’une sortie scolaire
organisée par un enseignement de SVT au niveau Première pour étudier sur le terrain d’une forêt les
protocoles d’échantillonnage permettant a posteriori de décrire et comprendre l’organisation et le
fonctionnement de cette forêt. En effet, quoi de mieux a priori qu’une sortie sur le terrain pour
développer une approche à la fois sensible et rationnelle de l’écosystème forestier ? Chaque élève
peut ressentir la fraîcheur, l’humidité et l’odeur de champignon du sous-bois. Et ensemble, les
groupes d’élèves participent à la récolte de données précises qui permettront de penser cette
fraîcheur et cette humidité autrement, avec le renfort de moyennes et de variances, jusqu’à la
construction de concept écologique comme l’influence de la biocénose (ici la communauté des
arbres) sur le biotope (les paramètres abiotiques d’un écosystème). Seulement, comment savoir si
cette pratique d’enseignement permet effectivement une transformation durable des connaissances,
des attitudes et des comportements des élèves confrontés à une crise environnementale ? Cette
question de départ, qui a déjà été formulée en introduction a-t-elle été abordée par un courant de
recherche en sciences de l’éducation ? Et si oui, avec quelles méthodes et quels modèles ?
Les premières recherches orientent rapidement vers des travaux de recherche spécifiquement
intéressés par les pratiques d’éducation à l’environnement en extérieur, sur le terrain, ce que les
chercheurs anglophones nomment outdoor environnemental education ou outdoor ecology
education, et interrogés par des revues comme Journal of environnement education. Au sein de
cette communauté de recherche, de nombreux auteurs avaient d’abord justifié sans le démontrer le
bien-fondé des pratiques scolaires de terrain en écologie (Crompton & Sellar, 1981; Finn et al.,
2002; Magro & Hemptinne, 2015), sous couvert du rôle important de l’implication de l’apprenant
dans son apprentissage au sein d’un groupe social, à l’instar des pratiques expérimentales en
sciences (Johnstone, 1991; Kimball, 1913; Millar, 2004). Ensuite, à partir de 1988 et les travaux de
Janssen, quelques études recherchaient des arguments scientifiques permettant de valider ou
d’améliorer un programme d’éducation à l’environnement (Janssen, 1988) mais leurs auteurs ainsi
qu’une première revue systématique soulignaient la difficulté d’une telle évaluation à cause de la
complexité des systèmes d’étude et d’un grand nombre de biais d’échantillonnage (maigre
échantillon, apprentissage non suivi après le programme, enseignant aussi évaluateur du
programme, absence de métrique mesurant l’apprentissage… ; Leeming, Dwyer, Porter, & Cobern,
1993). Au vu de ces difficultés méthodologiques, certains auteurs contestaient alors la pertinence de
ce type d’analyses quantitatives qu’ils jugeaient insuffisantes, inappropriées et même non
nécessaires (Robottom & Hart, 1993).
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Seulement, des investissements financiers croissants aux États-Unis, en Angleterre ou en
Allemagne dans les programmes d’éducation à l’environnement ainsi que l’investissement
énergétique et temporel demandé aux enseignants pour l’organisation de ces écoles de terrain ont
conduit à poursuivre cette stratégie d’évaluation des pratiques d’enseignement sur le terrain. Celle-
ci s’est améliorée au fil des années par l’augmentation de la taille et la rigueur du protocole
d’échantillonnage ainsi que par le développement d’outils statistiques appropriés. Par exemple, en
1998, Franz Bogner a suivi 700 élèves de 12 ans issus de milieux ruraux selon qu’ils eussent suivi
ou non un programme d’éducation à l’environnement dans un parc national bavarois combinant, sur
des durées différentes, une approche sensible (toucher, odorat, jeu de rôle) et une approche
rationnelle (mesures, échantillonnages, analyses…). L’analyse statistique non paramétrique des
réponses d’élèves à un questionnaire posé avant et un mois après le programme a montré un
changement positif et significatif des connaissances et des comportements envers l’environnement
chez les élèves ayant participé à un programme de 5 jours, par rapport aux élèves n’ayant pas suivi
le programme ou étant allé dans un zoo (Bogner, 1998). A l’image de cet exemple, des études
quantitatives variées (quasi-expérimentales, corrélatives ou mixtes) se sont accumulées durant la
décennie 1990 pour permettre une nouvelle revue systématique servant de point d’étape (Rickinson,
2001; Rickinson et al., 2004). Celle-ci révèle plusieurs arguments établissant un lien relativement
solide, c’est-à-dire persistant à la forte variation selon les situations didactiques étudiées, entre une
participation suffisante à un programme d’éducation à l’environnement sur le terrain (qu’il soit
scolaire ou périscolaire) et un apprentissage durable des concepts en écologie, de même qu’une
prise de conscience de l’effet des activités humaines sur les écosystèmes et encore des changements
d'attitude envers la préservation de l’environnement (e.g. Rickinson et al., 2004).
Le cadre théorique dans lequel se placent les études précédemment citées (Bogner, 1998;
Leeming et al., 1993; Rickinson, 2001…) est celui de la gestion des systèmes éducatifs basée sur les
résultats de la recherche (« evidence-based education »). Il s’agit de l’adaptation aux pratiques et
politiques éducatives du cadre général de la gestion scientifique des systèmes (evidence-based
pratice or management ) initialement développé en médecine (« evidence-based medecine ;
exemple de la bibliothèque Cochrane : http://fr.summaries. cochrane.org/), puis en préservation des
écosystèmes (evidence-based conservation ; Sutherland, Pullin, Dolman, & Knight, 2004) et plus
récemment en gestion des politiques publiques (Kourilsky, 2019). Ce paradigme de recherche part
du constat que la grande majorité des choix pratiques effectués par les praticiens comme des
décisions prescriptives commandées par les institutions sont basés sur l’expertise individuelle et les
conflits d’opinion plutôt que sur la somme des connaissances acquises par les recherches
scientifiques (exemple de Cook et al., 2010 en gestion des écosystèmes) et que, en conséquence, les
décisions prises et les pratiques effectuées ne réussissent pas à répondre aux problèmes posés et aux
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objectifs fixés (exemple de Bottrill et al., 2011sur les plans de préservation d’espèces menacées).
En réponse à ce constat, la gestion scientifique des systèmes propose d’éclairer la prise de décision
par les connaissances scientifiques en modélisant les mécanismes de prise de décision face aux
problèmes complexes selon un processus itératif synthèse-décision-évaluation-synthèse (Figure 4) :
Figure 4 : Les étapes d’une gestion scientifique des systèmes (d’après Lieury, 2015). L’existence de revues systématiques permet de
choisir les actions qui ont déjà été évaluées avec succès (gestion éclairée). Puis, une évaluation rigoureuse des actions choisies
permet d’améliorer la gestion au fur et à mesure de ses résultats afin d’atteindre les objectifs (gestion modulable). Une logique
similaire est utilisé en sciences de l’implémentation (implementation sciences) qui chercher à élucider les mécanismes d’utilisation
en pratique des résultats de la recherche (voir Lima & Tual, 2022 pour leur présentation en sciences de l'éducation)
- Une fois l’objet et les objectifs de gestion définis par les praticiens (ou leurs prescripteurs)
acteur d’un problème complexe à gérer, l’existence de revues systématiques établies par des
chercheurs (synthèse) permet de choisir les actions (décision) qui ont déjà été identifiées comme
susceptibles d’être efficaces a priori (voire efficientes, soit efficaces à moindre coût).
- Une fois la décision de l’action à mener prise par les praticiens (ou leurs prescripteurs)
éclairés par les connaissances scientifiques, la mise en place de protocoles d’évaluation des actions
menées permet de mesurer leur efficacité a posteriori (évaluation).
- Une fois l’évaluation réalisée, celle-ci enrichit les revues systématiques futures (synthèse) et
permet de moduler la prise de décision selon la progression des connaissances (décision…)
Bien que se positionnant comme une situation de recherche appliquée et éventuellement de
recherche-action selon l’influence du chercheur sur les choix des praticiens-décideurs (et le rôle de
ces derniers dans la production de connaissances), ce cadre théorique de la gestion scientifique des
systèmes n’en demeure pas moins un cadre de recherche puisqu’il y a production collective,
rigoureuse et critique de connaissances par des chercheurs visant à mieux comprendre le monde qui
les entoure (Dossier éducation et didactique, 2017). Depuis déjà une bonne décennie, ce cadre est
désormais structurant pour de nombreux chercheurs et laboratoires de sciences de l’éducation
tentant de mieux comprendre ces systèmes complexes que sont les systèmes éducatifs et leur
diversité d’acteurs, de structures, d’objectifs et de pratiques (Bryk, 2017).
21
Figure 5 : le cadre méthodologique de la gestion scientifique des systèmes (adapté de Phi et al., 2012). Pour argumenter la prise de
décision au déjà de l'expertise individuelle, la production de connaissances scientifiques requière différents niveaux de synthèse des
données empiriques publiées pour leur qualité méthodologique.
Cette gestion scientifique des systèmes, ici éducatifs, est indissociable de son cadre
méthodologique fort (Figure 5). L’évaluation des pratiques se base sur une accumulation
d’analyses, parfois qualitatives et souvent quantitatives, ayant en commun la rigueur de leur
méthode et de l’identification de biais d’échantillonnage. Il peut s’agit de protocoles expérimentaux
comparant une ou des situations didactiques tests à des situations témoins(e.g. Bogner, 1998) mais
les protocoles quasi expérimentaux ou les études corrélatives sont plus fréquentes du fait de leur
faisabilité. Suite à cela, des méta-analyses quantitatives (e.g. Hattie, 2008) et des revues
systématiques qualitatives (comme celle de Rickinson, 2001 et 2004 sur le sujet de ce mémoire)
permettent de synthétiser la cumulativité des résultats obtenus, en tenant compte des différents biais
et changements de contextes, pour produire des connaissances qui informent les choix des praticiens
ou des prescripteurs. Ce travail de synthèse est aussi fondamentalement important pour identifier les
zones d’ombre de la recherche, c’est-à-dire les incertitudes résiduelles, les impensées théoriques ou
les manquements méthodologiques. Il permet ainsi de proposer des pistes d’amélioration possible
pour les futurs programmes et les futures études sur ces programmes au fur et à mesure de
l’accumulation d’informations. En effet, les dispositifs éducatifs visant à appliquer à grande échelle
des pratiques d’enseignement inspirées des résultats de la recherche doivent être eux-mêmes suivis
et évalués pour comprendre et améliorer les phénomènes d’implémentation de la recherche (Lima &
Tual, 2022).
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En ce qui concerne le sujet des recherches présentées ici, les revues systématiques dirigées par
Mark Rickinson (2001, 2004) ont pu souligner les zones d’ombre et perspectives d’améliorations
suivantes concernant l’évaluation des pratiques d’éducation environnementale sur le terrain :
- Une importante variabilité existe autour de l’efficacité moyenne des pratiques éducatives sur
le terrain en fonction du contexte socio-économique, du niveau scolaire considéré, de l'implication
des élèves, comme des choix et connaissances de l'enseignant. Cette variabilité découle de la
complexité croissante des systèmes éducatifs (diversité des niveaux et des dispositifs, hétérogénéité
des élèves, liberté pédagogique des enseignants, autonomie des établissements…) mais aussi du
nombre encore faible d’études scientifiques portant sur ces questions et surtout du faible niveau
d’interconnexion entre ces études conduisant à une faible diversité théorique et méthodologique.
Quelques preuves d’efficacité ne suffisant pas à supposer la validité d’une pratique dans différents
contextes, cette variabilité impose une vigilance contre toute dérive applicationniste et une
meilleure prise en compte de l’incertitude dans la prise de décision. Néanmoins, une intensification
et une diversification des études sur le sujet restent nécessaire pour enlever une part de cette
incertitude. Malgré la multiplication des revues spécialisées, l’incitation des politiques de
recherches et une centration importante sur les pratiques d’éducation à la nature chez les plus jeunes
(Ardoin & Bowers, 2020), il semble que des progrès soient encore attendus.
- Une centration sur l’identification des phénomènes d’apprentissage au travers d’effets
statistiques est constatée au détriment d’une compréhension des mécanismes à l’origine de ces
effets ou de leur absence. Là encore, la faible diversité théorique et méthodologique des études est
en cause avec une sous-représentation des analyses qualitatives permettant de proposer, par des
observations en différents contextes, les mécanismes d’enseignement expliquant l’influence des
pratiques enseignantes, comme les mécanismes d’apprentissages expliquant les changements opérés
chez les apprenants. Par exemple, il ressort des études déjà citées que derrière l’amélioration
détectée des connaissances grâce aux pratiques éducatives environnementales se cache souvent une
mauvaise compréhension des phénomènes étudiés, avec de fortes confusions renforcées par les
médias (exemple de la confusion entre couche d’ozone et réchauffement climatique, Rickinson
2001).
Grâce à ce premier état des lieux des recherches relatives au sujet de l’influence des pratiques
d’enseignement sur le terrain sur les apprentissages en écologie, la question de départ se transforme
progressivement en question de recherche : que se cache-t-il derrière l’effet statistique moyen d’un
enseignement sur les apprentissages et surtout derrière la variabilité qui l’entoure ? Autrement dit :
au-delà des phénomènes observés d’efficacité variable, quels sont les mécanismes d'enseignement-
apprentissage qui conduisent certaines activités construites sur le terrain à être porteuse (ou non) de
changement durable dans les apprentissages, indépendamment (ou non) du contexte didactique ?
23
3.2. L’analyse interprétative des obstacles à la construction des problèmes scientifiques en SVT
Pour tenter d’avancer sur cette question, il faut changer de point de vue, d’outil
méthodologique et de cadre théorique pour compléter notre première approche quantitative et
phénoménologique par une approche mécaniste interprétant les pratiques usuelles d’enseignement
de l’écologie sur le terrain. Pour choisir ce cadre théorique, il est avant tout nécessaire de rappeler
les objectifs fixés par un enseignement de l'écologie dans le contexte des changements globaux. Il
s'agit certes de partager des concepts et des connaissances sur notre environnement (concept de
niche écologique, modèles de dynamique des populations, suivi des flux de polluants au travers des
écosystèmes…) auquel les apprenants et futurs citoyens doivent pouvoir se référer pour adapter
durablement leur comportement aux changements constatés. Mais au-delà des savoirs, il s'agit aussi
de transmettre aux générations présentes et futures les démarches scientifiques comme des outils
pour qu’elles comprennent et anticipent les changements à venir au sein d’un système géosphère-
biosphère-anthroposphère complexe (Kourilsky, 2019; Magro & Hemptinne, 2011). Ces démarches
consistent en la production collective, rigoureuse et organisée, de connaissances à portée
universelle, à partir d'observations, d'expérimentations et de modélisations quantitatives ou
qualitatives (Lecointre, 2011). Confrontée à des systèmes complexes non réductibles, elles font face
à l'incertitude comme à la variabilité des phénomènes observés pouvant être déterminés par des
mécanismes identifiables comme affectés d’évènements aléatoires (Orange-Ravachol, 2012).
Enseigner les démarches scientifiques relève donc d’un défi. C’est un savoir-faire, donc un contenu
d’enseignement (au sens de Reuter et al., 2013), que cherchent à transmettre les institutions
éducatives (MEN 2019abc) comme les enseignants praticiens en classe. Et comme devant les défis
de toute nature, le savoir-faire que représente la construction de connaissance scientifique est
confronté à de nombreux obstacles. Ces obstacles à l’apprentissage sont de différentes
natures (Lhoste, 2018) : ils peuvent être cognitifs si, par exemple, la mise en place des connexions
neuronales à un certain de développement d’un individu n’est pas suffisante pour aborder la
complexité d’un problème ; ils peuvent être langagiers si, par exemple, la maîtrise de la langue est
insuffisante pour expliciter certains éléments de compréhension ; ils peuvent être sensibles si, par
exemple, un réflexe de répulsion face aux odeurs ou aux visions étranges empêche la confrontation
au réel (observation d’insectes, expérience de décomposition de matière organique…)… Ici, face au
besoin de construire des connaissances scientifiques est particulièrement pertinente la centration
épistémologique du concept d’obstacle didactique (au sens de Bachelard, 1938).
24
3.2.1. Le concept d’obstacle didactique
En 1938, Gaston Bachelard énonce la rupture entre l’opinion et le savoir, entre le bon sens et
la connaissance, alors que ces prédécesseurs comme Auguste Conte y voyait une progression
continue. Selon Bachelard, il y a un changement de nature entre opinion et savoir avec la
construction d’idées au-delà de la description du monde sensible (Bachelard, 1938; cité par Lhoste,
2018). Parallèlement, pour Karl Popper, construire un savoir scientifique revient à s’extraire de la
pensée commune et passer la frontière entre le monde des expériences individuelles et le monde
scientifique et apersonnel des modèles, des lois et des arguments (Orange-Ravachol, 2012; citant
Popper, 1968/1991). De cette rupture entre opinion commune et connaissance scientifique découle
la notion d’obstacle didactique c’est-à-dire la difficulté de passer de l’un à l’autre. Et cette difficulté
est davantage liée à un trop-plein de connaissance à expliciter et à organiser (ensemble des
représentations initiales) plutôt qu’un vide de connaissance à combler. En cela, l’analyse des
obstacles didactiques prend une dimension cognitivo-épistémique, qui dépasse les difficultés de
critique de construction des faits (dimension épistémologique) comme les difficultés de
compréhension liées à la construction de réseaux neuronaux (dimension cognitive). C’est donc un
outil pour mieux penser et tenter d’expliquer certaines résistances dans les processus
d’apprentissage régissant le rapport entre un apprenant et les contenus de savoir scientifique
(Lhoste, 2018). Par exemple, lors de l’observation d’une classe de sixième travaillant sur le devenir
de la matière organique dans le sol, Yann Lhoste (2018) identifie différents obstacles didactiques
comme la centration sur les êtres vivants acteurs (« que mangent-ils ? ») que sur les flux de matières
(« que devient cette matière ? »), comme la surdétermination utilitariste conduisant à penser une
nécessaire harmonie de la nature (« c’est le cycle de la vie »), comme la possibilité de
transformations faciles et sans contraintes (« bah, ça se décompose, quoi ! »)… Ces obstacles
empêchent tous à leur manière une juste identification des problèmes et la transition des opinions en
savoirs scientifiques, soit en facilitant l’appropriation d’une idée en opinion, soit en empêchant la
construction du problème (Lhoste, 2018).
3.2.2. Les obstacles à la construction de connaissances scientifiques sur le terrain
Dans le cas de la construction de connaissances scientifiques en écologie sur le terrain, une
étude dirigée en 1999 par Christian Orange a analysé les obstacles didactiques pouvant être
interprétés lors de l’observation de sorties scolaires en SVT. Partant du principe que la construction
de savoirs scientifiques nécessite une confrontation entre des données empiriques et des modèles
théoriques, les auteurs ont analysé cette confrontation sur le terrain dans différentes situations :
- Dans le cadre d’une sortie géologique à la fin du thème associé en Première scientifique, les
élèves étaient confrontés à une grande variété de taches (schématisation d’un affleurement, tests
25
physico-chimiques sur la nature des roches, interprétation de la nature des roches et des conditions
de formation de l’affleurement…) mais le repérage et le choix des objets d’observation
(échantillons de roches, affleurements) avait été orientés par l’enseignant. De plus, les élèves
semblaient sous la domination complète des modèles étudiés en classe conduisant à surinterpréter
voire à falsifier les observations afin de les intégrer au modèle. À l’inverse, ils semblaient plus à
l’aise dans l’interprétation de résultats expérimentaux en conditions de laboratoire du fait que ceux-
ci soient plus fréquemment étudiés en classe. Ainsi, malgré les bénéfices attendus et identifiés d’un
enseignement sur le terrain, les auteurs constataient la difficile maîtrise pratique du terrain :
échantillons imposés, manque d’expérience dans leur lecture, contraintes techniques d’utilisation du
matériel selon les conditions et contraintes sensibles liées aux conditions de travail (vertige, chaleur,
froid…). Par opposition, l’analyse par entretien de la pratique d’un chercheur géologue montrait
l’apprentissage long et implicite de la lecture du terrain avec l’importance cruciale du choix des
échantillons influencés par les attentes théoriques et un « instinct » difficilement explicitable. En
conséquence, la confrontation première et non préparée des élèves à la lecture du terrain
représentait un obstacle à la construction des connaissances scientifiques car, faute de cette
expérience du terrain, ils avaient tendance à plaquer les modèles théoriques préalablement appris.
- Dans le cadre d’une sortie écologique en début du thème associé en école primaire, les élèves
reconstituaient en classe les réseaux trophiques en milieu littoral à partir des observations faites sur
le terrain, en confrontant leurs premières interprétations avec d’autres observations ou d’autres
références culturelles, sans référence particulièrement à un modèle préconstruit de réseau. Malgré
un potentiel obstacle lié à un rapport sensible au terrain différent selon les élèves, la confrontation
inexpérimentée au terrain ne semblait pas empêcher la construction de connaissances scientifiques,
bien au contraire, en vertu de l’absence de concepts préalables et du rôle crucial d’accompagnement
de l’enseignant dans la confrontation des différentes observations.
- Dans le cadre d’une activité pratique en classe de Première scientifique basée sur
l’observation d’échantillons de roches plus ou moins altérées visant à construire les concepts
d’altération et d’érosion des roches en géologie, les élèves rencontraient des difficultés pour
observer et interpréter les échantillons alors qu’ils avaient plus de facilité à interpréter les
documents annexes de nature expérimentale. Les auteurs en ont conclu que la lecture difficile du
terrain n’était pas uniquement valable en sortie scolaire dans le contexte des objets étudiés, mais
également lors de l’étude en classe d’échantillons à l’état brut sans interprétation préalable : roches,
photographies d’affleurement, observations microscopiques…
Afin de généraliser cette expérience du terrain, en sortie comme en classe, avec une grande
diversité de nature d’objets, les auteurs ont introduit la notion de « réel de terrain », définie comme
tout fait scientifique construit par un chercheur, un enseignant ou un élève à partir d’observations
26
empiriques issues du terrain d’étude : sorties hors de la classe ou de l’établissement mais aussi
photographies, échantillons ou données numériques obtenues par d’autres élèves, enseignants,
chercheurs ou gestionnaires. La caractéristique du « réel de terrain » est son état brut, concret et
local de ce réel. Il n’a été ni didactisé, ni généralisé, ni obtenu dans des conditions contrôlées de
laboratoire (Orange et al., 1999). Ainsi, plusieurs conclusions de cette étude interprétative semblent
très importantes pour avancer la construction de la problématique de ce mémoire de recherche à
partir de la question de départ. D’une part, elle confirme l’intérêt du concept d’obstacle didactique
comme un mécanisme d’apprentissage ou plutôt de non-apprentissage pouvant expliquer des
difficultés dans l’acquisition des connaissances scientifiques selon les pratiques d’enseignements
effectuées. En particulier, cette étude met en évidence que la confrontation au réel, souvent
considérée a priori comme favorisant la motivation et la compréhension (Crompton & Sellar, 1981;
Magro & Hemptinne, 2011), peut au contraire être un obstacle car elle nécessite des compétences
d’observation et d’interprétation longues à acquérir et auxquelles les élèves ne sont pas
suffisamment habitués durant leur scolarité (Orange et al., 1999). Ceci peut avoir une importance
cruciale pour l’enseignement de l’écologie sur le terrain. D’autre part, cette étude permet de
questionner la nature des données de terrain et l’utilisation trop rapide de la locution commune « sur
le terrain » pour décrire les pratiques d’enseignement. Il semble en effet qu’il faille étendre les
situations didactiques étudiées au-delà des activités en extérieur, notamment en intégrant
l’observation et l’analyse en classe d’échantillons bruts issus du terrain. En cela, la réutilisation de
la notion de « réel de terrain » pourrait être intéressante pour reformuler les axes de travail.
