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15 janvier 2023 - jurisassociations 671
1. Recherches & Solidarités, Le Mou-
vement associatif, RNMA, DJEPVA,
France générosités, CNEA, « #Co-
vid-19 : où en sont les associations
après le confinement ? », juin 2020,
JA 2020, no 623, p. 10, obs. E. Autier.
2. Recherches & Solidarités, Le Mouve-
ment associatif, RNMA, DJEPVA, France
générosités, Hexopée, « #Covid-19 :
où en sont les associations un an
après ? », juin 2021, JA 2021, no 642, p. 6,
obs. E. Benazeth ; v. égal. « Crise sani-
taire – En quête de vie... associative ! »,
JA numéro spécial du 15 oct. 2021.
L
es pandémies font partie des risques globaux particulière-
ment redoutés par les spécialistes du management des risques
puisque, outre les enjeux sanitaires et humains, elles imposent des
mesures acérées et procycliques, aggravant encore davantage la
crise. En l’occurrence, les associations remplissent souvent un rôle
social protecteur pour limiter les effets des crises sur les populations.
Que se passe-t-il alors quand ce sont les organisations elles-mêmes
qui, par la force des choses, entrent en crise?
C’est là que le concept de résilience s’impose, notamment en
sciences de gestion. Il nécessite bien entendu d’être discuté et
adapté aux associations, mais il permet de mieux les comprendre et
de les accompagner. Grâce à la réactivité des réseaux associatifs, le
secteur a pu être étudié dès le premier connement. Deux études
de Recherches & Solidarités ont permis d’analyser précisément la
résilience des associations: celle de juin 20201, puis celle de juin
20212. De cruciales leçons peuvent en être tirées.
LE CONCEPT DE RÉSILIENCE,
PERTINENT POUR LES
ASSOCIATIONS ?
Un concept souvent
tronqué
La résilience a tendance à être asso-
ciée à un rebond à cause de sa racine
latine. De ce fait, une approche par
l’équilibre est souvent retenue: une
organisation résiliente parvient à
retourner à l’équilibre initial après
une perturbation. L’équilibre devrait
donc être retrouvé à tous les niveaux:
celui de la gouvernance, celui de
l’identité et celui des valeurs ainsi
qu’au cœur des processus. Deux
erreurs sont cependant courantes du
fait de l’usage actuel du concept.
D’une part, la résilience n’est pas
seulement liée à une crise : des
chocs économiques, sociaux ou
politiques peuvent aussi faire vaciller la survie d’une association, tout
autant que des changements dans le secteur. Les scandales ou encore
les erreurs de gestion, liés à l’organisation seule, sont aussi concernés.
D’autre part, une approche en trois temps est préférable: la rési-
lience est un processus et pas seulement un état. Le rebond évoqué
ci-dessus n’est en réalité qu’une dimension de la résilience, qui
permet de faire face à la perturbation. Ensuite, les organisations
mettent en place les changements nécessaires pour s’adapter et,
surtout, pour se préparer à la prochaine perturbation. La clé de la
résilience est donc l’anticipation.
Si le concept de résilience a tendance à s’imposer dans les paysages
politique et économique, il reste peu usité dans l’étude du secteur
associatif. Pour éviter qu’il ne soit imposé aux associations sans
adaptation ni contextualisation, proposer un filtre d’analyse
spécifique était indispensable. Grâce aux enquêtes portées par les
réseaux associatifs, le défi a pu être relevé.
SOCIOLOGIE
AUTEUR Guillaume Plaisance
TITRE Maître de conférences
en sciences de gestion à l’université de Bordeaux,
administrateur de Recherches & Solidarités
ARTICLE
VIE ASSOCIATIVE
CRISE SANITAIRE
ET RÉSILIENCE
DES ASSOCIATIONS
Article extrait de Jurisassociations n° 671 du 15 janvier 2023. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris éditions © Éditions Dalloz – www.juriseditions.fr
44 jurisassociations 671 - 15 janvier 2023
ARTICLE
VIE ASSOCIATIVE
3. J. N. Valero, K. Jung, S. A. Andrew,
« Does transformational leadership
build resilient public and nonprofit
organizations? », Disaster Prevention
and Management, 2015, 24(1), 4-20.
4. S. D. Fyffe, « An exploration of resilient
nonprofit organizations: how human
services providers in Virginia survived
and thrived the great recession of
2007-2009 », 2014, Virginia Polytech-
nic Institute and State University.
5. E. A .M Searing, K. K. Wiley, S. L. Young,
« Resiliency tactics during financial
crisis: the nonprofit resiliency fra-
mework », Nonprofit Management
and Leadership, 2021, 32(2), 179-196.
6. G. Plaisance, « Resilience in arts
and cultural nonprofit organizations:
an analysis of the Covid-19 crisis in
France », Voluntas: International
Journal of Voluntary and Nonprofit
Organizations, 2022, 33(5), 1015-1034.
