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De l'éclectisme à la gestion complexe de la variation méthodologique en didactique des langues-cultures

Authors:
  • Université Jean Monnet Saint-Etienne (France)

Abstract

Ce document reprend pour l'essentiel les diapositives et les commentaires oraux d'une conférence à distance donnée à l'Université de São Paulo (USP), Faculdade de Filosofia, Letras e Ciências Humanas (FFLCH/USP), le 14 octobre 2022. La thèse que j'y défends est présentée dans son court résumé: "La variation méthodologique est indispensable pour de multiples raisons. Elle a été gérée jusqu'à présent par des passages historiques d'une méthodologie constituée à une autre au sein de configurations didactiques différentes, ou sur le mode interméthodologique de l'éclectisme. Sa gestion doit désormais s'élargir aux modes du multiméthodologique et du pluriméthodologique." Dans une publication de l'année dernière ("Modélisation des types d’approche de la variation méthodologique en enseignement-apprentissage des langues-cultures : de l’éclectisme à la didactique complexe", 2021f), j'avais proposé une modélisation qui portait sur les différentes conceptions de l'éclectisme. Cette nouvelle publication porte sur les différentes manières dont la variation méthodologique est effectuée par les enseignants et auteurs de matériels didactiques au moyen des ressources méthodologiques disponibles. Le modèle croise les quatre grands modes de variation méthodologique - intra-, inter-, multi- et pluri-méthodologique - avec les trois niveaux du méthodologique - micro, méso et macro -, l'éclectisme correspondant historiquement à des variations interméthodologiques aux niveaux micro et méso. Le document se termine par un tableau des "composantes de la compétence de gestion complexe de la variation méthodologique par l'enseignant" qui réutilise, en l'appliquant aux cultures didactiques, le modèle complexe de la compétence culturelle (2011j), avec ses composantes méta-, inter-, multi-, pluri-, co- et trans-culturelles. Version commentée par écrit.
DE L'ÉCLECTISME À LA GESTION COMPLEXE DE LA VARIATION MÉTHODOLOGIQUE
EN DIDACTIQUE DES LANGUES-CULTURES
Christian PUREN
www.christianpuren.com
contact@christianpuren.com
Universidade de São Paulo,
Faculdade de Filosofia, Letras e Ciências Humanas (FFLCH/USP)
XXV
e
Journée de Formation
« Deux décennies de "perspective actionnelle" :
enjeux et perspectives de l’apprentissage par l’action »
Conférence USP - Vendredi 14 octobre 2022
1
Le résumé de ma conférence envoyé aux participants à cette journée de formation
était le suivant:
______________________________________
La variation méthodologique est indispensable pour de multiples raisons. Elle a été
gérée jusqu'à présent par des passages historiques d'une méthodologie constituée à
une autre au sein de configurations didactiques différentes, ou sur le mode
interméthodologique de l'éclectisme. Sa gestion doit désormais s'élargir aux modes
du multiméthodologique et du pluriméthodologique.
___________________________________
N.B. Cette version pdf de mon diaporama au format pdf, tant sur les
diapositives que dans les commentaires sous les diapositives, ne supporte
pas les liens Internet. On transformera les références à mes travaux en liens
Internet comme dans les exemples suivants :
- Puren + 3 chiffres (par ex. « Puren 008 », « Puren 023 ») : ce type de référence
désigne un document avec ce code dans la rubrique « Bibliothèque de travail » de
mon site, à l’adresse https://www.christianpuren.com/biblioth%C3%A8que-de-
travail/.
- Puren + année + lettre (par ex. « Puren 1988a », « Puren 2020f ») : ce type de
référence désigne un document avec ce code dans la rubrique « Mes travaux » de
mon site, à l’adresse https://www.christianpuren.com/mes-travaux/.
1
1. Différents profils, habitudes, stratégies attentes, demandes, besoins d’apprentissage
« différenciation pédagogique »
2. Formation aux valeurs éducatives d’autonomie et de responsabilité individuelles et
collectives, Internet, apprentissage à distance « apprentissage autonome ».