3.2.3. Les obstacles à la construction de connaissances scientifiques en SVT
Ensuite, comme ces thématiques d’écologie s’inscrivent au sein de l’enseignement
disciplinaire des SVT, il convient d’élargir le champ d’investigation aux obstacles didactiques ayant
déjà pu être identifiés plus ou moins spécifiquement dans la confrontation des élèves aux
connaissances scientifiques de cette discipline. Depuis 1994, les « Sciences de la Vie et de la
Terre » constituent la nouvelle appellation dans l’ancienne discipline « Biologie-Géologie », elle-
même dérivée d’un enseignement de « sciences naturelles » regroupant à partir de 1902 les sciences
de la Vie, de l’environnement, de la Terre et de l’Univers. Cette construction scolaire à partir de
nombreuses disciplines scientifiques disparates et faiblement connectées (Biologie cellulaire,
Physiologie, Médecine, Ecologie, Climatologie, Géodynamique, Géophysique…) est à l’origine de
nombreuses tensions entre des pôles opposés (Figure 6) :
27
Figure 6 : Tensions observées dans la construction des connaissances en SVT (d'après Orange-Ravachol 2012). Les spécificités de
l’écologie le long de ces gradients de tensions en SVT sont surimposées par les cadres pointillés et les obstacles potentiels à la
construction de connaissances scientifiques en écologie sont indiqués en italique à proximité des tensions dont ils sont issus.
- Tout d’abord, les problèmes scientifiques abordés par les SVT peuvent être de nature
fonctionnaliste (interrogeant les mécanismes de fonctionnement des systèmes naturels à un instant
donnée) comme de nature historique (interrogeant les variations de ces systèmes au cours du temps,
Orange-Ravachol, 2012; Orange et Orange-Ravachol, 2017). De plus, la définition des échelles
spatiales et temporelles auxquels le problème est étudié conditionne fortement sa nature. En effet,
un même mécanisme étudié à courte échelle de temps peut expliquer un problème fonctionnaliste
tandis qu’à plus longue échelle de temps, il peut expliquer un problème historique. Par exemple, la
variabilité des capacités de survie et de reproduction des individus selon leur génotype et selon les
conditions de l’environnement explique en partie la répartition géographique d’une espèce à un
instant t (problème fonctionnaliste majeur en écologie) tout comme il explique en partie la variation
des phénotypes majoritaires de cette espèce au cours du temps (problème historique en évolution).
Ainsi, la manipulation des échelles de temps et d’espace est d’autant plus cruciale en SVT qu’elle
est difficile pour les élèves souvent focalisés sur les échelles de leur quotidien (échelle spatiale du
mètre au kilomètre ; échelle temporelle du jour à l’année). Elle peut constituer un obstacle
important à leur compréhension des problèmes posés en SVT allant de l’infiniment petit des atomes
à l’infiniment grand de l’univers, des microsecondes d’activité enzymatique aux milliards d’années
des systèmes stellaires. En écologie, si la plupart des problèmes posés sont de nature
fonctionnaliste, l’importance de la dynamique spatio-temporelle des populations d’êtres vivants
maintient cet obstacle de la manipulation des échelles.
- De cette double nature problématique découle une seconde tension entre une recherche de
phénomènes à l’origine de grandes tendances déterminées par des relations de causalité invariable à
une échelle spatiotemporelle donnée, et l’identification d’évènements aux causes déterminés mais à
28
l’occurrence aléatoire à travers l’espace et à travers le temps. En écologie par exemple, les
successions écologiques entre un écosystème prairie qui se transforme en quelques décennies en un
écosystème forêt dépendent de mécanismes de compétition et de facilitation bien compris des
écologues. Cependant, l’occurrence d’un incendie ou d’une maladie à un endroit donné et en un
temps donné est complètement aléatoire : même si les causes sont identifiées et parfois même les
probabilités d’occurrence, le lieu et le moment de cet évènement reste imprévisible. En
conséquence, il existe une difficile dualité conceptuelle entre des phénomènes qui ne peuvent être
autrement (ils sont de nature nécessaire) et des évènements qui ont eu lieu mais auraient pu ne pas
être (ils sont de nature contingente ; Orange-Ravachol, 2012). Cette dualité est très difficile à
concevoir pour des élèves, et parfois des enseignants, trop habitué au déterminisme et peu familier
du hasard, d’autant plus que les programmes scolaires en SVT montrent une grande confusion dans
l’utilisation de ces termes. Elle constitue donc un autre obstacle majeur qui pourrait s’avérer
fondamental en écologie. En témoigne l’idée très rependu dans l’opinion commune d’un équilibre
sacré de la nature que seule l’humain peut détruire (Zimmerman & Cuddington, 2007), alors qu’à
cause de la fréquence des évènements aléatoires (incendie, tempête, maladie…) et de la variation
spatiotemporelle des phénomènes nécessaires, les écosystèmes sont invariablement transformés en
mosaïque d’habitats à l’équilibre dynamique difficilement prédictible (Kéfi, 2012).
- Ensuite, pour répondre à ces dualités de nature problématique et de nature
phénoménologique, les sciences naturelles enseignées en SVT sont caractérisées par un usage
complémentaire de données empiriques issues d’expériences de laboratoire (« réel de laboratoire »)
et d’observations échantillonnées sur le terrain (« réel de terrain », Orange et al. 1999). Ces
dernières sont requises pour décrire finement à un instant t l’organisation d’un échantillon du
monde vivant ou minéral comme la résultante de phénomènes et d’évènements passés et présents.
L’interprétation des composantes de cette observation par des grands principes théoriques permet de
reconstituer rétrospectivement, partiellement et de manière incertaine cette succession de
phénomènes et d’évènements (Orange-Ravachol, 2012). Les expériences de laboratoire permettent
quant à elles d’isoler certains éléments et paramètres afin d’identifier les relations de causalité à
l’origine des phénomènes observés. En écologie, cette autre dualité des données empiriques est
aujourd’hui très forte après des débuts naturalistes très descriptifs du début du XXe siècle (voir I.2).
Par exemple, après avoir décrit la structuration verticale le long de l’estran rocheux des espèces
d’algues brunes, de crustacés cirripèdes ou de gastéropodes puis l’avoir interprétée grâce au concept
de niche écologique potentielle par une inégale tolérance des espèces à l’émersion et la
dessiccation, des expériences d’exclusion des espèces inférieures de l’estran ont observé la
colonisation de l’espace vacant par les espèces supérieures et ont identifié ainsi des mécanismes de
compétition interspécifique à l’origine de la limite inférieure de répartition de chaque espèce, moins
29
compétitive que celle du niveau inférieur (Begon et al., 2006). Le paragraphe précédent sur le « réel
de terrain » a déjà montré que cette dualité empirique constitue un obstacle d’apprentissage car les
élèves sont plus familiers avec une démarche expérimentale de laboratoire. En complément, même
si de grandes infrastructures expérimentales semi-naturelles (écotron, métatron…) permettent
aujourd’hui de contrôler de nombreux paramètres physico-chimiques et biologiques pour
comprendre la complexité des phénomènes écologiques, le réductionnisme inhérent à
l’expérimentation de laboratoire constitue un frein vers la pensée systémique nécessaire à la
compréhension des écosystèmes, résultats d’interactions multiples entre des milliers d’êtres vivants
différents et avec des dizaines de paramètres physico-chimiques variables. Cette difficile pensée
systémique pourrait là encore constituer un obstacle supplémentaire pour la construction des
connaissances scientifiques en écologie.
- Enfin, la dualité des problèmes comme des méthodes, et la diversité des objets de recherche
enseignés en SVT conduisent nécessairement cette discipline à requérir certains concepts et
méthodes d’autres champs disciplinaires. D’un côté, la complexité de systèmes biologiques fait
régulièrement appel aux statistiques et aux modélisations mathématiques (exemple des modèles de
dynamiques de populations en écologie) et la soumission des phénomènes naturels aux lois physico-
chimiques nécessite une bonne connaissance des disciplines associées. Ainsi, les SVT sont inclus
dans les sciences expérimentales et l’ensemble des sciences « dures ». De l’autre côté, la nature
historique de certains problèmes et l’imbrication absolue des systèmes sociaux humains dans les
systèmes écologiques requièrent l’emploi régulier des méthodologies et concepts en sciences
historiques, économiques et sociales, particulièrement en écologie où le concept de
socioécosystème est aujourd’hui central. En conséquence, les SVT ont des accointances majeures
avec les sciences « molles », humaines et sociales. Cet écartement des SVT entre différents pôles
scientifiques pourrait induire un obstacle didactique à l’apprentissage des compétences
pluridisciplinaires utilisées en SVT. En effet, la combinaison de cette pluridisciplinarité avec la
diversité des natures problématiques (fonctionnalisme, historiques ou mixtes) conduirait à une perte
de repères chez les élèves habitués à résoudre des problèmes uniques de thématiques dissociées au
sein de discipline cloisonnées. En complément, la confusion entre écologie scientifique et
écologique politique, ancrée dans les représentations des élèves comme du grand public
(Castagneyrol, 2021), peut amener à renforcer la dominante humaine et sociale des questionnements
en écologie au détriment d’une dimension expérimentale, théorique et mathématique et donc pour
les élèves à renforcer leur méconnaissance des consignes et règles de jeu pour chaque discipline.
30
3.2.4. Les obstacles à la construction de connaissances scientifiques expérimentales
À l’échelle des sciences expérimentales, la construction des connaissances scientifiques par
des activités concrètes de manipulations expérimentales est depuis longtemps recommandée dans
un cadre socioconstructiviste (Finn et al., 2002; Kimball, 1913). Cependant, les observations
ordinaires de classe réalisées par les didacticiens des sciences montrent depuis longtemps ces
activités se limitent souvent à une application de protocoles et de raisonnements orientés par
l'enseignant dans le seul but de résoudre un problème posé (ex : démarche OPHERIC stéréotypée,
observation unique avant généralisation abusive… e.g. Lhoste, 2018). Ces pratiques orientées
peuvent conduire à des effets contraires à ceux recherchés : elles ferment le raisonnement au lieu de
l'ouvrir au domaine des possibles et elles conduisent à transmettre l'idée que la science n'est qu'un
assemblage de techniques ou recettes appliquées pour résoudre des problèmes. En parallèle, depuis
une quarantaine d'années, des philosophes de l'éducation et des didacticiens des sciences dont M.
Fabre et C. Orange, reprenant les travaux de G. Bachelard (1938), se sont interrogés sur la pratique
réelle de la science par les chercheurs et son application sur le terrain des enseignements. Ils ont
conclu que la science est avant tout une démarche de construction des problèmes, de cheminement
entre des pistes de solutions possibles et d'identification des nécessités de solutions par le biais de
raisonnements explicites soumis à des contraintes empiriques (Fabre & Orange, 1997; Lhoste, 2018;
Orange-Ravachol, 2012). Ces derniers auteurs et leur équipe de recherche ont développé un cadre
théorique à la frontière entre épistémologie et didactique ainsi que des outils d’observation
permettant d’identifier si une situation didactique répond effectivement aux canons de la démarche
scientifique précédemment présentée : il s’agit du cadre de l’enseignement-apprentissage par
problématisation
En résumé, de nombreux obstacles didactiques sont observés ou suspectés dans
l’apprentissage des élèves confrontés à des problèmes scientifiques. Dans le contexte des situations
étudiées dans ce mémoire, il est donc attendu que ces obstacles agissent lors de la construction de
connaissances scientifiques à partir de la confrontation au réel de terrain en écologie : manque
d’expérience à la lecture du terrain, conceptualisation des échelles spatiales et temporelles d’action
des problèmes, mélange de concepts et méthodes de différentes disciplines, surdéterminisme de
phénomènes à la place d’évènement aléatoire, difficulté de pensée systémique… La plupart de ces
obstacles potentiels ont une composante épistémologique principale, c'est-à-dire qu’ils dérivent
d’une compréhension et d’une pratique insuffisante des démarches scientifiques de construction des
problèmes. Pour cette raison, une présentation du cadre théorique de l’enseignement-apprentissage
par problématisation semble plus que pertinente dans le cadre de ce mémoire pour interroger par la
suite les pratiques d’enseignement et les obstacles d’apprentissage en écologie sur le terrain.
31
3.3. L’apprentissage par problématisation en SVT
Le cadre de recherche de l’enseignement-apprentissage par problématisation (Fabre &
Orange, 1997; Lhoste, 2018; Orange-Ravachol, 2012) propose de valoriser et de comprendre les
pratiques d’enseignement (progression, séances et activités) visant à construire le cheminement
d’un problème scientifique. Or, l’étude des pratiques de recherches scientifiques a montré que ce
cheminement consiste à relier un problème à un cadre de modèles théoriques permettant d’explorer
les solutions possibles et d’identifier les raisons qui contraignent les solutions. Un apprentissage par
problématisation consiste donc à s’extraire de l’opinion commune (au sens de Bachelard 1938)
grâce à la confrontation entre les observations disponibles et les modèles préalablement établis pour
éliminer les solutions possibles et identifier une solution nécessaire. On parle de l’apodicticité des
savoirs scientifiques, c'est-à-dire leur caractère nécessaire : « savoir n’est pas simplement savoir,
mais savoir que cela ne pas être autrement ». Cette dimension épistémologique de la construction
des problèmes scientifiques conjugue donc un savoir-faire de l’observation du réel et de la
construction des faits avec des processus de modélisation, qu’ils soient expérimentaux, numériques
ou conceptuels. En parallèle, cette confrontation de faits et de théories requiert une pratique du
débat et du partage entre pairs d’informations soumis à la critique. Il s’agit d’une autre dimension,
celle-là discursive intersubjective (au sens de Bakhtine et Volochinov, 1975) de la construction des
problèmes, dimension qui ne sera pas abordée dans le cadre de ce mémoire afin de se concentrer sur
la dimension épistémologique de l’apprentissage par problématisation.
Dans le but d’étudier cette dimension épistémologique de la construction des problèmes en
SVT, les auteurs précédemment cités proposent d’identifier des espaces de contraintes empiriques
comme théoriques, articulés par un registre explicatif à des espaces de nécessités théoriques comme
empiriques (Figure 7). Les méthodologies principales utilisées classiquement pour identifier ces
différents espaces sont les observations de situation de classe, les analyses de traces écrites d’élèves
et les entretiens complémentaires avec élèves ou enseignants (Lhoste, 2018; Orange-Ravachol,
2012). Il s’agit donc d’interpréter les données récoltées dans les débats de classe ou les
raisonnements d’élèves pour repérer les éléments suivants :
- Les observations du réel constituant les contraintes empiriques, point de départ de la
construction du problème.
- Les connaissances préalables qui sont confrontées comme contraintes théoriques aux
observations réalisées.
- Les nécessaires modifications des connaissances ou la construction d’un nouveau modèle
suite à la confrontation des contraintes empiriques et théoriques.
- Les observations nécessairement attendues par l’ajustement théorique, qu'il faudrait être en
capacité de vérifier par de nouvelles investigations sur le terrain.
32
Figure 7 : représentation théorique des espaces et registres de la problématisation (d'après Lhoste 2018)
Dans le but d’étudier cette dimension épistémologique de la construction des problèmes en
SVT, les auteurs précédemment cités proposent de modéliser une séquence d’enseignement-
apprentissage problématisée sous la forme de quatre domaines qui se recoupent en un registre
explicatif permettant d’identifier une nécessité de solutions au problème (Figure 7) :
- Un registre empirique regroupant toutes les données de nature empirique c’est-à-dire issues
de la construction de faits observés ou échantillonnés sur le réel de terrain.
- Un registre théorique regroupant toutes les modèles de nature théorique c’est-à-dire les
concepts ou les lois construits par raisonnement scientifique.
- Un espace des contraintes regroupant les contraintes empiriques et théoriques qui servent de
point d’ancrage au raisonnement et à la construction du problème.
- Un espace des nécessités regroupant les nécessités théoriques et empiriques qui découlent de
la confrontation des contraintes empiriques et théoriques.
Ce modèle de représentation permet de concevoir une séquence forcée d’enseignement visant à
travailler la construction d’un savoir scientifique, de même qu’il peut permettre de décrire voire
d’évaluer le degré de problématisation d’une séquence d’enseignement observée en classe ou
éventuellement déduite de documents préparatifs d’enseignants ou de traces écrites d’élèves.
Par exemple, la figure 8 présente la représentation de ces espaces et registres de
problématisation interprétée et schématisée par Y. Lhoste (2018) à partir de l’observation d’une
séquence d’enseignement sur le recyclage de la matière organique dans le sol en classe de sixième.
Les élèves observent que les feuilles mortes des arbres à feuilles caduques tombent au sol à
l’automne formant ainsi une litière, mais que l’épaisseur de la litière n’augmente pas d’année en
année (contraintes empiriques). Ils peuvent en conclure qu’une partie de la litière « disparaît »
d’année en année, à peu près autant qu’il en tombe chaque année. Seulement, ils ont appris et peut-
33
être problématisé par ailleurs, en physique-chimie, le principe de conservation de la matière sous la
formule apocryphe de Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » (contrainte
théorique). Un débat scientifique entre élèves sous l’influence de l’enseignant peut aboutir à la
construction d’une connaissance nouvelle et nécessaire : les feuilles mortes doivent (dans le sens de
« ça ne peut être autrement ») se transformer en une matière qui n’occupent pas le même volume
(nécessité de solution théorique). En conséquence, il faudrait nécessairement observer une
transformation des feuilles dans la litière (nécessité de solutions empiriques) dont les mécanismes et
les acteurs peuvent faire l’objet d’une autre séquence d’enseignement.
Figure 8 : représentation des espaces et registres de la problématisation liée au recyclage de la matière organique dans le sol lors
d'une activité de sixième en SVT (d'après Lhoste 2018)
Par cet exemple, il semble que le cadre théorique de la problématisation en didactique des
SVT puisse être un outil précieux dans le contexte des recherches présentées dans ce mémoire.
D’abord parce qu’il conceptualise ce en quoi une séquence d’enseignement pourrait se rapprocher
d’une séquence de recherche, dans l’objectif d’atteindre une approche collective et rationnelle de
l’éducation visant à préparer les jeunes générations aux défis complexes et incertains de
l’Anthropocène (Lange, 2020). Ensuite parce qu’il constitue une grille d’observation et
d’interprétation des pratiques d’enseignements et des mécanismes d’apprentissage effectivement
réalisés en classe. Or, dans le cadre de cette recherche de mécanisme explicatif aux transformations
d’apprentissage observées chez des élèves de lycée face à la construction de contenus scientifiques
en écologie, cet outil d’analyse apparaît pertinent pour décrire les séquences d’enseignement et
identifier des obstacles d’apprentissage.
34
4. Problématique et hypothèses de recherche
Partant d’un questionnement pratique où un enseignant chercherait à vérifier les bénéfices
du surcroit d’investissement généré par une sortie scolaire sur le terrain en écologie, la lecture des
études scientifiques intéressées par des questionnements proches a permis d’identifier les éléments
suivants pour construire une problématique de recherche :
- L’évaluation scientifique des systèmes et des pratiques d’enseignement peut mettre en
évidence des phénomènes d’apprentissages, c’est-à-dire des changements observables dans
l’acquisition des contenus d’enseignement par les élèves, notamment grâce à des outils d’analyses
statistiques de questionnaires. Néanmoins, cette méthodologie ne permet pas d’identifier des
mécanismes d’enseignement pouvant expliquer ces phénomènes d’apprentissages.
- Ces phénomènes d’apprentissages et de non-apprentissages peuvent en partie s’expliquer par
des obstacles didactiques empêchant la construction de connaissances scientifiques par les élèves.
Parmi ces obstacles, la manière dont la construction des problèmes scientifiques est abordée selon
les pratiques d’enseignement semble une clé de lecture importante dans le cas des activités sur le
terrain en écologie. L’analyse de ces pratiques et des obstacles qu’elles peuvent induire renvoie à
des méthodes interprétatives d’observation, d’entretien ou d’étude de corpus de pratiques
enseignantes.
- Dans le contexte de construction de savoirs scientifiques en écologie, le rapport aux données
empiriques issues du terrain des objets de recherche est plus complexe que le simple fait de sortir de
la classe. Au-delà du travail « sur le terrain », c’est l’investigation du « réel de terrain » qu’il faut
questionner en enseignement de l’écologie.
L’ensemble de ces clés de lecture permettent d’aboutir à la proposition d’une problématique de
recherche issue de la situation de départ :
Quels mécanismes d’enseignement pour expliquer les phénomènes d’apprentissage
identifiables en Sciences de la Vie et de Terre au lycée général lors de la construction des
problèmes scientifiques en écologie à partir du réel de terrain ?
Pour tenter de répondre à cette problématique, ce mémoire présente une proposition de
méthodologie et quelques résultats exploratoires pour un projet de recherche de long terme grâce à
la participation et la collaboration des plusieurs enseignants de SVT. Les méthodes de recherche
présentée par la suite s’inspirent de celles couramment utilisées par les cadres théoriques
35
complémentaires précédemment évoqués. L’analyse quantitative de questionnaires soumis à des
élèves de lycée avant et après qu’ils aient participé à un enseignement d’écologie a pour objectif
d’identifier des phénomènes d’apprentissage, c’est-à-dire des modifications détectables de savoirs
(connaissances), savoir-faire (capacités), savoir-être (comportement) et « rapport à » (attitudes) vis-
à-vis de leur environnement vivant. Pour proposer des explications aux phénomènes éventuellement
observés, l’analyse qualitative des réponses d’élèves devrait révéler certains obstacles
d’apprentissage (opinion commune, perception des échelles…) tandis que l’interprétation des
pratiques d’enseignement déclarées par le filtre de la problématisation rendrait possible une
catégorisation selon leur degré de la construction scientifique des savoirs à partir du réel de terrain.
À partir des lectures précédemment citées complétées par des retours de pratique, ce projet de
recherche teste les hypothèses suivantes :
- Hypothèse 1 : En favorisant une approche sensible et active de l’apprentissage, la
confrontation au « réel de terrain » induit chez les élèves des changements détectables de « rapport
à » et de savoir-être en faveur de leur environnement non-humain.
- Hypothèse 2 : En identifiant les obstacles à la construction des connaissances scientifiques,
un enseignement par problématisation favorise la compréhension et l’acquisition des savoirs
prescrits en écologie.
- Hypothèse 3 : En confrontant l’apprenant à la complexité, la variabilité et l’incertitude d’un
système, la problématisation du « réel de terrain » renforce les savoir-faire de critique et
d’utilisation des apprentissages face aux crises actuelles et futures.
36
5. Un cadre méthodologique combinant évaluation quantitative des phénomènes
d’apprentissage et interprétation qualitative des mécanismes d’enseignement
5.1. Les situations didactiques étudiées : les séquences d’activités portant sur l’écologie en SVT
La présente étude utilise deux approches méthodologies complémentaires : une approche
d’évaluation quantitative des phénomènes d’apprentissage au cours de séquences d’enseignement
de l’écologie en SVT et une approche qualitative de description et d’interprétation des séquences
d’enseignement proposées dans le sens d’une construction du contenu scientifique en écologie.
