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Interdire la mendicité sans violer les droits humains ?: Analyse des évolutions récentes

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Abstract

Le 19 janvier 2021, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu son arrêt très attendu dans l'affaire Lăcătuş c. Suisse au sujet de l'interdiction de la mendicité, qui est désormais définitif. Le canton de Genève y a répondu en modifiant sa disposition litigieuse sur la mendicité, ce qui a fait l'objet d'un arrêt de la Chambre constitutionnelle genevoise le 28 juillet 2022. Cet arrêt valide sous l'angle abstrait la nouvelle teneur de la loi genevoise qui interdit désormais la mendicité sur des critères géographiques et comportementaux. Le présent article examine de manière critique cette réponse, en revenant notamment sur la jurisprudence de la Cour EDH. Il apporte également des réflexions pour l'évolution future de la jurisprudence. -- Am 19. Januar 2021 fällte der Europäische Gerichtshof für Menschenrechte (EGMR) sein mit Spannung erwartetes Urteil im Fall Lăcătuş gegen die Schweiz zum Bettelverbot, das nun endgültig ist. Der Kanton Genf reagierte darauf, indem er seine strittige Bestimmung zur Bettelei änderte, die kurz darauf am 28. Juli 2022 Gegenstand eines Urteils der Genfer Verfassungskammer wurde. Ihr Urteil validiert unter abstrakten Gesichtspunkten den neuen Wortlaut des Genfer Gesetzes, das Betteln nun aufgrund von geografischen und verhaltensbezogenen Kriterien verbietet. Der vorliegende Artikel setzt sich kritisch mit diesem Entscheid auseinander und geht dabei insbesondere auf die Rechtsprechung des EGMR ein. Er liefert auch Überlegungen für die zukünftige Entwicklung der Rechtsprechung.
23
Analyse des évolutions récentes
Le  janvier , la Cour européenne des droits de
l’homme a rendu son arrêt très attendu dans l’aaire
Lăcătuş c. Suisse au sujet de l’interdiction de la mendi-
cité, qui est désorm ais dénitif. Le ca nton de Genève y
a
répondu en modiant sa d isposition litigieuse su r la men-
dicité, ce qui a fait l’objet d’un arrêt de la Chambre cons ti-
t
utionnelle genevoise le  juillet . Cet arrêt valide
sous l’angle abstrait la nouvel le teneur de la loi genevoise
qui interdit désormais la mendicité sur des critères géo-
graphiques et comporteme ntaux. Le présent article e xa-
mine de manière critique cette réponse, en revenant
no-
tamment su r la jurisprudence de la Cour
EDH. Il apporte
également des réexions pour l’évolution future de la
jurisprudence.
Nesa Zimmermann,LL.M. (Ki ng’s College London), Profess eure as
sis-
tante de d roit constitution nel à l’Université de Neuch âtel (nesa.
zimmermann@unine.ch). Antoi ne Da Rugna, Assi stant de recherche
et d’enseigneme nt à l’Université de Genève (antoine.darugna@
unige.ch). Les auteur-es remerc ient Morgane Ventura, do cteure en
droit,
pour sa rele cture et ses sug gestions précie uses.
: sui-gener is.ch/
: https://doi.org/./sg.
Ce(tte) œuvre es t mise à disposi tion selon les termes d e la Licence
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. Internati onal.
Interdire la mendici
sans violer les droits humains
?
Citation:
 /  ,
Interdire la mendicité sans violer les droits humains?,
sui generis , p.
Nesa Zimmermann/Antoine Da Rugna
I. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
II. Le contexte : une tendance à la répression de la mendicité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
III. L’aaire Lăcătuş c. Sui sse : la Cour EDH se prononce pour la première fois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
IV. La réponse législative du canton de Genève . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
V. L’arrêt de la Chambre constitutionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
VI. Critiques de l’arrêt genevois à la lumière de la jurisprudence Lăcătuş c. Suisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
VII. Réexions autour de la liberté d’expression et l’interdiction des discriminations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
VIII. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

sui generis
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 24
I. Introduction
L’interdiction et l a répression de la mendicité cons tituent-
elles des atteintes inadmissibles aux droits fondamen-
taux? Saisi de cet te question à plusieurs reprises à part ir
de , le Tribunal fédéral y a toujours répondu par la
négative
. Il s’est vu désavoué par la Cour européenne
des droits de l’homme (Cour EDH) dans l’aaire cătuş
c. Suisse
. Dans son premier a rrêt traitant de la mendic ité,
la Cour EDH a conclu que l’interdiction complète de la
mendicité en vigueur alors dans le canton de Genève
constit
uait une violation du droit à la vie privée et fami-
liale de la requérante.
Or, loin de mettre un terme au débat, l’arrêt a fait naître
de nouvelles interrogations. Il a rapidement donné lieu
à
de nouvelles propositions légi slatives, à Genève
comme
dans d’autres cantons. À Genève, une nouvelle loi, pré-
voyant cette fois-ci une interdiction partielle de la men-
dicité, a été adoptée le décembre 
. Celle-ci a
fait
l’objet d’un contrôle abstra it par la Chambre constitut ion-
nelle cantonale, qui l’a déclarée conforme aux
principes
dégagés par la Cour EDH dans un arrêt rendu en juillet

