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La restructuration de la BITD française : quel impact sur l'innovation de défense ?

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Abstract

La BITD française est indissociable de l'appareil étatique français et garante de son autonomie stratégique. L'évolution du contexte géopolitique et économique de la fin du XXe siècle amène à repenser les politiques industrielles d'innovation. La baisse des budgets consacrés à la défense tend en effet à revoir la production d'innovations de défense. L'ouverture des marchés mondiaux et la concurrence poussent par ailleurs les entreprises de la BITD française à opérer un glissement vers les marchés civils afin d'entretenir leurs politiques d'innovation. Dès lors, les logiques de concurrences vont pousser l'État et les entreprises françaises à opérer des mutations. Se produit alors des changements de statut du secteur public vers le secteur privé, octroyant de plus grandes libertés financières et industrielles. Ces changements ont permis aux entreprises de défense françaises de fusionner avec d'autres firmes françaises ou européennes. Ces opérations, augmentant la capacité de financement et la taille des firmes, furent des sources de stimulations importantes de l'innovation de défense.
La restructuration de la BITD française :
quel impact sur l’innovation de défense ?
Projet de recherche
Rédigé par
Malo Sonneck
Sous la direction de
Rachid Chaker
Enseignant-chercheur en droit et relations internationales à l’École navale
2
Résumé
La BITD française est indissociable de l’appareil étatique français et garante de son autonomie
stratégique. L’évolution du contexte géopolitique et économique de la fin du XXe siècle amène
à repenser les politiques industrielles d’innovation. La baisse des budgets consacrés à la défense
tend en effet à revoir la production d’innovations de défense. L’ouverture des marchés
mondiaux et la concurrence poussent par ailleurs les entreprises de la BITD française à opérer
un glissement vers les marchés civils afin d’entretenir leurs politiques d’innovation. Dès lors,
les logiques de concurrences vont pousser l’État et les entreprises françaises à opérer des
mutations. Se produit alors des changements de statut du secteur public vers le secteur privé,
octroyant de plus grandes libertés financières et industrielles. Ces changements ont permis aux
entreprises de défense françaises de fusionner avec d’autres firmes françaises ou européennes.
Ces opérations, augmentant la capacité de financement et la taille des firmes, furent des sources
de stimulations importantes de l’innovation de défense.
Mots-clés : industrie, défense, innovation, concurrence, privatisation
Abstract
France's DIB is indivisible from the State, guaranteeing its strategic autonomy. The changing
geopolitical and economic context at the end of the 20th century has led to a rethinking of
industrial policies in terms of innovations. The decline in defense budgets has led us to revise
the production of defense innovations. The opening up of world markets and competition are
forcing French DIB companies to shift towards civilian markets to maintain their innovation
policies. At the same time, however, the logic of competitions prompted the French government
and companies to make changes. This led to transfers from the public to the private sphere,
granting greater financial and industrial freedom. These changes enabled French’s defense
companies to merge with French or European firms. These operations, which increased the
financial capacity and size of the firms, were major sources of stimulations for defense
innovation.
Keywords: industry, defence, innovation, competition, privatization
3
Table des matières
Résumé 2
Remerciements 3
Introduction 4
I - Penser l’innovation de défense post guerre froide 6
A- L’émergence de nouvelles menaces, source d’intérêts pour la R&D militaire 7
B- Libéralisation économique et ajustement du rôle de l’État français 9
C- Adaptation de la BITD française à l’ouverture des marchés mondiaux 9
II - La concurrence, facteur déterminant des politiques d’innovation 10
A- Mutation de l’innovation de défense vers une dualité technologique 11
B- L’inversion des paradigmes des retombées 13
III- Restructuration stratégiques des firmes industrielles de défense 14
A- La privatisation des industries de défense françaises 14
B- Opérations de fusions-acquisitions des firmes de défense 16
C- Fusions-acquisitions des industries de défense nationales 16
D- L’ambition d’une Europe de la défense au cœur de la restructuration industrielle 17
Conclusion 19
Bibliographie 19
4
Introduction
La base industrielle et technologique de défense (BITD) permet d’assurer l’autonomie
stratégique de la France en termes de défense. Elle est définie par Dunne comme étant
« l’ensemble des entreprises qui permettent aux armées de conduire leurs opérations, ce qui
comprend à la fois les firmes de l’armement (production des systèmes d’armes et équipements
létaux), mais aussi celles qui fournissent l’ensemble des biens (nourritures, carburants, etc.)
nécessaires au fonctionnement des armées »
1
.
S’inscrivant dans des productions sur le long terme, la BITD est indissociable de l’appareil
régalien tant l’État permet de développer de manière totalement autonome sa puissance et son
rayonnement militaire à l’international. Aujourd’hui, en France, on compte principalement neuf
grands groupes de défense, appelés maîtres d’œuvres industriels (MOI) tels que Dassault,
MBDA, Safran, Thales, Airbus, Nexter, Arquus, Ariane Group et Naval Group.
De ce fait, pour Dunne, les industries de défense partagent un certain degré de dépendance vis-
à-vis des dépenses de l’État en matière de défense. D’un autre côté, les industries de défense
représentent une part importante dans l’économie nationale. En effet, dans l’économie de
défense, le secteur de l’armement est source d’un important excédent commercial, du fait des
faibles importations françaises en matière d’armes. La part des exportations militaires fut par
ailleurs en constante augmentation depuis les années 1960 jusqu’à la fin des années 1980. Elle
tend à prendre de plus en plus d’importance dans l’économie française, contribuant à sa
crédibilité stratégique sur l’échiquier mondiale. Par exemple, l'exportation du matériel militaire
représentait 24 % du chiffre d'affaires total de l'industrie française d'armement en 1972, alors
que cinq années plus tard elle atteignait 41 %
2
, avant de se stabiliser entre 20 et 35 % dans les
trente dernières années, permettant ainsi à la France d’osciller entre la 3e et la 4e place des plus
gros exportateurs d’armes au monde
3
.
L’émergence de ces champions nationaux de la BITD française a été possible au regard de
l’importance donnée au maintien du niveau d’activité et d’investissement suffisant afin de
pouvoir renouveler le « capital technologique, industriel et humain des entités qui la
composent »
4
et ainsi assurer la souveraineté française en matière d’armement.
L’État français occupe dès lors, un rôle prépondérant dans l’encadrement de la production de
matériel militaire ainsi que dans l’innovation de défense afin de garantir son autonomie
stratégique. La politique d’armement de l’État vise deux objectifs : tout d’abord militaire,
répondant au besoin de soutenir les forces armées. Ensuite, la finalité industrielle renvoie à des
enjeux d’ordre économique. Ainsi, dans cette perspective, la politique d’armement a pour
objectif de maintenir un tissu industriel de défense, dans des objectifs tout autant militaires
(sécurité d’approvisionnement) qu’économiques. L’importance économique de la fonction de
1
Paul Dunne. (1995). « The defence industrial base ». Handbook of Defence Economics
2
Christian Schmidt. (2004). « L’économie de la défense en France ». Political Events and Economic Ideas,
(Edward Elgar Publishing).