Comme défini au début de ce mémoire, le contexte didactique étudié est celui de l’enseignement de
l’écologie au sein de la discipline scolaire SVT au lycée général (voir 2.2.5). Non qu’une démarche
problématisée ne puisse être mise en place dès les plus jeunes âges, mais le choix d’un niveau
scolaire plus avancé permet de proposer des démarches scientifiques approfondies grâce des outils
d’échantillonnage et d’analyse (indice de biodiversité, moyenne et variance d’abondance, analyse
de données de grandes dimensions avec tableur numérique…) nécessitant des compétences
préalables parfois acquises dans d’autres matières (mathématiques, physique, informatique…). De
plus, comme présenté précédemment, cet enseignement de l’écologie concerne principalement trois
thématiques de SVT au lycée général : l’étude de l’évolution de la biodiversité en Seconde, l’étude
des agrosystèmes en Seconde, et l’étude de l’organisation et du fonctionnement des écosystèmes en
première spécialité SVT (MEN 2019a, Partie 2.2.4 et Annexe 1). Ainsi, les situations didactiques
considérées correspondent à des séquences de 5 à 6 séances de travaux pratiques d’une heure trente
minutes traitant l’intégralité des thématiques abordées plus haut. Chaque séance peut consister en
différentes activités pratiques (sortie terrain, protocole expérimental, traitement de données, analyse
de documents …) pouvant ou non confronter les élèves au réel de terrain, en suivant ou non une
démarche de problématisation. En première spécialité SVT, ces séances pratiques sont complétées
de séances de cours permettant de dresser un bilan des activités pratiques et de construire ou
présenter des modèles avançant la construction et la résolution du problème.
Dans le cadre d’une formation et d’un accompagnement sur les nouveaux programmes liés à
la réforme 2019, des enseignants de lycée ont été contactés pour participer à ce projet de recherche.
Il s’agissait de partager leurs documents de travail et d’échanger sur leurs choix de pratiques
concernant les thèmes d’écologie, ainsi que de soumettre à leurs élèves des questionnaires en amont
et en aval de ces thèmes. Sur la période de mise en place du projet, entre l’année scolaire 2019-2020
et l’année scolaire 2020-2021, quatre enseignants ont accepté de participer au projet, représentant 8
classes desquelles 15 à 20 élèves ont répondu aux questionnaires, soit un échantillon de 170 élèves
environ (voir 6.1 pour un descriptif précis de corpus de données). Comme les questionnaires sont
37
souvent soumis en travail personnel, tous les élèves ne répondent pas aux questionnaires. En
conséquence, un biais d’échantillonnage peut apparaître en faveur des élèves qui font régulièrement
leurs devoirs, ce qui pourrait influencer les résultats. Pour vérifier l’occurrence d’un tel biais, la
moyenne des résultats aux évaluations sommatives du thème étudié parmi les élèves ayant répondu
aux questionnaires est comparée à la moyenne de l’ensemble des élèves de la classe, demandée par
ailleurs à l’enseignant, à l’aide d’un test t de Student de comparaison des moyennes appareillées
d’une variable normalement distribuée dans deux échantillons. Une fois leur représentativité
vérifiée, les données construites sur la période 2019-2021 sont présentées et analysées dans le cadre
de ce mémoire de recherche. Il s’agit néanmoins d’un échantillon et d’une analyse préliminaire
visant à consolider le projet de recherche qui devrait être poursuivi entre 2022 et 2025 grâce à un
échantillonnage plus important (Tableau 2).
Tableau 2 : Situations didactiques échantillonnées dans le cadre de ce projet de recherche. L’échantillon préliminaire de ce projet de
recherche a été réalisé entre 2019 et 2021 avec l’objectif d’être poursuivi et élargi entre 2022 et 2025.
Analyse préliminaire 2019-2021
Objectif 2022-2025
Lycée polyvalent de villes
moyennes périphériques
Sens (Yonne),
Rillieux (Rhône)
Liévin, Arras (Pas de Calais), Amiens (Somme),
Chaumont (Marne), Rosny (Seine-St-Denis)…
Thèmes d’écologie en SVT
Biodiversité (Seconde), Agrosystèmes (Seconde), Ecosystèmes (Première)
Nombre d’enseignants
4 (dont l’auteur)
10 (sans l’auteur)
Nombre de classes
15 (sur deux ans)
30 à 45 (sur trois ans)
Nombre d’élèves
300
600 à 1000
Nombre d’élèves par
conditions (classe*thème)
20 (en moyenne)
20 (en moyenne)
5.2. L’évaluation quantitative des phénomènes d’apprentissage en écologie
Lors de la construction de ce projet de recherche en 2019, un protocole expérimental avait
été dessiné dans le but d’évaluer l’efficacité de séquences d’enseignements modèles en écologie,
respectant au mieux les prescriptions des programmes et insistant sur la construction des
connaissances scientifiques face à la complexité de la réalité du terrain (Figure 9). Il s’agissait de
mesurer quantitativement les changements de connaissances, d’attitudes et de comportements entre
un premier questionnaire proposé avant la séquence modèle et un second soumis à la fin. Une
première version des questionnaires pour chaque thématique avait donc été construite en 2019 en
utilisant les compétences méthodologiques transversales acquises après un doctorat. Afin
d’identifier la responsabilité de la séquence modèle, ces changements observés auraient été
comparés aux changements générés par une séquence d’enseignement de référence, réalisée
classiquement à partir de documents ou d’exercices pour soutenir les concepts étudiés en cours. En
s'inspirant des protocoles Before-After-Control-Impact couramment utilisés en évaluation
38
scientifique des pratiques éducatives comme celui de F. Bogner réalisée en 1998 pour évaluer les
conséquences d’un programme parascolaire d’éducation environnementale, le protocole imaginé
pour ce projet avait pour avantage la simplicité de sa mise en place et de son analyse comme la
réduction de la taille d’échantillonnage nécessaire à l’identification de changements majeurs.
Figure 9 : Protocole expérimental initialement défini pour le projet de recherche sur la période 2019-2021. En s'inspirant des
protocoles expérimentaux « Before-After-Control-Impact » couramment utilisés en évaluation scientifique des pratiques éducatives,
l’objectif était initialement de comparer une séquence d’enseignement test axée sur la construction de contenus scientifiques sur le
terrain (Impact) à une séquence d’enseignement de référence centrée sur la résolution de problèmes à partir de documents ou
d’exercices (Control).
Cependant, les retours de pratique et la participation à une formation universitaire en
didactique des disciplines ont mis en lumière les inconvénients et les défauts de conception de ce
protocole expérimental. En particulier, la variabilité des séquences d’enseignement observables
remet en cause la catégorisation binaire du protocole initial. Selon ses contraintes, sa formation et
son affinité avec l’écologie, chaque enseignant insiste à degré variable sur la fréquence des activités
pratiques, sur l’interprétation du réel de terrain et sur la construction des problèmes scientifiques.
Alors, il n’existe pas d’un côté, des enseignants se limitant à l’analyse de documents pour construire
des connaissances, et de l’autre, des enseignants multipliant les stratégies d’échantillonnage et
d’analyse du réel de terrain en vue d’une problématisation sur plusieurs semaines. Et l’idée
d’imposer un protocole expérimental binaire semblait à la fois peu réaliste, difficilement réalisable
et didactiquement peu pertinent. En effet, l’idée d’une situation didactique testée par rapport à une
situation de référence ne permettait pas d’investiguer l’influence relative des différentes dimensions
d’un enseignement problématisé de l’écologie : la mise en action des élèves, l’observation du réel
de terrain, la pratique d’une démarche scientifique et la confrontation entre les observations et les
concepts. Ainsi, un autre protocole de construction de données a été mis en œuvre (Figure 10).
39
Figure 10 : Protocole de recherche finalement adopté après un retour de pratique, une formation en didactique et quelques lectures
spécialisées en didactique des SVT. Contrairement à la première version du protocole, il n’y a plus de situation didactique testée par
rapport à une référence mais bien autant de situations didactiques différentes qu’il y a de classes et d’enseignants. Si ce nouveau
protocole permet de lever une contrainte forte sur la construction de la situation testée, il conduit à la nécessité de décrire
finalement la diversité des séquences d’enseignement réalisées.
Au-delà de l’évaluation scientifique d’une pratique d’enseignement type, le protocole de
recherche finalement mis en œuvre consiste d’abord en l’identification de phénomènes
d’apprentissage communs à une diversité effective de situations didactiques en écologie, enseignées
au lycée général dans le cadre des SVT. Ces phénomènes d’apprentissage consistent en tous les
changements détectables dans l’acquisition par les élèves des contenus d’enseignement prescrit par
l’institution et partagés par l’enseignant. Ces contenus d’enseignements nécessaires à la préparation
des nouvelles générations aux défis de l’Anthropocène sont des savoirs (connaissances des concepts
et objets en écologie scientifique), des savoir-faire (capacités d’échantillonnage et d’analyse de
données de grande dimension riches d’incertitudes et de variabilité), des savoir-être (comportements
limitant l’empreinte écologique personnelle par la sobriété d’utilisation des ressources, le tri des
déchets, les choix alimentaires…) et des « rapports à » (attitude individuelle et collective de
responsabilité vis-à-vis des changements environnementaux, éthique écocentrée plutôt
qu’anthropocentrée). La détection quantitative et statistique de ces phénomènes d’apprentissage
reste néanmoins basée sur la confrontation des déclarations d’élèves entre deux questionnaires,
avant et après les situations didactiques qu’ils ont vécues.
40
Quelle que soit la thématique de l’enseignement suivi (évolution de la biodiversité,
agrosystèmes ou écosystèmes), les questionnaires sont construits selon une organisation similaire
permettant ensuite la combinaison des réponses dans un unique tableau de données. Après des
questions de caractéristiques sociodémographiques nécessaires pour relier les réponses d’une même
personne aux deux questionnaires amont/aval, les différents items des questionnaires interrogent les
élèves sur leurs savoirs et savoir-faire en écologie, leur savoir-être et leur « rapport à » leur
environnement non-humain, l’ensemble étant adapté selon les différents thèmes abordés dans le
cadre du programme prescrit (Annexe 1 et 2). Le premier questionnaire est donné à remplir avant
ou au début de la première séance. Le second questionnaire est rempli à la fin de la thématique
abordée, après l’évaluation sommative de synthèse et après un certain délai de plusieurs semaines
nécessaire pour évaluer les changements profonds effectués chez les élèves au-delà des impressions
immédiates (Bogner, 1998). Les questionnaires ont été rédigés et soumis via la plateforme d’accès
libre et collaborative Framaforms. Évidemment, d’importantes fragilités ont été constatées dans la
construction des premiers questionnaires au fur et à mesure de la formation en didactique et du
travail bibliographique. En conséquence, une deuxième version de chaque questionnaire est
désormais proposée pour la poursuite du projet sur la période 2022-2025 (Annexe 2). Une
comparaison entre les deux versions des questionnaires proposés en première spécialité SVT est
proposée en Annexe 3. Les principales améliorations portées concernent l’homogénéisation des
questionnaires en amont et en aval de la séquence d’enseignement, l’ajout d’une suite de questions
portant sur la compréhension de la construction de connaissances scientifiques, ainsi qu’une
augmentation de la fréquence de questions ouvertes afin de construire un corpus de données à
plusieurs niveaux d’analyse (Annexe 2).
Les éventuels effets des séquences d’enseignement sur l’apprentissage des élèves sont
ensuite mesurés par un changement significatif dans les déclarations d’élèves entre les deux tests.
L’analyse de ces déclarations nécessite une première transformation des réponses fermées aux
questionnaires en codes chiffrées (exemple : oui = 1 ; non = 0). Ensuite, le recoupement des
réponses de chaque élève aux deux questionnaires encadrant la séquence d’enseignement requiert le
croisement et la fusion des deux tableaux de résultats extraits de la plateforme. Enfin, les
déclarations sont résumées en quatre scores calculés comme une interrogation formative en taux de
réponse correcte par rapport aux attendus d’acquisition des contenus disciplinaires. Les quatre
scores correspondent aux quatre types de contenus : savoir, savoir-faire, savoir-être et « rapport à »
(voir l’annexe 4 pour une visualisation du traitement des questionnaires avec des liens vers les
différents tableaux de données). Différentes analyses statistiques permettent ensuite de déterminer
la significativité des changements éventuels de score entre l’amont et l’aval de la séquence
d’enseignement en fonction de la quantité et de la qualité des données disponible. F. Bogner (1998)
41
utilise par exemple des tests non paramétriques de comparaison de rangs associés à des analyses de
variance selon différents critères confondants. Ces tests permettent de lever un certain nombre de
biais dans la mesure où les déclarations d’un élève représentent l’unité d’échantillonnage et
qu’aucune extrapolation n’est réalisée à l’échelle populationnelle. Dans le cadre de ce mémoire de
recherche, l’analyse statistique des changements de score correspond à un test t de Student de
comparaison de moyenne entre deux échantillons appareillés, test paramétrique utilisé après
vérification des conditions du test (normalité de la distribution des différences entre scores vérifiée
par le test de Shapiro-Wilk). Un test non paramétrique de Wilcoxon-Mann-Whitney est effectué en
remplacement du test t si ses conditions ne sont pas vérifiées. L’éventuel rejet de l’hypothèse nulle
de ces tests indique un changement significatif dans les réponses des élèves après la séquence
d’enseignement suivie. La portée explicative de ces tests est néanmoins réduite par la difficile
intégration de variables explicatives. Ils ne permettent donc à ce stade que d’identifier ces
changements détectables dans l’acquisition des contenus prescrits, définis plus haut comme des
phénomènes d’apprentissage. Au stade actuel du travail présenté, seules sont analysées les données
préliminaires issues du premier échantillonnage test des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021.
La manipulation des données et les tests statistiques sont effectués à l’aide du logiciel R.
5.3. L’interprétation des obstacles d’apprentissage en écologie à partir des questionnaires
Après l’identification des phénomènes d’apprentissage ou de non-apprentissage des
contenus disciplinaires en écologie par les élèves de lycée général, ce projet de recherche cherche à
expliquer ces phénomènes par différents mécanismes d’enseignement ou d’apprentissage. Dans un
premier temps, la recherche bibliographique précédemment présentée a révélé la diversité des
obstacles didactiques qui pouvaient constituer des mécanismes de non-apprentissage (cf. partie 3.2)
: difficile perception des échelles d’espace et de temps, confusion entre écologie scientifique et
écologie politique, confusion entre champs disciplinaires, persistance des opinions communes selon
leur utilisation sociétale, surdétermination des phénomènes au détriment d'évènements aléatoires,
fragilité des acquis antérieurs dans la confrontation entre empirie et théorie… L’interprétation de ce
type d’obstacle se base usuellement sur des observations de classe ou des productions d’élèves afin
de pouvoir disséquer certains invariants de cheminement intellectuel. Dans le cadre de ce projet, il a
été décidé de concentrer l’investissement méthodologique dans la construction de questionnaires
pour des raisons de faisabilité, d’échantillonnage suffisant et de compétences d’analyses.
Néanmoins, cette construction a pu être enrichie de questions fermées pouvant identifier des
obstacles envisagés a priori (position de l’espèce humaine par rapport aux autres, éloignement du
monde agricole, importance de la répétabilité des études scientifiques…) mais aussi de questions
ouvertes permettant une investigation a posteriori de la persistance de représentations initiales
42
(autour du concept d’écosystème, de biodiversité…). Une analyse préliminaire de certains obstacles
d’apprentissage est proposée dans ce mémoire de recherche à partir d’une analyse quantitative
descriptive d’éventuelles régularités de réponses couplées à une analyse interprétative des éléments
d’intelligibilité de ces régularités à la lumière de la littérature scientifique ayant déjà traité des
obstacles similaires. Plus précisément, la stratégie d’analyse consiste à comparer les réponses des
élèves ayant bénéficié d’un apprentissage par rapport à ceux n’ayant pas montré de changement
dans leurs réponses entre les deux questionnaires encadrant la séquence d’enseignement. Les
variables numériques comme les scores de motivation sont comparés grâce au test non paramétrique
de comparaison de moyenne de Wilcoxon tandis que les variables catégorielles sont comparées par
le test de comparaison de distribution du χ². Il est attendu que les questions montrant une différence
significative dans les réponses entre ces deux sous-échantillons soient celles qui mettent en lumière
un obstacle d’apprentissage parmi ceux déjà évoqués. Au-delà de cette analyse préliminaire, ce
projet de recherche est conçu pour nourrir sur le long terme des questionnements
multidimensionnels qui pourront être initiés par l’analyse approfondie de ces questionnements avant
d’être complétés par d’autres sources méthodologiques (observation et/ou entretien par exemple).
5.4. L’interprétation des séquences d’enseignement à la lumière de la problématisation
La modification du protocole de recherche en faveur de l’étude de la variabilité existante des
pratiques enseignantes selon des contextes de classes (Figure 10) a certes pour avantages d’en
faciliter la mise en œuvre et d’en augmenter la pertinence didactique mais elle requiert la capacité
de pouvoir décrire et caractériser cette diversité de pratiques afin de pouvoir relier d’éventuels
mécanismes d’enseignements aux phénomènes d’apprentissage identifiés à partir des
questionnaires. D’après les hypothèses de recherche énoncées précédemment, les caractéristiques de
séquences d’enseignement en écologie pouvant renforcer la qualité des apprentissages face à des
systèmes écologiques complexes sont la fréquence et le degré de mise en action des élèves dans leur
apprentissage, la fréquence et le degré de confrontation au réel de terrain, et la fréquence et le degré
de problématisation des connaissances scientifiques construites. Or, autant le dénombrement des
activités pratiques confrontant les élèves au terrain ou à des échantillons du terrain semble ne pas
poser de problèmes méthodologiques a priori (voir 5.5), autant il paraît difficile de caractériser les
démarches scientifiques proposées par l’enseignant aux élèves, tant celles-ci peuvent être diverses
et complémentaires. Heureusement, le cadre théorique de l’apprentissage par problématisation (voir
3.3) propose des outils méthodologiques pour décrire et questionner la démarche scientifique d’une
séquence d’enseignement à travers l’analyse qualitative et interprétative des séances proposées. Il
s’agit en effet d’interpréter, pour chaque enseignant participant au projet, la succession des étapes
de problématisation et de résolution de problème qu’il envisage de mettre en place avec ses élèves.
43
Cette succession d’étapes peut être retracée par la construction des espaces des contraintes et
nécessités ainsi que de la macrostructure des questionnements et solutions envisagés tout au long de
la séquence (Figure 7 et 8; Lhoste, 2018; Orange-Ravachol, 2012). Pour cela, il a été défini de
procéder par analyse de documents de travail enseignant (cours, trames de séance, documents
élèves et ressources enseignantes ; le corpus déjà établi est disponible en Annexe 5) éventuellement
couplée d’entretiens/observations ponctuels si la première analyse ne suffit pas. Ce choix de
travailler sur le travail préparatoire de l’enseignant plutôt que sur la nature des interactions
effectivement réalisées en classe se justifient d’abord par la volonté de construire un jeu de données
de taille suffisante pour permettre une approche quantitative par ailleurs (voir 5.1 et 5.5). Dans ce
cadre, la récolte et l’analyse des documents de travail enseignant semblent davantage réalisables sur
une dizaine d’enseignants que des observations de plusieurs séances pour plusieurs classes de
différents niveaux. D’autre part, les travaux préalables des équipes de recherche sur la
problématisation montrent l’importance du travail de l’enseignant dans la conduite des débats et
dans la réorientation des échanges en faveur d’une construction scientifique du problème (Lhoste,
2018; Orange-Ravachol, 2012; Orange et al., 1999). Il semble raisonnable de supposer que la
volonté de l’enseignant de conduire sa classe vers une démarche problématisée apparaisse en
filigrane ou de manière explicite dans ses documents de travail. En conséquence, les indicateurs
suivants ont été recherchés au sein du corpus de documents établis (Tableau 3 page suivante) :
observations programmées à partir du « réel de terrain » (sortie scolaire, échantillonnage hors ou au
sein de l’établissement, analyse de données récoltées par les élèves ou d’autres élèves,
expérimentation en condition semi-naturelle, préparation microscopique d’échantillons récoltés…) ;
programmation d’activités scientifiques non orientées (expérimentation en condition semi-naturelle,
modélisation numérique, synthèse de connaissances acquises…) ; référence explicative à la
confrontation entre faits construits et savoirs acquis, et à la de recherche de nécessités de solutions ;
appui explicite sur les problèmes de variabilités et d’incertitude ; accroche didactique à partir d’un
cas concret de gestion scientifique d’un système écologique local (exploitation agricole, suivi de
populations animales ou végétales, étude de services écosystémiques locaux…)… Il est dès à
présent possible de constater que certains éléments sus-listés s’échappent du cadre strict de la
problématisation. Ils devront donc être questionnés et discutés en termes de pertinence et
d’implication au fur et à mesure de l’avancée du projet de recherche.
5.5. La recherche de mécanismes d’enseignements à l’origine des phénomènes d’apprentissage
Après avoir identifié quantitativement des phénomènes d’apprentissage au cours de séquences
d’enseignement en écologie, puis interprété qualitativement lesdites séquences en caractérisant leur
degré de construction scientifique sur le terrain, l’objectif final de ce projet de recherche réside dans
44
l’exploitation d’une possible complémentarité des deux approches afin de proposer une analyse
mécaniste des phénomènes d’apprentissage identifiés. Une telle analyse repose en effet sur
l’addition de covariables explicatives représentant la nature didactique des activités réalisées et la
construction des séquences d’enseignement. Or, la construction de telles covariables est rendue
possible par l’interprétation préalable des documents enseignants à la lumière des concepts
d’obstacles didactiques et de problématisation en didactique des SVT. Il s’agit de traduire les
interprétations réalisées en un score tridimensionnel représentant les trois composantes questionnées
de cet enseignement de l’écologie : la fréquence et le degré de mise en action des élèves dans leur
apprentissage, la fréquence et le degré de confrontation au réel de terrain et la fréquence et le degré
de problématisation (Tableau 3).
Tableau 3 : Critères de description quantitative des séquences d'enseignement à l'aide d'un score indiquant le degré de mise en
activité problématisée de construction des connaissances scientifiques sur le terrain en écologie
Critères de « mise en activité »
Critères de « réel de terrain »
Critères de « démarche scientifique »
Les élèves sont physiquement actifs
(manipulation de matériel ou
d'échantillon)
Les élèves sont en extérieur (parc du
lycée ou hors de l'enceinte du lycée)
La construction du problème ou des
données est collective et explicite
Les élèves ont à construire des
données ou des résultats (tableau,
graphique…)
Les élèves manipulent des échantillons
récoltés en situation
La construction du problème requiert
une confrontation explicite entre
empirie et théorie conduisant à des
nécessités de solutions
Les élèves interagissent en groupe
pour construire une analyse (travail de
groupe, débat)
Les élèves observent un élément brut
du réel (affleurement, êtres vivants,
roches…)
La résolution du problème passe par un
test d'hypothèse par expérimentation,
modélisation ou échantillonnage
Les élèves rédigent une production
écrite présentant leur compréhension
du problème et de ces solutions
Un intervenant extérieur (chercheur /
gestionnaire) ou une étude scientifique
brute présente un système étudié
La variabilité et l'incertitude des
données dans l'espace ou le temps sont
étudiées par la réplication des mesures
Pour chacune de ces dimensions, un score additif est calculé pour chaque séance (1h30 à 2h)
d’activités pratiques en groupe de 15 à 20 élèves : un point est ajouté à chaque dimension chaque
fois qu’un des critères de la dimension est déclaré dans le document de travail enseignant. Ensuite,
les scores des séances sont sommés puis pondérés par le nombre total de séances utilisées par
l’enseignant sur cette thématique d’écologie. Par exemple, une séquence comptant une sortie
d’échantillonnage de biodiversité non problématisé (2 points d’activité, 3 points de terrain et 3
points de démarche scientifique), une analyse graphique informatique des données obtenues à la
première séance (1 point d’activité, 0 point de terrain et 3 points de démarche scientifique) et une et
un débat de classe pour interpréter les résultats d’analyse afin de construire des concepts en
écologie (1 point d’activité, 0 point de terrain et 4 points de démarche scientifique) obtient un score
total de 17 points (4 points d’activité, 3 points de terrain et 10 points de démarche scientifique)
rapporté à une moyenne de 5,7 points par séance. Même si la construction de ces scores doit être
discutés (voir 7.5), les scores calculés pour chaque dimension, le score total et les scores pondérés
45
par séance peuvent ensuite être intégrés comme covariables explicatives à une analyse statistique
des scores d’apprentissage précédemment calculés à partir des réponses aux questionnaires.