3. Complexité des objets d’apprentissage (langue-culture) approches différentes
4. Gérer la complexité des pratiques d’enseignement-apprentissage en temps réel en classe.
5. Toutes les méthodologies historiquement constituées, avec leurs différents objectifs
sociaux, sont nécessaires pour une « éducation langagière et culturelle » globale : préparer
les élèves, en milieu scolaire, à des besoins non encore repérables.
6. Acquisition et enrichissement des « compétences transversales » pour l’apprentissage et
l’action sociale en général.
7. Différentes configurations didactiques pour différents niveaux d’enseignement, différents
publics et différents types de cours. 2
Les multiples raisons de la variation méthodologique
Voici les raisons qui me sont immédiatement venues à l’esprit. J’ai voulu ensuite les
mettre dans l’ordre « idéal », sans doute celui qui me semblait intuitivement le plus
rationnel. J’ai changé cet ordre plus d’une dizaine de fois pendant quelques jours,
avant de me rendre compte que la tentative était vaine, et trahissait même de ma
part, paradoxalement, un certain manque de « réflexe variationniste ».
Cet ordre en effet varie forcément et fortement en fonction des paramètres
d’enseignement-apprentissage que l’on priorise. Un responsable éducatif ou de
centres de langues mettra le n° 7 en premier s’il pense à la question de l’adaptation
des cours aux différents publics. Les n° 2 et 5 seront privilégiés s’il s’agit
d’enseignement scolaire. Pour un enseignant confronté à la gestion de classes très
hétérogènes, la priorité sera sans doute la raison 1. Mais si l’on se situe dans la
perspective d’une didactique complexe prenant en compte la totalité des
environnements possibles, on est dans l’impossibilité de choisir un ordre, quel qu’il
soit : l’un des caractéristiques d’une problématique (complexe par nature,
contrairement à un problème cf. Puren 023) est en effet que ses éléments ne sont
pas hiérarchisables a priori, chacun d’eux pouvant se trouver être l’élément décisif
dans un environnement donné.
2
Puren 052 (version actuelle 06 10 2022)
3
Je propose depuis plusieurs années cette modélisation des « configurations
didactiques » actuellement disponibles en fonction de l’action sociale prioritairement
visée. Au sein de chaque configuration didactique (sur cette notion, cf. Puren 2012f),
l’action sociale visée (1eligne de chaque configuration) est travaillée au moyen d’une
action scolaire prioritaire (3eligne) qui lui est homologue. Par exemple, pour former
les élèves à interagir langagièrement en langue étrangère avec des étrangers, on
leur demande de faire la même chose en classe entre eux (c’est la fonction de la
simulation de l’approche communicative).
En ce sens, chaque configuration didactique a sa « perspective actionnelle » propre.
La particularité de la dernière, ébauchée dans le CECRL de 2001, est d’être une
action sociale complexe dont la pédagogie de référence est connue depuis longtemps
: c’est la pédagogie de projet. Le projet pédagogique est en relation d’homologie
avec les actions sociales dans la société extérieure: c’est une action sociale dans la
micro-société classe.
C’est parce que l’action d’usage visée et l’action d’apprentissage correspondante sont
des actions complexes (bien plus que le simple échange d’informations, comme dans
la plupart des interactions langagières dans le cadre de l’approche communicative),
qu’elle va demander la mobilisation de l’ensemble des ressources méthodologiques
disponibles. Un projet collectif demande ainsi aux apprenants de travailler sur un
dossier documentaire consistant (mobilisation de la méthodologie active), de
communiquer intensivement entre eux (mobilisation de l’approche communicative),
de faire appel pour cela (pour leur dossier, et pour leur communication) non
seulement à la L2, mais à la L1 et même, au besoin, à des L2+n (mobilisation de
3
l’approche plurilingue), enfin d’agir ensemble pour préparer leur action commune, et
la réaliser (mobilisation de la dernière perspective actionnelle, celle de l’action
sociale). Nous verrons plus avant (diapositives n° 44-45)? sur un exemple concret de
projet pédagogique, comment ce type d’action fonctionne en classe de langue de
cette manière, comme un véritable « intégrateur méthodologique ».
La dernière version de ce schéma des différentes configurations didactiques intègre
les différents types de variations que je vais analyser dans cette conférence (cf. sur
ce schéma les « variations intra-, inter-, multi- et pluri-méthodologiques »). Comme
l’approche expérientielle, dont je parlerai plus avant, ces variations sont présentées
sur ce schéma d’une manière qui veut suggérer à la fois leur utilisation constante au
cours de l’évolution historique des méthodologies, et leur combinaison possible avec
toutes ces méthodologies.