. Si cet arrêt est désormais dénitif
, il est probable
que de nouvelles procédures, lors d’un cas d’application
concret, viendront remett re en question la confor
mité de
cette loi avec les droits fondamentaux.
Face à cette situation, et en v ue de procédures judiciaires
futures, la présente contribution ore une analyse cri-
tique de la nouvelle législation genevoise et de l’arrêt de
la Chambre const itutionnelle à l’aune de la jurisprudence
de la Cour EDH. Dans la mesure où des questions simi-
laires se po sent dans d’autres ca ntons, l’a rticle vise aussi
à replacer les modication s législatives récentes dan s
leur
ATFI; A rrêts du Tribu nal fédéral B_/ et B_/
du août ; Ar rêt du Tribunal fédé ral B_/ du  sep-
tembre  (à l’origi ne de l’aaire Lăcătu ş c. Suisse); Arrêt du Tr i-
bunal fédé ral C_/ du août . En lien ave c la mendicité,
mais sou s l’angle de l’accord entre la Confédération sui sse, d’une
part, e t la Communauté euro péenne et ses ét ats membres, d’autre
part, su r la libre circul ation des personnes du juin   (ALCP;
RS...) et des d isposition s pénales de la loi fé dérale sur les
étran gers et l’intégration du dé cembre  (LEI; RS.), en
part iculier les a rt. et  L EI, voir aussi Ar rêt du Tribun al fédéral
B_/ du août ; ATFIV.
Arrêt de l a Cour EDH / du j anvier  ( Lăcătuş c. S uisse),
§ss.
Voir p.ex. l’avant-projet de révision de l a loi pénale vaudois e, mis en
consult ation jusqu’au août .
Loi mod iant la loi pé nale genevoise du   septembre  (LPG/GE;
RSE; Adaptat ion de l’interdit péna l de la mendicité en sui te de
l’arrêt de la Cou r européenne des droit s de l’homme du ja nvier
; ) du décembre .
A
rrêt de la Ch ambre constit utionnel le de la Cour de just ice du canton
de Genève /  du juillet   (ci-après «ACST//»).
Un recours a été i nterjeté devant le TF, qui l’a déclaré i rrecevable
pour non-resp ect des délai s (Arrêt du Tr ibunal fédér al C_/
du septembre  ).
1
2
3
contexte plus large. Ai nsi, il revient d’abord sur le contexte
politique tendant à criminaliser la mendicité (N  ss) et
sur l’arrêt Lăcătuş c. Suisse ( N  ss). Il présente ensuite la
réponse législat ive du canton de Genève (N  ss) et l’ar
rêt
de la Chambre const itutionnelle cantonale (N  ss), qu’il
analyse de m anière critique (Nss). Enn, l’article pro-
pose
des réexions pertinentes pour des aaires futures
devant
la Cour EDH (N  ss).
II. Le contexte: une tendance à
la répression de la mendicité
Au cours des dernières années, divers cantons et com-
munes ont introduit u ne interdiction de la mendicité
. Si
l’interdiction genevoise est l’une des plus notoires en
Suisse, elle n’est de loin pas la seule: à l’heure actuelle,
la majorité des cantons répriment la mendicité
. À cela
s’ajoutent des interdict ions communales . Ces législa
tions
répressives ne s ont pas incontestée s, comme le montrent
les débats cantonaux récu rrents. Par exemple, le can-
ton de Bâle-Ville a aboli l’interdict ion totale de la mendi-
cité en juillet  — pou r en décider la réintroduction en
décembre .
Voir   , Bettelverbote. Einige rechtsvergleichende
Überleg ungen zur Gr undrechtskonfor mität, ZBl, p.ss.
La disposit ion pénale genevoise a en tout cas été à l’origine d’une
bonne par tie des arrêt s du Tribunal féd éral en la matière.
Geset züber die Ein ühr ung des Schwei zerische n Strafgese tzbuches
(GL) du mai  (GSIIIE/), art.; Geset z über das ka ntonale Stra f-
recht (SZ) du ja nvier  (St rafG/SZ; SRSZ.), art.; Leg ge
sull ordi ne pubblico (TI ) du novembre  (LO rP/TI; RL.),
art.; G esetz über d ie öentliche S ozialh ilfe (TG) du ma rs  (So-
zialhilfegesetz/TG; RB.), art.; Loi péna le (VD) du novembre
 (LPé n/VD; BLV.), art.; Üb ertretu ngsstraf gesetz (ZG) du
mai   (ÜStG/ZG; BGS.), art.; Stra f- und Justizvoll zugs-
gesetz (Z H) du juin  (StJVG/ZH; LS), art.. Qu atre autres
cantons i nterdisent l a mendicité exercé e par «fainé antise», «oisiveté»
ou «cupidité» (L oi d’application du Code p énal (FR) du oc tobre 
(LACP/FR; RSF.), art.; Poli zeigesetz (GR) du o ctobre 
(PolG/GR; BR.), art.j; Ge setz über da s kantonale St rafrecht
(OW) du juin   (kStR /OW; GDB.), art.; G esetz über d as kan-
tonale Str afrecht u nd die Ein ührung de s Schweizer ischen Stra fge-
setzbuc hes (SO) du septembre  ( EGStGB/SO; BGS.),
art..
Über tretung sstrafge setz (BS) du  fé vrier  ( ÜStG/BS;
SG.
),
art.. Le canton d’Appenzel l Rhodes extérieu res interdit la men-
dicité di te agressive (Ges etz über das k antonale Stra frecht [AR] du
avri l  [Strafre cht/AR; bGS], art.) et le canton d e Neuchâtel
proscrit l a mendicité «d’habit ude» (Code pénal [NE] du novembre
 [CPN; RSN.], art.). D’autres cantons ont explicitement
refusé de lé giférer (voir p.ex. Grand Conseil valaisan, débat et vote
du mars ).

Voir p.ex. Règlement géné ral de police de l a commune de Laus anne
du novembre , art.bis.

Voir p.ex. Projet de loi PL modiant la loi pénale genevoise
(LPG/GE; RSE) (P our ne pas cri minali ser et pénal iser la pauv re-
té), déposé le novembre .
 À la suite d’une mod ication ent rée en vig ueur en juille t , la loi
bâloise ne pr ohibait plus que l a mendicité orga nisée. Depu is lors, une
interdic tion générale a tout efois été réintro duite. Entrée en v igueur
en septembre  , la loi bâloise resse mble fortement à la loi gene
-
voise exa minée ici (§ Übert retungsstrafgesetz [BS]).
4
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 25
l’objet de critiques doctrinales, sous l’angle la v ie privée
et de la liberté personnelle aussi bien que de la liberté
d’expression et de l’interdict ion des discrim inations.
Sur le plan i nternational, d ivers organes de protec tion des
droits humains ont sévèrement critiqué la criminalisa-
tion de la mendicité, la jugeant incompatible avec les
protection s oertes par les i nstrument s internationaux.
Il en va ainsi du Conseil des droits de l’homme

, de la
Rapporteuse spéc iale sur l’extrême pauvreté et le s droits
de l’homme ou encore du Commissaire des droits de
l’homme du Conseil de l’Europe. Au vu de cette situa-
tion, l’arrêt dans l’aaire Lăcătuş c. Suisse, première à
être portée devant la Cour européenne des droits de
l’homme,était très attendu.
III. L’a ai re Lăcătuş c. Suisse :
la Cour EDH se prononce pour
la première fois
Depuis , la loi péna le genevoise prévoit que «[c]elui
qui aura mendié sera pu ni d’une amende»

. En applica-
tion de cette loi, madame Lăcătuş, une femme d’origine
rom qui avait demandé l’aumône en tendant un gobelet,
s’est vu iniger des amendes à huit repri ses. Ayant formé
opposition contre ces ordonnances pénales, elle fut re-
connue coupable de mendicité par le Tribunal de police
du canton de Genève, qui la condam na à une amende de
francs suisses, plus tard convertie en cinq jours de
peine pr ivative de libe rté pour non-pa iement

. La requé-
rante purgea sa pei ne privative de liberté de subst itution
entre le  et le ma rs  à la prison de Champ- Dollon

.

   /   , L’i nterdiction de l a mendi-
cité à l’épreuve des droits fond amentaux, Ta ngram /, p.s s
;
   /   , L’interdic tion de la men-
dicité rev isitée, Plaidoyer /, p.ss;  /
 , Re chtsprechung zu den EMRK- und BVGrundrec h-
ten, in: Fellm ann/Pole dna (édit.), La pratique de l’avoca t, Berne ,
p.s.;  (n. ), p.ss;    , Les d roits
des Roms en sit uation précaire: u n «test case» de la citoyen neté
européen ne, in: Biagg ini/Dig gelman n/Kaufm ann (édit.), Polis und
Kosmo polis. Fests chrift  ür Daniel Thü rer, p.ss;  -
, Gru ndrechte des Per sönlichke itschutze s, ZBJV , p..
Voir aussi    / , Prax is des All gemein
en
Verwaltu ngsrechts, Ber ne , p..

Con seil des droit s de l’homme des Nations Un ies, Résolution A/HRC/
RES// du oc tobre , Pr incipes di recteurs su r l’ext rême
pau-
vreté et les d roits de l’homme.

Rapporte use spécia le des Nations Unie s sur l’extrême pauvre té et les
droits de l’homme, R apport A//, du ao ût .