7. G. Plaisance, « French nonpro-
fit organizations after one year of
Le cas négligé des associations
Le concept de résilience associative a malheureusement été négligé
jusqu’à présent. Pourtant, les associations sont particulièrement
concernées, peut-être même plus que les entreprises puisque leurs
activités ont des impacts immédiats sur les communautés3. De
surcroît, la résilience dans les associations est particulière: celle de
la communauté autour d’elles permet de résister avec davantage de
facilité aux crises.
Deux approches de la résilience non lucrative peuvent être rete-
nues. La première4 considère que, au cœur de la crise, l’organisation
doit être exible et adaptable pour maintenir l’activité, les missions
clés ainsi que les liens avec les parties prenantes principales. Au l
de la crise, l’organisation doit chercher à recouvrer et restaurer ses
ressources: dans le premier cas, il s’agit d’arrêter les dommages et la
spirale négative tandis que le second conduit à retrouver un niveau
équivalent ou meilleur à celui d’avant-crise. Enn, après la crise, les
organisations engagent les réformes nécessaires pour protéger leur
prospérité et se transformer en préparation d’une autre crise.
Une vision plus récente5 de la résilience insiste, quant à elle, sur
le dilemme auquel les associations sont confrontées. Elles doivent
en effet choisir entre la persistance de leur organisation et la conti-
nuité de l’activité. Dans l’idéal, il conviendrait de concilier les deux
puisque prioriser l’un ou l’autre est délicat pour une association.
L’analyse de ce dilemme a été le l rouge des études dédiées à la
résilience associative en France.
FAIRE FACE À LA CRISE : LES ASSOCIATIONS
CULTURELLES APRÈS LE PREMIER CONFINEMENT
Focus sur les activités artistiques et culturelles
Tel que déjà indiqué, la résilience est un concept à adapter aux asso-
ciations. Néanmoins, chaque domaine d’activité nécessite égale-
ment une contextualisation, quitte à ensuite généraliser aux associa-
tions. Prenons l’exemple de la résilience dans le domaine artistique
et culturel.
Quand celle des entreprises est souvent ramenée à une survie à tout
prix, la résilience d’une association artistique et/ou culturelle conduit
plutôt à protéger les valeurs associatives et à procéder à des change-
ments stratégiques. L’association préférera faire évoluer ses objectifs
et faire avec ses nouvelles ressources plutôt que de renoncer à ses
valeurs et, de fait, à la communauté qui l’entoure. Le territoire et l’hé-
ritage pour les bénéciaires – et les partenaires– passent avant tout.
L’analyse6 de l’enquête «#Covid-19: où en sont les associations
après le connement ? » de juin 2020 a permis de faire le point
sur l’état des associations juste après le premier connement.
Comprendre l’impact de la crise sur les ressources fondamentales
(humaines, nancières et relationnelles) des associations conduit
ensuite à l’étude de ses conséquences sur les besoins exprimés et sur
les réformes mises en œuvre.
L’effondrement d’un secteur malgré tout résistant
Les résultats obtenus sont sans appel : le manque de ressources
humaines (connées) et nancières (souvent suspendues) a parti-
cipé à la léthargie de nombreuses associations. Pour autant, la
taille des structures artistiques et/ou culturelles a permis d’absorber
une partie du choc. Si les associations se sont retrouvées au bord
du gouffre nancièrement et du point de vue de leur activité, elles
ont pu compter sur quelques partenaires et sur des bénévoles de
conance pour se protéger du pire. De ce fait, un tiers des associa-
tions a fait appel aux aides de l’État. Un signal fort est en revanche
envoyé grâce à la réponse aux questionnaires. Les besoins immédiats
ne sont paradoxalement pas les plus importants. Les associations artis-
tiques et/ou culturelles appelaient plutôt, d’un côté, leurs partenaires
à être plus clairs sur les conditions de leur aide à moyen terme et, de
l’autre, l’État à préciser les modalités de sortie de crise et de réouver-
ture des établissements. La mobilisation sociale et relationnelle de la
communauté comptait donc autant qu’un soutien nancier.
Qu’en est-il des réformes ? Elles sont surtout engagées par les asso-
ciations en manque de moyens et sont envisagées pour regagner
la conance et l’engagement des bénévoles, des acteurs publics et
privés ou encore du grand public. Les associations de ce domaine
d’activité ont souffert en particulier à cause des fragilités préexis-
tantes à la crise. Elles ne cherchaient donc pas à retrouver l’équilibre
exante, mais plutôt à créer une nouvelle stabilité. Pour cela, elles
ont dû laisser de côté la continuité de l’activité pour protéger autant
que possible la persistance de l’organisation.
La capacité des associations à faire face à l’adversité est vive. Le
dilemme renvoyant dos à dos activité et persistance a néanmoins
L’ESSENTIEL La crise sanitaire s’est
ajoutée aux difficultés
structurelles des associations.
Le concept de résilience se
révèle adapté pour étudier
leur capacité à résister,
faire face et rebondir.
Article extrait de Jurisassociations n° 671 du 15 janvier 2023. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris éditions © Éditions Dalloz – www.juriseditions.fr
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15 janvier 2023 - jurisassociations 671
Covid-19: insights into organizational
resilience », Journal of General Mana-
gement, 2022, en cours de publication.
8. Ibid. Le cube présenté ici est une tra-
duction et une adaptation de l’article cité.