Le choix du protocole d’analyse statistique doit tenir compte de la grande variabilité des
situations didactiques étudiées et donc de l’importance majoritaire d’effets confondants, c’est-à-dire
de l’influence d’effets qui ne sont pas, ou qui ne peuvent pas être étudiés dans le cadre de ce projet
de recherche. Il s’agit par exemple de l’influence du contexte sociodémographique de
l’établissement scolaire, de la personnalité de l’enseignant, de la dynamique du groupe classe, et de
la variabilité interindividuelle des élèves. Ces différentes sources de variabilités doivent donc être
prises en compte dans l’analyse sans pour autant être incluses comme variables explicatives à partir
desquels des extrapolations populationnelles pourraient être faites. En effet, cela conduirait à une
complexification inutile du modèle en nombre de paramètres et à un réductionnisme de la variabilité
des données alors que le protocole de récolte de données n’a pas été conduit en ce sens. Pour éviter
cela, l’analyse proposée repose sur des modèles statistiques paramétriques intégrant des variables
aléatoires, appelés modèles linéaires mixtes généralisés (Zuur et al., 2009). Ce sont des outils
statistiques puissants qui permettent de distinguer des effets fixes déterminant des phénomènes et
des effets aléatoires définissant une marge de variation à l’origine d’évènements qui se surimposent
aux phénomènes déterminés. Les conditions de validité de ces modèles statistiques sont
l’homogénéité de la variance de la variable expliquée selon les variables explicatives et la
distribution normale des résidus de variance non expliqué par le modèle sélectionné.
La procédure de construction de modèles statistiques linéaires mixtes généralisés suit un
certain nombre d’étapes de vérification des données et de sélection de modèle (Zuur et al.,
2009) qui sont réalisées à l’aide du logiciel R (R Development Core Team 2012, www.r-project.org,
accessed 10 Dec 2012), complété des bibliothèques nlme (Pinheiro et al. 2013; http://cran.r-
project.org/web/packages/nlme, accessed 25 Feb 2013) et AICcmodavg (Mazerolle 2012;
http://cran.r-project.org/web/packages/AICcmodavg, accessed 15 Dec 2012; voir Annexe 6 pour les
éléments de vérification et les codes R de modélisation statistique).
1. Vérification de l’homogénéité de la variance de la variable expliquée selon les différentes
variables explicatives catégorielles grâce aux tests non paramétriques de Levene.
2. Vérification de l’autocorrélation entre certaines variables explicatives issues d’une
construction proche par des coefficients de corrélation entre les variables explicatives.
3. Vérification de la normalité et de l’homogénéité des résidus du modèle statistique complet à
partir duquel se construit le processus de sélection, grâce à des représentations graphiques adaptées.
4. Correction éventuellement de l’hétérogénéité des variances ou de l’autocorrélation des
variables explicatives, grâce à des paramètres supplémentaires au modèle.
46
5. Sélection par maximum de vraisemblance des effets aléatoires d’une ou plusieurs variables
pouvant agir sur les effets fixes d’autres variables.
6. Sélection par maximum de vraisemblance des effets fixes significatifs par dégradation
progressive du modèle complet en utilisant des analyses de variance évaluant la significativité de
l’effet de chaque variable explicative potentielle ainsi que le critère d’AIC (Akaike’s Information
Criterion ; Zuur et al. 2009) permettant d’identifier le meilleur modèle, celui dont la vraisemblance
est maximale tout en limitant le nombre de paramètre. Un modèle est considéré comme meilleur
qu’un autre si son AIC est de deux points inférieurs au(x) modèle(s) avec le(s)quel il est comparé.
7. Vérification de la qualité du modèle retenu par analyse des résidus non expliqués
Le choix de départ des différentes variables intégrées au modèle complet dépend des
hypothèses de travail de ce projet de recherche. L’hypothèse 1 suppose que la confrontation au réel
de terrain induit chez les élèves des changements détectables de « rapport à » et de savoir-être en
faveur de leur environnement non-humain, en favorisant une approche sensible et active de
l’apprentissage. Pour tester cette hypothèse, les variables expliquées sont indépendamment le score
d’apprentissage des « rapports à » et celui des savoir-être, tous deux calculés après la séquence
d’enseignement. La variable explicative testée dans chacun des cas correspond au score
d’enseignement par le réel de terrain à laquelle sont ajoutées des variables explicatives
confondantes pouvant influencer les variations d’apprentissage : le score d’apprentissage préalable
avant la séquence d’enseignement (influence des acquis antérieurs sur la progression) et la moyenne
de l’élève aux évaluations sommatives du thème (influence du bilan global de compétences sur la
progression). L’influence des différentes dynamiques de classes selon les contraintes éventuelles
dans leur constitution ou selon l’accumulation d’évènements vécus peut influencer aléatoirement
chacune des variables explicatives précédentes sans que l’effet de chaque classe soit intéressant à
évaluer. Une construction similaire est suivie pour les deux autres hypothèses :
- Pour l’hypothèse 2 supposant qu’un enseignement approfondi des démarches de
construction des savoirs scientifiques favorise la compréhension et l’acquisition des savoirs
prescrits en écologie, la variable expliquée est le score d’apprentissage des savoirs par les élèves
après la séquence d’enseignement et la variable explicative testée est le score d’enseignement relatif
à la construction scientifique.
- Pour l’hypothèse 3 proposant que la construction des savoirs scientifiques à partir du réel de
terrain renforce les savoir-faire de critique et d’utilisation des apprentissages face aux crises
actuelles et futures, la variable expliquée est le score d’apprentissage des savoir-faire en écologie
après la séquence d’enseignement et la variable explicative testée est le score global
d’enseignement, cumulant la centration sur le réel de terrain et sur la problématisation des savoirs.
47
6. Résultats préliminaires du projet de recherche
6.1. Description de l’échantillon et identification de biais d’échantillonnage
Les données analysées dans le cadre de ce mémoire de recherche correspondent à
l’échantillon préliminaire réalisé au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021. La plupart
des enseignants et des classes participant au projet sur cette période travaillent dans un lycée
professionnel, général et technologique de grande taille (environ 3500 élèves), le seul dans un rayon
de 35 km et une heure de transport dans le nord de la Bourgogne, regroupant ainsi la quasi-totalité
des élèves de la zone géographique, toutes catégories sociodémographiques confondues. Trois
thèmes d’écologie ont été suivis de manière inégale sur cette période :
- Le tableau 4 présente l’échantillon d’élèves suivis lors du thème de Seconde générale en
SVT concernant les agrosystèmes. Sur les deux ans, trois enseignants ont participé au projet avec un
total de 10 classes et 169 élèves, soit environ 17 élèves par classe (entre 5 et 29) ayant répondu aux
questionnaires. À l’exception d’une classe de faible échantillon (5/30 élèves), la comparaison des
résultats à l’évaluation sommative des élèves participants par rapport à l’ensemble de chaque classe
ne montre qu’une faible mais significative sélection des « meilleurs élèves » (valeur du test t
appareillé = 2.6 ; p-value = 0.03; différence de + 0.43 en moyenne). La faiblesse de l’écart suggère
néanmoins la représentativité satisfaisante de l’échantillon pour ce thème.
Tableau 4 : Descriptif de l'échantillon d'élèves suivis lors de la thématique "Agrosystèmes" de Seconde entre 2019 et 2021. Le
premier nombre indique l’effectif d’élèves suivis par chaque enseignant dans leur classe respective. Entre parenthèses, le premier
nombre indique la moyenne des résultats à l’évaluation sommative du chapitre par les élèves ayant répondu aux questionnaires. Le
second chiffre indique la moyenne de la classe en SVT calculée pour l’ensemble des élèves de chaque classe et pas seulement les
élèves répondants.
Agrosystèmes
Enseignant 1
Enseignant 2
Enseignant 3
Total
Année scolaire
Classe 1
Classe 2
Classe 3
Classe 1
Classe 2
Classe 1
Classe 2
2019-2020
5
(14.7/12.6)
18
(9/9.6)
14
(9/9.2)
19
(9.6/9.2)
10
(11/9.8)
16
(12.2/10)
10
(9/8.7)
92
2020-2021
-
-
-
29
(10.2/9.8)
22
(9/9)
26
(7.9/8.2)
-
77
Total
5
18
14
48
39
42
10
169
- Le tableau 5 présente l’échantillon d’élèves suivis lors du thème de Première générale
spécialité SVT concernant les écosystèmes. Sur les deux ans, trois enseignants ont participé au
projet avec un total de 5 classes et 117 élèves, soit environ 23 élèves par classe (entre 19 et 28)
ayant répondu aux questionnaires. La comparaison des résultats à l’évaluation sommative des
élèves participants par rapport à l’ensemble de chaque classe ne valide aucune sélection de certains
élèves selon leurs notes (valeur du test t appareillé = 1.7 ; p-value = 0.39; différence de + 0.18 en
moyenne). Ce résultat suggère la représentativité correcte de l’échantillon pour ce thème malgré un
échantillonnage plus réduit.
48
Tableau 5 : Descriptif de l'échantillon d'élèves suivis lors de la thématique "Ecosystèmes" de Première spécialité SVT entre 2019 et
2021. Le premier nombre indique l’effectif d’élèves suivis par chaque enseignant dans leur classe respective. Entre parenthèses, le
premier nombre indique la moyenne des résultats à l’évaluation sommative du chapitre par les élèves ayant répondu aux
questionnaires. Le second chiffre indique la moyenne de la classe en SVT calculée pour l’ensemble des élèves de chaque classe et pas
seulement les élèves répondants.
Ecosystèmes
Enseignant 1
Enseignant 2
Enseignant 3
Total
Année scolaire
Classe 1
Classe 2
Classe 3
2019-2020
28
(9/9.2)
22
(8.3/7.8)
-
50
2020-2021
26
(12.8/12.7)
19
(10.3/10.2)
22
(NA/NA)
67
Total
54
41
22
117
- Le tableau 6 présente l’échantillon d’élèves suivis lors du thème de Seconde en SVT
concernant l’évolution de la biodiversité. Ce thème n’ayant été intégré au projet qu’à partir de
l’année scolaire 2020-2021, seule 3 classes de trois enseignants différents ont participé au projet
pour un total de 23 élèves, soit environ 7 élèves par classe (entre 5 et 13) ayant répondu aux
questionnaires. L’absence d’informations sur les résultats des élèves aux évaluations ainsi que la
faible participation aux questionnaires suggère que cet échantillon n’est pas suffisamment
représentatif, même en l’absence de test statistique. En conséquence, les réponses aux
questionnaires ne seront pas analysées de manière quantitative dans le cadre de cette analyse
préliminaire. Seules certaines réponses pourront être interprétées qualitativement par la suite.
Tableau 6 : Descriptif de l'échantillon d'élèves suivis lors de la thématique "Biodiversité" de Seconde entre 2019 et 2021. Le premier
nombre indique l’effectif d’élèves suivis par chaque enseignant dans leur classe respective. Entre parenthèses, le premier nombre
indique la moyenne des résultats à l’évaluation sommative du chapitre par les élèves ayant répondu aux questionnaires. Le second
chiffre indique la moyenne de la classe en SVT calculée pour l’ensemble des élèves de chaque classe et pas seulement les élèves
répondants.
6.2. Compréhension de phénomènes d’apprentissage lors des situations didactiques étudiées
L’analyse quantitative des changements d’apprentissage observés après une séquence
d’enseignement en écologie a été réalisée séparément à partir des échantillons représentatifs des
questionnaires concernant les thèmes « agrosystèmes » de Seconde (Figures 11 et 12) et
« écosystèmes » de Première spécialité SVT (Figure 13 et 14). Dans ces deux situations, un défaut
de construction des questionnaires empêche la comparaison des scores d’apprentissage des savoirs.
En effet, le score établi avant la séquence d’enseignement repose sur certains items du questionnaire
pre-test, tandis que le score établi après la séquence repose sur l’évaluation sommative soumise aux
élèves à la fin du thème abordé et non sur des items du questionnaire post-test similaires à celle du
pre-test. En conséquence, la différence de construction entre ces deux variables, bien que rapportées
en pourcentage de réponses attendues, empêche toute comparaison.
Biodiversité
Enseignant 1
Enseignant 2
Enseignant 3
Total
Année scolaire
Classe 1
Classe 2
Classe 3
2019-2020
-
-
-
0
2020-2021
13
(NA/NA)
5
(10.3/15.1)
5
(NA/NA)
23
Total
13
5
5
23
49
Figure 11: Comparaison de la distribution des scores d'apprentissage de part et d'autre d'une séquence d'enseignement sur les
agrosystèmes. Les scores relatifs aux savoirs sur les agrosystèmes, aux savoirs-être liés à l’alimentation et aux « rapports aux »
agrosystèmes sont calculés à partir des réponses des élèves aux questionnaires soumis avant (PRE-TEST) ou après (POST-TEST) la
séquence d’enseignement. La mise en évidence statistique d’éventuels phénomènes d’apprentissage est réalisée par un test non
paramétrique de Wilcoxon-Mann-Whitney de comparaison de moyenne appareillée. Pour rappel, l’effectif d’élèves ayant répondu
aux questionnaires sur ce thème est de 169.
Concernant le thème de Seconde sur les agrosystèmes, les différentiels de chaque score entre
les deux tests ne respectent pas le critère de normalité nécessaire pour l’utilisation du test t de
Student de comparaison de moyennes appareillées (test de normalité de Shapiro-Wilk sous
l’hypothèse nulle que la variable suit une distribution normale ; W = 0.98, p-value = 0.04 pour les
savoirs-être ; W = 0.90, p-value < 0.001 pour les « rapports à »). En conséquence, son équivalent
non paramétrique, le test de Wilcoxon-Mann-Whitney est utilisé pour identifier les phénomènes
d’apprentissage, lorsque l’hypothèse nulle de scores de moyennes identiques avant et après
l’enseignement est rejetée. Or, les réponses aux questionnaires montrent une amélioration forte et
significative du score mesurant les savoirs-être liés à l’alimentation (V = 524 ; p-value < 0.001;
différence de + 1.46 en moyenne sur un score de 5 points ; Figure 11) en faveur de comportements
alimentaires favorisant une agriculture économique et écologique durable. De plus, une
amélioration significative mais faible du score mesurant les « rapports aux » agrosystèmes (V = 814
; p-value = 0.02; différence de + 0.34 en moyenne sur un score de 5 points ; Figure 11) indique une
meilleure prise de conscience des enjeux du monde agricole. Concernant l’amélioration observée
des savoir-être, la figure 12 suggère une forte hétérogénéité de la variance associée selon les
classes échantillonnées tandis que le travail de l’enseignant pourrait éventuellement expliquer une
part significative de cette amélioration (anova ; F=11.48 ; p-value <0.001).
50
Figure 12: Variation des changements d'apprentissage du savoir-être lié à l'alimentation en fonction des classes et des enseignants
participants au projet. L’influence de ces deux paramètres sur les changements d’apprentissage est analysée par un test d’analyse
de variance (anova). L’absence de données pour la classe N°4 s’explique par le faible effectif d’élèves ayant répondu aux
questionnaires dans cette classe, et l’impossibilité de calculer un changement de score de savoir-être pour cause de réponses
absentes aux items correspondants dans les deux questionnaires.
Concernant le thème de Première sur les écosystèmes, les réponses aux questionnaires
montrent une amélioration forte et significative du score mesurant les « rapports aux » écosystèmes
(valeur du test t appareillé = 3.07 ; p-value < 0.001; différence de + 0.95 en moyenne sur un score
de 8 points ; Figure 13) en faveur d’une meilleure inclusion de notre espèce dans son
environnement. La figure 14 suggère une forte hétérogénéité de la variance de cette variable selon
les classes et les enseignants échantillonnés sans que ces paramètres n’expliquent une part
significative de cette amélioration.
Figure 13 : Comparaison de la distribution des scores d'apprentissage de part et d'autre d'une séquence d'enseignement sur les
écosystèmes en première spécialité SVT. Les scores relatifs aux savoirs sur les écosystèmes, aux savoir-être liés à la préservation des
écosystèmes et aux « rapports à » ces écosystèmes sont calculés à partir des réponses des élèves aux questionnaires soumis avant
(PRE-TEST) ou après (POST-TEST) la séquence d’enseignement. La mise en évidence d’éventuels phénomènes d’apprentissage est
réalisée par un test t de Student appareillé. L’effectif d’élèves ayant répondu aux questionnaires sur ce thème est de 117.
51
Figure 14 : Variation des changements d'apprentissage du « rapport aux » écosystèmes en fonction des classes et des enseignants
participants au projet. L’influence de ces deux paramètres sur les changements d’apprentissage est analysée par un test d’analyse
de variance (anova).
Enfin, comme annoncé précédemment, l’intégration tardive du thème de Seconde sur
l’évolution de la biodiversité dans ce projet de recherche et la pauvreté de l’échantillon qui en
découle empêchent toute analyse des changements d’apprentissage reliés à ce thème.
6.3. Description de représentations d’élèves et interprétation d’obstacles didactiques
Après avoir identifié les phénomènes d’apprentissage concernant l’amélioration des savoir-
être et des « rapports à » ces thèmes d’écologique au programme des SVT au lycée général, il
convient maintenant de rechercher des mécanismes d’enseignement-apprentissage à l’origine de ces
phénomènes. Le rôle de l’éducation étant de générer des apprentissages, il est heureux et attendu
que des changements d’apprentissages soient observés dans le sens des prescriptions du
programme. Il est au contraire plus étonnant que ces changements ne soient pas francs et massifs,
c’est-à-dire influençant massivement la quasi-totalité des élèves concernés par un enseignement.
C’est pourquoi la recherche de mécanismes à l’origine des phénomènes d’apprentissage observés
peut en priorité se focaliser sur les mécanismes de non-apprentissage, c’est-à-dire principalement
tenter d’identifier des obstacles didactiques à l’apprentissage. Cette recherche a été lancée
uniquement par rapport au thème des agrosystèmes de Seconde et complétée par des éléments
d’intelligibilité relatifs au thème de l’évolution de la biodiversité de Seconde. Le thème des
écosystèmes de Première n’a pas été travaillé en ce sens, faute d’un échantillonnage suffisant.
52
Figure 15 : Comparaison de la progression des élèves en termes de savoir-être concernant les comportements alimentaires par
rapport aux savoir-être acquis antérieurement à la séquence d'enseignement sur les agrosystèmes.
Concernant le thème des agrosystèmes en Seconde, la comparaison des réponses du 2/5 des
élèves ayant le plus progressé en termes de savoir-être par rapport au 2/5 ayant le moins progressé
sur ce point montre que les élèves n’ayant pas progressé sont ceux dont le savoir-être pro-
environnemental était déjà acquis avant la séquence d’enseignement (Test de Wilcoxon : W = 92.5,
p-value < 0.001 ; Figure 15). Cette différence est détectable sur les critères de choix des produits
alimentaires comme sur la connaissance de la crise agricole (Tableau 5). À l’inverse, le degré de
progression semble indépendant des résultats scolaires des élèves aux évaluations sommatives des
savoirs et savoir-faire (Test de Wilcoxon : W = 871, p-value = 0.54) ainsi qu’au degré de
motivation ou d’intérêt déclarés a priori (Test du χ² : χ² = 6, df = 4, p-value = 0.19). En plus de
préciser les phénomènes d’apprentissage précédemment évoqués en les circonscrivant aux élèves
ayant de faibles acquis antérieurs, ces résultats mettent en évidence qu’une recherche des obstacles
d'apprentissage doit se focaliser sur la population des élèves n’ayant pas progressé malgré la
faiblesse de leurs acquis antérieurs à la séquence d’enseignement (portion de l’échantillon total non
coloré sur la figure 15). Pour l’heure, l’analyse des réponses de ces derniers élèves ne montre
aucune différence majeure (si ce n’est leur légère surreprésentation parmi les élèves de l’enseignant
1 de ce thème) avec celui des élèves ayant progressé malgré leurs faibles acquis.
53
Tableau 7 : Comparaison des savoirs-être antérieurs selon le degré de progression des élèves dans l’acquisition de savoir-être.
Savoirs-être antérieurs
Alternatives
40% des élèves
avec progrès
40 % des élèves
sans progrès
Test du χ²
Choix du distributeur
alimentaire
Grande distribution
36
35
χ² = 9.1,
df = 3,
p = 0.027
Marché
0
7
Epicerie
0
1
Vente directe
0
2
Choix d’une origine locale
Critère prioritaire
0
26
χ² = 44.0,
df = 2,
p < 0.001
Critère secondaire
6
13
Critère non utilisé
26
4
Conscience du déclin des
espèces agricoles dans
l’éviction de certains produits
Conscience élevée
15
28
χ² = 6.7,
df = 2,
p = 0.035
Conscience faible
16
18
Pas de conscience
4
0
Si les questionnaires concernant le thème de Seconde sur l’évolution de la biodiversité n’ont
pas encore été analysés faute de qualité suffisante sur la période 2019-2021, une première lecture
des réponses d’élèves en amont de la séquence d’enseignant pourra orienter à l’avenir la recherche
d’obstacles d’apprentissage parmi les élèves identifiés plus haut comme n’ayant pas progressé
malgré la faiblesse de leurs acquis antérieurs. La figure 16 prend l’exemple de trois questions autour
de la place de l’être humain dans le monde vivant et son histoire. A la question : « lesquels de ces
êtres vivants sont des animaux ? », une bonne moitié des élèves ont une connaissance erronée du
mot « animal » caractérisant les êtres vivants pluricellulaires ayant une bouche et un tube digestif
pour se nourrir d’autres êtres vivants, soit l’équivalant vernaculaire du groupe évolutif des
métazoaires. Seul le chien est associé sans équivoque au mot « animal » soulignant une association
avec le concept d’animal domestique, ou bien avec le groupe évolutif des mammifères. Mais
comme l’être humain est exclu par la moitié des élèves du groupe des animaux, ce terme doit donc
signifier pour eux plutôt animal domestique ou mammifère non humain. Toujours est-il que
l’utilisation courante d’un mot, ici plus fréquemment utilisé pour désigner les animaux domestiques
que les élèves côtoient le plus au quotidien, peut conduire à une vision erronée de sa définition
scientifique pouvant générer une incompréhension entre l’élève et l’enseignant lors d’une séquence
d’apprentissage. Cela témoigne d’un obstacle didactique potentiel relié à des pratiques langagières
divergentes entre la communauté discursive de l’élève au quotidien et celle de la classe dans une
discipline scolaire référée à un champ disciplinaire scientifique (voir Reuter et al., 2013 pour une
définition précise des concepts didactiques évoqués ici en guise d'appel à d'autres recherches qui
pourrait s'interesser à une didactique de l'écologie par d'autres cadres théoriques).
54
Figure 16 : Exemples de réponses d'élèves au questionnaire soumis avant le thème de Seconde sur l'évolution de la biodiversité.
A la question demandant la date d’apparition des êtres vivants sur Terre, seule la moitié des
élèves ont une idée correcte de l’échelle temporelle correspondant aux mécanismes de mise en place
des polymères de molécules organiques et des cellules. Un quart des élèves ont une conception
fixiste de la vie sur Terre tandis que le dernier quart propose une date trop récente où les principaux
groupes d’espèces sont déjà présents. Au-delà du manque de connaissance, c’est ici la difficile
perception et représentation des échelles de temps qui peut conduire les élèves à comprendre le
temps long comme infini ou bien comme bien plus court qu’il ne l’est faute d’envisager de si
longue durée. Cela témoigne d’un obstacle didactique potentiel relié aux difficultés cognitives de
représentation des échelles de temps ou d’espace.
