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Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didactique

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Abstract

Édith Giovanna Gassion, known as Édith Piaf recorded more than three hundred songs. Her repertoire is as rich as her biography. Often, in the texts of Piaf’s songs, we can find some traces of her life, stories that she had told to her lyricists, who made use of them by suggesting that her songs qualified as realistic. While analysing the texts of Édith Piaf’s songs created between 1935 and 1963, we can identify the vocabulary belonging to the slang register. In the linguistic part of our article, we will try to present this lexicon. In the didactic part of our article we will look at the problem of pedagogical exploitation of the slang vocabulary contained in the songs of Édith Piaf.
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Mieczysław Gajos


ISSN 1429-2173, eISSN 2545-3971, 2022, NR 59/2, 144-164
hp://dx.doi.org/10.14746/n.2022.59.2.10
hp://poltowneo.org/

Université de Łódź
hps://orcid.org/0000-0001-7625-9316
mieczyslaw.gajos@uni.lodz.pl
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

Édith Giovanna Gassion, known as Édith Piaf recorded more
than three hundred songs. Her repertoire is as rich as her biog-
raphy. Oen, in the texts of Piaf’s songs, we can nd some trac-
es of her life, stories that she had told to her lyricists, who made
use of them by suggesng that her songs qualied as realisc.
While analysing the texts of Édith Piaf’s songs created between 1935
and 1963, we can idenfy the vocabulary belonging to the slang regis-
ter. In the linguisc part of our arcle, we will try to present this lexicon.
In the didacc part of our arcle we will look at the problem of peda-
gogical exploitaon of the slang vocabulary contained in the songs of
Édith Piaf.
Keywords: Piaf, song, language registers, slang, language competence,
vocabulary teaching
 Piaf, piosenka, rejestry języka, argot (francuski slang),
kompetencja językowa, nauczanie słownictwa

Pour assurer un niveau de communicaon verbale ecace en langue mater-
nelle ou étrangère, on prétend que c’est la connaissance du vocabulaire qui
est la clé du succès. On peut facilement entendre des opinions d’après les-
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Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
quelles les échecs de communicaon sont dus le plus souvent à une mécon-
naissance du lexique (Hameau, 1971 ; Komorowska, 1993).
Pour beaucoup d’apprenants, acquérir une langue étrangère, c’est
avant tout apprendre des mots et la grammaire. Ce point de vue a été conr-
mé par Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca qui ont constaté que :
L’entrée par le vocabulaire est un penchant naturel à tout apprenant de
langue étrangère : qui n’a pas tenté quelques pas dans une nouvelle langue
par des quesons comme : „comment dit-on ceci ou cela en…” ? En eet, le
vocabulaire est pour l’apprenant le canal le plus direct qui le relie à son sys-
tème conceptuel : il n’y a donc pas de raison de l’en priver (Cuq, Gruca,
2002 : 363).
Cet avis se rapporte non seulement au vocabulaire qui relève du niveau stan-
dard mais aussi à celui qui apparent à d’autres registres de langue. La ques-
on concernant l’approche de diérents niveaux de langue dans la didac-
que des langues étrangères a été soulevée par Colee Stourdzé (1971) qui
a postulé d’enrichir le bagage lexical des apprenants par des mots qui dé-
passaient les fameuses listes du français fondamental : mots et tournures
populaires, courants et familiers qui étaient absents dans les manuels issus
de l’approche SGAV et que l’on pouvait facilement entendre dans des textes
authenques tels que les lms ou les chansons.
Chantal Riaud-Hunet (2011, 2022) a repris la problémaque des ni-
veaux de langue lancée par Stourdzé mais elle l’a avant tout examinée dans
une perspecve sociolinguisque.
En enseignant un nouveau mode de communicaon à des apprenants,
il faudrait leur faire savoir que la forme des messages langagiers oraux et
écrits peut considérablement varier selon le statut socioprofessionnel et so-
cioculturel des interlocuteurs. Le choix des mots, des tournures, et même
des structures grammacales dépend en grande pare du type de message,
de l’intenon de communicaon, du lieu où se déroule l’acte de communica-
on ou de la nature des relaons entre les interlocuteurs.
On a commencé à signaler ce problème avec l’apparion des mé-
thodes communicaves qui étaient en grande pare fondées sur le travail
avec des documents authenques oraux ou écrits.
Quand on analyse le contenu lexical des manuels de langue ulisés
dans l’enseignement instuonnel, on y remarque une très faible représen-
taon des mots « sauvages », non-standards (Gajos, 2014 ; Gajos, 2019). Ce-
pendant : « Il existe en eet, et spécialement de nos jours, en France une
sorte de français sauvage qui se superpose couramment à l’expression o-
cielle. Cela va du français familier à d’autres formes plus grossières : français
vulgaire ou argot » (Roland, 1977 : 2).
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Mieczysław Gajos
Chantal Riaud-Hunet répertorie, dans son dernier ouvrage (2022),
six niveaux de langue, ou styles de langage :
le français standard (souvent nommé « courant », parfois « cor-
rect », sur les sites internet) correspond au français de référence.
En allant vers le bas, l’auteure classe dans sa typologie :
le français familier, ou français quodien,
le niveau dit relâché,
le niveau équeté « vulgaire ou grossier ».
