L'émergence des tiers-lieux culturels et ses enjeux sociaux Chrysoula Sotiropoulou Sous la direction de François Audigier

Abstract

La recherche étudie le projet culturel des tiers-lieux sur le territoire français, mais aussi ses enjeux sociaux et son impact sur les participants et les communautés. Dans un premier temps, l’analyse présente l’émergence des tiers-lieux en s’adressant aux conditions actuelles qui ont encouragé l’expansion, leur définition et caractéristiques, les aides qui sont mises en place par les acteurs publics, ainsi que leurs activités et leur lien avec des cultures différentes (artistique, numérique, etc.). Deuxièmement, afin d’aligner le projet culturel avec sa dimension sociale, suit la présentation de certaines structures du territoire mosellan qui serviront comme cas d'études concrets. Pour finir, une enquête s’adresse aussi au grand public, dans le but de mesurer leur implication et leur ressenti par rapport aux lieux.

Full text

UNIVERSITÉ DE LORRAINE
MASTER ARTS ET CULTURE
L'émergence des tiers-lieux culturels et ses enjeux
sociaux
Chrysoula Sotiropoulou
Sous la direction de François Audigier
Projet de tiers-lieu. © Guillaume Fenard
AOÛT 2022

Université de Lorraine L'émergence des tiers-lieux culturels Chrysoula SOTIROPOULOU
UFR Arts, Lettres et Langues (Metz) et ses enjeux sociaux Département Arts 2021-2022
Mémoire de fin d'études | M2 Expertise et Médiation Culturelle
Année Universitaire 2021-2022
L'émergence des tiers-lieux culturels et ses enjeux
sociaux
Chrysoula Sotiropoulou
Sous la direction de François Audigier
Mémoire de recherche
M2 Expertise et médiation culturelle 2

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UFR Arts, Lettres et Langues (Metz) et ses enjeux sociaux Département Arts 2021-2022
Remerciements
Je remercie ma famille et Guillaume Fenard pour leur soutien tout au long de mes années en
Master et les professeurs de cette formation qui m’ont ouvert et éclairé le champ de la culture
tout en dévoilant ses volets si passionnants.
Je remercie également tous ceux qui ont accepté ma demande d’entretien, Gaëlle Todeschini,
Vincent Bernard, Camille Erbstein, Anne Guillou et Nicolas Royer.
Résumé
Le mémoire étudie le projet culturel des tiers-lieux qui prend de plus en plus de place sur le
territoire français, mais aussi ses enjeux sociaux et son impact sur les participants et les
communautés. Dans un premier temps, l’analyse présente l’émergence des tiers-lieux en
s’adressant aux conditions actuelles qui ont encouragé l’expansion, leur définition et
caractéristiques, les aides qui sont mises en place par les acteurs publics, ainsi que leurs
activités et leur lien avec des cultures différentes (artistique, numérique, etc.).
Deuxièmement, afin d’aligner le projet culturel avec sa dimension sociale, suit la présentation
de certaines structures du territoire mosellan qui serviront comme cas d'études concrets. Pour
finir, une enquête s’adresse aussi au grand public, dans un effort de mesurer leur implication
et leur ressenti par rapport aux lieux.
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Table des matières
Introduction 5
Partie I. L'émergence des tiers-lieux et ses enjeux sociaux 6
1. Culture et société, deux éléments interdépendants et évolutifs 6
1.1. La place des citoyens dans le processus créatif des villes 8
2. L'émergence des tiers-lieux 10
3. L’activité culturelle des tiers-lieux 15
3.1. Squat, artist-run-space, friche 16
3.2. Bibliothèque, tiers-lieu universitaire, tiers-lieu éducatif 21
3.3. Hackerspace, fablab, micro-folie, medialab 23
3.4. Coworking, living lab 25
3.5. Tiers-lieu solidaire, tiers-lieu culinaire, jardin partagé 27
4. Les tiers-lieux s'épanouissent en France 30
4.1. Financements, labellisations, réseaux 33
4.1.1. L’Etat se positionne 33
4.1.2. La région Grand Est s’organise 36
5. Les enjeux sociaux du projet 37
Conclusion 41
Partie II. Etudes de cas sur des tiers-lieux mosellans et sur le grand public en France 43
1. Méthodologie de recherche 43
2. Tiers-lieux mosellans destinés au grand public 45
2.1. Bliiida 45
2.2. Puzzle 50
3. Tiers-lieux installés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) 56
3.1. Bornybuzz 56
3.2. La Dragonne 61
4. L'étude sociologique du grand public 69
Conclusion 79
Discussion 83
Bibliographie 84
Catalogues 89
Annexe 1 91
A. Gaëlle Todeschini, Vincent Bernard 91
B. Camille Erbstein 105
C. Anne Guillou 114
Annexe 2 120
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Introduction
Lors de dernières années, on constate un mouvement émergent en France, qui s'inscrit
au développement territorial, à l'éducation populaire et à la promotion des cultures (artistique,
numérique, écologique, du travail, etc.). Il s’agit de “tiers-lieux”, lieux ouverts, sociables et
inclusifs, propices à la création, aux nouveaux projets, à l’innovation et à la collaboration.
Leur nom est donné par le sociologue américain Ray Oldenburg, pour désigner des espaces
qui combinent le travail, le loisir et la rencontre. Bien que ces lieux soient présents depuis
longtemps, grâce à la volonté de collectifs engagés, c’est depuis récemment que des lieux de
tous types adoptent l'étiquette spécifique de “tiers-lieu”. Ce sont les acteurs publics en France
qui ont joué un rôle considérable à ça, en leur donnant des moyens à l’installation et au
développement de nouveaux dispositifs.
Alors que l’attention institutionnelle est donnée aux enjeux financiers et territoriaux
du projet, mon intérêt a été d’explorer comment le facteur humain peut être touché par ce
mouvement. Lors de mon engagement associatif étudiant, j’ai témoigné l’ouverture de
nouveaux tiers-lieux sur Metz, mis en place par des structures déjà existantes, sous le statut
associatif. Leur but étant d’accompagner des habitants, souvent en difficulté sociale, ils
proposent des activités innovantes et l’apprentissage de nouveaux aspects, tout en contribuant
à l’ épanouissement de leur cible.
Ainsi, l’objectif du mémoire d’analyser les enjeux sociaux du projet de tiers-lieux,
c’est-à-dire tout ce que les participants peuvent gagner par leur implication, qui peut
potentiellement affecter leur parcours de vie sur plusieurs aspects (sociabilité, citoyenneté,
formation, professionnalisation, éducation, etc.). Le corpus du mémoire est développé sous
cette problématique et tente de répondre aux questions suivantes.
- Quel est le lien entre les mouvements sociaux et culturels?
- Comment et pourquoi ont émergé les tiers-lieux en France?
- Quels sont les activités principales de tiers-lieux et comment elles agissent sur la
culture? (cultures ouvertes et multiples, le contraire de la culture artistique
académique)
- Comment les tiers-lieux affectent la société, les communautés et le public?
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Partie I. L'émergence des tiers-lieux et ses enjeux sociaux
1. Culture et société, deux éléments interdépendants et évolutifs
Dans la sphère des études culturelles, théoriciens et chercheurs ont fourni des preuves
sur l’existence d’une force catalytique qui connecte et aligne toutes tendances et évolutions
culturelles avec les mutations qui se fabriquent dans la société pour satisfaire aux besoins
évoqués. Quand il apparait un nouveau comportement de consommation des biens culturels,
un nouveau projet culturel qui voit le jour, ou un marché culturel qui se trouve en phase
d'épanouissement, il faut s'interroger sur la dimension sociale de tout ça, afin de comprendre
les mécanismes et les enjeux qui créent les tendances.
Le lien de la culture avec la société a fait l’objet d'étude des intellectuels du XXe
siècle, où il a été remarqué que les évolutions sociales dans le travail ont eu un effet culturel,
avec l’apparition du temps libre consacré aux loisirs. Cela a signifié la démocratisation et la
vulgarisation des loisirs culturels à toutes masses ouvrières. Dumazedier1a été le premier qui
a tenté de fournir une définition du loisir, qui est :
“Un ensemble d’occupations auxquelles l’individu peut s’adonner de plein gré, soit pour se reposer,
soit pour se divertir, soit pour développer son information ou sa formation désintéressée, sa participation sociale
volontaire ou sa libre capacité créatrice après s'être dégagé des ses obligations professionnelles, familiales et
sociales”.
La culture des loisirs n’est rien que l’augmentation du temps consacré en soi, qui a pu
s’installer dans le quotidien des classes ouvrières grâce à la vaste technologisation des
pratiques du travail et l’augmentation de la productivité. Pour Dumazedier2, ça correspond à
une révolution culturelle qui atteint presque à l'hédonisme. Ainsi, les loisirs, notamment avec
la consommation des biens culturels, ont offert une escapade à la personne, en dehors du
quotidien dur, physique et monotone, comme il a été imposé par les industries. L'escapade
2Attias-Donfut Claudine, Dumazedier Joffre, La révolution culturelle du temps libre,1968-1988, Revue
française de sociologie, 1991, pp. 143-145.
1Cazeneuve Jean, Dumazedier Joffre, Vers une civilisation du loisir ?, Revue française de sociologie, 1962, pp.
455-456.
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avait comme destination un monde imaginaire, celui du spectacle, du cinéma et des séries
télévisées3, où le divertissement de l’image pourrait détendre la personne et la distraire.
Dans le cadre de cette culture du spectacle de masse , le citoyen a trouvé l'occasion de
se sociabiliser en échangeant sur ses loisirs préférés, de participer aux groupes, de sortir, de
se détendre, de s’investir sur des œuvres artistiques et de se cultiver. Le phénomène a permis
un temps d'échange, et par conséquent, la fabrique du lien social à travers des objets culturels.
Cependant, la popularisation de la culture, n’a pas tardé de confronter des critiques,
qui l’ont déconstruite à cause d’ être produit du capitalisme. Pour Edgar Morin4, il s'agit
d’une culture de masse qui manipule et absorbe ses spectateurs pour qu’ils consomment ses
biens idéalisés en illimité. Le loisir du cinéma, par exemple, nourrit une perception illusoire
chez le spectateur, qui s’accroche aux phantasmes visuels en se croyant pour leur reflet
imaginaire, sauf qu’il ne pourra jamais avoir la vie glorieuse qui lui est projetée. Baudrillard5
a aussi mis l’accent sur le phénomène de la consommation culturelle, où il s’agit de la
réception passive des représentations et des symboles visuels à travers le média, le
divertissement et la publicité. Le temps libre est donc une illusion superficielle, puisque sa
consommation est un devoir imposé par la société commerciale.
Albert Camus6s’est aussi inquiété pour la déformation de la culture et la place de
l’artiste, qui doit prendre la responsabilité de son art face aux besoins de la société. Ce qu’il
faut dans l’art, c’est plus de réalisme, “à la condition qu'il se veuille socialiste”. Ce constat
permet à Camus de se projeter, “On choisira dans la réalité d'aujourd'hui ou d’hier ce qui
prépare et sert la cité parfaite de l’avenir”, en montrant qu’un travail de reprogrammation est
nécessaire.
Concernant l’entreprenariat culturel7, il est important qu’il prenne de nouvelles formes
et de nouveaux modèles, avec la mutualisation des ressources et l'entrée dans l'économie
solidaire, par exemple. A ce point, la financiarisation devrait cesser d'être le seul motif des
initiatives culturelles, parce que la culture a une valeur inestimable, humaine et sociale et ses
acteurs ont une responsabilité éthique face à elle et à ses usagers.
Le modèle de création, diffusion et consommation de la culture peut donc s'améliorer
pour qu’il s’adapte au mieux au monde en mutation. La réception statique et passive des
7Henry Philippe, L'entrepreneuriat culturel en débat : vers un nouveau modèle d’organisation. Éditions de
l'Attribut, « Nectart », 2016/2, N° 3, pp. 51-62.
6Camus Albert, Discours de Suède. Prix Nobel, Gallimard. 1957, pp. 26-45.
5Baudrillard Jean. La société de consommation, Denoël, Paris, 1970.
4Morin Edgar, Le cinéma ou l’homme imaginaire, Ed. De Minuit, Paris, 1968.
3Lefebvre Henri, Critique de la vie quotidienne, L’Arche, Paris, 1958-1961, pp. 37-41.
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biens culturels n’est plus une condition désirable dans notre époque. La culture, avec sa
dimension sociale a une vocation plus large qu’uniquement la production des bénéfices au
service de l’ industrie culturelle. Le temps libre est menacé par le rythme chaotique des villes
actuelles. De nouvelles évolutions sociales de-construisent les modèles culturels du passé et
nécessitent des changements de paradigme. Le passage d’époques finit par générer de
nouveaux besoins de participation et de prise de parole, des besoins qui commandent l’arrivée
des idées et des projets frais, où les créateurs seront en dialogue ouvert avec les citoyens,
pour qu’ils prennent part au processus créatif des villes tous ensemble.
1.1. La place des citoyens dans le processus créatif des villes
L’espace n’est pas seulement caractérisé par sa spatialité, mais aussi par une
dimension sociale, pour englober le facteur humain qui s’y réside. Comme ce facteur est une
notion fluide qui change, ainsi fluides sont aussi son identité et caractère8. Par conséquent, la
composition d’une ville se caractérise par sa dimension spatiale, mais pas que. L’humain est
un élément indispensable qui lui donne du sens et de la valeur. La ville est surtout un espace
vécu, approprié par ses habitants qui l’utilisent comme une scène pour s’affirmer9.
La possibilité de culture10, des rencontres, d’une vie plus vivante, nourrie et stimulée,
attire les gens à choisir de vivre dans une ville qui les rend fiers et les aident à élargir leurs
horizons. Pour Richard Florida11, la culture est un facteur important (après les personnes
proches, la famille et le travail) qui fait d’une ville un cluster désirable pour y résider. C'est
parce que la culture contribue à l’esthétique de la ville et lui donne de la beauté. En outre, les
individus apprécient l’existence d'offres culturelles variées chez eux, qui représentent des
groupes et des goûts différents. Petit à petit, une classe créative12 se rassemble sur place,
c'est-à-dire des citoyens qui partagent certaines valeurs, telles que la créativité, la diversité,
l’innovation et le mérite. Ils sont créateurs du nouveau contenu pour la ville, en mettant à
profit des compétences issues de leurs divers domaines de provenance professionnelle, tels
que la culture, les sciences, la technologie, l'université, etc. Leur accumulation a le potentiel
de renforcer l’attractivité d’ un endroit et même d’influencer sa relance financière.
12 Florida Richard, The Rise of the Creative Class, Washington Monthly, May, 2002.
11 Florida Richard, Who’s your city ?, Random House, New York, 2008, pp. 162-170.
10 Orsenna Erik & Gilsoul Nicolas, Désir de villes, Petit précis de mondialisation V, Ed. Robert Laffont, pp.
227-258.
9Laudati Patrizia & Boulekbache Hafida, Prospectives urbaines : de la connaissance des villes aux stratégies
d’action, dans Pascal Sanson (dir.), Les arts de la ville dans le projet urbain, Presses universitaires
François-Rabelais, 2011, pp. 24.
8Dovey Kim, Becoming Places: Urbanism / Architecture / Identity / Power, Routledge, 2010. pp. 3-6.
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Les individus créatifs13 ont l’envie d’intervenir au plan de la ville et aux stratégies
culturelles locales afin de mettre en place des idées de création collectives propres à eux.
Vecteurs du lien social et initiateurs de projets, ils dynamisent les territoires en transformant
l'aménagement urbain et culturel. Ils s’installent souvent au plus près du cœur de centres,
pour être à proximité d’ une stimulation intellectuelle. Pour donner refuge à leurs idées
créatives, ils se rejoignent souvent dans des espaces délaissés et parfois marginaux, qui ne
sont généralement pas réclamés par des privés. Leur initiative est souvent d’intervenir à
l’espace public pour faire des espaces artistiques, où ils essaieront de donner vie aux projets
culturels et solidaires, tout en contribuant à la cohésion sociale de la communauté.
Ces lieux essaient se différencier par rapport aux lieux traditionnels ou élitistes, en
proposant des actions plus innovantes et expérimentales. Leur offre culturelle se veut
alternative, originale, diversifiée. Le caractère alternatif des lieux ne se remarque pas
uniquement dans la programmation, mais surtout dans l’organisation des ressources
(humaines, matérielles) qui favorise l’autonomie et l’autogestion14.
Les enjeux que les lieux artistiques peuvent apporter sont importants, avec notamment
l’enrichissement du sens de communauté et le soutien aux participants. Ainsi, ils font naître
des écosystèmes15 de networking (réseau), qui favorisent l'éducation et la formation. Dans ces
écosystèmes, les participants partagent leurs connaissances et acquièrent de l'expérience dans
leur domaine, soutiennent l'innovation et créent une identité commune du territoire. L'activité
économique culturelle s'inscrit dans le cadre d'une économie créative plus large, en incluant
des domaines alternatifs comme la science, l'ingénierie et la haute technologie. Cette
approche s'éloigne de la définition traditionnelle de la culture (beaux-arts, haute culture) et
regroupe des activités très différentes avec tous les travailleurs des industries créatives, quelle
que soit leur profession et leur niveau professionnel.
15 Grodach Carl, Art Spaces in Community and Economic Development: Connections to Neighborhoods, Artists,
and the Cultural Economy, Journal of Planning Education and Research 31(1), 2011, pp. 74-85.
14 Becerra Muriel, Pérenniser les lieux culturels alternatifs?Le cas de la ville de Genève, mémoire de Master en
Sciences de Géographie sous la direction Laurent Matthey, Université de Lausanne, juin 2012.
13 Terrin Jean-Jacques, La ville des créateurs, The City of Creators, Editions Parenthèses, 2012.
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2. L'émergence des tiers-lieux
Dans cet esprit, on témoigne l’apparition des espaces qui se présentent avec un titre
spécifique, celui du tiers-lieu. Il s’agit d’espaces physiques, incubateurs d'idées, facilitateurs
de sociabilisation, de coopération et de partage entre individus et porteurs des projets créatifs.
Le terme tiers-lieu est introduit par le sociologue américain Ray Oldenburg dans son ouvrage
The Great Good Place, où il critique la fragmentation des cadres de vie aux Etats-Unis (zones
d’habitation, zones de travail) qui éloignent les individus. Henri Lefebvre16 a aussi critiqué la
conception de l’espace dans la société par les gouverneurs, les architectes et les urbanistes,
dont les représentations spatiales, selon lui, n’arrivent pas à respecter l’individualité et son
rapport avec l’espace vécu. Cela crée une fragmentation entre l’espace et l’Homme et de la
frustration.
Ray Oldenburg a présenté comme solution à ses réflexions, la favorisation et la
protection des espaces publics informels, comme les cafés par exemple, qu’il a nommé
tiers-lieux17. Ce qui différencie ces lieux par les autres lieux de vie, c’est qu’ils offrent un
espace d'échange entre les gens, en accueillant des rencontres régulières, informelles,
volontaires et heureuses en dehors de la maison et du travail.
Les tiers-lieux viennent en troisième place, puisque le lieu le plus vécu est
traditionnellement la maison et le deuxième est le lieu de travail. La maison, étant un
environnement prévisible, a un effet considérable sur le développement de l’ individu, surtout
quand il est jeune. Le lieu de travail est celui qui réduit le rôle de l’homme en voulant de lui
seulement d'être productif. Mais c’est aussi le lieu qui lui offre des moyens et une qualité de
vie matérielle.
Selon Oldenburg, les tiers-lieux doivent présenter certains caractéristiques pour
pouvoir être nommés comme tels :
- le terrain neutre18 qui permettra aux individus de se rassembler. Là, ils peuvent venir
et partir comme ils le souhaitent. Il n’y a pas un certain hôte, tous se sentent à l’aise et
comme chez eux. Quand un terrain neutre est disponible, les relations humaines
peuvent évoluer informellement et intimement.
18 Ibid. pp. 22-23.
17 Oldenburg Ray, The Great Good Place, Paragon House, New-York. pp. 16.
16 Merrifield Andrew, Place and Space: A Lefebvrian Reconciliation, Transactions of the Institute of British
Geographers, Vol 18, No. 4, 1993, pp. 516-531.
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- le “niveleur” social 19 qu’impose un sens d'égalité et d’inclusivité. Le statut des
membres est négligeable et les échanges se créent sans critère de classes et préjugés.
Les individus y peuvent faire la pleine et profonde connaissance de l’un à l’autre.
- la conversation20 est l’activité qui anime le lieu. Le sens de communication rend le
tiers-lieu vivant, coloré et engageant.
- l’ accessibilité21 est aussi un requis. C’est important pour les individus de savoir qu'ils
peuvent trouver le lieu ouvert et disponible en permanence. Ce lieu pourra peut-être
les sauver en temps de solitude, d’ennui, de pression ou de frustration, générés par la
quotidienneté.
- le noyau dur22 qui se compose de personnes qui s’y rendent régulièrement. Ce qui
attire quelqu’un à visiter le lieu n’est pas l’offre du gérant elle-même, mais la
présence des autres visiteurs. L’espace en soi n’a pas d'importance, si son noyau n’est
pas présent pour l’animer. Les participants réguliers définissent le tone de
convivialité, l’ambiance et l’interaction.
- le profil bas23 concerne la représentation spatiale. Le tiers-lieu est simple à son
apparence et ne transmet aucun sens de prétention. Le but n’est pas d'impressionner le
visiteur par vue mais de l’impressionner avec le sens et le contenu.
- l’ambiance joyeuse24 attire des esprits joyeux et des rires. Cette ambiance règne contre
l'anxiété et l'aliénation. L’acceptance entre les membres ne s'établit pas en climat
sérieux, mais enjoué.
- une maison hors de la maison25, caractérisée par le confort et la convivialité du
domicile. Les membres sont attirés à tel point qu’ils oublient parfois de rentrer chez
eux.
25 Ibid. pp. 38-39.
24 Ibid. pp. 37-38.
23 Ibid. pp. 36.
22 Ibid. pp. 33-34.
21 Ibid. pp. 32.
20 Ibid. pp. 26.
19 Ibid. pp. 23-24.
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Image 1. Dans la logique de la couverture de l’ouvrage d’ Oldenburg, les tiers-lieux sont de simples lieux du
quotidien, comme les cafés, les pubs et les librairies. Source : https://www.amazon.ca
Avant l'industrialisation, les lieux de vie et de travail étaient unifiés, c’est-à-dire que
les tiers-lieux ont à la base existé avant leur séparation. Effectivement, avant l'ère industrielle,
la plupart des individus habitaient sur leur lieu de travail26. Les agriculteurs sur leurs terres,
les artisans au-dessus de leurs commerces et les aubergistes dans leurs hôtels. Le travail était
26 Be.Tiers-lieux. Définition d’un tiers-lieu, Accès le 12 juillet 2022, https://be-tiers-lieux.fr.
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peut-être plus dur sans la facilité des technologies, mais le rythme de vie était sûrement moins
stressant et compliqué, en permettant aux individus de vivre dans un mélange naturel entre le
temps professionnel et personnel. L’apparition des machines a rendu le travail moins dur
physiquement, mais plus stressant pour la personne qui devait attraper un rythme productif
pour satisfaire à son entreprise. Les transports en commun on fait leur apparition aussi, pour
que les gens puissent se déplacer entre le premier lieu de vie et le deuxième. Plus le travail
s’est mécanisé, plus l’individu perdait son sens, sa confiance en soi, son épanouissement.
Selon Antoine Burret27, la définition des tiers-lieux est celle-ci : “une configuration
sociale où la rencontre entre des entités engage intentionnellement à la conception de
représentations communes”. Il s’agit donc de lieux où les individus se rencontrent et
co-participent volontairement à une activité commune. Burret souligne que l’activité peut être
extrêmement variée, puisque n’importe quelle représentation commune peut être conçue en
tiers-lieu : une recette de cuisine, un service industriel, un mouvement artistique, une
constitution nationale, une construction mécanique, un système d’information, etc. Les
champs d’application sont très interminables.
Ainsi, la rencontre est la condition minimale et fondamentale au tiers-lieu. Deux
entités se croisent et échangent dans un lieu identifié qui ensuite devient tiers-lieu (lorsqu' il
donne l’opportunité aux entités de se rencontrer). Les entités sont des personnes
indépendantes, singulières et distinctes. Les liens entre elles ne sont pas contractuels, de
subordination, ou familiaux. La rencontre ne se fait pas entre les entités sous condition de
partager la même fonction, comme il s’agit entre collègues d’une entreprise ou entre élèves
de la même classe. La spécificité du tiers-lieu est qu’il réunit des individus hétérogènes en
privilégiant la rencontre entre des mondes différents.
Ensuite, la rencontre se définit par l’engagement intentionnel, étant toujours conscient
et volontaire. Les individus avec des intentions diverses arrivent à coexister, dialoguer,
s’informer, s’entraider, négocier, se contredire. Le lieu lui-même favorise l’expression et
l’échange. L’ intérêt commun ou la confrontation de la même situation engagent les
personnes dans l’ensemble.
Enfin, la rencontre définie par l’engagement intentionnel conduit à la conception des
représentations communes. Il s’agit d’une activité de conception collective où tous
contribuent à leur mesure. La représentation peut être un concept, un objet, une œuvre
plastique, un service d’information, une organisation ou un système abstrait, que les
27 Burret Antoine, Refaire le monde en tiers-lieu, L'Observatoire 2018/2, N° 52, pp. 50-52.
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personnes formalisent pour exprimer leurs raisonnements et répondre à leurs besoins. Par des
discussions ou des diagnostics, les entités comprennent les logiques de chacun, leurs
différences de perspectives et les contraintes propres à tous. Chacun fournit des éléments qui
seront mis en place pour la construction de l’activité conceptualisée. Peu importe où elle
conduit la représentation finale, tout l’ensemble partage sa responsabilité. L’organisation, les
règles, les limites ou encore le système de résolution de conflit définissent la représentation
créée au tiers-lieu. La seule qualité de cette représentation est qu’elle est administrée comme
un commun.
Les tiers-lieux peuvent être aussi identifiés comme des espaces, où elle incarne la
volonté d’une communauté de citoyens d’aller vers un monde meilleur28. Avec bon sens,
coopération et solidarité, ils recréent le territoire dans lequel ils s’ investissent. Les tiers-lieux
se composent généralement par des acteurs publics, des acteurs privés et des citoyens.
Pour Claire-Anaïs Boulanger29, chercheuse belge, il y a une difficulté de tirer une
seule définition des tiers-lieux “polyformes” et “mouvants” dans le contexte d'hybridation
entre le lieu de travail et le lieu informel de vie sociale. Pour cela, elle met l’accent plutôt aux
caractéristiques indispensables, comme le sens de communauté, la mutualisation, la
gouvernance collective, le lien, la rencontre, la volonté de faire les choses autrement et
d’inventer.
Le fonctionnement des tiers-lieux se caractérise par l’autonomie et la co-éla boration
d’une organisation informelle, la “microculture”30, fabriquée par les fondateurs/animateurs et
usagers du lieu. Cette culture est différente de la culture d'entreprise, car elle permet aux
individus de travailler ensemble dans l’espace à condition qu’ils partagent des valeurs, des
expériences et des projets en commun. Elle comprend trois dimensions différentes :
- des “dimensions symboli ques” favorisant l’intercompréhension, le partage du sens
commun et des codes sociaux.
- des “dimensions sociales” soutenant le vivre ensem ble, l’ajustement des
comportements, la définition de droits et de devoirs.
- des “dimensions technologiques”, avec des dispositifs et des savoir-faire qui
permettent aux individus d’agir.
30 Cléach Olivier, Deruelle Valérie et Metzger Jean-Luc, Les “tiers lieux”, des microcultures innovantes?,
Recherches sociologiques et anthropologiques, 46(2), 2015, pp. 67-85.
29 Legrand Manon, Tiers-lieux : défricheurs d’alternatives, Alter Échos n° 490, 2021. Acces sur
https://www.alterechos.be/.
28 Société Numérique, C’est quoi un tiers-lieu, vidéo 2 min 11 sec, Accès le 12 juillet 2022.
https://www.youtube.com/watch.
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3. L’activité culturelle des tiers-lieux
Pour étudier la vocation culturelle englobée dans le projet de tiers-lieux, il sera inutile
d'orienter la recherche vers une identité culturelle singulière. C’est parce que les lieux ne sont
pas limités à une seule étiquette, à l’instar des lieux culturels traditionnels (salle de musiques
actuelles, cinéma, atelier artistique, bibliothèque, musée etc). Flexibles et fluides comme ils
sont, les tiers-lieux sont majoritairement sans programmation31 et activité étiquetée, en
laissant l’invention et le renouvellement perpétuel de leur fonctionnement aux personnes qui
s’y engagent. La réversibilité est liée à l’absence d’un certain type de pratique, pour que des
usages imprévus puissent trouver une place dans le futur. Un tiers-lieu artistique et culturel
doit être défini par la mixité32. La pluridisciplinarité est indispensable à la création artistique
aujourd’hui et le cloisonnement est le drame du système culturel.
Ce qui est le plus pertinent, serait de parler plutôt de l’activité des tiers-lieux, puisque
l’activité est une situation qui peut se transformer ou même inclure d’autres activités.
L’existence d’une certaine activité n'empêche pas l’existence d’une autre, puisque les
tiers-lieux abritent souvent de différentes sections, où les individus s'inspirent l’un à l’activité
de l’autre. Selon le rapport de France Tiers-lieux, il y a 7 grandes activités33 concernant
l’occupation de lieux. L’activité de coworking est en place premiere (75%), suivie par les
fablabs ou ateliers de fabrication numérique (30%), les lieux culturel (27%), les ateliers
artisanaux partagés (19%), les laboratoires d’innovation sociale (17%), les cuisines partagées
(14%) et les jardins partagés (9%).
Le même rapport34 affirme que la culture est un axe principal dans le développement
du projet, puisque le ⅓ de lieux propose des activités artistiques et culturelles. L’exemple de
l’année 2019 a présenté un fort nombre de visiteurs (plus que 4 millions de personnes), qui se
sont rendues pour assister à des événements culturels. Cela montre un potentiel puissant, avec
la culture jouant un rôle-clé, qui connecte les lieux avec le grand public. Les occasions
événementielles culturelles aident à faire la connaissance des lieux aux habitants, qui y
consomment des biens, contribuent au chiffre d'affaires, rencontrent les occupants des lieux et
s’inspirent à les rejoindre pour de nouveaux projets.
34 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 16, https://francetierslieux.fr.
33 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 2, https://francetierslieux.fr.
32 Lextrait Fabrice & Bonnin Jean-Louis, 2001-2018 : des nouveaux territoires de l’art aux tiers-lieux,
L'Observatoire, N° 52, 2018/2, pp. 22-25.
31 Pignot Lisa & Saez Jean-Pierre, Présentation, L'Observatoire, N° 52, 2018, pp. 7-8.
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L’enjeu culturel des tiers-lieux est aussi présent pour les artistes, dont la créativité est
influencée. Le processus créatif qui implique de longues recherches et de l’expérimentation,
ne doit plus être un travail solitaire pour eux. Au contraire, ils peuvent désormais créer
collectivement dans des espaces d'entraide, en apprenant de nouvelles pratiques par les pairs.
Ainsi, le rapport aux politiques culturelles change. L'expérimentation entre artistes différents
renverse l’approche traditionnelle d’une culture par discipline, en nourrissant l’innovation du
champ culturel et ses esthétiques. Cela influence aussi la médiation culturelle, avec les
tiers-lieux ouvrant la possibilité aux publics les plus éloignés de la culture de venir avoir
accès à elle, ou simplement prendre un café et échanger. A ce propos, Raphaël Besson35 a
noté que :
“Ces différents lieux culturels ont en commun de sortir d’une vision élitiste et diffusionniste de la
culture et des savoirs, pour s’intéresser aux acteurs informels et aux espaces de la vie quotidienne ”.
La présentation de différents projets de tiers-lieux qui suit vise à mieux expliquer leur
activité. Malgré que ces projets portent des titres spécifiques, il faut tenir en compte que les
appellations sont indicatives, pour que les visiteurs, les chercheurs académiques et la
communauté des professionnels puissent se repérer dans la vaste offre qui existe. L'idéal
serait que ces projets servent d’exemples, en sachant que chaque tiers-lieu se distingue en
créant sa propre identité, avec sa propre action stratégique. Enfin, le lecteur qui cherchera la
vocation culturelle entre les lignes, pourra surtout l’identifier dans un sens ouvert du terme,
où différentes cultures sont inscrites (artistique, numérique, écologique, éducative, culinaire,
de travail, etc.).