Enfin, lorsque la place de l’espèce humaine par rapport au reste du monde vivant est
interrogée, une moitié des élèves se positionne de manière anthropocentrée tandis que l’autre moitié
a déjà adopté une posture écocentrée, où les êtres humains constituent une espèce parmi d’autres
dans un tissu complexe d’espèces interconnectées (Larrère & Larrère, 2011). Ces différentes
postures éthiques sont souvent interrogées en SVT alors que l’anthropocentrisme reste dominant
dans la sphère publique et familiale, renforcé par les religions monothéistes créationnistes comme
par la philosophie cartésienne ou encore l’exploitation capitaliste des ressources naturelles. Or, un
anthropocentrisme trop ancré pourrait mettre en difficulté l’apprentissage par un élève de l’impact
des activités humaines sur la biodiversité, de l’importance des relations interdépendantes entre
l’espèce humaine et les autres ou encore de la possibilité d’une évolution de l’espèce humaine
confrontée aux mêmes contraintes environnementales que les autres espèces. Cet obstacle potentiel
renvoie à la question des représentations initiales qui sont fortement influencées par les pratiques
sociales de référence (là encore, voir Reuter et al., 2013 pour une définition précise des concepts
didactiques évoqués ici en guise d'appel à d'autres recherches en didactique de l'écologie).
Ainsi, les réponses individuelles des élèves devront être analysées plus en détail pour
interpréter la diversité des obstacles didactiques qui peuvent conduire une séquence d’enseignement
du contenu scientifique en écologie à ne pas générer d’apprentissages solides et durables. Qu’ils
soient de nature discursive ou cognitive, derrière cette diversité d’obstacle se cache souvent un
55
manque d’acquisitions normalement antérieures au lycée général, soulignant à quel point le passage
entre l’opinion commune et le contenu scientifique n’est pas sans difficulté.
6.4. Description et catégorisation des pratiques enseignantes
Après avoir interprété certains obstacles didactiques qui pourraient expliquer les phénomènes
de non-apprentissage constatés grâce aux réponses des élèves aux questionnaires, il s’agit
maintenant d’expliquer les phénomènes d’apprentissage grâce à une meilleure compréhension des
pratiques enseignantes concernant les contenus scolaires en écologie. L’un des objectifs de cet
enseignant prescrit par les programmes et recommandé par certains chercheurs en sciences de
l’éducation environnementale (Bogner, 1998; Lange, 2020; Magro & Hemptinne, 2011) étant la
construction rationnelle des problèmes écologiques et de leurs solutions, il est important de décrire
comment les enseignants abordent ces méthodes de raisonnement scientifique avec leurs élèves. La
partie 3.3 de ce mémoire a montré que le cadre théorique de la problématisation proposait une grille
d’analyse des pratiques d’enseignements en y repérant une explicitation de la confrontation entre les
contraintes empiriques et théoriques à l’origine de nécessités de solutions. Ainsi, dans un premier
temps, l’analyse des documents de travail des enseignants participant au projet permet d’identifier
les séquences d’enseignement qui contiennent des activités problématisées. Concernant le thème
des agrosystèmes étudié en classe de Seconde, la majorité des activités proposées consistent en des
tâches de construction de faits (catégorisation des éléments constitutifs d’un système agricole lors
d’une visite ou de l’étude d’un document, identification de la composition d’un sol à l’aide d’un
protocole de mesure) ou en des protocoles expérimentaux guidés confirmant un savoir. Dans ces
cas-là, les élèves participaient à l’élaboration de savoirs mais sans avoir des éléments permettant de
construire leurs nécessités. Seuls les enseignants 2 et 3 travaillant cette thématique semblent
problématiser la nécessité de l’apport d’engrais à cause de l’exportation des récoltes. Probablement
encouragés en cela par la prescription officielle (« l’exportation d’une grande partie de la biomasse
produite réclame l’apport d’intrants pour fertiliser les sols » ; MENa 2019 ; p. 11), ces enseignants
proposent de confronter la production agricole favorisée par les engrais à la dégradation de la
matière organique mesurée dans le sol avant de remobiliser les savoirs antérieurs sur la conservation
de la matière pour construire la nécessité d’une compensation par les engrais de l’exportation des
récoltes (Figure 15 et Annexe 5 ; « L’idée est d’exploiter les manipulations sur l’activité biologique
des sols une semaine après (et de les confronter aux résultats des cultures expérimentales) afin de
relier l’apport d’engrais à l’absence de recyclage de la matière »). Cette nécessité épistémologique
est d’autant plus forte qu’elle est soutenue lors de la séance précédente, la visite d’une exploitation
agricole, par la nécessité économique de l’exploitant agricole contraint de trouver des solutions à
cette perte de fertilité du sol pour préserver sa production et ses revenus.
56
Figure 17 : Représentation des espaces des contraintes et des nécessités identifiées lors d'une séance problématisée par les
enseignants 2 et 3 sur les agrosystèmes autour de l’apport d’engrais, dans le cadre de mesures de l’activité biologique du sol après
des expérimentations de culture en plein air et la visite d'une exploitation agricole.
Concernant le thème des écosystèmes étudié en classe de Première, la richesse du programme
couvrant les principaux concepts fondamentaux en écologie ainsi qu’une amplitude horaire
supérieure (6-7 semaines de 4 heures en Première au lieu de 6-7 semaines de 1h30 en Seconde) rend
possible une meilleure problématisation de certains savoirs. En particulier, la construction
progressive de la théorie scientifique de la niche écologique permet d’insister sur la confrontation
des modèles aux observations et sur la nécessaire transformation des modèles pour tenir compte de
nouvelles observations. En effet, le concept de niche écologique avait d’abord été proposé par
Joseph Grinnell vers 1917 pour décrire les conditions de présence d’une espèce à un endroit donné
en fonction des conditions bioclimatiques liées aux ressources auxquelles cette espèce est adaptée
par sélection naturelle. Seulement, les prédictions de présence de cette espèce par la projection de
ces conditions favorables à la surface du globe ont montré par la suite d’importantes divergences
avec les données de répartition géographique de l’espèce (souvent bien plus réduite, parfois plus
étendue). Ainsi, en 1957, Georg Hutchinson a qualifié ce concept de niche par l’adjectif potentielle
et l’a complété du concept de niche écologique réalisée pour tenir des mécanismes de dispersion et
de relation interspécifique, notamment l’exclusion compétitive (Pocheville, 2015). Or, ce dialogue
entre faits et théories peut être reconstruit avec des élèves sur le terrain grâce à des stratégies
d’échantillonnages d’espèces ciblées. C’est notamment ce que propose les enseignants 1 et 2 de ce
thème au travers de la répartition d’une plante herbacée de sous-bois, l’alliaire officinale, dont la
préférence pour les zones ombragées est observable mais dont la compétitivité d’installation est
plus faible que le lierre dès que la luminosité est trop faible (Figure 16 et Annexe 5 :
57
« [L’échantillonnage d’une forêt] met en évidence la répartition des espèces parfois en compétition
selon leurs préférences écologiques pour aborder le concept de niche. »).
Figure 18 : Représentation des espaces des contraintes et des nécessités identifiés lors d'une séance problématisée sur le thème des
écosystèmes en Première autour de la répartition d’une espèce de sous-bois, dans le cadre de l’échantillonnage d’un écosystème
forestier organisé par les enseignants n°1 et 2.
Malgré les nombreuses possibilités de problématisation lors de ce thème d’enseignement de
spécialité, force est de constater que les occasions d’une explicitation des nécessités de solutions par
la confrontation des modèles et des données sont assez rarement perceptibles dans les documents de
travail des enseignants précisant ce qu’ils comptent faire avec leurs élèves en classe. Cependant,
d’autres composantes caractéristiques des démarches scientifiques de construction de connaissances
sont fréquemment rencontrées dans ce corpus des pratiques enseignantes. En particulier, est souvent
envisagée l’importance de la construction collective de données face à la variabilité des
observations. Par exemple certaines activités sur la structure des sols ou la variabilité
intraspécifique des phénotypes demandent aux différents binômes d’élèves de réaliser des mesures
avant de compléter un tableau collaboratif montrant la variabilité de ces mesures en conditions
similaires comme en conditions différentes. Pour cette raison, ce projet de recherche propose de
compléter l’identification d’activités problématisées par d’autres composantes de la construction de
savoirs scientifiques, en décrivant les séquences d’enseignement au travers d’un score quantifiant le
degré de cohérence de cet enseignement scientifique avec les pratiques effectives de la recherche
scientifique (voir 5.4). Ce score de « démarches scientifiques » des pratiques enseignantes déclarées
est ensuite mis en regard d’un score de mise en activité des élèves et d’un score de confrontation au
réel de terrain, deux autres composantes précédemment évoquées, importantes a priori dans
l’explication des phénomènes d’apprentissage en écologie.
58
Tableau 8 : Descriptif et catégorisation des séquences d'enseignements concernant le thème de l'évolution de la biodiversité en
Seconde. Pour chaque élément de savoir prescrit par le programme de référence, un descriptif des pratiques mises en œuvre est
synthétisé, accompagné de scores indiquant la fréquence de mise en activité des élèves (score activité), la fréquence de
confrontation au réel de terrain (score terrain), et la fréquence de construction scientifique des problèmes et des solutions (score
sciences). Les critères pris en compte pour l’élaboration des scores sont précisés dans le tableau 3. Les scores obtenus sont enfin
rapportés au nombre de séances utilisées pour traiter l’intégralité du thème. Les documents de travail des enseignements
participant à partir desquels les scores sont définis sont disponibles en annexe 5.
Eléments de
savoirs
Pratiques mises en
œuvre par Enseignant 1
Score
Activité
Score
Terrain
Score
Science
Pratiques mises en
œuvre par Enseignant 2
Score
Activité
Score
Terrain
Score
Science
Définition de
biodiversité à
différentes
échelles
Conceptions initiales sur
la notion de biodiversité
et sur les grands groupes
d'êtres vivants.
Comparaison de
photographies et
d'échantillons théoriques
1
1
1
Sortie au terril avec
mesures de paramètres
abiotiques.
Echantillonnage de
feuilles d'arbres et écoute
de chants d'oiseau avec
clé de détermination
3
3
2
Concept
d'espèce
Observation
d'échantillons variables
de faune du sol et
identification espèces ;
Tableau collaboratif de
résultats et calcul Indice
de Simpson
2
1
2
Observation des
escargots échantillonnés
Mesure collaborative des
tailles de coquilles ;
Construction de
graphiques avec
moyennes et variances
3
2
2
Diversité
individuelle et
génétique
Mesure de quelques
coquilles d'escargots ;
Graphique de
distribution avec tableur
1
1
1
La biodiversité
change à
différentes
échelles de
temps
Comparaison de roches
d'âges différents ;
Identification de fossiles ;
Etude de carte
géologique ;
Reconstitution
paléoenvironnement ;
2
1
1
Observation de fossiles
sur le terril et
reconstitution de leurs
conditions de vie ;
Construction de
graphique à partir de
résultats scientifiques
2
3
2
Le rôle des
activités
humaines dans
une 6ème crise
Activités mosaïques
avec documents
différents sur les
mécanismes des crises
pour compléter un
tableau.
1
0
1
Non réalisé
Total
7
4
7
8
8
6
Moyenne
7 séances d’1h30
1
0.7
1
4 séances d’1h30
2
2
1.5
Les séquences d’enseignement étudiées concernant l’évolution de la biodiversité au niveau
Seconde montrent que les deux enseignants ont à cœur de multiplier et de diversifier les activités
d’observation afin de rendre les élèves acteurs de la construction des connaissances scientifiques
associées au thème étudié. Par contre, des stratégies différentes semblent choisies par les deux
enseignants : tandis que le premier semble se focaliser sur la diversité de nature des objets observés
(photographies, échantillons d’êtres vivants ou de roches, cartographie, documents de recherche
didactisés…), le second s’investit dans la construction de faits scientifiques sur le terrain au travers
d’une sortie en extérieur et de protocoles d’échantillonnage variés impliquant la manipulation
d’incertitudes et de variations. En conséquence, rapportée par séance d’enseignement d’1h30, la
séquence proposée par l’enseignement 2 obtient des scores plus élevés pour chaque domaine.
59
Tableau 9 : Descriptif et catégorisation des séquences d'enseignement concernant le thème des agrosystèmes en Seconde. Pour
chaque élément de savoir prescrit par le programme de référence, un descriptif des pratiques mises en œuvre est synthétisé,
accompagné de scores indiquant la fréquence de mise en activité des élèves (score activité), la fréquence de confrontation au réel de
terrain (score terrain), et la fréquence de construction scientifique des problèmes et des solutions (score sciences). Les critères pris
en compte pour l’élaboration des scores sont précisés dans le tableau 3. Les scores obtenus sont enfin rapportés au nombre de
séances utilisées pour traiter l’intégralité du thème. Les documents de travail des enseignements participant à partir desquels les
scores sont définis sont disponibles en annexe 5.
Eléments de
savoirs
Pratiques mises en
œuvre par Enseignant 1
Score
Activité
Score
Terrain
Score
Science
Pratiques mises en œuvre
par Enseignant 2 et 3
Score
Activité
Score
Terrain
Score
Science
Description
des différents
modèles de
système
agricole
Comparaison de
l’organisation de deux
systèmes agricoles à
partir de documents ou
de vidéos.
1
1
0
Visite de deux systèmes
agricoles et comparaison
de leur organisation.
1
3
1
Composition,
organisation
et mise en
place d’un
sol
Protocole de mesure de
la composition d’un sol
1
1
1
Protocole de mesure de la
composition de différents
sols échantillonnés
Mesure collaborative et
réalisation de graphiques,
moyennes et variances
2
2
3
Recyclage de
la matière
organique
par les êtres
vivants du
sol
Observation
d'échantillons
standardisés de faune du
sol et identification
espèces
1
1
0
Observation d'échantillons
variables de faune du sol et
identification espèces ;
Tableau collaboratif de
résultats et calcul Indice de
Simpson
2
2
4
Gestion
scientifique
pour des
systèmes
agricoles
durables
Dessin et réalisation
d’un protocole de
culture en conditions
naturelles. Mise en
commun des résultats
avec graphiques de
moyennes
2
2
2
Construction et
réalisation d’un protocole
de culture expérimental
en conditions naturelles.
Mise en commun des
résultats avec graphiques
de moyennes et variances
2
2
3
Total
5
5
3
7
9
11
Moyenne
8 séances d’1h30
0.625
0.625
0.375
6 séances d’1h30
1.16
1.5
1.8
Dans le cadre de l’étude des agrosystèmes en Seconde, une autre forme de diversité est
perceptible grâce à l’analyse des séquences d’enseignement. En effet, tous les enseignants suivis
proposent une séquence relativement similaire avec un découpage et des types d’activités
équivalents, là encore en cherchant à renforcer la mise en activité des élèves par le biais
d’observations, de mesures et d'expérimentations. Et pourtant, les séquences des enseignants 2 et 3
obtiennent des scores deux à trois fois plus élevés que l’enseignant 1, quel que soit le domaine
étudié. En effet, lors de chaque activité, les premiers déclarent vouloir insister fortement sur le
rapport direct avec le réel de terrain, par l’organisation d’une visite de deux exploitations agricoles
et par l’échantillonnage de sols et d’êtres vivants du sol étudiés plus tard en classe. De plus, ils
envisagent de focaliser l’attention sur la variabilité des résultats et des observations à chaque
activité, montrant ainsi que l’écologie scientifique ne peut pas faire l’abandon de cette variabilité à
l’origine de toutes les difficultés de gestion de la crise environnementale. Enfin, seuls les
enseignants 2 et 3 font référence explicite à une confrontation entre les données et les connaissances
acquises lors d’une problématisation déjà évoquée de l’apport d’engrais aux cultures, dans le cadre
de mesures de l’activité biologique des sols et d’un protocole expérimental de culture en conditions
60
naturelles. Une autre activité problématisée non présentée précédemment s’intéresse au choix des
cultures par un agriculteur en fonction de la nature du sol de ces différentes parcelles : ce
questionnement concret conduit à la manipulation de différents échantillons de sol entre les
différents groupes d’élèves, l’identification de leur nature sédimentaire (sableux, limoneux ou
argileux), l’expérimentation de leur propriété de rétention de l’eau et le lien avec les besoins
différentiels des plantes cultivées. A l’inverse, si l’on prend l’exemple de l’activité sur la
composition du sol proposée par l’enseignant 1, aucun lien n’est d’abord fait avec un terrain
spécifique ou identifiable par les élèves : c’est « un échantillon du sol » qui a été prélevé quelque
part par l’enseignant ou l’agent technique de laboratoire. Ce même échantillon de sol est ensuite
manipulé à l’identique par l’ensemble des élèves pour aboutir à la séparation des constituants
solides du sol dont l’observation permet d’écrire un bilan sur la composition du sol. Il n’est pas
prévu de questionnement autour de la diversité des sols, au moins de leur variabilité selon les zones
de prélèvement, ni de lien avec leur propriété de rétention d’eau et les choix de culture en fonction.
Ainsi, cette analyse de séquences d’enseignement met en évidence qu’une même progression de
séquence avec des activités aux contenus similaires peut en réalité témoigner d’approches de
construction extrêmement différentes dont essaie de témoigner l’établissement des scores proposés
dans ce mémoire de recherche.
Enfin, dans le cadre de la thématique de Première spécialité SVT sur les écosystèmes, une
troisième dimension de variabilité de pratiques enseignantes est détectée. Là encore, les deux
séquences d’enseignement comparées suivent un découpage et une progression relativement
similaire avec une même recherche de mise en activité des élèves dans le but d’une construction
collective et scientifique de nouvelles connaissances : démarches de projet, protocoles
d’échantillonnage sur le terrain, modélisation numérique… Par contre, les enseignants 1 et 2
montrent une volonté apparente d’intensifier chaque séance dans leur dimension de confrontation au
terrain et de reproduction d’une construction scientifique du contenu en écologie. En sept séances
de deux heures, ils organisent deux sorties scolaires hors de l’établissement pour construire des
données d’étude des écosystèmes ainsi qu’un échantillonnage de la biodiversité du lycée et une
démarche de projet par groupe autour d’enjeux de gestion concrète d’un écosystème (influence de la
fréquence de fauche sur la flore de la pelouse, préservation d’une colonie d’hirondelles de fenêtres,
estimation du bilan carbone du lycée…). En comparaison, l’enseignant 3 n’est pas en mesure
d’organiser des sorties à l’extérieur de l’établissement et de multiplier les activités de construction
collaborative de données et de modèles en écologie. Ainsi, l’intensité de mise en activité de
construction scientifique des contenus à partir du réel de terrain est une autre dimension
d’interprétation et de discrimination des pratiques d’enseignement.
61
Tableau 10 : Descriptif et catégorisation des séquences d'enseignements concernant le thème des écosystèmes en Première. Pour
chaque élément de savoir prescrit par le programme de référence, un descriptif des pratiques mises en œuvre est synthétisé,
accompagné de scores indiquant la fréquence de mise en activité des élèves (score activité), la fréquence de confrontation au réel de
terrain (score terrain), et la fréquence de construction scientifique des problèmes et des solutions (score sciences). Les critères pris
en compte pour l’élaboration des scores sont précisés dans le tableau 3. Les scores obtenus sont enfin rapportés au nombre de
séances utilisées pour traiter l’intégralité du thème. Les documents de travail des enseignements participant à partir desquels les
scores sont définis sont disponibles en annexe 5.
Eléments de
savoirs
Pratiques mises en
œuvre par Enseignant
1 et 2
Score
Activité
Score
Terrain
Score
Science
Pratiques mises en
œuvre par Enseignant 3
Score
Activité
Score
Terrain
Score
Science
L’influence des
activités
humaines
sur les
écosystèmes
Protocoles
d’échantillonnage de la
biodiversité d’un parc
du lycée et comparaison
d’images aériennes
2
2
3
Comparaison d’images
aériennes
1
1
1
Définition et
Structure des
écosystèmes
Visite, observation,
échantillonnage et
analyse de données
collaboratives de deux
écosystèmes pour
comparer leur
organisation
2
3
4
Protocoles
d’échantillonnage de la
biodiversité d’un parc du
lycée selon des conditions
d’environnement variables
2
3
3
Diversité des
interactions
biotiques et
dynamique des
écosystèmes
Observation
microscopique
d'échantillons
d’interaction biotiques
complétés par analyse
de documents
2
2
1
Observation
microscopique
d'échantillons
d’interaction biotiques
complétés par analyse de
documents
2
2
1
Flux d’énergie
et de matière
dans les
écosystèmes et
services
écosystémiques
Visite avec
échantillonnage
collaboratif des
services écosystémiques
d’un parc urbain
2
3
2
Analyse de documents et
calcul de flux de matières
et d’énergies
1
0
1
Gestion
scientifique
durable des
écosystèmes
Modélisation
numérique pour prédire
les effets d’une action
de gestion. Démarche
de projet de groupe sur
un exemple de gestion
scientifique d’un
écosystème.
3
4
3
Modélisation numérique
pour prédire les effets
d’une action de gestion.
Démarche de projet de
groupe autour d’un plan
d’échantillonnage pour les
élèves volontaires.
3
3
3
Total
11
14
13
9
9
9
Moyenne
7 séances de 2h00
1.6
2
1.9
6 séances de 2h00
1.5
1.5
1.5
6.5. Explication des mécanismes d’apprentissage lors des situations didactiques étudiées
L’établissement de scores décrivant des séquences d’enseignement ne constitue pas une fin en
soi. Cela n’apporte d’ailleurs pas grand-chose à l’interprétation et à la compréhension des séquences
d’enseignement. Par contre, cette approche par interprétation quantitative rend possible une
démarche d’investigation statistique des mécanismes d’enseignement expliquant les phénomènes
d’apprentissage décrits plus haut. En effet, la réponse à la problématique de ce projet de recherche
requiert un usage complémentaire des approches qualitatives interprétatives et quantitatives
explicatives pour identifier des liens de causalité entre des mécanismes d'enseignement interprétés
qualitativement et des phénomènes d’apprentissage évalués quantitativement. En cela,
62
l’établissement de scores décrivant les différents domaines de focalisation des pratiques enseignants
autour des contenus scientifiques en écologie permet la construction de variables explicatives
décrivant quantitativement la diversité des pratiques enseignantes et pouvant être intégrés à des
modèles statistiques tentant d’expliquer la variabilité des phénomènes d’apprentissage.
L’ensemble du jeu de données utilisé dans le cadre de cette analyse préliminaire comprend les
scores d’apprentissage de 286 élèves répartis en différentes classes sur deux niveaux : le niveau
Seconde au cours duquel l’écologie des agrosystèmes est abordée et le niveau Première spécialité
SVT au cours duquel l’étude des écosystèmes est réalisée (voir 6.1). Pour chacun des deux thèmes,
deux séquences d’enseignement ont pu être comparées. Le thème de l’évolution de la biodiversité
de Seconde n’a pas pu être inclus à cette analyse faute des réponses aux questionnaires après les
séquences d’enseignement. La présence de réponses incomplètes par certains élèves conduit à une
réduction importante de ce jeu de données à 217 élèves aux réponses complètes. De plus, du fait de
faiblesses dans la construction des questionnaires de la première version du projet, les scores
d’apprentissage des savoirs en amont et en aval des séquences d’enseignement ne sont pas
comparables et les questions relatives à l’apprentissage des savoir-faire en écologie n’ont pas été
explicitement posées. En conséquence, seule l’hypothèse 1 est testée dans le cadre de ce mémoire.