3
4
2020f. « Retour réflexif sur vingt ans d’élaboration de la perspective actionnelle, ou la montée
des approches multi- et pluriméthodologiques ».
XXVeJournée de Formation
« Deux décennies de "perspective actionnelle" :
enjeux et perspectives de l’apprentissage par l’action »
2019g. « L’élaboration de la perspective actionnelle et la situation méthodologique résultante
en didactique des langues-cultures ».
J’ai précédemment abordé cette question de la mobilisation nécessaire de toutes les
ressources méthodologiques disponibles dans les deux documents référencés dans la
diapositive ci-dessus.
4
5
-2022f.Modélisation, types généraux et types didactiques de modèles en didactique complexe
des langues-cultures. Essai (44 p.).
Un modèle, dans le sens de produit d’une modélisation, est une représentation schématique
d'une problématique à partir d’un certain nombre de concepts-clés dont les mises en relation
permettent ensuite de reconstituer la complexité à différentes fins. En particulier, en didactique
des langues-cultures, à des fins cognitives (de représentation mentale pour soi-même),
pédagogiques (de présentation à d’autres), actionnelles (de concertation entre acteurs) et
heuristiques (de recherche individuelle et collective) Dans la discipline DLC, qui relève des
sciences humaines, la modélisation est l’équivalent de ce qu’on appelle la « théorisation » dans
les sciences dites « dures » ou « exactes ». (Puren 2022f, p. 3)
- (Référence 2022f) Je vais utiliser, pour étudier les outils de cette « mobilisation
générale » des méthodologies, l’outil de la modélisation, auquel j’ai consacré cette
année cet essai.
- (Citation) Dans cet essai 2022f, je donne cette définition de la notion de
« modèle ».
5
6
2021f. « Modélisation des types d’approche de la variation méthodologique en enseignement-
apprentissage des langues-cultures : de l’éclectisme à la didactique complexe ».
1. L’éclectisme empirique positif orienté processus enseignant
2. L’éclectisme empirique positif orienté produit institutionnel
3. L’éclectisme scientifique positif orienté produit disciplinaire
4. L’éclectisme empirique négatif orienté produit enseignant
5 Gestion modélisatrice, positive, orientée à la fois produit et processus, à la
apprenant et enseignant.
- (Référence 2021f) J’ai déjà proposé dans ce document 2021f une modélisation de
la variation méthodologique portant sur les différentes conceptions que les acteurs,
au cours de l’histoire de la didactique des langues en France depuis les années 1880,
se sont faits de ce qu’ils appelaient eux-mêmes « l’éclectisme ».
- (N° 1, 2, 3) En reprenant les déclarations des acteurs historiques (professeurs,
auteurs de manuels, inspecteurs), déjà présentées précédemment dans mon Histoire
des méthodologies de l’enseignement des langues (Puren 1988a) et dans mon Essai
sur l’éclectisme (1994e), j’aboutis au modèle suivant (1, 2, 3), qui se base, comme
on le voit sur un certain nombre de concepts-clés correspondant aux grandes
caractéristiques possibles de chaque forme d’éclectisme.
Les n° 4 et 5 sont une illustration de la fonction heuristique des modèles :
- (N° 4) Cette modélisation 2021f fait apparaître les caractéristiques particulières de
l’éclectisme que les auteurs du CECRL prêtent aux enseignants : il leur paraît un pis-
aller en l’absence actuelle de certitudes scientifiques (cf. CECRL 2001, pp. 108-109).
Ces auteurs, en tant qu’experts, se placent dans une position « surplombante » par
rapport aux enseignants.
- (N° 5) Cette modélisation 2021f fait apparaître également les caractéristiques de
ce qu’on ne peut plus appeler l’« éclectisme », mais la « gestion complexe de la
variation méthodologique » : à partir du moment où on ne situe plus dans une
attente de cohérence unique, globale et permanente (comme c’était le cas pendant
toute la période des méthodologies constituées dominantes), ce qu’on percevait
6
auparavant comme éclectisme (comme des emprunts à des méthodologies
différentes) est vu comme de la gestion de la complexité.