En allant vers le haut par rapport au français standard, Riaud-Hunet
disngue :
le niveau soutenu
le niveau recherché.
Pour être complet quant à la liste des niveaux de langue, il faut ajouter ce
qui se rapporte aux langues de spécialités, de groupes (langue des snobs,
des jeunes, des entreprises…), à la langue de l’Administraon, de la polique,
à l’argot, à l’euphémisaon et à tous les contournements qu’elle nécessite
(Riaud-Hunet, 2022 : 303).
Les auteurs du Diconnaire du français Le Robert &CLE, conçu pour les
personnes dont le français n’est pas la langue maternelle, disnguent seu-
lement « trois niveaux de langue qui recouvrent bien l’usage actuel : nor-
mal, style familier, style recherché » (Rey Debove, 1999 : XI). L’approche des
niveaux de langue pour les étrangers est donc très simplié.
La nécessité de la sensibilisaon au vocabulaire non-standard en langue
étrangère a été à plusieurs reprises menonnée dans le CECRL, aussi bien dans
sa version iniale (2001) que dans celle rénovée et élargie en 2018. Quant
au développement des compétences lexicale, discursive et sociolinguisque,
les auteurs du CECRL soulignent le besoin du travail didacque en classe de
langue ayant pour objecfs de familiariser les apprenants avec « les variétés
de langues ulisées dans des contextes diérents », « la façon d’exprimer les
registres et de passer de l’un à l’autre » (CERCL, 2018 : 162).
Pour le réaliser dans un contexte pédagogique, il faudrait que les ap-
prenants soient exposés directement à l’ulisaon authenque de la langue
étrangère, en écoutant par exemple : des enregistrements, la radio, en regar-
dant la télévision ou des vidéos.
La chanson est un document authenque par excellence qui peut ser-
vir à développer en classe de langue plusieurs compétences. Étant donné
que « la chanson est aussi la langue, elle constue même une bonne intro-
ducon à la récepon de diérents types de langues, de diérents niveaux
de langues » (Calvet, 1980 : 20).
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Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
Au seuil du 60e anniversaire de la disparion d’Édith Piaf, la plus
connue des chanteuses populaires dans le monde francophone, nous
nous proposons d’analyser les textes de ses chansons pour pouvoir éva-
luer leur ulité dans l’approche du français non-standard à des apprenants
polonophones. Notre recherche sera fondée sur l’analyse du corpus
de chansons d’Édith Piaf publiées dans l’édion établie par Pierre Saka
en 1994. Ce corpus conent plus de deux cents textes (228) parmi lesquels
ceux écrits par Piaf elle-même. L’étude linguisque prendra en compte
l’analyse stylisque des textes de chansons, suivie de la véricaon du sens
et du registre des mots non-standards dans les diconnaires : Diconnaire
de l’argot (Colin, 1992), Le Pet Robert (Rey, Rey-Debove, 2018). Cee par-
e de recherche sera suivie d’une approche didacque nous essaierons
de proposer quelques pistes méthodologiques d’exploitaon du vocabulaire
« sauvage » qui se trouve dans les chansons de la plus grande chanteuse
française de tous les temps.

Édith Giovanna Gassion, dite Édith Piaf, a dans son pseudonyme arsque
le nom d’un oiseau exprimé en français argoque. Elle le doit à Louis Leplée
qui l’a entendue au carrefour de la rue Troyon et de l’avenue Mac-Mahon et
lui a proposé son premier contrat professionnel dans son cabaret Le Gerny’s,
rue Pierre Charron, tout près des Champs-Elysées. Édith a décrit cet évène-
ment dans son autobiographie Au bal de la chance, publiée en 1958 :
– Au fait, comment t’appelles-tu ?
– Édith Gassion.
– Ce n’est pas un nom de théâtre.
(…)
Il me regarda un long moment, songeur, puis il dit :
Tu es un vrai moineau de Paris, et le vrai nom qui t’irait, ce serait Moi-
neau. Malheureusement la Môme Moineau, c’est déjà pris.1 Il faut cher-
cher autre chose…
Un moineau en argot, c’est un piaf. Pourquoi ne serais-tu pas la Môme Piaf ?
Il rééchit quelques secondes encore, puis il reprit :
– C’est décidé ! Tu seras la Môme Piaf.
J’étais bapsée pour la vie (Piaf, 2003 : 39-40).
1 Ce nom a été accordé à Lucienne Garcia, vendeuse de eurs et chanteuse de rue
de Paris. Découverte par le propriétaire du cabaret Chez Fysher, elle fut nommée La
Môme Moineau vers la n des années vingt du XXe siècle.
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Mieczysław Gajos
Le baptême arsque d’Édith Giovanna Gassion a été aesté par Si-
mone Bertaut qui a vécu auprès de Piaf au début de sa carrière.
Nous on aimait pas tellement Piaf. On trouvait que ça ne faisait pas assez
arste. Le soir Édith m’a dit :
– Piaf, ça te plaît ?
– Pas beaucoup.
Elle s’est mise à rééchir :
Tu sais, Momone, « la môme Piaf » ça ne sonne pas si mal que ça. Piaf je
trouve que ça a de la gueule. C’est genl un pet Piaf. Ça chante ! C’est gai,
c’est le printemps, c’est nous, quoi ! Il est quand même pas bête ce bon-
homme-là (Berteaut, 1969 : 78).
