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Int. J. Biol. Chem. Sci. 17(2): 539-548, February 2023
ISSN 1997-342X (Online), ISSN 1991-8631 (Print)
© 2023 International Formulae Group. All rights reserved. 9205-IJBCS
DOI : https://dx.doi.org/10.4314/ijbcs.v17i2.20
Original Paper http://ajol.info/index.php/ijbcs http://indexmedicus.afro.who.int
Disponibilité et valorisation des épluchures de manioc en alimentation animale
en Côte d’Ivoire : cas de la commune de Yamoussoukro
Kouakou N’Guessan Stanislas KOBENAN1,2, Cho Euphrasie Monique ANGBO-KOUAKOU3,4,
Kouassi Arsène SAORÉ5 et N’Goran David Vincent KOUAKOU1*
1Unité Mixte de Recherche et d’Innovation Sciences Agronomiques et Génie Rural, Institut National
Polytechnique Félix Houphouët-Boigny, B.P. 1093 Yamoussoukro, Côte d’Ivoire.
2Ecole Doctorale Polytechnique, Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny, B.P. 1313
Yamoussoukro, Côte d’Ivoire.
3Unité Mixte de Recherche et d’Innovation Laboratoire Droit, Economie et Gestion, Institut National
Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-HB), B.P. 1093 Yamoussoukro, Côte d’Ivoire.
4UMR Innovation, CIRAD Montpellier, B15, 73 rue JF Breton 34398 Montpellier Cedex 5 France.
5Ecole Formation Continue et de perfectionnement des Cadres, Institut National Polytechnique Félix
Houphouët-Boigny, B.P. 1313 Yamoussoukro, Côte d’Ivoire.
*Auteur correspondant ; E-mail : david.kouakou@inphb.ci ; Tél : +225 07 08 393 363.
Received: 02-09-2022
Accepted: 02-02-2023
Published: 28-02-2023
RESUME
En Côte d’Ivoire, la transformation agro-alimentaire du manioc engendre des épluchures dont
la valorisation semble insatisfaisante dans plusieurs villes du pays tel que Yamoussoukro. Afin
d’estimer les quantités d’épluchures collectées et d’identifier ses différents modes de valorisation dans
la commune de Yamoussoukro, une enquête socio-économique a été réalisée auprès des
transformateurs du manioc, des collecteurs et des utilisateurs d’épluchures. Il en ressort que les 46
transformateurs enquêtés dégagent une quantité estimée à 1 154,95 tonnes d’épluchures par an. Quant
aux 5 collecteurs rencontrés, ils commercialisent 2 344 tonnes par an. Les épluchures sont valorisées
chez les porcs, les bovins et ovins/caprins après avoir subies ou non des méthodes de traitement
comme le séchage au soleil, la découpe et ou l’ajout de sel ou associées à d’autres sous-produits
agricoles tels que : le son de maïs et de riz, la farine basse de riz, les épluchures de banane, d’igname,
la papaye, la drêche de brasserie et le remoulage d'anacarde. Compte tenu des quantités d’épluchures
et des besoins importants en alimentation animale, la mise au point d’un meilleur traitement de ces
épluchures devrait améliorer significativement les revenus des transformateurs et la productivité des
animaux.
© 2023 International Formulae Group. All rights reserved.
Mot clés : Epluchures, Manihot esculenta, utilisation, élevage, nutrition.
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Availability and valorization of cassava peelings in animal feed in Côte
d'Ivoire: case of the commune of Yamoussoukro
ABSTRACT
In Côte d'Ivoire, the agro-food processing of cassava generates peelings whose valorization
seems unsatisfactory in several cities of the country including Yamoussoukro. In order to estimate the
quantities of peelings collected and to identify the different ways in which they are used in the
commune of Yamoussoukro, a socio-economic survey was conducted among cassava processors,
collectors and users of peelings. The 46 processors surveyed produce an estimated 1,154.95 tons of
peelings per year. As for the 5 collectors interviewed, they market 2,344 tons per year. The peelings
are valorized in pigs, cattle and sheep/goats after having undergone or not treatment methods such as
sun-drying, cutting and/or addition of salt or combined with other agricultural by-products such as:
maize and rice bran, rice flour, banana peelings, yam peelings, papaya peelings, brewer's grains and
cashew nut milling. Given the large quantities of peelings and the high feed requirements, the
development of better processing of these peelings should significantly improve the income of the
processors and the productivity of the animals.