Cette gestion complexe s’opère au moyen d’une mobilisation considérée comme
positive (cf. « positive ») de ressources multiples et plurielles ; elle s’appuie sur ces
interfaces entre les théories et les pratiques que sont les modèles (cf.
« modélisatrice ») ; elle a recours aux modèles produits par la réflexion disciplinaire
(cf. « orientée produit ») ; mais ces modèles, en tant que tels, permettent à la fois
aux apprenants et à l’enseignant de co-construire en permanence (cf. « orientée
processus ») leurs dispositifs et leurs stratégies.
Le schéma des configurations didactiques (cf. diapositive 3) est un bel exemple de
modèle permettant aux enseignants et aux apprenants de réfléchir, négocier et
décider collectivement de la manière dont ils vont déterminer leur stratégie commune
d’enseignement-apprentissage. Comme nous le verrons en effet plus avant (cf.
diapositive n° 36), toutes ces configurations peuvent être considérées comme autant
de « matrices méthodologiques » utilisables pour construire des dispositifs multi ou
pluri-méthodologiques.
6
7
Selon Edgar MORIN, en particulier :
La Méthode 3. La connaissance de la
connaissance, Paris : Seuil, 1986, 256 p.
Introduction à la pensée complexe, ESF
éditeur, Paris, 1990, 160 p.
J’emprunte à Edgar Morin la description des trois grands paradigmes existants, qui
valent, me semble-t-il, pour caractériser les conceptions que l’on peut se faire de
l’agir didactique tant au niveau de l’enseignement que de la recherche (il s’agit des
activités d’observation, d’analyse, d’interprétation, d’évaluation et d’intervention : cf.
le Dossier 1, page 3 de mon cours "La DLC comme domaine de recherche",
https://www.christianpuren.com/cours-la-dlc-comme-domaine-de-
recherche/dossier-n-1-les-3-perspectives-constitutives-de-la-dlc/).
On situera immédiatement les modèles, je pense, dans la colonne de droite de ce
tableau, qui est lui-même le résultat d’une modélisation épistémologique.
Ce que critique Edgard Morin, ce n’est pas le paradigme scientifique, qui a toute sa
légitimité dans son domaine, mais le paradigme de simplification, qui correspond en
didactique des langues-cultures aux différentes formes d’applicationnisme, qui
fonctionnent toutes comme des réductionnismes. Sur les différentes formes
d’applicationnisme toujours présentes et agissantes dans notre discipline
applicationnismes linguistique, cognitif, méthodologique, pratique et technologique –
cf. Puren , 2022d, pp. 10-14.
7
Modélisation des modes de gestion
de la variation méthodologique
Quatre grands modes
de variation méthodologique
Trois niveaux
du méthodologique
intra micro
méso
inter
(éclectisme)
multi macro
pluri
8
La modélisation de l’éclectisme que j’ai présentée plus haut à la diapositive 6 portait
sur la conception qu’en avaient les acteurs. La modélisation ci-dessus, qui est celle
que je vais utiliser pour ma présente intervention, porte sur les différentes manières
dont la variation méthodologique est réalisée au moyen des ressources
méthodologiques disponibles. Je suis resté bloqué plusieurs jours sans pouvoir
avancer dans la préparation de cette présente intervention, jusqu’à ce que je me
rende compte qu’il était nécessaire de croiser les modes de variation méthodologique
avec les niveaux du méthodologique.
Les sept concepts-clés qui intègrent ce modèle s’éclaireront, je pense, au fur et à
mesure que je le commenterai.
8
9
Thèse
La variation méthodologique [...] a été gérée jusqu'à présent:
- par des passages historiques d'une méthodologie constituée à une autre au sein de
configurations didactiques différentes,
- ou sur le mode de l'éclectisme.
Sa gestion doit désormais s'élargir aux modes du multiméthodologique et du
pluriméthodologique.
La thèse que je vais défendre dans mon intervention est la suivante (voir diapo ci-
dessus).
Le schéma de la diapositive antérieure est donc une modélisation de l’ensemble des
modes disponibles de gestion de la variation méthodologique en didactique des
langues-cultures.