3.1. Squat, artist-run-space, friche
Les premiers tiers-lieux artistiques sont apparus quand le terme tiers-lieu n'était même
pas né. L’initiative des citoyens-artistes de former leurs propres lieux de création et d'échange
était d’abord un mouvement d'appropriation de l’espace public contre l’abandon des
institutions. En France, la tendance a vu le jour dans les années 1960-197036, quand les
collectifs des arts de la rue, des arts populaires et du théâtre militant ont commencé de
36 Aubouin Nicolas, Dynamiques organisationnelles, modes de gestion et institutionnalisation de différents
tiers-lieux culturels, L'Observatoire, N° 52, 2018/2, pp. 39-42.
35 Lextrait Fabrice & Bonnin Jean-Louis, 2001-2018 : des nouveaux territoires de l’art aux tiers-lieux,
L'Observatoire, N° 52, 2018/2, pp. 22-25.
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s’installer dans les anciennes friches non-occupées. Le premier exemple emblématique
concerne le Théâtre du Soleil à la Cartoucherie de Vincennes. En 1964, Ariane Mnouchkine a
voulu inverser les codes du théâtre en investissant un lieu intermédiaire entre l’institution et
l’espace public. Le geste a créé un nouveau rapport entre le public, la gestion alternative de la
troupe, l’espace de travail et la représentation de vie. Les collectifs ont utilisé les espaces
pour se répéter, diffuser leurs créations et vivre. Toutes les disciplines étaient représentées
(théâtre, danse, peinture, sculpture, photographie, vidéo d’art etc.) en agissant sur des champs
variés (culturel, social et éducatif).
Le squat37 est défini par Cécile Péchu, comme une “Action d’occupation illégale d’un
local en vue de son habitation ou de son utilisation collective”. Le squat est ainsi une
revendication en l’occurrence d'espaces portant une posture politique, engagée et militante.
Dans l’imaginaire collectif, les squats ont une esthétique alternative, dominée par les graffitis,
l’insalubrité, les aspérités du bâtiment, en convoquant le danger, l’urgence et la précarité.
Le squat d'activités38 est un squat qui accepte du public et accueille des projets
artistiques et culturels en étant des lieux d'expérimentation sociale. Dans ce mouvement, les
artistes réclament leur droit de travailler et de disposer d’un atelier de création malgré la crise
du logement et le prix croissant de l'immobilier. Dans ces espaces alternatifs, l’occupation est
diversifiée et participative. Les salles se transforment en salles de concert, de fête, de
répétition, de spectacle, de danse. Pour nourrir les besoins financiers des occupants, les
activités économiques sont aussi présentes (bar, magasin de vêtements à l'occasion, réparation
de vélos, etc.). Les différentes pièces servent comme ateliers de couture, laboratoires
photographiques, bibliothèques, salles d’exposition. Les espaces extérieurs et les jardins sont
exploités pour des projections de cinéma en plein air, des sessions sportives etc. Ces squats
sont favorablement reçus par le voisinage, puisque ils sont ouverts aux habitants des
quartiers, sous l'occasion des activités culturelles proposées par leurs communautés.
Cependant l'intérêt général qu’ils offrent, les squats culturels et artistiques sont
problématiques pour les institutions, car ils ne sont pas traditionnellement organisés selon les
normes du système capitaliste. Parfois, les squats doivent être obligatoirement évacués pour
des questions de sécurité ou d’affectation. D’autres fois, les mairies logent à leurs frais les
occupants, ou elles leur notifient qu’ils ont un temps limité pour arrêter l’occupation et se
déplacer. Dans certains cas exceptionnels, il y a des squats légalisés et pérennisés avec le
38 Becerra Muriel, Pérenniser les lieux culturels alternatifs?Le cas de la ville de Genève, mémoire de Master en
Sciences de Géographie sous la direction Laurent Matthey, Université de Lausanne, juin 2012. pp. 26-27.
37 Idelon Arnaud, Tiers-lieu culturel, refonte d’un modèle ou stratégie d’étiquette?, L'Observatoire, N° 52,
2018/2, pp. 27-30.
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soutien des autorités, tandis que d’autres sont simplement disparus face au déclin du
mouvement.
L’ artist-run-space39 est un proche cousin du squat. L’artiste de cet espace fait souvent
moins peur que celui qui est au squat. Les racines du squat et de l’artist-run-space viennent de
la même époque, à la différence que l’espace vacant artist-run-space est déployé uniquement
pour créer et pas pour habiter. Les artistes ont besoin de grandes surfaces d’ateliers pour
créer, mais cela est parfois impossible dans les grandes métropoles où chaque mètre carré est
cher et consacré principalement au logement et aux bureaux d’entreprises (dont les occupants
ont des revenus fixes et peuvent se permettre des loyers élevés). Paradoxalement, le modèle
de l’artiste-run-space est mieux vu par la société en comparaison avec son cousin squat qui
reste provoquant.
En même temps, la friche40 signifie l’espace physique qui est détourné de son usage
premier. La friche peut être un espace délaissé industriel, une usine ou un entrepôt.
L'esthétique industrielle urbaine est une caractéristique principale. Le potentiel des espaces
vides est lié à la possibilité d’usages spontanés, en créant une parenthèse utopique pour la
ville et en étant un contraste au fonctionnalisme de l’urbanisme qui veut chaque usage
programmé. Marie Vandhamme décrit bien que :
“La friche est cet espace vide, inutile, inutilisé, et donc disponible, appropriable, que des associations,
acteurs culturels, spectateurs passionnés artistes investissent et dotent de nouvelles fonctions”.
Fabrice Lextrait41 a confirmé que l’occupation d’une friche avait principalement
comme but d’honorer les espaces à forte importance patrimoniale, qui étaient oubliés et
abandonnés par leurs propriétaires :
“Auparavant, les friches étaient des délaissés que nous investissions, et nous n’avons cessé de dire aux
propriétaires fonciers qu’ils commettaient une erreur politique et patrimoniale dans cet abandon”.
L’histoire des friches en France remonte aux années 198042, où le tiers-lieu n’est pas
encore né comme concept. Le Confort Moderne s’est installé à Poitiers dans un ancien
42 Cancé-Sanchez Léa, Les friches culturelles, nouvelles utopies ou laboratoire du futur?, Florilèges,
Web-journal culturel étudiant, 2019, accès le 19 juillet 2022 https://florilegeswebjournal.com.
41 Lextrait Fabrice & Bonnin Jean-Louis, 2001-2018 : des nouveaux territoires de l’art aux tiers-lieux,
L'Observatoire, N° 52, 2018/2, pp. 22-25.
40 Ibid.
39 Idelon Arnaud, Tiers-lieu culturel, refonte d’un modèle ou stratégie d’étiquette?, L'Observatoire, N° 52,
2018/2, pp. 27-30.
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entrepôt électroménager. En Europe, cette tendance était déjà présente, comme aux Halles de
Schaerbeek en Belgique, par exemple. Alors que les friches sont initialement occupées par
des citoyens ou des collectifs d’artistes, aujourd’hui elles intéressent les pouvoirs publics qui
les remarquent pour leur dynamisme local. Actuellement, elles seraient 85 en France, de toute
taille, qui s'éteint d’un petit café jusqu’ à un complexe de 5000m2.
Le projet principal des artistes rassemblés dans les friches est de créer un lieu de
création, mais au fil du temps ils s’ouvrent au grand public, d’abord avec des ouvertures
ponctuelles, ensuite avec une offre conviviale (café, restaurant, etc.). La friche devient ainsi
un lieu de vie, cette transition étant une revendication à dimension citoyenne et sociale. La
gouvernance est souvent collective et les artistes sont bien impliqués dans la vie quotidienne
des habitants en leur permettant d’intervenir aux conceptualisations artistiques. Les artistes en
résidence offrent parfois des formations au public pour qu’ils deviennent aussi des artistes
amateurs. L'enracinement dans le territoire est si fort que différentes synergies naissent entre
des acteurs locaux. Un exemple est que nombreuses friches sont des relais de vente pour de
produits locaux à la favorisation des circuits courts. Ayant reconnu l’utilité de ces projets
pour le bien commun, les collectivités publiques cherchent désormais les moyens pour aider à
la durabilité des friches.
Un exemple phare des friches en France, est le Darwin Ecosystème à Bordeaux43, lieu
reconverti à partir d’une ancienne caserne construite en 1850. L’espace de presque 4 hectares
fait référence dans l’univers des tiers-lieux, en appuyant sur 3 valeurs différentes :
coopération économique, transition écologique, alternatives citoyennes. Darwin est difficile à
catégoriser, puisque ses domaines d’activité sont interminables et ne cessent pas de se
reproduire. Le tiers-lieu abrite aujourd’hui nombreux événements hebdomadaires, des DJ
sets, le festival artistique CLIMAX, le plus grand restaurant biologique de France, 230
entreprises qui font du coworking, 40 associations, un skatepark, une ferme urbaine, un club
nautique aux côtés de la Garonne et surtout, 1,3 millions de visiteurs annuels.
43 Barré Philippe, Pignot Lisa, Darwin écosystème : un géant aux pieds d’argile, L'Observatoire, N° 52, 2018,
pp. 31-35.
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Image 2. Darwin Ecosysteme. Source : https://www.bordeaux-tourisme.com
Le mouvement de l’occupation temporaire ressemble beaucoup à celui des friches,
sauf que l’exploitation d’un bâtiment vacant doit prendre fin à la date que le propriétaire
(Mairie, fondation, entreprise privée etc.) commence un projet de réhabilitation pour lui
redonner vie et utilité. Le phénomène est présent en France, mais encore plus dynamique en
Belgique. Il s’agit de collectifs (souvent organisés sous statut associatif) qui créent des
accords avec les propriétaires des bâtiments vides, afin de les activer et leur donner du sens,
tout en transformant l'ambiance du quartier. Les lieux ont une gestion participative, qui donne
l’opportunité au voisinage de s’impliquer et d’intervenir à l’offre d’activités. Ce maillage
finit souvent par définir les besoins des habitants par rapport à ce qu’il manque de leur
quartier et ce qu’ils voudraient avoir en proximité, en influençant ainsi le propriétaire à
investir au projet de reconversion qui leur plaît.
L’existence des espaces vides évoque beaucoup de problèmes sociaux, vu que dans les
grandes métropoles, les citoyens ont du mal à trouver quelque part pour se loger ou pour
créer leur activité, ce qui est un phénomène inquiétant, produit par la gentrification
généralisée. Le but de ces lieux est donc de permettre aux habitants de se réapproprier leurs
villes en les fédérant avec des acteurs qui ne sont pas généralement disponibles à rencontrer
(pouvoirs publics, propriétaires privés), pour qu’ils discutent et décident mutuellement sur
l’avenir de ces espaces. Les gérants des occupations temporaires, ne donnent pas seulement
l'accès au grand public aux espaces abordables, mais surtout, ils animent les lieux avec des
activités culturelles, des bureaux partagés, des distributions alimentaires solidaires, des repas
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conviviaux, des cours de langues, des activités sportives, des activités destinées à la jeunesse
et des projets autour de l'économie sociale44.
Image 3. La Serre, lieu d’occupation temporaire à Ixelles, géré par l’association Communa. Source :
https://www.facebook.com/LaSerreCommuna
3.2. Bibliothèque, tiers-lieu universitaire, tiers-lieu éducatif
A travers l’histoire, la bibliothèque45 est une institution qui a beaucoup élargi son
ouverture. Depuis l’antiquité jusqu'au Moyen Âge, on l’a connu comme un bien strictement
accessible à l'élite politique, intellectuelle, religieuse et royale. Cette perception a changé au
XIXe siècle, où l'idéologie des Lumières a permis son ouverture au grand public des citoyens.
Le processus d’ouverture au sein de la cité accélère encore plus aujourd’hui, avec l’apparition
de la bibliothèque - tiers-lieu.
La première génération46 de la bibliothèque - tiers-lieu s’est inspirée par les cafés, afin
d’installer ses propres dispositifs de convivialité et d'échange democratique, en s'éloignant de
l’image traditionnelle de l'institution vue uniquement comme un entrepôt de livres. La
46 Martel Marie, Le design du « care » en bibliothèque : du tiers lieu au lieu d’inclusion sociale, I2D -
Information, données & documents, Volume 54, 2017, pp. 52-54.
45 Besson Raphaël, Les tiers-lieux culturels, Chronique d’un échec annoncé, L'Observatoire, N° 52, 2018, pp.
17-21.
44 Communa, Rapport d’activité 2021, Occuper temporairement des bâtiments vides, 2022, pp. 4-5.
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seconde génération a compris le modèle de la bibliothèque communautaire qui essaie de
s’inscrire à la vie du quartier avec des espaces sociaux, des salles d’activité, des salles de
travail collaboratif et des laboratoires de créativité. Aujourd’hui, la vocation de la
bibliothèque est d'intégrer les citoyens dans ses démarches participatives qui désignent le
développement et l’action de l'institution.
Dans l’action des différentes bibliothèques tiers-lieux, on trouve désormais plusieurs
dispositifs innovants d'accès et de partage aux savoirs47 : outils numériques, impression 3D,
design architectural futuriste avec une approche humaine, projets et ateliers liés aux différents
loisirs (yoga, cuisine, réparation de vélos, etc.). Surtout, ces bibliothèques essaient de créer
du lien entre habitants, bibliothécaires, lecteurs, ou chercheurs. Ces transformations se
comprennent dans un contexte de perte d’attractivité des bibliothèques traditionnelles, de
mutations du numérique et de montée en puissance de l'économie des savoirs.
Le tiers-lieu universitaire48 est un espace situé dans un campus universitaire, qui est
ouvert au personnel, aux étudiants, aux chercheurs et aux professionnels externes. Cet espace
partagé et convivial est propice à l'expérimentation pédagogique, l’organisation d’évènements
culturels et d’ateliers créatifs. Son but est de favoriser les rencontres improbables entre les
acteurs du territoire. Les tiers-lieux49 qui s’installent aux universités visent à engager les
étudiants à la vie active en dehors de l'institution en les connectant avec des entrepreneurs de
la ville, autour de tables rondes, de soirées de débat sur l'innovation et d’ apéritifs qui forment
des réseaux. Les sujets qui préoccupent les participants de ces tiers-lieux durant des séances
de formations, des coworkings en journée et des réunions en soirée sont l'innovation,
l'économie et la ville future. Même avant l’apparition de tiers-lieux, les étudiants étaient
engagés dans la vie active universitaire en lien avec la société (surtout à travers les
associations), mais cette fois, le nouveau modèle leur permet d’apprendre par les pairs (les
professionnels entrepreneurs), en sortant du modèle institutionnalisé.
Le campus connecté50 est aussi un dispositif qui vise à promouvoir l’enseignement
supérieur. Il s’agit d'une labellisation dotée à 89 (à ce moment) espaces qui se sont validés
après un appel à projet lancé par l'Etat. Le projet a comme but d’accompagner les étudiants
(surtout des zones rurales, des quartiers prioritaires ou en Outre Mer) qui ne peuvent pas
50 Agence nationale de la Cohésion des Territoires, Campus connectés : les tiers-lieux de l’enseignement
supérieur, Accès le 23 juillet, 2022, https://tierslieux.anct.gouv.fr.
49 Ladepeche, Tiers-lieu : à l'université, ces lieux hybrides apportent l'esprit entrepreneurial, 2021, Accès le 23
juillet 2022, https://www.ladepeche.fr.
48 Nantes Université, Les Tiers-Lieux se développent à Nantes Université, 2022, Accès le 23 juillet 2022,
https://www.univ-nantes.fr/decouvrir-luniversite/.
47 Besson Raphaël, Les tiers-lieux culturels, Chronique d’un échec annoncé, L'Observatoire, N° 52, 2018, pp.
17-21.
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partir faire des études dans d’autres villes et ainsi doivent rester chez eux. Les campus
connectés offrent tout l'équipement numérique nécessaire, des salles de cours adaptées et des
tuteurs présents pour répondre aux questions. Le but de ces espaces est de mettre à
disposition des étudiants tous les types de formations à distance, mais en garantissant la
reconnaissance et la qualité de leurs diplômes.
Enfin, le tiers-lieu éducatif51 est une structure ouverte à tous et dédiée surtout aux
jeunes, en agissant sur leur éducation populaire. Un tel lieu expérimente avec des pratiques
éducatives et des modèles d’accueil adaptés aux besoins des jeunes. Le tiers-lieu éducatif52 a
un rapport très fort à l’accompagnement scolaire d’un jeune, en essayant de lui fournir un
espace neutre et équilibré entre les exigences de son école et de son environnement familial.
Le tiers-lieu essaye de jouer le rôle du mentor afin d’aider le jeune à confronter les
défaillances de son école, qui n’est toujours pas adaptée à tous les individus de tous les
milieux sociaux. Le rôle du mentor est aussi de fournir au jeune les conditions culturelles et
sociales pour qu’il réussisse en milieu scolaire.
3.3. Hackerspace, fablab, micro-folie, medialab
L'ère du numérique, les innovations technologiques et la croissance du partage des
ressources ont considérablement influencé le développement des tiers-lieux. Selon le rapport
d’activité de l’association France Tiers-Lieux53, 30% des tiers-lieux participent à l’inclusion
numérique et 350.000 personnes ont participé aux ateliers ou événements numériques
organisés par les tiers-lieux.
Le premier lieu développé dans l’esprit du numérique était le hackerspace54,tiers-lieu
où les individus avec un intérêt commun (souvent sur l’informatique, la technologie, les
sciences) pouvaient se réunir et collaborer pour créer des projets ensemble. Ces espaces sont
perçus commes des laboratoires communautaires ouverts au partage libre des ressources et
des connaissances. Les projets collaboratifs se tournent souvent autour de la fabrication des
logiciels, des ressources documentaires sous licence libre ou des médias alternatifs diffusés
de manière informelle. Autrefois installés dans des maisons, des associations ou des
54 Wikipedia, Hackerspace, Accès le 24 juillet, https://fr.wikipedia.org/wiki/Hackerspace.
53 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 6, https://francetierslieux.fr.
52 Coq Guy, Tiers lieu éducatif et accompagnement scolaire, De l'accompagnement scolaire à l’accompagnement
éducatif, Ecarts d'identité, N°74, 1995, pp. 6-8.
51 Archipel Tournefeuille, L'Archipel, Tiers Lieu éducatif, Accès le 23 juillet, 2022,
https://archipel-tournefeuille.org/tiers-lieu-educatif/.
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universités, ils se trouvent désormais dans des espaces industriels, des entreprises startup
(émergentes) ou des anciens entrepôts et friches.
Le mouvement est initié à la fin du XXe siècle au Massachusetts Institute of
Technology (MIT)55 dans les années 1960, où de jeunes étudiants se rassemblaient autour des
ordinateurs de leurs laboratoires universitaires. Ensuite, la deuxième génération des hackers
(informaticiens) s’est rassemblée dans la Silicone Valley en Californie dans les années 1980
pour créer des entreprises startup, inspirées par la science-fiction, la cyberculture et la volonté
de s'opposer à la société et de transformer le monde.
A la continuité de hackerspace, on découvre le fablab,oumakerspace56 autrement dit,
destiné aux bricoleurs, designers, ingénieurs, artistes et amateurs de la fabrication. Le terme
fablab vient de l’anglais fabrication laboratory (laboratoire de fabrication) qui a été aussi
conçu au sein du MIT. C’est un lieu ouvert au public, qui met à disposition toutes sortes
d’outils et de machines en visant à la conception et réalisation des objets. Ces tiers-lieux sont
proposés à ceux qui souhaitent s’initier à une pratique, transmettre leur savoir ou juste
expérimenter. Les valeurs de partage et de création participative y dominent et aujourd’hui,
presque tout peut être fabriqué en fablab.
Les fablabs doivent leur réussite à l'explosion de la tendance DIY (do it yourself=
faites le vous-même), qui a comme but de réduire la consommation matérielle incontrôlable
en faisant la réparabilité revenir à la mode. Deuxièmement, la démocratisation de l’Internet et
du numérique a rendu l’information, les techniques et les outils disponibles à tous. Les outils
et machines les plus souvent mis à disposition dans un fablab sont : des découpeuses laser,
des imprimantes 3D, des ordinateurs, des scies et des machines à coudre. Aujourd'hui, il y
aurait près de 400 fablabs et makerspaces en France.
La micro-folie57 est une exposition muséale digitale qui a comme spécificité de
pouvoir s’installer temporairement sur chaque type d'établissement, avec ses matériels et
dispositifs adaptés. C’est un dispositif innovant lancé ces dernières années par le Ministère de
la Culture avec les subventions des DRACs pour amener les chefs d'œuvres nationaux et
internationaux à tous territoires avec l’aide du numérique et de nouvelles pratiques
pédagogiques qui font immerger les visiteurs. Son lien avec le tiers-lieu, est que parmi les
différents services qu’elle propose (médiathèque/ludothèque, espace de réalité virtuelle), elle
57 Ministère de la Culture, Micro-folie, Plateforme culturelle au service des territoires, Document de
Présentation, 2021.
56 Les Horizons, Fab Lab, La Rédaction, 2020, Accès le 24 juillet 2022, https://leshorizons.net/fab-lab.
55 Madoui Mohamed, Michel Lallement, L’Âge du faire, Hacking, travail, anarchie (Seuil, 2015), Sociologie,
Comptes rendus, 2017.
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dispose aussi d’une partie fablab, souvent équipée d’imprimantes 3D, de machines à coudre
numérique et d’ordinateurs, pour que les visiteurs développent leur créativité en lien avec les
œuvres exposées.
Dernièrement, le medialab58 est un espace disposant d’outils et de machines
permettant à pratiquer des techniques en informatique, en multimédia, en design, en
journalisme et en communication. Ces tiers-lieux peuvent proposer de l’ initiation aux :
réseaux sociaux59, photo-vidéo, montage, captations sur smartphone, réalisation des
courts-métrages d’animation60, reportages et documentaires.
3.4. Coworking, living lab
La notion de tiers-lieu est considérablement appliquée dans le secteur professionnel,
où les individus ont de plus en plus le besoin de travailler sous des conditions humaines et
conviviales. Ainsi, on témoigne l'épanouissement du coworking (co-travailler), qui propose
des bureaux ou des espaces de travail partagés pour des salariés, des auto-entrepreneurs et des
artistes. Les co-travailleurs préfèrent s'installer dans un tiers-lieu qui leur donne l’opportunité
d'échanger entre eux et de partager des outils moins onéreux61 (cuisine, imprimante,
connexion internet, etc.). L’hybridation du concept permet aux résidents de travailler dans de
bonnes conditions avec aussi le sentiment d'être chez soi.
Le coworking doit sa réussite à l'évolution des technologies numériques62 et à la
volonté des salariés d'échapper du dirigisme de l’entreprise traditionnelle qui impose des
règles oppressantes. Le travail dans le coworking inspire la créativité individuelle et
l’imagination, en l’absence de l’autorité et de la hiérarchie. Son but est d’offrir au résident de
l’autonomie en termes d’organisation du travail sans le soumettre aux horaires rigides. En
plus, le résident qui choisit personnellement son espace d’activité peut favoriser la proximité
à chez soi et ainsi éviter de longs trajets dans la métropole. Selon le rapport de France
Tiers-Lieux, 75% des tiers-lieux63 proposent des bureaux partagés.
63 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 5, https://francetierslieux.fr.
62 Boutillier Sophie, Capdevila Ignasi, Dupont Laurent, Morel Laure, Espaces et nouvelles formes
d’organisation du travail créatif, Innovation, N° 61, 2020, pp. 5-13.
61 Etic, Les 6 types de tiers-lieux les plus rencontrés, Accès le 25 juillet 2022,
https://etic.co/tiers-lieux-responsables/.
60 Halbedel Paul, Caraman. Un projet de tiers lieu avec espace de coworking, ateliers dédiés au numérique et
médialab, Actu.fr, 2020, Accès le 24 juillet, https://actu.fr/occitanie/.
59 Efficience 59, Medialab Tiers-lieu, Accès le 24 juillet, https://efficience59.com/medialab/.
58 Ouest médialab, Le labo des médias de proximité, Accès le 24 juillet, https://www.ouestmedialab.fr/.
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Image 4. Le tiers-lieu Bliiida à Metz propose l’espace des bureaux partagés “Le Poulailler”. Source :
https://www.coworking-metz.fr/
Hors du travail collectif et de la création d'emplois, le tiers-lieu favorise aussi
l’innovation et la recherche. Cette mission est portée par le living lab64 (laboratoire vivant),
qui réunit des acteurs publics, privés et citoyens à travailler sur la conception et l'amélioration
des produits, des services, des technologies et des outils. Depuis 2011, les living labs sont
mobilisés sur la question de la ville intelligente sous les prismes de la santé, l’éducation, la
logistique, l’aéronautique, l’environnement, le tourisme, l’agriculture et l’administration
publique.
Anaïs Triolaire65 a bien noté que :
“Un living-lab est un lieu qui intègre ses usages au sein de ce lieu avec des professionnels du secteur
pour concevoir et tester ensemble des solutions. Il en existe pleins, des éphémères ou des pérennes”.
L’objectif principal du projet est de faire sortir la recherche des laboratoires
traditionnels, où les purs chercheurs uniquement prennent part, afin de la développer et la
tester dans un écosystème réel, avec la présence des usagers du quotidien. C‘est pour cela
qu'elle est aussi caractérisée comme innovation ouverte, puisqu' elle s'appuie sur la
démocratisation de savoirs, de compétences et de ressources. Généralement, ses solutions
produites sont librement diffusées sans licence à travers les systèmes Creative Commons,
65 Cupit Erika, Tiers-Lieu, Living Lab et Laboratoire d’innovation, Quelles sont leurs différences ?, Accès le 26
juillet 2022, https://design-et-collectivite.com/.
64 Leac Jean-Pierre, Tiers-lieu et autres fablab, hackerspace, medialab, living lab, … vous n’y comprenez plus
rien ?, Les cahiers de l’innovation, Accès le 26 juillet 2022, https://www.lescahiersdelinnovation.com/tiers-lieu.
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Open Data, Open Source, (Créatifs communs) etc. La spécificité des living labs est
marquante, car il n’existe que très peu d’espaces où les chercheurs peuvent côtoyer des
acteurs locaux pour fournir des réponses et des projets transformateurs66. Cette démarche fait
naître de nouvelles pratiques professionnelles pour les chercheurs eux-mêmes qui
développent une approche transversale en s'impliquant dans l’action.
3.5. Tiers-lieu solidaire, tiers-lieu culinaire, jardin partagé
Un tiers-lieu peut aussi agir sur des enjeux sociétaux67, en essayant d’attirer la
sensibilité des citoyens vers la solidarité et l'économie sociale et solidaire (ESS). Un tiers-lieu
solidaire a un engagement social manifesté sous différentes sortes d’actions pour répondre
aux différentes sortes des problèmes. Ils peuvent proposer un accompagnement pour les
personnes âgées, en précarité financière ou en fragilité sociale, avec un soutien moral en étant
à l'écoute, un soutien administratif, ou avec l’organisation d’activités pour rompre l’isolement
social. Autrefois, les résidents des tiers-lieux solidaires luttent contre des phénomènes
actuels, comme l'égalité des chances, la pauvreté, l’accessibilité au logement, etc.
Un tel exemple est le tiers-lieu Les Amarres, situé à Paris près de la gare
d’Austerlitz68. Le lieu disposant de 4.000 m2, ouvre son rez-de-chaussée à 200 personnes
isolées, demandeuses d’asile ou réfugiées, qui peuvent venir se nourrir, se laver, faire leur
lessive, recharger leur téléphone, se connecter sur le Wifi et suivre des cours de français. Des
repas chauds sont aussi offerts. Un autre espace est aussi dédié à l’accueil des familles, où
elles peuvent se reposer, manger et suivre des animations et des jeux familiaux. Une
vingtaine de bureaux partagés accueillent des associations et des structures de l'économie
sociale et solidaire. Enfin, dans le tiers-lieu on trouve aussi une buvette solidaire ouverte
proposant une programmation culturelle et festive, qui a comme but de faciliter la rencontre
entre différents acteurs artistiques et sociaux avec le grand public, dans une démarche de
sensibilisation aux enjeux migratoires.
Le tiers-lieu culinaire est souvent sous forme de restaurant qui propose de la
nourriture saine, locale et produite en petites quantités pour lutter contre le gaspillage,
68 Aurore, Les Amarres, le nouveau tiers-lieu solidaire à l’abordage de 2022 !, Accès le 26 juillet 2022,
https://www.aurore.asso.fr/.
67 Etic, Les 6 types de tiers-lieux les plus rencontrés, Accès le 25 juillet 2022,
https://etic.co/tiers-lieux-responsables/.
66 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 8, https://francetierslieux.fr.
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l’hyper-consommation et la production de déchets. Ce tiers-lieu porte une réflexion sur la
transition écologique69 et trouve des solutions sur les problèmes concernant l’alimentation et
la production locale. Ainsi, l’action vise à diminuer son impact sur l'environnement, à
sensibiliser les citoyens à changer des pratiques alimentaires et à soutenir l’activité des
producteurs locaux. Le résultat est le renforcement des liens entre consommateurs et
producteurs.
Le Plan de A à Z, est un projet de cantine zéro-déchet portée par l’association
marseillaise Cantina, qui cherche à s’installer prochainement dans un local sur le quartier de
la Canebière70. Outre ses formules pas chères (seulement pour 8 euros), le projet vise à
proposer des ateliers de recyclage et de zéro-déchet, des animations socio-culturelles, une
cuisine professionnelle mutualisable pour ceux qui veulent s'intégrer à des projets solidaires
et un espace de stockage d’invendus qui serviront pour des causes solidaires en lien avec les
acteurs de l’aide alimentaire de la ville.
Le Recho est un tiers-lieu culinaire parisien investi dans l’ancienne caserne de
gendarmerie Chalvidan, qui a une vision écologique et humaniste, à très faible empreinte
carbone et à fort engagement solidaire71. Il propose surtout des plats végétariens et des
produits frais et locaux, tout en créant des liens intergénérationnels et interculturels. La
structure est mobilisée pour fournir des formations professionnalisantes dans le domaine de la
restauration et de la cuisine aux réfugiés, afin de leur permettre de s'intégrer à la société et au
marché d’emploi. Le Recho72 offre des plats variés qui portent un respect pour le
multiculturalisme, en mettant en valeur la gastronomie de différentes origines. Enfin, grâce à
ses politiques écologistes, la structure se positionne contre le gaspillage, ayant revalorisé 6
tonnes d’invendus, en promouvant ainsi la cuisine éthique et intelligente.
Le jardin partagé est un lieu commun où les citoyens d’un quartier peuvent cultiver
leur potager73, en encourageant le partage et la solidarité. On y trouve souvent des animations
culturelles, éducatives ou sociales. Ce type de jardin répond parfaitement au besoin des
personnes qui ne possèdent ni de jardin individuel, ni de terrasse, et ainsi cherchent un lieu
pour s’investir et mettre en usage leur main verte. Les jardins partagés permettent de
73 Nowak Catherine, Jardin partagé : 5 choses à savoir sur ce concept qui cartonne, Maison & Travaux, 2019,
Accès le 26 juillet 2022, https://monjardinmamaison.maison-travaux.fr/.
72 Le Recho, Nos Objectifs, Accès le 26 juillet 2022, https://www.lerecho.org/.
71 Labro Camille, Les tiers-lieux culinaires, des tables savoureuses, écolos et humanistes, Le Monde, 2019,
Acces le 26 juillet 2022, https://www.lemonde.fr/.
70 Made in Marseille, Tiers-lieu solidaire, culinaire et anti-gaspi, le Plan de A à Z s’installe sur la Canebière,
Accès le 26 juillet 2022, https://madeinmarseille.net/114682-tiers-lieu.
69 Etic, Les 6 types de tiers-lieux les plus rencontrés, Accès le 25 juillet 2022,
https://etic.co/tiers-lieux-responsables/.
