ArticlePDF Available

Nouvelle démonstration du tétractys de Pythagore, ouverture de l'Etre en "Etant-ceci-là" et puissance de la puissance

Authors:
  • VILLEGAGNONS-PLAISANCE
MÉTABIOL OGIE DU MOUV E M E N T ENT ÉLÉCHIQUE
79
I-3) Tripartition du logos kantien et fondement de lIdéologie
Nous devons donc clore désormais lensemble de lépisode post -kantien
en revenant à Kant lui-même ; il con vient de criti qu er le criticisme lui -
même. Nous avons reconnu d ans la division entre esthétique
transcendantale (A) et la logique transcendantale (B), la brisure
tectonique entre le monde ionien et le monde hellénique, brisure dont la
résolution par symphyse a constitué le logos (conglomérat hérité) grec
panhellénique lui-même. La métaphysique de Kant est donc bien une
acceptation du lo gos grec et pas un autre , cest une synthèse historique
qui sappuie sur lhistoire et non sur un a priori. Si cela peut paraître
saugrenu pour un kantien, faisons simplement remarquer que la CRP est
inachevée. La partie III, chapitre 4, in titul ée « Histoire de la raison
pure », ne comporte que quatre pages Ce chapitre fait suite au chapitre
3 sur l arc hit ectonique de la raison pure dont les développements vont
condamner Kant à écrire sa Faculté d e juger. Pour la p r emière fois Kant
se rend compte qu e la priori peut être appu yé sur une genesis et donc
que le logos pourrait être temporel. Comprenons bien que le logos
kantien se heurte non pas seul em ent au problème de la temporalisation
de la priori dont la Critique de la faculté d e j u g er rendra compte, mais
également à la possibilité du ne temporalité même du logos, cest-à-di re
que le temps ne serait pas ex térieur au lo gos mais bien à lintérieur du
logos et donc l a notion da priori serait possiblement fausse et illusoire.
À ce moment précis, Kant abandonne le modèle newtonien avant dy
revenir dans ses Prolégomènes à tout e taphysique future. N ous y
voyons un équivalent métaph ysique de la catastrophe m athématique de
Kurt Gödel165. P ourquoi ? Parce c e qu e si Kant a construit la priori, la
priori est un e construction mentale. Mais si la p riori est une
construction mentale, alors la prior i est constructible. Mais si la priori
est cons tru cti bl e, il est soit le produit dune construction passée et donc
165 K urt Gödel p o s e r a un t h é o r è me d incomplét u d e et un théorème d i n c o n s i s t a n c e
qui e s t l e suivant : Si T est u n e théor ie cohére nt e qui satisfait d es hypothèses
analogues, l a co h é r e n c e de T, q u i peut s e x primer dans l a t héor ie T, ne s t pas
démontrable dans T. Quun po stulat ne soit pa s démontrable, nous le savions déj à,
mais qu e la ca usa li té première so it à recherc her en de h o r s de le nsembl e constitué,
voilà qui est lapport de cette démonstra tio n. Q u e l l e e s t c e t t e c a u s alité pr e mi è r e ?
Cest la sensation, donc l e m p i r i s m e l o gique serait la seule voie d u co n n a î tr e .
Régis LAURE NT , MÉTAPHYSIQUE DU TEMPS CHEZ ARISTOTE, Vol. II.
80
le logos est intrinsèquement temporel et historique et dans ce cas la
notion da priori est fausse et illusoire, soit le lo gos doit trouver son
fondement en dehors de lui -me. Ce chapitre kantien étudie le
deuxième possible, le suivant le premier . Il doit exister un fondement
externe au logos q ui pourrait être recherché au sein d e la physiologie
dont lobjet est la vie.
Étudions donc ce po ssibl e ouvert san s sinterroger enco re sur la nature
de louverture 166. À ce m om ent, pour la première fois de sa critiq ue ,
advient la compa raison avec l animal167. Si larchitectonique est « la
théorie de ce quil y a de scientifique da ns notre connaissance en
général168 », lunité architectonique est impossible sans une cause fin ale,
sans un schème qui pourrait en r en dr e compte. Il doit alors exister un
germe (generatio aequivoca) comme pou r les ve rs, un monogramma, un
premier ter me de toutes les causes finales qui rend compte des
articulations d u tout par accroissement quantitatif de ses parties rendant
compte de son évolution169. La priori ne serait pas temporel puisqu on
peut venir larrimer à une physiologie qui elle -même nest pas
temporelle. La p r i ori de la r aison pourrait donc être appuyé su r la
priori de la physiologie. Si c est possible alors le logos n e pourra jamais
être temporel sauf si justement il y a également une temporalité de la
physiologie ou que la temporalité de la raison temporalise son objet qui
est la physiologie elle-même (théorie de lévolution 170). Ou encore, enfin,
166 Cest en e f f e t l a c o mpréhe n sio n de louverture du système qui doit donner l a
compréhension de sa fermeture et d o nc orienter la recherche de lobjet le mo i ns
éloigné qui p o u r r a i t être à so n f o n d ement p r e m i e r comme possibilité d e son objet
même.