La vérification des variables impliquées dans le test de l’hypothèse 1 montre une
hétérogénéité réduite de la variance des scores d’apprentissage des savoir-être et des « rapports à »
en fonction des différentes variables catégorielles confondantes, principalement la classe (Annexe
9.6.1) et aucune correction de cette hétérogénéité réduite n’améliore le modèle. Par contre,
l’autocorrélation est très importante entre les scores d’enseignement d’activités, de terrain et de
construction scientifique. Aucune correction n’est possible, ce qui impose de ne pas assembler à ce
stade les scores d’enseignement dans un même modèle (Annexe 9.6.2). En fonction de cela, le
modèle complet proposé pour tester l’hypothèse explique dans un premier temps le score de savoir-
être après la séquence d’enseignement par le score de cette séquence en termes de confrontation au
réel de terrain. Sont aussi intégrées les variables confondantes suivantes : le score de savoir-être
acquis avant la séquence d’enseignement, les résultats des élèves à l’évaluation sommative ainsi que
le thème abordé. Un modèle complet similaire est construit pour expliquer le score de « rapport à »
après la séquence d’enseignement. Ensuite, pour tenir compte de la variabilité existant entre les
différentes classes sans pour autant estimer l’effet de chaque classe dans le modèle, un effet
aléatoire est ajouté au modèle complet des effets fixes pour modéliser cette variation inter-classe.
Le tableau 11 présente le résultat de la sélection de l’effet aléatoire, selon qu’il s’exprime sur l’effet
d’une des variables explicatives ou bien sur la valeur de référence (origine) de la variable expliquée.
63
Tableau 11 : Résultats du processus de sélection de modèle concernant un effet aléatoire de la nature ou de la dynamique des
classes d’élèves sur les déterminants de l’apprentissage. Cette sélection s’opère à partir d’un modèle complet des effets fixes
attendus. Le degré de liberté est un indicateur du nombre de paramètres de chaque modèle, c’est-à-dire de sa complexité qui doit
être minimisée. La vraisemblance est une mesure de la plausibilité du modèle confronté les données disponibles. Le modèle le plus
vraisemblable est celui dont le –log(vraisemblance) doit être minimisé. L’AIC est un critère de sélection du modèle le plus
parcimonieux, celui dont la vraisemblance est maximale avec le moins de paramètres possibles.
Modèle complet :
score_rapport_à_post = f(score_terrain + score_ rapport_à _pre + résultats_élève + theme_écologie)
Effet aléatoire testé
Degré de liberté
-log(vraisemblance)
AIC
Aucun
6
-386.9
785.9
Effet aléatoire classe sur l’effet fixe score_ terrain
7
-384.9
783.8
Effet aléatoire classe sur l’effet fixe
score_ rapport_à_pre
7
-386.6
787.2
Effet aléatoire classe sur l’effet fixe résultats_élève
7
-383.3
780.8
Effet aléatoire classe sur l’ordonnée à l’origine
7
-385.1
784.2
D’après cette procédure de sélection de l’effet aléatoire, il apparaît qu’un effet aléatoire de la
classe sur l’effet fixe des résultats de chaque élève sur son apprentissage améliore significativement
la vraisemblance et la qualité du modèle complet (AIC < 2 points par rapport aux autres
modélisations d’effets aléatoire). Cet effet permet ainsi de tenir compte de ce que les enseignants
appellent communément le « niveau » ou la « dynamique » d’une classe face aux contraintes
d’apprentissage. Une fois cet effet pris en compte, la sélection des effets fixes peut avoir lieu pour
identifier quelles sont les variables qui peuvent expliquer les scores d’apprentissage. Le tableau 12
présente cette sélection du meilleur modèle expliquant les scores de « rapport à » :
Tableau 12 : Résultats du processus de sélection de modèle concernant les effets fixes expliquant au mieux la variance dans les
données totales comme des déterminants éventuels de l’apprentissage des « rapports à ». Cette sélection s’opère à partir d’un
modèle complet des effets fixes attendus, en enlevant au fur et à mesure les variables qui n’apportent aucune information. Le degré
de liberté est un indicateur du nombre de paramètres de chaque modèle, c’est-à-dire de sa complexité qui doit être minimisée. La
vraisemblance est une mesure de la plausibilité du modèle confronté les données disponibles. Le modèle le plus vraisemblable est
celui dont le –log(vraisemblance) doit être minimisé. L’AIC est un critère de sélection du modèle le plus parcimonieux, celui dont la
vraisemblance est maximale avec le moins de paramètres possibles.
Modèle mixte avec effet aléatoire classe retenu sur la variable résultats_élève :
Données
utilisées
Modèle d’effet fixe testé
Degré de
liberté
-log
(vraisemblance)
AIC
Intégralité
score_rapport_à_post = f(score_terrain + score_
rapport_à_pre + résultat_élève +theme_écologie)
7
-377.4
768.8
Intégralité
score_rapport_à_post = f(score_ rapport_à _pre +
résultats_élève + theme_écologie)
6
-377.5
767.1
Intégralité
score_rapport_à_post = f(score_ rapport_à _pre +
résultats_élève)
5
-392.3
794.7
Intégralité
score_rapport_à_post = f(résultats_élève)
4
-412.0
832.0
Deux modèles se disputent la meilleure vraisemblance avec un critère d’AIC très proche : ils
intègrent tous deux le score d’apprentissage préalable, les résultats des élèves et le thème d’écologie
abordé comme variable explicative du score d’apprentissage après la séquence d’enseignement mais
ils diffèrent par l’ajout du score de cette séquence d’enseignement sur le terrain. Ce résultat suggère
que la confrontation au réel de terrain à un effet non négligeable sur l’apprentissage du rapport à
l’environnement mais que son estimation est encore trop peu fiable du fait d’un échantillonnage
64
encore limité. En effet, bien que l’estimation de cet effet soit assez élevée (+0.21 par unité de score
de terrain sur un score d’apprentissage variant en ± 4), l’imprécision autour de celle-ci est bien trop
forte pour que l’effet soit retenu (±0.36 ; p-value = 0.57 ; Tableau 13). À l’inverse, le score de
« rapport à » acquis par les élèves antérieurement à la séquence d’enseignement retenu dans les
deux modèles montre un effet bénéfique important (Tableau 12 et 13) ce qui suggère que des acquis
antérieurs sont un prérequis indispensable aux nouveaux apprentissages. De même, de bons
résultats aux évaluations sommatives semblent aussi représentatifs d’un meilleur apprentissage des
« rapports à ». Enfin, les scores d’apprentissage apparaissent largement supérieurs concernant le
sujet des écosystèmes de Première (+1.8 en moyenne sur le score d’apprentissage) que celui des
agrosystèmes de Seconde, ce qui peut exprimer soit un écart de maturité scolaire, de sélection des
élèves aux meilleurs acquis ou de motivation des élèves, soit tout simplement une hétérogénéité
dans la construction du score d’apprentissage de « rapport à » entre les thèmes. La figure 19
propose une représentation des prédictions de la moyenne de ces deux meilleurs modèles afin de
visualiser l’importance relative des différents effets.
Tableau 13 : Estimation des paramètres du modèle explicatif des scores de « rapport » à après la séquence d’enseignement. L’effet
estimé pour chaque variable explicative est indiqué avec l’erreur standard autour de l’estimation moyenne. La p-value indique la
probabilité que l’effet estimé soit nul. Elle est d’autant plus faible que l’estimation moyenne de l’effet est suffisamment différente de
0 pour que les variations de l’erreur standard n’incluent pas les valeurs autour de 0.
Modèle complet sur l’ensemble des données (Agrosystème + Ecosystème) :
score_rapport_à_post = f(score_terrain + score_ rapport_à _pre + résultats_élève + theme_écologie)
Variable explicative
Effet
Erreur standard
p-value
Score_terrain
0.21
0.36
0.5701
Score_rapport_à_pre
0.33
0.06
< 0.001
Résultats_élèves
0.06
0.03
0.0525
Thème écologie
1.80
0.40
0.0014
Ordonnée à l’origine
-0.63
0.55
0.254
Effet aléatoire Classe
0.03
1.35 (résidus)
Figure 19 : Prédications des modèles statistiques sélectionnés pour expliquer les variations du score d'apprentissage des "rapports
à" après les séquences d'enseignement étudiées. A gauche, la moyenne des deux modèles affaiblit l'influence du score
d'enseignement sur le terrain puisqu’un des deux n’y tient pas compte. Au milieu, le score des acquis antérieurs montre la plus forte
influence sur les apprentissages postérieurs à la séquence d’enseignement. A droite, les résultats des élèves aux évaluations
témoignent en partie de leur degré d’apprentissage des « rapports à ». L’effet aléatoire de la constitution des classes sur ce dernier
effet n’est pas représenté pour alléger le graphique. Pour chaque variable, l’estimation de l’effet est indiquée en trait plein et
l’erreur standard autour de cet estimateur moyen est indiquée par les tirets. Enfin, les prédictions noires correspondent au thème
sur les agrosystèmes de Seconde tandis que les prédictions grises correspondent au thème sur les écosystèmes de Première.
0
1
2
3
4
-2
-1
0
1
2
3
4
Score d'enseignement sur le terrain
Score d'apprentissage de 'rapport à'
après la séquence d'enseignement
ECOSYTEME
AGROSYSTEME
-4
-2
0
2
4
-2
-1
0
1
2
3
4
Score d'apprentissage de 'rapport à'
avant la séquence d'enseignement
ECOSYTEME
AGROSYSTEME
0
5
10
15
20
-2
-1
0
1
2
3
4
Résultats moyens des élèves aux évaluations
sommatives après la séquence d’enseignement
ECOSYTEME
AGROSYSTEME
65
L’importance possiblement artéfactuelle de l’effet « Thème » invite à reproduire la même
sélection de modèle uniquement sur les données « agrosystèmes » afin de vérifier la robustesse des
précédentes estimations. Les tableaux 14 et 15 montrent des estimations très similaires aux
précédentes à la différence d’un effet plus faible sur score d’enseignement sur le terrain, toujours
imprécisément estimé, ce qui conduit le modèle complet à avoir un AIC plus faible de près de 2
points. L’amélioration attendue de l’échantillon sur la période 2022-2025 permettra de préciser
l’estimation de cet effet pour valider ou non l’hypothèse 1 tout en vérifiant s’il est conservé
indépendamment du thème car pour l’instant, l’échantillon plus grand sur le thème des
agrosystèmes (n=162 élèves) est peut-être prépondérant par rapport au petit échantillon du thème
des écosystèmes en Première (n=55 élèves) qui ne peut pas être analysé séparément.
Tableau 14 : Résultats du processus de sélection de modèles concernant les effets fixes expliquant au mieux la variance dans les
données « agrosystèmes » comme des déterminants éventuels de l’apprentissage des « rapports à ». Cette sélection s’opère à partir
d’un modèle complet des effets fixes attendus, en enlevant au fur et à mesure les variables qui n’apportent aucune information. Le
degré de liberté est un indicateur du nombre de paramètres de chaque modèle, c’est-à-dire de sa complexité qui doit être
minimisée. La vraisemblance est une mesure de la plausibilité du modèle confronté les données disponibles. Le modèle le plus
vraisemblable est celui dont le –log(vraisemblance) doit être minimisé. L’AIC est un critère de sélection du modèle le plus
parcimonieux, celui dont la vraisemblance est maximale avec le moins de paramètres possibles.
Modèle mixte avec effet aléatoire classe retenu sur la variable résultats_élève :
Données
utilisées
Modèle d’effet fixe testé
Degré de
liberté
-log
(vraisemblance)
AIC
Thème
agrosystème
score_rapport_à_post = f(score_terrain + score_
rapport_à_pre + résultat_élève
6
-275
562.1
Thème
agrosystème
score_rapport_à_post =
f(score_ rapport_à _pre + résultats_élève)
5
-275.2
560.3
Thème
agrosystème
score_rapport_à_post = f(score_ rapport_à _pre)
4
-289.14
586.3
Tableau 15 : Estimation des paramètres du modèle explicatif des scores de « rapport » à après la séquence d’enseignement sur les
agrosystèmes en Seconde. L’effet estimé pour chaque variable explicative est indiqué avec l’erreur standard autour de l’estimation
moyenne. La p-value indique la probabilité que l’effet estimé soit nul. Elle est d’autant plus faible que l’estimation moyenne de
l’effet est suffisamment différente de 0 pour que les variations de l’erreur standard n’incluent pas les valeurs autour de 0.
Modèle complet sur l’ensemble des données (Agrosystème) :
score_rapport_à_post = f(score_terrain + score_ rapport_à _pre + résultats_élève))
Variable explicative
Effet
Erreur standard
p-value
Score_terrain
0.16
0.35
0.6536
Score_rapport_à_pre
0.35
0.06
< 0.001
Résultats_élèves
0.08
0.03
0.01
Ordonnée à l’origine
-0.79
0.56
Effet aléatoire Classe
0.036
1.36
Enfin, les tableaux 16 et 17 montrent les résultats du test de l’hypothèse 1 sur les scores de
savoir-être, mais uniquement à partir des données du thème « agrosystèmes » faute d’un
échantillonnage de qualité suffisante sur ce point pour les écosystèmes de Première spécialité SVT.
Le modèle sélectionné n’explique les scores de savoir-être après la séquence d’enseignement que
66
part un effet très faible des résultats des élèves aux évaluations sommatives (+0.07 par unité de note
pour un score de 0 à 6 ; Tableau 17). L’effet du score d’enseignement sur le terrain est là encore
estimé important mais trop imprécisément pour être retenu à ce stade de l’échantillonnage (+0.13
±0.36 par unité de score ; p-value = 0.70 ; Tableau 17). Enfin, l’absence d’effet des acquis
antérieurs de savoir-être peut s’expliquer par la diversité des profils de progression mise en
évidence en partie 6.3 et qui joue en sens opposés : des élèves aux comportements alimentaires pro-
environnementaux déjà bien intégrés qui n’ont pas progressé, des élèves aux faibles acquis qui ont
beaucoup progressé et des élèves aux faibles acquis qui n’ont pas progressé. Cette diversité de profil
suggère pour l’avenir, lorsque l’échantillon sera suffisant, de tester l’effet des scores
d’enseignement en interaction avec les scores d’apprentissage préalablement acquis. Cet effet en
interaction permettrait de distinguer ce qui aide certains élèves à progresser malgré leurs maigres
acquis, tandis que d’autres ne progressent pas.
Tableau 16 : Résultats du processus de sélection de modèle concernant les effets fixes expliquant au mieux la variance dans les
données « agrosystèmes » comme des déterminants éventuels de l’apprentissage des savoir-être. Cette sélection s’opère à partir
d’un modèle complet des effets fixes attendus, en enlevant au fur et à mesure les variables qui n’apportent aucune information. Le
degré de liberté est un indicateur du nombre de paramètres de chaque modèle, c’est-à-dire de sa complexité qui doit être
minimisée. La vraisemblance est une mesure de la plausibilité du modèle confronté les données disponibles. Le modèle le plus
vraisemblable est celui dont le –log(vraisemblance) doit être minimisé. L’AIC est un critère de sélection du modèle le plus
parcimonieux, celui dont la vraisemblance est maximale avec le moins de paramètres possibles.
Modèle mixte avec effet aléatoire classe retenu sur la variable résultat_élève :
Données
utilisées
Modèle d’effet fixe testé
Degré de
liberté
-log
(vraisemblance)
AIC
Thème
agrosystème
score_savoir_être_post = f(score_terrain +
score_ savoir_être_pre + résultat_élève
6
-285.4
582.8
Thème
agrosystème
score_ savoir_être_post =
f(score_ savoir_être _pre + résultats_élève)
5
-285.5
581.1
Thème
agrosystème
savoir_être_à_post = f(résultats_élèves)
4
-285.5
579.0
Tableau 17 : Estimation des paramètres du modèle explicatif des scores de savoir-être à après la séquence d’enseignement sur les
agrosystèmes. L’effet estimé pour chaque variable explicative est indiqué avec l’erreur standard autour de l’estimation moyenne.
La p-value indique la probabilité que l’effet estimé soit nul. Elle est d’autant plus faible que l’estimation moyenne de l’effet est
suffisamment différente de 0 pour que les variations de l’erreur standard n’incluent pas les valeurs autour de 0.
Modèle complet sur l’ensemble des données (Agrosystème) :
score_savoir_être_post = f(score_terrain + score_ savoir_être _pre + résultats_élève)
Variable explicative
Effet
Erreur standard
p-value
Score_terrain
0.13
0.36
0.70
Score_savoir_être_pre
0.002
0.08
0.97
Résultats_élèves
0.07
0.03
0.02
Ordonnée à l’origine
1.51
0.58
0.02
Effet aléatoire Classe
0.036
1.37 (Résidus)
67
Au final, le processus de sélection de modèles statistiques intégrant des variables quantitatives
sur les phénomènes d’apprentissage et des scores issus d’une catégorisation qualitative des
phénomènes d’enseignement ne permet en l’état ni de valider ni de rejeter l’hypothèse n°1 d’une
influence positive d’une confrontation renforcée au réel de terrain sur l’apprentissage des «savoir-
être et des « rapports à » en écologie. Néanmoins, la maigre qualité de l’échantillonnage utilisé pour
ces analyses préliminaires ainsi que l’estimation très imprécise d’un effet potentiellement important
du score d’enseignement sur le terrain invite à poursuivre ce projet de recherche avec un
échantillonnage de meilleure qualité qui permettra de conclure et d’affiner notre compréhension des
phénomènes d’apprentissage en écologie.
68
7. Apports, limites et améliorations du projet de recherche
7.1. Concernant l’échantillonnage des situations didactiques
Une première limite de ce projet de recherche réside dans la difficulté à construire un jeu de
données de taille suffisante pour déceler des effets (en termes de phénomènes d’apprentissage ou de
mécanismes d’enseignement) significatifs au-delà des variabilités inter-élèves, inter-classes et inter-
enseignants. Cette nécessité d’une importante taille d’échantillonnage découle de l’abandon d’un
protocole de projet expérimental en conditions réelles au profit d’un protocole de suivi de la
diversité des pratiques enseignantes effectivement réalisées dans des contextes différents. Si ce
changement de protocole améliore la faisabilité du projet comme sa pertinence didactique (dans le
sens d’une compréhension des pratiques scolaires effectives), il impose de trouver des leviers pour
recruter et convaincre un maximum d’enseignants et d’élèves à participer. Or, malgré une
communication régulière auprès de la communauté des enseignants de SVT, malgré la proposition
de ressources et de formations en amont du projet présenté, malgré l’investissement minimal
demandé aux participants (partage des documents de travail, transmission des questionnaires aux
élèves), force est de constater que l’implication des collègues enseignants n’a jusqu’à présent pas
été à la hauteur. Seule une dizaine de classes ont pu être suivies entre 2019 et 2021, dans
l’entourage proche de l’auteur du projet, enseignant de SVT en activité. De même, si la
participation aux questionnaires n’est pas organisée en classe ou fortement suivie à la maison, une
participation moyenne est constatée chez les élèves des classes concernées. Plusieurs raisons
peuvent expliquer jusqu’à présent ce premier niveau de difficultés :
- La confusion existante de l’écologie scientifique avec l’écologie politique représente un réel
obstacle à l’enseignement de cette discipline (Castagneyrol, 2021). Du côté des enseignants de SVT
pourtant souvent volontaires et moteurs dans les projets d’éducation au développement durable au
sein de leur établissement, cette confusion conduit à ne pas associer l’écologie à une science et donc
à un contenu scientifique de référence qu’il est impératif d’enseigner, au même titre que
l’organisation des cellules ou la structure interne de la Terre. Les chapitres d’écologie des différents
niveaux de programme, toujours inclus dans le thème « Enjeux contemporains » (MEN, 2019a,
2019b), semblent parfois perçus comme des éléments d’éducation comportementale (sensibilisation
à la nature, éco-gestes…) plutôt que d’éducation scientifique. Cette vision apparaît non négligeable
mais toutefois minoritaire chez les enseignants ayant reçu une formation complète en sciences de la
vie (Castagneyrol, 2021). Par contre, du côté des élèves comme des personnels enseignants non
spécialistes, cette confusion et cette méconnaissance de l’écologie en tant que science apparaissent
majoritaires et conduit à l’image d’un enseignement buissonnier, ludique, parfois idéologique et
manquant de sérieux. Il n’est pas rare de surprendre des personnels d’éducation parler d’élèves « en
69
balade ou en promenade » quand ils vont produire d’importantes données scientifiques sur le terrain
alors qu’ils vont plus sérieusement « au musée » ou « découvrir une exposition » même s’ils n’y
font souvent que déambuler ou recevoir des interprétations d’œuvre. Pour remédier à cette image, la
société savante française d’écologie et d’évolution (sfe² : https://enseignement.sfecologie.org/) s’est
engagée à renforcer ses liens et son action à destination des enseignants et du public scolaire comme
de la société civile. En attendant, cette image confuse de l’écologie scientifique peut induire un
investissement limité des élèves et donc à un apprentissage réduit qui les conduit à ne pas participer
aux questionnaires ou qui conduit leur enseignant à ne pas aborder sérieusement ces thèmes.
- En effet, les thématiques d’écologie semblent être très souvent repoussées en fin d’année
scolaire à cause des conditions météorologiques ou d’une moindre considération. Une observation
personnelle réalisée depuis la réforme des programmes de lycée de 2019 sur quatre établissements
différents comptant 26 enseignants de SVT au total, tous ayant au moins une classe de Seconde ou
de première spécialité SVT, illustre que seulement 6 enseignants ont inclus les thèmes d’écologie
dans leur programmation et les ont traités sur un temps suffisant. Une enquête à large échelle
devrait être ajoutée à ce projet de recherche pour constituer une image plus juste de cet évitement
apparent et tenter d’en comprendre certains déterminismes. En attendant, les témoignages des
enseignants participant aux séances de formation continue sur ce thème soulignent leur manque de
formation initiale en écologie, leur inquiétude face à la variabilité des observations et leur lacune en
connaissances naturalistes, la priorité donnée aux thèmes réinvestis en Terminale pour le
baccalauréat (génétique, évolution, géologie, physiologie), et toujours le manque de temps face à la
richesse des programmes et la diversité des missions (Lieury 2021, observation personnelle). En
conséquence, la participation déjà compliquée des enseignants à un projet de recherche est rendue
ici encore plus difficile du fait que ces thèmes d’écologie ne sont donc que trop peu abordés. Pour
pallier cette difficulté sur la période 2022-2025, il est prévu d’intensifier les formations et les
ressources en écologie à destination des enseignants (formations académiques, articles
https://planet-vie.ens.fr/, page internet personnelle dédiée…) afin de recruter de nouveaux
enseignants, mais surtout de fidéliser les enseignants déjà participants sur le long terme en les
accompagnant dans leur pratique via un dispositif de collaboration praticien-chercheur au sens des
communautés apprenantes de Bryk (2017).
- En parallèle de ces phénomènes d’évitement de l’enseignement de l’écologie, l’épidémie de
Covid-19 est un évènement qui a fortement perturbé les enseignements durant les années 2020-
2021, en condamnant la mise en place des nouveautés du programme de la réforme 2019 et en
empêchant la tenue d’épreuves évaluatives, ce qui a ralenti le rythme des apprentissages et donc
renforcé la faible priorité des thématiques écologiques par rapport aux notions du programme de
Terminale. Au printemps 2022, à la fin de cet évènement et d’une année scolaire complète, un plus
70
grand nombre d’enseignants a tenté d’aborder les thèmes d’écologie lors des dernières semaines de
l’année scolaire sans pour autant aboutir une séquence d’enseignement complète (Lieury, 2022,
observation personnelle). Dans la suite de ce projet, il conviendra de profiter de la fin de pandémie
et des trois années d’expérience des nouveaux programmes pour accompagner efficacement les
enseignants qui souhaitent désormais « s’attaquer » à l’écologie. Une participation à ce projet de
recherche collaboratif leur sera proposée dans le cadre de la nouvelle campagne d’information. Au
passage, cette période postpandémique sera aussi l’occasion d’interroger les liens entre cette crise
sanitaire et la crise environnementale, ou encore les questions de sécurité alimentaire, et autant
d’autres enjeux qui peuvent être la source d’activités d’enseignement problématisées.