Commi ssaire aux d roits de l’homme du Cons eil de l’Europe, R apport
CommDH() su ite à la visite en Fra nce du févr ier , § ;
Rapport CommDH() suite à la v isite en Norvège du mai  ,
§ss.

Ancien art.A de la Loi p énale genevoise du novembre   (LPG/
GE), adopté le novembre  , entré en v igueur le ja nvier
,
modié le déc embre .
 Cour EDH, L ăcătuş c. Suisse, §s s.
 C our EDH, Lăcătuş c. Su isse, §.
7
8
Les interdict ions partielles ou complètes de la mendicité
part icipent à une tend ance européen ne générale consi s-
tant à criminaliser la pauvreté visible. Ainsi, au moins
dix-huit États membres du Conseil de l’Europe i nterdisent
certa ines formes de mendicité au niveau national et dix
connais sent des interdictions au niveau régiona l ou local
,
à l’instar de la Su isse. À la diérence notable de la Su isse
,
toutefois, ces interdictions ne concernent généralement
que certai nes formes de mendicité

, en réprimant la men-
dicité dite «agressive» ou son exercice dans certaines
zones urbaines, ou encore en prévoyant des heures ou
périodes de l’année pendant les quelles la mend icité est
prohibée

. Plusieurs interdiction s absolues ont d’ailleu rs
été jugées inconstitutionnelles par des tribunaux natio-
naux, comme la Cour constitutionnelle autrichienne
ou
encore la Haute Cour irlandaise.
À l’inverse, le Tribuna l fédéral a jugé à plusieurs reprises
que l’interdiction absolue de la mendicité ét ait conforme
tant à la Const itution fédérale qu’à la Convention de sau-
vegarde des droits de l’homme et des liber tés fondamen-
tales (CEDH). Sans ent rer dans les détails de ces ju ge-
ments

, précisons que le Tr ibunal fédéral a esti mé que la
mendicité relevait de l’exercice de la liberté person
nelle
(art. al. Cst.), mais que son interdiction constituait
une rest riction propor tionnée

. En revanche, il a n ié l’ap-
plicabilité ta nt de la liberté économique, considérant qu’il
ne s’agiss ait pas d’une act ivité lucrat ive

, que de la liber-
té d’expression. Les arrêts du Tribunal fédéral ont fait

  / / 
, Begg ing in Ge neva in Times of C risis. Mult ilayered Represen-
tations of Begga rs, Begging and Cohabit ation in the Public Sp ace,
Europea n Journal of Homele ssness , p.ss. Pré cisons que cer
-
taine s de ces lois sont anc iennes: il en va a insi de la loi irl andaise,
qui
datait de   (voir Cou r EDH, Lăcătuş c. Sui sse, §).
 Cou r EDH, Lăcătuş c. Suis se, §ss.
 Font exception Chy pre, la Hongrie, l e Monténégro, le Royaume- Uni
[Angleter re et Pays de Galle s] et la Turquie, qui se mblent réprimer
la
mendicité de m anière généra le, la Hongrie se l imitant toutefoi s à la
mendicité d ite agressive (Cour E DH, Lăcătuş c. Sui sse, §, ).
 Voir les référenc es citées par Cou r EDH, Lăcătuş c. Suis se, §ss.

Österreichischer Verfa ssungsgerichtshof (VfGH), arrêt G_/-
du juin  ; voir aussi VfGH, ar rêt G_/ du ju in . A l’in
-
verse, la Cou r a jugé conforme au x droits fondame ntaux des interd ic-
tions pa rtielle s de la mendicité (voir p.ex. Vf GH, arrêt V /- du
décembre ).

Irish H igh Court , Jugement () IE HC  du décembre  ; voir
aussi Cour E DH, Lăcătuş c. Suis se, §ss.

Convention de s auvegarde des droi ts de l’homme et des lib ertés fon-
damenta les du novembre  (CEDH; RS.).
 Voir ci- dessus, n. .
   , Bettelverbote. Einige rechtsvergleichende Über-
legun gen zur Grund rechtskonformit ät, ZBl , p.ss.

Constit ution fédéra le de la Confédéra tion suisse du  av ril   (Cst.;
RS).

ATFI consid.; Arrêts du Tribunal fédéral B_/ et
B_/ du août  consid.; C_/ du août 
consid..
 ATFI consid.; C_/ du août  cons id..

Arrêt du T ribunal fé déral B_/ du septembre   consid..
5
6
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 26
d’expression et l’interdict ion des discri minations.
Sous
l’angle de la vie privée, au cœur de l’arrêt, la Cour a accor-
dé une importance considérable à la vulnérabilité parti-
culière de la requéra nte, soulig nant à plusieurs reprises
sa précarité, le fait qu’elle ne bénéciait d’aucune aide éta-
tique et qu’elle n’ava it «aucun autre choix» que de men-
dier. Elle semble ainsi établ ir un lien de causalité ent re le
dénuement de la requérante et son droit de mendier.
Néanmoins, la limite la plus agrante de l’arrêt Lăcătuş
c. Suisse est sans doute le fait que la Cour s’est limitée à
constater que l’interdiction totale de la mendicité telle
qu’elle était en vigueur à Genève au moment des faits,
qui de plus avait entraîné de lourdes peines pour la re-
quérante, violait la CEDH, laissant sous-entendre que
des interdictions partielles et moins sévèrement punies
pourraient se révéler conformes à la Convention. C’est
cette interprétation qui a guidé le législateur genevois.
IV. La réponse législative du canton
de Genève
À la suite de l’arrêt Lăcătuş, les autorités ont suspendu
l’application de la disposition pénale réprimant la men-
dicité. L’arrêt a également réouvert le débat parlemen-
taire dans plusieurs cantons suisses. À Genève, deux
projets de loi ont été proposés après le prononcé de l’ar-
rêt

. Un premier projet de loi «pour mettre un ter me à la
crim inalisation de la mendic ité et amnistier les vic times
de
cette disposition» visait à abroger la disposition liti-
gieuse et à verser une indemnité aux personnes ayant
été amandées. Un second projet visait, lui, à transfor-
mer l’interdiction absolue en interdiction partielle, basée
sur des critères géographiques et comportementaux.
Au cours de la procédure parlementa ire, la Commission
judiciaire et de la police du Grand Conseil a auditionné
des représentant·e·s des commerçant·e·s, les autorités
 C our EDH, Lăcăt uş c. Suisse, op. conc. Kel ler, §, ; op. part. conc.
Lemmen s, §; op. part. conc. Rava rani, §ss.
 Cf. Cou r EDH, Lăcătuş c. Su isse, op. part. conc. R avarani, §, s.

Le Temps du févr ier , A Genè ve, les mendiant s peuvent dés ormais
souer. A l’inverse, le gouvernem ent vaudois ne s’est pas est imé com-
pétent pou r prendre une déci sion simil aire (Le Cou rrier du fé
vrier
, La loi sur la mendi cité résiste).