167 Kant, Critique d e la raison pure , G a l l i m a r d , coll. La P l é i a d e , I, p . 1 385 : « L e
tout e s t donc u n systè m e articulé [] semblable au corp s dun a n i m a l auquel la
croissance najoute aucun membre, mais, sans changer la p r o p o r t ion, rend chaque
membre plus for t e t m i e u x a p p r o p ri é à s e s f i n s . »
168 Kant, Critique de la ra i s o n p u r e , Ga l l i m a r d , c o l l. La P l é i a d e , I, p. 1384.
169 Ce raison n e m e n t servira à F. Bre nt a n o p o u r po ser son concept d in t e n t i o n n a l i t é ,
comme c a use d e no n -r égr e s s i o n à linfini de la respon s a b i l i t é , i n A r i s t o t e . Les
Diverses Ac c e p t i o n s de l ê t r e , Vr i n, p. 154. Ce t t e non-régression à linfini pr o v i e n t
de lanalyse de saint Thomas dAqui n, ce par quoi, lon comprendra que la notion
dintentionnalité a p e r m i s a u christianisme de contrôler l e développement d une
théorie d e la c o n n a i s s a n c e jusquà H u s s e r l alors q u e Kant a vait ex p u l sé c e tte
intentionnalité, comme no u s l e v e r r o n s p e u après.
170 La t héorie de lévolution est dé j à un p o s sible mé t a p h y s i q ue chez Ka n t . Il se mble
erroné d e soutenir l a thèse se l o n laquelle l a théorie de lévolution s o i t née d e la
constance empirique de l o b s e r v a t i o n ; o n n a tro u v é d a n s l e mo nde en so i q u e c e
que lon voulait cherche r p o ur e n c o n s t i tuer des phéno mèn es.
MÉTABIOL OGIE DU MOUV E M E N T ENT ÉLÉCHIQUE
81
et ce sera not re thèse, sauf si la t emporalité de la raison n est pas la
même que la temporalité de la ph ysi ologie (biologie), une métabiologie
serait donc un e négation fondamentale de la t emporalité du logos qui
narrive pas à se dégager de la conscience pour constituer son objet.
La première division de la physiologie opérée par Kant est celle d u
rationnel et de lem pirique. Division surprenante puisque, logiquement,
la négation du rationnel nest pas lempirique, mais l irrationnel171. Sa
division saute dun genre à lautre, alors que lintroduction de la
generatio aequivoca entérinait la division entre organique et
inorganique. Une quatrième proportionnelle permet de c omprendre que
Kant envisage l a priori du côté de l inorganique, comme génération.
Doù provient ce paralogi sme raison/empirique ? Une des variables
interprétatives de ce paralogisme est la religion, la division protestante
entre foi et raison172 ; comme la raison se charge du rationnel, il revient à
la rel i gion de prendre en charge lirrationnel rendant im possible la
fondation du rationnel par lirrationnel du point de vue unique de la
raison. Depuis cette division pro testante, on ne cesse de croire que
lirrationnel est ce qui nes t pas rationnel alo rs qu avant cette division
lirrationnel pouvait être rationalisable même si ce champ de recherche
sera peu étudié pour des raisons théologiques 173. La deuxième v ariable
est philosophique et plus dogmatique, cette division entérine sa lutte
avec lempirisme. Depuis John Locke la sensation n est pas irrationnelle,
la sensation est rationnelle et il nest nullement besoin de la nier pour
faire advenir un sens véritable à la manière platonicienne . Léloignement
de lempirisme au profit de l idéalisme entr aîn era un retour de
171 O p p o s i t i o n identiq ue chez K u r t G ö d el, c i t é dans un a r t i c l e de 1 9 4 7 par Mar i o
Livio [2 0 0 9 , fr, 2016] : « Mais en dé p i t de léloignement de l e x p é rience des se n s,
nous a v o n s un e pe rceptio n de s objets d e la théorie de s en s e m b les, co m m e le montre
le fait qu e ses a x i o m e s no u s semblent vrai s . Je ne v o i s au c u n e raison p ou r la q u e l l e
nous devr io n s avoir moins co n fiance en cette so r t e de p e rcept ion, c e st -à-dire d a n s
lintuition m a t h é m a tique, que d a n s la p e r c e p t i o n des s e n s » . Pourquoi o p poser
sensibilité et raiso n a u s e i n d u n e t h é o r i e des ense mb l e s ? Com me n t, e n p r e mier lieu,
avoir des certitudes de l a p e r c e p t i o n e x t e r ne pour y c ha s s er l i r r a t i o nalité ?