9
Modélisation des modes de gestion
de la variation méthodologique
Quatre grands modes
de variation méthodologique Trois niveaux
du méthodologique
intra micro
méso
inter
(éclectisme)
multi macro
pluri
10
Nous commencerons par le mode de gestion intraméthodologique aux niveaux micro
et méso du méthodologique (encadrés rouges).
10
11
Les variations intraméthodologiques sont des modifications internes apportées à une
méthodologie déterminée, en jouant sur la souplesse de mise en œuvre concrète qu’elle
autorise. Elles s’opèrent au niveau microméthodologique par recours à des variantes au sein du
système des méthodes, cf. 008), ou au niveau mésométhodologique, par recours différentié aux
techniques d’« apprentissage expérientiel », qui sont disponibles pour toutes les méthodologies
(cf. 052, p. 6).
Voici l’énoncé correspondant au croisement entre ce premier mode et les deux
niveaux micro- et méso-méthodologique.
11
12
Une méthode exclusive ne développera qu’un seul côté de la technique, et négligera les
autres. Dans la pratique, l’étude d’une langue est, en elle-même, complexe ; de plus, chaque
langue exige des procédés spéciaux de présentation et d’assimilation (et déjà selon qu’elle est
analytique ou synthétique). De leur côté, les élèves présentent une grande variété
d’aptitudes, et les moyens d’influencer leur mémoire et d’exercer leur intelligence sont
multiples. Plus donc une méthode est variée, et plus elle a de chances de produire de
bons résultats. (F. Closset 1950, p. 40, cité dans 1988a, p. 150) (je souligne)
------------------
CLOSSET François. 1950. Didactique des langues vivantes, Paris/Bruxelles, Didier, 3
e
éd. 1956, 252 p. [1
e
éd. 1950,
192 p.].
« Méthode » a ici le sens de « méthodologie ».
Cette citation du Belge François Closset, et en particulier le passage mis en gras,
illustre bien cette idée de variations méthodologiques à l’intérieur d’une
méthodologie unique mais suffisamment souple pour permettre de telles variations.
12
Le système des méthodes (008)
NIVEAU MICRO
13
Le niveau microméthodologique est celui des « méthodes », définies comme les
unités minimales de cohérence méthodologique. La « méthode », dans ce sens, est à
la méthodologie ce que le sème est à la sémantique, ou le phonème à la
phonémique. Dans ce document référencé 008, chacune de ces méthodes est
présentée avec la description de son principe unique.
On pourra aussi, au besoin, consulter le document Puren 005, qui illustre la notion
de « méthode » avec la présentation de trois méthodes – les méthodes active,
répétitive et conceptualisatrice en termes d’objectif unique visé et de procédés
correspondants de mise en œuvre: voir comme exemple la présentation de la
méthode active dans la diapositive suivante.
13
14
Puren 005
Toutes les méthodologies sont construites, comme des objets en Lego, au moyen de
la combinaison de certaines des méthodes présentées à la diapositive précédente.
Les méthodologies les plus complètes et les plus flexibles sont bien sûr celles qui
maintiennent un maximum de couples de méthodes à la fois opposés et
complémentaires, puisque ce sont ces couples qui permettent les plus grandes
variations microméthodologiques : ils permettent, littéralement, de faire, comme on
dit, « une chose et son contraire ».
Je présente des utilisations de ce concept de « méthode » en analyse didactique
dans mon article 2011k (« La "méthode", outil de base de l’analyse didactique »),
dont je reprends dans la diapositive suivante un passage.
14
2011k.« La "méthode", outil de base de l’analyse didactique », pp. 283-306 in : BLANCHET Philippe & CHARDENET
Patrick (dir.), Méthodes de recherche contextualisée en didactique des langues et cultures, Paris : AUF-EAC, 509 p.