Voir p.ex. dans le canton de Vaud la motion Raphaël Mahaim et
consort s du  février  et la mot ion Florence Bettsch art-Narbel
et consor ts du mars .
 Projet de loi PL modi ant la loi pén ale genevoise (L PG) (E)
(Adaptat ion de l’interdit péna l de la mendicité en su ite de l’arrêt de
la Cour européenne des droits de l’homme du janvier ) qui
propose une i nterdiction plus nua ncée, mais potentiellement t rès
large, de la mendicité, et le Projet de loi PL  modiant la loi
pénale gen evoise (LPG) (E) (Pou r mettre un ter me à la crimi nali
-
sation de la me ndicité et am nistier le s victime s de cette disp osition),
tous deux dépo sés le ermars .
12
13
14
Devant le Tribunal fédéral, la requérante a notamment
invoqué sa liberté p ersonnelle (art. al. Cst. et  CEDH ),
l’interdiction des discriminations (art. al. Cst. et 
CEDH) et la l iberté d’expression (art. Cst. et  CEDH ).
Le Tribu nal fédéral n’a examiné que ce dernier g rief, ren-
voyant pou r le reste aux considé rants d’arrêts pré cédents
basés sur des fa its comparables. Considérant que la men-
dicité, en tout cas telle que pratiquée par la requérante,
n’entrait pas dans la sphère protégée par la liberté d’ex-
pression, les juges de Mon Repos ont rejeté le recours.
Pour sa part, la Cour européenne des droits de l’homme
conrme d’abord que l’exercice de la mendicité est pro-
tégé par le droit à une vie pr ivée, précisant que «le droit
de
s’adresser à autrui pour en obten ir de l’aide […] relève de
l’essence même des d roits protégés par l’ar t. [CEDH]».
A
cceptant sur le pri ncipe la légitimité des buts pou rsuivis
par l’État—l’ordre et la tranquil lité publics, la protection
des droits et libe rtés des passant·e·s, habitant·e·s et com-
merçant·e·s, la lutte contre la criminalité organisée et
la protection contre l’exploitation—, la Cour estime que
ceux- ci n’étaient pas susamment «solides» pour justi-
er l’ingérence grave dans le droit à la vie privée de la
requérante. Pour quali er cette ingérence de grave, elle
tient notamment compte du fait que la p eine pécuniaire
a été convertie en peine pr ivative de liberté et de la vu l
-
rabilité particulière de la requérante, qui dépendait de
la mendicité pour subvenir à ses besoins.
L’ar t L ăcătuş c. Suisse a été célébré comme l’une des «af-
faires-clés» de  et a suscité un vif intérêt doctrinal

.
Pour cause, l’arrêt concrétise la signication du droit
à la
vie privée et fam iliale (art. CEDH) d ans des situations
de
grande pauvreté et établit que les interdictions totales de
la mendicité violent la CE DH. Pourt ant, l’arrêt a ég alement
été critiqué, à juste t itre. La majorité de la Cour a notam
-
ment fait preuve d’un certai n «minimal isme judiciaire»,
laissa nt ouvertes des questions pourt ant centrales. Ain
si,
on peut regretter, de concert avec plusieurs opinions sé -
parées, que la Cour ne se soit pa s prononcée sur la l iberté

Arrêt du T ribunal fé déral B_/ du septembre  consid..
et . renvoyant au x arrêts B_/ et B_/ du août  .
 A rrêt du Tribun al fédéral B_/ du septembre  .
 Cou r EDH, Lăcătuş c . Suisse, §.
 C our EDH, Lăcătuş c . Suisse, §ss.

  , Analysis: Lacatus v. Swit zer
-
land—a gre at judgment at the hea rt of human d ignity, EU Law L ive,
janvier ;  , The Double-edged EC tHR Lăcătuş
Judgment on Criminalisation of Begg ing, European Convention of
Human R ights Law Rev iew, p.ss;  , Beg your pa r
don!:
crim inalisat ion of poverty an d the human rig ht to beg in Lăcăt uş v.
Switz erland, Strasbou rg Observers, fév rier ; -
, Interd iction de la mendici té: la Suisse condam née par la
Cour europ éenne des droit s de l’homme, Revue de d roit comparé
du
travai l et de la sécuri té sociale , p.s s.
 (n.), p.ss.
9
10
11
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 27
V. L’arrêt de la Chambre
constitutionnelle
Un recours est interjeté le  janvier  pour obtenir u n
contrôle abstrait de la nouvelle loi pa r la Chambre const
i-
tutionnelle de l a Cour de justice genevoise. La recourante
invoque la violation de la liberté personnelle, la liberté
d’expression et l’interdiction des discriminations sur la
base de la situat ion socia le ainsi que la violation du prin-
cipe de la légalité. La Chambre constitutionnelle rejette
l’ensemble des griefs dans son arrêt du juillet .
Le recours au Tr ibunal fédéral ayant été déposé ta rdive-
ment

, cet arrêt est désormais dénitif, ce qui n’empê-
chera toutefois pas un nouveau contrôle de la loi à l’occa-
sion d’un ca s d’application concret .
Dans son ar rêt, la Chambre constitutionnel le estime prin-
cipalement que, prévoyant une interdict ion plus nuan-
cée de la mendicité, la nouvelle disposition légale est
conforme aux exigences de la CEDH telles que concréti-
sées dans l’arrêt Lăcăt uş c. Suisse, notamment s’agissa nt
de la proportionnalité.
Sous l’angle des restrict ions possibles à la liberté pers on-
nelle aussi bien que du principe de léga lité, que la recou-
rante a invoqué de manière sépa rée, la Chambre estime
que la loi est susa mment claire et précise. Elle éc arte
ainsi l’argumentation selon laquelle la loi prévoit des
termes jurid iques indéterminés trop vag ues. En eet,
elle
considère que les notions «réseau organ isé», «compor-
tement de nature à impor tuner le public» et «aux
abords
immé
diats» sont «compréhensibles par elles-mêmes»

.
La Chambre juge donc que la disp osition légale est à la fois
conforme
aux exigences de l’art. Cst. en lien avec l’art.
du Code pénal (CP