- Enfin, la construction et la présentation du projet de recherche n’ont certainement pas
convaincu suffisamment de collègues enseignants à participer à cause de la nature trop vaste du
questionnement, à l’interface entre pratiques du terrain, démarches scientifiques et concepts
d’écologie, couvrant aussi différents niveaux et thèmes aux programmes, s’intéressant autant aux
savoirs, qu’aux savoir-faire, aux savoir-être et aux « rapports à ». A l’image de la complexité du
projet de recherche, la rédaction des questionnaires a peut-être représenté un obstacle à la
compréhension des élèves et à leur participation. Bien qu’une modification profonde du protocole
de recherche et de la rédaction des questionnaires est déjà été effectuée dans le cadre de ce mémoire
de recherche, en recentrant la rédaction sur la problématique de recherche et en éliminant les items
non analysables, ces questionnaires restent encore trop longs et demandent une implication des
élèves peut être trop importante pour questionner autant leurs connaissances que leur comportement
quotidien ou leur compréhension des démarches scientifiques. En conséquence, une simplification
des questionnaires devra être rapidement proposée, sans changer la construction de l’ensemble mais
en éliminant certaines questions contingentes. En parallèle, d’autres sources d’information, en
particulier des observations de pratiques ordinaires, pourront être exploitées pour profiter du travail
en classe sans demander d’implication supplémentaire des enseignants et des élèves (voir 7.3).
Au final, il est attendu en réponse à cette première limite que l’inscription de ce projet dans
une formation scientifique en didactique en améliore la qualité et la visibilité. Une seconde
campagne de diffusion et de formation aura lieu dès l’année scolaire 2022-2023 avec l’appui de
l’inspection académique en SVT de Lille dans l’objectif de compléter le premier échantillonnage
préliminaire par des données construites plus rigoureusement grâce à la participation d’une dizaine
d’enseignants jusqu’en 2025-2026.
71
7.2. Concernant l’évaluation des phénomènes d’apprentissage
Une seconde limite des résultats préliminaires présentés dans ce mémoire est due à la maigre
qualité de la première version du protocole de recherche et des questionnaires à destination des
élèves. De premier abord, leur construction globale semble répondre au standard des méthodes
d’évaluation scientifique des pratiques éducative avec un questionnaire pré-test en amont de la
séquence d’enseignant puis un questionnaire post-test en aval permettant de mesurer les
changements dans les réponses des élèves (Bogner, 1998). Seulement, le projet comme les
questionnaires ont été construits avant toute formation spécifique en science de l’éducation.
Heureusement, l’accès à une telle formation a favorisé une analyse réflexive de cette première
version des questionnaires proposés (Annexe 2). Tout d’abord, il est apparu que l’organisation des
questionnaires comme la rédaction des questions conduisaient à un manque d’homogénéité entre le
questionnaire en amont de la séquence d’enseignement et celui en aval. En conséquence, de
nombreuses informations sont devenues inopérantes à l’analyse pour construire et comparer les
scores d’apprentissage. De plus, la formation en didactique a permis de clarifier différents domaines
de contenus d’apprentissage (savoir, savoir-faire, rapport à et « rapport à ») et de réorganiser les
questionnaires afin d’interpréter la diversité des apprentissages.
En particulier, un des objectifs de l’enseignement de l’écologie au lycée réside dans
l’apprentissage des démarches scientifiques permettant la construction de nouvelles connaissances
face à la crise environnementale. Or, faute d’une réflexion explicite sur la nature de ces démarches,
aucune question relative au savoir-faire des élèves en termes de démarches scientifiques n’était
proposée dans la première version des questionnaires. Les analyses préliminaires correspondant à
ces premières versions ne peuvent donc pas évaluer à ce stade ce que les élèves comprennent et
intègrent des démarches scientifiques et donc si un des objectifs prédominants de cet enseignement
est atteint. Seuls les résultats aux évaluations sommatives incluant des questions de démarche
auraient pu au départ s’avérer informatifs. Mais cette possibilité ajoutait une difficulté à la
participation des enseignants au projet tandis qu’elle interrogeait la pertinence d’une analyse
quantitative basée sur des notes dont le contenu évalué pouvait être très différent selon l’enseignant.
Face à ce constat, la découverte du cadre théorique de la problématisation en didactique des
sciences et plus particulièrement l’analyse épistémologique associée des pratiques de la recherche
comme des pratiques de l’éducation a permis de clarifier les attentes en termes de savoir-faire
scientifique et donc de rédiger plusieurs questions pour évaluer l’acquisition de ces attentes. La
compréhension des objectifs de l’écologie scientifique, son rapport à la variabilité des phénomènes
observés et à l’incertitude de leur déterminisme, l’importance d’une construction collective dans
l’accumulation des résultats et des connaissances… sont autant d’éléments dont l’acquisition par les
72
élèves peut être évaluée pour être mieux comprise. La nouvelle version des questionnaires devrait
permettre d’évaluer ces éléments épistémologiques lors de la suite du projet.
Enfin, et plus prosaïquement, la première tentative d’analyse que représente ce mémoire a
révélé que de nombreuses questions mal formulées ne pouvaient être utilisées ou bien que leur
traitement était beaucoup trop lourd. Par exemple, il est préférable d’interroger l’intérêt et la
motivation des élèves par des gradients de notes chiffrées (ex : de 1 à 5) plutôt que des
positionnements langagiers adverbiaux (insuffisant, satisfaisant…), pas forcément bien compris des
élèves et nécessitant une étape de traitement supplémentaire. De même, la formulation de certaines
questions induisait une confusion selon qu’une opinion ou une connaissance était demandée ce qui
aboutissait à un flou entre la déclaration de l’élève et la réalité de sa perception. En cela, la
présentation de la typologie des questionnaires lors de la formation en didactique a permis de
clarifier la diversité de l’ensemble des questions et de préciser le sens de chacune selon qu’il
s’agisse de questions de connaissances, de positionnement ou de comportement. En particulier, il
est apparu que le manque de questions ouvertes pourrait empêcher une bonne compréhension des
apprentissages des élèves. Par exemple, des questions de connaissances fermées orientent trop
fortement le raisonnement des élèves et leur compréhension réelle des justifications de ces
connaissances paraît impossible sans leur laisser la possibilité de l’exprimer. C’est désormais le cas
dans la nouvelle version des questionnaires qui proposent plusieurs questions ouvertes concernant la
compréhension par les élèves des grands concepts en écologie (écosystème, biodiversité…) et des
principaux mécanismes expliquant la répartition des espèces, leur évolution ou leur déclin en lien
avec les activités humaines.
Au final, un manque initial de connaissance sur l’outil méthodologique des questionnaires a
conduit à un premier jeu de données de mauvaise qualité, réduisant la taille de l’échantillon à cause
d’éléments de réponse indisponibles ou ininterprétables. Grâce à la formation suivie, une nouvelle
version de chaque questionnaire a été rédigée pour pallier la majorité des problèmes identifiés et
rendre possible à l’avenir une meilleure investigation des changements d’apprentissage de part et
d’autres des séquences d’enseignement concernant l’écologie.
7.3. Concernant l’interprétation des pratiques enseignantes
Une dernière limite à discuter et résoudre pour améliorer ce projet de recherche réside dans la
méthode d’interprétation des pratiques enseignantes. Il s’agissait d’être en mesure de décrire et
éventuellement catégoriser les pratiques enseignantes selon leur degré de centration sur la
construction des connaissances scientifiques à partir du réel de terrain en écologie, dans l’hypothèse
où un fort degré de centration épistémologique serait une clé pour un apprentissage solide et
critique des contenus scolaires en écologie. Dans un premier temps, le cadre théorique de la
73
problématisation développé en didactique des sciences (Fabre & Orange, 1997; Orange-Ravachol,
2012) est utilisé dans ce projet de recherche comme un outil de compréhension et d’analyse de la
pratique scientifique en classe. Il a déjà permis d’identifier les séances au cours desquelles certains
enseignants focalisent l’attention et la réflexion des élèves autour de la confrontation entre les
données construites et les modèles acquis ou présupposés afin d’élaborer à des nécessités de
solutions. Malgré l’échantillonnage limité des analyses préliminaires présentées dans ce mémoire, il
semble que de telles séances soient relativement rares par rapport aux activités guidées de résolution
de problèmes, et complètement absentes dans la progression de certains enseignants. Ce constat
serait d’ailleurs cohérent avec les conclusions des observations de pratiques ordinaires opérées par
les différents auteurs impliqués dans le cadre de la problématisation en SVT (Lhoste, 2018; Orange-
Ravachol, 2012). Cependant, le choix d’interpréter les pratiques d’enseignement à partir des
documents de travail des enseignants peut affecter la capacité à détecter de potentielles activités
problématisées. En effet, les moments de débats en classe ne sont pas souvent préparés en amont
par l’enseignant au-delà de la trace écrite vers laquelle il faudrait converger. Or, dans ces moments-
là, un dialogue entre les élèves et le professeur peut avoir lieu pour interpréter les observations
effectuées à la lumière de connaissances préalables et parfois aboutir à des solutions dont la
nécessité est implicite mais réel. À l’inverse, certains enseignants peuvent parfois envisager à l’écrit
la construction de séances problématisées mais les contraintes pédagogiques de gestion de la classe
et du temps les conduisent souvent à oblitérer le débat et à en abréger les conclusions dès que les
observations ont pu être réalisées. Ainsi, il serait donc important à l’avenir de compléter cette
analyse de corpus de travail enseignant par des observations en classe des pratiques effectivement
réalisées, en particulier pour les séances suspectées ou déclarées d’être problématisée. Néanmoins,
le choix méthodologique actuel reste pertinent car (1) les biais de déclaration peuvent agir dans les
deux sens et donc se compenser sur l’ensemble d’un échantillon, (2) les documents de travail
permettent d’accéder à l’intégralité de la séquence d’enseignement alors qu’il serait difficile
d’assister à toutes les séances, de toutes les classes et de tous les enseignants participant au projet, et
(3) la formulation explicite d’une séance problématisée dans les documents de préparation indique
un savoir-faire et une prise de conscience de la part de l’enseignant qui doit nécessairement réagir
dans sa pratique même si la séance ne s’est pas déroulée comme prévu.
Dans un deuxième temps, il est apparu que, malgré sa puissance à expliquer les phénomènes
d’apprentissage par la construction des problèmes, le cadre théorique et méthodologique de la
problématisation ne semblait pas tenir compte, en l’état actuel, d’autres dimensions importantes de
la construction de la science confrontée à des problèmes complexes, en particulier la dimension des
méthodes de résolutions tenant compte de la variabilité et de l’incertitude (protocoles
d’échantillonnage, calculs de variance, tests statistiques…) et la dimension collective de
74
l’accumulation des données et des connaissances (revues systématiques et méta-analyses ; cf. partie
2.2). Or, à l’heure de la crise environnementale planétaire, un enseignement scientifique de
l’écologie se doit d’insister sur ces dimensions pour que les élèves comprennent les résumés des
synthèses scientifiques (rapports du GIEC ou de l’IPBES) et exercent un regard critique sur la
médiatisation des débats idéologiques autour de cette crise, qui souvent se focalisent sur une idée,
une étude, un exemple ou un expert. Ainsi, à l’image du travail de Yann Lhoste (2018) proposant de
compléter la centration épistémologique de la problématisation par d’autres centrations
psychologique ou sociocognitive, il faudrait peut-être compléter cette centration épistémologique
centrée sur les confrontations empirie/théorie et contraintes/nécessités par une autre confrontation
entre phénomènes et évènements dans la résolution du problème. En effet, derrière l’occurrence de
phénomènes se cachent des mécanismes déterministes que la recherche tend à identifier avec un
maximum de certitude, tandis que derrière l’occurrence des évènements se cachent des mécanismes
aléatoires dont l’intensité de la variabilité est estimée pour mieux comprendre leur importance et
éventuellement prévoir leur occurrence. En conséquence, l’interprétation des séquences
d’enseignement échantillonnées dans la suite de ce projet de recherche devrait tenir compte des
références explicites à cette dualité phénomènes/évènements en approfondissant les grilles de
lecture proposées par Denise Orange-Ravachol (2012). En parallèle, les questionnaires à destination
des élèves ont déjà été améliorés afin d’ajouter certains items interrogeant le degré d’acquisition des
savoir-faire en termes de démarches scientifiques de construction et résolutions de problèmes.
Dans un troisième temps, un des objectifs de l’interprétation des pratiques enseignantes est la
transcription de ces interprétations sous la forme d’une variable catégorielle ou numérique pouvant
être intégrée comme variable explicative des phénomènes d’apprentissage identifiés grâce aux
questionnaires. Au départ, une variable catégorielle était davantage envisagée pour classer les
pratiques déclarées dans des groupes bien distincts selon leur domaine de centration : apprentissage
des concepts, mises en activités des élèves, confrontation au réel de terrain, problématisation… La
diversité de ces pratiques au sein de la séquence d’enseignement d’un professeur et leur variabilité
effective entre les différentes classes ou selon les années à cause de diverses contraintes conduisent
à ce qu’une classification catégorielle soit trop réductrice. En conséquence, il a été décidé
l’établissement d’un score d’enseignement constitué de différents domaines pour tenter de traduire
au mieux les centrations de chaque enseignant (cf. Partie 5.4). Pour établir les scores de chaque
domaine, une grille de critères d’évaluation est proposée afin d’ajouter un point par domaine à
chaque fois qu’un des critères est rencontré. Le choix des différents critères est évidemment soumis
à discussion mais ils ont été définis pour répondre aux objectifs de l’étude et aux hypothèses testées
et ils ont été complétés au fil des premières analyses par des critères visiblement importants qui
n’avaient pas encore été pris en compte. Par exemple, les critères de mise en activité des élèves se
75
focalisaient au départ sur la recherche d’activités manuelles ou expérimentales puis il est ensuite
apparu qu’il ne fallait pas exclure les interactions orales de type débat ou encore les travaux de
productions écrites qui peuvent mobiliser l’élève tout autant qu’un protocole expérimental appliqué
de manière machinale. De même, comme cela a déjà été évoqué en partie 3.2.3, les critères de
confrontation au réel de terrain se concentraient au départ sur des sorties scolaires à l’extérieur des
classes avant d’intégrer toute entrée du réel de terrain à l’intérieur de la classe, sous la forme d’un
échantillon ou d’un intervenant. Pour valider à l’avenir la robustesse de la construction de tels
scores d’enseignement, il faudrait tester la sensibilité des analyses statistiques à différentes
modalités de construction de ces scores d’enseignement et de leurs critères d’élaboration. Enfin,
pour valider la pertinence de l’utilisation de ces scores d’enseignement, il faut discuter des apports
d’une démarche utilisant de manière complémentaire des approches quantitatives déductives et des
approches qualitatives interprétatives.
7.4. Concernant la complémentarité des approches quantitatives et qualitatives
Au-delà de la compréhension des phénomènes d’apprentissages et des mécanismes
d’enseignement des contenus scientifiques en écologie, le deuxième objectif de ce projet de
recherche est d’ordre méthodologique. Il s’agit de rendre possible, d’utiliser et de valoriser la
complémentarité entre deux paradigmes de recherches souvent séparés et parfois confrontés : les
recherches hypothético-déductives souvent expérimentales et quantitatives, utilisées par exemple en
evidence-based education de manière fréquente, et les recherches inductives, souvent interprétatives
et qualitatives, utilisées par exemple en didactique des disciplines. Après avoir montré les apports et
les limites de chacun de ces paradigmes (en partie 3.), ce projet de recherche propose de cumuler
leurs apports respectifs pour répondre à des problèmes scientifiques qu’ils ne pourraient pas traiter
indépendamment. L’analyse quantitative et statistique de questionnaires remplis par un échantillon
important et représentatif d’élèves permet de comprendre et de généraliser des phénomènes
d’apprentissage au-delà du simple cas d’étude. En complément l’analyse qualitative et interprétative
des séquences d’enseignement proposées aux élèves de l’échantillon permet d’interroger, à la
lumière des concepts didactiques, les choix de pratiques enseignantes dans leur unité et leur
diversité. Enfin, l’inclusion d’une interprétation des pratiques d’enseignement comme variable
explicative des phénomènes d’apprentissage rend possible l’identification de mécanismes avec une
portée généraliste qui peut ensuite être testée dans une plus grande diversité de contexte.
Dans le cadre de ce mémoire de recherche, seules les données préliminaires obtenues sur la
période 2019-2021 à travers un protocole de recherche bancal et des questionnaires maladroits ont
pu être analysées. En conséquence, la majorité des hypothèses de travail et des mécanismes
potentiels n’a pu être étudiée faute d’un échantillon de qualité et de quantité suffisante. Par
76
exemple, l’influence sur les apprentissages d’une centration des pratiques enseignantes autour de la
problématisation des connaissances scientifiques n’a pas pu être testée car la première version des
questionnaires n’interrogeait pas explicitement les savoir-faire des élèves en termes de
compréhension et d’acquisition des démarches scientifiques de construction des savoirs. De même,
faute d’une homogénéité dans les questions relatives aux connaissances scientifiques en écologie en
amont et en aval de la séquence d’enseignement, les phénomènes et mécanismes d’apprentissage
des savoirs n’ont malheureusement pas pu être abordés. Seuls ont pu être investigués les liens entre
la centration des enseignants sur le réel de terrain et les changements d’apprentissage chez les
élèves en termes de « rapport à » à leur environnement et, pour le thème sur les agrosystèmes, en
termes de savoir-être vis-à-vis de leurs pratiques alimentaires pro-environnementales. Là encore,
faute d’un échantillonnage insuffisant, il n’a pas été possible ni de valider ni d’exclure la première
hypothèse de travail, mais il semble envisageable qu’une confrontation répétée au réel de terrain
favorise les changements de savoir-être et de « rapport à » chez les élèves même après seulement 5
à 6 séances d’1h30 à 2h alloués à ce type d’activités. Si ce résultat était confirmé par un plus grand
échantillon améliorant l’estimation de l’effet, il pourrait s’expliquer par l’importance de l’approche
sensible, mis en évidence dans différents programmes d’éducation environnementale (Bogner,
1998; Rickinson et al., 2004) et attendue comme déterminante en période d’Anthropocène (Lange,
2020; Magro & Hemptinne, 2011). Cela pourrait aussi encourager l’organisation de sorties scolaires
mais aussi la modification à la marge de certaines pratiques : récolte par les élèves des échantillons
étudiés en classe, présentation du contexte de prélèvement des échantillons et étude de leur
diversité, explicitation des méthodes de construction des données analysées en classe…
En complément, les analyses préliminaires présentées dans ce mémoire montrent l’importance
d’inclure au modèle statistique des variables confondantes (c’est-à-dire non étudiée par l’hypothèse
de recherche) qui sont responsables d’une part importante de la variance dans les données, soit au
travers de mécanismes déterministes déjà connus, soit au travers de mécanismes aléatoires
dépendant du contexte spatio-temporel de l’enseignement. Dans le premier cas, il est par exemple
nécessaire de tenir compte du degré d’acquisition des contenus par les élèves antérieurement à la
séquence d’enseignement car il est source d’obstacles didactiques variables. En effet, selon les
contenus travaillés, la fragilité des acquis antérieurs peut empêcher la confrontation des faits aux
théories alors qu’à l’inverse, des acquis préalables solides peuvent conduire à une surimposition des
modèles théoriques sur l’interprétation des observations et à une surdétermination des phénomènes
au détriment d'évènements aléatoires. Ces obstacles notamment mis en évidence sur le terrain par
Orange et al. (1999) semblent détectés par les analyses préliminaires de ce mémoire qui révèlent
une influence parfois positive (partie 6.5 à propos de l’apprentissage des « rapports à ») et parfois
contrastée (partie 6.5 à propos de l’apprentissage des savoir-être) du degré d’acquisitions
77
antérieures. Dans le second cas, les dynamiques de classes souvent notées par les enseignants
conduisent souvent à ce qu’une même séquence d’enseignement répétée quasiment à l’identique sur
plusieurs classes ou sur plusieurs années conduise à des effets d’apprentissage complètement
différents d’une classe à l’autre, selon la moyenne et la variance de l’implication et des résultats des
élèves, selon une éventuelle spécialisation de la classe en termes d’options, selon l’occurrence
d’évènements internes ou externes marquant le groupe d’élèves (accident de gestion de classe,
problèmes de harcèlement, ou au contraire, réactivité positive face à une activité, participation à un
concours…). Face à ces effets confondants aléatoires comme déterministes qui peuvent expliquer la
majeure partie de la variance des apprentissages, les procédures de modélisation statistique incluant
des effets fixes comme des effets aléatoires semblent des outils puissants à condition que leurs
différentes conditions de réalisation soient vérifiées et que leurs interprétations restent sujettes à
caution en attendant l’accumulation d’autres résultats dans d’autres contextes. En particulier, cette
possibilité de modéliser la variabilité sans forcément chercher à l’expliquer paraît un levier
important dans la compréhension des phénomènes d’apprentissage dans le sens où elle repousse une
limite reconnue des modélisations statistiques quantitatives concernant leur réductionnisme et leur
applicationnisme déraisonné. Enfin, ce projet de recherche montre que l’inclusion des analyses
interprétatives dans ces modélisations statistiques permettrait de limiter le recours à des protocoles
expérimentaux trop artificiels ou à des catégorisations simplistes en rendant possible la description
des pratiques d’enseignement dans toutes leurs complexités.
7.5. Concernant l’émergence d’une didactique de l’écologie
Pour conclure, le premier objectif de ce projet de recherche est de questionner les phénomènes
et les mécanismes d’enseignement-apprentissage des contenus scientifiques en écologie tels qu’ils
sont proposés aux élèves du système scolaire français. En effet, si les didactiques des disciplines
s’intéressent à la discipline des Sciences de la Vie et de la Terre comme à l’éducation au
développement durable, il semble jusqu’à présent que les contenus spécifiques des problèmes en
écologie n’ont pas encore été suffisamment abordés au profit des problèmes physiologiques,
évolutifs ou géologiques (Lhoste, 2018; Orange-Ravachol, 2012). De même, les chercheurs investis
sur les questions d’éducation environnementales en France ou à l’étranger se semblent pas se
focaliser sur les savoirs et savoir-faire en écologie travaillés en contexte scolaire mais plutôt sur les
dispositifs para ou périscolaires qui accompagnent les apprenants dans leur rapport à leur
environnement (Rickinson, 2001; programme d'un colloque 2022 sur les pratiques d'éducation "par
la nature" : https://educationnature.sciencesconf.org/). Or, la compréhension des phénomènes et
mécanismes d’enseignement-apprentissage en écologie semble un enjeu fondamental pour une
éducation confrontée à la crise environnementale planétaire caractéristique de l’Anthropocène
78
(Lange, 2020). Même si l’écologie scientifique n’est pas une discipline scolaire à part entière dans
le système français, le projet de recherche présenté dans ce mémoire soutient l’émergence d’une
didactique de l’écologie qui serait à même de questionner la transposition didactique des contenus
d’écologie scientifique par-delà la diversité des dispositifs d’enseignement (scolaires ou non, au
sein d’une discipline, d’une « éducation à » ou d’un enseignement généraliste). En effet, malgré sa
proximité épistémologique et didactique avec les sciences de la vie et de la Terre, l’enseignement de
l’écologie présente certaines particularités qui justifieraient un champ disciplinaire propre :
problèmes fonctionnalistes dominants, importance de la variabilité et de l’incertitude, donc des
évènements au-devant des phénomènes, difficulté d’étude des systèmes complexes aux éléments et
interactions innombrables, rapport constitutif au réel de terrain, interdisciplinarité constitutive
autant avec les sciences humaines que les mathématiques, et surtout implication fondamentale et
croissante dans la gestion des politiques publiques face à la crise environnementale. Si l’émergence
d’une didactique de l’écologie n’est pas une fin en soi puisqu’elle peut être incluse dans la
didactique des SVT et plus généralement en didactique des sciences, elle serait par contre une
condition quasi-nécessaire à la multiplication et à la diversité des travaux de recherche relatifs à ces
questions. Sans cela, l’enseignement de l’écologie restera réduit par la confusion entre écologie
scientifique et écologie politique, par la prédominance d’une éducation politique aux écogestes, et
par le manque de formation des enseignants aux contenus complexes et exigeants de cette discipline
scientifique.