C’est ainsi que nous retrouvons dans le pseudonyme arsque d’Édith
deux noms d’origine « sauvage ». Le premier, la môme, apparent au registre
familier et désigne un enfant ou une jeune lle/une jeune femme. L’autre,
le piaf, apparent à l’argot parisien et désigne un moineau. Tous les deux
sont notés dans le Diconnaire de l’argot (DA) de Jean-Paul Colin (1992) et
dans Le Pet Robert (PR) de Josee Ray-Debove et Allain Rey (2018). Quant
à leur étymologie, l’un et l’autre sont très vraisemblablement d’une racine
onomatopéique. Piaf est un pet moineau, oiseau populaire, qui par sa li-
vrée brune striée de gris et de noir ne se fait pas trop disnguer. Le nom
inventé par Leplée allait très bien à Édith qui avait à peine 1m47 de taille et
chantait la misère dans ses chansons réalistes, surtout au tout début de sa
carrière arsque.
La première pare du nom arsque d’Édith Giovanna Gassion, « la
môme », a été tout naturellement remplacée par son vrai prénom, mais seu-
lement en 1937 lors de son apparion dans le nouveau spectacle à l’A.B.C,
music-hall parisien, théâtre du rire et de la chanson dirigé par Miy Gol-
din passaient les plus grands arstes de l’époque. Après le passage de
Piaf à l’A.B.C., Marc Blanquet a intulé son arcle du 26 novembre 1937 : La
môme Piaf est morte ! Vive Édith Piaf ! (Marchois, 1993 : 11). Dans son texte,
il a remarqué : « Il y a beau temps déjà que le moineau de Paname méritait ce
nom qu’aujourd’hui on lui donne ». Notons dans cee phrase un autre mot
« sauvage », Paname, qui est ulisé pour désigner Paris et sa grandeur. Tous
les noms non-standards menonnés jusqu’à présent, nous les retrouverons
dans les textes de chansons de Piaf.
Lanalyse de ses chansons en classe de FLE pourrait permere aux
apprenants étrangers de se familiariser avec le vocabulaire non-standard ap-
partenant aux registres familier, populaire ou argoque. Bien que les textes
de ces chansons aient écréés dans les années 1935-1963 du XXe siècle,
il y a beaucoup de mots chez Piaf qui sont ulisés couramment dans les
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Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
situaons de communicaon langagière au XXIe siècle. C’est l’une des raisons
pour lesquelles le choix des chansons de Piaf pour l’enseignement du FLE
semble être tout à fait jusé.
Au niveau de la thémaque, les chansons de Piaf, qui a toute sa vie
chanté l’amour, n’ont rien perdu de leur actualité. L’amour pour un homme,
l’amour pour l’enfant, l’amour pour la patrie, l’amour pour Paris restent les
sujets privilégiés de Piaf. Ses chansons véhiculent les valeurs universelles de
l’humanité : l’amour, l’amié, l’aecon, la famille, la fraternité, la paix, le
respect ou la réciprocité.
La musique de ses chansons, les arrangements n’ont pas vieilli et
arent les auditeurs dans le monde ener. Beaucoup de jeunes arstes
puisent dans le répertoire d’Édith Piaf et incorporent ses chansons dans le
leur. C’est le cas, par exemple, de Zaz qui a commencé sa carrière arsque
en chantant Dans ma rue, créée par Piaf. Zaz a aussi repris d’autres tres
de Piaf parmi lesquels : Sous le ciel de Paris ou Padam… padam. Parmi ceux
qui ont chanté les chansons de Piaf, on peut menonner : Benjamin Biolay,
Isabelle Boulay, Eenne Daho, Liane Foly, Patricia Kaas, Cheb Mamy, Florent
Pagny, Lady Gaga et beaucoup d’autres.
Piaf symbolise enn Paris et la France. C’est une arste dont l’œuvre fait
pare du patrimoine culturel français. Dans le catalogue de l’exposion « Piaf,
la môme de Paris » (Lévy, 2003 : 5), Charles Aznavour a écrit : « Comme Jeanne
d’Arc, Napoléon ou Victor Hugo, elle représente la France, pet bout de femme
reposant dans la chaleur de nos cœurs, loin des tombeaux glacés du Pan-
théon ». Aznavour a également constaté que : « Encore plus populaire que de
son vivant dans des pays où elle n’a jamais mis les pieds, l’énigme de Piaf con-
nue à faire ses adeptes ». Tel est le cas de la Pologne où Piaf n’a jamais chanté
et où, pourtant, sa silhouee et ses chansons sont très bien connues. On peut
facilement acheter ses disques, on peut aussi trouver quelques biographies de
Piaf d’auteurs polonais (Szczotkowski 1993, Rawik 1998, Rawik 2003, Słowiński
2009, Gajos 2010, Gajos, Dończyk-Gajos 2021).

Édith Piaf a enregistré environ trois cents chansons. Ce répertoire fait par-
e du patrimoine naonal, comme l’a remarqué Yves Salugues (Saka,
1994 : 8). Piaf était dicile dans le choix de ses chansons. Tout au long de
sa carrière arsque, ce qui l’intéressait d’abord dans la chanson, c’était le
texte. D’après Piaf : « Créer une chanson, c’est faire vivre un personnage.