) et constitue u ne base susante
sous
l’angle de l’art. C st. S’a gissant des autres condit ions de
restriction de la liberté personnelle, la Chambre estime
que
l’in
terdiction de la mend icité poursuit des buts d’in-
térêt
public et que la nouvelle loi respecte le principe de
la proportionna lité. À ce propos, la Chambre souligne
no-
tamment que, selon le Tr ibunal fédéral, il n’existe pas de
mesure moins inc isive qu’une cri minalisat ion de la men-
dicité pou r atteindre les buts v isés, que cette interd iction
est désorma is partielle, qu’un «let soc ial découlant de la
réglementation en mat ière d’a ide sociale» existe déjà pour
subvenir au minimum vital de ces personnes
et que les
 ACST/ /  .
 A rrêt du Tribun al fédéral C_/ du septembre  .
 Ar t. let.a LTF(Loi su r le Tribuna l Fédéral du  juin   [LTF; RS
.]); ATFIa; ATFI e t ATFIa consid. , Ge-
meinde Zuoz;  , La just ice constitutionnelle en
Suisse, Fédé ralisme Région alisme .
 ACST// par tie «en droit» consid. let .b.
 C ode pénal sui sse du décembre  (CP; RS.).
16
17
18
étatiques et des professeur·e·s de droit de l’Université de
Genève. Le s deux premiers g roupes ont plai nt l’augmen-
tation de la mendicité à la su ite de levée de l’interdiction
et se sont exprimés en faveur d’une répression ciblée de
la mendicité. Leur a rgumentaire s’est construit autour de
deux axes. D’une part , les commerçant·e·s dont l’attracti-
vité des commerces sera it diminuée, et les march and·e·s
qui déplorent le harcèlement des client·e·s par les men-
diant·e·s, défendent le besoin de maintenir l’ordre pu-
blic. D’autre part, la pol ice et les institutions de la Vi lle et
du Canton de Genève mettent en avant la nécessité de lut-
ter contre la traite d’êtres humai ns. Les deux expert·e·s
juridiques se sont exprimé·e·s au sujet de la conformité
du projet de loi avec la CEDH telle qu’interprétée dans
l’art Lăcătuş. Iels ont précisé que l’arrêt semble en eet
laisser u ne certaine marge de ma uvre aux autorités
quant à la gestion de la mend icité sur leur territoire, pou
r
autant que cette interdiction ne soit pas totale et n’ait pas
de conséquences trop lourdes pour les p ersonnes conc
er-
nées. Les deux professeur·e·s de droit ont toutefois aussi
mis en avant plusieurs écueils à éviter dans la modica-
tion de la loi. Iels soulig nent d’abord que la loi ne doit pas
être restrictive au point de représenter une interdiction
de fa cto de la mendicité. Quant aux formes de mendicité
interdites par le projet de loi, iels jugent délicat de pun ir
toute personne mendiant avec u n enfant, sans égard aux
circonstances concrètes—par exemple au fait qu’une
personne n’a pas de moyens de faire garder son enfant en
bas âge. Enn, iel s critiquent l’utilisation de notions
juri-
diques indéterm inées sujettes à controverses comme l’ex-
pression «aux abords imméd iats» du second projet de loi
d
éposé devant le Grand Conseil.
Le projet de modicat ion de la loi en faveur d’une répres-
sion partielle de la mendicité est adopté le décembre
. La nouvelle teneur de l’art.A de la Loi pén ale gene-
voise ( LPG) punit de l’amende les person nes mendiant
es
selon deux critères. Le premier est celui des modalités
de pratique. La loi punit la mendic ité pratiquée en réseau
organis é ou avec des mi neurs, ainsi que des méthodes
qui
i
mportunent autr ui en étant «envahi ssantes, trompeuses
ou agressives». Le second critère est géog raphique. Ainsi,
cette nouvelle version de la loi interdit la mend icité «aux
abords immédi ats de» lieux à vocation commerciale, mé-
dicale, culturelle, éducative et touristique; mais aussi
«aux abords imméd iats» des parcs, banques, des bureaux
de poste, des cais ses de parking, des marchés, des p arcs
publics, des cimetières et des transports publics.
 ACST/ / part ie «en fait» consid. let.d.
 ACST/ /  par tie «en fait» consid. let .e.
 ACST// part ie «en fait» consid. let.a, f e t g.
 AC ST// par tie «en fait» consid . let.b.

Loi pénale genevoise du novembre  (LPG/GE), modié le
févr ier .
15
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 28
la
mendicité d’autrui. Les deux ca s de gure sont punis
d’une amende de fra ncs au moins. Dans sa pre
mière
hypothèse, l’alinéa cherche à punir les personnes qui
ex-
ploiteraient les enfant s pour éliciter la pitié et, ce fai sant,
à protéger les mineurs des sit uations de mendicité et de
l’exploitation—ce que la C ourEDH a jugé être un but légi-
time. Or, la disposition ne prévoit aucune exception ni
aucune pesée des i ntérêts. C’e st précisément ce manque
d’exception contre lequel les expert·es jur idiques enten-
du·es avaient déjà émis des réser ves. Ainsi, la sanc tion
grave frappe ind istinctement les personnes qui s e servi-
raient d’enfants comme «techn ique» de mendicité et des
personnes qui prendraient leurs enfa nts avec elles, par
exemple parce qu’elles n’auraient aucune solution de
garde. Quant à l’organisation de la mendicité, cette di spo-
sition vise le but—jugé lég itime, lui aussi—de lutter contre
la traite d’êtres humains. Le fait de punir les personnes
qui organi sent la mendicité, plutôt celles qui l’exercent,
paraît a priori plus conforme à la jurisprudence de la
Cour.
Celle-ci ava it en eet douté que l’interdict ion de la
mendicité soit une mesure apte à lutter contre la traite;
le fait de viser sp éciquement les personnes organisant la
mendicité semble répondre à cet te critique. Or, là encore,
la disposition est formulée de manière excessivement
large: l’amende de franc s vise aussi la personne qui
met à disposition d’une per sonne qui mendie un moyen
de transpor t. Si cette disposition est appliquée à la let tre,
des personnes mendi antes pourraient être considérées
comme organi sant la mendicité simplement parce qu’elles
s
e prêtent un vélo, par exemple.
Au-delà de cet alinéa, les peines prévues par la législa-
tion pourra ient soulever des problèmes sous l’angle de la
CEDH. En eet, dans l’arrêt cătuş, le montant total de s
amendes—xé à fr ancs—ainsi que le fait que ceux-ci
aient été convertis de m anière inévitable en peine priv a-
tive de liber té de substitution jouent un rôle crucial d ans
le raisonnement de la Cou r

. Or, les peines planchers pré-
vues sont restées inchangées avec la nouvelle loi.
D’autre part, il faut signaler l’importance de l’insécurité
juridique générée par l’alinéa. I l est fait plusieurs fois em-
ploi de l’expression «aux abords immédiats» pour dési-
gner les lieux où la mend icité est interdite géographique-
ment. Cette notion n’est pas dénie dans la LPG et ne
possède pas de dénition claire dans la jurisprudence
en
matière de trouble à l’ordre public. Dès lors, l’applica-
tion de ces mesures pén ales par les autorités est sujette à
leur propre interprétation. Ceci ne pose en principe pas
 Cou r EDH, Lăcătuş c. Sui sse, §.
 ACST// par tie «en fait» consid . let.b.
 C our EDH, Lăcătuş c. Su isse, §ss.
23
24
autorités disposent d’une cer taine marge de
manœuvre
dans la xation de la peine

.
Pour ce qui est de la violation de la liberté d’expression
invoquée par la recoura nte, la Chambre reprend la juris-
prudence du Tribunal fédéral

pour rejeter ce grief au
motif que le but prima ire de la mendicité n’est pas la com-
munication d’un message quel qu’il soit, mais plutôt la
satisf action d’un bes oin d’aide. Suivant le r aisonnement
du Tribunal fédéral, elle juge ainsi que la mendicité est
une problématique exclusivement privée qui n’est pas
protégée par la liber té d’expression.
Enn, la Chambre constitutionnelle rejette le grief de la
recourante invoquant u ne discrimi nation sur la base de la
pauvreté

. À ce propos, elle précise d’abord que toute
dis-
tinction fondée sur un critère énuméré à l’art. al. Cst.
n’est pas in admissible et que la «situation soci ale», en par-
ticulie r, ne donne d roit qu’à une protection lim itée selon le
Tribunal fédéral