Un élève (E1) dit à l’enseignant qu’il ne comprend pas un mot du texte. L’enseignant demande à tous
les élèves [méthode active] de deviner le sens de ce mot en s’appuyant sur le contexte [méthode
inductive et sémasiologique], et de l’expliquer en langue étrangère [méthode directe]. Les élèves
n’y parviennent pas. L’enseignant leur rappelle alors une phrase d’un dialogue travaillé dans une leçon
antérieure apparaissait le même mot [méthode transmissive], et il leur demande [méthode
active] de deviner le sens du mot à partir de ce second contexte [méthodes inductive et
sémasiologique] et de donner l’équivalent de ce mot en langue maternelle [méthode indirecte]. Un
élève (E2) répond correctement. L’enseignant demande alors au premier élève (E1) d’expliquer le mot
en langue étrangère [méthodes active et directe]. (p. 7)
15
Un compte-rendu d’observation de classe
INTRA-MICRO
Voici la description faite de l’observation d’un moment de classe d’espagnol langue
étrangère par une étudiante en didactique des langues-cultures. J’ai rajouté entre
crochets et en gras l’analyse microméthodologique que l’on peut en faire (je n’ai pas
noté la méthode orale, parce qu’elle utilisée en permanence).
Le jeu sur les méthodes permet des variations infinies dans le traitement par
l’enseignant de la demande initiale de l’élève. L’enseignant peut ainsi, pour des
raisons de temps, de niveau de difficulté ou encore parce que le mot n’est pas très
important, décider de l’expliquer immédiatement lui-même en L2 (méthodes
transmissive + directe) ou le traduire en L1 (méthodes transmissive + indirecte). Il
peut décider de passer à un moment à la méthode écrite (par exemple pour écrire
au tableau la phrase du dialogue d’une leçon antérieure). Il peut encore – pour
donner un dernier exemple de variation cette fois en fin de traitement de la
demande de l’élève - demander finalement au premier élève de traduire le mot en L1
(méthodes active et indirecte).
15
2022f p. 24 et chap. 4.1.3.3 p. 28
16
Voici un autre exemple de variations microméthodologiques au sein de ce que l’on
peut appeler la « procédure standard » de traitement oral en temps réel en classe
d’une erreur d’un élève. Parce que la pédagogie de référence actuelle est toujours la
pédagogie active, qui amène à privilégier la méthode active (la méthode
transmissive n’étant utilisée qu’en dernier recours), on voit que l’enseignant cherche
constamment à solliciter les apprenants.
Mais on peut imaginer qu’un second élève corrige aussitôt spontanément l’erreur du
premier (beaucoup d’enseignants incitent leurs élèves à le faire), auquel cas toute
cette procédure n’est plus applicable telle quelle. Par exemple, l’enseignant pourra
alors demander à ce second élève d’expliquer au premier son erreur (méthodes
active + conceptualisatrice), puis proposer à cet élève – ou à l’ensemble de la classe
quelques phrases à transformer aussitôt en appliquant la règle (méthodes active et
applicatrice).
Dans cet article 2022f, qui traite de la modélisation en didactique des langues-
cultures, cet exemple de modèle-procédure est utilisé pour montrer que toute
procédure est susceptible de se transformer en processus dans la pratique de classe
pour la gestion en temps réel de l’imprévu.
16
INTRA MÉSO
17
Recours aux « techniques d’apprentissage expérientiel »
Toutes les méthodologies ont toujours eu à leur disposition, pour assurer la variation
méthodologique, des « techniques expérientielles », parce que celles-ci ne sont pas
dépendantes de telle ou telle cohérence méthodologique, mais peuvent, au
contraire, se mettre en œuvre de manière autonome. C’est pourquoi elles
apparaissent présentes, dans le schéma général de la diapositive n° 3, de manière
permanente au cours de l’évolution historique, et donc de manière transversales à
toutes les configurations didactiques.
17
DE VALLANGE, Art d’enségner le latin aux petits enfans en les divertissant et sans qu’ils s’en
aperçoivent (1730)
Propositions pour l'enseignement de la grammaire :
- manipulation de gâteaux appelés «fours grammaticaux», destinés bien être consommés au
fur et à mesure par les jeunes élèves ;
- utilisation des jeux de cartes, des images, des bracelets, des éventails, des poupées, de
l’imprimerie, de la musique (la «grammaire musicale... qui enseigne le latin en chantant»),
des doigts de la main (la «grammaire digitale», que l’on apprend «en badinant sur les
doigts»).