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sensibiliser les citoyens autour des enjeux du développement durable en développant des
actions environnementales au cœur de la ville74. Dans ces espaces, le lien social se renforce et
l'apprentissage des pratiques jardinières se généralise. Les citoyens s'impliquent ainsi dans
l’action collective, la consommation locale, le bien-être et le bien-vivre ensemble.
Le tiers-lieu vert Canopée est un tel exemple75, qui propose un jardin où les
participants peuvent partager des connaissances, un espace pédagogique, un espace naturel à
préserver, une biodiversité sauvage à degré de naturalité important, un lieu de rencontre
ouvert pour le voisinage sociable, un lieu récréatif que les participants peuvent aménager
selons leurs loisirs et un espace comestible.
75 Canopée, Tiers-lieu vert, Accès le 26 juillet 2022, http://ecosysteme-canopee.org/.
74 Mallard Philippe, Le jardin partagé, nouveau tiers-lieu avec un enjeu environnemental dans la ville,
LinkedIn, 2020, Accès le 26 juillet 2022, https://www.linkedin.com/.
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4. Les tiers-lieux s'épanouissent en France
Les tiers-lieux ont fait l’objet d’une mode croissante sur le territoire français en
apparaissant sous noms inédits et modernes (coworking, micro-folie, campus connecté,
fablab, garage solidaire, social place, makerspace, friche culturelle, maison de services au
public, etc.). En permettant le lien social et l’émancipation des initiatives collectives, ils sont
développés sur le territoire grâce au déploiement du numérique76.
Selon le Rapport 2021 de l’association nationale France Tiers-lieux77, il y a 2.500
tiers-lieux qui sont identifiés en 2021, ayant largement dépassé le dernier inventaire des 1.800
en 2018. Les estimations visent à 3.000-3.500 tiers-lieux jusqu’à la fin 2022.
Géographiquement et socialement démocratiques, 52% entre eux est en dehors de grandes
villes, et d’autres équipent le 1⁄3 des quartiers prioritaires. La répartition des tiers-lieux est
vaste, puisqu' on les trouve dans chaque région de la France métropolitaine, mais aussi en
Outre Mer.
Image 5. Les tiers-lieux en France. Source : https://francetierslieux.fr
Le concept de tiers-lieux est78 présent dans la plupart des réflexions relatives à
l'aménagement et le développement territorial, aux politiques publiques concernant l’action
culturelle et sociale et à la politique des villes qui se projettent comme villes 2.0 ou villes
créatives. La tendance est liée à la mobilisation de chacun à créer de la valeur (sociale,
culturelle, économique) en appuyant sur l’alliance du collectif, en dehors ou à côté des
institutions, quand les besoins et les valeurs ne peuvent pas être satisfaits uniquement par
l’action de l'institution ou de l’entreprise.
78 Burton Roger, Les tiers-lieux : éléments de typologie, 2016, pp.1, https://smartbe.be/.
77 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021,pp. 2, https://francetierslieux.fr.
76 Ministère de la Cohésion des Territoires, Tiers-lieux, Accès le 13 juillet 2022,
https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/tiers-lieux.
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Image 6. La répartition des tiers-lieux aux territoires différents. Source : https://francetierslieux.fr
Le président de l’association France Tiers-Lieux, Patrick Levy-Waitz semble très fier
et optimiste pour l’évolution de ce movement79 :
“Longtemps méconnus, parfois négligés, les tiers-lieux apparaissent désormais comme incontournables
dans nos territoires. Tant par leur nombre, qui ne cesse d’augmenter, que par leurs actions au carrefour des
79 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 1, https://francetierslieux.fr.
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transitions numériques, écologiques, économiques et sociales. Il s’agit du plus large mouvement citoyen jamais
observé depuis le mouvement de l’éducation populaire et les Maisons des Jeunes et de la Culture. De nombreux
tiers-lieux en revendiquent d’ailleurs l'héritage”.
La réception des tiers-lieux par le grand public n’est pas négligeable. 2,2 millions80 de
personnes se sont déjà engagées dans un tiers-lieu pour réaliser des projets, tandis que 4
millions de personnes sont rendues en tant que visiteurs à une programmation
évènementielle-culturelle. On remarque aussi un impact sur l’emploi, puisque 150.000
personnes exercent leur métier dans les locaux partagés des tiers-lieux. En plus, 6.300
personnes travaillent sur l’animation et la gestion des lieux eux-mêmes, puisque 69% d’eux
offrent des postes au sein de leur propre structure.
Selon le sociologue français Michel Lallemand81, le contexte socio-économique des
trois dernières décennies justifie tout ce succès (libéralisation des économies,
marchandisation des activités, chômage de masse, concurrence et baisse de coût du travail).
Par ailleurs, la tendance des tiers-lieux en France82 est encouragée par la presse, le grand
public, l’université, l’univers entrepreneurial et les pouvoirs publics, comme modèle de sortie
de crise. Le marché qui vient de s’installer provoque l’arrivée massive de néo-entrants qui ont
perçu une opportunité économique, ce qui débloque des financements sur le champ émergent.
Le succès peut aussi être attribué à la déconstruction des modèles capitalistes à
l’organisation du travail. La dénonciation du fordisme83 soulève la pratique de division entre
ceux qui travaillent et ceux qui pensent, en abolissant les frontières entre travail et loisir.
Dans un contexte de déclin84 des modèles traditionnels, l’économie du savoir croissante et la
prise de conscience écologique, rendent les entreprises, les gouvernements et les villes
favorables aux ajustements économiques, sociaux, culturels et politiques dans la société
post-industrielle.
Pour Luc Gwiazdzinski85, les tiers-lieux sont la réponse au rythme chaotique de vie
dans les métropoles, comme une intervention d'aménagement de l’espace-temps. Les
citoyens, ayant tous les mêmes horaires de travail, ne se rencontrent pas. Ils ne consomment
pas les biens culturels de leur ville, puisque leurs horaires coïncident avec les horaires de
85 Gwiazdzinski Luc, Urbanisme des temps, Premières chorégraphies de la métropole hypermoderne,
l’Observatoire, N° 43, 2013, pp. 3-8.
84 Ambrosino Charles, Guillon Vincent, Œuvrer en commun, L'Observatoire, N° 52, 2018, pp. 13-16.
83 Boutillier Sophie, Capdevila Ignasi, Dupont Laurent, Morel Laure, Espaces et nouvelles formes
d’organisation du travail créatif, Innovations N° 61, 2020, pp. 5-13.
82 Idelon Arnaud, Tiers-lieu culturel, refonte d’un modèle ou stratégie d’étiquette?, L'Observatoire, N° 52, 2018,
p. 27-30.
81 Lallement Michel, L’âge du faire. Hacking, travail, anarchie, Paris, Seuil, 2015.
80 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 2, https://francetierslieux.fr.
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l’offre culturelle. La réduction du sommeil, la fatigue et le burn-out dominent. Les individus
accélèrent, mais n’arrivent pas à attraper le rythme de vie en profitant des espaces, des
relations, des loisirs. La solution? L’hybridation de l’ espace-temps favorisant l’ assemblage
et la collaboration : co-construction, co-développement, cohabitation, co-voiturage, etc. Ainsi
s’effacent les frontières des activités hétérogènes, puisque les tiers-lieux qui émergent savent
très bien faire des assemblages : cafés-bibliothèques, laverie-café, entrepreneurs-artistes,
crèches installées dans les gares, toitures-jardins, écomusées-lotissements.
4.1. Financements, labellisations, réseaux
En termes d’affaires86, le marché a généré 248 millions d’euros hors subventions, son
modèle économique hybride reposant en moitié aux recettes en propre et en moitié sur des
subventions publiques. Les subventions publiques sont financées par les régions (49%), les
établissements publics de coopération intercommunale (31%), les communes (36%) et l’Etat
(23%). Le bilan de la situation économique des tiers-lieux était plutôt positif en 2019 : 49% a
atteint l'équilibre, 21% a eu bénéfice et 30% a été déficitaire.
Les statuts de gouvernance87 des tiers-lieux sont variés. On les croise majoritairement
sous forme associative (62%), mais ils sont aussi portés par des sociétés privées (26%), des
sociétés coopératives (8%), des établissements publics de coopération intercommunale et des
établissements scolaires et universitaires (3%).
4.1.1. L’Etat se positionne
Les tiers-lieux ont attiré la curiosité des acteurs publics qui voient dans ces projets
hybrides un levier potentiel de développement territorial. Une forte attente politique est
investie, notamment sur les concepts du télétravail, de l’innovation, de la revitalisation et de
la transformation. Les différents ministères et collectivités territoriales se positionnent au
soutien matériel en espérant que les projets émergents seront rentables et indépendants dans
le long terme. La vision est de réduire les encombrements routiers, donc la pollution, dans
87 Ibid., p.2.
86 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 2, https://francetierslieux.fr.
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les grandes métropoles, de dynamiser les petites villes et les zones rurales en déclin, et enfin,
de valoriser les quartiers démunis qui souffrent du chômage88.
Pour l’Etat89, les tiers-lieux représentent la France qui se réinvente quotidiennement,
puisqu’ils renforcent la cohésion sociale et territoriale du pays. Plus précisément, le
Gouvernement reconnaît les tiers-lieux en tant que l’un des piliers de la relance. Pour cela,
cinq mesures stratégiques et un budget total de 130 millions d'euros sont mis en place pour
soutenir la création des tiers-lieux et le développement des lieux déjà existants. L'idée est de
valoriser le “faire ensemble” dans les territoires, accompagner les transitions et designer
l’avenir de la France plus fort, solidaire et résilient.
Les 5 mesures sont :
- La nomination des 100 Manufactures de Proximité90. Il s’agit de tiers-lieux de
production animés par des communautés professionnelles d’artisans. Dans les valeurs
se trouvent la mutualisation des ressources, l’acquisition des compétences et la
favorisation des projets collaboratifs. Le but des Manufactures de Proximité est la
relance de l’activité économique locale et le soutien aux artisans et entrepreneurs. Les
Manufactures sont prioritairement implantées sur des territoires fragiles. Le budget
dédié à cette mesure est de 30 millions d’euros.
- Le soutien à la formation des professionnels91, avec un budget de 50 millions d’euros.
Il s’agit de favoriser la formation professionnelle agréée, l’apprentissage entre pairs et
par la pratique et la transmission informelle des savoirs. La vision est de remettre en
cause le schéma traditionnel : formation initiale, métier unique, retraite. Cela
permettra un accès de tous à la formation, même dans des territoires excentrés de
métropoles. Enfin, des parcours pédagogiques innovants (échanges de bonnes
pratiques, partage d’outils) feront découvrir aux apprentis et stagiaires de nouvelles
voies.
- La mise en disposition de 3.000 missions en service civique92, avec un budget de 20
millions d’euros. L'accueil des jeunes bénévoles aux tiers-lieux s’inscrit à un
mouvement d'éducation populaire, où l’accompagnement et la formation de la
jeunesse créent de l'intérêt général et bénéficient des parcours de vie.
92 Ibid., pp. 10.
91 Ministère de la Cohésion des Territoires, L’Etat engagé auprès des tiers-lieux, op.cit., pp. 9.
90 Ministère de la Cohésion des Territoires, Tiers-lieux, Accès le 15 juillet 2022,
https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/.
89 Ministère de la Cohésion des Territoires, L’Etat engagé auprès des tiers-lieux, Dossier de presse, 2021, pp. 3.
88 Liefooghe Christine, Le tiers-lieu, objet transitionnel pour un monde en transformation, L'Observatoire, N°
52, 2018/2, pp. 9-11.
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- Le recrutement des 4.000 conseillers numériques93 pour accompagner les français
dans l’inclusion numérique. Cette mesure est dotée de 15 millions d’euros.
- La facilitation des réseaux qui font du maillage national et territorial94, avec un budget
de 4 millions d’euros. L’Etat a pour priorité de soutenir et accompagner les ingénieurs
et porteurs de projets.
Le Gouvernement a aussi lancé un programme interministériel, titré Nouveaux lieux,
nouveaux liens95 qui offre son soutien aux initiatives publiques et privées en adoptant une
méthode d’intervention alternative : ne pas prescrire et chercher à normaliser, mais purement
accompagner. Le projet ambitionne à rendre les projets de tiers-lieux soutenables dans les
territoires, à valoriser l'entrepreneuriat coopératif et à mettre en réseau les communautés
professionnelles. Le programme fait le lien entre les dispositifs et les aides des différents
ministères avec les types des tiers-lieux qui peuvent potentiellement en bénéficier (le
ministère de l’Enseignement supérieur soutient le projet Campus connectés, le ministère de la
Culture soutient les Micro-folies, etc.).
La labellisation des 300 tiers-lieux en Fabriques de Territoire96 est réalisée suite au
lancement d’un appel à manifestation d'intérêt (AMI) en 2019, doté de 45 millions d’euros.
Le projet a identifié 300 fabriques, existantes ou en projet, dont la moitié est localisée sur des
quartiers prioritaires de la politique de la Ville (QPV) et l’autre moitié sur des zones rurales.
Une section particulière, les Fabriques numériques de Territoire, a été aussi mise en place
pour accompagner les initiatives liées au numérique. Ce que la labellisation a apporté aux
structures sélectionnées est un montant entre 75.000 et 150.000 euros sur trois ans, avec
l’Etat souhaitant que les structures trouvent leur propre équilibre économique au bout des 3
ans.
Les fabriques sont choisis selon certains critères :
- constituer la ressource pour le réseau de tiers-lieux du territoire, visant à créer des
activités et des coopérations entre les acteurs locaux.
- incarner une nouvelle vision de l’apprentissage, où le but est de "faire ensemble”, de
nourrir la formation des filières, de renforcer les partenariats universitaires et
éducatifs et de créer des contenus éducatifs et culturels.
- accompagner la transition numérique à travers la médiation aux populations qui n’ont
pas l'accès aux outils et pratiques, afin de leur transmettre des compétences.
96 Ibid., pp. 14.
95 Ibid., pp. 13.
94 Ibid., pp. 12.
93 Ibid., pp. 11.
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4.1.2. La région Grand Est s’organise
Au niveau régional, la région Grand Est97 est aussi positionnée à la facilitation des
tiers-lieux locaux. La région a inclus les lieux dans sa stratégie numérique d’animation et de
développement du territoire, en tant qu’acteurs qui pourront conduire le projet Accès au Très
Haut Débit pour tous. Cela signifie l’initialisation des actions pour accélérer la transition
numérique et le déploiement des nouvelles technologies. Ensuite, l’accompagnement des
tiers-lieux constitue pour le Grand Est l’une des différentes actions de relance du programme
Business Act Grand Est98. Il s’agit d’un programme stratégique pour le renforcement et la
modernisation de l'économie régionale à travers des politiques publiques qui soutiennent les
entreprises.
L’aide la plus concrète a été la mise en place d’1 million d’euros, lancée dans un appel
à manifestation d'intérêt pour promouvoir la création et le développement des tiers-lieux du
Grand Est. Les enjeux étaient le développement économique, l'aménagement territorial, le
renforcement du numérique, le partage des savoirs et le soutien social. Les lauréats soutenus
ont été 31 porteurs de projets, venants du milieu public, privé et associatif.
Il y a également le réseau99 des professionnels Tiers-lieux Grand Est qui a vu le jour
en 2017. Les participants au réseau ont l’opportunité de se rencontrer régulièrement, de
réfléchir collectivement, de se soutenir et de s'inspirer entre eux. Le réseau a eu comme
premier objectif de faciliter la coopération des membres en créant des espaces d'échange, où
seraient possibles la rencontre et l’inspiration mutuelle. Le réseau joue le rôle d’animateur
entre les 18 membres, pour qu’ils puissent coexister dans l'écosystème régional. Pourtant, le
plus grand enjeu est de pouvoir offrir aux structures émergentes, un “chemin” qui les aidera
dans le processus et pourra répondre à leurs problématiques et besoins.
99 Tiers-lieux Grand Est, Réseau des Tiers-lieux en Grand Est, Accès le 15 juillet 2022,
https://tierslieuxgrandest.org/.
98 Grand Est, Business Act, ensemble relevons les défis de demain, Accès le 15 juillet 2022,
https://www.grandest-ba.fr/.
97 Grand Est, Les Tiers-lieux, Accès le 15 juillet 2022, https://www.grandest.fr/les-tiers-lieux/.
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5. Les enjeux sociaux du projet
Les enjeux de l'émergence de tiers-lieux sont vastes et varient selon les ambitions des
acteurs qui les portent. Les médias, les collectivités territoriales, l’Etat et les investisseurs
s'intéressent surtout aux enjeux économiques, territoriaux, technologiques et écologiques.
Cependant, ce mémoire choisit de se focaliser sur les enjeux sociaux afin de mettre en valeur
ce qu’un participant de tiers-lieu gagne par son implication (moralement, matériellement,
etc.), ce qui affecte par conséquent l’ensemble de la société. Après l’analyse des chapitres
précédents, certains termes et enjeux sont invoqués plusieurs fois dans la bibliographie : lien
social, cohésion sociale, innovation sociale, inclusion, partage des ressources, accès aux
biens, éducation populaire, sens de citoyenneté.
Le lien social est l’ensemble des relations100 concrètes qu’on entretient avec les autres
(la famille, les amis, les collègues, les voisins, etc.), en prenant en compte les mécanismes
collectifs de solidarité, les normes, les règles, les valeurs et les identités qui désignent le sens
d’appartenance collective. Paradoxalement, la notion du lien social est le plus mentionnée
dans un sens inductif, en soulignant la menace de sa perte dans la société. L’expansion de la
vie solitaire, la désunion des familles, l'indifférence aux autres, le déclin de la morale civique
et le triomphe de l’individualisme font du lien social un objet que les communautés désirent
retrouver. Le tiers-lieu est effectivement une structure qui agit sur le renforcement du lien
social, puisqu’il donne l’opportunité à ses participants de se rencontrer sous diverses
occasions : travail collaboratif, participation aux animations culturelles et loisirs, projets
communs, etc. Le tiers-lieu n’est pas un espace isolé101, mais configuré en réseau, qui gagne
de la valeur grâce à son ouverture au monde et aux échanges qu’il facilite. Avec ses portes
ouvertes, il invite les citoyens à venir prendre un café, échanger et s’investir sur une cause qui
leur tient à cœur.
Alors que le lien social s'intéresse surtout aux relations individuelles, la cohésion
sociale désigne le lien et la cohésion d’un groupe, d’un collectif d’individus qui participent
dans la même activité102. Généralement, elle comprend ces composantes principales : les
relations sociales, les relations de travail, l’unité et les émotions. Le constat est que les
102 Wikipedia, Cohésion sociale, Accès le 27 juillet 2022, https://fr.wikipedia.org/.
101 Gheorghiu Matei, La « configuration en tiers-lieu », une mise en scène du changement social, Hors-série,
No. 34, 2021.
100 Cusset Pierre-Yves, Le lien social, Domaines et approches, Armand Colin, 2011, pp. 5.
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membres des groupes cohésifs sont plus enclins à rester dans le groupe. La spécificité du
tiers-lieu est qu’il réussit à réunir dans un groupe singulier des publics hétérogènes venant de
différents parcours, métiers et modes de vie, mais qui sont engagés à la même finalité. Les
espaces de coworking103, par exemple, ne reçoivent pas que des professionnels, mais aussi
des étudiants, des demandeurs d’emploi, des retraités, des bénévoles, etc. qui ont comme but
d’exercer collectivement différents types d’activités.
Ce qu’on entend par innovation sociale, est un processus104 mis en place afin de
changer des pratiques habituelles pour résoudre une situation sociale jugée insatisfaisante.
Elle est considérée comme vecteur de dépassement de crise105 et est déployée comme concept
à l’analyse de la démarche d’un changement social. Elle comprend les dynamiques qui
engagent des transformations sociales, les modes de coordination et de gouvernance,
l'évolution de la demande sociale et la façon de prise en charge de besoins sociaux et
humains. On peut l’identifier sur plusieurs actions des tiers-lieux, avec par exemple, la friche
culturelle animant tous publics à tous arts en cassant les codes de l'accès à la culture, le fablab
donnant des formations professionnalisantes aux nouveaux modes de fabrication pour lutter
contre le chômage, le tiers-lieu éducatif agissant sur l’accompagnement scolaire des jeunes
pour couvrir les failles de l'école, le tiers-lieu numérique offrant des outils technologiques à
ceux qui sont tardés à la transition numérique, etc. Le tiers-lieu est un espace de transition106,
qui ne correspond pas aux modèles traditionnels établis.
L’inclusion107 est l’action d'inclure quelque chose dans un ensemble, d'intégrer une
personne dans un groupe et ainsi mettre fin à son exclusion sociale. Selon le rapport de
l’association France Tiers-Lieux108, un tiers-lieu est une porte d'entrée sans barrières,
représenté par un facilitateur qui accueille les bénéficiaires, les oriente et est à l'écoute de
leurs besoins. Ainsi, les bénéficiaires s’encouragent à devenir acteurs de leur situation,
puisque le tiers-lieu crée des conditions pour que chacun puisse faire par soi-même.
Le partage de ressources est un enjeu indispensable pour le tiers-lieu et ça se
manifeste par la mentalité dominante au sein de la structure, qui désigne la mutualisation des
connaissances, du budget, de l’espace, des outils, des pratiques, etc. La favorisation de
108 France Tiers-Lieux, Synthèse Rapport 2021, 2021, pp. 16, https://francetierslieux.fr.
107 Larousse, Inclusion, Acces le 28 juillet 2020, https://www.larousse.fr/.
106 Gheorghiu Matei, La « configuration en tiers-lieu », une mise en scène du changement social, Hors-série, N°
34, 2021.
105 Richez-Battesti Nadine & Vallade Delphine, Éditorial. Innovation sociale, normalisation et régulation,
Innovations, n°38, 2012, pp. 5-13.
104 Wikipedia, Innovation sociale, Acceès le 27 juillet 2022, https://fr.wikipedia.org/wiki/.
103 Aigron Lucile & Riffaud Guillaume, L’action sociale dans les tiers-lieux par le travail, La Coopérative
Tiers-Lieux, Accès le 27 juillet 2022, https://coop.tierslieux.net/.
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communs109 et du faire ensemble permet aux participants de réduire des coûts individuels et
de résoudre les problèmes du quotidien. La condition de la mutualisation optimise
l'environnement du tiers-lieu, en lui permettant ainsi de grandir grâce aux compétences,
réalisations et projets de ses membres.
Le tiers-lieu est aussi pionnier à donner accès aux biens censés être démocratisés et
distribuer à tous : art, formation, travail, numérique, loisir, etc. Par exemple, un tiers-lieu
éducatif offre du soutien scolaire et de l'éducation culturelle à un jeune en position d'inégalité
sociale, un tiers-lieu numérique met en disposition des ordinateurs avec de
l’accompagnement personnel pour les exclus qui n’ont pas l’habitude de cet usage, un
tiers-lieu solidaire fournit de l’aide matérielle et administrative aux plus démunis et une
friche culturelle offre des événements et des spectacles à prix réduit (ou gratuit), des ateliers
artistiques et des temps de création collective pour ses membres et visiteurs.
L'éducation populaire110 signifie l'éducation qui agit en dehors des structures
traditionnelles d’enseignement afin d'améliorer le système social. Elle ne se positionne pas
contre l'enseignement formel, mais en complément avec lui, en facilitant l'accès aux savoirs
et à la culture et en s’appuyant sur une pédagogie active. L'animation sociale et culturelle est
un atout favorisé considérablement par l'éducation populaire. Cependant, elle ne défend pas
une vision fermée de la culture, mais reconnaît surtout la culture populaire (des ouvriers, des
paysans, des habitants de la banlieue), en adressant à la fois son regard et son intérêt à
d’autres secteurs, comme les sciences, les sports, les jeux, la philosophie, etc. Le mouvement
milite pour le développement des personnes et des communautés (au sein des quartiers, villes,
régions, etc.) pour que chacun arrive à s'épanouir et à trouver sa place dans la société. La
particularité avec l'éducation populaire, c’est que quelqu’un peut s’ engager à n’importe quel
âge et moment de sa vie pour progresser et se développer. L'éducation populaire et le
tiers-lieu partagent des points communs111, dans le sens d’accueil et d’accompagnement, des
activités et des outils en faveur de la formation réciproque, l’autonomisation et
l'émancipation, éléments qui répondent aux besoins individuels et collectifs dans la société.
111 Bazin Hugues, Entre éducation populaire et tiers lieux, Pour une pensée alternative des tiers espaces, Le Lab
de tiers-lieux, Agence nationale de la cohésion des territoires, 2022, Accès le 29 juillet,
https://tierslieux.anct.gouv.fr.
110 Wikipedia, Education populaire, Accès le 28 juillet 2022, https://fr.wikipedia.org.
109 Gheorghiu Matei, La « configuration en tiers-lieu », une mise en scène du changement social, Hors-série, N°
34, 2021.
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Définie par les sciences politiques, la citoyenneté comprend un statut social donnant
aux individus un ensemble de droits et d’obligations112, formelles ou informelles, qui exigent
la participation aux affaires publiques de l’entité politique dont ils sont membres (Cité,
Etat-Nation, etc.). Le sens de citoyenneté c’est quand un individu est reconnaissant de
bénéficier de son statut de citoyen et ainsi l’exerce activement à profit de son quartier, de sa
ville, de son pays, de sa communauté, etc. Par conséquent, le tiers-lieu est un lieu de
citoyenneté113, donnant à ses membres le sens de vouloir agir, faire, expérimenter et
contribuer au développement du territoire à travers l’engagement et l’action collective.
113 Desforges Marc, Un tiers-lieu : une fin en soi ou un moyen au service du bien commun ?, Territoires
innovants & bien-vivre, Alternatives Economiques, 2021, Accès le 29 juillet,
https://blogs.alternatives-economiques.fr/.
112 Neveu Catherine, Les enjeux d’une approche anthropologique de la citoyenneté, Revue Européenne des
Migrations Internationales, vol. 20, N°3, 2004, p. 89-101.
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Conclusions
Auparavant, la configuration sociale du monde capitaliste a imposé la fragmentation
des espaces et des cadres de vie en séparant le travail (= activité financière, productivité,
prospérité matérielle, etc.) du loisir (=culture, divertissement, épanouissement, éducation
permanente, sociabilisation etc.). Cependant, les évolutions sociales et technologiques (le
militantisme des collectifs indépendants, la montée en croissance de l'économie des savoirs et
de l’intelligence collective, le déploiement du numérique, la déconstruction des modèles
financiers traditionnels, les menaces climatiques, etc.) ont permis aux individus et aux
groupes de s’organiser indépendamment selon leur vœu, en adoptant une approche plus
humaine et respectueuse de leurs besoins. Ce changement d’organisation s’est manifesté
d’abord avec des initiatives de réaménagement du contexte urbain, où les citoyens ont voulu
se rassembler dans des espaces physiques de leur choix afin de mener des activités
(professionnelles, artistiques, numériques, etc.) collectivement.
Ainsi a vu le jour le tiers-lieu, une notion qui désigne un espace de sociabilisation qui
rassemble des membres à des finalités créatives. Les premiers tiers-lieux étaient perçus
commes alternatifs et révolutionnaires qui cassaient les codes de la société et des institutions.
Pour cela, ils étaient souvent abrités dans des espaces marginaux et abandonnés du regard des
politiques de la ville. Au cours des dernières années, cette situation est entièrement inversée
en France, où les tiers-lieux ont connu l'appréciation et la reconnaissance des acteurs publics
(Etat, régions, communes) et privés, comme acteurs potentiels à la relance des territoires. Les
tiers-lieux sont désormais pour la plupart institutionnalisés, labellisés, subventionnés,
accompagnés et organisés en réseaux. Ces lieux n’ont pas une identité fixe, ils sont flexibles
et transformables, en s’engageant aux projets multiples qui se nourrissent l’un à l’autre. Ils
accueillent une vaste offre d’activités, le plus souvent adressée à l’art, le numérique, le
travail, la solidarité, l’innovation, l'écologie, l'éducation, la gastronomie éco-responsable.
Malgré l’offre variée, tous lieux ont un rapport avec la culture, soit dans le sens fermé
(=artistique), soit dans le sens ouvert, où des lieux de tous types organisent des animations et
des événements culturels.
Alors qu’en France, le discours politique s'intéresse beaucoup aux enjeux financiers,
technologiques et territoriaux liés au projet des tiers-lieux, les enjeux sociaux ne sont pas
négligeables non plus. L’implication en tiers-lieu peut inspirer des parcours de vie pour ceux
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qu’y prennent part, et cela crée potentiellement de l’impact social et des évolutions au sein
des communautés. L’émergence des tiers-lieux en France est récente, il serait donc difficile de
mesurer cet impact en indicateurs et en chiffres. Ce qui est plutôt faisable, est d’indiquer les
enjeux sociaux qui pourraient potentiellement contribuer à cet impact, les présenter et les
identifier dans le plan d’action et le déroulement des tiers-lieux existants.
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Partie II. Etudes de cas sur des tiers-lieux mosellans et sur le
grand public en France
1. Méthodologie de recherche
Le sujet de l'émergence des tiers-lieux en France et ses enjeux sociaux étant vaste et
général, une deuxième partie est nécessaire pour porter des analyses plus spécialisées et
pratiques à travers des enquêtes qualitatives et quantitatives.
Les enquêtes qualitatives se focalisent sur l'émergence de 4 tiers-lieux en Moselle,
dont l'activité culturelle prend une place significative sur le plan d’action. Le territoire
mosellan est choisi grâce à son lien géographique avec la formation Master 2 Expertise et
Médiation Culturelle à l’Université de Lorraine, pour qu’on puisse avoir des données et des
réponses concernant la région qui l'accueille. Ces enquêtes prennent la forme d' entretiens,
menés avec la contribution des spécialistes du terrain. Les interlocuteurs sont :
- Nicolas Royer, représentant le tiers-lieu Bliiida à Metz. L’interview s’est déroulée
dans les locaux de la structure en 2021, dans le cadre de mon stage en Master 1 Arts,
dans le domaine du reportage culturel audiovisuel. L’interview sera fournie dans les
références, avec un lien de vidéo Youtube.
- Anne Guillou, représentant la bibliothèque-médiathèque Puzzle à Thionville.
L’entretien s’est déroulé en juin 2022 en visio et il sera fourni entièrement retranscrit
dans l’Annexe 1.
- Gaëlle Todeschini et Vincent Bernard, représentant le tiers-lieu numérique et fablab
Bornybuzz au quartier Borny de Metz. L’entretien s’est déroulé dans les locaux de la
structure en janvier 2022 et il sera fourni entièrement retranscrit dans l’Annexe 1.
- Camille Erbstein, représentant le tiers-lieu éducatif-culturel La Dragonne au quartier
Metz-Nord Patrotte. L’entretien s’est déroulé en visio en janvier 2022 et il sera fourni
entièrement retranscrit dans l’Annexe 1.
Le but de ces entretiens sera de découvrir le caractère des structures choisies, les
conditions qui ont mené à l’ installation de leurs tiers-lieux, leurs objectifs par rapport aux
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besoins des habitants et leur avancement actuel. Suite aux entretiens, l’analyse portera sur
l’offre de leurs dispositifs et de leur programmation culturelle, éléments tirés par la
connaissance personnelle, issue de visites du terrain et par la communication publique des
établissements (site web, page Facebook, flyers, etc.).
L’analyse des dispositifs comprend les espaces mis en place sur chaque tiers-lieu et
leur utilité. Comme c’est déjà étudié lors de la partie théorique, la dimension spatiale est
vraiment importante dans le projet des tiers-lieux, puisqu' elle change les codes sous lesquels
les établissements et leur facteur humain travaillent, en offrant parfois des équipements et des
outils innovants. Concernant la programmation culturelle, certains événements indicatifs
seront exposés, qui couvrent une année entière ou seulement une saison (parce que certains
établissements ont une grande offre qui ne peut pas être affichée entièrement). L’ analyse des
dispositifs et de la programmation aidera à comprendre la nature des quatre établissements,
créer leur profil et ainsi avoir un aperçu pratique de leur projet global. En outre, la
présentation détaillée de ces aspects aidera aussi à identifier les enjeux sociaux évoqués au
service des communautés impliquées. L’analyse des enjeux sociaux sera fournie par
indicateurs, en mentionnant les enjeux qui sont attendus par l’action des tiers-lieux et
comment les derniers réussissent à les atteindre.