3
Données tirées du site internet de la World Bank sur la période 1985-2021
4
Paul Hérault. (2 novembre 2015). « La Base industrielle et technologique de défense à l’âge de la globalisation ».
Revue Défense Nationale N° 784, no 9. P 97
5
l’État français dans sa BITD relève d’un protectionnisme national nécessaire à son bon
développement via une « participation publique importante et protectionniste »
5
. Dans ce
modèle, l’État occupe la fonction de producteur-actionneur et finance seul l’autonomie
productive des entreprises en produisant des contrats d’armement afin de soutenir un tissu
industriel de défense nationale. Ce modèle étatique français était notamment important dans un
contexte de guerre froide et de course aux armements. Durant cette période, une relation
d’interdépendance est notable entre l’appareil étatique et ses industries de défense. En effet,
cela est marqué par le fait que la demande pour les technologies militaires dépend du niveau
d’implication de l’État dans les opérations militaires.
Ainsi, c’est au but des années 1960, sous la présidence du général de Gaulle, que la
production d’armement française est organisée de façon à assurer un maximum
d’autosuffisance, dans un contexte de guerre froide. Durant cette période, la course à
l’innovation entre les deux blocs alimentait les investissements publics et les prises de
commandes de l’État français auprès de ses industries de défense, stimulant ainsi l’effort de
Recherche et Développement (R&D), et par extension des politiques d’innovation. Cependant,
la fin de la guerre froide entraîne une baisse des dépenses publiques et des commandes étatiques
dans les industries de défense. On observe par exemple, que les dépenses militaires mondiales
décroissent en volume d’environ 18 % entre 1994 et 2008
6
.
De ce fait, le déclin des financements publics des industries de défense ainsi que la montée de
la concurrence ont entraîné une nécessité de restructuration de la BITD autour de privatisations,
fusions ou encore acquisitions des industries de défense françaises et européennes. Mais, la
restructuration de l’environnement industriel des firmes de défense a changé ses dynamiques.
La baisse des budgets étatiques en matière de défense a demandé aux entreprises de chercher
d’autres sources de financements pour alimenter leurs politiques d’innovations.
Aujourd’hui, le contexte de la guerre en Ukraine ainsi que la nouvelle Loi de Programmation
Militaire (LPM) remettent sur le devant de la scène l’importance de la BITD et des innovations
de défense, garante de l’indépendance stratégique de la défense française et européenne.
Il serait alors intéressant de se demander dans quelle mesure la transformation du secteur
de la défense française a-t-elle ou non stimulé les politiques industrielles de l’innovation de
défense ?
Tout d’abord, nous verrons que la fin de la guerre froide et le développement de la
mondialisation marquent un tournant dans la conception et les financements des politiques
d’innovation de défense. Ensuite, nous aborderons le fait que la libéralisation progressive de
l’économie mondiale entraîne une mise en concurrence accrue des entreprises de défense
françaises et européennes, les poussant, enfin, à adapter leurs stratégies et politiques
industrielles.
5
Catherine Hoeffler. (16 janvier 2014). « L’émergence d’une politique industrielle de défense libérale en Europe
: Appréhender le changement de la politique d’armement par ses instruments ». Gouvernement et action publique
VOL. 2, no 4. P 647
6
Fanny Coulomb. (2017). « Industries de la défense dans le monde ». Presses universitaires de Grenoble. P 12
6
I - Penser l’innovation de défense post guerre froide
La fin de la guerre froide, période propice aux innovations militaires, a marqué un
tournant pour les industries de défense. En effet, la chute du bloc soviétique a entraîné une
baisse des budgets de défense dans les pays développés. Cependant, alors que les « dividendes
de la paix »
7
prenaient une importance croissante au sein des classes politiques et des opinions
publiques, les ministres de la Défense français entre 1990 et 1995 ont voulu maintenir à un
niveau élevé les dépenses militaires qui, en revanche, n’entraient pas en adéquation avec le
budget de défense alloué sur la même période. En effet, entre 1985 et 1995, les dépenses
militaires n’ont cessé de décroître, en passant de 3,1 % du PIB français en 1985 à 2,5 % du PIB
en 1995
8
. Le Livre Blanc de la Défense nationale de 1994 et la Loi de Programmation Militaire
pour la période 1997-2002 votée en 1996 inaugurent en effet une évolution du rôle de l’État,
avec une baisse forte des budgets de défense et notamment de ceux concernant le domaine de
la recherche. Il est cité que « L’État ne pourra plus comme par le passé soutenir son industrie
d’armement dans tous les domaines »
9
et que par conséquent « son action dans ce domaine sera
restreinte »
10
.
On peut le constater entre 1990 et 2000, où la France enregistre une diminution de 15 % de son
budget de défense, qui passe de 189 à 160 milliards de francs
11
(valeur exprimée en francs
constants de 1990). Les réductions budgétaires s’accompagnent par ailleurs d’un déclin du
budget de R&D, passant de 4 400 millions d’euros en 1996 à 3 000 millions d’euros en 2007
(en euros constants)
12
. Pour la part du budget consacrée à la Recherche et Technologie (R&T)
13
,
celle-ci est passée de 650 millions d’euros en 1996 (euros constants de 2004) à 380 millions
d’euros en 2004 (constant 2004)
14
. Cela représente une diminution de presque 50 % du budget
en une dizaine d’années.
Ainsi, les entreprises de défense françaises font face à de nombreuses contraintes budgétaires,
menant de facto à une diminution des commandes, ainsi qu’à une baisse de leurs dépenses en
R&D générant un ralentissement du dynamisme des politiques d’innovations. À titre d’exemple,
GIAT Industries a subi une réduction des budgets de défense par l’État français, considérés
7
Quinet Alain. (1997). « Quels dividendes de la paix pour la France ? ». Revue française d'économie. Vo 12, n°3.
P 102
8
Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), Yearbook: Armaments, Disarmament and
International Security ( Rapport annuel : armements, désarmement et sécurité internationale).
9
Livre Blanc sur la Défense nationale. (1994). P125
10
Ibid
11
Rapport législatif du Sénat concernant le Projet de loi de finances pour 2001 sur la défense. Rapport général
n° 92 (2000-2001), tome III, annexe 43, déposé le 23 novembre 2000.
12
Josselin Droff et Julien Malizard. (2 novembre 2015). « R&D de défense et politique budgétaire en France ».
Revue Défense Nationale. No 784, no 9. P103
13
La R&T peut se définir comme une branche de la R&D. Elle cherche à mettre en avant les découvertes
scientifiques dans les industries. La R&T ne concerne que les premières phases du processus de recherche là où
la R&D englobe toute la phase de recherche et de développement du produit.
14
Nathalie Lazaric, Valérie Mérindol, et Sylvie Rochhia. (30 octobre 2009). « La nouvelle architecture de
l’industrie de la Défense en France : Évolution du rôle du maître d’ouvrage ». Économie et Institutions. No 12‑13.
P 40.
7
comme trop coûteux ainsi qu’une importante diminution de ses commandes. Selon le Rapport
d’information 0474 de la commission de la défense nationale et des forces armées sur la
situation de GIAT Industries, le programme du char Leclerc a provoqué des surcoûts importants.