. Elle précise en suite que la loi ne vise pas
toutes les personnes pauvres, ma is uniquement celles qui
adoptent un comportement détermi né, à savoir qu’elles
mendient, considérant que ce comportement constitue
un choix, da ns la mesure où toute personne devrait pou-
voir bénécier d’une aide minimale dans des situations
de détresse selon l’art. C st. et que, partant, la mendici-
té servirait plutôt à obtenir un revenu additionnel.
VI. Critiques de l’arrêt genevois
à la lumière de la jurisprudence
Lăcătuş c. Suisse
Nous estimons que la Chambre constitutionnelle a pro-
cédé à une lectu re minimal iste de l’arrêt Lăcăt. En eet,
celui-ci ne constitue pas un blanc-seing pour toutes les
inter
dictions p artielles de la mendic ité. Deux aspe cts de
la nouvelle législat ion genevoise nous par aissent partic u-
lièrement pro blématiques. Notre c ritique rejoint e n cela
des inquiétudes qui avaient déjà été exprimées par les
expert·es juridiques entendu·es lors du processu s parle-
mentaire.
Il faut, d’une part, sig naler les problèmes inhérents à l’ali-
néa
 du nouvel art.A de l a LPG. Cet aliné a appréhende
deux comportements très largement dist incts: celui de
mendier «en étant accompag né d’une ou de plusieurs
per-
sonnes mineure s ou dépendantes» et celu i d’orga niser
 ACST// part ie «en droit» consid. let.c.
 A rrêt du Tribuna l fédéral C_/ consid...
 ACST/ / part ie «en droit» consid. le t.c.
 ACST// par tie «en droit» consid. l et.c.
 L a Chambre cite l’ATFI.
 ACST//  par tie «en droit» consid. le t.c.
19
20
21
22
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 29
VII. Réexions autour de la liberté
d’expression et l’interdiction des
discriminations
Nous estimons par ailleurs que l’arrêt de la Chambre
constitutionnelle genevoise a rejeté trop rapidement les
griefs tirés de la liberté d’expression et de l’interdiction
des discr iminations. Ce rejet, que la Chambre just ie en
se référant à la juri sprudence du Tribunal fédéral, s’ex-
plique aussi par le min imalisme judicia ire de la Cour EDH.
En eet, ayant conclu à une violation de l’art. CEDH,
celle-
ci a estimé que ce n’était pas nécess aire d’exami ner
les autres grief s invoqués par la recourante. Or, contrai-
rement à ce que la Cour de justice laisse sous-entendre,
il n’en découle pas nécessairement que ces droits ne se-
raient pas per tinents. Ils pour raient au contraire jouer un
rôle central dans des aaires futures, notamment pour
déter
miner l’admissibilité d’interdictions partielles de la
mendicité. En eet, le fait que de telles i nterdictions posent
des problèmes non seulement au regard du droit à une vie
privée, mais aussi à d’autres droits gar antis par la CEDH,
facilitera it le constat de violation même dans des c as
moins
extrêmes que celui à l’origine de l’aaire Lăcătuş.
La première question laissée ouverte par la Cour EDH
dans l’aaire est de savoir si l’exercice de la mendicité est
protégé par la liber té d’expres sion (art. CEDH). Comm e
l’ont souligné plusieurs opinions séparées

, l’aaire
Lăcătuş aura it permis à la Cour de t rancher cette question
qui s’était déjà posée à plusieurs reprises devant des juri-
dictions i nternes, le Tribunal fédéral aya nt répondu par
la négative, mais d’autres hautes juridictions, comme la
Cour suprême autrichienne, ayant répondu par l’ar-
mative

. L’opinion concordante de la juge Keller indique
comment la Cour pourrait raisonner dans un tel cas.
Tout d’abord, elle conr me que des gestes ne doivent pas
être accompa gnés de paroles pour entrer da ns la sphère
protégée par la liber té d’ex pression. En eet, d’après la
jurisprudence établie, la liberté d’expression protège la
communicat ion non verbale

, par exemple avec des actes
p
rotestat aires ou d’autres formes de comportement ou
 Cou r EDH, Lăcătuş c. Sui sse, §, .
 Cou r EDH, Lăcătuş c . Suisse, op. conc. Kelle r, §, ; op. par t. conc.
Lemmen s, §; op. part. conc. Rava rani, §ss.

Arrêt du T ribunal féd éral B_/ du septembre   consid.;
Österre ichische r Verfassungs gerichtshof ( VfGH), Arrêt G _/-
du
juin  , §ss.

 , in: Meyer-Ladewig /Netteshei m/von Raumer (édit .),
EMRK H andkommenta r, 
ème
éd., Baden-Bade n , Art. CE DH,
N.
 A rrêt de la Cour EDH / e t al. du février   (Ibrahim ov et
Mammadov c. Azerbaïdjan), § et les réf. cit.; arrêt de la Cour
EDH / du ju illet  (M ariya Ale khina et aut res c. Russie),
§ss.
26
27
28
problème d’après la juri sprudence du Tribunal fédéral.
Néanmoins d ans le cas présent, les représentant·es de la
police ont déjà donné leurs recommandations. Iels ont
jugé
qu’un rayon de mètres autour des bancomats et
postomats était raisonnable. Pour notre part, nous au-
rions esti mé que les abords immédiats représentaient u n
rayon de  à maximum  mètres, com me cela a d'ailleurs
été soulig né lors des débats

.
Au regard de la longue l iste
de lieux «aux abords immé diats» desquels l’alinéa inter-
dit la mendicité, l’importance d’une dénition claire est
certa ine. L’ordre pénal exige que les per sonnes se trouvant
en Suisse soient sou mises à des règles clai res an de pou-
voir adopter des comportements adéquats. Il pa raît dif-
cile avec la simple expression «aux abords im médiats»
de déterminer quel rayon est appréhendé par l’alinéa.
De plus, le rayon mentionné comme «raisonn able» par les
représentant·es de la police concerne les lieux de ret raits
d’argent, mais est-ce aussi raison nable d’interdire la men-
dicité dans un rayon de mètres autour «des entrée
s et
sorties de tout établissement à vocation commerciale,
notamment les mag asins, hôtels, cafés, restaurant s, bars
et discothèques»

? Il est de mise qu’une expres sion uti-
li
sée plusieurs fois au sein d’une même norme a it la même
signication. Or, si un rayon de mètres devait être ap-
pliqué à chaque chire de l’alinéa, cela interdirait la
mendicité de pans entiers du canton de Genève, notam-
ment ceux où la densité est import ante et donc la pratique
de la mendi cité plus intéress ante. Ce problème d’inter pré-
tation de l’expression «aux abords immédiats» met en jeu
la conformité même de la nouvelle teneur de l’art. A LPG
avec l’arrêt Lăcătuş. Ainsi, il est possible — selon l’inter-
prétation qu’adoptent les autorités — que l’interdic
tio
n
géographique de la mendic ité couvre un territoire subs-
tantiel du canton. L’ancienne interdiction générale de
jure de la mend icité dans le canton serait donc potentiel-
lement transformée en interdiction générale de fact o de la
mendicité. Cette dernière serait reléguée à des endroits
peu fréquentés, industr iels ou ruraux, où le fait de men-
dier perd tout son sens. Dès lors, on peut admettre que
la nouvelle teneur de l’art.A LPG paraît dicilement
c
onforme avec l’arrêt Lăcătuş lui-même.
 ATFI cons id... ; ATFIV con sid.. ; arrêt du Tr ibunal
fédéral B_/ du janv ier  consid....
 ACST/ / part ie «en droit» consid. let.a.

