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MÉTABIOL OGIE DU MOUV E M E N T ENT ÉLÉCHIQUE
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I-2) Les mouvements irrationnels dans le postkantisme : mouvements
de dépassement de l’Idéologie ?
Métaphysiquement, c’est bien le devenir qui imprim e à l’être son mode
d’articulation avec la contingence, mais nul n e peut se revendiquer
dignement d’Héraclite dans la mesure où sa pensée est définitivement
ensevelie108. Au sein de la métaph ysique le devenir est rappelé, par
l’être, à sa co ndition d’être, à sa permanence. Toute l’entreprise
métaphysique occidentale, répétée benoîtement par Heidegger es t une
tentative de réduction des possibles pour condamner l’avenir à être une
copie du présent de l’être. L’être rappellerait sans cesse le devenir à un
retour sur lui-même, c’est - à-dire à son propre être, à un éter nel retour.
C’est-à-dire encore que lors du déploiement du devenir, l ’être résiste rait
à sa disparition, à son opposé linéaire dirait Arist ote, qui est son non-
être. Or, selon la métaphysique aristotélicienne, support de notre
métaphysique, qui doit tendre vers le biologique par une étude des
mouvements, l’ouverture de l’être n’implique nullement qu’i l tende vers
son contraire, le non-être (ou historiquement le nihilisme), car l’êtr e
animé n’est pas un mobile de la ph ysique soumis au temps physique,
l’être animé est un être soumis au temps de l’âme. Or, si le mobil e en
physique e st pr is dans un mouvement linéaire qui le fait tendre vers son
contraire qui est le non-être, l’être animé, soumis au temps de l ’âme,
échappe, en so n fondement premier, au temps p hysique. Une théorie
physique de la contingence d es objets du mond e ne peut pas être
identique à une théorie de la contingence des objets ani m és du monde.
De la même manière, c’est en cel a que nous ne pouvons admettre le
nouage hégélien bien que nous accep terons ce possible,
métaphysiquement, en intégrant l e mouvement dialectique co mme
108 La source interprétative f a u t i v e d e l a p hilosophie d’Héraclite c hez He ge l v i e ndrait
du né o p yrrhoni ste Éné s i d è m e , c f . l’article de Cristina Vi a n o , « É né s id è m e selon
Héraclite : La s u b s t a nce corpo r e l l e d u temps. », Revue d e l a Fran c e e t de l ’ é t r a n g e r,
2002/2 – T o me 127, n° 2 , p p . 1 4 1 - 1 5 8 . C o mme nous l’avons déjà vu, beaucoup de
fragments d’Héraclite ne sont p lus reconnus co mme authentiques et ce travail d e
mésinterprétation d’Héraclite, dans l ’œuvre de N i e t zsche c e t t e fo i s , co m me nc e r a
avec Jacob Bernays .
Régis LAURE NT , MÉTAPHYSIQUE DU TEMPS CHEZ ARISTOTE, Vol. II.
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deuxième mouvement irrationnel109. Toutefois, au regard de la substance
elle-même, l’être en tant qu’étant animé ne tend pas vers son non-être,
en son essence première, il n’y tend que par son mode d’exister dans le
temps, mode d’existence soumis implacablement au changement du
monde auquel il appartient, l e monde sublunaire. Si donc le néant est
nouable avec l’être, c e nouage ne peut être substantiel, il n ’est
qu’existentiel et do nc possiblement accidentel. Nous verrons al o rs qu’il
tend vers son non-être qu’une f ois engagé dans le temps physique,
qu’une fois sou mis au changement du temps physique. Tant G. W. F.