172 Bernard Bo ur g e o i s , L’Id é a l i s me a l le m a n d , a l t ernat ive s e t progrè s , V r i n, 20 0 0 , p p .
79-94.
173 F. Nietzsche a va n c e : « Or tout e lh i s t o i r e d e l a c i vilisation représente une
diminution de la cr a i n t e du ha s a r d , de l i n c e rtitude et de ce qui a rri v e subitement.
La civilisation cest précisément dapprendre à calculer, à chercher des causes, à
prévenir, à croire à la n é c e s s i t é . », i n V P , I I , § 481 , t r a d i d e m , p. 261.
Régis LAURE NT , MÉTAPHYSIQUE DU TEMPS CHEZ ARISTOTE, Vol. II.
82
lirrationnel par lesthétique (esthétique du jugement) qui conservera la
trace de ce mouvement hist orique, comme si l irrationnel voulait se
signifier. Nous avons suivi lintuition dAlain Renaut 174, nous avons
travaillé cette intuition ch ez Alfred Baeumler175, nous avons circonscrit
la dialectique, pour finalement comprendre l importance de John Locke,
que notre division entre théorie de la connaissance et théorie d e s
valeurs, que nous présenterons peu a près, enté rin e. Lempirisme de J ohn
Locke n est p as un empirisme d e l a théorie de la connaissance,
lempirisme de John Locke était, à suivre notre compréhension
historique, une te ntative de scind er en deux parti es le con naître, d e
donner une vraie liberté à la théorie des valeurs . Lhomme contrai rement
au cogi to cartésien, ne pense pas toujou r s et en tout temps ; lhomme ne
construit pas sans cesse u ne théorie de la connaissance à la manière
kantienne ; lhomme comme latome rayonne mais ne ra yonne pas tout le
temps, comme le disait Gaston Bachelard 176. Lhomme vit également dans
sa théorie des v aleurs qu il m odifie librement tout simplement. Hume
fera tendre la théorie de John Locke vers une théorie de la connaissance
sans prend re la mesure qu e la pensée d e John Locke n était pensable
quen complément de la théorie newtonienne 177. La philosophie de Hum e
sort déjà du witz anglo-saxon ou de la cons ciousness178. Mais cette
174 Da ns so n introduction à la CFJ en GF no tamm e n t où il ci t e B a e u m l e r à q ui il a
repris cette thèse, p. 16.
175 Q u e u e de comète d e s ét u d e s niet zschée n ne s , l o u vrage d e Ba e umler , L e Pr o b l è m e
de l irrational i t é dans lesthétique et la logique du XVIIIe s i è c l e , P U S , 1999, pose
ce constat : « D o ù que lon parte, d e l a psychologie ou de la lo g iqu e , a u
XVIIIe siècle, tout conve rge v e r s la C r i t i q u e d e l a faculté d e jug e r . », p. 1 3 2 .
176 Je crois que cest d a n s L’In t u ition de l i n s t a n t lo r s de s a d i s c u s s i o n avec Roupnel.
177 Newton et L o c k e so n t les deux face s d u n e même mon na ie, N e w t o n tie n t l e s
brides d e la t h é o r i e de la conn aissanc e, laissant à Locke celles de la t héor i e des
valeurs.
178 Le terme c o n sciousness ne r e n v o i e pas à l a « co ns ci e n c e » f r a nçaise, comme
ladmet Étienne B a libar , ma i s à « lâ me » gr e c q u e . Or, i l n e s t pas do n n é que l â m e
grecque soit individuelle. Cest L o cke q u i l e n f e r m e d a ns un corps subjectif qui
serait le « s u j e t », co m m e l Angleterr e s e r a i t dans son é te nd u e g é o graphiq ue : île,
îlot, solipsisme. Locke suit encore Duns Scot qui défend une in d i viduation
subjective qui nes t r i e n d a utre q u e la p r e u v e de lincarnation d i v i n e . I l fa udra i t
ensuite à partir de cette s ubj e c t i v i t é t e n d r e , p a r le l a n gage, vers laltérité
nominaliste ou c h a r i t a b l e ( Guillau me d O c k h a m) . La vérité s e r a i t d o n c da n s l e
langage (dans un sys t ème de signes, c o m m e le pré te nd r a e n s u i t e l e mp i r i s m e
logique), comme le ve r b e s e fai t chair, une vérité aussi ro nde quune hostie. Nous
maintenons la t r a d uction d e consciou s n e s s par w i t z p uisq ue n o u s verrons q u e l a
notion de personne introduit fatalement une intentio n qui est une non -ré g r e s s i o n à
linfini de la responsab i l i t é .