Rapport PL  -A de l a commission jud iciaire et de la pol ice char-
gée d’étudier le projet de lo i modiant la l oi pénale genevoise ( LPG)
(E) du  novembre   (Adaptation de l’i nterdit péna l de la men
-
dicité en su ite de l’arrêt de la Cou r européenne de s droits de l’homme
du janvie r ), p.. Ce rayon de  mètres autour de l
objet concer-
né a par ai lleurs été mis en pl ace dans le canton de B âle-Ville.
 ATFI consid... ; ATFIV con sid... ; ATFIV
consid...
 Art. A al. let.c ch. LP G.
25
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 30
où celui-ci protège aussi le dis cours commercial, contrai-
rement à l’art. al. Cst.

. La question sera en reva nche
pertinente au niveau de la justication des ingérences,
le discours commercial pouvant être plus facilement
res
treint.
La seconde question au sujet de laquelle la Cou r EDH est
restée silencieuse est cel le de l’interdiction des d iscrimi-
nations en lien avec le droit à une v ie privée. Cette ques-
tion s’est, elle aussi, posée à plusieurs reprises devant le
Tribunal fédéral qui continue à renvoyer à son arrêt de
princ ipe de  nia nt l’e xistence d’une d iscrim ination

.
Malgré le sile nce de la Cour EDH—y compris des opinions
séparées, qui la mentionnent sans l’examiner—, l’arrêt
Lăcătuş c.Suisse donne quelques des pistes à propos de
l
a perti nence de l’interdict ion des discrimi nations, que ce
soit en lien avec l’origine ethnique ou en ra ison de la situ
a-
t
ion sociale à tr avers les riche s matériaux internationaux
qu’il cite. Les deux critères sont étroitement liés: «le
racisme favorise l’exclusion et la pauvreté» et, à l’inverse,
il «est d’autant plus virulent qu’une cible [est] déjà marg i-
nalisée»

. Dès lors, ils doivent être abordés da ns une pers-
pective inter sectionnelle, c’est-à-di re en tenant
compte de
l’eet cumulé de ces critères et de leur interaction.
S’agissant d’abord de l’origine et hnique, la Cour EDH cite
les rapports du Haut-Commis saire des droits de
l’homme
du Conseil de l’Europe qu i critiquent des lois interdisant
la mendicité comme «exemple[s] d’“antitsiga nisme”»

.
Ces lois ne touchent pas seulement souvent de manière
disproportion née les personnes roms, mais les v isent par-
fois explicitement. À Genève, par exemple, les travaux
parlementaire s et le discours public lors de l’élaboration
de la loi indiquent en eet que cette dernière vise essen-
tielleme nt les mendiants rom s

. Le canton de Genève ne

 (n. ), N;  (
n.
), p. s.; L’art.  al. Cst. n
e
protège que le dis cours à caractère idéal, le di scours commercia l
étant proté gé, à certaines cond itions, par la liberté économ ique
garant ie à l’art. Cst. À ce prop os,  relève toutefois
à
juste tit re le risque d’une l acune dans l a protection, da ns la mesure
où le Tribu nal fédéral a esti mé que la mendicité ne constitua it pas
une acti vité commerc iale au sen s de l’art. Cst. (voir 
[
n.], p.).
  (
n.
), p..
 Ar rêt du Tribuna l fédéral B_/ du août  cons id...

Cour EDH, L ăcătuş c. Su isse, op. part . conc. Lemmen s, §; Cour EDH,
Lăcătu ş c. Suisse, op. part. conc .Ravarani, §.
 C our EDH, Lăcătuş c. Su isse, § ss, .
   , Les droit s des Roms (n.), p.s.

 , Intersectio nal Discr iminat ion and Substa ntive Equali ty.
A Comparat ive and Theoretic al Perspec tive, The Equa l Rights Rev iew
, p.ss.

Commis saire aux d roits de l’homme du Cons eil de l’Europe, R apport
CommDH() su ite à la visite en Fra nce du févr ier , § ;
voir Cour EDH , Lăcătuş c. Suisse , §ss.

 / /  (n. ), p.ss; 
/  /   , Begg ing in Ge-
neva: Which Right to Wh ich City?, Envi ronnement urba in /,
Nss, ss.
30
31
encore une tenue vestimentai re ou le port d’un sy mbole

.
En font donc également partie les gestes véhiculant un
message

. Le fait de tendre la m ain ou un gobelet, même
d’être agenoui llé·e devant u n gobelet, représente u n
geste
qui est «universellement connu et compris comme une
demande d’aide», comme l’é crit la juge Keller

. Le Tri
bu-
nal fédéral lui-même a décrit la mendicité comme le fait
de «faire appel à la générosité d’autrui pour en obte nir de
l’aide»

, indiquant avec cette formu le le message t rans-
mis par les gestes de la requérante.
Ensuite, il faudrait se poser la question de la nature du
message exprimé. La juge Keller parle d’un «cri de dé-
tresse»

; plus généralement,  résume le mes-
sage exprimé pa r «je suis pauvre et j’ai besoin d’argent»

.
Dans une certaine mesure, l’exercice de la mendicité
comporte également une dimension politique, attirant
l’at
tention du public sur l’existence de la pauvreté dans
une société donnée. Cette visibilisation de la misère
constitue d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la
mendicité est considérée comme dér angeante et problé-
matique

. Or, elle n’es t pas forcément recherchée pa r les
personnes exerçant la mendicité; madame Lăcătuş, par
exemple, n’a pas allég ué vouloir transmett re un message
politique. Même en l’absence d’i ntention politiq ue,
l’ap-
pel au soutien entre dans la sphère protégée par l’art.
CEDH, qui couv re également la communication de si mples
faits, y compris lorsqu’elle est de nature interindivi-
duelle plutôt qu’adressée à un large public

. La mendi-
cité a été décrite comme une activité «comportant des
aspects communicatifs et commerciaux». Partant, on
pourrait s e demander si elle relève du discours commer-
cial au sens la rge, en tout cas lorsque l’intéressé·e n’a pas
d’intention politique. Au stade de l’applicabilité de
l’art.
CEDH, cette quest ion peut rester ouverte, dans la mesure
 A rrêt de la Cour EDH / du juillet  ( Vajnai c. Hongrie),
§.

Cour EDH, / du septembre   (Steel et autres c . Royau
me-
Uni), §;  (n.), p..

Cour EDH, Lăcătuş c. Suisse, op. conc. Keller, §. Dans le même
sens, voir au ssi  (
n.
), p..
 ATFIconsid...
 C our EDH, Lăcătuş c . Suisse, op. conc. Keller, §.
  (
n.
), p. (notre traduc tion).
  (
n.
), p..
 Cette a rmation doit être nu ancée, certai nes formes de pauvreté
dérangea nt plus que d’autres. Ains i, des études ind iquent que c’est
l’intersec tion entre pauv reté et orig ine étran gère qui est perç u comme
part iculièreme nt dérangeant e: voir, à propos de la ville d e Bologne,
  /   /  ,
The Homeless a nd Public Space. Urban Polic y and Exclusion in B o-
logna, Re vue intervent ions économiques / , N.
 Arrêt du T ribunal fédéra l B_/ du septemb re 
consid...
  (n. ), N .
  (n. ), N.