Hegel que F. Nietzsche, en partant du temps ph ysique pour comprendre
l’être, n ’ont pas respecté ce lieu de fracture aristotélicien entre l e temps
physique et le temp s de l’âme , comme nous ne cesserons de le rapp eler
au sein de ce développement. Nous disons donc qu’il y a une erreur
manifeste du p oint d e vue du sensible et une illusion du point de vu e de
l’intelligible, non pas po ur cond amner ces penseurs puisque la
métaphysique n’a rrête pas le temps pour juger t el un juge a u sein de son
tribunal, mais pour bien faire comp rend re la nature m ême de ce qu e nous
nommons « l’Idéologie »110 depuis le début de ce travail, depuis notre
analyse du temps chez Platon111. Nous pensons que toute Id éologie naît
toujours d’un e erreur de modélisation de l’être, toute idéologisation du
109 Pour en revenir à l’étymolo gie, o n p o u r r a i t p a r l e r d e mouvements « a b s u r d e s »,
c’est-à-dire « sourd s » ( a s s a m e n a r a b e ) c a r i n a u d i b l e s p a r l ’ e n t e n d e ment, selon le
mathématicien perse A l K w a r i z m i ( n o m qui d o n ner a l e t e r m e « al g o r i t h m e » en
français), co m m e le so nt l e s no mbres irrat io n n e l s (c f . Al Kwa r izmi, Le
Commencement d e l’alg è b re , t r a d . Roshd i Rashed , Libr air i e A. B l a n c h a r d , 20 0 7 ) . O n
pourrait également p a r l e r d e m o u v e ments « a b e r r a nts » e n s ui v a n t G i l l e s D e l e u z e
(cf. Da v i d Lapo u j a d e , D e l e u z e , Les mouvements aberrants , Les Édit ions de Mi nuit,
2014). Mai s n o u s conservero ns l ’ a d j e c t if « i r r a t i o nnel » c a r ce t e r m e renvoie à s a
découverte p r e miè r e par les p y t h a goricie ns. Or, justement, « i r r a t i o n n e l » ne v e u t
pas dire « sourd » ou « aberrant », ma i s au cont r a ire rationnel, selon un a u t r e ordre
que ce l u i du la n g a ge qu’il soit appuyé su r des no mbres (algèbre) ou encore ap p uyé
sur d e s images ( phantas m a t a ) , géométriques (géométrie) o u non gé o m é t r iques
(onirologie). D e plus, l’activité d i u r n e doit r ejoindre l’activité n o c t u r ne a u s e i n
même d ’ u ne théor ie de l a co n n a i s s a n c e un i q u e et auto no me par r a p p o rt à u n e th é o r i e
des valeurs qui se mêle toujo u r s a u x m o t s e t a ux images.
110 Nous a v o n s no t é l’ « id é o l o g i e » p latonic ie n n e av e c « i » minus c u l e fa i s a n t pe nser
que l e pl a t o n i s me était une idéo lo g i e , au se n s poli t ique du ter me . Po u r en fi n i r av e c
cette co n f usio n, n o us noterons t o u j o u r s l ’ id é o l o g i e que nous r e c herchons en l a
spécifiant graphiquement avec « I » majuscul e. L’Idéologie est au f o n d e ment d e
l’idéologie co m m e forme p r e m i è r e de r é al i s a t i o n possible de t o utes les i d éologies
philosophiques et politiques.
111 N o u s allons d o nc no u s ex p l i q uer sur ce t te vio l e n ce apparue d a ns le pr emier t o me
qui a été p r i se p o ur u n f o r çage « o d i e u x » d u p l a t o nisme. E n e ffet, dire que Plato n a
produit une Idéologie et non un e p h i l o s o p h i e p a raît une héré s ie p h i l o s o p h i q ue.