L’étalement du programme dans la durée, le besoin constant d’adaptation technologique ainsi
que la vente au compte-gouttes par le ministère des Armées ont été les raisons de sa vente à
perte aux Émirats Arabes Unis en 1993-1994. Entre 1991 et 2002, les pertes accumulées par
l’État s’en sont élevées à 4 milliards d’euros
15
. Le même phénomène fut observé au sein de la
Direction des Constructions Navales (DCN), qui a enregistré un affaiblissement des
commandes publiques, lesquelles passèrent de 16 milliards de francs en 1996-1997 à 10
milliards de francs pour la période 1999-2000
16
.
De ce fait, les contraintes financières sont souvent considérées comme l’un des principaux
facteurs explicatifs de l’insuffisance de l’investissement en R&D des entreprises européennes
et françaises de défense.
A- L’émergence de nouvelles menaces, source d’intérêts pour la R&D
militaire
Néanmoins, malgré la baisse des budgets alloués au secteur de la défense, on observe
un intérêt grandissant dans les années 1990 pour les questions de R&D militaire afin de
s’adapter face à la montée de nouvelles menaces. En effet, le Livre Blanc de la Défense
nationale de 1994, mentionnait le fait qu’il est important de « prévenir la réapparition de
menaces majeures contre nos intérêts vitaux et les déstabilisations graves de l’ordre
international »
17
. Pour ainsi faire face à de nouvelles menaces, promouvoir l’innovation de
défense, au travers de la R&D s’avère être une source d’un engouement croissant pour l’État
français.
Les investissements en R&D doivent donc s’adapter à la stratégie française dans un nouveau
contexte géopolitique. François Hollande, alors secrétaire de la Commission des Finances et du
Plan et rapporteur du budget de la Défense déclarait en août 1990 que « nos budgets de défense
doivent être réorganisés par rapport à cette nouvelle configuration stratégique. Cela ne veut
pas forcément dire budgets en hausse, cela ne veut pas forcément dire budgets en baisse […]
cela veut dire peut-être le même budget, mais avec des orientations différentes »
18
.
Cependant, il est important de noter que l’intérêt porté aux innovations de défense ne fut pas
corrélé aux financements publics alloués à la défense. Ces derniers n’ont cessé de décroître
pendant la période des dividendes de la paix (1990-2001). En deçà de la baisse des commandes
et des financements étatiques, l’exportation d’armements devient alors cruciale pour les firmes
de défense française. Le seul marché national français n’apparaît plus comme suffisant afin de
15
Rapport d’information N° 0474 à l’Assemblée nationale des députés Yves Fromion et Jean Débiold de la
commission de la défense nationale et des forces armées déposé le 17 décembre 2002.
16
Pascal Griset. (Juin 2017). « 400 ans d’innovation navale ». P 258
17
Livre Blanc sur la Défense nationale. (1994). P23
18
Vidéo YouTube. François Hollande. (22 Août 1990). « Le budget de la défense ». Archive INA.
8
garantir la pérennité de sa BITD. De plus, les projets d’innovations de défense sont plus risqués
et plus difficiles à financer que les autres projets d’investissement. Il en résulte un mode de
financement spécifique caractérisé notamment pour ce qui concerne la France, par l’importance
du financement propre. L’autofinancement prend alors une part croissante dans la production
industrielle de défense. L’augmentation des coûts et de l’entretien de la production de matériel
militaire par l’État français, fait que l’augmentation des exportations des industries françaises
de défense devient un besoin important afin assurer leur stabilité financière.
L’appareil régalien, étant l’actionnaire principal de la plupart des grandes industries de défense,
doit agir en prenant en compte l’importance de l’exportation pour l’indépendance stratégique
des firmes de défense françaises. Cette importance est notamment soulignée dans Le Livre
Blanc de la Défense et de la Sécurité nationale de 2008 où il est spécifié que « les exportations
constituent un volet essentiel de la stratégie industrielle du pays. Elles permettent d’allonger
les séries et de réduire, ou à tout le moins de limiter, le coût unitaire des matériels commandés
par l’État. Elles rendent les entreprises moins dépendantes du marché national, tout en
contribuant au maintien de leurs compétences »
19
.
L’aube du XXIe siècle, marquée par les attentats du 11 septembre 2001, ainsi que par
l’augmentation des conflits multilatéraux tels que la guerre en Afghanistan (2001-2021), ou
celle en Irak (2003), marquent un regain des dépenses militaires et d’une nouvelle dynamique
concernant l’innovation des industries de défense. En effet, sur la période de 2002 à 2017, les
ventes d’armes mondiales ont progressé de 47 % en volume et les dépenses militaires mondiales
de 53 %
20
. Les politiques d’innovations, prennent donc une importance croissante puisqu’elles
sont un facteur de l’augmentation des exportations. Afin de gagner la bataille de la compétitivité,
produire des appareils militaires à la pointe de la technologie est un besoin important pour faire
face au nouvel environnement géopolitique.
L’exportation de l’armement français permet ainsi de faire face à la réduction des budgets
nationaux, ainsi que de garantir le maintien de l’activité de R&D de la BITD. L’exportation est
également un atout majeur pour la France afin d’augmenter la compétitivité de la BITD
française à l’international ainsi que d’en diminuer ses coûts de production
21
. Malgré cela, on
peut souligner la baisse continue des exportations d’armes en France qui passent de 4 milliards
d’euros en 1985 à 1 milliards en 2000
22
. Cela s’explique par des facteurs politiques et
économiques qui s’appliquent à l’échelle mondiale
23
. À cela, s’ajoute donc la réduction des
financements publics lors de la période des dividendes de la paix, qui tend à redéfinir le rôle de
l’État français dans l’encadrement de la production d’armements.
19
Livre Blanc de la Défense nationale. 2008. P 275
20
Données SIPRI
21
Voir les déclarations de Mme Florence Parly, ministre des Armées, sur les exportations d'armement, à
l'Assemblée nationale le 10 juillet 2019
22
Ibid
23
Malgré la volonté des politiques publiques françaises d’augmenter les exportations d’armements, cette baisse
s’explique par les conjonctures politiques et économiques à l’échelle mondiale. Le traité sur les forces armées
conventionnelles en Europe (FCE), ainsi que les politiques économiques des dividendes de la paix en sont des
exemples.
9
B- Libéralisation économique et ajustement du rôle de l’État français
Dans un contexte économique restreint pour le secteur de la défense, la logique d’efficience
va prendre l’ascendant sur celle de l’efficacité. L’importance financière va occuper un rôle
prépondérant dans les financements des politiques d’innovation des industries de défense. De
ce fait, les contraintes budgétaires viennent redéfinir la portée des financements étatiques dans
le domaine de la défense. À partir de 1996, l’amorce de la réforme de la Direction Générale de
l’Armement (DGA) tend à faire évoluer son rôle dans l’innovation de défense. Le faisant passer
d’un statut de maître d’ouvrage des projets militaires à un statut relevant plus du management
des projets. Par conséquent, l’activité de R&D de la DGA diminue conséquemment en
externalisant la recherche des projets de la fense au secteur privé. Cela a pour objectif
d’apporter une nouvelle dynamique aux activités de recherche de la BITD française afin de
stimuler l’innovation de défense.