Les structures seront présentées en pairs, le premier étant consacré aux tiers-lieux
recevant du grand public et le deuxième consacré aux lieux recevant du public habitant sur
des zones prioritaires de la politique de la ville.
Enfin, l’enquête quantitative se focalise sur l'étude du grand public et a été menée à
travers le site Google Forms. Il s’agit d’ :
- Un sondage destiné au grand public habitant en France, qui a rassemblé 46 réponses.
Le sondage a été diffusé en juin 2022 à travers les réseaux sociaux. Le corpus du
sondage (sans les reponses) sera fourni dans l’Annexe 2.
Son but a été de mesurer le ressenti, l’implication et l'appréciation des participants par
rapport aux tiers-lieux, afin de mieux comprendre comment ils perçoivent cette émergence et
s’il y a de l’impact social effectué chez eux. Le sondage est composé par des questions
fermées, des questions à choix multiple, des questions ouvertes et des affirmations, où les
participants ont dû cocher leur niveau d’accord ou de désaccord.
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2. Tiers-lieux mosellans destinés au grand public
2.1. Bliiida
Bliiida est un tiers-lieu innovant situé à Metz, lancé dans le cadre d’une initiative
institutionnelle114 par la ville de Metz. Installé en 2014 sur la friche qui abritait autrefois les
transports en commun de l'agglomération messine (TCRM), il est désormais transformé en
coworking de création, de production et d’innovation artistique et numérique. L'idée d’animer
en permanence ce lieu de 30.000 m2 est venue suite à son utilisation temporaire pour
l’accueil de l'événement Nuits Blanches en 2014. Les trois “i” dans le nom du lieu signifient
ses valeurs principales : inspiration, innovation et intelligence collective. C’est pour ces
critères-là, que Bliiida a obtenu le label French Tech East, puisqu’elle donne des opportunités
aux entrepreneurs et porteurs de projets de développer leurs actions.
Nicolas Royer représente Bliiida115 dans une interview audiovisuelle qui a eu lieu au
printemps 2021. Le contenu comprend une visite virtuelle dans les locaux de la structure et
l’interviewé répondant à toutes questions concernant l'émergence du projet, son modèle de
gouvernance et ses vocations. Selon lui, le projet a deux buts : d’accompagner, dans un
premier temps, les jeunes entrepreneurs au démarrage et au déroulement de leurs propres
entreprises, pour qu’ils puissent réaliser leurs projets et ainsi rester travailler sur leur territoire
natal. Dans un deuxième temps, le but est d’animer le lieu historique en donnant l’opportunité
au grand public messin de venir découvrir son offre.
Géré par l’association opérationnelle TCRM Blida et la société d'économie mixte
SEM Metz Technopole, le tiers-lieu focalise son action principale sur le travail collectif et la
formation. Ainsi, Bliiida offre de l’espace (à loyer bas) et des conseils aux résidents
professionnels qui souhaitent exercer leur métier ou leur projet, mais ne savent pas comment
et où commencer. Nombreuses entreprises, institutions, associations, médias et personnes
venant de métiers artistiques, artisanaux et numériques ont bénéficié de cette démarche
(scénographes, plasticiens, menuisiers, professionnels digitaux, développeurs, etc.). En même
temps, les citoyens sont invités à venir se former sur des aspects innovants variés (machines
et outils de fabrication, ateliers techniques et artisanaux donnés par les résidents
115 Bornybuzz, Visite guidée à Bliiida, le territoire des possibles, vidéo 4 min 42 sec, Accès le 20 avril 2021,
https://www.youtube.com/watch?.
114 Ross Eve, Tiers-Lieux dans les villes moyennes : l’exemple de villes moyennes dans la Grande Région Est et
dans la banlieue d’Amsterdam, Revue Interventions économiques, N° 60, 2018.
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professionnels, jeux vidéo, etc.). La vocation culturelle-événementielle est aussi présente,
avec notamment Makerland Festival, Été à Bliiida, Bliiida Festival, qui sont les rendez-vous
annuels offrant des animations artistiques, ludiques et technologiques et permettant la
rencontre et le croisement du public messin et des résidents professionnels.
Image 7. Bliiida Festival. Source : La Semaine - Photo DR/Bliiida https://www.lasemaine.fr/.
Le tiers-lieu messin a aussi été confronté à des contraintes politiques116. Conçu en
2014 par l’ancienne Mairie pour la création de projets et d’emplois dans le domaine culturel
et numérique, son projet a été entrepris par l’association TCRM-Blida avec la ville de Metz
étant son garant financier, sous l’optique que la structure trouverait bientôt son équilibre
financier grâce aux fonds privés et aux recettes propres à sa production. Concernant son
bâtiment, le plan prévoyait la réhabilitation de la friche (budget estimé à 12 millions) pour
l’accueil sécurisé du grand public aux événements culturels. Tant que la réhabilitation n’est
pas achevée, seuls les occupants du lieu ont l'accès libre à l'intérieur, tandis que la visite
ouverte du grand public se limite à la cour extérieure, quand les conditions météorologiques
le permettent.
Suite à un audit en 2020, la dépendance élevée aux financements publics a été
constatée (environ 70% du budget du fonctionnement annuel), alors que les financements
privés attendus ont représenté 10% du budget. Après ce verdict, la Mairie de Metz est
intervenue à la politique de gestion de la structure, dans un effort de réformer toute son
orientation. La ville a enfin décidé de financer le projet de réhabilitation du lieu, pas à la
hauteur de 12 millions d’euros comme prévu, mais avec un quart du montant. Les travaux
116 Metz Mag, Tout sur Bliiida, N° 94, 2020, pp. 18-23.
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débuteront en 2022, et s'achèveront début 2023. En plus, Bliiida a désormais une orientation
plus commerciale, coordonnée par sa nouvelle direction.
Ses dispositifs
Dans ses locaux, Bliiida propose de nombreux dispositifs. Le tiers-lieu est un espace
d’hybridation, d'expérimentation et de mutations constantes. Son activité se focalise sur les
aspects de coworking, culture numérique, technologie, jeux-vidéo, événements culturels,
fablab, alimentation bio et écologie. Ainsi, on y trouve :
-La Grande Serre117, l’espace qui accueille les résidents issus de nombreux domaines
de création et d’entrepreneuriat (innovation numérique, sociale, écologie, artistes,
artisans, médias, production audiovisuelle, etc.).
- Les incubateurs de projets118 :THE POOL, dédié à l’excellence régionale, FLUXUS, à
intérêt culturel et artistique (sous la direction de la DRAC Grand Est) et ESS WE
CAN, une fabrique d’économie sociale et solidaire.
- Un espace de jeux vidéo retrogaming.
-The Walking Ghost Hall119, une salle événementielle avec la capacité d’accueillir
1.000 personnes, une décoration originale désignée par Etienne Bardelli et des
équipements scéniques, sonores et visuels de qualité. L’espace est idéal pour l’accueil
des festivals, spectacles, conférences et expositions.
-L’Atrium, La salle Cocorico, La salle transition numérique, Le Hub120,espaces
destinés aux rencontres professionnelles, séminaires, réunions et conférences.
- Le MIDO121, un laboratoire de fabrication équipé avec des machines innovantes, qui
propose des ateliers et des formations afin d’encourager la transformation de l’idée en
objet. On y trouve des découpeuses laser, des imprimantes 3D, une brodeuse
numérique, une imprimante découpeuse vinyle, etc.
-Un jardin pour 2 mains122, un potager partagé et participatif animé par une association
résidente qui encourage la rencontre, la transmission des savoirs et la pédagogie.
122 Bliiida, Une terre et un jardin pour 2 mains, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/residents/.
121 Bliiida, Le MIDO, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/espace/le-mido/.
120 Bliiida, Nos espaces, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/espace/.
119 Bliiida, Walking Ghosts Hall, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/espace/the-walking-ghosts-hall.
118 Bliiida, Entreprendre, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/.
117 Bliiida, Les Residents, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/residents/.
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-La Cantina, une salle à manger pour les résidents et les visiteurs, animée par le
restaurant biologique L’amour food123, qui sert des produits locaux sous une politique
de zéro-déchets.
Sa programmation culturelle
Concernant la vocation en lien avec la culture, Bliiida propose des événements
réguliers qui mettent l’accent sur des thématiques variées, telles que la fabrication,
l’animation artistique, le jeu ludique et pédagogique, l'ambiance sociable et festive, le
numérique et les nouvelles technologies. On y trouve :
- Le Festival Makerland124, qui est une fête foraine mise en place chaque automne,
dédiée aux makers (créateurs) et bricoleurs qui inventent des objets et des pratiques
inédits. Le festival familial est animé avec des activités pédagogiques, des ateliers
ludiques, des attractions numériques et technologiques, des jeux et des concerts.
- L’ Été à Bliiida125, un programme qui se déroule sur la saison estivale pour animer les
messins qui restent en ville pendant les vacances, proposant des activités créatives,
des soirées, des ateliers, des spectacles et des découvertes.
- Le Bliiida Festival126, un événement convivial qui se déroule en mai. La
programmation de la version 2022 a inclus de nombreux concerts et DJ sets, un stand
de sérigraphie, un espace retrogaming, un atelier de paillettes, des jeux Bingo et une
exposition de matériels recyclés.
- Les Ateliers Bliiidouille127, séances hebdomadaires où les visiteurs apprennent à
fabriquer, à construire et à produire des objets (vases, sacs, toiles, chaises, etc.) sous
l’accompagnement des résidents artisans.
- des animations introduisant l’aspect numérique et technologique. Gamers Quest128 est
une bourse pour la culture geek et retrogaming qui fait découvrir des objets vintage
(jeux vidéo, figurines, BD). La fabrique des Technonautes129,offre des ateliers
d'éducation artistique et numérique apprenant aux enfants l’art numérique et les
nouvelles technologies, par l’initiation à la pratique vidéo, design, photographie, etc.
129 Bliiida, La Fabrique des Technonautes, Accès le 3 août, https://www.bliiida.fr/top-event/.
128 Bliiida, Gamers Quest, Accès le 3 août, https://www.bliiida.fr/agenda/gamers-quest/.
127 Bliiida, Ateliers Bliiidouille, Accès le 3 août, https://www.bliiida.fr/top-event/ateliers-bliiidouille-2/.
126 Bliiida, Bliiida Festival, Accès le 3 août, https://www.bliiida.fr/agenda/bliiida-festival/.
125 Bliiida, Ete à Bliiida, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/agenda/un-ete-a-bliiida/.
124 Bliiida, Makerland Festival, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/agenda/makerland-festival-2022/
123 Bliiida, L’amour food, Accès le 2 août, https://www.bliiida.fr/residents/lamour-food/.
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Jedi, Jeudi Digital130 est un cycle mensuel de conférences, ateliers et débats sur
l'écosystème numérique et la sensibilisation à l'environnement digital. Il aborde des
sujets variés : protection des données, création d’activité dans le numérique, RGPD,
LinkedIn, e-santé, etc. Super Senior131 est un dispositif dédié à la formation et
accompagnement du public âgé aux outils numériques, aux réseaux sociaux et aux
paiements en ligne. Son but est de lutter contre la fracture numérique.
Ses enjeux sociaux
Suite à la présentation de Nicolas Royer132 et du site Internet de la structure, qui a
publié en détail l’offre des dispositifs et événementielle, on peut déduire que les enjeux
sociaux sont présents dans l’action de Bliiida.
Enjeux
Justification
Lien social
Le lieu facilite le croisement et la rencontre entre résidents,
gestionnaires et visiteurs. Les événements culturels, les dispositifs
ludiques, de détente et de restauration permettent l'échange et la
sociabilisation.
Cohésion sociale
Bliiida rassemble des résidents issus de divers domaines, tels que
des étudiants, des chômeurs, des professionnels, des entrepreneurs,
des créateurs, des artistes, etc. dans le même espace, où ils
travaillent collectivement et participent au déroulement quotidien
de la structure.
Innovation sociale
Les incubateurs de projets soutiennent les initiatives innovantes en
promouvant l’entreprenariat, l’emploi et l’art au sein d’une ville
moyenne. Ainsi, les talents locaux peuvent rester sur leur territoire
d’origine.
Inclusion
Bliiida ouvre ses portes gratuitement aux citoyens qui souhaitent
132 Bornybuzz, Visite guidée à Bliiida, le territoire des possibles, vidéo 4 min 42 sec. Accès le 20 avril 2021,
https://www.youtube.com/watch?.
131 Bliiida, Super Senior, Accès le 3 août, https://www.bliiida.fr/top-event/super-senior/.
130 Bliiida, Jedi, Jeudi Digital, Accès le 3 août, https://www.bliiida.fr/top-event/jedi-jeudi-digital/.
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découvrir son offre. Elle donne des opportunités professionnelles
et de formation à tous, peu importe leur revenu et leur niveau
d’expertise.
Partage de ressources
La politique globale de Bliiida comprend la mutualisation des
dispositifs, tels que l’espace de travail, la cantine, les outils, etc.
En outre, l’espace MIDO met en place des outils de fabrication de
dernière technologie.
Accès aux biens
L’emploi, la formation, l’accompagnement individuel, le
divertissement culturel et numérique sont parmi les biens qui sont
accessibles au sein de Bliiida.
Education populaire
Le grand public a l’occasion de venir s’initier sur des pratiques
artisanales, des loisirs culturels et des outils numériques. Cet
engagement peut potentiellement renforcer leur parcours et ouvrir
leurs horizons.
Sens de citoyenneté
Les valeurs transmises à travers les actions de la structure sont le
partage democratique, l’implication à la vie active de Metz,
l'écologie et la solidarité. Les personnes impliquées au sein de
Bliiida participent à une démarche participative, où la coopération
et le dialogue dominent.
Tableau 1. Les enjeux sociaux à Bliiida. Source : auteur
2.2. Puzzle
Puzzle est une bibliothèque-médiathèque et centre culturel à Thionville, qui est mis en
place par la Mairie depuis quelques années. Anne Guillou133, la directrice, représente Puzzle
lors d’un entretien réalisé en juin 2022 en visio. Elle décrit Puzzle comme un espace dédié à
la lecture publique et aux arts visuels, en accueillant également des expositions et des studios
numériques. Puzzle s'auto-définit et s’introduit au grand public en tant que tiers-lieu culturel,
133 Annexe 1.
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une notion adoptée grâce à sa forme architecturale fluide et décloisonnée qui encourage
l’autonomie dans l’espace.
Pour justifier son émergence, Anne Guillou explique que Puzzle s’est créé à
l’occasion du réaménagement urbain au sein de la ville. La bibliothèque municipale
précédente était très ancienne et sous-dimensionnée, tandis que le centre culturel, placé à côté
de la gare, devait déménager à cause de nouveaux projets d’exploitation dans ce quartier.
Après beaucoup de réflexion, la Mairie a décidé de réunir les deux structures dans un projet
singulier. L'idée de les abriter dans un nouveau bâtiment de tiers-lieu est venue grâce à la
popularité croissante de cette notion en France. Pour la Mairie, l’enjeu était de créer quelque
chose de nouveau, afin de moderniser l’offre culturelle de la ville et de promouvoir son
attractivité.
Puzzle n’a pas un label de tiers-lieu officiel et il ne se trouve pas dans un réseau de
tiers-lieux. Ses seuls réseaux sont purement culturels et ses aides financières viennent de la
DRAC. Pourtant, il se caractérise en tant que tiers-lieu, choix justifié selon son plan
architectural, car ses espaces décloisonnés communiquent entre eux. Par apparence, le
bâtiment est un tiers-lieu, mais cela ne garantit pas que le fonctionnement de l'institution soit
aussi aligné avec les valeurs d’un tiers-lieu. Selon Anne Guillou, le critère le plus nécessaire
qui manque, est la liberté à l'usager (visiteur) de prendre part à l’organisation et au plan
d’action. C’est le changement de cela, que la directrice, primo-arrivante à son poste, a mis
comme priorité, en visant à mettre l’usager au cœur du processus décisionnel.
Ce que Puzzle souhaite aussi développer, est de séduire certains publics ciblés : les
adolescents et les adultes. Puzzle a la particularité de recevoir de nombreux adolescents grâce
à sa proximité de trois lycées thionvillois. Les jeunes passent régulièrement par le tiers-lieu,
dans leurs heures de pause, quand il pleut et quand ils attendent le bus. Ainsi, Puzzle vise à
renforcer leur implication encore plus. En même temps, les adultes sont un public très
difficile à sensibiliser vers la culture, car ils viennent de parcours différents. Anne Guillou
constate un cloisonnement sur le plan sociologique du bassin thionvillois, avec beaucoup de
personnes venant soit d’un parcours sidérurgique et industriel (chômage, pauvreté), soit d’un
parcours professionnel exercé au Luxembourg, où les salaires sont doubles et l’offre
culturelle est relativement plus riche. A cause de ce contraste, désigner une offre culturelle
qui sensibilise et qui plait à ces deux côtés, est un défi pour Puzzle.
.
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Image 8. Puzzle de l'intérieur. Source : © Stéphane Thévenin, https://puzzle.thionville.fr/fr/puzzle-en-images.
Ses dispositifs
La bibliothèque-médiathèque134 est le dispositif le plus spacieux. Avec ses 2.500 m2 et
ses quatre univers, elle donne l’opportunité à la rencontre, la détente et au travail.
- L’univers litterature offre une collection de romans, bandes dessinées et mangas. Les
salles Le Chalet et Le Cortex mises en disposition ont pour but d’offrir un lieu de
travail et de lecture isolé et silencieux. Le Cabinet littéraire est un espace riche en
livres de poésie et d’essai.
- L’univers image et son propose une gamme de CD, films, vinyles, jeux vidéo et livres
sur les arts du spectacle. Des bornes d'écoute sont également installées pour que le
visiteur écoute indépendamment la musique de sa préférence. Il y a des jeux vidéo
retrogaming à essayer, mais aussi l’espace Redroom, dédié aux jeux de nouvelle
génération. La Caverne est un lieu confortable pour la séance de films et de vidéos.
- L’ univers sciences et société dispose de collections documentaires sur les sciences
humaines et techniques, l’histoire et la géographie. Il y a également des tables
équipées d’ordinateurs pour des recherches sur Internet et des devoirs scolaires.
- L’univers jeunesse est un lieu qui accueille des enfants jusqu'à 12 ans. Il propose des
documentaires, contes, romans, livres tactiles, BD, mangas, films et CD spécialement
destinés à leur âge. La Bulle rose est un espace de détente proposant des animations
régulières et des rencontres d’auteurs.
134 Puzzle, La médiathèque, Accès le 4 août 2022, https://www.puzzle.thionville.fr/fr/la-m-diath-que.
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Le centre culturel géré par l’association Jacques Brel135 est aussi logé au sein du
Puzzle. L’association est active depuis 1972 et a déménagé au tiers-lieu en 2016, à cause du
réaménagement urbain au quartier de la gare. Sa mission est l'accès de tous publics à la
culture, à travers des activités de création, de diffusion, de médiation et d'éducation artistique.
La programmation est focalisée sur l’art contemporain et numérique en incluant des
expositions temporaires, des ateliers pratiques, des conférences en histoire de l’art, des
résidences d’artistes et des actions extra-muros.
Puzzle accueille aussi des studios de création numérique136 afin de donner à tous
l'accès aux nouvelles technologies, l'expérimentation, l'apprentissage et la découverte
numérique. Dans les studios, le visiteur peut réaliser ses propres projets, tels que des films,
des podcasts et des vidéo clips. Il est ouvert à tous les niveaux d’expertise, pour les débutants
jusqu’aux professionnels, sous la présence des animateurs qui accompagnent. La
programmation inclut aussi des ateliers formateurs sur des outils et des conférences sur des
thèmes émergents. Les studios sont équipés avec des machines indispensables pour la prise
de son, le tournage audiovisuel, le montage et l'édition post-production.
Les expositions et les installations se déroulent dans des espaces adaptés137.La Bulle
Forum, avec sa forme ovoïde et ses murs noirs, est le premier contact du public avec les
expositions, avant qu’il accède aux autres salles. La Salle noire, conçue comme un cube,
accueille des événements, des spectacles, des installations et des expositions. La Salle
blanche offre un espace lumineux qui permet au visiteur de découvrir des œuvres au plus
près.
Un patio et un jardin sont aussi déployés pour des animations et des expositions
estivales. Enfin, l'établissement dispose aussi d’un café138 pour renforcer la rencontre,
l'échange et la convivialité. Il est placé au cœur du Puzzle et organise souvent des animations,
telles que des cafés philo, jeux de société et blind tests.
Sa programmation culturelle
Pendant le printemps 2022, Puzzle a proposé de nombreux événements éclectiques139 .
Cependant, il serait plus raisonnable de montrer un aperçu indicatif, puisque la liste de l’offre
est très longue pour entrer entièrement.
139 Facebook, Puzzle > PZZL, Accès le 4 aout 2022, https://www.facebook.com/PuzzleThionville.
138 Puzzle, Le café , Accès le 4 août 2022, https://www.puzzle.thionville.fr/fr/le-caf.
137 Puzzle, Salles d’exposition, Accès le 4 août 2022, https://www.puzzle.thionville.fr/fr/salles-dexposition.
136 Puzzle, Les studios de création, Accès le 4 août 2022, https://puzzle.thionville.fr/fr/fiches-techniques-0.
135 Puzzle, Le centre Jacques Brel, Accès le 4 août 2022, https://puzzle.thionville.fr/fr/pr-sentation.
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-Femmes du Jazz, la longue marche, une conférence sur des musiciennes et
compositrices de jazz qui sont oubliées et effacées de l’histoire.
-Elles s’affirment, un cycle de projections des parcours de femmes inspirantes, autour
l’entreprenariat féminin.
- Rencontres d’auteurs (Jean-François Kahn, par exemple).
- Ateliers d'écriture, de graphothérapie, de photojournalisme.
-Plein soleil, un spectacle visuel et sensoriel, sans paroles, à partir d’improvisations et
de jeux avec les matières au plateau.
-Les Particules, une exposition produite par les étudiants de l’Ecole Supérieure d’Art
de Lorraine. Les artistes ont mené une enquête de territoire, exploré des zones entre
centre-ville et périphéries et échangé avec les habitants afin de concevoir des formes
artistiques inspirées par l’histoire locale complexe.
- Séance du film Boomerang et table ronde sur des violences conjugales, sexistes et
sexuelles.
-Spectacles scientifiques, avec des shows autour de l'azote sous toutes ses formes, la
destruction et la transformation des métaux acier.
-Tournées du Médiabus, une action extra-muros déployant une camionnette qui
parcourt les quartiers rattachés à Thionville. Elle met à disposition des livres aux
personnes à mobilité réduite.
Ses enjeux sociaux
Suite à présentation d’Anne Guillou140 et du site Internet de la structure, qui a publié
en détail les dispositifs et l’offre événementielle, on peut déduire que les enjeux sociaux sont
présents dans l’action de Puzzle.
Enjeux
Justification
Lien social
L’espace décloisonné et le café permettent l'échange et la
socialisation entre les visiteurs.
Cohésion sociale
La directrice vise à développer une offre culturelle qui attirera les
les adultes habitants de Thionville, malgré le fait qu'ils viennent de
140 Annexe 1.
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parcours opposés et ont du mal à se sensibiliser et à se réunir
autour du même objet culturel.
Innovation sociale
Puzzle a adapté ses politiques, afin d’amener la lecture publique
au plus près de personnes à mobilité réduite.
Inclusion
Les jeunes élèves trouvent à Puzzle un abri bienveillant, pendant
les heures de pause à l'école, de pluie et d’attente de leur bus.
Partage de ressources
Puzzle propose la mutualisation des espaces de travail et des
studios numériques équipés des outils informatiques de dernière
technologie.
Accès aux biens
L'établissement lutte pour l'accès de tous à la vie culturelle, en
mettant à disposition des livres, des médias audiovisuels, des jeux
vidéo, des ateliers de formation et des événements artistiques.
Education populaire
La lecture publique, la participation aux spectacles, l'apprentissage
des pratiques numériques sont formateurs pour les visiteurs et
ainsi promeuvent l'éducation permanente.
Sens de citoyenneté
Les événements et les conférences organisés sur des sujets
sensibles (violences conjugales et sexistes, la vie complexe sur le
territoire thionvillois, etc.) remettent en cause la citoyenneté des
visiteurs et provoquent la réflexion et le dialogue.
Tableau 2. Enjeux sociaux de Puzzle. Souce : auteur
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3. Tiers-lieux installés aux quartiers prioritaires de la politique de la
ville (QPV)
Les quartiers populaires en France141 constituent des pôles de grande difficulté. On y
voit souvent des obstacles juridiques (absence de droit de vote pour les étrangers), des
obstacles politiques (faible représentation des minorités ethniques et des ouvriers aux
institutions), des obstacles matériels (manque de ressources financières) et des obstacles
d’ordre symbolique (auto-exclusion, sentiments d’incompétence ou d’illégitimité).
Malgré toutes ces difficultés, les habitants des quartiers d'habitat social ne doivent pas
être perçus comme dépourvus de qualités, mais comme porteurs d’expressions collectives et
d’exigences citoyennes, qu’il s’agit de développer, de révéler et de faire entendre. Ainsi, des
interventions d’action collective foisonnent souvent dans les milieux populaires. Un exemple
de mise à l'épreuve de ces interventions est le monde associatif, qui s’occupe d’une grande
gamme d’activités, telles que sportives, festives, de prévention et de soutien scolaire.
Ces structures sont constituées par les artisans de la participation, c’est-à-dire des
concepteurs et animateurs de dispositifs participatifs qui font en sorte que les plus éloignés de
la parole publique y prennent part. Ils partagent les valeurs de l’éducation populaire et de
l’innovation sociale, tout en inspirant le travail social au sein de la communauté. A travers
l’action collective, ils permettent aux individus de devenir sujets-acteurs de leur citoyenneté.
Dans ce processus, ils rejettent les modes institutionnels de traitement des obstacles en
co-produisant leurs politiques avec les citoyens eux-mêmes.
3.1. Bornybuzz
Bornybuzz est un tiers-lieu numérique, géré par l’association La Passerelle et labellisé
Fabrique de Territoire par le Ministère de Cohésion des Territoires en 2020. L'établissement
représenté par Gaelle Todeschini, la directrice, et Vincent Bernard, le coordinateur de
l’espace numérique, lors d’un entretien142 qui s'est déroulé en janvier 2022 dans le siège de
Bornybuzz.
142 Annexe 1.
141 Carrel Marion, Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires,
ENS Editions, Lyon, 2013, pp. 13-177.
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L’association La Passerelle est active depuis 1997, où ses bénévoles, installés à la
Médiathèque de Borny, luttaient contre la fracture numérique en donnant les premiers cours
d'informatique sur Borny. Suite à la volonté de la médiathèque de créer ses propres dispositifs
d'accompagnement numérique, l’association a déménagé dans des locaux du bailleur social
sur le même quartier. En 2012, La Passerelle a aussi développé un autre volet, celui du média
de proximité Bornybuzz, afin de mettre en valeur les initiatives et l’agenda culturel-associatif
des cinq quartiers prioritaires de la politique de la ville de Metz.
En 2019, Bornybuzz a répondu à un appel à manifestation d'intérêt de l’Etat, dans le
but de mettre en place un tiers-lieu numérique pour éduquer et acculturer les habitants aux
nouvelles technologies, à l’information et aux médias. Le tiers-lieu est inauguré en 2020 et
propose désormais de l'éducation numérique aux parents (pour qu’ils puissent ensuite
accompagner leurs enfants), de la médiation numérique aux publics allophones
primo-arrivants en France et de l’inclusion numérique aux demandeurs d’asile (en partenariat
avec l’association Unis-Cité). Le tiers-lieu dispose aussi d’une partie fablab, où les jeunes
participants se sensibilisent à la fabrication et à la robotique, à travers des outils (imprimante
3D, sérigraphie) et la programmation de robots. Bornybuzz offre également un
accompagnement aux jeux vidéo et aux événements E-sport.
Le tiers-lieu est ouvert aux projets participatifs en lien avec d’autres structures du
quartier. En partenariat avec le centre social Cassis, les mamans du quartier se rendent au
tiers-lieu, où elles fabriquent leur propre campagne contre le harcèlement et les violences
conjugales, avec la marchandise de produits dérivés, tels que des Tote bags, des jeux de carte
et des T-shirts. A l’occasion de cette campagne, elles acquièrent de multiples capacités, telles
que le graphisme des visuels et le marketing sur le web. Une fois labellisé comme Fabrique
de Territoire, Bornybuzz a l’opportunité d’accompagner d’autres projets créatifs, en tant que
structure référente. En ce moment, il guide un collectif de jeunes développeurs de jeux vidéo
éducatifs à la montée de leur propre entreprise.
Depuis quelques années, à l’occasion de l’installation du tiers-lieu, l’association La
Passerelle a adapté son mode de gouvernance, en passant d’un conseil d’administration à un
conseil collégial. Dans le conseil collégial, les participants-bénévoles travaillent ensemble
dans des comités de travail, discutent et prennent toutes les décisions mutuellement. Avec
cette stratégie, la structure a voulu donner des responsabilités égales à tous ces bénévoles,
nourrir leurs compétences et leurs envies. Cependant, Gaëlle Todeschini constate que les
bénévoles n’ont pas l’habitude d'être acteurs à l'évolution d’un projet dans le monde
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associatif. N'étant généralement pas demandés de leur avis, à Bornybuzz ils se trouvent
interpellés et peu imaginatifs à la prise de parole.
Toutefois, le vrai challenge pour la structure est son positionnement financier. Gaëlle
Todeschini trouve que l'État force les tiers-lieux à améliorer leur modèle économique, pour
être moins dépendants des subventions publiques. A la fois, la collectivité territoriale invite
paradoxalement les lieux à participer aux appels à projet pour être encore plus subventionnés.
Selon Vincent Bernard, l’hybridation d’activités au sein d’un tiers-lieu permet à la fois la
création des valeurs et de la richesse. La richesse monétaire est plutôt le volet des tiers-lieux
marchands (ceux qui chargent l’utilisation des machines de fabrication, par exemple), mais
Bornybuzz choisit de se focaliser sur la richesse humaine, en déployant sa connaissance du
territoire et de ses besoins, afin de créer des initiatives et des opportunités. Les projets se
déroulent sur les valeurs de l’horizontalité et des créatifs commons (creative commons). En
même temps, Gaëlle Todeschini explique que Bornybuzz peut vendre un certain nombre de
prestations, mais cela n’est pas le cœur de sa mission. La mission est dédiée à l'intérêt général
et à éduquer les habitants du quartier populaire à la culture numérique.
En même temps, les deux collègues critiquent aussi les exigences bureaucratiques des
acteurs publics. Vincent Bernard trouve que le tiers-lieu n’est pas un lieu absolument ouvert
et libre, car le bénéficiaire qui se rend doit s’inscrire avec son nom, ses détails, son adresse et
indiquer sa difficulté sociale (chômeur, par exemple). Gaëlle Todeschini confirme qu’elle a
reçu des plaintes par la Préfecture en raison de ne pas avoir suivi le protocole des
questionnaires et de ne pas avoir fourni ces données. Elle trouve que le plus important ne sont
pas les analyses et les statistiques. Quand par exemple, les rapports institutionnels posent la
question sur l'étude de genres au sein du tiers-lieu, Gaelle ne s'intéresse pas à la sexualité des
visiteurs, mais seulement au fait qu’ils se rejoignent pour créer quelque chose ensemble.
Concernant les bénéficiaires, le travail d’attirer du public à Borny est long et pas
évident, parce que les multiples cultures et origines du quartier créent parfois des a priori et
des barrières entre les gens. Pour Bornybuzz, ce qui compte est surtout d'impliquer les
enfants, en jugeant que le numérique affecte tous les métiers du futur, ce qui prépare les
jeunes à la professionnalisation. Grâce au tiers-lieu, les enfants font des découvertes et
ouvrent leurs horizons. Ils viennent pour jouer à FIFA sur la Playstation et finissent par aimer
les jeux retrogaming. Concernant l’espace fablab, d’abord ils ne comprennent pas que ce
n’est pas juste un lieu pour commander l’impression de leurs figurines préférées et après
repartir jouer chez eux. Par la réjection de la demande et la frustration, ils apprennent que le
fablab est pour apprendre à fabriquer soi-même. Petit à petit, la cohésion sociale s'achève.