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monde n’est qu’un essai apr ès -coup de retour à l’être, chemin de retour
qui est nécessairement introuvable , car l’être lui-même est introuvable,
faute de ne pas avoir été mo délisé correctement initialement. On pourra
avancer que notre analyse de l’Idéologie est idéaliste, dans l a mesure où
pour reléguer une vision de monde à ce statut, il faudrait avoir, en
premier lieu, une théorie de l’être univoque, dont la dista nciation
révélerait le degré d’Idéologisation du savoir. Or, l ’être se disant, par
définition, de plusi eurs manières, c ette division entre métap h ysique et
Idéologie ne serait pas pertinente, car elle ne serait qu ’une te ntative de
subsumer une théori e de l ’être en ta nt qu’étant au-dessus d’une autre. Le
dépassement d u platonisme nietzschéen et heideggérienne ne serait donc
qu’une prise de position idéologique. Notre division ne ser ait donc pas
métaphysique mais Idéologique elle -même. Pourquoi donc notre
critérium entre mét aphysique et idéol ogie ne serait-il pas
idéologique lui-même ? Aurions-nous la prétention de proposer une
théorie de l’être en tant qu’ét ant vraie, ce qui nous chasserait
immédiatement de la filiation aristotélicienne ? La questi o n ne se pose
plus exactement de cette manière depuis E. Kant.
Prétendre proposer une théorisation possib le de l ’êt re en tant q u’étant
vraie serait prétendre accéder à l’objet en soi, au noumène. En effet, si
nous avions une théorie de l ’être en ta nt qu’étant vraie alors cet être
serait l’être-même, c’est-à-dire le « noumène ». Or, le mon de en soi est
inconnaissable, nous ne le c onnaissons que par le phénomène ; une
théorie de l’être en tant qu’étant vraie semble donc impossible , soumise
qu’elle est aux injonctions de la vérité à n ’être qu’un chemin vers la
science. C omprenons bi en que le kantisme a renversé la question de la
vérité et c ’est ce qui en fait une métaphysique reconnaissable et
reconnue. Il ne s’agit plus de constituer un savoir que l’on soumet
ensuite à des critères de vérification par l’usage des syllogismes en
logique ou par l’usage de la fal s i f ication expérimentale, en ph ysi que, il
s’agit de constituer les conditions a priori de la vérit é. C’e st la raison
pour laquelle l’école de M arbour g tentera vainement d ’intégrer la
Régis LAURE NT , MÉTAPHYSIQUE DU TEMPS CHEZ ARISTOTE, Vol. II.
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catastrophe u l t r aviolette des physiciens au sein du kantisme112, tentative
vaine, qui entraînera son extinction113 et le divorce irrémédiable entre les
développements spectaculaires de la nouvelle ph ysique et la philosophie
qui pa raissait, rel ati vem ent, décliner ; divorce qui culminera en France
par le terrible livre d’Henri Bergson sur la théorie d e la relativité114, pour
ne se limit er qu’à la question du temps qui est la nôtre. Ceci, M.
Heidegger le constatera de manière dramatique, ce q ui entraînera son
éloignement de la physique, comme Platon s’éloignera de la ph ys ique
ionienne. C e n’est pas du tout le même mouvement historique mais c’est
le même moment historique. Pl us en co r e, ce drame se t ransformera en
fatalité lorsque cet Idéologue (au sens platonicien du terme) comprendra
que ce qui s e déroulait sous ses yeux avait déjà été pensé par F.
Nietzsche. F. Nietzsche, en effet, dans son mouvement de dépassement
du platonisme, retient tout de même une figure post -platonicienne, le
philosophe sceptique Pyrrhon. L’épochè pyrrhonienne, la suspension du
jugement de vérité sur le monde, reprise par M. Heidegger 115, entraîne
alors ce dernier à se consacrer aux « étants », c’est-à-dire à la question
112 Cf. l e s trava u x d e Ca t h e r i n e Ch e v a l l e y sur le c o n t e x t e ph ysiq ue d e l a r éflexio n d e
M. Heidegger.
113 Ernst C a s s i r e r , De te r m i n i s m u s und Indetermini smu s i n der mode rn e n P h y sik ,
Gôteborgs Hô gsko l a s Arsskrift, 42 : II I (1936) ; traductio n et éd i t i o n a n g l a i s e avec
une préface de H . Margenau, sous l e titre de Determinism a n d I n dete rm i n i s m i n
Modern Physics (Yale Universit y Press, 1 9 5 6 ) . Pour une analyse de ce texte, cf.
l’article de Jean Seiden gar t , « U n e i n t erp r é t a t i o n n é o -k a n t i e n n e d e l a t h é o r i e d e s
quanta », Revue de synth èse , C V I : 1 2 0 ( 1 9 8 5 ), 3 9 5 -418.