Ainsi, les politiques publiques entreprises par l’État sous la direction de la DGA ont des
répercussions sur les politiques d’innovations de la BITD française. Si le fait que la
performance technologique est moins mise en avant par rapport à l’exigence financière, cela est
aussi à une évolution doctrinale économique de la part de l’État. On observe depuis les
années 1970, une progressive libéralisation de l’économie qui vient affecter les politiques
économiques étatiques. L’État français entreprend graduellement de plus en plus de politiques
publiques libérales. Cela a pour conséquences d’influer au travers de la réduction des
interventions financières en matière de politique industrielle
24
.
La doctrine économique libérale dont viennent s’imprégner les États vient progressivement se
coupler à l’intensification de la « seconde »
25
mondialisation. Dans une économie mondiale où
les échanges se fructifient, les politiques industrielles des firmes de défense françaises tendent
à se restructurer autour d’une logique de marché.
C- Adaptation de la BITD française à l’ouverture des marchés mondiaux
L’importance croissante de la mondialisation et de l’ouverture des marchés mondiaux
poussent l’État français à instaurer une politique, protectionniste autour du concept
« d’autonomie compétitive »
26
afin de relancer son industrie d’armement. L’objectif pour le
gouvernement français est de soutenir les exportations des firmes de défense afin de renforcer
la compétitivité de sa BITD.
24
Voir l’article de Catherine Hoeffler. (16 janvier 2014). « L’émergence d’une politique industrielle de défense
libérale en Europe : Appréhender le changement de la politique d’armement par ses instruments »
25
Thomas Piketty. (2013). « Le capital au XXIe siècle ». P 58. Il nomme la seconde mondialisation, le deuxième
phénomène d’ouverture des économies nationale sur les marchés mondiaux qui débute dans les années 1970-
1980.
26
Intervention devant le Parlement européen, à Strasbourg, de Michèle Alliot-Marie le 4 juillet 2006 concernant
les avancées et perspectives de la Défense européenne
10
Les perspectives économiques visées par l’État français en incitant à la compétition autonome
de ses firmes sont vivement critiquées, car ayant relégué au second plan les politiques
d’innovations des firmes de défense. Cette situation soulève un paradoxe quant à la posture
étatique souhaitée afin d’assurer un dynamisme des politiques d’innovations dans la durée. À
titre d’exemple, il est dans l’intérêt de l’État français - étant l’actionnaire principal de GIAT
Industries - que celui-ci n’enregistre pas de pertes. Cependant, cette vision de l’État-actionnaire
entre en contraste avec son statut d’État-client. Cette seconde posture privilégie l’achat de
matériels par l’État au moindre prix, ce qui par conséquent, réduit les marges ou d’éventuelles
pertes des industries de défense.
Avec l’importance des marchés mondialisés ainsi que l’importance de la réduction des coûts,
les politiques d’innovation se doivent d’être soutenues afin de permettre la compétitivité des
firmes de défense. Mais les baisses des financements publiques tendent à opérer, selon Belin et
Guille, un glissement vers une relation multilatérale avec plusieurs acteurs et non plus
seulement l’État français
27
. Cela s’explique à la fois par l’intensification de la concurrence entre
les firmes de défense et le rôle croissant des marchés financiers dans le financement du secteur
de la défense. Malgré cela, il convient de noter que chaque pays peut présenter des
caractéristiques spécifiques à ce sujet
28
.
Ainsi, les logiques concurrentielles du marché telles qu’elles se développent et se renforcent
avec la mondialisation, vont venir régir les pratiques managériales et les stratégies industrielles
des firmes de défense. Les politiques d’innovations prennent une importance croissante,
assurant l’aspect compétitif de la BITD française face à une concurrence accrue au niveau
européen et international.
II - La concurrence, facteur déterminant des politiques d’innovation
Pour Jean-Paul Karsenty, économiste au CNRS, ce contexte économique nous fait
envisager aujourd’hui les innovations principalement à travers le calcul des leurs bénéfices et
leurs mises sur les marchés dans une démarche concurrentielle
29
. C’est par ailleurs cette logique
néolibérale autour des marchés qui favorise le développement de l’innovation des entreprises.
Hervé Guillou, alors PDG de Naval Group (ex DCNS), évoquait le fait que « cet équilibre entre
excellence technique des produits […], rationalisation et efficience des procédures
industrielles, tel est le défi que doit relever chaque jour DCNS dans un contexte international
riche d’opportunités, mais toujours plus concurrentiel »
30
.
27
Jean Belin et Marianne Guille. (22 août 2008). « R&D et innovation en France : quel financement pour les
entreprises de la Défense ? ». Innovations. No 28, no 2. P 34
28
Les spécificités nationales dans le secteur de la défense s’expliquent par le fait que chaque pays a des intérêts
de sécurité nationale qui peuvent nécessiter des capacités spécifiques et une autonomie stratégique. Un exemple
est le projet du Système de combat aérien du futur (SCAF), un programme visant à développer un avion de combat
impliquant plusieurs pays européens. La France, ayant déjà développé son propre avion de combat Rafale, souhaite
dès lors, préserver sa capacité industrielle et technologique nationale.
29
Jean-Paul Karsenty. (4 février 2012). « L’Innovation responsable par le dépassement de la logique économiciste
». Ars Industrialis.
30
Propos de Hervé Guillou. (17 juin 2017). « 400 ans d’innovations navales » par Pascal Griset. P 277
11
Ainsi dans un cadre microéconomique, comme toute entreprise, les firmes de la BITD française
cherchent à maximiser leur rentabilité afin de garantir une autonomie financière et stratégique.
L’État exige des industries qu’elles produisent des équipements de pointe, appelés « biens
complexes »
31
. Cependant, la production de ces « bien complexes » coûte cher. Ainsi, les
entreprises françaises de défense adoptent des stratégies dites de « coopétition »
32
, mêlant des
stratégies de coopération et de compétition. La logique de la concurrence pousse les industries
à entreprendre et à chercher de développer des innovations dans une économie où la R&D est
toujours plus coûteuse. Cela justifie, et explique notamment le rapprochement et la coopération
entre les firmes de la BITD française. De ce fait, dans une logique de concurrence mondialisée,
la stratégie de coopétition encourage le transfert de connaissances et représente une valeur
ajoutée non négligeable, comparée à une situation les connaissances et les recherches en
R&D sont conservées individuellement par les firmes de défense.
La stratégie des politiques publiques d’armement reflète donc la volonté maintenue des
gouvernements français de soutenir les industries nationales de défense, tout en articulant ce
soutien à des principes néolibéraux qui régissent les logiques des marchés. C’est notamment ce
que citait, la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, expliquant que « notre politique
d’acquisition s’articule autour du recours au marché (concurrence, ouverture du capital des
entreprises) et de pratiques permettant le maintien d’une base industrielle et technologique de
défense »
33
.