9. Cinq niveaux sont retenus par
Searing, Wiley et Young (préc.) :
la gouvernance (management et
leadership), les programmes et ser-
vices, le rayonnement, les ressources
humaines et les enjeux financiers.
10. S. D. Fyffe, préc.
été difcile à vivre pour des orga-
nisations si ancrées territoriale-
ment. Pour les soulager, le soutien
à leur apporter est donc tout aussi
tangible, il ne faut pas le nier, qu’in-
tangible. Réduire les incertitudes
liées à l’avenir des relations est en
soi une ressource précieuse quand
la période est si trouble.
S’ADAPTER POUR REBONDIR :
POINT D’ÉTAPE UN AN APRÈS
La résilience, un processus complexe
L’enquête «#Covid-19: où en sont les associations un an après?»
de juin 2021 permet de prendre du recul et d’analyser la résilience
en tant que processus. Du fait du découpage souligné plus haut,
il serait logique que le recouvrement des activités et des processus
internes soit le fondement sur lequel se bâtirait la résilience associa-
tive. Autrement dit, la disponibilité des ressources essentielles poin-
tées précédemment devrait permettre ensuite de mettre en place
des stratégies de résilience. L’analyse7 des résultats de l’enquête,
tous domaines d’activité confondus, vient remettre en cause cette
hypothèse.
Pour le bien-être des associations, un assez bon recouvrement des
ressources pouvait être espéré. Hélas, quatre associations sur dix
n’avaient pas pu relancer leur activité et près de deux associations
sur trois rencontraient toujours des difcultés avec leurs bénévoles.
Financièrement, 50 % des associations restaient fragiles, même si
leur trésorerie était désormais sécurisée. Après un an de crise, 41 %
des associations continuaient d’avoir recours aux aides de l’État.
Ce tableau n’a pas empêché les associations d’envisager des stra-
tégies de restauration. Du point de vue nancier, les associations
comptaient s’appuyer sur les dons et des facilités de paiement. Le
besoin de transparence des partenaires quant à leurs intentions
de nancement était de nouveau une priorité. Du point de vue
humain, la restauration passait par la remobilisation des bénévoles
plutôt que par l’appel à de nouveaux volontaires. En somme, les
stratégies de restauration sont étroitement liées à la dépendance des
associations à leurs apporteurs de ressources (bénévoles, donateurs,
partenaires nanciers, etc.).
Ce résultat est d’autant plus crucial qu’il vient rejeter l’idée selon
laquelle la résilience serait un processus linéaire et progressif. Les
stratégies de restauration reposent peu sur le recouvrement des
ressources, mais plutôt sur la gestion des dépendances aux acteurs
qui entourent l’association (appelés parties prenantes).
Une proposition pour aider à piloter la résilience
An d’accompagner les associations dans la gestion de leur résilience,
l’idée était de proposer une représentation du concept utilisable
directement par les organisations. L’analyse des deux études précé-
dentes avait aussi, en creux, l’objectif de tester les résultats obtenus
par les scientiques dans d’autres contextes nationaux. Ainsi est-il
possible de formuler une proposition sous forme de cube (v. ci-dessus)8.
Elle s’appuie sur les cinq échelles9 pour lesquelles il convient de
développer la résilience. Ensuite, les six étapes pointées précédem-
ment10 sont conservées, tout en y ajoutant un enjeu spéciquement
français: la gestion des dépendances. Pour développer leur rési-
lience, les associations doivent parvenir à modérer les dépendances
qui les mettent en difculté. Finalement, la dernière face du cube
invite à penser une priorisation des parties prenantes en fonction de
leur contribution à la résilience.
Ce cube peut ainsi être utilisé comme trois faces distinctes, mais aussi
combinées. Par exemple, au début, pour penser la résilience, une
association peut s’intéresser aux parties prenantes de court terme qui
permettent de renforcer la exibilité des programmes et services, et
ainsi de suite. Le cube défend surtout les trois principaux résultats de
ces enquêtes: revenir à l’équilibre préexistant semble inapproprié, la
logique processuelle est pratique mais peu réaliste et, surtout, commu-
niquer avec ses parties prenantes est indispensable. Sans doute ce
dernier point dépasse-t-il d’ailleurs le seul enjeu de la résilience…!
Confronté à une crise d’une
telle ampleur, le monde associatif
a su faire face en dépit d’un accès
limité aux ressources vitales.
Transformation pour mieux affronter les crises
Flexibilité face à la nouvelle situation
Adaptabilité des processus et des structures
Recouvrement de l’activité, des ressources, etc.
Gestion des dépendances
Restauration de l’activité, des ressources, etc.
Recherche de / retour à la prospérité
Management et leadership
Programmes et services
Rayonnement
Ressources humaines
Enjeux financiers
Parties prenantes de court terme
Parties prenantes de moyen terme
Parties prenantes de long terme
Après la crise
Tout au long
de la crise
À l’apparition
de la crise
© naqiewei / © illust-monster
Article extrait de Jurisassociations n° 671 du 15 janvier 2023. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris éditions © Éditions Dalloz – www.juriseditions.fr