114 L’ouvrage Du ré e e t Si m u l t a n é i t é du p h i l o s o p he H e n r i B e r gson qu i e s t i nitiale men t
le produit d’une re n c o n t r e a v e c Albert E i ns te i n n ’ a p a s pu être r e t i r é d e la vente. Cet
évènement s c e l l e la fi n d e t o u t dia lo g u e possibl e entre p h y s i c iens et p h i l o s o p hes. L a
physique est pa s s é e d’une analyse du te m p s physique à l’analyse du te m p s de l’âme
sans s’ e n rendre compte. Que le temps phys i qu e disparaisse de l’o b s e r v a t i o n , voilà
qui n’en e s t q u’une cons é q u e n c e p o ur l ’o b s e r v a t e u r . Qu ’i l n’y a i t p a s d e linéarité, n i
d’irréversibilité d u t e m p s d e l’â me , n o u s le sa vo n s d é j à . Q u’il n ’ y a i t pas d e p a s s é e t
de fut ur du temps de l’âme e n ta n t qu’âme, no u s le savons dé j à depuis Ar i s t o t e . En
bref, que le t e mps de l ’ ê t r e en tant q u ’é t a n t , d a ns so n no uage p r e m i e r , ne se
manifeste p as da n s le te mps ph y s i q u e qui n ’ e n es t qu ’ u n vo i l e m e n t, vo ilà qu i est en
pleine co h é r e n c e av e c no t r e mo n d e co n s t i t ué. La physiq ue demeure so u s la coupe d u
paradigme aristotélicien se lo n leq u e l l ’ â m e d i t l e temps du mo u v e m e n t .
115 À l’épochè de H u s s e rl a s u c c é d é u ne é p o c hè plus r a d ic a l e q ui est c e l l e d e
Heidegger, q u i i m p l i q ue u n e su sp i c io n existentiale sur l ’ ê t r e -mê me, de la même
manière q ue l a psychanal ys e freudien ne i ntroduira u n e suspicion s u r le suje t. Ces
deux pens e u r s , élè ve s de Husserl, ont diffracté l’être en parties, re nd a n t impossible
ensuite sa reconstitutio n co m m e ê t r e q u i e st ce qu’il e st e n t a n t q u ’ ê tre ceci à u n
moment donné qui n’est pas le mo m e n t d o n n é p a r l ’analyse.
MÉTABIOL OGIE DU MOUV E M E N T ENT ÉLÉCHIQUE
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de l’être indépendamment de la question de l a vérité116. F. Nietzsche,
comme M. Heidegger, admet qu’il f au t suspendre la question de la vérité
kantienne, sans quoi la philosophie sera bala yée par les sciences,
sciences qui, seules, répondent aux condit ions a priori de constitution du
savoir, im posées par le kantisme117. Néanmoins l’abandon de l’étude des
sciences, par M. Heidegger, entraî nera la philosophie dans une impasse,
un repli sur l’herméneutique et sa cohérence interne118. Dès lors, la
philosophie se verra confinée, à l’interprétation, à l’herméneutique
formelle et à l’herméneutique sacr ale, pour le dire à la manière d e J .-M.
Salanskis, manière qui décrit assez bien le mouvement de balancier des
études heideggériennes.