Comment y parvenir si les paroles sont médiocres, même si la musique est
bonne ? » (Piaf, 2003 : 91).
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Mieczysław Gajos
Souvent, Piaf fait vivre dans ses chansons les personnages de milieux
défavorisés qu’elle avait connus et fréquentés dans son enfance et dans sa
jeunesse. On n’y parlait pas une belle langue française, celle des livres de la
série rose pour enfants. Les années passées à Belleville, dans la maison close
tenue par ses grands-parents à Bernay ou encore à Pigalle pèseront lourd
dans la vie de Piaf. Comme le constate Marc Robine : « Elle développera
dans son œuvre une mythologie, idéalisant le mauvais garçon et la lle des
rues, au point d’en faire des archétypes de héros populaires, symboles d’une
certaine concepon de la liberté, un peu comme Arisde Bruant avait pu
le faire à la n du siècle précédent » (Piaf, 2003 : 26). Les personnages des
chansons de Piaf ulisent un langage dans lequel on peut facilement repé-
rer des mots et tournures appartenant au français non standard. Tout comme
chez Brassens ou chez Renaud, on peut observer dans les chansons de Piaf
« une mixité stylisque » (Szabó, 2021). D’un côté le français qu’on peut
qualier de liéraire avec un vocabulaire recherché, et de l’autre de nom-
breux exemples de vocabulaire appartenant aux registres inférieurs. Il sut
d’analyser les tres des chansons d’Édith Piaf pour y trouver des unités lexi-
cales qui peuvent être classées « sauvages ». Citons-en quelques exemples :
Mon apéro, Chand d’habits, Les mômes de la cloche, Je m’en fous pas mal,
Et, ça gueule ça, madame ou La goualante du pauvre Jean. Ces quelques
tres nous serviront de point de départ pour une analyse du lexique non-
standard dans les textes de chansons d’Édith Piaf. Cee étude fera référence
avant tout à l’aspect sémanque et stylisque, mais aussi à la fréquence et
à la structure interne des mots. Notre analyse ne sera pas exhausve étant
donné la complexité du problème et les limites de cet arcle. Certains as-
pects de l’analyse seront seulement menonnés et pourront donner suite à
des études plus approfondies.
Dans le tre de la chanson Mon apéro (Malleron, 1936), nous
avons l’apocope apéro. Il s’agit ici d’une apocope resuxée du mot apéri-
f > apér auquel on a ajouté le suxe –o.
Moi, c’est au bord du comptoir
Que je prends tous les soirs
Mon apéro (31)2
Le soir, à l’heure de l’apéro
Il s’amenait dans notr’ bistro (76)
Dans le texte de Malleron, nous retrouvons ce mot au pluriel : apéros.
2 Les numéros à côté des fragments cités renvoient à la page dans le recueil de chan-
sons d’Édith Piaf (Saka, 1994).
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Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
Je buvais dans tous les bars
Des apéros (32)
Dans les textes de chansons d’Édith Piaf, on trouve d’autres apo-
copes. Cee réducon lexicale qui consiste à supprimer les syllabes -
nales d’un mot est appliquée aussi bien aux mots ordinaires qu’aux noms
propres. Ce type de réducon lexicale est typique au français parlé et appa-
raît fréquemment dans les chansons de Piaf. Ci-dessous, nous en présentons
quelques exemples :
auto < automobile Autos, vélos klaxonnent (104)
boni < boniment Pour le resquillage et l’boni (73)
ciné < cinéma <cinématographe J’préfère le ciné (49)
Un autre que moi aurait marché à ton ciné,
pas moi (310)
dactylo < dactylographe Il embrassait chaque jour une dactylo (32)
la Jag’ < la Jaguar La Jag’ prend le départ (354)
gars < garçon Devant le comptoir des gars trônent (16)
Je suis simplement un gars (19)
On a repêché le corps d’un gars de marine
(19)
Il est venu un gars (35)
Le gars par, la lle avec lui (35)
C’était un gars de la Coloniale (57)
Où sont-ils tous mes p’ts gars
Je connaissais des p’ts gars de Saint-Cloud
Je connaissais des gars de la Villee
Je connaissais les gars d’un peu partout (92)
C’est un drôle de p’t gars
Un accordéoniste (97)
Le gars prétend que la blague est bonne
(103)
Un p’t gars de chez nous (194)
J’ai l’cœur trop grand pour un seul gars
(260)
Aenon, mon gars (321)
mécano < mécanicien Et je rêvais d’un pet mécano (32)
mélo < mélodrame Tant pis pour le mélo (371)
métro < métropolitain Un sale métro (169)
Le métro de Paris (302)
moto < motocyclee L’homme à la moto (244)
phono < phonographe Le phono joue une java (31)
Un phono s’enrage (115)
Tous les phonos dansent (116)
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Mieczysław Gajos
Un phono chante sa vieille rengaine (128)
Elle écoute le phono (129)
photo < photographie Il nous montrait des tas d’photos (69)
restaur’ < restaurant C’qui fait qu’en sortant du restaur’
Tatav’ s’est trouvé d’vant Totor (74)
rétro < rétrospecf, rétrograde Mégalomane pathologique, indiscutable-
ment
Un rétro décient… (49)
vélo < vélocipède Autos, vélos klaxonnent (104)
le Sébasto < le boulevard Sébastopol Nos femmes triment sur l’Sébasto (27)
Au Sébasto, à la Chapelle (40)
Dans le PR, les apocopes sont le plus souvent accompagnées des qua-
licafs (pop) populaire ou (fam) familier.