MÉTABIOL OGIE DU MOUV E M E N T ENT ÉLÉCHIQUE
83
philosophie aura eu le m érite de rendre possible le dialogue ent re
lempirisme et lidéalisme de la scolastique. Nous rangeons d on c
lempirisme anglo-saxon au sein de la théorie d es valeurs et il reviendra
alors de circonscrire les limites du con cept danalogie (catégorie de la
relation chez Aristote, les relatifs chez saint Thomas179) qui fait un lien
entre la th éorie des valeurs et la théorie de la connaissance . Si
lirrationnel, au sein de la pensée ge rmanique, sest retrouvé au sein de
lesthétique du beau, comme un retour du r efoul é, cest bien
effectivement quil avait été chassé de la théorie de l a connaissance par
Kant pour des raisons théolo giqu es . Il fal l ait que la création continu ée
continue180. Troisièmement, cest toute la place métaph ys ique du n suj et
dans son rapport au monde qui est en jeu ici. Sil existe, en effet, des
philosophes qui rationalisent le monde en tendant v ers l objectivité alors
le sujet (singulier) tendra vers la sub jectivité par la rt comme si la
philosophie n était pas elle-même un art alors que c est le dernier art né
à Athènes, cest-à-dire laccomplissement pa r fait des autres art s ! Or
en quoi la philosophie serait-elle un art différent de lart esthétique ? La
179 L e s re l a t i f s che z sai nt Th o m a s sont le r e latif selo n la qu a n t i t é (l e no mbre, lé ga l ,
le pareil, lidentique), selo n l e nt é l é c h i e , ( a g e n t -patient) et troisièmement selon la
mesure q ui pose d e s problèmes à t o us. No u s navons pas p u encore introduire l a
mesure au sein de la théorie de la connai s s a n c e car il fa u d r a i t pour cela in t r o d uire
un a ge nt et un patient ce st - à -dire une a nalogie outillée. Po u r i ntro d u i r e une
analogie o u t i l l é e il faut a v o i r une théorie d e loutil, p o ur avoir u n e théorie d e
loutil, i l fa ut a voir une théor i e de la pr a x is, p o ur avoir un e th é o r i e de la po ièsis, i l
faudrait av o i r un su p p o r t de ce t t e p o i è s i s q u i serait l homme, po u r savoir ce quest
lhomme, mais ce support introduirait le problème de linterprétation, il faudrait
introduire le la ngage, le langage no us fe r a i t al o r s tendre vers la théorie des va l e u r s
en introduisa nt l a co n s c i e n c e , or la th é o r i e d e l a co n n a i ssance s e p asse de l a
conscience, do i t -elle a l o r s s e pa sser d u langage ? C e s t imp o ssible . Il fa u d r a i t
dabord solidi fier n o t r e théorie de la co n n a i s s a n c e en ses rappor t s a v e c la théorie
des valeur s e n introduisant l e l angage. P o u r linstant no tr e t héorie e s t mutique e t
cest la raison pour laqu ell e n o u s n a v o n s p a s e ncore par lé.
180 Citons Ka n t da ns so n a p p e n d i c e a u x Pr o légomènes ( §381) : « O n f a i t d e s
Allemands l a répu t a t i o n d a l le r trop loin q u e da u t r e s peuple s en ce q u i exige
persévérance e t a p p l ication s o u t e n u e ». Et, pl u s loin en §382 : « I l s e m b l e mêm e q u e
le moment présent ne soit p a s d é f a v o rable à la prétention que jémets, car de no s
jours en Allemagn e, en de h o r s des sciences di t e s utile s, on ne sait pa s trop à quoi
semployer qui ne soit p a s u n s i m p l e j e u mais une occupation sérieu se permettant
datteindre un e fi n durable» . L a pensée d o i t per me t t r e la c o ntinuation de la création
afin datteindre une fin durab le par le travail et le la b eur, alors viendra la
récompense di v i n e. E n a tt e n d a n t , on ne tro u v e p lus de p la c e p o ur l a liberté, p our
lart oratoire d e l a théorie d e s v aleurs, p o u r l e plai s i r d u d ialogue c o m m e déco u v e r t e
de lautre e n tant quautre, p o u r la vie co m m e forme non l i n é a i r e dessinée s ur l a
bouche de lautre, co m me g estalt de la reco n n a i s s a n c e q ui est au fo n d e m e n t d e l a
reconnaissance de la thé o r i e d e l a c o n n a i s s ance.
Régis LAURE NT , MÉTAPHYSIQUE DU TEMPS CHEZ ARISTOTE, Vol. II.
84
philosophie est un art comme un autre dans laquelle l a subjectivité a
toute sa place, com me le pr opose notre divis ion entre thé orie de l a
connaissance et théorie des valeurs. La théorie des valeurs nest pas
prisonnière de la théorie de la connaissa