A- Mutation de l’innovation de défense vers une dualité technologique
Afin de faire face à des marchés de plus en plus concurrentiels, ainsi que des coûts de production
toujours plus élevés, des glissements technologiques se mettent en place. Il s’agit pour la BITD
française d’élargir son champ d’innovations technologiques au domaine civil. Le Livre Blanc
de la Défense et de la Sécurité nationale de 2008 indiquait que « La France et l’Europe doivent
favoriser les synergies entre la recherche civile et la recherche de défense et de sécurité. En
effet, 60 % de la recherche financée par la Défense ont des retombées dans le secteur civil,
contre 20 % seulement en sens inverse. […] Les programmes de technologies duales, civiles et
militaires, occuperont une place plus importante dans la programmation annuelle de l’Agence
nationale de la recherche »
34
.
De cette manière, la progressive mutation de la production de défense tend à rendre floue la
frontière miliataro-civile des innovations du fait de l’usage dual des technologies produites.
L’ouverture de l’innovation de défense, permet donc de stimuler et de se servir des innovations
31
Claude Serfati (2008). "Le rôle de l'innovation de défense dans le système national d'innovation de la France".
Innovations. No 28. P. 62
32
Romuald Dupuy. (2 août 2013). « L’industrie européenne de défense : changements institutionnels et stratégies
de coopétition des firmes ». Innovations. No 42, no 3. P 87
33
Les Échos. (28 avril 2004). « Défense : MAM plaide pour une politique industrielle européenne ».
34
Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité nationale. 2008. P 270
12
issues de la socié civile afin d’assurer « la supériorité opérationnelle de nos armées et
l’autonomie stratégique de la France »
35
.
Ainsi, la période des dividendes de la paix met en exergue le besoin de réduire les efforts
importants mis dans l’innovation de défense. Il s’agirait dès lors, de réorienter les dépenses
publiques et les recherches en R&D de la sphère militaire, à la sphère civile. Cela illustre
également une volonté des firmes de défense de trouver de nouveaux marchés afin de pouvoir
assurer une certaine pérennité financière et industrielle. Pour François-Xavier Meunier,
économiste, cette restructuration vers une dualité technologique s’est opérée de deux manières.
Tout d’abord par une « diversification de marché sans diversification des compétences »
36
, puis
par une « proposition de nouveaux produits aux même clients »
37
, en faisant appel à des
compétences nouvelles venant de l’autre sphère complétant celles que l’entreprise possède déjà.
Le recours aux technologies civiles permet à la BITD française de réaliser des économies
d’échelles importantes
38
ainsi que des retombées dans le domaine militaire des innovations du
secteur civil.
On observe cette restructuration technologique autour notamment du constructeur aéronautique
français, Dassault Aviation. La firme française spécialisée dans les avions de combat comme le
Rafale ou le Mirage, tend à progressivement se tourner vers de nouveaux débouchés
commerciaux autour des marchés civils. Cela s’explique du fait de la transformation du contexte
international, de la baisse relative des budgets de défense ainsi que de la diminution des
exportations. La diminution des commandes de Rafale jusqu’en 2015, leur étalement dans le
temps et le ralentissement des cadences de fabrication ont fragilisé considérablement son
monopole national dans le domaine de la construction des avions de combat.
C’est pourquoi, l’adaptation à une dualité technologique militaro-civile semble apparaître
comme un besoin croissant pour l’entreprise. La production d’innovations tend à ne plus se
baser exclusivement sur le domaine militaire, mais désormais également sur le domaine civil.
On l’observe à partir de 1999, où pour la première fois, la part de l’activité civile dans le chiffre
d’affaires de Dassault Aviation est plus importante que la part de l’activité militaire (68 %
contre 32 %)
39
. La dualité technologique octroie dès lors à Dassault, la possibilité d’accéder
aux marchés civils. On observe qu’il en résulte une augmentation de ses politiques
d’innovations comme en témoigne l’augmentation importante de ses dépenses en termes de
R&D qui passent de 200 millions d’euros en 2010 à 572 millions d’euros en 2022
40
.
35
Note d’instruction 2067/ARM/CAB/CC6 du 7 mai 2020 relative à l’innovation de défense au sein du
ministère des Armées
36
François-Xavier Meunier. (2019). « Construction of an operational concept of military/civil technological
duality: the dual innovation system ». Journal of Innovation Economics & Management. P 164
37
Ibid
38
Une économie d’échelle signifie une diminution du coût unitaire de production et une augmentation de la
quantité produite. Pour la BITD française, cela s’explique pour plusieurs raisons : la possible standardisation des
technologies civiles dans le secteur de la défense, les volumes de productions élevées dans le domaine civil, et
l'interchangeabilité des composants et des systèmes entre les équipements militaires et civils.
39
Page Wikipédia de Dassault Aviation
40
Rapports annuels de Dassault de 2010 et 2022
13
Cette restructuration technologique autour de la dualité industrielle met en exergue une
tendance des retombées technologiques en faveur du domaine civil. Ainsi, on observe que le
changement du paradigme des retombées des technologies militaires vers le secteur civil mène
à reconsidérer les investissements dans l’innovation militaire au profit des innovations civiles.
B- L’inversion des paradigmes des retombées
Lors de la guerre froide, la prééminence des innovations militaires était légitimée par le
« paradigme des retombées »
41
. Ce paradigme exposait le fait que le soutien de la R&D et des
innovations militaires permet des adaptations qui se diffuseront dans le domaine civil. Cet
argument était avancé dans le cadre de la course aux technologies militaires lors de la guerre
froide comme ce fut le cas avec le domaine spatial par exemple. La période des dividendes de
la paix, marque le début du renversement du paradigme des retombées. En effet, à partir du
début des années 1990, l’innovation de défense tend progressivement à être considérée comme
moins importante que celle venant du secteur civil. Par exemple, à partir de 1990 dans le
domaine spatial, on constate un effondrement du nombre de lancements d’engins spatiaux à
usage militaire. Entre 1990 et 2002, la part des engins spatiaux à usage militaire ne représente
plus que 35,21 %, ce qui est une première depuis 1957
42
.
Dans un entretien, l’avocat et historien Nicolas Baverez indiquait que depuis la fin de la guerre
froide, les entreprises de défense puisent dans le secteur civil afin de servir leurs propres
innovations. La technologie FADEC (Full Authorithy Digital Engine Control) de Safran
concernant les moteurs d’avions est un exemple d’adaptation d’une innovation technologique
civile vers le domaine militaire. Il en vient alors à démontrer un véritable renversement du
paradigme des retombées technologique où c’est désormais l’innovation industrielle du secteur
civil qui irrigue l’innovation de défense.
Ainsi, la montée de la concurrence mondialisée et les contraintes budgétaires étatiques ont
poussé les entreprises de défense à s’adapter et s’ouvrir à la sphère civile. C’est dans cette
optique de restructuration technologique autour d’une dualité militaro-civile, que plusieurs
industries de défense françaises et européenne ont entrepris des processus privatisation, leur
permettant de mener de opérations de fusions-acquisitions. Ces mécanismes permettent dans
un premier temps aux firmes de défense d’acquérir directement par fusion, des technologies de
la sphère civile. Dans un second temps, cela permet aux entreprises de défense d’acquérir une
envergure européenne et par conséquent d’être plus compétitives sur le marché mondial.