Dans le tre de la chanson Chand d’habits dont le texte a écréé
par Jacques Bourgeat (1936), nous retrouvons un autre type de réduc-
on lexicale qui consiste à raccourcir un mot en supprimant ses syllabes ini-
ales :
chand < marchand
Il s’agit de l’aphérèse. Dans le texte de Bourgeat, la syllabe mar- a été
remplacée dans l’orthographe par une apostrophe. Cee façon de noter les
aphérèses ne se praque plus en français contemporain.
Dis-moi, ’chand d’habits
N’as-tu pas trouvé
Parmi le lot de mes vieilles défroques
Que ce man je te vendis à regret
’Chand d’habits, parmi elles,
N’as-tu trouvé tout en loques,
Triste, lamentable, déchiré,
Un douloureux cœur abandonné ? (44)
Laphérèse chand est absente dans le PR, mais elle est notée dans le DA.
Dans le même texte, nous retrouvons d’autres mots non-standards : les
défroques et en loques. Tous les deux sont qualiés dans le PR de courant et
péjoraf et désignent de vieux vêtements sales et déchirés. Remarquons que
le mot loques est aussi noté dans le DA.
Contrairement aux apocopes, les aphérèses n’apparaissent pas sou-
vent dans les textes de chansons d’Édith Piaf. Au total, nous en avons relevé
seulement quatre. Les trois autres sont : cré < sacré (fam.) ulisé dans l’in-
terjecon Oh cré nom de nom (42) dans la chanson La java de Cézique avec
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Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
le texte de Groe (1936). Notons dans le tre de cee chanson la forme du
pronom personnel accentué existant en argot. Ce pronom personnel s’em-
ploie avant tout comme complément de nom ou de verbe après une prépo-
sion. Jean Paul Colin (1992 : 405) en donne toute une série :
Moi > mézig(ue) Nous > no(s)zigue(s)
Toi > tézig(ue) Vous > vozigue
Lui > sézigue Eux > leur(s)zigue(s)
Dans le texte de la chanson, zigue est le surnom donné à un accordéo-
niste, personnage principal de l’histoire :
Cézique est un p’t bonhomme
Aux joues jouues comme une pomme
Qui joue d’l’accordéon
Le soir chez un bougnat de la rue d’Charenton (41)
Dans la même chanson, il y a l’aphérèse bougnat de charbougnat, mot em-
ployé pour désigner un marchand de vin et de charbon mais aussi les pa-
trons de bistrots. Et c’est dans ce dernier sens que cee aphérèse est ulisée
dans la chanson de Piaf. Cee aphérèse est notée dans le PR comme fam. et
vieillie. On la retrouve également dans le DA.
La dernière aphérèse, taa < rataa, a été ulisée par René Rouzaud
dans La goualante du pauvre Jean (1954) que nous allons analyser dans la
suite de notre arcle. L’aphérèse taa qui désigne toute boisson forte a été
formée à parr de rataa « eau de vie anllaise à base de canne à sucre »
(Colin, 1992 : 606). Elle est notée dans le PR sans aucune abréviaon mar-
quant l’appartenance à un tel ou autre registre de langue.
Tout comme les deux chansons précédentes, Les mômes de la cloche
datent de 1936. Le texte de la chanson a été conçu par Decage. C’est une
histoire de jeunes clochards. La cloche > terme ulisé en argot pour dési-
gner une généraon d’alcooliques. Le nom môme que nous avons déjà
vu dans le premier surnom arsque de Piaf se rapporte aux personnes
jeunes : enfants, adolescents, jeunes hommes, jeunes lles.
C’est nous les mômes, les mômes de la cloche
Clochards qui s’en vont sans un rond en poche
C’est nous les paumés, les purées d’paumés
Qui s’en vont dormir dans l’horrible trou (41)
La misère et la malchance de ces individus sans ressources matérielles et
morales est reprise par les mots : les paumés et les purées.
154
Mieczysław Gajos
Dans le fragment cité, il y a encore l’expression sans un rond en poche
qui veut dire sans argent et est ulisée pour souligner la pauvreté des héros
de la chanson. Ces trois mots sont notés dans les deux diconnaires de réfé-
rence. Le PR les classe comme fam.