Rapporté dans 1988a, pp. 28-29
18
On trouve des techniques expérientielles utilisées même pour l’apprentissage des
règles de grammaire latine par les enfants au XVIIIe siècle, comme on peut le voir
dans l’ouvrage de De Vallange (cf. diapo ci-dessus). Il s’agit bien de motiver des
enfants à apprendre par cœur et réciter des règles de grammaire latine...
18
Cités dans 1988a, p. 88
BAILLY É. 1903 : « Une langue [...] s’apprend en vivant cette langue ! »
19
VARENNE G. 1907 : « Nous cherchons à créer chez nos élèves une sorte de seconde
conscience, une conscience étrangère. » (p. 241)
HARTMANN M. (cité par É. Bailly 1897): « Le progrès [de l’élève] sera en raison de l’art du
maître à soustraire son élève à son moi français, à le métamorphoser chaque semaine une
heure ou deux en un moi anglais ou allemand. »
(BAILLY) La formule de cet inspecteur du tout début du XXe siècle définit très bien
l’objectif de ces techniques expérientielles. Nous sommes à ce moment-là (1903) au
tout début de l’imposition officielle de la méthodologie directe, qui, comme je l’ai
montré dans mon Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues
(www.christianpuren.com/mes-travaux/1988a/), peut s’interpréter en grande partie
comme le résultat de la mise en oeuvre dans l’enseignement des langues des
« méthodes actives » ou de la « pédagogie active » alors promues dans l’Éducation
nationale pour toutes les disciplines scolaires.
(HARTMANN-VARENNE) Les deux citations suivantes montrent que l’idée de faire
vivre la langue étrangère aux élèves comme s’ils étaient des étrangers ne date pas
de la méthodologie audiovisuelle française du début des années 1960. Les
méthodologues audiovisualistes demanderont alors aux enseignants de de faire jouer
les dialogues par les élèves en se mettant « dans la peau » des personnages, cette
« identification » aux personnages étrangers (c’est la notion qu’ils utiliseront alors)
étant supposée aider à l’apprentissage.
19
Les techniques expérentielles :
Elles se basent sur...
l’authentique
le spontané
l’affectif
l’émotionnel
le plaisir
la confiance
la convivialité
l’imagination
la créativité
le jeu
le chant
le relationnel
l’interactif
le corporel
...
20
le jeu, le chant, le théâtre, les simulations les ateliers littéraires, la correspondance scolaire,
l’« expérience littéraire » (PIRLS)...
Voici une description générale de ces techniques expérientielles au moyen de ce que
j’appelle une « série-compilation » (pour la différence entre une « série-
compilation » et une « série-modèle, cf. Puren 2022f p. 9 et pp. 11-12).
Il faut distinguer à propos de ces techniques :
- entre d’une part la mise en œuvre occasionnelle ou fréquente, mais plus ou moins
intensive, de quelques-unes de ces techniques en complément d’une
méthodologie « conventionnelle »: ce sera par exemple un recours plus ou moins
fréquent au jeu, ou au chant, dans une classe de type actif, communicatif ou
actionnel ;
- et d’autre part la systématisation d’une seule, ou de quelques-unes de ces
techniques, dans une méthodologie spécialement élaborée à cet effet ; c’est par
exemple principalement le plaisir dans la suggestopédie, le corporel dans la Total
Physical Response, ou encore la confiance dans le Community Language Learning.
Ces méthodologies « non conventionnelles », pour intéressantes que soient les idées
à leur origine, sont très réductionnistes, et eellees génèrent chez leurs fidèles un fort
esprit de chapelle : elles sont un peu à la didactique des langues-cultures ce que
l’alchimie est à la chimie, voire, parfois, ce que les sectes sont aux religions.
J’ai publ récemment un essai de modélisation de l’expérientiel en didactique des
langues-cultures (Puren 2021c).
20
Modélisation des modes de gestion
de la variation méthodologique
Quatre grands modes
de variation méthodologique Trois niveaux
du méthodologique
intra micro
méso
inter
(éclectisme)
multi macro
pluri
21
Nous passons maintenant à un autre mode de variation méthodologique, qui est
celui de l’éclectisme, dans lequel par définition sont mis en œuvre des composants
de méthodologies différentes : il s’agit donc cette fois de variations non plus intra-
mais inter-méthodologiques.