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Les gens au tiers-lieu se rendent compte que ceux qui ne les ressemblent pas sont aussi
sympathiques. Ils peuvent discuter ensemble sans laisser la religion et la question du genre
devenir un sujet de crispation.
Les deux collègues portent aussi des réflexions sur l'évolution du projet. Ils avouent
que la crise sanitaire n’a pas beaucoup permis aux habitants de visiter Bornybuzz depuis son
inauguration. Heureusement, l'échange dans le réseau des tiers-lieux du Grand Est a soulagé
Gaëlle et Vincent, qui ont compris que le projet ne marche pas assez vite pour plein d’autres
structures aussi. Ce qui pourrait aider, c’est le marketing. Si les gens entendaient souvent
parler des tiers-lieux, ils seraient encore plus tentés de les visiter, comme c'était autrefois le
cas avec les MJC. En même temps, l'évolution dépendra aussi beaucoup de la politique
nationale. Gaelle et Vincent espèrent que l’Etat ne va pas abolir les tiers-lieux pour soutenir
un autre projet, car cela serait une grande perte d'énergie pour rien. Gaëlle commente, que le
noyau de chaque structure reste toujours pareil, malgré le fait que l'Etat donne de nouvelles
étiquettes à leurs projets. Dans tous les cas, le devoir de l’association est de rester fidèle aux
besoins du territoire et aux bénévoles, en cherchant des financements relatifs à la défense de
ses projets. Sinon, l’inverse voudrait dire que l'association risque de devenir fonctionnaire.
Ses dispositifs
Les dispositifs de Bornybuzz touchent à l'éducation au numérique et aux médias. Son
espace numérique propose une salle équipée d’ordinateurs, où se déroule l’accompagnement
numérique ou le travail scolaire. On y trouve également un grand écran pour la pratique des
jeux vidéo. La partie fablab met à disposition des machines de sérigraphie et de l’imprimante
3D. Enfin, à la salle de détente on trouve des robots, que les enfants peuvent apprendre à
programmer.
L’espace vidéo offre l'accès sur Internet à très haut débit. Une grande salle accueille
des participants pour le déroulement des projets collectifs, comme des ateliers sur la pratique
de la radio. Enfin, un studio vert équipé du matériel audiovisuel permet la pratique de la
captation de vidéos et du montage.
Sa programmation
Bornybuzz Numérique propose des ateliers143 hebdomadaires :
143 Bornybuzz La Passerelle, Presque Programme 2021/2022, flyer de programmation, 2022.
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-We love robots, pour l’initiation des jeunes publics à la programmation et à la
construction robotique.
-FabLab, pour apprendre aux jeunes publics à créer et à fabriquer avec l’aide de
machines de robotique, de sérigraphie et d’impression 3D.
-Games Studies, pour faire découvrir aux adolescents les jeux vidéo.
-E-sport, pour faire découvrir aux adolescents les jeux vidéo compétitifs dans des
simulations d'évènements.
- Inclusion numérique, pour guider les adultes au littérisme informatique.
Bornybuzz Vidéo propose des actions ponctuelles144.Tape-toi l’incrust’ est un atelier
hebdomadaire pour faire découvrir aux jeunes publics les techniques du fond vert, tandis que
Micro Ouvert, est des séances d’enregistrements sonores occasionnels. Les intéressés
prennent la parole sur le canal radio de Bornybuzz pour partager des chroniques ou traiter des
sujets qui les préoccupent. En plus, le studio est toujours ouvert à la réalisation des stages
audiovisuels (à l’occasion de vacances scolaires, par exemple), des ateliers de montage et de
journalisme pour ceux qui souhaitent créer un projet.
Ses enjeux sociaux
Suite à la présentation de Gaëlle Todeschini et Vincent Bernard145 on peut déduire que
les enjeux sociaux sont présents dans l’action de Bornybuzz.
Enjeux
Justification
Lien social
Le tiers-lieu propose des ateliers et des actions (séances
numériques, de fabrication, de robotique) qui promeuvent le faire
ensemble, et par conséquent, l'échange et la sociabilisation.
Cohésion sociale
Malgré l’implantation dans un quartier varié en termes de cultures,
de langues et d’origines, Bornybuzz réussit à rassembler des
publics hétérogènes qui coopèrent aux activités sans permettre aux
préjugés et aux a priori de devenir raisons de crispation.
145 Annexe 1.
144 Bornybuzz La Passerelle, Presque Programme 2021/2022, flyer de programmation, 2022.
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Innovation sociale
Bornybuzz essaie de remplir les besoins et les manques du
territoire, qui est à ce cas-là, l'illettrisme numérique. En formant
des jeunes à ses outils, il les prépare à l'insertion professionnelle,
car le numérique sera présent dans tous les métiers du futur.
Inclusion
Bornybuzz essaye d’offrir un espace libre et ouvert, sans forcer les
arrivants à remplir des questionnaires institutionnels qui leur
posent des questions personnelles. Par cet acte, Bornybuzz montre
sa pure volonté d'accueillir des visiteurs naturellement, sans
vouloir les instrumentaliser à des finalités administratives.
Partage de ressources
La structure met en place de nombreux outils (informatiques, de
fabrication, de robotique et de media), en promouvant la
mutualisation et l’apprentissage par les pairs.
Accès aux biens
L'établissement donne accès à l’apprentissage, la formation et
l’animation créative des cultures numériques émergentes.
Education populaire
La découverte de pratiques et outils (jeux vidéo retrogaming, etc.)
ouvre l’esprit des jeunes participants, qui apprennent de nouvelles
choses formatrices hors du cadre scolaire. Les adultes, malgré leur
âge, bénéficient d’un accompagnement personnel aux ordinateurs
en acquérant des capacités indispensables à l'ère du numérique.
Sens de citoyenneté
Les mamans du quartier s’engagent à la fabrication de leur propre
campagne et merchandise contre le harcèlement et les violences
conjugales, ce qui leur transmet des valeurs démocratiques sur
l'égalité de genres. A leur tour, les mamans partagent la campagne
à leurs familles et entourage, en influençant leur mentalité sur cet
aspect.
Tableau 3. Enjeux sociaux de Bornybuzz. Source : auteur
3.2. La Dragonne
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La Dragonne est un tiers-lieu éducatif, inauguré en 2021 sur le quartier Metz-Nord
Patrotte, qui accompagne les jeunes élèves en difficulté sociale à la scolarité, en leur
proposant, à la fois, du soutien scolaire et des activités culturelles. Le tiers-lieu est mis en
place par l’association national Afev (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville),
pôle Metz, et est représenté par Camille Erbstein146, chargée de développement local, lors
d’un entretien déroulé en janvier 2021 en visio.
Camille Erbstein informe que l’Afev est une association qui lutte contre les inégalités,
crée du lien solidaire et développe différents projets, comme des tiers-lieux éducatifs, sur
différents territoires. Créée dans les années 1990, l’Afev a deux missions principales. Dans
un premier temps, de faire le lien entre étudiants bénévoles et jeunes élèves des quartiers
prioritaires dans une démarche de mentorat, où les premiers offrent du soutien scolaire et des
visites culturelles aux deuxièmes qui viennent des parcours sociaux compliqués (immigrés,
réfugiés, démunis, neo-apprentis de la langue française, etc.). Dans un deuxième temps,
l’Afev offre des logements étudiants pas chers dans des bâtiments du bailleur social sur des
quartiers prioritaires (projet Kaps = colocations solidaires), à condition que les étudiants
s’engagent quelques heures par semaine à l’animation des habitants et la valorisation du
quartier.
L’accompagnement et la réussite scolaires sont des sujets assez traités et critiqués en
France. Selon Hélène Mathieu, quatre facteurs affectent la réussite scolaire147 : le personnel
(personnalité, psychologie, etc. de l'élève), le familial (origine socioculturelle, valeurs,
appartenance religieuse, etc.), le socio-ethnique (modes et normes de vie sociales et
culturelles) et l'institutionnel (intégration au cadre scolaire). Par exemple, un enfant issu
d’une famille pas très grande, dont les parents vivent dans une situation stable et investissent
du temps et de l’argent pour son eveil et education, a plus de chance de réussir à l'école,
qu’un enfant issu d’une famille nombreuse, dont les parents sont chômeurs et ne maîtrisent
pas la langue de l'école.
Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron148 trouvent que les étudiants issus de familles
favorisées, les "héritiers", ont un privilège culturel, car leur famille et leur entourage leur
donne accès à la “culture savante”, c’est-à-dire intellectuelle. Le privilège culturel devient
ainsi éducatif, puisque l'école valorise les œuvres et la langue de la culture savante. Les
non-héritiers, voir les enfants des paysans, ouvriers, employés ou de petits commerçants, sont
148 Jourdain Anne et Naulin Sidonie, Héritage et transmission dans la sociologie de Pierre Bourdieu, Idées
économiques et sociales, N° 166, 2011, pp. 6-14.
147 Mathieu Hélène, La réussite scolaire, Pocket, 2007, pp. 36-37.
146 Annexe 1.
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éloignés de cette culture élitiste valorisée par l’école. Pour eux, l’acquisition de la culture
scolaire est une démarche d’acculturation, où il faut qu’ils se distancient de leur culture
d’origine pour mieux s’adapter aux normes de l’école. Bourdieu répond que l'école149 est
l'institution qui peut réduire les inégalités du capital social et culturel, en fournissant à tous
les bases de la connaissance à la récompense des désavantages liés au milieu familial.
Cependant, elle limite ses politiques à imposer que des tâches et des disciplines scolaires,
quand elle aurait pu promouvoir plus la participation à la culture.
La Dragonne vient pour répondre à toutes ses problématiques-là. L’Afev Metz a été
d’abord installé dans un siège sur la rue de Taison (centre ville de Metz), mis à disposition
par la Mairie. Dans ce siège, l’association regroupait les binômes des étudiants
bénévoles-élèves et coordonnait l'équipe des étudiants en colocation solidaire qui se logent
sur le quartier prioritaire de la Patrotte. Une fois que le nouveau centre social-médiathèque
L’Agora a été inauguré à la Patrotte, les anciens locaux étaient libérés. La mairie de Metz a
donc proposé à l’Afev d’y emménager. Le lieu était idéal, au cœur du quartier démuni, à
proximité de l'école et des élèves que l’Afev accompagnait déjà avec le mentorat en binômes.
En réfléchissant, les responsables de la structure ont décidé qu' avec cet espace
surdimensionné pour eux, de 200m2, ils pouvaient amener leur action plus loin. C’est comme
ça, que l'idée d’un tiers-lieu éducatif est née.
La Dragonne est nommée Fabrique de Territoire en 2020. Elle bénéficie aussi des
subventions du dispositif Tiers-Lieux Grand Est et a cinq autres partenaires associatifs et
institutionnels. La structure a candidaté aux aides financières, pour pouvoir meubler le
tiers-lieu, faire en sorte que l’espace soit adapté et qualitatif pour les habitants, et embaucher
une personne facilitatrice, qui donnerait sens et vie au lieu.
Concernant le territoire, la Patrotte est un quartier prioritaire de la politique de la ville,
séparé par l’autoroute et la Moselle du centre ville de Metz. L’ouverture du centre
social-médiathèque L’Agora à apporté la rénovation et valorisation du quartier. On y trouve
des grandes barres d’immeubles, où des populations multiculturelles résident.
Malheureusement, des incidents d’incivilité y sont présents, avec notamment du trafic de
drogue. Cependant, l’ambiance à la Patrotte est vivante et les parents font confiance à leurs
enfants, en les laissant sortir tout seuls pour aller faire des activités, jouer et joindre le
tiers-lieu. Camille Erbstein a constaté que les femmes ne sont pas très représentées dans la vie
du quartier, puisqu' elles sortent surtout à l’entrée et la sortie de l’école. C’est les mêmes
149 Lambrecht Maxime, Enjeux éthiques de la participation à la vie culturelle, Les Cahiers de Culture &
Démocratie, N° 5, 2013, pp. 20-27.
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femmes qui parfois hésitent à rester au tiers-lieu, car elles ne se sentent pas appartenir, malgré
les invitations des facilitateurs. En même temps, les familles à la Patrotte sont issues
d'inégalités, de chômage et de manque à l’accompagnement scolaire et l’ouverture culturelle.
Les habitants se sentent parfois illégitimes de visiter des endroits culturels, comme L’Agora
et le centre Pompidou. Dernièrement, la représentation de la vie associative est très faible, en
comparaison avec le quartier de Borny. C’est pour toutes ces raisons que Camille juge que
l’implantation à ce territoire peut apporter nombreux solutions à ces enjeux.
Suite à son inauguration, dans le courant de l’année scolaire 2021-2022, La Dragonne
a proposé des animations pour s’introduire aux habitants. Les actions ont été parfois
extra-muros, en comprenant un partenariat avec L’Agora pour la réalisation des séances de
lecture publique en bas d’immeubles du bailleur social et un événement Green Day avec des
animations sur le quartier pour la sensibilisation à l'écologie et le tri des déchets. Parmi les
actions intra-muros, on trouve des séances Café des Langues, où les participants prennent
leur café et échangent en pratiquant des langues étrangères, issues du parcours des bénévoles
et des habitants d'origine mixte qui s’y rendent. Pour promouvoir sa vocation culturelle, la
structure a aussi réalisé des partenariats avec des artistes. En décembre, elle a organisé une
sortie au théâtre à Maizières-lès-Metz pour les enfants et leurs mentors-bénévoles. Ensuite,
avec la troupe du spectacle, ils ont proposé un cycle d’ateliers théâtrales pédagogiques
déroulés dans le tiers-lieu. La médiation des ateliers a été spécialement dessinée pour le
public atypique des enfants de la Patrotte, qui viennent et qui partent durant les séances sans
forcément avoir la discipline de suivre tout un cycle évolutif.
Camille Erbstein explique que l'accès à la culture est inscrit dans les valeurs de base
de l’Afev. La structure, spécialiste du terrain populaire, est celle que les acteurs culturels
sollicite comme médiatrice pour pouvoir attirer des publics sensibles qui hésitent d’assister
tout seuls. Pour l’association, l’ambition à cette démarche est que l’animation culturelle
apportera une évolution positive à la scolarité de jeunes et leur futur professionnel. En outre,
La Dragonne est un lieu qui s’engage à l’innovation sociale. Elle accompagne des enfants à la
scolarité pour qu’ils n'aient pas de limites concernant leur avenir. Camille trouve que
l’université n’est pas un objectif désirable à tous, mais elle doit tout à fait être accessible à
tous ceux qui la désirent. Le mentorat avec des étudiants-bénévoles vise à inspirer et
encourager les élèves, qui voudront peut-être aussi un jour faire des études supérieures, ou
poursuivre le métier qui leur plaît, en se souvenant de leur mentor. La Dragonne offre aussi
des ateliers à l'écriture de CVs et de lettres de motivation pour aider les jeunes diplômés et les
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parents à trouver du travail. Dans le cœur de tout ça, se trouve une volonté pour la rencontre
et l'échange, qui permet le lien entre besoins et solutions.
Le lieu a un impact direct sur les habitants de la Patrotte, puisque les actions sont
principalement destinées à leur accompagnement et animation. Au sein du tiers-lieu, le
groupe de participants obtient une dynamique mixte, avec l’arrivée des étudiants, qui
viennent de tous les coins de la ville sur la Patrotte pour proposer des projets créatifs et
s’investir. Ainsi, Camille trouve que le tiers-lieu affecte petit à petit des parcours de vie
individuels. Elle a partagé une anecdote, où une maman du quartier s’est investie comme
bénévole et a reçu pour cela un badge honoraire. Très épanouie de cette surprise, elle a
montré le badge de bénévole à son enfant en toute fierté, en s'exclamant “Regarde ! Je suis
bénévole, je suis investie !”. Selon Camille, cet enfant aura plus de facilité dans sa vie adulte
à s'investir pour les autres. Potentiellement, ce petit moment pourra affecter positivement
toute la famille dans le long terme.
Pour Camille, l’avenir des tiers-lieux en France n’est pas clairement prévisible.
L’impact social du mentorat scolaire est déjà remarqué et analysé depuis son début, dans les
années 1990. Mais le nouveau mouvement d'éducation populaire, le tiers-lieu, est encore très
frais. La contrainte que La Dragonne a confronté, jusqu'à présent, est politique. Le tiers-lieu
est obligé de désigner des actions inédites, parce que sinon, ses financeurs institutionnels vont
arrêter de croire à son utilité dans le territoire. Sous cette pression institutionnelle, les
responsables du tiers-lieu doivent faire toujours attention de ne pas faire les mêmes actions
que L’Agora.
Ses dispositifs
La Dragonne est composée par une grande salle conviviale, une salle de réunions,
deux bureaux privés, et une cour extérieure.
La grande salle est celle qui accueille la plupart d’événements. Elle est aménagée avec
des tables et chaises, des bureaux (pour déposer son ordinateur), des bibliothèques et des
canapés. Dans cet espace, la Dragonne accueille les binômes des étudiants-élèves, où ils
réalisent le mentorat scolaire, font des créations ludiques (peinture, bricolage, etc.), jouent
aux jeux de société, et consultent les romans et les livres éducatifs des bibliothèques. Les
étudiants se rendent aussi individuellement pour travailler sur leurs devoirs, ou animer des
activités pour les habitants. Enfin, la salle accueille aussi des grandes rencontres, des
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conférences et des animations culturelles avec la présence des habitants, des étudiants, et des
structures partenaires.
La salle de réunions est composée avec des tables, des chaises et du matériel stocké
(de peinture, de bricolage, jeux de société, etc.). Dans cet espace, les coordinateurs et les
bénévoles en service civique au sein de l’association se réunissent pour désigner des actions
et des projets. L’espace accueille aussi des artistes et des professionnels qui donnent des
ateliers créatifs aux enfants et aux habitants.
Les bureaux sont destinés aux responsables de la Dragonne pour la réalisation du
travail administratif et bureaucratique, l’accompagnement personnel (avec des étudiants
engagés, des habitants, etc.) et les rendez-vous professionnels (avec des partenaires, des
délégués de la ville, etc.).
Enfin, la cour est surtout déployée durant la saison estivale, où se déroulent des
rassemblements conviviaux avec les habitants du quartier, les bénévoles, et les partenaires
(barbecues, repas multiculturels, fêtes, animations, etc.).
Sa programmation
Voici une liste indicative des événements150 que la Dragonne a proposé pendant la
saison du printemps 2022 :
-Soirée interculturelle, une découverte culinaire et culturelle, où les visiteurs ont été
invités à venir avec un plat représentant leur pays.
-Atelier Radio, en partenariat avec Radio Campus Lorraine, où les jeunes participants
ont pu pratiquer la technique de la radio.
-Animation Musique pour les Enfants, donnée par la compagnie Théâtre Dest.
-Café francais et café anglais, des séances hebdomadaires où les visiteurs adultes ont
l’occasion d’apprendre des langues de manière informelle et ludique.
-Journée Portes Ouvertes, où la Dragonne a proposé des ateliers et des jeux variés.
- Intervention de la FRAC Lorraine, un atelier où les enfants ont appris sur les
frontières du monde en échangeant par l’oral et en dessinant.
- Séance du film documentaire La philosophie des courgettes, réalisé par Marine
Lemoine.
150 Facebook, La Dragonne Metz, Accès le 17 août 2022, https://www.facebook.com/ladragonnemetz/.
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- Animation Égalité des Sexes, en collaboration avec l’ Aaesemo, qui a eu pour but de
sensibiliser les jeunes et adolescents sur l'égalité Homme/Femme.
-Pose ton canap’, un forum en collaboration avec La Boussole des jeunes, où les
jeunes visiteurs ont pu présenter un projet ou une idée et être accompagnés.
-Crée ton œuvre d’art, activité de peinture proposée par la bénévole Nyn.
Ses enjeux sociaux
Suite à la présentation de Camille Erbstein151 et les éléments événementiels tirés par la
communication publique de la structure, on peut déduire que les enjeux sociaux sont présents
dans l’action de la Dragonne.
Enjeux
Justification
Lien social
Le tiers-lieu propose des espaces ouverts à la rencontre et le faire
ensemble. Dans la grande salle, les binômes des étudiants-enfants
scolarisés créent du lien à travers la démarche du mentorat
scolaire-culturel hebdomadaire. En même temps, les habitants
adultes qui se rendent au lieu croisent les étudiants bénévoles.
Cohésion sociale
Le tiers-lieu est implanté dans un quartier composé des publics
hétérogènes en termes de cultures, de langues et d’origines. La
Dragonne les rassemble, en les mettant en lien avec des étudiants
de la ville de Metz, des bénévoles et des partenaires associatifs.
Innovation sociale
La Dragonne répond aux insuffisances institutionnels concernant
l’accompagnement scolaire et l'accès à la culture des enfants issus
des quartiers défavorisés. Lors de ses actions, elle essaye d’assurer
la professionnalisation des jeunes accompagnés et de leurs parents
chômeurs.
Inclusion
Les femmes, qui sont souvent sous-représentées à la Patrotte, sont
invitées à un lieu qui leur appartient. Le lieu ne pose pas des frais
151 Annexe 1.
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d'inscription pour ses services, en accueillant des visiteurs peu
importe leurs limites linguistiques, financières, sociales et
culturelles, dans le but de les animer et dynamiser leur parcours de
vie.
Partage de ressources
La Dragonne met en place des espaces pour le jeu, la lecture, le
travail, la création artistique et l’accompagnement. Des livres, des
jeux de société et des materiels de creation sont partagés
librement.
Accès aux biens
La vocation de la Dragonne est de donner accès à la favorisation
scolaire et culturelle sans distinction et inégalité.
Education populaire
Les enfants se rendent au tiers-lieu après l'école pour participer
aux actions enrichissantes en termes de connaissance, jouer,
bricoler et lire. Les habitantes adultes font aussi la découverte de
nouvelles activités. Le temps qu’ils y passent, les anime et leur
offre de nouvelles expériences épanouissantes dans un cadre
d’apprentissage libre, ludique, informel et flexible.
Sens de citoyenneté
La Dragonne est pour les habitants un forum, où ils peuvent jouer
un rôle dans la vie du quartier. Le lieu organise des séances de
rencontre entre les habitants et les partenaires institutionnels et
associatifs, dans le but de co-désigner les nouvelles politiques à la
favorisation du quartier.
Tableau 4. Enjeux sociaux de La Dragonne. Source : auteur
Mémoire de recherche
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4. L'étude sociologique du grand public
L'enquête quantitative qui suit fait l'étude du grand public habitant en France, dans un
but de découvrir s’ils connaissent et participent aux tiers-lieux. D’abord, l'étude crée le profil
des participants du sondage et leurs habitudes en termes de consommation des services. Dans
un deuxième temps, les participants notent leur expérience personnelle par rapport à un
tiers-lieu de leur choix. Ainsi, les enjeux sociaux se mettent en évidence, en mesurant
l’impact que l'expérience a effectué sur eux. L'enquête s’est déroulée à travers un sondage152
du site Google Forms153, qui s’est distribué dans la période de juin 2022 sur les réseaux
sociaux. La participation a atteint 46 personnes au total. La réponse à chaque question n'étant
pas obligatoire, certains participants ont choisi de répondre à certaines questions et non pas à
toutes.
1) La question du genre a reçu 46 reponses. La majorité qui a répondu a été féminine.
Homme
Femme
Ne souhaitent pas le
préciser.
30,4%
65,2%
4,3%
Tableau 5. Le sexe des participants. Source : auteur
2) La question de l'âge a reçu 46 réponses. Les catégories d'âge représentent les
élèves, les étudiants et néo-diplômés, les salariés et jeunes parents, les salariés plus âgés et les
retraités. Malheureusement, il n’y a pas de réponses de la part des élèves, alors que nombreux
tiers-lieux destinent leur action à cette cible. Un effort a été réalisé afin de prendre contact
avec les responsables de Bornybuzz et La Dragonne, pour qu’ils diffusent le sondage à leurs
jeunes visiteurs. De leur côté, cette diffusion n’a pas abouti, probablement à cause des
fermetures administratives d'été.
-17
18-25
26-45
46-60
61+
0%
43,5%
50%
4,3%
2,2%
153 Google Forms, L' émergence des tiers-lieux et leur impact sur les visiteurs, 2022,
https://forms.gle/V2p7H3vtVnDxZQbz5.
152 Annexe 2.
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Tableau 6. L'âge des participants. Source : auteur
3) Concernant le niveau d'études des participants, la grande majorité dispose d’un
BAC+5 (50%). En deuxième place viennent les diplômés de BAC+3/4 (28,3%) et en
troisième place viennent les bacheliers (8,7%).
Figure 1. Le niveau d'études. Source : auteur
4) Les participants sont principalement salariés (37%), étudiants (26,1%), stagiaires
(15,2%) et en recherche d’emploi (8,7%).
Figure 2. La situation actuelle. Source : auteur
5) Les participants ont été questionnés sur le fait d’avoir une pratique culturelle
régulière ou non. La grande majorité (80%) a répondu “oui”, 13% a répondu “peut-être” et
6,3% a répondu “non”.
Mémoire de recherche
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6) Concernant le type de leur pratique culturelle, le choix a été ouvert et multiple. Les
45 réponses ont démontré comme pratiques préférées le cinéma, la lecture, les concerts, les
musées et les expositions. Le théâtre, les tiers-lieux et les médiathèques ont connu une
préférence moyenne, alors que l'opéra, la danse, le jeu vidéo et les festivals sont placés le plus
bas.
Figure 3. Les types de pratiques culturelles préférées. Source : auteur
Un texte a été inséré pour expliquer aux participants les définitions d’un tiers-lieu.
Dans le texte, le suivant a été noté : 1. lieu de sociabilité qui n'est ni le domicile, ni le lieu de
travail, 2. un lieu où l’on prend plaisir à se rassembler, où l’on tient des conversations, où l’on
échange, 3. un espace ouvert où des individus peuvent se réunir pour travailler, s’approprier
des savoirs et des compétences, pour se rencontrer ou simplement échanger de façon
informelle, 4. des espaces physiques pour faire ensemble : coworking, campus connecté,
atelier partagé, fablab, garage solidaire, social place, makerspace, friche culturelle, maison de
services au public, etc..
7) A partir des définitions, les participants ont été demandés de réfléchir s’ils avaient
déjà visité un tiers-lieu qui correspond à ces caractéristiques. La grande majorité (93,9%) a
répondu “oui”, et 8,7% a répondu “non”. Les 4 personnes qui ont répondu “non” se sont
invitées à quitter le sondage.
8) La fréquence de visite aux tiers-lieux a été décevante, avec la plupart se rendant
rarement.
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Constamment
Souvent
Rarement
Très rarement
14,3%
33,3%
45,2%
7,1%
Tableau 7. La fréquence de visites aux tiers-lieux. Source : auteur
9) Le rôle sous lequel les personnes assistent au tiers-lieu est le plus souvent celui du
visiteur. Une autre grande partie comprend les participants (ceux qui assistent plus
régulièrement aux actions, aux ateliers, etc.) et les bénévoles engagés. Les professionnels, les
partenaires et les fondateurs ont été moins représentés. Une personne a noté d'être étudiante
en formation d’alternance au sein d’un tiers-lieu.
Figure 4. Les rôles d’assister au tiers-lieu. Source : auteur
10) La question sur le type de tiers-lieu que les participants ont déjà visité a reçu 42
réponses et elle a été au choix multiple. Selon eux, les lieux les plus visités sont à caractère
culturel et solidaire.
Culturel
Numérique
Fablab
Écologique
Co-working
Solidaire
Educatif
78%
16%
21%
19%
23%
64%
30%
Tableau 8. Les types de tiers-lieux les plus visités. Source : auteur
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11) L’occasion de visiter un tiers-lieu a été un événement culturel (78%), un loisir
(59,5%), un atelier (38,1%), le travail (38,1%), une activité participative (26,2%), une
rencontre professionnelle (23,8%) et autre (4,8%).
12) Les événements culturels assistés le plus souvent au sein d’un tiers-lieu sont une
exposition, un spectacle, un concert et des animations. Ensuite, ils suivent les projections
cinématographiques, les DJ sets et les marchés artisanaux.
Figure 5. Types d'événements culturels assistés. Source : auteur
13) Au sein des tiers-lieux, l'économie est aussi promue et le marché se génère. La
plupart des participants (61,9%) a noté avoir dépensé de l’argent pour les services des
tiers-lieux, alors que 38,1% ont noté que non.
14) Au contraire, peu sont les personnes de cette recherche qui ont un engagement
rémunéré aux tiers-lieux (ça peut correspondre aux professionnels, bénévoles en service
civique, stagiaires, prestataires). 81% ont noté n'avoir jamais été rémunérés pour leurs
services à un tiers-lieu, et 19% ont noté avoir été rémunérés.
Après les questions générales qui ont exploré la relation du grand public avec le projet
de tiers-lieux, une deuxième partie a été introduite au sondage. Elle a concerné l'expérience
personnelle des participants à un tiers-lieu de leur choix. Le but de cette partie a été de
découvrir l’impact et les enjeux sociaux que les tiers-lieux ont marqué sur eux, en évoquant la
question du lien social, de l’inclusivité, de l'épanouissement et de la citoyenneté. La plupart
des questions sont affichées sous forme d’affirmations, où les participants ont dû déclarer leur
niveau d’accord ou de désaccord.
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1) Les participants ont dû noter un tiers-lieu qui les a marqués, ainsi que la ville qui l’
accueille. La question a été ouverte et elle a reçu 34 réponses.
Réponse
Nombre de fois évoquée
Commentaires
La Dragonne, Patrotte Metz
3
Tiers-lieu
Spectacles à Angers
1
Séances artistiques
Athènes technopolis
1
Lieu culturel et foire événementiel en
Grèce
« La bouilloire » de
MARCKOLSHEIM
1
Centre culturel
Bliiida à Metz
6
Tiers-lieu
Saint-Denis
1
Nom de ville
Lyon
1
Nom de ville
Musée d'histoire, à Vannes
1
Musée
Festival de Dour en belgique
1
Festival musical en Belgique
Un hôtel à La Bresse
1
Hôtel
Le café du garage, Olivet, 53410
1
Bar associatif
Cinéma Les Cinéastes (Le Mans)
1
Cinéma
Centre Pompidou
1
Centre d’expositions
Salle Pleyel - Paris
1
Salle de musique et spectacle
Maison des associations - Rennes
1
Maison des associations
Berlin
1
Nom de ville en Allemagne
Les grands voisins, Paris
1
Friche, fabrique de biens communs
Bâtiments « Ciel », « Ève » sur le
campus de Le Mans Université
1
Maison des Langues et salle de
spectacle universitaires
Puzzle de Thionville
1
Bibliothèque-Médiathèque et centre
culturel
Les frigos, Metz
1
Friche, lieu culturel
Café des langues, Le Mans
1
Séances événementielles
Jardin partagé à Nancy au parc
Blondot
1
Composteur partagé
Metz
1
Nom de ville
La BAF à Grenoble
1
Centre social
Centre social, Saint Martin d'hères
1
Centre communal d'action sociale
Bordeaux / éco système Darwin
1
Tiers-lieu
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54 dérivation, Liège
1
Tiers-lieu en Belgique
Tableau 9. Les lieux que les participants ont choisis. Source : auteur
Le questionnaire a été distribué au public résidant en France, dans l’attente qu’ils
soient familiarisés avec le projet émergent de tiers-lieu qui devient populaire dans ce pays.
Cependant, la plupart des participants a fait référence aux lieux culturels, sociables, inclusifs
et ouverts et aux noms de villes (sans préciser un lieu, parfois à l’etranger), et pas aux
tiers-lieux officiellement nommés. Cela peut signifier les choses suivantes :
- Les définitions données auparavant n'ont pas été claires.
- Un tiers-lieu n’est pas forcément un établissement labellisé qui se présente avec
l'étiquette du tiers-lieu, mais un lieu qui inspire la sociabilité et le faire ensemble
(logique de Oldenburg).
- Les participants connaissent des tiers-lieux officiels, mais d’autres lieux culturels les
ont encore plus marqués, étant encore plus méritants d'être référencés.
- Les tiers-lieux, développés depuis peu, n’ont pas encore créé une reconnaissance
solide avec une grande ouverture et un public régulier (contexte récent, pandémie).