Dans la suite de la chanson, nous pouvons lire :
Nous avons pourtant
Cœur pas exigent
Mais personne n’en veut
Et ben tant pis pour eux
Qu’e’qu ‘ça fout
On s’en fout ! (40)
On y trouve les verbes foutre et s’(en) foutre. Le premier est ulisé le
plus souvent au sens de mere, donner, faire tandis que l’autre s’emploie
pour marquer son désintéressement. Ces deux verbes apparaissent très
souvent dans les chansons de Piaf. Nous avons déjà vu le tre d’une chan-
son de Michel Emer (1940) qui conent le verbe s’en foutre : Je m’en fous pas
mal. Ce verbe est également ulisé dans la chanson-testament de Piaf Non,
je ne regree rien dont le texte a été écrit par Michel Vaucaire (1960) où elle
chante en évoquant le passé :
Non, rien de rien
Non, je ne regree rien
C’est payé, balayé, oublié
Je me fous du passé (287)
Nous présentons ci-dessous quelques exemples contenant les verbes foutre
et se foutre :
Un jour, il lui f’ra des misères
Mais ell’ s’en fout, ell’ n’y pens’ pas. (104)
Je me fous du monde ener (196) (sens : se moquer)
Tout le monde se fout bien
De Marie la Française (250)
Il s’fout de la douane (23)
Il va jouer ailleurs, ou bien se foutre à l’eau (325) (se noyer intenonnelle-
ment)
J’m’en fous pas mal
Y peut m’arriver n’importe quoi
J’m’en fous pas mal
J’ai mon dimanche qui est à moi
C’est p’t’êt’ banal
155
Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
Mais ce que les gens pensent de vous
Ça m’est égal !
J’m’en fous ! (140)
Voyant que l’amour foutait le camp (sens : s’en aller)
Je suis revenue au comptoir (32)
Je vois l’ciel qui fout l’camp (71)
Rarape-le si tu peux
Mon amour, mon amour
Qui fout le camp…
Enn le printemps ! (235)
Il fout des gnons (42) (sens : frapper, donner des coups)
Il fout des taloches à tout’ la marmaille (172) (sens : donner des gies aux en-
fants)
Dans les chansons de Piaf, on peut aussi trouver des exemples d’em-
ploi adjecval du parcipe passé du verbe foutre > foutu au sens : perdu,
ruiné, ni :
Dans les aair’s, quand on s’laiss’faire, on est foutu (73)
Sans ça la morale est foutue (74)
Sa vie, elle est foutue (98)
Toute une jeunesse de foutue (355)
Lemploi du verbe (se) foutre s’inscrit dans le registre familier mais
aussi dans le registre vulgaire.
Et ça gueule ça, madame est une chanson interprétée par Édith Piaf
en duo avec Jacques Pills dans le lm Boum sur Paris. Les paroles ont é
écrites par Piaf elle-même. Le verbe gueuler, ulisé à plusieurs reprises dans
la chanson, apparent d’après le PR au registre familier pour parler, crier ou
chanter très fort. Il est également noté dans le DA. Ci-dessous, nous présen-
tons quelques exemples d’emploi de ce verbe dans le texte de Piaf :
Et ça gueule, ça, madame
On n’entend qu’elle dans la maison (…)
J’ai envie de la prendre dans mes bras
Et de la serrer tout contre moi…
Mais… ça gueule, ça, madame ! (…)
Et ça re-gueule, ça, madame
Même que tout valse dans la maison (…) (205)
Quant à l’étymologie de ce verbe, c’est un dénominal de gueule, substanf
qui apparaît dans quelques chansons de Piaf. Ce substanf, qui reste très
156
Mieczysław Gajos
fréquent de nos jours, s’ulise pour : une bouche, un visage. Il fait pare de
quelques syntagmes, comme :
faire la gueule > bouder, être de mauvaise humeur
se casser la gueule > tomber
casser la gueule à qqn > frapper quelqu’un
avoir de la gueule > avoir de l’allure, être chic
se foutre de la gueule de qqn > se moquer de qqn
Voici quelques extraits de chansons de Piaf dans lesquels se trouve ce subs-
tanf :
Ah, c’que t’es grand
T’a une belle gueule (51)
Les lles qui font la gueule
Les hommes n’en veulent pas (98)
Au r’voir, p’te gueule !... (261)
À part la gueule, on peut trouver, dans les textes de chansons de Piaf,
d’autres pares du corps humain exprimées en français non-standard, ap-
partenant aux registres familier et argoque :
un bec > une bouche (fam.) À l’heur’ des r’pas dans notre garno
M’laissaient souvent sans un pélo,
Le bec ouvert (11)
un blerre (blair) > un nez (fam. Hitler, Moi, je l’ai dans le blerre (49)
et arg.)
une miree > un œil (arg.) Dans le jour nous planquons nos mirees
(28)
un museau > un visage (fam.) Collant aux vitres leurs museaux (192)
un palpitant > un cœur (fam.) Un rencart et l’on a l’palpitant culbuté (48)
Entends comme sa chahute
Dans tous les palpitants (234)
une patoche > une main (fam.) Ses grandes patoches blanches (38)
une prunelle > un œil (cour.) Il leva sur moi ses prunelles (45)
Parmi les pares du corps citées ci-dessus, il n’y a pas d’esgourdes,
organe constuant l’appareil audif. Cependant dans l’une des chansons de
Piaf, on trouve le verbe esgourder qui en argot veut dire écouter, entendre.
La goualante du pauvre Jean avec le texte de René Rouzaud (1954) est
le dernier tre que nous allons analyser. Nous allons le faire dans une pers-
pecve didacque.
157
Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque

Dans La goualante du pauvre Jean, comme dans beaucoup d’autres chan-
sons du riche répertoire d’Édith Piaf, il y a des mots que l’on ne trouve dans
aucun manuel de FLE. Elle peut donc servir à sensibiliser les apprenants à
diérents registres de langue en leur proposant des acvités fondées sur le
texte de la chanson.