Une première proposition de didactique de l’écologie a été lancée en 2011 par Alexandra
Magro et Jean-Louis Hemptinne, enseignants-chercheurs écologues intervenants dans la formation
des enseignants en lycée agricole, où une discipline scolaire spécifique « Biologie-Ecologie » est
quasiment dédiée aux contenus scientifiques en écologie. Néanmoins, leur travail s’est focalisé sur
la proposition et la valorisation de pratiques d’enseignement plus adaptées à l’enseignement de
l’écologie à partir du réel de terrain. Ils n’ont pour l’heure interrogé ni les pratiques ordinaires des
enseignants en lycée agricole, ni les phénomènes d’enseignement-apprentissage spécifiques ou tout
au moins fondamentaux en écologie. De plus, l’enseignement de l’écologie en milieu agricole reste
un enseignement de niche (1500 élèves par an environ) par rapport à la majorité des élèves
apprenant l’écologie scientifique par la discipline SVT au lycée général (150000 élèves par an ;
(DEPP MEN, 2022). Ainsi, une didactique de l’écologie doit pouvoir questionner l’ensemble des
pratiques d’enseignement relatives à l’écologie scientifique, à l’école et hors de l’école, en France et
dans le monde, quelle que soit la discipline scolaire ou le dispositif éducatif.
Le projet de recherche présenté ici se veut constituer une première proposition de
questionnements et de méthodes qui caractériseraient la recherche en didactique de l’écologie. D’un
point de vue théorique, ce projet invite à poursuivre la centration épistémologique proposée par le
79
cadre théorique de la problématisation en didactique des sciences tout en le complétant par des
questionnements sur la construction des faits au sujet de systèmes complexes, variables et
incertains, ou encore sur la dimension collective et participative de la construction des
connaissances. D’un point de vue méthodologique, ce projet invite à bénéficier d’un usage
complémentaire des outils d’interprétation qualitative en didactique des disciplines et des outils
d’analyse statistique en étude des systèmes complexes qu’ils soient éducatifs et humains comme
écologiques et non-humains. Bien que les résultats préliminaires de ce mémoire soient fragilisés par
les tâtonnements méthodologiques en amont d’une formation en didactique, le projet de recherche
qui vient d’être présenté a pour vocation d’être poursuivi sur la période 2023-2026 afin de
constituer un échantillon et un corpus de données suffisantes et diversifiées qui pourront servir de
base solide à la compréhension des phénomènes d’enseignement-apprentissage en écologie.
80
8. Éléments bibliographiques
(Les références pointées d’un astérisque n’ont pas été lues en détail)
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83
9. Annexes
9.1. Annexe n°1 : l’écologie scientifique au programme du lycée en SVT
Tableau 18 : Programme de l’Education nationale sur les thématiques d’écologie et d’évolution
Niveau
Savoir
Savoir-faire
Cycle 1
(PS-MS-GS)
https://www.educ
ation.gouv.fr/prog
rammes-et-
horaires-l-ecole-
maternelle-4193
- Découvrir le monde vivant
La diversité des êtres vivants du quotidien.
La répétition de cycles de vie.
La protection du vivant et de son environnement sont
abordées dans le cadre d’une découverte de différents
milieux, par une initiation concrète à une attitude
responsable.
Observer les différentes manifestations de la
vie animale et végétale.
Découvrir le cycle que constituent la
naissance, la croissance, la reproduction, le
vieillissement, la mort.
Identifier, nommer ou regrouper des animaux
en fonction de leurs caractéristiques, de leurs
déplacements de leurs milieux de vie, etc.
Cycle 2
(CP-CE1-CE2)
https://www.educ
ation.gouv.fr/prog
rammes-et-
horaires-l-ecole-
elementaire-
- Questionner le monde vivant
Les interactions des êtres vivants entre eux et avec
leur milieu (diversité des organismes, relations
alimentaires…)
Observer des animaux et des végétaux de
l'environnement proche, puis plus lointain,
Réaliser de petits écosystèmes (élevages,
cultures) en classe, dans un jardin d'école ou
une mare d’école.
Cycle 3
(CM1-CM2-6e)
http://acces.ens-
lyon.fr/acces/prog
rammes/program
me-svt-6eme
- Le vivant et sa diversité
Les critères de classification des êtres vivants et
d’établissement de liens de parenté
Les changements de peuplement de la Terre au cours
du temps : notion de biodiversité actuelle, passée et
évolution.
L’interdépendance des êtres vivants d’un réseau
trophique (notion de production, consommation et
décomposition)
- La répartition des êtres vivants et peuplement
La notion d’écosystème, de milieu de vie et
d’interactions.
Les variations spatio-temporelles du peuplement des
milieux
L’impact des activités humaines sur les peuplements
(aménagement de l’espace, exploitation des
ressources…)
Exploiter l’observation d’êtres vivants de
l’environnement proche
Relier l’aspect d’un être vivant avec les
contraintes de son milieu de vie
Observer les variations des peuplements au
cours des saisons et selon l’espace.
Réaliser des expériences de culture/élevage.
Construire un réseau trophique.
S’impliquer dans des actions concrètes de
développement durable.
Répertorier les êtres vivants dans la cour de
récréation et leur dynamique temporelle
Cycle 4
(5e-4e-3e)
http://acces.ens-
lyon.fr/acces/prog
rammes/cycle-4
- Planète Terre, environnement et Humanité
Les biomes climatiques et la répartition des êtres
vivants, influencée par les changements climatiques.
L’exploitation humaine des ressources naturelles
vivantes (pêche, chasse, agriculture, déforestation).
Les interactions entre l’Humain et son environnement
(depuis une population ou un écosystème local jusqu’à
la biosphère dans sa globalité)
- Le vivant et son Evolution
Les paramètres d’influence de la dynamique des
populations (modalités de reproduction, influence des
contraintes du milieu sur la survie).
L’apparition et la disparition des espèces en lien avec
des mécanismes d’évolution (hasard et sélection).
La diversité du vivant à différentes échelles (son
origine génétique et ses conséquences évolutives).
Les relations de parenté entre les êtres vivants
Expliquer des choix de gestion durable des
ressources naturelles
Comprendre les conséquences des
comportements individuels et collectifs
Argumenter des choix de préservation de
l’environnement.
Privilégier les exemples locaux et les activités
d’observations, de mesures et de
modélisation.
Mettre en évidence des faits d’évolution des
espèces.
Utiliser des outils de détermination et de
classification des êtres vivants.
Privilégier les observations de terrain, la
récolte de données simples et la mise en
œuvre de démarche expérimentale.
84
Seconde
http://acces.ens-
lyon.fr/acces/prog
rammes/svt-
seconde-rentree-
2019
- Biodiversité et Evolution
Le terme de biodiversité à différentes échelles.
La notion d’espèce, concept scientifique aux contours
variables
La variabilité génétique entre les populations causées
par les mutations de l’ADN.
L’évolution de la biodiversité sur le temps court
(résistance) comme le temps long (crises biologiques)
Les mécanismes d’évolution (sélection et dérive).
La communication intersexuelle et l’isolement
reproducteur.
La spéciation l’origine de nouvelles espèces.
- Agrosystèmes et développement durable
Le concept d’agrosystèmes, l’identification de ses
différents éléments et des différents modèles.
La composition, l’organisation et la formation des sols
en lien avec la dégradation de la matière organique par
les êtres vivants du sol.
L’exportation de biomasse par l’agriculture et ses
conséquences sur la fertilisation des sols.
La gestion éclairée et durable des agrosystèmes en
lien avec le développement de l’agro-écologie.
Observer concrètement le vivant sur le
terrain. Mettre en place des protocoles
d’échantillonnage.
Suivre des campagnes scientifiques de suivi.
Comparer des séquences d’ADN entre
individus et populations
Interroger la crise K/T avec, échantillons
(microfossiles) ou sorties (terrain, muséum).
Interroger la 6ème crise anthropique.
Comprendre la démarche de construction
d’une théorie scientifique.
Mettre en œuvre une stratégie d’étude de la
communication animale en condition réelle.
Caractériser l’organisation et le
fonctionnement d’un agrosystème par
l’observation sur le terrain et/ou par la
mesure et l’analyse de biomasses et
productions.
Concevoir, mener et comprendre des
expériences au sujet des mécanismes de
formation des sols.
Conduire une démarche scientifique de
projet étudiant les effets environnementaux
des agrosystèmes ainsi que des solutions
réalistes pour les rendre durables.
Première spécialité
SVT
http://acces.ens-
lyon.fr/acces/prog
rammes/specialite
-svt-premiere-
rentree-2019
- Ecosystèmes et services environnementaux
Un écosystème = une communauté d’êtres vivants
(biocénose) + un milieu de vie (biotope) + leurs
interactions.
La diversité des interactions biotiques : compétition,
facilitation et exploitation, et leurs conséquences.
La structuration spatio-temporelle des écosystèmes
avec concept de niche, de succession, de résilience…
Le fonctionnement des écosystèmes avec les flux de
matières et d’énergie au travers de réseaux
trophiques.
Les impacts des activités humaines sur les
écosystèmes : conversion et dégradation.
Les services rendus par les écosystèmes :
approvisionnement culture et régulation.
La gestion éclairée et durable des écosystèmes grâce à
la science-écologie et l’application de la démarche
scientifique.
L’ingénierie écologique : ensemble des techniques de
gestion durable des écosystèmes.
Observer sur le terrain l’organisation d’un
écosystème (forestier).
Mettre en place des protocoles
d’échantillonnage sur la répartition des
espèces selon leur environnement.
Mesurer la biomasse et la production d’un
écosystème à différentes échelles.
Recueillir et analyse des données sur une
perturbation affectant un écosystème (qu’elle
soit ou non d’origine anthropique).
Mettre en œuvre une démarche de projet
concernant les services rendus par les
écosystèmes et leur gestion durable.
Comprendre les enjeux et les mécanismes
d’une menace dans sa complexité ainsi que
l’apport de la démarche scientifique à sa
résolution.
Première
Enseignement
scientifique
Terminale
spécialité SVT
http://acces.ens-
lyon.fr/acces/prog
rammes/specialite
-svt-terminale-
rentree-2020
- L’évolution des génomes au sein des
populations
La variation des fréquences alléliques dans une
population selon le modèle d’Hardy-Weinberg ou
selon les pressions de sélection naturelle ou de dérive
génétique.
Les mécanismes non génétiques de diversification du
vivant (comportement, culture, relation biotique
durable…)
Extraire, organiser et exploiter des
informations sur l’évolution des fréquences
alléliques dans une population
Extraire, organiser et exploiter des
informations sur les modes de transmission
non génétique des comportements.
Favoriser une démarche de projet en étudiant
un exemple de manière approfondie, en
insistant sur les méthodes d’études,
d’évaluation et de synthèse (revues
systématiques, méta-analyses).
85
- Les conséquences du réchauffement
climatique
L’effet direct du réchauffement climatique sur la
biodiversité sur la répartition des populations et ses
effets indirects sur la perturbation du fonctionnement
des écosystèmes.
Les conséquences de l’augmentation du CO2 sur la
production de biomasse, l’acidité des océans, la
désertification des terres, la diffusion des pathogènes…
Réaliser et /ou analyser un suivi de long
terme de la distribution spatiale des espèces
face au réchauffement climatique
Terminale
Enseignement
scientifique
http://acces.ens-
lyon.fr/acces/prog
rammes/program
me-terminale-es
- La biodiversité et son évolution
La mesure de la biodiversité à différentes échelles
(richesse spécifique, abondance relative…)
La mesure des effectifs des populations (capture-
marquage-recapture, estimation avec intervalle de
confiance).
Les modèles démographiques de dynamique des
populations (modèle linéaire, exponentiel et
logarithmique).
L’effet des activités humaines sur la biodiversité et les
effectifs des populations (exemple de la
fragmentation).
La variation des fréquences alléliques dans une
population selon le modèle d’Hardy-Weinberg ou
selon les pressions de sélection naturelle ou de dérive
génétique.
Identifier les mécanismes d’évolution dans des cas
concrets de résistance ou de domestication.
Quantifier la biodiversité ou les effectifs d’une
population à partir d’une sortie terrain ou par
l’analyse de données récoltées.
Utiliser les suites numériques pour calculer les
taux de variations des effectifs et prédire des
effectifs à différents temps.
Démontrer le modèle d’Hardy-Weinberg et
réaliser des simulations numériques.
Extraire, organiser et exploiter des
informations sur l’évolution des fréquences
alléliques dans une population
86
9.2. Annexe n°2 : liens internet vers les différents questionnaires soumis aux élèves
Tableau 19 : Liens internet vers la première version des différents questionnaires soumis entre 2019 et 2021 aux élèves en amont et
en aval des séquences d'enseignement en écologie selon les différents thèmes abordés par les programmes disciplinaires en SVT
Thème des programmes
de SVT en écologie
Questionnaire avant la séquence
d’enseignement
Questionnaire après la séquence
d’enseignement
Evolution de la biodiversité
en Seconde
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-biodiversite-et-evolution-a-
priori-2019-2021-1605388699
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-biodiversite-et-evolution-a-
posteriori-2019-2021-1605546200
Etude des agrosystèmes en
Seconde
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-agrosystemes-a-priori-2019-
2021-1583275209
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-agrosystemes-a-posteriori-
2019-2021-1583275321
Etude des écosystèmes en
Première spécialité SVT
-
https://framaforms.org/enquete-svt-
premiere-specialite-ecosystemes-a-
posteriori-2019-2021-1583252183
Tableau 20 : Liens internet vers la nouvelle version des différents questionnaires soumis aux élèves en amont et en aval des
séquences d'enseignement en écologie selon les différents thèmes abordés par les programmes disciplinaires en SVT
Thème des programmes
de SVT en écologie
Questionnaire avant la séquence
d’enseignement
Questionnaire après la séquence
d’enseignement
Evolution de la biodiversité
en Seconde
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-biodiversite-et-evolution-a-
priori-1645822583
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-biodiversite-et-evolution-a-
posteriori-1646228281
Etude des agrosystèmes en
Seconde
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-agrosystemes-a-priori-
1646230997
https://framaforms.org/enquete-svt-
seconde-agrosystemes-a-posteriori-
1646827906
Etude des écosystèmes en
Première spécialité SVT
https://framaforms.org/enquete-svt-
premiere-specialite-ecosystemes-a-
priori-1583252080
https://framaforms.org/enquete-svt-
premiere-specialite-ecosystemes-a-
posteriori-1645530483
87
9.3. Annexe n°3 : annotation des questionnaires soumis aux élèves dans le cadre du projet
Les deux questionnaires soumis aux élèves en amont et en aval de la thématique « Ecosystèmes » de
première spécialité SVT sont annotés afin de mettre en évidence la nature des questions posées ainsi que les
modifications nécessaires pour une version ultérieure.
Question de caractéristiques sociodémographique :
Nécessité de relier les réponses d’un élève
aux deux questionnaires et à son contexte
d’apprentissage (lycée, enseignant)
Règlementation générale sur la protection
des données (RGPD) à vérifier
Questions de connaissances :
Objectif : Evaluer les changements de
connaissances liés à la thématique étudiée
Questions de connaissances rédigées sous
forme de questions d’opinion : confusion
possible et nécessité de reformulation
Questions d’opinion :
Objectif : Evaluer les changements de
positionnement liés à la thématique étudié
Objectif : Evaluer la motivation a priori liés à
la thématique étudiée (variable explicative
potentielle)
Changer les réponses binaires en échelle
graduelle (1 à 5) ?
A SUPPRIMER peu informatif
88
Question d’intention :
Objectif : Evaluer les changements de
positionnement suite aux activités réalisées
mais difficulté d’analyse (grand nombre de
choix possible)
Objectif : Evaluer la motivation a priori liés
aux différentes activités possibles (variable
explicative potentielle)
Mieux questionner le rôle et l’analyse de
cette question
Question de caractéristiques sociodémographique :
(non rappelée ici car identique au questionnaire a priori)
Nécessité de relier les réponses d’un élève aux
deux questionnaires et à son contexte
d’apprentissage (lycée, enseignant)
Question d’opinion :
Objectif : Evaluer les changements de
positionnement suite aux activités réalisées
mais difficulté d’analyse (grand nombre de
choix possible)
Objectif : Evaluer la motivation a posteriori
liés aux différentes activités possibles
(variable explicative potentielle)
Objectif : Evaluer l’intérêt pour la démarche
scientifique de construction des savoirs ?
Mieux questionner le rôle et l’analyse de
cette question
89
Question d’opinion :
Objectif : Evaluer les changements de
positionnement liés à la thématique étudié
Objectif : Evaluer la motivation a priori liés à
la thématique étudiée
Changer les réponses binaires en échelle
graduelle (1 à 5) pour limiter biais d’attraction
et permettre la mesure
Question de comportement :
Objectif : Evaluer les changements d’attitudes
suite à la thématique étudiée
Limiter le nombre de questions à une
question représentative des changements
d’attitudes ?
Difficile évaluation des changements d’esprit
critique et de compréhension de la démarche
scientifique.
Questions de connaissances :
Objectif : Evaluer les changements de
connaissances liés à la thématique étudiée
Questions de connaissances rédigées sous
forme de questions d’opinion : confusion
possible et nécessité de reformulation
90
9.4. Annexe n°4 : traitement des questionnaires et calcul de scores
Figure 20 : La restitution brute des réponses, première étape de la transcription des questionnaires
Figure 21 : Le codage des réponses pour l’analyse quantitative, troisième étape de la transcription des questionnaires
91
Figure 22 : Le calcul de score à partir des réponses retranscrites, troisième étape de la transcription des questionnaires
Les tableaux de données analysés dans le cadre de ce mémoire de recherche sont disponibles au lien
suivant, avec les codes de description et de modélisation statistiques sous R :
https://drive.google.com/drive/folders/1unCsCtHuyMAytCCqhVKrkrp0r49GK_yz?usp=sharing
92
9.5. Annexe n°5 : corpus de documents relatif à l’étude des pratiques enseignantes
Tableau 21: Liens numériques vers les documents de travail des enseignants participant au projet
Enseignant 1
Enseignant 2
Thème Biodiversité
Lien document travail
Biodiversité Enseignant 1
Lien document de travail Enseignant 2
Thème Agrosystèmes
Lien document travail Agrosystème
Enseignant 2 et 3
Thème Ecosystèmes
Lien document travail
Ecosystème Enseignant 1 et 2
93
9.6. Annexe n°6 : éléments de validation des modèles statistiques
9.6.1. Vérification de l’homogénéité de la variance des variables expliquées
Un présupposé majeur des modèles linéaires généralisés à effets mixtes concerne
l’homogénéité de la variance au sein des variables expliquées entre les différentes catégories de
variables explicatives.
Figure 23 : Vérification de l’homogénéité des variances autour des scores d’apprentissage selon les différentes variables explicatives
Le test non paramétrique de Levene vérifiant l’homogénéité de variance entre les categories
de variables indique une faible hétérogénéité de variance entre les classes d’élèves (score de rapport
à : F=2.3, p-value=0.014 ; score de rapport à : F=1.7, p-value=0.086), ainsi qu’entre les enseignants
concernant le score de rapport à ( F=19.8, p-value<0.001). Les autres situations ne sont pas
concernées par l’hétérogénéité de variance (p-value>0.05). Aucune procédure de correction de
l’hétérogénéité de variances pouvant être intégrée à la modélisation n’a montré d’amélioration de la
qualité du modèle (données non présentées).
9.6.2. Vérification de l’absence d’autocorrélation entre les variables explicatives
Un autre présupposé des modèles linéaires généralisés à effets mixtes concerne l’absence
d’autocorrélation entre les variables explicatives. En effet, si deux variables explicatives sont
fortement corrélées, cela peut générer des confusions importantes dans l’identification des effets
statistiques si plusieurs de ces variables sont ajoutées.
P1 P11 S1 S15 S17 S5
-3 -2 -1 0 1 2 3 4
Class
Score de rapport à
LEUOW LIEURYN
-3 -2 -1 0 1 2 3 4
Enseignant
Score de rapport à
AGROSYSTEME ECOSYSTEME
-3 -2 -1 0 1 2 3 4
THEME
Score de rapport à
P1 P11 S1 S15 S17 S5
-2 0 2 4
Class
Score de savoir-être
LEUOW LIEURYN
-2 0 2 4
Enseignant
Score de savoir-être
AGROSYSTEME ECOSYSTEME
-2 0 2 4
THEME
Score de savoir-être
1
2
3
4
1
2
3
4
94
Figure 24 : Vérification de l’autocorrélation entre les différentes variables explicatives
La figure précédente de corrélations multiples entre les variables explicatives proposées dans
le modèle complet des effets fixes montre une forte corrélation des trois scores relatifs aux pratiques
d’enseignement (score de mise en activité, score de confrontation au terrain, et score de
construction scientifique). Les coefficients de corrélation de Pearson supérieurs à 0.8 indiquent que
ces trois scores sont fortement corrélés entre eux à l’état actuel du jeu de données. L’absence de
procédure de correction statistique suggère de ne pas utiliser plusieurs de ces scores en même temps
et au contraire de choisir le score adapté à l’hypothèse testée.
9.6.3. Vérification de la normalité des résidus de la modélisation
Un dernier présupposé majeur des modèles linéaires généralisés à effets mixtes n’est pas la
normalité des variables expliquées mais la normalité des résidus, c’est-à-dire de la part de la
variance qui n’est pas expliquée par les variables implémentées. En effet, si ces résidus ne sont pas
centrés sur 0 ou s’ils varient non aléatoirement, cela signifie qu’une autre variable importante n’a
pas été prise en compte et donc que cela déforme l’interprétation du modèle.
Figure 25 : Vérification de la qualité du modèle statistique complet par vérification de la normalité des résidus du modèle
SCORE_ACTIVITE
0.6 1.0 1.4 1.8 -2 -1 0 1 2 3 4 -2 -1 0 1 2 3 4 5
0.6 1.0 1.4
0.6 1.2 1.8
1.0
SCORE_TERRAIN
0.8
0.9
SCORE_SCIENCE
0.5 1.5
-2 024
0.5
0.5
0.3
SCORE_POSITIONNEMENT_POST
0.09
0.09
0.09
0.06
SCORE_COMPORTEMENT_PRE
0 2 4 6
0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6
-2 0 2 4
-0.4
-0.4
0.5 1.0 1.5
-0.2
-0.2
0 1 2 3 4 5 6
0.006
SCORE_COMPORTEMENT_POST
-1 0 1 2 3
-4 -2 0 2 4
Fitted values
Residuals
Residuals vs Fitted
209
194
198
-3 -2 -1 0 1 2 3
-3 -2 -1 0 1 2 3
Theoretical Quantiles
Standardized residuals
Normal Q-Q
209
194 198
-1 0 1 2 3
0.0 0.5 1.0 1.5
Fitted values
Standardized residuals
Scale-Location
209 194
198
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20
-3 -2 -1 0 1 2 3
Leverage
Standardized residuals
Cook's distance
Residuals vs Leverage
3
209
278