 , Kommunikationsgrundrechte, ZBJV ,
p..
29
  /   , Interdire la mend icité sans vi oler les droits huma ins?, sui generis 2023 31
pauvreté, qui avait jugé que «l’interdiction de la mend i-
cité et du vagabondage représente une violation grave
des principes d’égalité et de non-discrimination» .
VIII. Conclusion
La réponse apportée à l’arrêt Lacatus par le canton de
Genève est décevante. Après l’arrêt Lăcătu ş c.Suisse on
aurait pu espérer que le ca nton de Genève renonce à cri-
minaliser la mendicité. En eet, même s’il concernait le
cas particulier d’une interdiction absolue, l’arrêt a mis
en lumière divers aspects problématiques de toute légis-
lation criminalisant la mendicité. Ce faisant, il a aussi
établi que des motifs com me la «gêne» des passant·e·s
ou
l’attrait touristique d’une ville ne pèsent pas lourd dans
la pesée des intérêts.
Seulement, au lieu de reconsidérer entièrement sa poli-
tique vis-à-vis de la mendicité, le canton de Genève a fait
preuve d’un minimalisme juridique certain dans sa ré-
ponse à l’arrêt de la Cour EDH. Les autorités se sont
contentées de réécrire la norme pénale de manière à
e
s
sayer d’éviter les écueils les plus évidents soulevés sans
y
apporter de nuance. Ai nsi, en résulte une loi qui s’appa-
rente à nouveau da ngereusement à une i nterdiction gé -
rale de la mendicité et semble dicilement compatible
avec les principes dégagés dans l’arrêt Lăcătuş c. Suisse.
Par ailleurs, il aurait été souhaitable que la Chambre
const
itutionnelle genevoise e xamine en détai l la compa-
tibilité des mesures d’interdiction partielle de la mendi-
ci
té la liberté d’expression (art. CEDH) et l’interdiction
des discriminations (art. CEDH). Ces deux d isposi
tions,
évoquées uniquement en mar ge de l’arrêt Lăcătuş c. Suisse,
sont indispensables à une analyse holistique de la men-
dicité. Elles permettent d’appréhender la thématique
sous d’autres angles et mettent en exergue des aspects
problématiques de s interdictions, mê me partielles, de la
mendicité. Il est à espérer que de f uturs arrêts remédie-
ront à ces lacunes et rappelleront aux autorités sui sses que
le «vivre ens emble» signie aussi être confronté·e à des
situations que nous ne préférions pa s voir; un rappel qu i
est d’autant plus important au vu de s tendances v isant à
bannir toute évidence de la pauvreté de l’espace public.
 Rappor teuse spécia le des Nations Unies su r l’extrême pauvreté et
les droits de l’homme, Mme Magdalena Sepúlveda Carmona,
A//, août , §; voir Cour EDH, Lăcătuş c. Suisse,
§ss, .
33
34
35
constitue d’ailleurs pas une exception, des débats légis-
latifs similaires ayant par exemple eu lieu en Suède.
Concernant ensuite la situation sociale, l’interdiction de
la mendicité est une mesu re d’apparence neutre, mais
qui
touche dans ses cons équences négatives de manière pré-
pondérante, voire de manière exclusive, les personnes
pauvres. Rappelons à cet égard que, selon la jurispru-
dence constante, l’on est en présence d’une discrimina-
tion indirecte lorsqu’une mesure ou réglementation
for-
mulée de manière neutre a u n eet préjudiciable dispro-
portionné sur un groupe particulier, même si elle ne le
vise pas spéciquement. L’existence d’une discrimina-
tion indirec te ne présuppose ai nsi pas d’intention discri-
minatoi re, puisqu’elle s’intéress e aux eets d’une mesu re,
même lorsque ceux-ci n’ont pas été voulus ou envis agés
lors de sa conception. L a Cour a également reconnu le
caractère d iscriminatoire de mesu res qui contribuent à
stigmatiser davantage des groupes particulièrement
vulnérables de la société

. C’est le cas s’agissant de la
mendicité, dont l’interdiction e st souvent justi ée, dans
le discours public et politique, par un amalgame entre
mendicité et criminalité. Ce discours rapproche la pau-
vreté de la cri minalité et par ticipe à dépeindre les pauvres
comme indésirables, contr ibuant à les stigmatiser. Sans
faire l’objet d’un raisonnement détaillé, ces réexions
trouvent indirectement leur ancrage dans l’arrêt Lăcă-
tuş c. Suisse, notamment parce que la Cour EDH y cite la
Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’extrême

 / , Who’s afraid of the «beggar»? A
psychoan alytic i nterpretati on of the crise s triggered b y the beggi ng
of «EU migrants» in Sweden, Social & Cultural Geog raphy ,
p.ss.

 (
n.
), p.;  , Armut und Diskrimi
-
nierung. Eine Untersuchung zum Diskriminierungsschutz ür be-
dürft ige Menschen in de r Schweiz, St.Gal len , p..

Arrêt de la Cour EDH [GC] / du novembre  (D.H. et
autres c. Républ ique tchèque), §, ; voir déjà arrêt de la Cou r
EDH / du ma i  (Hugh Jordan c. Roy aume-Uni), §.

 , Emerging f rom the Shadows. Subst antive Equa-
lity a nd Art. of t he European Co nvention on Human
Rights, HRLR
, p.;  , La discrimin ation
mul
tiple. Étude
de droit inter national, su isse et européen, Zu rich ,
p..

Arrêt de la Cour EDH / du mai  (A lajos Kiss c. Hon
-
grie);  , Di scriminat ion a stigma. A the ory of anti-
discr imination l aw, Oxford/ Portland , p.ss.
 / /   (n.), Ns., qui mettent en rel ief
l’amalga me entre mendicité, cri minalité et or igine rom. Voir aussi
  , Discr imination aga inst Roma. Evide nce from two sur-
vey exper iments in Nor way, Migration St udies , p.. Ces
études
montrent éga lement l’importa nce d’une analys e holistique et l’im-
possibi lité de séparer le mo tif de la situ ation socia le de celui de l’ori-
gine et hnique dans l’ana lyse sous l’angle de l’interdiction des dis-
criminations.
32
Abstract
Am . Januar  ällte der Europäische Gerichtshof ür
Menschenrechte (EGMR) sein mit Spannung erwartetes
Ur-
teil im Fall Lăcătuş gegen die Schweiz zum Bettelverbot, d as
nun endgültig ist. De r Kanton Genf reagierte darauf, indem
er seine strit tige Bestimmung zur Bettelei änderte, die kurz
darauf am . Juli  Gegenstand e ines Urteils der Genfer
Verfassungskammer wurde. Ihr Urteil validiert unter abs-
trakten Gesichtspunkten den neuen Wortlaut des Genfer
Gesetzes, da s Betteln nun aufgrund von geograschen und
verhaltensbezogenen Kriterien verbietet. Der vorliegende
Artikel setz t sich kritisch mit diesem Entsche id auseinander
und geht dabei insbesondere auf die Rechtsprechung des
EGMR ein. Er liefert auch Überleg ungen ür die zuk ünftige
Entwicklung der Rechtsprechung.
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Suisse, op. part. conc. Lemmens, § 2 ; Cour EDH, Lăcătuş c. Suisse, op. part. conc. Ravarani, § 17
  • Edh Cour
Cour EDH, Lăcătuş c. Suisse, op. part. conc. Lemmens, § 2 ; Cour EDH, Lăcătuş c. Suisse, op. part. conc. Ravarani, § 17.
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  • Arrêt De La Cour
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  • La Cour
Arrêt de la Cour EDH 38832/06 du 20 mai 2010 (Alajos Kiss c. Hongrie) ; iyiola solaNke, Discrimination a stigma. A theory of antidiscrimination law, Oxford/Portland 2017, p. 75 ss.