- Les participants se souviennent de la ville, où ils ont visité un lieu marquant, mais pas
le nom du lieu.
2) Les participants ont principalement connu le tiers-lieu de leur choix par bouche à
oreille. Les facteurs de visibilité aussi importants sont les réseaux sociaux, la découverte par
hasard et les médias.
Figure 6. Connaissance du tiers-lieu. Source : auteur
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3) D’après le sondage, le lien social, les rencontres et les échanges sont nombreux
dans les tiers-lieux. La plupart des participants (17/42) a noté avoir fait la connaissance de
nouvelles personnes au plus haut niveau (5/5).
Figure 7. La rencontre aux tiers-lieux. Source : auteur
4) Les deux prochaines questions explorent le sentiment d’inclusion généré au
tiers-lieu, en prenant en compte l'atmosphère transmise et leur ouverture.
Figure 8. L'atmosphère transmise au tiers-lieu. Source : auteur
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Figure 9. L’ouverture du tiers-lieu. Source : auteur
5) Un tiers-lieu promeut l'éducation populaire, qui par conséquent affecte la confiance
de la personne en soi. Le but de ces territoires innovants est de dynamiser les personnes, pour
qu’elles puissent proposer leurs propres idées et s’inspirer de projets qui influenceront leur
parcours de vie. L’enjeu de l'éducation populaire est encore plus fort pour les personnes en
difficulté issues de zones défavorisées. Pour eux, s’inspirer de projets pour l’avenir, peut être
une porte de sortie de crise.
Figure 10. La confiance en soi est renforcée. Source : auteur
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Figure 11. De nouveaux projets sont inspirés. Source : auteur
6) Pour finir, l’enjeu du sens de citoyenneté a été aussi évoqué. La majorité des
participants à cette question (12/42) ont noté avoir eu leur citoyenneté renforcée au niveau 5,
11 participants ont été d’accord au niveau 4, et 9 participants ont été d’accord au niveau 3.
Figure 12. Le sens de citoyenneté renforcé. Source : auteur
Mémoire de recherche
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Conclusions
Alors que les tiers-lieux existent depuis longtemps sans être officiellement nommés
comme tels (sous le statut des bibliotheques-mediatheques, friches, locaux associatifs,
coworking, etc.), lors de la dernière décennie on constate la volonté des villes et de l'État de
leur donner une nouvelle image, plus modernisée, sous l'étiquette officielle émergente de
“tiers-lieux”. Cela est l’exemple de Thionville qui a mis en place Puzzle, de la ville de Metz
qui a créé Bliiida et des aides institutionnelles qui ont permis la redynamisation des locaux de
Bornybuzz et de l’Afev. Outre le titre, ce qui se modernise dans un établissement qui propose
un tiers-lieu, sont les modes de travail, de collaboration, d’accueil du public, ainsi que les
espaces, les outils et les équipements.
La favorisation des institutions publiques envers les tiers-lieux n’a pas que des
avantages pour les dernières. Des attentes financières, politiques, administratives et
territoriales peuvent freiner l’action libre des professionnels de tiers-lieux, qui essaient de
solidifier la dynamique et le rôle de leurs structures dans la vie publique et de convaincre les
institutions sur les raisons de leur existence.
Malgré les pressions politiques, les tiers-lieux réussissent à avoir un impact social sur
les communautés où ils s’installent. Ils créent du lien social, ils essayent de mettre des publics
hétérogènes ensemble, de donner accès au partage et aux ressources, d’innover, d’agir sur la
citoyenneté et de s'inscrire dans le mouvement de l'éducation populaire. L’enjeu est accentué
pour les tiers-lieux installés aux quartiers défavorisés, puisque leur action peut
potentiellement influencer le futur des personnes en difficulté.
L'étude de quatre tiers-lieux mosellans a mis en évidence leurs similarités et
différences :
Bliiida
Puzzle
Bornybuzz
La Dragonne
Conditions
d'émergence
Initiative
institutionnelle de
la ville de Metz. Le
projet a été conçu
après l’accueil de
l'événement Nuits
Blanche dans le
bâtiment de Blida.
Initiative
institutionnelle de
la ville de
Thionville. Le
déménagement du
centre culturel du
quartier de la gare a
amené l'idée de le
lier avec la
bibliothèque-média
thèque dans un
Initiative
associative de la
Passerelle. Un
appel à
manifestation
d'intérêt à projets
de l’Etat a poussé
la structure à faire
le pas vers
l’installation d’un
tiers-lieu.
Initiative
associative de
l’Afev. Une fois
que la Mairie de
Metz a proposé
l'aménagement aux
locaux
surdimensionnés,
l'idée est née de
magnifier le plan d’
action avec
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bâtiment innovant.
l’installation d’un
tiers-lieu.
Statut de
tiers-lieu
Label French Tech
et Tiers-lieu Grand
Est
Statut “tiers-lieu”
auto-défini, inspiré
par la forme
innovante du
bâtiment
Label Fabrique de
Territoire et
Tiers-lieu Grand
Est
Label Fabrique de
Territoire et
Tiers-lieu Grand
Est
Activités
principales
Coworking, fablab,
numérique, friche
culturelle
événementielle
Bibliothèque-Médi
athèque, centre
culturel, numérique
Numérique, fablab,
media
Éducatif, culturel
Objectifs
Promouvoir le
travail collaboratif
et la création
artistique et
numérique, incuber
des projets
émergents
L'accès à la culture,
la lecture publique
et au numérique
Acculturation au
numérique et au
média pour les
habitants de zone
défavorisée
Donner les codes à
l'éducation et la
culture aux
habitants de zone
défavorisée, animer
un quartier et ses
habitants
Problématique -
situation
actuelle
Trouver son
équilibre financier
Attirer des publics
hétérogènes
thionvillois
Trouver son
équilibre financier
Se positionner
autrement que le
centre culturel du
quartier
Dispositifs
Locaux partagés,
fablab, zone
retro-gaming,
cantine, jardin,
cour extérieure
pour événements
ouverts au grand
public
Salles
d’expositions,
zones de travail,
café, espaces
numériques,
espaces de lecture
et de media
(dvd,cd, etc.)
Fablab, zones de
travail, espaces
numériques et
media
Espace collectif de
travail et
d’animation, salle
de réunions,
bureaux, cour
extérieure
Programmation
Festivals d'été,
animations
éclectiques, ateliers
donnés par des
résidents créatifs
Expositions
digitales et d’arts
plastiques,
rencontres
d’auteurs, séances
numériques,
événements
culturels
éclectiques
Séances
numériques, média
et jeux vidéo.
Ateliers à la
robotique et la
sérigraphie
Animations
éducatives,
citoyennes,
solidaires et
ludiques.
Événements
culturels
éclectiques.
Enjeux sociaux
principaux
Lien social.
Innovation sociale.
Partage des
espaces,
ressources, outils.
Accès au travail,
aux biens culturels
et numériques.
Cohésion sociale
entre publics
hétérogènes.
Accès à la culture
et au numérique.
Cohésion sociale
entre publics
hétérogènes.
Innovation sociale.
Partage et accès
aux équipements
innovants.
Éducation
populaire.
Lien social.
Innovation sociale.
Accès à l'éducation
et la culture.
Éducation
populaire.
Sens de citoyenneté
au sein de quartier
en difficulté.
Tableau 10. Les points-clés de quatre structures. Source : auteur
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En parallèle, le sondage sur l'étude du grand public met en lumière de nouveaux
aspects. Le sondage a créé le profil des participants qui ont répondu. A la majorité, il s 'agit
de femmes, de personnes qui ont entre 26-45 ans, diplômées de BAC+5 et en activité
salariée. Le sondage manque une cible très dynamique, celle de mineurs, qui suit activement
les dispositifs de l'éducation populaire (souvent représentés par les tiers-lieux) au sein de son
quartier et ville. Pour approcher cette cible, il faut souvent la médiation des structures qui
travaillent au côté de jeunes. L’effort de déployer ces médiateurs est effectué, mais il n’est pas
achevé lors de cette recherche.
Concernant le lien des participants avec la culture, 80% d’eux ont noté avoir une
pratique régulière, qui est le plus souvent le cinéma, la lecture, les concerts et les musées. Les
tiers-lieux sont représentés en niveau moyen, ce qui est encourageant pour la recherche. À
partir des définitions données pour décrire un tiers-lieu, 93,9% de participants ont noté avoir
déjà visité un. La fréquence de visite la plus notée a été “rarement” (45,2%) et “souvent”
(33,3%). Le rôle des participants à un tiers-lieu est majoritairement celui du visiteur. Ensuite,
ils suivent les participants, les bénévoles et les professionnels. Les partenaires et fondateurs
sont moins représentés. Les trois types de tiers-lieu les plus visités sont le culturel (78%), le
solidaire (64%) et l'éducatif (30%). Les visiteurs se rendent aux tiers-lieux principalement
pour des événements culturels (78%) et des loisirs (59,5%). Les événements les plus assistés
sont les expositions, les concerts, les spectacles, les animations de toutes sortes et les
projections cinématographiques. Enfin, 61,9% de participants ont payé pour les services d’un
tiers-lieu, mais seulement 19% d’eux ont été rémunérés pour leurs services à un tiers-lieu.
Le lien des participants avec un lieu de leur choix, démontre des manques en terme de
la compréhension du terme “tiers-lieu”. La plupart des participants ont noté des lieux variés,
tels que des centres culturels, des lieux culturels (cinémas, musées, salles de spectacle), ou
des activités culturelles (événements, festivals, spectacles, etc.). Cela ne pose pas de
questions sur ce qui peut être un tiers-lieu, car selon Oldenburg, le père de cette idée, il peut
s’agir de lieux ouverts, sociables et inclusifs (bars, salons de coiffure, bibliothèques, etc.).
Cependant, il pose des questions sur la réussite du grand programme mis en place par l’Etat
et les communes, de créer ou dynamiser des lieux sous l’ étiquette “tiers-lieu”, ce qui est un
mouvement tant marketé et financé. On peut attribuer cette confusion au fait que les
tiers-lieux nommés en tant que tels ont vu la grande émergence depuis pas longtemps, ce qui
nécessite un certain temps et du recul, pour que le grand public puisse se familiariser avec le
terme. En plus, l'émergence récente a dû confronter des limites face au contexte de dernières
années, comme la pandémie du Covid-19.
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La plupart des participants ont noté avoir eu connaissance du tiers-lieu de leur choix
par bouche à oreille. Ce qui est bien évident, c’est que un impact social important est marqué
sur eux, avec notamment le lien social et la rencontre renforcés, l’inclusion étant assurée par
les facilitateurs du lieu, l'épanouissement généré (inscrit dans l'éducation populaire) et le sens
de citoyenneté dynamisé.
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Discussion
L’avenir des tiers-lieux en France évoque une forte curiosité. L'émergence tant
promue par les acteurs publics et le discours politique a créé des attentes, que les
professionnels du milieu essaient de remplir, sans risquer de déformer l’identité, les vocations
et les valeurs de leurs structures. Un équilibre doit se trouver concernant la relation entre les
acteurs publics et les gérants de tiers-lieux en termes de confiance au projet, pour assurer sa
longévité. Cette confiance peut se manifester en donnant au facteur humain qui réside aux
tiers-lieux le pouvoir de continuer le projet selon ses besoins. C’est ce même facteur humain
qui a constitué le noyau de ce mouvement à la base, et son besoin de se réunir et de créer.
Chaque tiers-lieu est unique et différencie ses actions et ses dispositifs en fonction de
personnes, de collectifs et de communautés qui le constituent. Avec le fil du temps, les
tiers-lieux montreront éventuellement leur dynamique individuelle, attireront un public fiable
et convaincront qu’ils existent grâce à eux-mêmes, et pas grâce aux acteurs publics qui les ont
fait émergé au départ. Le risque à la longévité est moins grave pour les tiers-lieux atypiques
et non institutionnalisés qui se sont apparus avant que cette tendance devienne mode (les
friches et squats émergés il y a plusieurs décennies, par exemple). Cela est lié à leur volonté
pure qui a été mise en place, pour créer, se réunir, changer les codes de médiation et
diffusion, sans forcément attendre des retours, de la reconnaissance et des profits.
En ce qui concerne les enjeux sociaux achevés, cela est un premier pas théorique qui
permettra aux chercheurs du futur d’explorer un impact social concret avec des indicateurs et
des chiffres. Cette recherche n’a pas eu comme seul but de montrer quels enjeux sociaux sont
identifiés dans le plan d’action des tiers-lieux, mais aussi d’inviter la communauté
scientifique de l’avenir à revenir à ce sujet, quand les données de l'impact sur les
communautés seront mesurables et fiables. Le vrai intérêt à ce sujet sont les parcours de vie
qui seront potentiellement affectés, comme : 1. les personnes qui seront sensibilisées à la
culture grâce au Puzzle, dans un territoire si compliqué démographiquement que Thionville,
2. les projets, les œuvres et les initiatives des créateurs Messins qui sont actuellement
dynamisés par l’accueil et l'accompagnement de Bliiida, 3. les gens à Borny qui n’ont pas
forcément du matériel numérique chez eux, mais pourront maîtriser des ordinateurs, des jeux
vidéo et des outils audiovisuels pour sortir de la crise et poursuivre la professionnalisation, 4.
les enfants accompagnés par la Dragonne qui auront la facilité à la réussite scolaire et
académique, les codes d'accès aux institutions culturelles et à l’embauche professionnelle.
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Larousse, Inclusion, Acces le 28 juillet 2020, https://www.larousse.fr/.
Wikipedia, Innovation sociale, Acceès le 27 juillet 2022, https://fr.wikipedia.org/wiki/.
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Catalogues
Catalogue des images
Image 1. Dans la logique de la couverture de l’ouvrage d’ Oldenburg, les tiers-lieux sont de
simples lieux du quotidien, comme les cafés, les pubs et les librairies. p. 12
Image 2. Darwin Ecosysteme. p. 20
Image 3. La Serre, lieu d’occupation temporaire, géré par l’association Communa. p. 21
Image 4. Le tiers-lieu Bliiida à Metz propose des bureaux partagés “Le Poulailler”. p. 26
Image 5. Les tiers-lieux en France. p. 30
Image 6. La répartition des tiers-lieux aux territoires différents. p. 31
Image 7. Bliiida Festival. p. 46
Image 8. Puzzle de l'intérieur. p. 52
Catalogue des tableaux
Tableau 1. Les enjeux sociaux à Bliiida. p. 50
Tableau 2. Enjeux sociaux de Puzzle. p. 55
Tableau 3. Enjeux sociaux de Bornybuzz. p. 61
Tableau 4. Enjeux sociaux de La Dragonne. p. 68
Tableau 5. Le sexe des participants. p. 69
Tableau 6. L'âge des participants. p.70
Tableau 7. La fréquence de visites aux tiers-lieux. p. 72
Tableau 8. Les types de tiers-lieux les plus visités. p. 73
Tableau 9. Les lieux que les participants ont choisis. p. 75
Tableau 10. Les points-clés de quatre structures. p. 79
Catalogue des figures
Figure 1. Le niveau d'études. p. 70
Figure 2. La situation actuelle. p. 70
Figure 3. Les types de pratiques culturelles préférées. p. 71
Figure 4. Les rôles d’assister au tiers-lieu. p. 72
Figure 5. Types d'événements culturels assistés. p. 73
Figure 6. Connaissance du tiers-lieu. p. 76
Figure 7. La rencontre aux tiers-lieux. p. 76
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Figure 8. L'atmosphère transmise au tiers-lieu. p. 76
Figure 9. L’ouverture du tiers-lieu. p. 77
Figure 10. La confiance en soi est renforcée. p. 77
Figure 11. De nouveaux projets sont inspirés. p. 78
Figure 12. Le sens de citoyenneté renforcé. p. 7
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Annexe 1
Entretiens semi-directifs avec les spécialistes du terrain, organisés selon l’ordre
chronologique de la prise d’interview.
A. Gaëlle Todeschini, Vincent Bernard
Directrice et coordinateur de la Passerelle-Bornybuzz, association disposant de
tiers-lieu numérique situé à Borny Metz. Échange le 26 janvier 2022 en présentiel, durée
58:00 min.
Pour commencer, vous voudriez vous présenter vous-mêmes ?
G : Je suis Gaëlle Todeschini, je dirige Bornybuzz qui est un tiers-lieu social et inclusif,
labellisé Fabrique de Territoire par la MCT (Ministère de la Cohésion des Territoires) en
2020.
V : Et moi je suis Vincent Bernard, je suis coordinateur de l’espace numérique Bornybuzz qui
est du coup une sous-partie du projet. On a deux projets, un projet qui est autour des médias
participatifs et l’autre volet qui est un espace numérique.
Vous voulez présenter en bref le profil de Bornybuzz ?
G : Lancé depuis 10 ans… Pour l'histoire, la Passerelle a été créée le 1er février 1997 par des
bénévoles. Il n'y avait que des bénévoles. Ils faisaient de la lutte contre la fracture numérique,
ils étaient installés à la Médiathèque de Borny.
V : La première vague des cours informatiques pour permettre l’appropriation du numérique.
G : Les choses ont évolué, ils ont embauché une personne qui a été force de proposition pour
créer le média Bornybuzz en 2012. Le média Bornybuzz est un média qui a été développé
d’abord sur le quartier de Borny. L’objectif était de valoriser le quartier et de donner la parole
à ses habitants. Peu à peu, le média s'est développé et couvre maintenant les 5 quartiers
populaires messins. En 2017, le bailleur social LogiEst, qui s'appelle maintenant Vivest a
proposé à Bornybuzz un nouveau studio, au Boulevard de Guyenne, à l'occasion d’une
transformation de réaménagement du quartier dans le cadre de la rue. Le studio est inauguré
Mémoire de recherche
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le 25 septembre 2020 et il fonctionne réellement depuis pas longtemps, parce qu' on a enfin la
fibre à très haut débit. En 2019, la MCT, donc l’Agence Nationale pour la Cohésion des
territoires a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour des Fabriques de Territoire.
Bornybuzz-La Passerelle avait dans le même temps développé un poste de médiateur
numérique, l’objectif étant non pas de faire de l’inclusion numérique, mais vraiment de
l'acculturation des gens avec la culture numérique.
V : Alors c'était en 2015, que le poste est attribué. On était plus dans une optique d’éducation
aux médias-information, avec un volet développé pour l’audiovisuel autour des projets
audiovisuels, des courts métrages, le Journal des Jeunes, ces choses-là… Assez rapidement,
je me suis retrouvé entraîné dans un spiral. C'est là où on a commencé à parler d’addictions
aux smartphones, jeux vidéo, et forcément de radicalisation. En 2015 c'était aussi l’année des
attentats, la question du harcèlement aussi a monté assez rapidement au créneau. Donc je me
suis retrouvé à m’occuper de ces questions-là. Finalement voir comment on peut les traiter
sur un territoire, quels sont les moyens, les projets qu’on peut développer autour de tout ça. Il
y a une espèce de scission finalement dans ces choses-là. Il y a d’un côté ce volet-là,
éducation média sur lesquels j’avais commencé, et de l'autre côté, ce qu’on appelle inclusion
numérique et médiation numérique d'ailleurs. C’est un champ qui ouvre un peu les deux.
L’autre côté c’est plus l’accompagnement des personnes dans l’autonomie numérique, on
apprend comment envoyer un mail, surfer sur internet, faire ses démarches administratives,
faire des achats en ligne etc. Et c’est un besoin du territoire, on est souvent sollicité pour le
faire. Moi j’avais déjà mon poste, j'étais suffisamment occupé et c’est en 2019, au moment de
la Fabrique de Territoire pour me dire “Bah ok, on va se servir de cet appel à manifestation
d'intérêt pour développer ce nouveau pôle”.
Avant 2015, vous étiez occupés à d'autres projets ?
V : Il y a eu un moment où l'association a fonctionné sur ces fameux premiers cours
d’informatique dans les médiathèques et tout d’un coup, je sais plus en quelle année c'était,
2010, la ville elle a dit “C’est bon ! On ouvre maintenant des espaces numériques publics, on
n’a plus besoin de vous”.
G : Donc l’association a été jetée de la médiathèque, exclue. Donc elle a dû trouver de
nouveaux locaux. Et elle a trouvé ici, à la rue de Normandie, qui est un appartement du
bailleur social OPH Metz Métropole.
V : Il y avait une petite latence entre la fin de la médiathèque et le début de Bornybuzz. En
fait, pendant 2 ans, ils ont travaillé sur un projet européen qui a consisté à traduire le code de
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la rue en LSF (langue des signes française) en vidéo, c'était pour les personnes
malentendantes pour qu’elles puissent passer le code et apprendre le code en LSF.
G : Et ils faisaient de l’aide aux devoirs. Il y avait plein de gamins ici dans toutes les pièces,
la cuisine, les bureaux. C'était toujours des bénévoles et il y avait un salarié avec deux
services civiques. Donc en 2012, ils ont créé le média Bornybuzz pour parler du quartier,
donner une image positive. Parce que le constat était que quand on parle de ce qu’il se passe
dans le quartier c’est souvent dans les faits divers. Il y a des choses positives qui se passent
dans le quartier, il fallait en parler et c’est pour ça que Bornybuzz a été créé. Ils ont collaboré
avec la MJC de Borny, c’est grâce à la MJC qu’il y avait le premier contenu vidéo éducatif,
notamment la série l’Abribus.L’Abribus, c'était comment faire parler les jeunes des sujets qui
les concernent et en faire une Caméra Café. C'était le grand mouvement de la Caméra Café à
la télévision française et donc on s’est servi de ce modèle-là, sauf qu’on est dans un abri de
bus. Parce que les gens vont souvent sous les abris de bus, même s'ils ne prennent pas le bus.
En France, il y a même des endroits, même des villages où ils construisent un truc qui
ressemble à un abri de bus, alors qu’il n’y a pas de bus qui passe. Et ça permet aux jeunes de
se réunir mais sans embêter les autres, les habitants.
Eh ben c’est la première forme des tiers-lieux alors !
G : Voilà ! Et nous on s’est demandé “Mais qu' est-ce qu’ils se disent ? Qu’est-ce qu’ils se
racontent dans ces abris de bus les jeunes, alors qu’ils ne prennent pas le bus?”. Et puis après,
comment ça s’est passé? Donc je reviens peut-être à la construction du tiers-lieu. Donc en
2019 on a répondu à cet appel de manifestation d'intérêt, l'ancien directeur est parti et j’ai pris
la direction par intérim de juillet 2019 à janvier 2020. Et donc on a posé un projet pour être
Fabrique de Territoire, mais nous, on a postulé pour être Fabrique Numérique de Territoire.
Mais on a été labellisé Fabrique de Territoire. Donc la Fabrique de Territoire ça sert à quoi,
c’est un tiers-lieu où on fait de l’inclusion numérique, donc on accompagne les gens vers le
numérique, on y fait de l'éducation aux médias et à l’information. On a toujours une partie du
projet dans le média, parce que toutes nos actions se nourrissent de l’une à l’autre, il n’y a pas
de frontière, c’est assez poreux comme projet. Et on y développe aussi un petit fablab, donc
ce n’est pas un fablab de création, c’est un fablab éducatif pour sensibiliser les gens aux
outils numériques qui servent à fabriquer des choses. Donc on a une imprimante 3D, on fait
de la sérigraphie, peut être qu’un jour on aura une brodeuse numérique. Et on a développé
aussi un secteur très récemment vers des actions du jeux vidéo. Donc on a deux parties, parce
qu’il y a une tendance en ce moment qui est le E-sport, sauf qu'avant de faire du E-sport il
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faut comprendre l'environnement du jeu vidéo, et notamment les plus jeunes. C’est quoi
l’histoire du jeu vidéo, c’est quoi un jeu vidéo, quels sont parfois les pièges qu’on peut
trouver dans les jeux vidéo, quelles sont les thématiques abordées par les jeux vidéo ? On a
aussi une petite partie développement du E-sport mais ce n’est surtout pas pour faire la
compétition, que pour éduquer aux comportements dans le jeu et en dehors du jeu, in game et
out game.
V : On a quand même un volet territorial de développement des politiques publiques autour
des jeux vidéo, où on va effectivement accompagner l'émergence d'événements de
compétition d’ E-sport, mais en travaillant sous notre angle de l'éducation au média qui est de
favoriser les diversités des jeux vidéo. C’est vaste, il y a des jeux de rôle, des jeux de
réflexion… Il y a énormément de pistes éducatives autour du jeux vidéo, qu’on essaye de
développer sur le territoire.
Je reviens sur la question du pourquoi. Est-ce qu’il y avait un besoin concret du quartier, des
habitants ?
V : Ça va dépendre du secteur en vrai. Si on prend par exemple le secteur de l’inclusion
numérique, c’est carrément l’Etat qui est demandeur. C’est l’histoire de 13 millions des
français qui sont exclus du numérique, qui ne sont pas en mesure d'accéder à l’endroit, c’est
surtout la grosse préoccupation. Donc c’est un besoin national qui est identifié. Le jeu vidéo
est plus une demande de la municipalité pour des raisons que c’est la mode un peu partout. Ils
pensent que c’est un moyen d'entrer en contact avec la jeunesse, où ils composent des
activités qui plaisent à la jeunesse, pour garder un contact avec elle. Il y a un côté
d’attractivité du territoire parce que les événements jeu vidéo drainent beaucoup de
personnes, du coup ils développent de l’activité économique. Et il y a le côté qui renomme le
territoire, parce que, ce qu’il dit compétition, dit champion. C’est la même raison pour
laquelle on est en club de foot et on veut qu’il rayonne, parce que c’est pour la promotion de
la ville.
Tu veux me parler de votre programmation ?
V : Alors, la programmation. A Bornybuzz numérique il y a moi, qui suis un peu le chef
d’orchestre de tout ça et qui gère le programme, le budget, cherche des sous pour réaliser les
actions et je m’occupe aussi de tout ce qui est parentalité. En gros, c’est l'éducation au média
pour les parents, c’est quand on donne à quelqu’un l'accès d’utiliser le numérique dans sa
famille, à quel âge le premier smartphone, “Mon enfant à trois ans joue au Fortnite, qu’est-ce
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que je fais?”, des choses comme ça. Il y a un autre volet, ce qu’on appelle inclusion
numérique, c’est Laouari qui s’occupe, un collègue qu’on a embauché l'année dernière. Il
travaille beaucoup par accompagnement individuel, les gens viennent le voir en disant
“Bonjour, je comprends rien au numérique. J’ai acheté un ordinateur mais je ne sais pas
comment me servir”. Il travaille aussi beaucoup avec des publics allophones, c’est des
personnes qui sont en apprentissage du français. Là, on travaille en partenariat avec Unis Cité
qui ont un programme qui s’appelle Coop’R, où la base c’est des binômes, un service civique
francophone, un service civique allophone. Et du coup, ils proposent aussi de l’inclusion
numérique pour les personnes demandeuses d’asile ou bénéficiaires de protection
internationale. L’avantage pour ces binômes-là, c’est qu’ils parlent plusieurs langues. On a
aussi des sessions à appel à projet, on peut mettre des cours collectifs d’inclusion numérique.
Les gens viennent et c’est le temps qu’ils puissent avoir libre accès en autonomie sur
l’ordinateur. A côté de ça, on a Tatiana qui travaille davantage au Fablab, donc elle propose
des ateliers robots, apprentissage de programmation robot, construction robot pour les
enfants. Il y a un créneau pour les tout-petits, un créneau pour les moyens le mercredi
après-midi, un Fablab ados, où ils s’inscrivent sur les projets du type Fablab, avec aussi une
espèce de coworking scolaire. Ils viennent soit pour participer à un projet, soit pour faire les
devoirs. On facilite le coworking ados “Aidez-vous, accompagnez-vous, travaillez
ensemble”. Sur le Fablab, il y a aussi un projet en partenariat avec le centre social Cassis, où
on travaille avec un groupe de mamans qui ont envie de travailler sur la question du
harcèlement. Donc là, elles sont en train de préparer un jeu de cartes qui permet d’intervenir,
que les parents puissent avoir ce jeu pour jouer avec les enfants, ou entre parents d’ailleurs.
Elles comprennent ce qu'est le harcèlement, quels sont les signes, les causes. Elles
construisent des histoires en fonction des cartes qu’elles ont à la main. Elles travaillent en
même temps sur une campagne d’affichage et des produits dérivés, des tote bags, des T-shirts
avec les visuels qu’elles ont créés. Et elles préparent aussi une campagne de communication
sur les réseaux sociaux. Ça va être rigolo, parce que ça va être des hashtag multilingues, qui
viennent forcément de l’horizon de ces dames. Ça c’est le volet pour les faire comprendre
comment marche le marketing, la publicité sur Internet, comment créer une ambiance, ce qui
regroupe aussi les objectifs de la parentalité pour pouvoir aussi accompagner leurs enfants
là-dessus. Elles sont super motivées ces mamans et elles se disent “Tiens ! On a appris plein
de techniques avec le harcèlement” et du coup, elles voudraient développer une campagne
autour des violences conjugales. C’est l’endroit du projet où on est plus dans une dynamique
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de tiers-lieu, où finalement c’est des habitants qui ont à leur disposition du matériel et des
compétences pour mener des projets tout en apprenant de nouvelles choses.
Est-ce que vous avez peut-être constaté un impact ? Est-ce que ça a apporté des
changements d'être dans un tiers-lieu ?
V : Ça nous a entraîné des moyens financiers supplémentaires, qui nous ont permis
d’embaucher de nouveaux collègues, ça nous a permis d’investir dans le matériel, ça nous a
permis d'avoir de nouveaux locaux.
G : Au niveau pas local, mais au niveau régional, ça nous donne une autre position. On n’est
plus une petite association du quartier, on est un tiers-lieu référant, où on doit aussi
accompagner d’autres projets de développement des tiers-lieux. On accompagne aussi des
jeunes qui créent une coopérative de développement de jeux vidéo éducatifs, on travaille plus
en relation avec Bliiida aussi. Ça nous a vraiment donné une autre image.
V : Ça donne une autre image, mais moi je n’ai pas l’impression de transformer
fondamentalement notre manière de travailler.
G : Non, mais le fait qu’on était déjà bien implanté sur le territoire, on doit avoir 80
partenaires réguliers associatifs. Mais là, on connaît mieux les tiers-lieux de Meurthe et
Moselle, du Grand Est en général. C’est surtout l’implication dans le réseau régional qui nous
permet aussi de prendre de la hauteur et de voir aussi qu’il y a aussi une multitude, chaque
tiers-lieu a son identité propre. Il y a des tiers-lieux qui font de l’accompagnement des gens
qui font de la création d’entreprises, il y a des tiers-lieux qui font de la bière, il y a des
tiers-lieux qui font des concerts, des tiers-lieux plutôt artisanaux, des tiers-lieux qui se lancent
dans la production, des tiers-lieux qui font beaucoup d'inclusion numérique. Après, je crois
qu’ils ont commencé à mettre le mot tiers-lieu sur tout et n’importe quoi, parce qu'il y a des
collectivités qui créent des endroits et qui peuvent s'appeler tiers-lieux, et ça je ne le
comprends pas.
V : Surtout des tiers-lieux administratifs.
G : Oui, c’est assez incompréhensible. Il y a beaucoup de formes juridiques différentes,
beaucoup d’associations, mais aussi beaucoup de SCOPs (Sociétés Coopératives et
Participatives) et de SCICs, sociétés coopératives d'intérêt collectif. Il y a des gens qui créent
des tiers-lieux sur leurs propres fonds. Notamment La Cabane, c'était le projet d’une personne
qui a créé son tiers-lieu en entreprise de ses fonds propres, mais qui fait pratiquement la
même chose que nous. Alors que nous, on est en association.