Afin d’encourager la pétulance des politiques d’innovations de la BITD française, des
restructurations industrielles sont envisagées. Afin de « résister à la concurrence mondiale »
43
,
41
Sylvain Moura. (Décembre 2018). « La R&D militaire : le lien industrie-État ». Le bulletin de l’Observatoire
Économie de la Défense (SGA/ DAF/ OED). P 2
42
Pierre Barbaroux et Victor Dos Santos Paulino. (2 août 2013). « Le rôle de la Défense dans l’émergence d’une
nouvelle industrie : le cas de l’industrie spatiale », Innovations n° 42, no 3. P 50
43
Audition du 4 octobre 2006 devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée
nationale de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2007
14
des stratégies de privatisations - qui mèneront à opérations de fusions-acquisitions - sont mises
en place à un niveau national et européen par l’État et la BITD française.
III- Restructuration stratégiques des firmes industrielles de défense
A- La privatisation des industries de défense françaises
Afin de faire face à la concurrence accrue sur les marchés mondiaux, l’État français vise à
favoriser le développement de ses « champions nationaux »
44
. Le changement de statut du
secteur public au secteur privé opéré par plusieurs MOI de la BITD française s’inscrit dans cette
volonté de compétitivité de l’État français pour plusieurs raisons.
La privatisation de DCNS au début des années 2000 (devenue Naval Group en 2017), résulte
d’une ambition de restructuration stratégique afin de permettre une meilleure flexibilité de
l’entreprise. Passer à un statut de société anonyme de droit privé lui a permis d’adapter sa
stratégie commerciale et de se « détacher d’une administration lourde, et de faciliter la
signature de contrats avec les marines étrangères »
45
. Cette distance, prise vis-à-vis de l’État
français, lui a donné la possibilité de développer ses exportations de systèmes d’armements
dans le monde entier ainsi que de diversifier son activité. De ce fait, la privatisation a permis à
DCNS d’explorer notamment de nouveaux secteurs d’activités tels que les technologies
maritimes civiles, lui permettant ainsi d’accroître son potentiel d’innovation et sa compétitivité.
Cela a contribué à réduire la dépendance de DCNS, aux fluctuations des budgets militaires et
au code des marchés publics, qui étaient des sources de défaillances importantes de
l’entreprise
46
.
Ensuite, le passage de la dimension publique au caractère privé, permet aux industries de
défense de lever des capitaux auprès d’investisseurs privés. Cela est notamment utilisé afin de
financer la R&D, et de favoriser les politiques d’innovations, et donc la compétitivité. La
privatisation de Thomson-CSF en 1998, qui est devenu Thalès en 2000 en est un exemple. En
effet, le changement de statut de cette entreprise a permis son introduction en bourse, permettant
la participation active d’investisseurs privés et internationaux. Ainsi, en accédant aux capitaux
privés, Thalès fut en mesure de renforcer ses capacités d’investissements en termes
d’innovations et de développements. Ses dépenses dans la R&D ont doublé entre 2006 et 2022,
passant de 2 à 4 milliards d’euros
47
, tout comme sa capacité d’autofinancement en R&D qui
44
Christophe Carrincazeaux et Vincent Frigant. (1990). « L’internationalisation de l’industrie aérospatiale
française durant les années 1990 La décennie de la rupture ? ». P 8
45
Note d’analyse du ministère des Armées. (31 mai 2022) « DCNS, une entreprise en phase avec les enjeux
mondiaux ». P1
46
En devenant une entité privée, DCNS n’est plus dépendante des décisions gouvernementales en matière de
dépenses financières, notamment des budgets militaires qui représentait la majorité de son activité. Cela lui permet
d’être en mesure de prendre des décisions commerciales plus rapidement et plus efficacement. DCNS est capable
de s'adapter plus facilement aux fluctuations des marchés et de répondre aux besoins de ses clients.
47
Rapports annuels de Thalès de 2006 et 2022
15
évolue de 534 millions à 1064 milliards d’euros lors de la même période
48
. L’accroissement des
dépenses dans la recherche a permis notamment à l’entreprise d’améliorer sa dynamique
industrielle d’innovation. Cela s’observe à travers le nombre de brevets déposés auprès de
l’Institut Nationale de la Propriété Intellectuelle (INPI) le nombre de brevets déposés par
Thalès passe de 158 en 2006 à 213 en 2022
49
.
Par conséquent, la privatisation de Thalès lui a permis d’acquérir un statut compétitif majeur
sur le marché mondial de la défense et de l’électronique.
Cependant, il est important de noter que le retrait progressif de l’appareil régalien au travers de
la privatisation, ne signifie pas un effacement total de l’État des activités économiques de ces
entreprises. L’État français conserve des « golden shares »
50
, suffisantes pour pouvoir exercer
un droit de veto, ou édicter des législations permettant de bloquer certaines opérations
considérées comme pouvant porter atteinte aux intérêts nationaux en matière de sécurité.
Dès lors, le changement de statut des entreprises de défense françaises a favorisé une meilleure
flexibilité financière et une adaptation technologique permettant aux firmes françaises privées
telles que Naval Group et Thalès, de répondre au mieux à la concurrence accrue des marchés
mondiaux et notamment celui de la défense. Les privatisations des firmes de défenses ont
engrangé le pas aux opérations de fusions-acquisitions, provenant d’une ambition nationale
d’éviter les concurrences franco-françaises et d’aider « les entreprises françaises à acquérir
une taille européenne »
51
. Pour la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie « il faut
commencer par conforter les entreprises nationales ; puis favoriser leur regroupement avec
des partenaires européens »
52
. Afin d’encourager la dynamique des politiques d’innovations et
pour faire face à la concurrence mondiale, des opérations de fusions-acquisitions des firmes de
défense françaises sont mises en place à l’échelle nationale et européenne.
Ces politiques de privatisations ont été à la source des fusions-acquisitions des firmes de
défense nationales et européennes. Afin de pouvoir mener à une coopération européenne, des
entreprises de la BITD française ont changer de statut. En effet, à échelle nationale, la
création de Safran en 2005 résulte de la privatisation de SNECMA (entreprise publique de
construction de moteurs d’avions), qui a rendu possible sa fusion avec la firme privée Sagem
(axée sur l’électronique et la mécanique de précision). De même que la création d’Airbus,
résultat d’une collaboration européenne, a pu se faire grâce à la privatisation d’Aérospatiale via
sa fusion avec Matra, donnant lieu à la société EADS. Le changement de statut fut un élément
primordial, puisque jusqu’alors, les partenaires allemands refusaient de fusionner et de s’allier
avec une entreprise publique de défense, symbole d’une présence étatique française trop
importante
53
.
48
Ibid
49
Classement INPI de 2006 et 2022
50
Décret n°97-190 du 4 mars 1997 instituant une action spécifique de l’État au capital de Thales
51
Audition du 4 octobre 2006 devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée
nationale de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2007
52
Ibid
53
Voir l’article de Catherine Hoeffler. (2014). « L’émergence d’une politique industrielle de défense libérale en
Europe ». Gouvernement et action publique.
16
B- Opérations de fusions-acquisitions des firmes de défense
À partir du milieu des années 1990, les premières grandes opérations de fusions et
acquisitions vont être réalisées en Europe, essentiellement dans les domaines de l’aérospatiale
et de l’électronique de défense. Elles vont venir profondément modifier la structure de
l’industrie européenne. À l’aube des années 2000, trois grandes entreprises européennes
connaissent des opérations de fusions-acquisitions : BAE Systems, Thales et EADS devenus
Airbus (fusion entre DASA, CASA, et Aérospatiale/Matra).