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Keywords: Peelings, Manihot esculenta, use, breeding, nutrition.
INTRODUCTION
Le manioc (Manihot esculenta,
CRANTZ), plante pluriannuelle cultivée dans
les régions tropicales de la plupart des pays
d’Afrique (Elian et al., 2021), est la quatrième
production végétale au monde et contribue à
l’alimentation de la population mondiale après
le riz, le blé et le maïs (Moreno-Cadena et al.,
2021). Sa production mondiale est estimée à
303,6 millions de tonnes dont 192 millions de
tonnes produites en Afrique (Cruz et al., 2021).
En Côte d’Ivoire, le manioc est l’une des
principales cultures vivrières consommées
dans toutes les régions (Yao et al., 2015 ;
Mendez Del Villar et al., 2017). Cette culture a
connu un essor important au cours des dix
dernières années, avec une production qui a
progressé à un rythme annuel de 8,5% par an
entre 2005 et 2015 (FAOSTAT, 2017), faisant
passer la production nationale de 2,2 à 5,3
millions de tonnes (Barussaud et Adou, 2019).
Aussi, la consommation de manioc se place-t-
elle au deuxième rang, après l’igname et devant
le riz (Mendez Del Villar et al., 2017). En
raison de sa forte demande intérieure, le
manioc occupe une place importante dans la
politique ivoirienne de sécurité alimentaire
(Perrin et al., 2015). En effet, les produits à
base du manioc comme l’attiéké (semoule de
manioc), sont beaucoup consommés dans les
principaux centres urbains. C’est le cas de la
capitale économique (Abidjan) et son
agglomération, qui constituent la plus forte
zone de consommation de l’attiéké en Côte
d’Ivoire. Dans cette ville, un plat à base
d’attiéké appelé Garba accompagné de
morceaux de poisson (faux thon) marinés dans
la farine de boulangerie déclassée et frit à très
haute température dans de l’huile de palme
dénaturée et réutilisée est très prisé. Ce plat
permet à environ 80% de la population des
villes (élèves, étudiants, salariés, chômeurs,
enfants de la rue et commerçants) de
s'alimenter aisément en dehors du foyer et à
faible coût (Koffi et al., 2019 ; Soula et al.,
2020). Yamoussoukro, capitale politique de la
Côte d’Ivoire, n’en demeure pas en reste du
phénomène du Garba. Du fait de son
ralliement avec Abidjan par l’autoroute (230
km), la commune de Yamoussoukro fait partie
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des principales villes qui ravitaillent Abidjan
en produits dérivés du manioc (attiéké, placali,
gari, farine de manioc, etc.) (Nitidae, 2019).
Cependant, la transformation du manioc
en ses divers produits dérivés dégage des sous-
produits solides (épluchures et fibre central) et
liquides (eau de lavage et de pressage)
(Guembo et al., 2021). Les épluchures qui
représentent jusqu'à 20 à 35% du poids total de
la racine transformée sont les sous-produits
solides de manioc les plus abondants et les plus
nuisibles à l'environnement (Oghenejoboh et
al., 2021). Pour tenter de réduire l’impact
négatif de ce sous-produit sur l’environnement,
des voies de valorisation (utilisation des
épluchures de manioc dans l’alimentation
animale, production du biogaz, production des
champignons, production de charbon actif,
etc.) ont été mises en œuvre par certains auteurs
(Odediran et Ojebiyi, 2017 ; Kouadio et al.,
2020 ; Cruz et al., 2021 ; Kayiwa et al., 2021).
Malgré les contributions importantes de
la commune de Yamoussoukro dans
l’approvisionnement en produits dérivés de
manioc de la ville d’Abidjan, il s’avère qu’il
existe très peu d’informations sur les
disponibilités des épluchures de manioc, leurs
modes de valorisation dans la commune. Ainsi,
afin d’y remédier, une équipe pluridisciplinaire
d’Enseignants - Chercheurs en Innovation,
Elevage, Nutrition et Environnement, a initié
un programme de recherche sur la thématique
de la valorisation des épluchures de manioc,
avec le financement du Centre d’Excellence
Africain en Valorisation de Produits (CEA-
VALOPRO) de l’Institut National
Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-
HB). L’objectif de cette étude était d’estimer
les quantités d’épluchures collectées chez les
transformatrices d’attiéké et d’identifier les
différents modes de valorisation de ses
épluchures en élevage dans la commune de
Yamoussoukro.