Cette dérive heideggérienne nous fait com pr e ndre que si l’épochè
pyrrhonienne paraît la seule v oie possible de résolution du postkantisme,
si la question de la vérité kan tienne p ouvait être suspendue, nous ne
pouvons abandonner cett e tension de l’homme vers son mon de, nous ne
pouvons abandonner cette quête kantienne phénoménale vers l e noumène,
nous devons passer au-delà du grand midi119. Suspendre le procès
définitoire d e la connaissance de la question de la vérité, pour sauv er la
philosophie de la surimposition sci entifique de la ph ysique, ne peut pas
impliquer une suspension de cette quête ve rs l e noumène positi f (ou
après-coup) proposée par l’Opus postumum, quête qui n’est rien d’autre
116 Après avoir é v a c u é la physique de l a p h i l o sophie, H e i d e g g e r avance da n s s o n
livre inachevé Zein und Zei t a u par a g r a p h e 9 sur la b i o l o g i e : « Sou l i g n e r q u ’ à la
question du genre d’être de l’étant que nous somm es nou s - m ê m e s, il n’y a aucune
réponse claire à t r o u ver, aucune réponse fondée ontologiquemen t de façon
satisfaisante d a n s l’ a n t h ropologie, la p sycholo g i e et la b io l o g i e , ce n’ est p a s p o r t e r
jugement sur le travai l p o s i t i f e f f e c t u é p a r ces discip line s. » , trad. Ide m, p . 82.
117 J e cite N i e t z sche : « […] l e contre-p ied scientifique moderne à la croyance e n
Dieu considère l’univers comme un or g a n i sme : cela me donne la na u sée . » ( 1 8 8 1 ,
11 [2001].
118 J.-M. Salanskis, L’H e r m é n e u tique fo rm e l l e , p r emièr e éd i t i o n , C N R S , 1 991.
119 J e cite Nietzsche : « Nous s o m m e s en pl e i n MIDI = É p o c h è ». D o nc n o u s
retournons e n arrière et n o u s retro u vo n s l ’ad ul at i o n de Nietzsche p o ur les
mathématiques e n suivant K a n t. Dans s o n projet d e t hè s e on t r o u v e un c h a p i t r e
intitulé : « I I - La mathématique comme s e u l e c o n n a i s s a b l e », 1 8 6 8 , 62 [26]. Ou
encore : « Il n’y a de connaissance pu r e qu e de ce qu i est mathématique », 62 [39].
Et enfin : « Seu l le s t rictement ma t h ématique s’exp lique da n s la N a t u r e . », 62 [4 0 ] .
Mais Ni e t z s c he, qui avait failli rat e r son ba c à cause de sa no t e en ma t h é m a t iques,
n’ira p a s pl u s av a nt dans ces rec h e r c h e s . Et lo r s que W ilamo wi t z le clouera au pi lo r i
pour cette r a ison, pour cette méconnais sa nc e de cette sente nc e cano n iq u e
platonicienne « Nul n’ e n t r e r a ici s ’ il n’ e s t pas géomèt re », Ni e tzsche ir a vérifier le
niveau e n mat hé ma t i q u e de Go e t he avant de s e re n d r e co m p t e qu e ce t t e gra v e lac u n e
lui était spécifique.
Régis LAURE NT , MÉTAPHYSIQUE DU TEMPS CHEZ ARISTOTE, Vol. II.
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que la possibilité même de constitution d’une métaph ys ique de l’être en
tant qu’ét ant sur le chemin de la constitution de l’être en tant qu’être,
chemin app u yé sur le concept de temps 120. Pourquoi ? Pour la bonne et
simple raison que nous en sommes le produit en tant qu’étant, c’est-à-
dire en tant qu’être situé da ns ce monde -ci et pas dans un autre. Nous
sommes tous le produit en tant qu’ét ant de la somme de cette quête, qui
nous fait tendre historiquement vers l e monde construit dans lequel nous
nous mouvons 121. Nous continuons donc toujours à tend re vers le monde,
fort de l’h éritage histori que de la compréhension de ce dernier, ce qui
montre que l’épochè pyrrhonienne est un vœu méthodologique
irréalisable122. Nous ne voulons pas dire, par là, que la suspens ion de la
question de l a vérité ne sera toujours qu’apparente, qu’elle entraînera la
conséquence selon laquelle une vérité ne serait valable qu’à un moment
donné de la construction du savoir et do nc qu’il ne pourrait y avoir de
conditions a priori d e la vérité puisqu ’il existe un domaine qui n ’est p as
une scienc e qui tend vers le noumène : l a mathématique. La
mathématique nous rappelle sans cesse, nous dit Kant ,