Pour rappel, la situation économique connue lors des dividendes de la paix a mené à un déclin
significatif des budgets de défense et à la hausse de la concurrence. Afin de s’adapter à cela, les
industries européennes de défense, qui étaient jusqu’alors caractérisées par une segmentation
nationale, entament un processus de mutation. C’est dans cette ambition de réorientation que le
gouvernement français opère des regroupements des firmes de la BITD française.
C- Fusions-acquisitions des industries de défense nationales
C’est notamment dans cette perspective de constitution de « champions » nationaux, que
s’inscrit le regroupement stratégique de firmes de défense françaises. Les opérations de fusions-
acquisitions au niveau national marquent la volonté de restructuration et de consolidation des
industries de défense françaises. Elles se placent dans des ambitions stratégiques, et
industrielles précises. D’après les documents de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le
rapprochement et la fusion entre Sagem et SNECMA reposait sur plusieurs éléments dont l’une
était la nécessité d’atteinte d’un « renforcement de la capacité d’innovation »
54
. Ces
mouvements de croissance externes permettent d’acquérir des compétences, des brevets et des
technologies. La fusion entre SNECMA et Sagem a permis à la nouvelle entreprise, Safran, de
bénéficier d’une augmentation considérable de son activité en R&D et de sa production
d’innovations. Avant la fusion, les deux entreprises ne figuraient pas dans le classement INPI
des 50 firmes déposant le plus de brevets par an en France. Depuis leur fusion en 2005, le
nombre de brevets déposés passe de 350 en 2005 à 931 en 2022, plaçant la firme à la tête des
entreprises françaises au classement INPI 2022.
Le regroupement des entreprises de défense françaises permet également de réduire la pression
concurrentielle nationale, ainsi que la possibilité de pouvoir accéder à de nouveaux marchés.
La réduction des marchés français a incité les entreprises à fusionner ou à acquérir des filiales
dans les autres pays. L’implantation de la filiale DCNS India à Bombay en est un bon exemple.
Il démontre l’intention forte de l’industrie de défense française de s’installer sur le marché
asiatique, nouveau pilier et centre d’intérêt géopolitique. Les directives du Livre Banc de la
Défense nationale de 2008 soulignaient que « la recherche de partenariats nouveaux et plus
étroits avec des pays d’autres zones, comme l’Asie, semble la conséquence logique du
54
Rapport de la Cour des comptes. (Avril 2013). « La faiblesse de l’État actionnaire ». P 47
17
déplacement progressif du centre de gravité des questions stratégiques »
55
. Cela permet à
DCNS de signer de nouveaux contrats et de réduire ses coûts de production.
Mais outre les opérations de fusions-acquisitions nationales permettant de nombreuses
avancées stratégiques en termes d’innovations, le marché mondial toujours plus concurrentiel
met en lumière le besoin de restructurer les firmes européennes de défense.
D- L’ambition d’une Europe de la défense au cœur de la restructuration
industrielle
La situation politique et économique en Europe à la fin des années 1990 et au début des
années 2000 favorise la volonté des gouvernements européens de construire « an European
Defence System »
56
, s’inscrivant dans la perspective de l’établissement d’un marché européen
commun tout en préservant et encourageant la capacité d’innovation et de compétitivité des
firmes européennes. En France, le Livre Banc de la Défense nationale de 1994 envisageait déjà
une coopération européenne en matière de défense, rompant ainsi avec la tradition industrielle
française en matière de défense. La directive donnée est celle du partage de certaines activités
industrielles avec d’autres gouvernements et industries européennes, car « il n’est plus ni
possible, ni d’ailleurs nécessaire que la France possède et maintienne à elle seule l’ensemble
de ces compétences »
57
.
Par conséquent, le début des années 2000 est marqué par la volonté de décloisonner les marchés
nationaux, ainsi que d’accroître la coopération européenne. L’État français souligne la nécessité
de regrouper les industries de défense européenne « afin de promouvoir une industrie
compétitive en France et en Europe, la France favorisera le développement de groupes
industriels européens de niveau mondial »
58
.
L’Europe a par conséquent, un le central à jouer dans la production d’innovations dans le
secteur de l’industrie de défense. En effet, l’intensification de la coopération entre les États et
les firmes européennes est promue comme une solution face à l’impasse du soutien industriel
et financier au niveau national. Ainsi, selon les autorités françaises, la politique industrielle de
défense doit se faire à une échelle européenne, les budgets nationaux étant trop restreints et une
concurrence globale, élevée.
En mobilisant ainsi plusieurs pays européens autour de projets industriels communs, la
concurrence et le coût de l’innovation entre les firmes de défenses se trouvent réduits. Cela leur
permet également de concentrer « les investissements publics sur un système d’armes pouvant
55
Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité nationale. 2008. P 105
56
Sylvie Matelly et Marcos Lima. (10 mai 2016). « The Influence of the State on the Strategic Choices of Defence
Companies: The Cases of Germany, France and the UK after the Cold War ». Journal of Innovation Economics
& Management n°20, no 2. 61‑88
57
Le Livre Blanc de la Défense Nationale. 1994. P117
58
Ibid P 265
18
ainsi permettre une montée en gamme technologique à l’image de ce qui s’est passé dans le
secteur des missiles au moment de la constitution de MBDA »
59
.
La consolidation industrielle européenne autour du secteur de la défense s’est considérablement
renforcée. En témoigne l’alliance entre l’industriel allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW)
et Nexter (ex GIAT Industries) en 2015 ou encore les nombreux appareils militaires et civils
produits par la société Airbus, symbole de la coopération européenne en matière d’industries
de défense. Ces opérations de fusions des firmes européennes se placent dans une dynamique
d’augmentation des dépenses militaires en Europe et dans le monde depuis le début du XXIe
siècle. Cette augmentation, témoigne de la hausse de la demande sur les marchés militaires,
amenant à la course à l’innovation sur des marchés mondiaux toujours plus concurrentiels.
En résulte une augmentation de programmes en coopération européens tels que furent les deux
programmes pour la réalisation des avions de combat TEMPEST et SCAF ou encore le
programme franco-allemand pour construire le futur char de combat. Ces initiatives proviennent
du constat que ni les États européens de manière individuelle, ni les entreprises en Europe de
manière autonome n’ont la capacité de financer des programmes nationaux de systèmes
d’armements complexes et très coûteux. La coopération au travers de la mise en commun de
moyens et de compétences apparaît comme la seule possibilité de préserver et développer des
capacités et innovations militaires autonomes. En témoigne la création du Fonds Européen de
la Défense (FED) lancé en 2021, mais également les limites que ce dernier représente en matière
de financement de l’innovation de défense européenne
60
.
Cependant, la coopération européenne en matière de défense représente également un frein à
l’innovation de défense. La concurrence que se livrent les États européens pour préserver leurs
BITD nationales en est la cause. En France, un rapport sur la Conduite des Programmes
d’Armement réalisé par la Cour des comptes en 2010 témoigne du constat de la préférence
nationale industrielle sur celle européenne. Elle observe que « cette solution n’est pas sans
entraîner un surcoût, du fait de la prise en charge par la France seule de toutes les dépenses
de développement ».