MATERIEL ET METHODES
Zone d’étude et population mère
L’étude s’est déroulée à
Yamoussoukro, la capitale politique de Côte
d’Ivoire. Le choix de cette commune se justifie
par le fait qu’elle fait partie des grandes zones
de production et de transformation du manioc.
Aussi, la ville est-elle un lieu d’intense activité
de production de l’attiéké. Elle est reliée à
Abidjan (la capitale économique) par une
autoroute. La population mère était les
transformateurs de manioc, les collecteurs et
les utilisateurs d’épluchures ayant au moins un
an d’expérience.
Méthode d’enquête et technique
d’échantillonnage
La détermination de la population mère
a été faite à partir d’une enquête censitaire
effectuée au préalable dans la commune de
Yamoussoukro auprès de l’Agence Nationale
d’Appui au Développement Rural (ANADER),
du Ministère de l’Agriculture et du
Développement Rural (MINADER) et du
Ministère des Ressources Animales et
Halieutiques (MIRAH). Ces enquêtes
censitaires avaient pour objectif d’obtenir des
bases de sondages actualisées des organisations
des acteurs. Ainsi, 78 transformatrices, 5
collecteurs et 289 utilisateurs ont été identifiés.
La méthode d’échantillonnage retenue dans la
présente étude est l’échantillonnage par
stratification à choix raisonné en fonction des
trois types d’acteurs. Au total, une sous-
population de 152 acteurs a été enquêtée,
repartie par strate avec 46 transformatrices, 5
collecteurs et 101 utilisateurs.
Méthode de collecte de données
La collecte des données primaires a
été réalisée lors d’enquêtes qualitatives et
quantitatives qui avaient été précédées par
l’élaboration d’un questionnaire et la
réalisation d’une pré-enquête pour tester le
questionnaire. Les données collectées étaient
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relatives aux caractéristiques socio-
économiques de la transformation du manioc,
de la collecte et de l’utilisation des épluchures
issues de cette transformation. Les différentes
thématiques du questionnaire sont résumées
dans le Tableau 1. L’estimation globale des
disponibilités en épluchures chez les acteurs a
été réalisée, entre autres, sur la base des
fréquences hebdomadaires de production et des
quantités produites, collectées ou valorisées
par saison (sèche ou pluvieuse). A
Yamoussoukro, la saison sèche qui couvre les
mois de décembre, janvier, février et mars a
duré 17 semaines. Quant à la saison pluvieuse,
elle a duré 35 semaines, du mois d’avril à
novembre.
Analyses statistiques
Les différentes données collectées ont
fait l’objet d’une codification avant d’être
saisis à l’aide du tableur Microsoft Excel
(2016). Le logiciel XLSTAT a été utilisé pour
l’analyse statistique descriptive et la typologie
des transformatrices. L’analyse typologique a
été réalisée grâce à une analyse à composante
principale (ACP) sur les données brutes
(fréquence de production, durée de la
production, l’expérience, la main d’œuvre et le
nombre d’enfant à charge), suivies d’une
classification ascendante hiérarchique (CAH)
avec un paramétrage standard (distance
euclidienne, méthode de Ward, troncature
automatique). Les données d’entrées de la
CAH ont été les coordonnées des individus
pondérées par les pourcentages d'inerties sur
les axes, non centrés réduites (Salem et Lebart,
1994) comme l’ont fait Kouakou et al. (2011).
et Faihun et al. (2017).
Tableau 1: Présentation des thématiques du questionnaire destiné aux acteurs.
Informations recherchées
Thématiques
Transformation
Collecte d’épluchures
Utilisation
d’épluchures
1. Socioéconomiques
Nom, sexe, âge, niveau d’instruction, taille du ménage, etc.
2. Caractéristiques
générales
Type, fréquence,
quantité, etc.
Site, disponibilité, quantité,
prix d’achat, fournisseur, etc.
Système d’élevage,
espèce animale,
effectif du cheptel,
etc.
3. Production et
postproduction
Main d’œuvre utilisée, mode opérationnel de chaque activités, coûts afférents,
outils utilisés, etc.
4. Commercialisation
Quantité commercialisée, type d’acheteurs, lieu de vente, type de transaction, etc.
5. Risques et
incertitudes
Risques liés au financement, aux conflits de cohabitation, etc.
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RESULTATS
Transformatrices de manioc
Données socio-démographiques
Les transformateurs de manioc sont en
majeure partie des femmes qui produisent de
l’attiéké à partir du manioc frais. Celles-ci
représentent 97,9% des transformateurs du
manioc. Elles ont un âge compris entre 35 et 60
ans. Une proportion de 58,7% des
transformateurs enquêtés n’a pas été scolarisée.