Mémoire de recherche
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V : Je crois que l'appellation des tiers-lieux, ça permet l’hybridation des modèles
économiques. C’est le côté le plus paradoxal. La définition standard des tiers-lieux, c’est des
lieux entre le domicile et le travail, on peut dire que le café du coin c’est un tiers-lieu. Nous,
dans la définition, comme elle s’articule, on va être sur la création des valeurs ou sur la
création des richesses. Ça crée de la richesse financière dans des endroits, quand on est dans
des tiers-lieux qui sont des optiques de production. C’est typiquement ceux qui utilisent
beaucoup l’impression 3D. Il y a des artisans qui ont besoin de faire des pièces sur mesure et
qui n’ont pas spécifiquement les outils, ça permet de relocaliser certaines productions. Là, on
est sur des axes clairement économiques, où on crée de la richesse monétaire. Après, il y a de
la richesse humaine qui crée des valeurs, ça c’est plus notre système. Avec la connaissance
du territoire et de son besoin, on fait naître des opportunités et des initiatives. Et du coup, le
tiers-lieu, c’est un peu cette grosse étiquette, qui permet de véhiculer des projets de différents
statuts. Par exemple, dans le Grand Est, il y en a un qui fait de la résidence alimentaire, où il
travaille sur l’addition des circuits courts, pour réunir les consommateurs avec les
producteurs.
G : Ils ont réussi à trouver un créneau entre les associations paysannes qui font des lieux de
distribution communs, comme les coopératives. Il y a des associations qui se constituent, tu
t’abonnes. Par exemple, je prends un panier de légumes tous les mois, pour 50 euros de
légumes. Et les paysans viennent, et tu as ton panier de 50 euros de légumes de saison. Ils
s’installent dans une MJC ou un café pour la distribution. Et il y a des gens qui ont créé des
tiers-lieux pour développer ou des AMAP, ou des substituts des AMAP, ou des substituts
entre les AMAP et les producteurs.
V : Dans ce cas-là, les tiers-lieux vont faire un restaurant qui va former des gens en insertion
professionnelle. C’est une hybridation.
G : Ça permet des tests, ça permet d'être plus souple, quand tu as tenté une nouvelle
expérience d'innover dans un domaine qui allie à la fois le social, les rapports humains et le
développement économique.
V: Il y a aussi la troisième manière de concevoir des tiers-lieux, qui est typiquement par
rapport au lieu, où il y a des endroits avec des friches industrielles, des bâtiments qui sont
plus ou moins abandonnés dans des zones dévitalisées. Du coup, dans ces projets on fait
naître des lieux par rapport aux acteurs qu’on a sur un territoire et ça donne un tiers-lieu.
G : Ça se substitue aussi beaucoup dans ces endroits-là, avant il y avait beaucoup de cafés
dans les villages, de cafés enfermés etc. Et tout d’un coup, il y a ces tiers-lieux qui reviennent
et qui recréent du lien entre les gens. Donc peu importe l’objet, l’objectif c’est vraiment de
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réunir les gens autour d’un projet commun et avoir toujours un espace pour boire du café,
discuter, voir un concert, etc. Sauf que ce n’est plus le café du coin qui le fait. Pendant
longtemps en France, dans chaque village il y avait un petit café où les gens se réunissaient
régulièrement pour l'apéro, le dimanche après la messe, etc. Et maintenant il y a les
tiers-lieux. Et les tiers-lieux ne sont plus dans les villages, ils sont plutôt dans une commune.
Ça redonne une forme de dynamisme sur un territoire. Nous concernant, on est pas une MJC,
on est pas un centre social et pourtant on crée du lien ici avec les partenaires par exemple. On
essaie de créer du lien entre les habitants, mais ce n'est pas évident dans ce type de lieu
d’habitation.
Pourquoi ce n’est pas évident ?
G : Déjà, il y a une vie de communauté dans le quartier. Les gens ne nous ont pas attendu
pour créer cette vie de communauté et il y a une défiance sur la vie des autres communautés.
Comme on ne veut pas être l’association qui reçoit telle communauté moins qu’une autre, on
essaye plus de rassembler des gens de cultures différentes, et c’est un travail de longue
galère, parce qu’il faut d’abord que les gens nous permettent de casser les barrières qui sont
forgés et les a priori qu’ils ont vis à vis des autres.
V : Matériellement, les locaux sont trop petits pour développer une nouvelle stratégie
d’accueil des publics.
G : On a vraiment développé la vocation tiers-lieu en 2020 dans le covid. Donc, la situation
sanitaire nous a beaucoup freiné dans le développement qu’on voulait donner à l’association.
Comme le fait qu’on soit passé dans une forme de gouvernance collégiale, par rapport à une
autre association qui a un fonctionnement du conseil d'administration. Là, il y des bureaux
avec un président, un trésorier, une secrétaire etc. C’est très hiérarchisé comme ça. Dans le
mode collégial il n’y a plus tout ça, ça veut dire que tous les bénévoles qui s’engagent ont le
même niveau de responsabilité et on doit prendre des décisions, discuter etc. Cela permet
d'être plus souple et de partager les responsabilités, aussi puisque il n’y a plus un seul
président qui porte une lourde responsabilité. Parce que le président dans une association, s' il
y a une faute, il peut aller en prison. Ici, dans la collégialité, les bénévoles ne risquent pas
grand-chose, c’est moi qui risque d’aller en prison. Mais moi je suis payée pour ça, c’est
différent. Les dirigeants sont libres d'adhérer et de donner leur avis sur le projet qu’on
développe, mais les gens n’ont pas l’habitude. Leur habitude, ils sont toujours dans une
logique de consommation des services. “Je m’inscris à l’activité danse de la MJC”, mais la
MJC ce n’est pas que l’activité danse, c’est plein de choses. C’est un projet d'éducation
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populaire. Et après, il y a des personnes qui s’engagent dans les conseils d'administration des
MJC, mais tu te rends compte finalement, que c’est bientôt cloisonné pour y apporter tes
propres initiatives et tes propres idées, parce que le projet est comme ça ! Nous on essaye de
faire en sorte que le projet puisse nourrir les compétences des membres du conseil collégial,
leurs envies, leurs idées. En tant que professionnels, on a besoin d'eux, de prendre du recul
par rapport à notre travail. C’est pour ça qu'à Bornybuzz, les responsables des secteurs, soit
Vincent, soit Benjamin, sont en lien avec le conseil collégial dans les comités de travail, qui
leur permet aussi d'être en contact avec les bénévoles. A la MJC par exemple, il y a que le
directeur qui appelle les bénévoles, les autres salariés ne les voient jamais. Et c’est pas facile,
quand tu es bénévole et qu’on te dit “Bah vas-y, montre moi tes idées”. Finalement, les gens
n’ont pas d’imagination. C’est triste ! Donc on est aussi dans un changement de paradigme.
L’objectif est quand même de changer les choses et de dire “Ben non, tu habites sur le
quartier, nous on est à ta disposition, mais pas pour tout et n’importe quoi”. On ne va pas
faire tout d’un coup de la peinture, ce n’est pas dans nos compétences non plus. Mais
l’ouverture du tiers-lieu, du Fablab etc., ça donne quand même la possibilité de faire plein de
choses. Au niveau du Fablab, ce que je te disais tout à l’heure, pour l’instant on fait de la
sérigraphie et de l’impression 3D. Si maintenant il y a des gens qui viennent dans ce Fablab
et qui disent “On aimerait bien faire de l’impression laser” par exemple, c’est ok. On va
chercher des financements avec un projet pour acheter un truc de laser, pour qu’ils puissent le
faire. Sauf que, pour les gens, c’est difficile de comprendre qu'ils ont le droit d’apporter des
idées dans la volonté de faire un truc. Il y a des choses que tu ne peux pas découvrir quand tu
ne connais pas. Tu vas pas dire “Je veux faire de la broderie numérique", si tu ne sais même
pas que ça existe, c’est compliqué. Nous, on s’est dit, que c’est important tout ça pour les
jeunes, parce que les métiers d’avenir vont être dans cette thématique-là. On fait de
l'éducation populaire, mais on essaye d’innover les pratiques de l'éducation populaire. Je
pense que le tiers-lieu sert aussi à ça. Même dans les tiers-lieux de production, il y a des
valeurs qui s’installent. Ce n’est pas une entreprise avec un chef qui donne des ordres et avec
des salariés qui obéissent, c’est un espace où les salariés peuvent donner leur avis pour dire
“Mais non, ça va pas, je ne suis pas d’accord”. Il y a d’autres rapports qui s’installent entre
les gens, qui soit salarié, qui soit utilisateur, ça aplanit quand même le rapport entre les gens,
et ça permet de développer d’autres rapports humains.
V : Il y a toute une logique derrière tout ça, elle s’appelle la logique de communs. Par
exemple, disons que dans mon tiers-lieu on apprend à fabriquer une chaise. Du coup, avant de
fabriquer la chaise, on fait un plan. Soit je trouve que ma chaise est géniale et je pose son
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plan en droit privé, soit je décide de mettre son plan comme créatif commun dans une
ressource commune. Comme ça, tous ceux qui auront besoin d’une chaise, ils vont trouver le
plan pour la fabriquer. Et on arrive forcément par partir sur des projets d'ingénierie
bottom-up, s’il y a le besoin, il y a une chaise. Par exemple, il y a un programme dans les
fablab, qui assez rigolo, ce s’appelle "Répare ton doudou”. Du coup, il y a quelqu' un qui
vient avec un jouet qui est cassé et il lui faut imprimer une pièce en impression 3D. Il fait le
plan pour modéliser la pièce, il imprime la pièce, il répare le jouet et le modèle pour faire la
pièce s’est mis dans une ressource commune.
G : Comme ça, tout le monde peut réparer le même type de jouet sans avoir besoin de
recommencer à faire le plan, tout ça.
V : C’est sur l’horizontalité, qu’il y a tout ce travail de mise en adéquation de différents
projets. Tout à l’heure, quand je te parlais des valeurs, tu as des valeurs marchandes et des
valeurs ajoutées, qui ne sont pas monétaires.
Vous avez déjà travaillé d’une manière ouverte et maintenant vos pratiques sont encore plus
innovantes. Comment avez- vous vécu ce passage, avez- vous fait des formations ?
G : Non, disons que nous concernant, je ne sais pas comment ça se passe chez les autres, on a
toujours aimé les challenges et on s'est toujours interrogés sur notre façon de travailler. Donc,
je pense qu’on a créé un tiers-lieu avant que ça existe. Il y a des étapes innovantes qu’on a pu
avoir avant que tout ça se démocratise. En 2007, j’ai proposé un projet pour planter des
légumes dans les bacs à fleur vides de la ville. On m’a dit “N’importe quoi, ça ne va jamais
marcher, les gens vont tout détruire" et maintenant tu as des Incroyables Comestibles partout.
Après, on a aussi besoin de bénévoles qui aident dans le réseau des tiers-lieux, ça nous
permet aussi de voir comment les autres travaillent. Parce que pour réussir dans ce milieu là,
il faut s’interroger, se mettre en question. Quand tu fais une erreur c’est pas grave, l’erreur est
formatrice. Si tu prend l’erreur comme étant une sanction, tu n’y arriveras pas. Mais si tu
prends l’erreur que tu as commise comme une acte de formation, tu réagis et tu la corriges,
alors ça fonctionne. Après, il y a sûrement des personnes qui réfléchissent autrement dans les
tiers-lieux, je ne sais rien. Moi, je crois qu'on n'est pas encore suffisamment ouverts par
exemple. On n'est pas encore suffisamment accessible. De fois, on s’accroche aussi, genre
“Ça c'est à moi”. Tu as peur que les gens te piquent des trucs. Après, quand tu échanges, ce
n’est pas piquer, c’est donner pour recevoir. Il faut avoir confiance, il faut s’ouvrir aux autres.
Mais moi, je trouve ça vachement intéressant de continuer à grandir. C’est ce qui fait que
notre métier est intéressant, et que même quand on est désespéré au fond d’un trou, il y a des
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moments, où tu vas trouver quelque chose à te raccrocher, qui va te faire remonter. Sinon on
serait en burnout depuis longtemps. Je t’avoue qu' en ce moment ça va pas fort, ce n’est pas
facile avec la crise sanitaire. "Ça va pas assez vite, pourquoi les gens ne viennent pas?”, c'est
déprimant quoi, désespérant. Moi, ce qui me raccroche, c'est le projet des tiers-lieux du
Grand Est. Là, je me dis que je ne suis pas la seule. C’est pas que nous, on est pas forcément
mauvais, mais il y a un temps. On essaye souvent d'être plus rapide de ce qu’il faudrait, mais
au final, les gens ne vont pas aussi vite que nous, et ça il faut l’admettre et il faut s’adapter.
Ce n'est pas facile. Toi justement, c’est intéressant, parce que tu nous rappelles pourquoi on
bosse. Parce que hier, par exemple, j'étais en total désespoir. Et de fois tu dis "Ça ne sert à
rien ce que je fais”. On est dans un monde où il y a un côté de primauté économique sur les
choses, il faut faire de l’argent et nous, on ne fait pas d’argent, on utilise de l’argent public
pour travailler. Et on nous demande “Comment vous allez faire pour améliorer votre modèle
économique de façon à être moins dépendants de financements publics?". Mais on fait de
l'intérêt général. Et en même temps, les mêmes collectivités territoriales nous harcèlent pour
qu’on réponde à leurs appels à projet. Donc pour qu’on reçoive encore plus d'argent public.
Mais qui vous juge par rapport à votre modèle économique ?
G : L’Etat. Il faudrait qu’on ait le plus de sources dans le marché privé. On a déjà des sources
qui viennent de prestations privées qu’on peut faire. Mais ce n'est pas notre cœur de métier, si
on développait des produits, on deviendrait riche.
V : Dans le modèle d’hybridation des tiers-lieux, toujours ce qu’il marche c’est le classique.
Des brasseurs qui font de la bière, ce qui donne même le mieux c’est aussi un restaurant et
une association culturelle qui organise des concerts, s’il y a de l’espace. Comme ça, ça
aboutit. Une des ressources pour l’association qui organise des concerts de musique, c’est de
profiter de la clientèle du restaurant, et le restaurant profite de la bière, qui est brassée sur
place. Il y a donc de la création d’argent, des bénéfices, c’est un circuit hyper pur qui
bénéficie à tout le monde.
G : Sauf si tu es basé, comme nous, dans un quartier populaire, où l’objet de ta structure c’est
quand même de permettre aux gens d'accéder à la culture numérique. Ce n’est pas un service
qui se vend. On ne peut pas faire de l’argent, nous on a rien à vendre si ce n’est nos
compétences. Mais on fabrique rien en vrai, si ce n’est de la valeur et de l’amour.
Pour ceux qui ont bénéficié de vos services, comme les enfants par exemple, qu’est-ce que cet
engagement va apporter dans leur vie et avenir ?
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G : Pour ça on ne sait rien. On se demande beaucoup sur l'évaluation. Il faudrait qu’on
interroge les gens sur ce qu’ils ont trouvé en venant participer à nos actions. Il faudrait
interroger les gens pour ça. Et nous, si on le fait, les gens ne viendront plus. Parce qu' ils ne
viennent pas participer à un truc pour répondre à un questionnaire.
V : Ça mérite un colloque universitaire. A quoi ça sert de vouloir créer des lieux qui
s'appellent tiers-lieux, libres, ouverts, qui favorisent la circulation, si c’est pour mettre des
péages et des frontières partout ? Comment on peut proposer au public un lieu qui est libre,
où les gens sont libres, si la première chose que tu fais, c’est de demander “Ton nom, ton age,
ton numero de secu, où est-ce que tu habites, pourquoi tu est venu, c’est quoi ton difficulté
sociale, tu veux trouver un emploi? Viens je te mets dans un dispositif”.
Vous êtes obligés de demander tout ça ?
G : Nous on le fait pas, parce qu' on résiste. Mais concrètement, au mois de décembre je me
suis fait taper sur le doigt par la préfecture, parce que je ne le faisais pas. C’est très
contradictoire.
V : D’un autre côté, il faut tout rationaliser, analyser, objectiver, voir l’impact, etc. Il y a plein
de contraintes qui se mettent là. On te dit “Fais des lieux ouverts où les gens se sentent bien”.
C’est comme la question du passe sanitaire finalement. Comment tu peux ne pas en avoir
marre de faire des autotests, des attestations sur l’honneur, des attestations de droit à sortir et
te dire que tu es dans un pays où tu évolues librement?
G : Après, les enfants, il faudra les rencontrer dans dix ans et leur demander “Tiens, tu te
souviens, quand tu étais à Bornybuzz? Tu retiens quoi maintenant ?” Après nous, on
rencontre des gens parce que ça fait longtemps qu’on travaille ici, et on a pas travaillé qu' à
Bornybuzz, on a aussi travaillé à la MJC. Et quand je vois des gens que j’ai rencontré à la
MJC, que j’ai accompagné, que j’ai formé et qui viennent maintenant pour me dire “Gaëlle,
c'était super, grâce à toi j’ai fait ça”, là j’ai fait mon job. Mais à l'époque je n’allais pas les
presser, alors qu’ils étaient en plein questionnement sur eux-mêmes pour savoir ce qu’ils
allaient en ressortir dix ans après. Il fallait attendre ces dix ans pour en savoir plus.
Du coup, pour boucler tout ça, vous m’avez parlé des enjeux économiques, moi au départ
j’avais plus de questions sur les enjeux sociaux.
G : Les enfants, s’ils viennent une fois, c’est bien, s’ils reviennent deuxième fois, ça veut dire
qu’ils y gagnent quelque chose. Sur les jeux vidéo, quand tu as des gamins qui viennent pour
jouer et qu’on les fait jouer à des vieux jeux du retrogaming, alors qu’ils étaient venus pour
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jouer à FIFA et que finalement ça leur plait et qu’ils reviennent, on dit que ça permet une
ouverture d’esprit. Tout d’un coup, c’est aussi une découverte, parce que tu vas dire “Ce qui
me plaît, c’est ce que je connais” et nous on va proposer ce que tu connais pas. Donc, les
enjeux sociaux sont là aussi, à quoi sert un tiers-lieux, c’est permettre aux gens d’aller plus
loin d’eux-mêmes. De faire des expériences, de croiser d’autres gens qui te ressemblent ou
qui ne te ressemblent pas et te rendre compte que les gens qui ne te ressemblent pas sont
sympa quand même, et qu’il y a moyen de discuter sans se battre. Que la religion n'est pas
forcément un élément de crispation, qu’ on peut faire des choses sans parler de religion. Que
la question du genre n’est pas un élément de crispation non plus, parce qu' on est juste des
êtres humains qui partagent un moment ensemble. Donc les enjeux sociaux sont là, c’est aussi
pour ça qu’on le fait. Quand on va me demander “Comment ça se passe concernant l'étude de
genres dans vos actions?”, qu’est-ce que vous me cassez les pieds sur l'étude de genres dans
les actions. Sincèrement, la sexualité des gens, je m’en fiche moi. Les gens sont homo,
hetero, etc. quand ils arrivent. Ils sont tout ça ou rien de tout ça et ils arrivent à venir et passer
un moment ensemble, alors voilà, t’as gagné quelque chose.
Un enjeu c’est aussi que vous donnez accès aux gens aux matériels qu’ils ne peuvent pas
s’acheter.
G : Après, il y a ça, forcément il y a aussi cet enjeu. Tu ne peux pas t’acheter une imprimante
3D, tu ne peux pas t’acheter de matériel de sérigraphie, du coup, c’est une espèce de
mutualisation. Nous, on utilise des moyens qu’on met à disposition des gens, mais pour ça, il
faut que les gens se rendent compte.
V : Il y a des ados qui viennent au fablab et qui toutes les semaines voudraient s’imprimer
une figurine et repartir chez eux pour jouer avec. On leur explique que ce n’est pas ça.
G : On a des gamins qui essaient de faire ça. On leur a dit qu’on était pas un JouéClub. Au
bout d’un moment, tu ne viens pas juste pour que Tatiana te fasse imprimer un truc. Si tu
viens, c’est pour comprendre comment on imprime un truc. Ils ont la flemme, ils n' ont pas
envie. Après, ils n’ont pas le droit de ne pas avoir envie. Tu as le droit de ne pas avoir envie,
mais pas chez nous. Après, c’est aussi ça, apprendre de la frustration, c’est aussi important.
Tu te dis "J'étais frustré, ils n'ont pas voulu imprimer mon Pokemon”. Tu as des magasins qui
vendent des Pokémon, c’est leur métier. Peut-être que la première fois, on imprimera le
Pokémon, on sera sympa quand même. Finalement, les enjeux sociaux ne sont pas plus de
n’importe quelle association qui fait de la rencontre sur un objet culturel ouvert, qui permet la
rencontre, les échanges, les débats. Après nous, on est une association, un tiers-lieu, du
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moment qu’on peut faire ce qu’on a envie de faire. Mais c’est aussi le marketing, qu’il y a
autour. Si les gens entendent parler que les tiers-lieux sont des endroits sympa, où il est
intéressant d’aller, ça va nous aider dans notre projet, c’est comme installer une espèce de
marque. Avant c'était les MJC, maintenant c’est les tiers-lieux.
A l'idéal, comment vous imaginez- vous à l’avenir?
G : On ne sait pas. Déjà, on n’a pas assez de place pour travailler. A l'idéal, il faudrait avoir
des locaux plus adaptés. Les locaux ne sont clairement pas adaptés. Mais il faut quand même
rester dans le quartier, donc c’est complexe. Maintenant, l'idéal serait aussi qu’on arrête de
nous financer sur des projets. On est de l'intérêt général, on est de l’utilité sociale. Il y a une
volonté politique pour ouvrir ce genre de lieux, sauf que les financements qu’ils donnent c’est
que des petits sous poudrage, qui ne permettent pas de travailler sereinement. Si on pouvait
travailler sereinement, on serait encore plus efficaces. Déjà, si on peut trouver un vrai projet
sur 3 ans avec un budget admis…
V : Notre problématique en ce moment, c’est que la Fabrique de Territoire nous a apporté
50.000 euros par an, ce qui nous a permis de nous développer, d’embaucher Tatiana, Laouari,
Natascha et de monter en compétences. C’est un programme de l’Etat qui est sur trois ans, on
ne sait pas ce qu’il va avoir derrière. Ça se trouve on va devoir déployer plein d'énergie pour
retrouver la voie dure l'année prochaine.
G : La vie associative, depuis quand je travaille, c’est comme ça. Il faut construire, il faut être
innovant, et puis d’un coup, ça s'arrête et il faut recommencer un autre truc innovant, c’est
vraiment épuisant.
V : Ma crainte, c’est que la notion tiers-lieu a eu une grosse visibilité, et qu’il y aura un autre
gouvernement qui passe et il va dire “Tiens, moi aussi je veux faire mon truc, je casse les
tiers-lieux pour faire autre chose”.
G : “C’est pas grave, il y aura autre chose”, mais c’est toujours la même chose finalement.
Après, ils nous collent l'étiquette qu’ils veulent. Le truc, c’est que déjà l’association, c’est un
projet défini, on ne travaille pas parce que l’Etat dit “Il faut faire ça”. On travaille parce qu'
on a déjà un besoin sur le territoire qui est admis, et des bénévoles qui se sont engagés pour
ce projet-là. Après, c’est notre projet de le développer en cherchant des financements et qu’on
s’adapte au programme de l’Etat, de la Région, etc. C’est comme ça qu’il faut travailler,
parce que sinon on risque d'être fonctionnaires.
Je vous remercie beaucoup.
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B. Camille Erbstein
Chargée de développement local à L’Afev-La Dragonne, association qui porte un
tiers-lieu éducatif situé à Metz-Nord Patrotte. Echange le 28 Janvier 2022 via Google Meet,
durée 29:39 min.
Bonjour Camille. Est-ce que tu voudrais me présenter toi et l’association en bref?
Je suis Camille Erbstein. Je suis déléguée territoriale à l’Afev Metz. L’Afev, c’est une
association nationale qui lutte contre les inégalités, est créateur du lien solidaire et développe
différents projets, comme des tiers-lieux étudiants ou éducatifs sur différents territoires.
Vous êtes passés d’une association qui avait seulement un siège social à une association qui
dispose désormais d’un tiers lieu. Du coup, c’est arrivé comment ce passage?
Historiquement, on avait un local au centre ville de Metz, rue de Taison, qui a été mis en
disposition par la ville et qui était censé être temporaire. Quand le centre social L'Agora a été
ouvert en 2018, il y avait des locaux sur le quartier de la Patrotte qui se sont libérés. Ils ont
servi comme l’annexe de l’ancien centre social et la ville a dit “L’Afev, c’est pour vous.
Prenez-les!”. À l'époque, ma responsable a dit, “Mais non, on ne veut pas être une asso du
quartier. Le local est trop grand, ça ne marchera pas”. Et c’est resté là. Un moment, en
réfléchissant, on s’est dit qu’en fait on peut aller plus loin que juste un lieu. Avec ce lieu-là de
200m2, on peut faire autre chose. Et c’est là que l'idée est née. On l’a proposé à la ville et la
ville a dit “C’est bon, on y va!”. Et c’est comme ça que le projet est né de faire un tiers-lieu
sur le quartier Patrotte dans ce local, qui a été mis en disposition par la ville.
Pourquoi ta responsable a dit que c’est trop grand?
A la base, c'était pour le local Afev uniquement, et c'était 200m2. A l'époque, l’Afev n'était
pas comme aujourd' hui. On était un seul salarié et neuf volontaires. 200m2, ça fait beaucoup.
Et la particularité sur l’action de mentorat, c’est majoritairement sur le quartier de la Patrotte
et un petit peu sur Borny. On avait des Kapseurs et des volontaires dans une école du quartier.
Le risque était de se faire cloisonner en devenant une action uniquement pour la Patrotte,
alors que notre association a pour vocation d'être plus large avec une action plus large. Ce
reçu a permis de dire “Ok, il faut qu’on agisse plus largement”. Comme ça, on a négocié un
développement sur les autres quartiers de la ville, qui a été un levier de développement
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d’action sur tous les QPV et aussi sur Woippy, pour pouvoir dire qu’on est pas seulement une
association du quartier de la Patrotte.
Parmis toutes les antennes de l’Afev, la votre est l’unique d’avoir un tiers-lieu ?
Il y a plusieurs tiers-lieux, je n’ai pas le chiffre exact. Pour l’instant, ce sont surtout des
tiers-lieux étudiants sur les campus universitaires, où notamment dans la banlieue de Lyon, il
y a un tiers-lieu ados dans la ville de Feyzin. Donc, c’est des tiers-lieux très spécifiques. En
tout cas, un tiers-lieu éducatif, comme on l’a développé à la Patrotte, on est les seuls sur le
développement des tiers-lieux de l’Afev.
Récemment, vous êtes attribués le label Tiers-lieu du Grand Est et aussi le label Fabrique de
Territoire. Tu veux me parler de ça ?
Quand on a eu les locaux de la ville, il y avait un enjeu. Du coup, à l'époque j'étais la seule
salariée, qui gérait tous les programmes de l’Afev. Gérer le tiers-lieu en plus, c'était juste pas
possible. Ou alors, il fallait que je fasse encore plus d’heures dans la semaine, ça ne
marcherait pas. Et donc, l’enjeu c'était d’embaucher vite une autre personne qui
coordonnerait le projet, lui donnerait sens et lui donnerait vie. La première chose qu’on a
faite, était de répondre à l’appel à manifestation d'intérêt Fabriques de Territoire. On a eu une
réponse positive tardive en octobre 2020. En même temps, ce qu’on a fait aussi, c'était de
prendre encore un salarié, qui était top, car on avait largement besoin. Au début, quand on est
arrivé à ce lieu-là, on a mis nos vieux meubles de l’Afev qui commençaient vraiment à tirer la
tête. Ça meublait pas bien le lieu, c'était pas du tout adapté. Et on s’est dit, que si le lieu
marche, il faut que ce soit hyper qualitatif pour les habitants, un lieu chaleureux. Et c’est là,
où on a répondu à l’appel à manifestation d'intérêt de la région du Grand Est pour pouvoir
investir du mobilier au lieu. Il n’y a pas que le Grand Est. Je crois qu’il y a 5 partenaires pour
l’investissement uniquement. C'était vraiment un enjeu pour pouvoir développer un projet en
plus de ce qu’on faisait déjà, avec des moyens humains et financiers.
Tu penses que la mise en place du tiers lieu a surtout apporté des choses sur qui ? Les
habitants de la Patrotte, les étudiants de tout le réseau de Metz ? Sachant que c’est destiné à
tout le monde, en impact réel, ça affecte qui le plus ?
C’est compliqué de répondre à cette question maintenant, parce qu' on a un fonctionnement
qui a commencé récemment dans la crise sanitaire. L’embauche de Paola était en mars 2021.
On a eu plein de fermetures administratives à cause du covid, plein de restrictions avec le
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passe sanitaire, donc on n’a pas pu fonctionner totalement normalement depuis longtemps.
Mais en tout cas, je pense que le projet tel qu’on le développe aura un impact sur les habitants
de la Patrotte, parce que on est un lieu de proximité pour eux et les actions qui sont menées
sont publiques. Le premier public de ce qu’on fait, c’est eux. Et après, ce qu’on veut, c’ est de
créer une mixité avec un autre public, pour qu’ils puissent se rencontrer. Le deuxième public
qui est facile pour l’Afev à mobiliser, c’est les étudiants. Ce que je vois pour l’instant, au-delà
de nos volontaires et bénévoles Kapseurs, enfin tous ceux qui sont autour et qui sont déjà
mobilisés, c’est que le tiers-lieu devient un lieu source pour mener des projets. Alors qu’avant
on était très vite limité pour accueillir soit des stagiaires, des projets tutorés ou des étudiants
qui ont envie de s’investir différemment que le tutorat. Et maintenant on leur propose des
choses et on a des étudiants qui viennent juste pour animer des choses dans le tiers-lieu. On a
même des mamans du quartier bénévoles. On est en train de créer quelque chose avec ce
réseau de bénévoles, mais c’est le tout début. Donc, je n’ai pas d’impact réel à partager. Si ce
n’est que des sentiments et des intuitions que ça peut créer des choses. Et j’ai une petite
anecdote à raconter. C’est cette maman du quartier qui vient souvent. Lors d' un des
événements, Paola lui avait fait un badge “bénévole”. Elle était toute fière d’avoir son badge
qui disait “Je m’investis, je suis bénévole" et elle a montré à sa fille en mode “Regarde ! Je
suis une bénévole, je suis investie !”. Et je me dis que c’est avec le petit moment de fierté
personnelle qu’on peut avoir un impact sur les enfants. En voyant ses mamans toutes fières de
s’investir pour les autres, quand on grandit on aura encore plus de facilité à investir pour les
autres aussi. Donc c’est peut-être quelque chose qui a impacté cette famille positivement,
mais à long terme, pas tout de suite.
Moi je sais qu’est-ce que ça donne d'être à la Patrotte, mais pour ceux qui ne connaissent
pas, c’est quoi la spécificité du quartier ?
La Patrotte est un quartier prioritaire de la politique de la ville qui a la particularité d'être
entre l’autoroute et la Moselle et qui depuis 2012 a une ligne de bus au niveau de services,
qui permet d'être plus rattaché au centre ville. Et qui commence à se rénover, puisque il y a
l’ouverture d’un centre social-médiathèque et salle de spectacle pour les jeunes publics en
2018 (L’Agora). C’est un quartier, où il y a de grosses barres d’immeubles avec une
multiculturalité et pas mal de problèmes d’incivilité globalement sur ces immeubles-là du
bailleur social. Il y a du deal de drogue aussi dans la rue, pas très loin de la Dragonne, on le
sait, on a aucun problème avec les dealers, mais ça invalide le territoire local. Une autre
particularité du quartier, c’est que les parents laissent les enfants descendre tout seuls. On a
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beaucoup d’enfants entre 6-10 ans qui sont laissés sortir dans la rue, et qui peuvent être
usagers du tiers-lieu dans ce cadre-là. Dans le quartier on voit très peu les femmes, à part au
moment d'entrée et de sortie de l’école, où on s’est fait la réflexion de ce qu’il se passe. Alors
oui, le quartier est majoritairement occupé par les hommes et quand on demande aux jeunes
filles ou femmes elles disent “On fait que passer, on reste pas”, parce que il y a ce côté de ne
pas se sentir appartenir. C’est pour ça que l’arrivée du tiers-lieu a plein d'enjeux et d'impacts
sur cette population. Et pour finir, comme c’est un QPV, ça implique beaucoup de chômage et
de précarité auprès de familles et beaucoup d'inégalités, notamment sur l’accompagnement à
la scolarité et l’ouverture culturelle. Il y a des familles qui se disent “Le Centre Pompidou
c’est pas pour moi, c’est trop beau. Même l’Agora c’est pas pour moi”. Donc, en fait il y a
plein d’enjeux individuels et collectifs sur cette population-là. Et c’est pour ça, qu'un lieu
dans ce quartier est hyper important, parce qu' il y a très peu de vie associative par rapport à
Borny à Metz, où il y a des associations dans tous les sens. A Patrotte, les associations se
comptent sur les doigts d’une main. Alors qu’il y a autant de besoin qu' à Borny, donc il y a
vraiment beaucoup de choses à faire.