61
En cela, s’explique alors un des freins de la production d’innovations
industrielles à échelle européenne témoignant d’une industrie européenne fragmentée du fait
d’une coopération industrielle encore insuffisante pour faire face aux géants industriels
américains et chinois.
59
Jean-Pierre Devaux et al. (Novembre 2019). « Étude prospective et stratégique n°2018-24 ». P 51
60
Voir l’article de Rachid Chaker. (Juillet 2023). « Le Fonds européen de la défense, genèse, ambitions et
premier bilan ». Revue de l’Union Européenne.
61
Rapport de la Cour des Comptes. (2010). La conduite des programmes d’armement, Rapport public annuel.
19
Conclusion
La privatisation des industries de défense françaises, témoigne ainsi d’une volonté de
l’État français de dynamiser les politiques d’innovations de sa BITD. L’ouverture des marchés
et la hausse de la concurrence mondiale ont poussé les firmes de défense à une adaptation
structurelle et technologique. Si les mécanismes de privatisations et ensuite de fusions des
industries de défense françaises ont certes eu un effet bénéfique sur la production d’innovations,
ce ne sont pas les seuls à avoir permis de stimuler l’innovation de défense.
En effet le la libéralisation du contexte économique, ainsi que l’évolution géopolitique, ont
favorisé le rapprochement des industries de fense françaises et européennes, ainsi que
dynamisé les politiques d’innovations. La nécessité de compétitivité sur les marchés mondiaux
couplée au besoin d’autonomie stratégique furent la source d’un besoin de restructuration des
firmes de défense et des éléments catalyseurs de la hausse des productions d’innovations de la
BITD française dans le secteur militaire et civil.
Aujourd’hui, le projet de la nouvelle LPM ainsi que la coopération des armées européennes
autour de la guerre en Ukraine s’inscrivent dans la perspective d’évolution de la BITD. Elles se
placent également dans la lignée d’une nécessité de collaboration de la BITD européenne autour
de la production d’innovations de défense sur des marchés mondiaux de haute concurrence.
Bibliographie
Documents officiels
Le Livre Blanc de la Défense nationale. 1994
https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/944048700.pdf
Le Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité nationale. 2008
https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/084000341.pdf
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au sein du ministère des Armées
https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/aid/IMID%20du%207%20mai%20202
0.pdf
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cyclone ».
https://www.senat.fr/rap/r19-605/r19-605.html
Rapport législatif n° 134 du Sénat (21 décembre 2004) concernant le projet de loi, adopté par
l’Assemblée nationale, relatif à « l’ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de
filiales ».
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl04-129.html
20
Rapport de la Cour des Comptes. (2010). La conduite des programmes d’armement, Rapport
public annuel
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/1_conduite-des-programmes-
armement.pdf
Rapport de la Cour des comptes. (Avril 2013). « La faiblesse de l’État actionnaire ».
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/rapport_thematique_Etat_action
naire_industries_armement.pdf
Rapport d’information N° 0474 à l’Assemblée nationale des députés Yves Fromion et Jean
Débiold de la commission de la défense nationale et des forces armées déposé le 17
décembre 2002
https://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0474.asp
Rapport législatif du Sénat concernant le Projet de loi de finances pour 2001 sur la défense.
Rapport général n° 92 (2000-2001), tome III, annexe 43, déposé le 23 novembre 2000
https://www.senat.fr/rap/l00-092-323/l00-092-3235.html
Déclarations
Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense. Audition du 4 octobre 2006 devant la commission
de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de
finances pour 2007
https://www.assemblee-nationale.fr/12/cr-cdef/06-07/c0607001.asp
Michèle Alliot-Marie. (4 juillet 2006). Intervention devant le Parlement européen, à Strasbourg
concernant les avancées et perspectives de la Défense européenne
https://www.vie-publique.fr/discours/162500-declaration-de-mme-michele-alliot-
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Vidéo YouTube. François Hollande. (22 Août 1990). « Le budget de la défense ». Archive INA
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Données scientifiques
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https://data.worldbank.org/indicator/MS.MIL.XPND.GD.ZS?end=2011&locations=F
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https://www.yumpu.com/fr/document/read/27955727/rapport-annuel-2010-dassault-
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21
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Rapport annuel - Thalès de 2006
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https://thales-group.prezly.com/thales-publie-ses-resultats-annuels-
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https://www.yumpu.com/fr/document/read/26679284/rapport-annuel-2006-inpi
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https://www.inpi.fr/sites/default/files/CP%20INPI%20Palmares%202022%20des%20
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Article
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Cet article questionne le processus d’innovation des entreprises de défense sous l’angle spécifique de l’intégration de connaissances scientifiques. Alors que les analyses de la contribution de la science à l’innovation technologique se concentrent majoritairement sur les industries des biotechnologies, de la pharmacie et des semi-conducteurs, notre article propose une approche originale en traitant des entreprises participant au marché de défense. En mobilisant les données de brevets de non-patent literature de 1 722 entreprises innovantes entre 2010 et 2016, cet article montre que l’activité de défense influence négativement l’intégration de connaissances scientifiques dans les innovations technologiques des entreprises.Classification JEL : L64, 033, L16.
Article
Les entreprises de défense ont besoin de recourir à l’innovation technologique. Cela nécessite un appui scientifique important exigeant investissements et compétences. L’analyse des dépôts de brevets renforce cette approche, même si aujourd’hui les technologies sont de plus en plus duales.
Article
Naval Group’s Strategy of Anticipation and Mastery of Skills Because Naval Group conducts programmes with life cycles up to half a century it is important to anticipate and to master all the technical and industrial skills involved in design and manufacture. HR strategy needs to use all available levers, among which on-the-ground training and apprenticeship.
Article
La BITD est un enjeu majeur pour maintenir une véritable souveraineté et une capacité industrielle nationale, tout en s’inscrivant dans une approche européenne répondant aux exigences de la globalisation et ayant une vision dynamique et non autarcique.
Article
Les États n’ont plus le monopole sur les industries de défense en raison des évolutions poussant à la libéralisation et à la mise en concurrence. Cependant, ils restent des acteurs indispensables et doivent trouver des modes de régulation et de travail avec les entreprises, en particulier dans le domaine cyber en pleine mutation.
Article
Cet article apporte une contribution sociologique à la comparaison des capitalismes en France et au Royaume-Uni. Pour ce faire, le rapport à l’État, l’internationalisation et la financiarisation des trajectoires professionnelles des dirigeants de grandes entreprises de l’industrie de la défense (Safran, Thales, BAe Systems et Rolls-Royce) sont interrogés. La controverse entre convergence et divergence des capitalismes nationaux de la défense est dépassée par le dévoilement d’une réalité contre-intuitive et inattendue, à savoir leur simultanéité. En même temps que les pratiques des dirigeants des grandes entreprises des deux côtés de la Manche sont plus structurées que jadis par l’internationalisation de leur formation et leur familiarité avec le monde financier, leur rapport à l’État demeure nettement différent.