Seulement 41,3% d’entre elles sont instruites
dont 26,1% ont un niveau primaire et
seulement 15,2% ont le niveau secondaire. Ces
femmes ont une expérience moyenne de 15
ans. La majorité d’entre elles épluche leur
manioc manuellement à l’aide d’un couteau ou
d’une machette. Par ailleurs, elles mènent leurs
activités de manière traditionnelle (97,8%) ou
semi-moderne (2,2%), un à six fois par semaine
durant toute l’année.
Typologie des transformateurs de manioc
Les deux axes factoriels obtenus à partir
de l’analyse des composantes principales
(ACP) ont permis d’avoir un pourcentage
cumulé de variance expliquée de 63,94%. La
classification ascendante hiérarchique a révélé
trois classes (Figure 1) :
La classe 1 présente des transformateurs qui
produisent en général deux fois par semaine.
Les chefs de ces unités sont moins âgés et ont
moins d’enfants.
La classe 2 présente les transformateurs dont
la fréquence de production varie de 3 à 4 fois
par semaine. Les chefs de ces unités de
transformations sont plus âgés avec plus
d’enfants dans les familles.
La classe 3 met en relief des transformateurs
dont la fréquence de production varie de 5 à 6
fois par semaine avec bien sûr, une durée de
transformation plus réduite. Ceux-ci ont plus
d’expérience dans l’activité.
Quantité d’épluchures de manioc produite
En saison pluvieuse, les classes de
transformateurs (1, 2 et 3) produisent 257,25,
de 197,75 et de 460,25 tonnes quantités
moyennes d’épluchures de manioc
respectivement contre 62,9, de 61,2 et de 115,6
tonnes en saison sèche. La quantité annuelle
d’épluchures de manioc produite par les
transformateurs rencontrés est de 1154,95
tonnes. Les épluchures sont conditionnées dans
des sacs de polypropylène tissé de 50 kg et
vendues aux collecteurs à hauteur d’environ
252 et 402 F CFA respectivement en saison
pluvieuse et en saison sèche (Tableau 2).
Quantité d’épluchures de manioc perdue
Le tiers des transformateurs (34,8%)
révèle qu’environ 135,2 tonnes d’épluchures
produites sont invendus. Ces épluchures se
retrouvent soit dans la nature, soit dans les
poubelles. La quantité annuelle d’épluchures
de manioc valorisée dans l’alimentation
animale par les 46 personnes enquêtées est de
986 tonnes soit 87,7% de la production totale.
Collecteurs d’épluchures de manioc
Les collecteurs d’épluchures rencontrés
sont composés uniquement d’hommes
allogènes (maliens) dont l’âge est compris
entre 20 et 35 ans. Non scolarisés, ils ont une
expérience moyenne de 6 ans. Les épluchures
sont conditionnées dans des sacs de
polypropylène tissé de 50 kg puis sont
transportées à l’aide de moto-tricycle vers les
utilisateurs situés sur les marchés à bétail et sur
les fermes. Selon nos estimations, les
collecteurs rencontrés revendent environ 2 344
tonnes d’épluchures par an. Le prix de vente
des sacs de 50 kg d’épluchures varie de 710 à
1000 F CFA selon les saisons. Cette activité est
relativement lucrative avec un revenu net
mensuel de 241 643 F CFA par collecteur.
Utilisateurs d’épluchures de manioc
Les utilisateurs sont des éleveurs
composés d’adultes hommes (89,5%) et de
femmes (10,5%) dont l’âge varie entre 35 et 45
ans majoritairement. Ils ont pour la plupart
(70,5%) un niveau d’instruction et une
expérience moyenne de 8 ans. Ces derniers
sont composés de 38,9% d’autochtones, 35,8%
d’allochtones et 25,3% d’allogènes. Les
systèmes d’élevage sont semi-modernes (80%)
et traditionnels (20%). Ce sont environ 621,9 et
1 474,2 tonnes d’épluchures qui ont été
distribuées aux animaux respectivement en
saison pluvieuse et en saison sèche.