Ci-dessous nous présentons quelques acvités conçues pour les étu-
diants d’études romanes ayant acquis le niveau B1 en français. Il y a plusieurs
façons d’exploiter les textes de chansons (Boiron, 2001 ; Deczewska, J. 2020 ;
Kondrat D. 2022). Notre démarche méthodologique est en grande pare
fondée sur l’approche onomasiologique l’on invite les étudiants à décou-
vrir le sens d’une chanson à parr de sa forme. Les hypothèses formulées
sur le sens du texte permeent de développer la créavité des apprenants
et les interacons entre eux.
Acvité 1.
Découverte de la chanson et de son contexte culturel à parr d’un document
authenque écrit.
On demandera aux étudiants d’analyser la page de couverture d’une par-
on d’une chanson. Elle doit abour à faire découvrir : le tre de la chanson,
ses auteurs compositeur et parolier, les noms d’interprètes, propriétaires
des droits d’auteurs, leur adresse, les noms des maisons de disques. On pour-
rait aussi proposer une recherche d’informaons sur les chanteurs : Édith
Piaf et Yves Montand.
Acvité 2.
Faire des hypothèses sur le thème et le contenu de la chanson à parr de
son tre.
On invitera les étudiants à donner leurs opinions sur le thème, le person-
nage, le contenu de la chanson, son caractère, etc. Cee acvité de créa-
vité permera de réviser l’emploi des structures qui permeent d’expri-
mer son avis : d’après moi, selon moi, à mon avis, je pense que, je crois que,
je trouve que, il me semble que, etc.
Acvité 3.
Faire découvrir et comprendre la chanson en y entrant par la musique ou
les images.
On présentera l’enregistrement audio ou vidéo de la chanson, en aen-
dant des étudiants leurs premières impressions. On pourrait passer à la
véricaon des hypothèses préalablement formulées (voir acvité 2). On y
158
Mieczysław Gajos
mera l’accent surtout sur la couche musicale, sans entrer dans le texte.
Pour guider les étudiants dans cee découverte de la chanson par la mu-
sique, on pourrait leur poser quelques quesons : Quel est le style de mu-
sique ? Comment est la mélodie ? Quel est le rythme de la chanson ? Quel est
son ton ? Est-ce une chanson gaie ou triste ? Elle est opmiste ou pessimiste ?
Qui chante ? Comment est sa voix ? Quelles pares peut-on disnguer dans
cee chanson ? Y a-t-il des couplets ? Combien y en a-t-il ? Y a-t-il un re-
frain ? Quels instruments entendez-vous ? Quelles images, couleurs voyez-
vous quand vous entendez cee chanson ? A qui s’adresse-t-elle ?
Acvité 4.
Faire repérer à l’oral les éléments lexicaux non-standards (Acvité de com-
préhension sélecve).
On donnera aux étudiants un texte truqué, dans lequel les mots non-stan-
dards ont été remplacés par des mots du registre standard. En écoutant la
chanson, les étudiants doivent trouver ces endroits. Pendant la première
écoute, ils soulignent seulement les mots qu’ils n’entendent pas dans la
chanson. Pendant la deuxième écoute, ils essaient de capter les mots uli-
sés dans la chanson et de les transcrire. Ainsi, les étudiants découvriront la
forme et le sens des mots non- standards en s’appuyant sur le vocabulaire
ulisé dans le texte truqué.
Écoutez rien qu’un instant
La chanson du pauvre Jean
Que les femmes n’aimaient pas
Et n’oubliez pas
Dans la vie y a qu’une morale
Qu’on soit riche ou sans argent
Sans amour on est rien du tout
On est rien du tout !
Il vivait au jour le jour
Dans la soie et le velours
Il dormait dans des beaux draps
Mais n’oubliez pas
Dans la vie
On ne vaut rien
Quand notre cœur est au clou
Sans amour on est rien du tout
On est rien du tout !
Il dansait dans les salons
Il mangeait chez les barons
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Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
Et buvait tous les alcools
Mais n’oubliez pas !
Rien ne vaut une belle lle
Qui partage votre danger
Sans amour on est rien du tout
On est rien du tout !
Pour gagner de l’argent
Il fut un méchant voleur
On le saluait bien bas
Mais n’oubliez pas !
Un jour on fait la pirouee
Et derrière les verrous
Sans amour on est rien du tout
On est rien du tout !
Écoutez bien jeunes gens
Protez de vos vingt ans
On ne les a qu’une fois
Mais n’oubliez pas
Plutôt qu’une cordelee
Mieux vaut une femme à son cou
Sans amour on est rien du tout
On est rien du tout !
Et voilà mes braves gens
La goualante du pauvre Jean
Qui vous dit en vous quiant
Aimez-vous !
Acvité 5.
Mere en ordre.
On peut systémaser les nouveaux acquis lexicaux en proposant aux étu-
diants de construire un tableau synopque selon le modèle :
esgourder v. argot écouter
Acvité 6.