Qu'est-ce qui se passe dans le tiers lieu ? Les enfants viennent et vous faites quoi ? Il y a une
programmation ?
Le projet est toujours évolutif. Là, on a pris le mois de janvier pour réfléchir qu’est-ce qu’on
va proposer, parce que de septembre à décembre, l’enjeu était de faire venir des publics. De
les habituer à venir le fréquenter. Donc, on a fait des actions pour leur dire “Venez ! Ça va
être sympa !” et on a fait des actions très proches de ce qu’il peut faire un centre social. Il y a
même des actions qu’on a en commun avec L’Agora, on s’est rendu compte après. Nous, on
ne veut absolument pas être identifié comme un centre social ou avoir des actions similaires à
un centre social, mais il fallait faire venir un public. Donc, dans ce but là, on a pris le mois de
janvier pour réfléchir, pour développer des actions qui ont du sens et qui peuvent plaire à un
public. On aimerait bien, qu’ils proposent leurs propres actions et leurs propres idées, mais ça
ne vient pas comme ça. Il faut aussi créer l'environnement pour leur permettre d’avoir des
idées. Et donc là, sur les actions qui vont être menées sur le mois de février, on va avoir des
Cafés des langues parce qu’il y en a au centre ville, mais il n'y en a pas dans le quartier du
tout. En plus, comme ça on peut valoriser la langue de chacun et apprendre de nouvelles
langues. Dans l’autre sens, il y aura des choses autour du francais, pas de cours de
conversation, mais des temps de conversation en francais pour les personnes qui ont besoin
de pratiquer et d’apprendre sur des cours de FLE en direct. On est en train de préparer des
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animations pour les enfants les mercredis et samedis, mais un peu différentes. Je n’ai pas tous
les éléments encore, mais c’est en cours pour éviter de proposer une activité typée centre
social. On a un super projet avec la médiathèque de L’Agora. On va faire de la lecture dans
les coursives des immeubles et dans les zones d'entrée, pour amener la lecture auprès des
habitants et aussi décloisonner que soit le tiers-lieu et la médiathèque. Donc, c’est des actions
hors les murs, parce que nous, on dit qu’on est pas obligé d’avoir toutes les actions dans le
tiers-lieu, on peut être en dehors et répondre aux mêmes besoins. Et après, on va faire
beaucoup d’actions de médiation dans le quartier pour aller voir les habitants, leur dire qu’ils
ont un lieu à eux et qu’ils peuvent se l’approprier. Ce sera des actions permanentes
quasiment. Et une autre action, en tout cas dans ce qui est prévu, c’est un Green Day pour le
premier samedi du mois, pour faire une action autour de l'écologie. Il va aussi y avoir un
potager, un composteur, du ramassage des déchets dans le quartier pour avoir des choses dans
cette thématique. C’est de petits prémices, mais dans l’effet, chacun peut venir. Nous, on a
déjà découvert des gens qui viennent le soir pour faire leurs devoirs chez nous. C’est aussi ça
en fait La Dragonne et le tiers-lieu.
Est-ce que vous pouvez dire qu’il y a une vocation culturelle, et si oui, ça sert à quoi pour les
enfants et les habitants ?
Il y a une vocation culturelle, parce qu’on s’est dit que dans le côté éducatif, que la culture a
toute sa place et elle est importante. Dans l'idée, on va bosser avec des partenaires culturels,
parce que ce n'est pas nous qui allons faire, nous on n’a pas ces compétences-là en direct.
Donc, on a déjà une super action hors les murs. On a amené une trentaine de petits dans un
théâtre à Maizières-lès-Metz, où ils ont pris le train, c'était toute une aventure d’aller voir une
pièce de théâtre. Donc, ça fait partie des actions qu’on a proposé, et là, la même troupe du
théâtre va revenir proposer différents types d’ateliers. Ce qui est important avec les acteurs
culturels, c’est que on leur demande de s’adapter un peu, parce qu’ils ont l’habitude de bosser
en école ou en centre social. Il y a toujours le même public, et du coup, ils font un cycle
évolutif, où au fur et à mesure ils apprennent de nouvelles choses. Sauf que dans un tiers-lieu,
ça ne marche pas et ça, on leur a fait comprendre, on leur a dit “Vous aurez peut-être des gens
qui vont faire tous les cycles d’ateliers, mais il y aura peut-être une personne qui va venir au
quatrième et seulement au quatrième. Et donc vous ne pouvez pas proposer un truc qui se suit
parce que ça ne marchera pas”. Et donc, on a cette troupe de théâtre qui a adapté sa façon de
faire des ateliers et d’envisager la médiation culturelle pour ce public de flous, qui bouge tout
le temps. On sait jamais qui sera là et qui ne sera pas là. Ils sont très liés à l'ambiance qu’il y
Mémoire de recherche
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a dans le quartier, mais ils ne sont pas habitués à ces acteurs-là. Donc, on leur demande de
travailler différemment, et ça fait aussi partie de l'ambiance du tiers-lieu. On a tous des
usages de travail mises en place pour des projets, mais ici ça ne se passe pas comme ça.
Pourquoi vous mettez en valeur l’engagement culturel des enfants ?
C’est des valeurs très Afev, comme le tiers-lieu est porté par l’Afev. J’aime pas parler de
réussite scolaire, mais en tout cas, le fait de se sentir bien à l'école et d’arriver à s’en sortir,
n’est pas lié qu’aux devoirs et qu’aller à l'école tous les jours et basta. Pour moi, c’est lié à
tous les facteurs à côté, qu’une famille peut apporter assez spontanément, comme aller au
musée, au cinéma, aller découvrir quelque chose de différent tous ensemble. A l’Afev, on
lutte contre ces inégalités, car il y a des familles qui arrivent en France et qu’ils ne savent pas
qu’ils peuvent aller au musée gratuitement. Nous, on veut faire tomber ce plafond-là, où ils se
disent “Ce n’est pas pour moi”. On va les faire entrer dans les médiathèques, leur montrer que
le théâtre est aussi accessible. C’est tout un travail qui est fait avec les acteurs culturels,
puisqu’ils ont tous ce travail de médiation aussi, mais sans des acteurs comme nous, qui
sommes en lien avec les familles et les bénévoles qui connaissent les parents et les enfants, ça
ne marche pas. Donc, le tiers-lieu va être un nouveau levier pour aider tout ça en plus de ce
qu’on fait avec le mentorat, et les autres actions pour réduire les inégalités à l'école.
On peut dire qu’on parle d’une éducation culturelle alors, comme disait Bourdieu.
Oui c’est ça, et puis il y a aussi l'éducation populaire, qui est importante pour tous ceux qui
ne sont pas en mesure de réussir… Encore, je n’aime pas ce terme non plus, mais en tout cas,
de réussir à l'école dans les meilleures conditions possibles.
Pour être honnête, moi je ne connais pas exactement la définition du terme éducation
populaire.
L'éducation populaire, c’est tout ce qui est éducation mais en dehors de l'école. C’est pour ça
qu’une colonie de vacances fait de l'éducation populaire. La culture est une partie de
l'éducation populaire et ce qu’on fait à l’Afev, c’est de l'éducation populaire. C’est tout ce qui
se fait, mais pas à l'école.
Il y a des enjeux sociaux ici par exemple ?
Oui, il y a, c’est l’implantation du tiers-lieu qui fait ça. Dans ce quartier, le but est d’avoir un
impact dans la vie du quartier et aux habitants en individuel. Et ça prend du temps, mais oui,
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l'idée c’est de changer et de faire en sorte que les parents qui n’ont pas de travail, le tiers-lieu
puisse les aider à s'insérer professionnellement. On va pas faire leur taff, mais peut-être on va
faire du lien avec des structures qui recherchent ou aident avec des ateliers CV et des lettres
de motivation, ce genre de choses. Ça peut réduire une partie de la précarité. Un enfant qui a
rencontré des étudiants, il va dire “Tiens! Moi aussi je peux aller faire des études" ou “Tiens!
Je peux faire tel métier”, parce qu’il a rencontré un professionnel de ce métier-là. C’est juste
de créer des liens de rencontre, qu’ils n’y aurait pas si on n'était pas là. De toute façon, c’est
ce qu’on fait à l’Afev, on crée du lien pour toutes les actions en se disant, qu’on va avoir
peut-etre un impact, mais c’est juste qu’on le voit pas tout de suite, on prend peut-être une
graine et ça va pousser plus tard. Et c’est ce qu’on fait déjà dans le mentorat, l’impact qu’on
va voir sur un jeune, on le voit pas en un an, six mois. Mais quand il va arriver au collège ou
lycée, il va se rappeler des choses qu’il aura vu en échangeant avec l'étudiant qui l’a
accompagné. Moi, je n’ai pas fait d'études dans le social, mais je trouve que l’impact social
est hyper dur à mesurer. C’est beaucoup de ressentis, d’histoires personnelles. Et je crois qu’il
faut changer les petites histoires chez les gens petit à petit, on se dit pas qu’on va tout
révolutionner du jour au lendemain, ça ne marche pas.
L’Afev à la base est créée dans les années 1990, non ?
Tout début 1991, en fait.
Est-ce que quelqu’un a fait des enquêtes pour voir s' il y avait un impact pendant ces
années-là?
On a eu pas mal d'enquêtes sur le mentorat, notamment des sociologues et les résultats étaient
intéressants parce que ça a montré que l’impact était plus important pour les enfants qui
étaient accompagnés pour 2 ans. Pour les tiers lieux ça prendra plus de temps, parce que c’est
hyper récent sur le développement de l’Afev, mais forcément, il y aura un moment pour
prendre mesure de l’impact sur ces actions. On commence à réfléchir tout doucement. Il
faudra aussi le faire sur les KAPS par exemple, sur les collocations, pour voir quel impact
reste sur le quartier dans le long terme. Le mentorat on a fait plein de travaux parce que ça
fait trente ans. Peut être dans trente ans on arrivera à voir où on est sur les tiers-lieux.
Il y a déjà un constat que les enfants qui ont été accompagnés accèdent plus facilement aux
études supérieures ?
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En tout cas, ils ont pas de freins de connaissance pour se dire “c’est pas pour moi !” . L'idée à
l'Afev n’est pas que tout le monde aille à l'université, de toute façon, il n’y a pas assez de
places. Mais en tout cas, ceux qui ont la capacité et l’envie et l’accès à toute l’information,
qu'ils puissent le faire. Et je pense qu' un jeune qui a été accompagné par un étudiant, ayant
été sur le campus et ayant vu ce que c'était, en se disant “c’est possible”, il va peut-être plus
facilement le faire qu' un jeune qui n’a pas eu cet accompagnement-là.
Comment imagines- tu l’avenir du projet à l'idéal ?
Je ne peux pas dire comment il va évoluer le projet parce que l'idée est qui se fasse aussi avec
les gens qui veulent le faire et qu' il y ait des personnes qui arrivent et proposent des choses et
les mettent en place. Ni Paola, ni moi, ni ma responsable, on devrait avoir un avis sur ce que
ça va donner. Nous, en gérant un tiers lieu, on met en place l’espace, on fait en sorte que les
publics viennent, qu’il y ait des partenaires qui s’investissent, et après c’est comme un shaker,
on mélange et on voit ce que ça donne. On teste, on apprend en faisant et on fait évoluer le
projet au fur et à mesure. Moi, ce que j'espère c’est qu' il continue d’exister et qu’il continue
d’avoir impact sur des individualités, mais quelles individualités je ne peux pas le dire. Et
c’est ça qui est dur sur la projection d’un projet de tiers-lieu.
Est-ce que tu aurais autre chose importante à se dire ?
Non, c'était assez complet. En tous les cas, pour créer un tiers-lieu, nous on a pris le temps de
se renseigner sur comment fonctionnent les autres tiers-lieux, donc on a fait tout ce travail
entre le temps du dépôt des dossiers et l’ouverture du lieu. Ça nous a aidé à nous dire “Ok,
c’est quoi un tiers-lieu et qu’est-ce qui n’est pas un tiers lieu”. Parce que le problème aujourd'
hui c’est qu’il y a beaucoup de lieux qui se disent tiers-lieux dans l’intitulé, où qui vont se
revendiquer comme tels, mais ils ne sont pas exactement tiers-lieux. Et c’est ça qui est
compliqué pour l 'Afev, la visibilité pour le public. Il y a tellement de lieux qui s’appellent
tiers-lieux, qui n’ont rien en commun parfois, que c’est compliqué de se retrouver. Et je pense
que quand on a l’initiative de faire un tiers lieu, l’important est de voir les trois critères qui
font un tiers lieu. Il y a pas mal de sociologues qui ont fait des recherches à ce niveau-là, et
nous sommes basés sur eux pour commencer et avancer avec ces trois critères en tête, pour
être sur qu' on avance dans la bonne direction. Et ce sera presque ça, la seule chose qui va
nous animer sur les mois d’avenir en se disant “Est-ce qu’on reste toujours dans cette
dynamique-là de tiers-lieu, ou est-ce qu'on est autre chose?”.
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C’est quoi ces trois critères ?
La rencontre d’entités individuelles, de faire en sorte qu'elles se croisent et qu’elles créent
quelque chose de différent ensemble. Le première critère devait être l’espace, mais je ne
l'avais plus en tête. Il y avait un super stagiaire qui a fait un travail de recherche sur les
tiers-lieux. Il a fait un rendu “C’est quoi un tiers-lieu”, où il a mis ses sources et tout, et une
vidéo où il fait le tour des tiers-lieux du Grand Est, pour voir qu’est-ce que c’est le point en
commun, et comment ils fonctionnent pour nous inspirer. C’est une vidéo interactive. Il nous
a beaucoup aidé à nous défricher, nous n'avions pas le temps de le faire. Son travail était notre
base de travail pour la création du tiers-lieu.
Est-ce qu’il y a des contraintes qui vous empêchent de fonctionner proprement ? Déjà, je sais
qu'il y a la crise sanitaire.
Elles sont aussi politiques, parce que pourquoi ça nous fait peur de faire les mêmes actions
que l’Agora? Cela pourrait être ok de se dire que pour l’instant on fait les mêmes actions
qu’un centre social. Parce que, si un partenaire se rend compte qu’on fait exactement comme
un centre social, il peut se dire “Mais vous servez à quoi si, vous faites ce qu’il fait le centre
social? Il y a déjà un centre social sur le quartier, donc vous n'êtes pas utiles”. Je n’aime pas
ce mot, mais cette concurrence avec le centre social, qui n’est pas très loin et qui a du mal
aussi à se faire sa place sur le quartier, ça nous demande un travail continu de légitimité et de
le faire travailler avec nous. Déjà, on travaille avec la médiathèque, on essaye de le faire avec
le centre social de plus en plus. C’est pas toujours facile, parce que eux, ils ont un
fonctionnement très institutionnel et nous, pas du tout. Réussir à dire “Venez bosser
différemment avec nous, rien que faire sortir la médiathèque pour faire de la lecture en bas
d’immeubles”. Paola a dû se battre et là, c’est pas encore gagné, parce que la première
expérimentation n’a pas bien fonctionné, je ne suis pas sûre que les bibliothécaires vont
adorer de faire ça, parce que il fait pas chaud, de fois il y a pas grand monde, les gens sont
pas très réceptifs. Enfin, une vie du quartier quoi. Ce n’est pas simple, mais un enjeu
important pour que le projet fonctionne bien, c’est qu’il puisse s’asseoir dans la durée au
niveau politique, et que les institutions continuent à nous soutenir.
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C. Anne Guillou
Directrice de PUZZLE, médiathèque-centre culturel et tiers-lieu à Thionville.
Echange le 23 juin 2022 via Google Meet, durée 22:55.
Je vous explique un petit peu qui je suis et pourquoi j’ai choisi ce sujet. Je suis étudiante à
Metz depuis 2 ans au Master de la Culture. En même temps, j’avais un engagement dans
deux associations qui avaient des locaux traditionnels et qui sont désormais transformées en
tiers-lieux. J’avais donc l’ intérêt d'étudier cette émergence d’un phénomène qu’on voit
partout et surtout étudier son effet sur les habitants, la communauté et la société.
Pour moi ça va être un peu plus compliqué de répondre pour Thionville, parce que je viens
d’arriver dans la direction de PUZZLE le 1er mars, donc je n’ai pas encore beaucoup de recul
sur tout ce qui c’est fait.
Et vous venez de loin ?
Non, de Metz. J’ai travaillé à Borny avant.
Vous voudriez me présenter vous, votre parcours et votre rôle dans la structure ?
Donc moi, je m’appelle Anne Guillou, je suis lorraine d’origine, j’ai fait des études pour être
bibliothécaire, j’ai commencé ma carrière en bibliothèque universitaire d’Alsace à Mulhouse
et ensuite, au bout de deux ans je suis partie à Metz, aux Bibliotheques-Mediatheques de
Metz, où j’ai travaillé pendant 22 ans, d’abord comme assistante au département des
conservations, ensuite en patrimoine et ensuite à la Médiathèque de Borny. Et en fait je suis
arrivée à PUZZLE le 1er mars de cette année.
Et vous pouvez me présenter PUZZLE ?
PUZZLE, c’est un centre culturel, donc c’est à la fois une médiathèque de lecture publique,
mais pas seulement. C’est aussi un espace d’expositions, il y a également un centre culturel
qui est hébergé dans le bâtiment et également beaucoup de studios numériques, qui sont très
bien équipés, et qui sont accessibles pour les adhérents PUZZLE. Donc, il y a vraiment une
articulation entre les arts visuels, tout ce qui touche au numérique et ce qui touche à la lecture
publique. C’est vraiment les trois entités qui donnent l'identité du PUZZLE.
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Je ne sais pas si vous savez pourquoi la ville a voulu créer un tel lieu en telle forme et non
pas une bibliothèque-médiathèque traditionnelle.
C’est un projet qui a beaucoup évolué au fil du temps et des municipalités également. Au
départ, il y avait une bibliothèque qui était très ancienne, qui était sous-dimensionnée pour la
ville en termes d’espace et en termes de composition. Donc, il y avait vraiment un besoin en
termes de médiathèque, et puis il y a eu la volonté. Alors, au départ ça devait être une salle de
musiques actuelles comme la BAM à Metz et en fait, l'idée au départ c'était en partie sur ça,
sur faire une bibliothèque, avec ce qu’on appelle une SMAC. Et puis, le projet a évolué, c’est
aussi lié à l’organisation urbaine de la ville, où il y a eu tout un effort urbain de réorganisation
autour de la gare. Autour de la gare, il y avait un centre culturel qui était vraiment très
implanté dans le territoire thionvillois et qui a été délogé, parce qu' il y avait ce projet de
réorganisation urbaine. Au fur et à mesure, l'idée est née de placer cette association au sein
d’un nouveau bâtiment avec la médiathèque, et au fur et à mesure, c’est construit l'idée de
faire un ensemble qui tourne autour des arts visuels, numériques et de la culture en général.
Donc, c’est un peu évolué dans ce sens. Ensuite, le projet a été confié à un conservateur de
bibliothèque, à un moment où les tiers-lieux étaient très en vogue dans le monde de
bibliothèques en France.
Vous avez dit comment ? Les tiers lieux étaient très… ?
En vogue. A la mode. Donc, cette idée est née comme ça. Je viens d’arriver, donc je n’ai pas
forcément le recul nécessaire, mais… Enfin, pour moi un tiers-lieu c’est un endroit où
l’usager, la personne qui vient, peut prendre part à l’organisation de l'établissement de
l'institution. Hors, ici ce n’est pas le cas. Donc, il y a ce côté sur le plan architectural qui est
effectivement très ouvert, il y a une connexion entre toutes les entités qui forment PUZZLE.
Vous savez, il n'y a quasiment pas de cloisonnement, tout est très ouvert, tout communique. Il
y a un accent très fort qui est mis sur le numérique, et qu’on trouve dans beaucoup de
tiers-lieux avec des équipements qui sont vraiment de qualité. Mais par contre, la place de
l’usager au cœur de l’organisation, il n’y a pas pour le moment. L'usager peut s'emparer du
lieu comme il le souhaite, mais dans la construction de ce qui est proposé, vraiment beaucoup
moins. On trouve également des propositions d’acquisition, ce genre de choses, qu’on trouve
déjà dans beaucoup de médiathèques, mais il n’est pas au cœur du processus décisionnel,
comme on peut voir dans d’autres tiers-lieux.
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Est-ce qu’il y a une démarche qui est en train de se former pour pouvoir intégrer aussi le
visiteur dans ce processus-là?
C’est ce que j’aimerais mettre en place, puisque comme tous les établissements culturels, le
Ministère de la Culture nous demande de rédiger un projet culturel sur les 5 ans à venir, et
pour rédiger ce projet, j’aimerais pouvoir mettre en place justement des ateliers participatifs
pour intégrer vraiment les usagers au coeur de la reflection.
Je vous le souhaite !
Tout ça c’est à construire en fait.
A la création du projet, est-ce qu’ il y avait un enjeu de satisfaire à un certain besoin des
habitants ?
Oui oui, je pense oui. Il y avait vraiment une volonté de proposer quelque chose de plus
moderne et de proposer une offre culturelle plus attractive et plus riche. Je pense qu’il y avait
vraiment une démarche forte, que ce soit pour la médiathèque ou le centre culturel.
Est-ce qu’il y a des enjeux sociaux que vous abordez à travers vos actions ?
Oui, alors il y a un enjeu très important. En fait, PUZZLE est à proximité immédiate de trois
grands lycées, et du coup PUZZLE est très fréquenté par les ados. Alors que dans les
médiathèques, on a du mal à faire venir les ados. Donc là, il y a vraiment une démarche pour
séduire ces ados, parce que pour le moment ils viennent sur leur temps de pause entre midi et
deux heures, au moment du repas et surtout quand il pleut, ou quand ils attendent le bus,
parce qu’on est à côté de la gare routière. Donc là, il y a un enjeu fort à développer pour
proposer des actions en direction de ce public-là, et l’ouvrir culturellement. Donc là, il y a un
enjeu très important.
Est-ce qu’il y a certaines contraintes qui vous empêchent de développer votre plan et votre
action ? Au niveau administratif, démographique, ou je ne sais pas…?
Il y a des contraintes qu’on trouve dans toutes les administrations publiques françaises. Déjà,
il y a forcément une contrainte budgétaire. On est contraint par le budget et on ne peut pas
faire tout ce qu’on veut, ça c’est sûr. Il y a aussi les contraintes qui sont liées à tout ce qui est
administratif. Il y a souvent beaucoup d'étapes de validation dans l’administration française,
ce qui empêche parfois la réactivité. On ne peut pas être toujours très réactifs par rapport à
une proposition. C’est un petit peu bloquant. Après sur le plan … Est-ce qu’il y a des choses
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qui sont bloquantes ? Disons que c’est la population sur le bassin thionvillois… On a une
exposition en ce moment, qui le montre très bien. C'est très difficile, parce qu' on est coincé
sur le plan sociologique entre une population qui vient du milieu sidérurgique et des
industries lourdes, qui ont fermé depuis les années 1970, et donc ont créé des vagues de
chômage, avec une pauvreté grandissante, etc. Et en regard, on a une population qui vit en
France mais qui va travailler au Luxembourg, avec des salaires qui sont les doubles. Donc on
a vraiment ce parallèle-là, ce public un peu double à gérer, et ça effectivement n’est pas
toujours facile, d’autant plus que la proposition culturelle au Luxembourg est quand même
assez développée et assez riche.
Donc, si je comprends bien, vous êtes un peu coincés, parce que vous devez sensibiliser deux
types de public totalement différents, c’est ça ?
C’est ça et il faut s'adresser à tout le monde. Donc c’est difficile.
Je suis reconnaissante que vous avez partagé ça, parce que c’est un élément qu’il faut lui
donner de visibilité.
Tout à fait. En fait, quand on travaille sur un établissement de ce type, il faut toujours partir
d’un diagnostic de territoire, qui est très important pour mieux s'intégrer au territoire où on
est, voir quels sont les types de population qui le composent, quels sont les types de structures
qu’on trouve dans ce territoire. Et trouver comment s'insérer dans cet environnement, c’est
vraiment important.
Qu’est ce que vous avez reçu comme retour du public ? Il y a déjà certains qui constatent que
le travail de PUZZLE a un effet sur eux et leur rapport avec la ville et la communauté ?
On a des retours des familles qui viennent avec les enfants, donc qui sont très satisfaits, c’est
vrai que l’espace jeunesse est particulièrement intéressant, donc il est très prisé par les
enfants, très prisé par les écoles aussi qui viennent en nombre, et parfois c’est même difficile
de trouver des créneaux pour les recevoir. Après, sur certaines actions on a des retours de
personnes qui sont vraiment très contentes de la qualité des actions qui peuvent être
proposées. On travaille notamment avec une association pour des conférences en lien avec
l’actualité. Il y a quelque temps, on a reçu une conférence sur l'Ukraine avec deux
journalistes et un ancien ambassadeur de la France en Ukraine. Là, on a eu vraiment plus de
130 personnes et les gens sont vraiment sortis très contents, parce qu' ils ont appris
énormément des choses, parce qu' on était au cœur de l’actualité et l’actualité a été vraiment
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très bien décryptée. On a des retours très positifs pour l’exposition qu’on a également en ce
moment, avec Sébastien Leban qui est photographe journaliste, qui a amené tout un travail de
réflexion, justement sur cette dualité du pays thionvillois de la vallée de la Fensch. Il montre
en fait par ses photos, le fait qu’il y ait une population double et ça aussi fait beaucoup parler,
parce qu' il y a des gens qui sont habitants de Thionville depuis de très nombreuses années et
qui se sont reconnus dans cette espèce de décalage. Donc, on a eu aussi des retours très
positifs vraiment, donc c’est plutôt dans les actions qu’on a une échange et qu’on a des
retours. Après, on a des retours négatifs aussi, mais ça arrive aussi.
Je ne sais pas si vous avez autre chose, qu’il faut se dire et que je n’ai pas noté dans mes
questions.
C’est peut-être pour vous, pour vous aider. En fait, la notion tiers-lieu se développe aussi
beaucoup dans le milieu de l' entreprenariat et des start-up numériques, etc. Donc ça, c’est
aussi une notion qui est très développée. Il y a une association, qui s’appelle France
Tiers-Lieux, je ne sais pas si vous connaissez. Il y a beaucoup d’associations et des tiers-lieux
comme ça, qui existent sur tout le territoire français, qui peuvent vous donner des pistes de
réflexion, qui ne sont pas forcément culturels, mais qui peuvent enrichir votre panorama et
vous amener à vous poser d’autres questions.
Il y a beaucoup de labels en ce moment, de la Région du Grand Est et du Ministère de la
Cohésion des Territoires par exemple, qui donnent des aides, des subventions et créent du
réseau. Bénéficiez-vous de quelque chose comme ça ?
Au niveau de subventions qu’on peut toucher, c’est essentiellement au niveau culturel, donc
c’est sur le plan culturel avec la DRAC. On peut avoir des aides à la fois par la DRAC sur les
aspects numériques, arts visuels et sur les aspects de lecture publique. En fait, les trois
identités qui constituent PUZZLE sont des piliers de subventions au sein de la DRAC. Donc,
du coup on a pas de labellisation vraiment tiers-lieu, on est pas notés dans le France
Tiers-Lieux, ou quoi que ce soit.
Est-ce qu’il y a intérêt de vous intégrer dans un tel réseau pour faire peut-être la
connaissance d’autres professionnels, qui sont dans les autres tiers-lieux de la région ?
J’essaye très doucement de nourrir des contacts avec d’autres tiers-lieux culturels qui sont un
petit peu près sur le même modèle, qui sont quand même basés sur une médiathèque, mais
pas seulement, pour lesquels il y a quand même une valeur à ajouter en plus de la
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médiathèque… J’essaye comme ça de voir ce qui est proposé. Il y a énormément de
propositions en ce moment. Donc, c’est un peu difficile, et pour le moment je suis plutôt en
phase de repérage. Sinon on fait partie du réseau, comme par exemple le HACNUM,
l'incubateur fluxus, et là, c’est toujours lié à notre casquette culturelle, où on peut se faire
connaître par ce pilier là.
Comment voyez vous l’avenir des tiers-lieux ? Vous croyez qu’ils resteront stables, ou avec un
autre gouvernement ils ne vont peut-être pas survivre ?
Je pense que la culture est en constante adaptation. Pour le moment c’est ce modèle-là qu’il
va s’adapter pour se transformer en autre chose. On n’est pas passé du concept de l’ancienne
médiathèque au concept du tiers-lieu culturel en une journée. Il y a eu des décennies de
réflexion quand même entre temps. Et donc, je pense que le concept va évoluer jusqu' à
devenir autre chose.
De mon côté je n’ai rien à rajouter, merci pour votre temps !
Merci à vous aussi et bonne continuation.
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Annexe 2
Le questionnaire est transmis au grand public adulte francophone qui pourrait
potentiellement être intéressé à participer aux actions d’un tiers-lieu. L'étude de ce public a
reçu 46 réponses et a été distribuée via Google Forms dans la période de juin 2022. Voici son
corpus :
- (Titre) L' émergence des tiers-lieux et leur impact sur les visiteurs
- (Description) Le questionnaire vise à éclairer les recherches de mémoire menées dans
le cadre du Master 2 Expertise et Médiation culturelle de l'Université de Lorraine. Le
sujet se focalise sur l’émergence des tiers-lieux et leur impact social sur les visiteurs.
- (Questions) Vous êtes :
- Quel âge avez-vous ?
- Quel est votre niveau d'études ?
- Quelle est votre situation actuelle ?
- Avez-vous une pratique culturelle régulière ?
- Si oui, de quel type ? (plusieurs options possibles)
- (Texte) Définitions de tiers-lieu
1. lieu de sociabilité qui n'est ni le domicile, ni le lieu de travail
2. un lieu où l’on prend plaisir à se rassembler, où l’on tient des conversations, où l’on
échange 3. un espace ouvert où des individus peuvent se réunir pour travailler,
s’approprier des savoirs et des compétences, pour se rencontrer ou simplement
échanger de façon informelle 4. des espaces physiques pour faire ensemble :
coworking, campus connecté, atelier partagé, fablab, garage solidaire, social place,
makerspace, friche culturelle, maison de services au public, etc.
- (Questions) À partir de ces définitions affichées ci-dessus, pensez-vous avoir déjà
fréquenté des tiers-lieux?
- A quelle fréquence ?
- Sous quel rôle ? (plusieurs options possibles)
- Quel type de tiers-lieu avez-vous fréquenté? (plusieurs options possibles)
- Sous quelle occasion ? (plusieurs options possibles)
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- Si vous avez assisté à un événement culturel, de quel type était-il? (plusieurs options
possibles)
- Avez-vous déjà dépensé de l'argent aux services d'un tiers-lieu?
- Avez-vous déjà été rémunéré pour vos services à un tiers-lieu?
- (Titre de sous-partie) Votre expérience personnelle au tiers-lieu
- (Description de sous-partie) Ici vous trouverez des phrases qui potentiellement vous
concernent ou pas. Cochez le numéro du niveau auquel vous êtes d'accord ou pas.
- (Question) Pensez à un tiers-lieu qui vous a marqué. Pouvez-vous citer son nom en
ajoutant la ville où il se trouve?
- Comment avez-vous eu connaissance du tiers-lieu ?
- (Phrases) Au tiers-lieu j'ai fait la connaissance de nouvelles personnes.
- Au tiers-lieu j'ai apprécié l’atmosphère ambiante.
- Au tiers-lieu je me suis senti(e) bienvenu et à l'aise.
- Le tiers-lieu m'a inclus dans sa communauté.
- L’expérience au tiers-lieu a renforcé ma confiance en moi.
- L’expérience au tiers-lieu m'a inspiré pour de nouveaux projets d'avenir.
- L’expérience au tiers-lieu a renforcé ma citoyenneté.
- (Message de clôture) Merci beaucoup pour votre temps!
Mémoire de recherche
M2 Expertise et médiation culturelle 121