L’enquête révèle que les épluchures
sont valorisées en l’alimentation animale par
les éleveurs de bovins, de petits ruminants
(ovins/caprins) et de porcs avec des taux
d’utilisations respectifs de 100%, de 92,3% et
de 68%. La majorité (78,2%) des éleveurs
soutiennent que les épluchures de manioc sont
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bénéfiques pour leurs animaux tandis que
21,8% les utilisent parce que les autres éleveurs
le font. Près de la moitié des éleveurs (40%) qui
achètent les épluchures, les sèchent sur une
bâche pendant environ 4 à 7 jours avant de les
distribuer aux bovins et petits ruminants.
D’autres éleveurs (14,6%), les distribuent à
l’état frais aux porcs. Ce faisant, ces derniers
enregistrent généralement des retards de
croissance et des mortalités dans leur élevage.
Une autre catégorie (23,6%) des éleveurs
préfèrent découper les épluchures fraîches en
petit morceau à l’aide d’un couteau ou d’une
marchette, puis, ils les assaisonnent avec du sel
avant de les distribuer aux petits ruminants.
D’autres utilisateurs (21,8%) associent les
épluchures fraîches avec des sous-produits
agricoles comme : le son de maïs et de riz, la
farine basse de riz, les épluchures de banane,
d’igname, la papaye, la drêche de brasserie et
le remoulage d'anacarde avant de les distribuer
aux porcs et petits ruminants.
Les éleveurs de lapins, de volailles et de
poissons n’utilisent pas les épluchures. Parmi
les non-utilisateurs, 42,5% déclarent utiliser
l’aliment industriel et 37,5% ne savent pas que
c’est utilisable chez les animaux. Les autres
estiment que les épluchures retardent la
croissance et entrainent quelquefois la
mortalité de leurs animaux.
Figure 1: Evaluation des classes de transformateurs.
Tableau 2: Production et prix moyen d’épluchures de manioc.
Fréquence de production
hebdomadaire
Saison pluvieuse
Saison Sèche
Quantité (T)
Prix (F CFA)
Quantité (T)
Prix (F CFA)
Deux productions
257,25
254
62,9
423
Trois à quatre productions
197,75
288
61,2
363
Cinq à six productions
460,25
215
115,6
421
Classe 3 : Fréquence de
transformation élevée (5 à 6
fois)
14 individus, soit 30,4%
92,85% « Plus de 8 ans
d’expérience »
64,28% « 5 à 9 enfants »
50% « âge compris entre 25 et
40 ans »
92,85% « deux jours de
transformation »
Classe 1 : Fréquence de
transformation faible
(2 fois)
16 individus, soit 34,9%
59,25% « Plus de 9 ans
d’expérience »
87,5% « moins de 5 enfants »
75% « âge compris entre 25 et
40 ans »
68,75% « deux jours de
transformation »
Classe 2 : Fréquence de
transformation moyenne (3
à 4 fois)
16 individus, soit 34,9%
43,75% « Plus de 8 ans
d’expérience »
81,25% « plus de 6 enfants »
93,75 « âgé de plus de 40
ans »
50% « deux jours de
transformation »
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DISCUSSION
L’étude a rassemblé les caractéristiques
des transformateurs, des collecteurs et des
utilisateurs d’épluchures de manioc dans la
commune de Yamoussoukro. Elle a mis en
évidence les différentes quantités d’épluchures
produites, collectées et utilisées par ses acteurs.
Le pourcentage élevé de femmes
transformatrices du manioc est dû au fait que la
transformation du manioc frais est une activité
familiale traditionnelle dévolue aux femmes
qui manquent de moyens financiers pour
l’achat de matériel adéquat (Barussaud et
Adou, 2019 ; Mendez Del Villar et al., 2017).
A ce sujet, Ehinmowo et Fatuase (2016) ont
montré, dans le cas de l'adoption de
technologies améliorées de transformation du
manioc par des femmes entrepreneures dans le
sud-ouest du Nigéria, que le coût élevé des
équipements, la non-disponibilité de
l'équipement, la difficulté à faire fonctionner
les machines et le manque de connaissances,
ont été les principaux défis affectant l'adoption
des technologies améliorées de transformation
du manioc. L’achat de matériel pour la
transformation pourrait être effectif si ces
femmes s’organisaient en coopérative afin de
bénéficier d’une subvention commune.