Classez les mots ci-dessous selon le type de réducon lexicale appliquée à
leur formaon. De quels mots ont-ils été abrégés ?
apéro, Basen, blème, bus, car, chand, Cécelle, Colas, déj, dico, exo, fac,
gym, inst, lut, manif, mécano, net, ordi, perm, pitaine, prof, pub, Ricain, sal,
Sébasto, sous-o, Topol, vélo, zizique
160
Mieczysław Gajos
Mots de départ Apocope Apocope avec
une resuxaon Aphérèse
Aphérèse avec
un redouble-
ment
gymnasque gym
On pourrait également prévoir un travail sur les champs lexicaux, tout
en permeant aux étudiants d’observer les mécanismes de formaon de
mots, comme dans l’exemple ci-dessus :
La goualante > goualer > un goualeur > une goualeuse

La formaon et le développement des compétences lexicale, sociolin-
guisque et discursive en classe de langue étrangère demandent de l’en-
seignant un travail systémaque sur les diérents niveaux de langue.
Pour sensibiliser les étudiants à cet aspect de la langue, il est préférable
d’apporter en classes des documents authenques oraux, vidéos et écrits
grâce auxquels la découverte du vocabulaire non-standard sera bien contex-
tualisée. Parmi ces documents, il y a les chansons. La France a une bonne
tradion de chansons à texte. Il y a des interprètes pour qui le texte est aussi
important que la musique. Parmi eux, il y a Edith Piaf qui chantait des textes
écrits par de très bons paroliers et poètes.
Bien que les textes de chansons de Piaf aient été écrits il y a plus de 60
ans, ils se prêtent parfaitement bien à une exploitaon pédagogique en classe
de FLE. Dans notre arcle, nous avons essayé de montrer que la couche lexi-
cale des chansons de Piaf dépasse le vocabulaire appartenant au registre
standard. On y trouve facilement des mots du registre courant, populaire,
familier ou argoque qui peuvent constuer un objet d’étude en classe de
FLE. Les étudiants peuvent découvrir non seulement les valeurs stylisques
du vocabulaire non-standard, leur(s) sens, mais aussi quelques mécanismes
de formaon de ces mots et leur évoluon. Certains de ces mots ne sont
certes plus en usage, en revanche il y a en a d’autres que l’on retrouve faci-
lement dans des textes contemporains. Avec les chansons de Piaf, on peut
faire observer aux étudiants que la langue bouge au niveau de chaque sous-
système linguisque. Ces changements sont parculièrement bien marqués
sur le plan lexical. Cet arcle peut donner suite à une étude plus approfon-
die concernant l’actualité du vocabulaire non-standard dans les chansons
d’Édith Piaf.
161
Le français « sauvage » dans les chansons d’Édith Piaf – un aperçu didacque
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Received :14.09.2022
Revised : 27.10.2022
... Le tableau ci-dessous contient les patronymes des personnages fictifs et des personnes réelles. Dans le répertoire de la chanteuse, il y a des chansons dans lesquelles on observe une accumulation de mots d'origine argotique (Gajos, 2022). Souvent, les personnages de ces chansons sont désignés par des surnoms et/ou des sobriquets : ...
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Pendant toute sa carrière artistique, Edith Piaf a enregistré plus de trois cents chansons. Toute sa vie, elle a chanté l’amour et le malheur. Dans son vaste répertoire composé de chansons réalistes, populaires et poétiques, elle raconte des histoires dans lesquelles les personnages sont souvent nommés de nom ou de prénom, sans rester anonymes. On peut y déterminer également un lieu d’action. Les histoires dans les chansons de Piaf se déroulent en principe dans un endroit concret ce qui permet de les rendre encore plus authentiques et plus dramatiques. L’emploi des noms propres dans les textes de chansons d’Édith Piaf est un phénomène stylistique assez répandu. Dans ma communication, je propose de présenter les résultats d’une recherche onomasiologique réalisée à partir d’une analyse de tous les noms propres qui apparaissent dans les textes de chansons d’Édith Piaf et à identifier leurs fonctions. Un article contient également quelques propositions d'exploitation pédagogique des noms propres en cours de français langue étrangère.
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La question que nous nous poserons dans cet article sera de savoir comment parle de l’amour physique un des plus grands chanteurs français de tous les temps, un des plus grands poètes francophones du XXe siècle, Georges Brassens. Le choix de ce thème s’explique d’une part par la réputation de Brassens en tant que chanteur libertin voire pornographe, auteur-interprète de chansons à scandale telles Le gorille, Le mauvais sujet repenti ou P… de toi, et qui n’avait pas peur d’appeler un chat un chat, d’autre part par la richesse et la variabilité stylistique de son œuvre qui semble se caractériser tout autant par un lexique populaire voire argotique que par le registre dit littéraire. L’analyse qualitative du vocabulaire de la sexualité chez Brassens confirme l’hypothèse d’une grande variabilité stylistique chez l’auteur ; en revanche, l’argot et les gros mots sont beaucoup plus rares qu’on aurait pu le croire. Brassens est un pornographe pudique qui parle souvent de la « chose » sans être très explicite.
Chanson en classe, mode d'emploi. « Le français dans le monde
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Boiron M. (2001), Chanson en classe, mode d'emploi. « Le français dans le monde », n o 318, p. 55-57.
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Kreatywne wykorzystanie piosenki z młodzieżą w klasie języka angielskiego. « Języki Obce w Szkole
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