L’activité de collecte d’épluchures est
très physique, elle nécessite assez de
déplacement et utilisation d’un engin de
collecte qui est mieux manipulable par les
hommes. Cette activité relativement lucrative
pourrait permettre de contribuer à la réduction
du taux de chômage des jeunes dans la
commune de Yamoussoukro. A cet effet, selon
Kouakou et Koba (2015) le chômage est
essentiellement urbain, surtout de longue
durée, et il affecte davantage les jeunes
diplômés. Quant à la forte quantité
d’épluchures collectée, elle serait due au fait
que les collecteurs collectaient souvent dans
des villages situés aux alentours de la
commune de Yamoussoukro.
L’utilisation importante des épluchures
pendant la saison sèche pourrait s’expliquer par
le fait que pendant cette saison, les éleveurs
font face à une absence de fourrages pour
l’alimentation de leurs animaux. Ainsi, ils
considèrent les sous-produits agro-industriels
comme une ressource alimentaire importante
pour faire face aux difficultés d’alimentation
du cheptel causée par le changement
climatique avec le déficit fourrager (Montcho
et al., 2017).
Les techniques de traitement adoptées
par les éleveurs permettent d’améliorer la
qualité nutritionnelle des épluchures de manioc
avant leurs distributions aux animaux. En effet,
les épluchures contiennent des teneurs
importantes d’une substance toxique (acide
cyanhydrique) qui réduit fortement les
performances des animaux et conduit souvent
à leurs morts (Ikpesu et al., 2016). La libération
de cette toxine (acide cyanhydrique) peut se
produire par hydrolyse enzymatique par la
linamarase, enzyme hydrolysant les glycosides
cyanogénétiques, à la suite d’une macération
ou d’une blessure de la plante. Le glycoside est
transformé par voie enzymatique en
cyanhydrine correspondante, qui se décompose
ensuite rapidement pour former du cyanure
d’hydrogène (HCN) et une cétone (Cressey et
Reeve, 2019). Pour tenter d’éliminer l’acide
cyanhydrique, Kouadio et al. (2020) ont séché
les épluchures sur claie pendant 5 jours, ce qui
a fait passer la teneur en acide cyanhydrique de
112 mg/kg à 23 mg/kg. La méthode du
rouissage des épluchures s’est avérée meilleure
dans la réduction du cyanure par rapport à
l'ensilage ou le séchage au soleil (Olafadehan
et al., 2012). La méthode de fermentation
permet l’amélioration de la composante
nutritionnelle et la réduction de la teneur en
cyanure des épluchures de manioc (Adeleke et
al., 2017).
Hormis les méthodes de traitement des
épluchures pour l’alimentation animale,
d’autres voies de valorisation des épluchures
sont développées par certains auteurs. En effet,
les épluchures de manioc peuvent être utilisées
pour la production de biogaz (Cruz et al.,
2021), de champignon (Sonnenberg et al.,
2015) et du charbon actif (Kayiwa et al., 2021).
Conclusion
Cette étude a permis d’évaluer la
disponibilité des épluchures de manioc, de
déterminer les modes de valorisation effectuée
dans la commune de Yamoussoukro. Ainsi, les
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résultats de l’enquête montrent que les
épluchures ne sont valorisées que par les
éleveurs dans l’alimentation des bovins,
caprins/ovins et porcins. Par ailleurs, les
quantités disponibles montrent que les
épluchures pourraient constituer une véritable
source d’aliment non négligeable à moindre
coût pour les animaux, une fois les facteurs
antinutritionnels réduits et la digestibilité
améliorée par des méthodes alternatives de
traitement. Aussi, importe-t-il que d’autres
travaux scientifiques soient menés à cet effet.
CONFLITS D’INTERETS
Les auteurs déclarent qu'ils n'ont aucun
conflit d'intérêts.
CONTRIBUTIONS DES AUTEURS
Les auteurs KN’SK, CEMA-K, KAS et
N’DVK ont contribué de manière significative
à la conception et à la mise en place du plan de
travail et à la collecte des données. KN’SK,
CEMA-K, KAS et N’DVK ont contribué de
manière significative à la collecte des données,
à l’analyse et interprétation des résultats. Tous
les auteurs suscités ont participé à
l’organisation des idées, à la révision du
contenu intellectuel du document et sont à
mesure d’en défendre individuellement le
contenu.
REMERCIEMENTS
Les coauteurs tiennent à remercier le
Centre d’Excellence Africain en Valorisation
de Produits (CEA-VALOPRO) de l’Institut
National Polytechnique Félix Houphouët-
Boigny (INP-HB) et toutes les personnes
physiques ou morales qui ont contribué de près
ou de loin à l'obtention des présents résultats.
REFERENCES
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Agboola YA. 2017. Effect of
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