21
Les variations interméthodologiques sont des modifications par importation d’éléments
d’autres méthodologies. Elles se font au niveau microméthodologique (importation de
« méthodes » non présentes dans le système méthodologique originel, cf. 008) et au niveau
mésométhodologique, par des insertions de composants ou « objets » empruntés à des
méthodologies différentes (cf. 2019g).
22
Nous retrouvons, dans cette description des variations interméthodologiques, les
deux niveaux micro et méso auxquels se situait le mode de variation
intraméthodologique étudié précédemment.
22
23
Il n'y a pas et il ne peut y avoir en pédagogie de système absolu. Ce qu'il y a donc à faire si
l'on veut avancer, c'est de chercher de bonne foi, expérimentalement et non théoriquement, ce
que peut donner chaque procédé suivant les indications du moment et le terrain, au fur et à
mesure de l'évolution psychologique de l'élève, puis de ne pas hésiter à reconnaître le moment
il cesse d'être utile et peut même commencer à devenir nuisible. Et alors, au lieu de se
priver obstinément des bienfaits de l'un ou l'autre de ces procédés, n'est-il pas tout indiqué, au
contraire, de les combiner en vue du maximum possible de rendement ? Les procédés de la
méthode directe ne sauraient échapper à cette loi. Ils ont, comme tous les autres, leur valeur
relative et leurs indications utiles, et par conséquent aussi leur limite d'efficacité.
A. Pinloche, Des limites de la méthode directe, Paris, Belin 1909, 16 p.
Un bon exemple historique est fourni par le processus d’élaboration de la
« méthodologie éclectique » à la fin des années 1900-début des années 1910, par
introduction dans la méthodologie directe (« méthode directe », dans la citation ci-
dessus) de procédés de la méthodologie antérieure « grammaire-traduction », dite
alors « traditionnelle » pour l’opposer précisément à la méthodologie directe qui
émerge dans les années 1880-1890.
23
24
Variations interméthodologiques effectuées
par la « méthodologie active » (ou « méthode éclectique »)
1. Renforcement de la méthode écrite (emprunt MT)
2. Renforcement de la méthode indirecte (emprunt MT)
Puren 1988a, pp. pp. 146-151
INTER-MICRO
3. Renforcement du couple méthode conceptualisatrice – méthode applicatrice
(emprunt MT)
4. Renforcement de la méthode active (emprunt MD)
MT : méthodologie traditionnelle
MD: méthodologie directe
J’ai analysé ainsi dans mon Histoire des méthodologies (Puren 1988a) les
modifications microméthodologiques effectuées par les méthodologues de ces
années 1900-1910, qui se réclamaient eux-mêmes de l’éclectisme.
24
25
Quant aux choix des moyens, aussi éloignée des tendances extrêmes d'autrefois que de celles de
nos jours, [la « nouvelle pédagogie »] sait combiner tout ce qu'il peut y avoir de bon dans les
systèmes les plus opposés et s'efforce d'utiliser, après les avoir expérimentés impartialement et
dosés avec soin, tous les procédés qui peuvent concourir à atteindre le but, en tenant compte
chaque fois des besoins non seulement pratiques mais intellectuels des élèves, et aussi de la
nature du terrain. (je souligne)
Auguste Pinloche, La nouvelle pédagogie des langues vivantes. Observations et réflexions
critiques. Paris, H. Didier, 2eéd. 1927 [1eéd. 1913, 86 p. (p. 5)
Dans l’esprit de ces méthodologues, comme dans celui de tous ceux qui se sont
réclamés plus tard de l’éclectisme, il ne s’agissait ni de multi- ni de pluri-
méthodologie, leur projet étant d’élaborer une méthodologie unique, comme on peut
le voir dans la citation ci-dessus.
Par son allusion aux « tendances extrêmes [...] de nos jours », A. Pinloche fait dans
ce passage une allusion, claire pour les lecteurs de l’époque, aux dérives
dogmatiques auxquelles la méthodologie directe avait donné lieu chez certains
enseignants et inspecteurs.
25
26
On peut admettre qu’il [le professeur] prépare dans la première classe, à l’aide de la
traduction, les questions qu’il posera aux élèves. Mais que dès la seconde classe, ce soit fini, et
que jamais, jamais le professeur ne prononce un mot français pour faire acquérir le sens d’un
mot étranger : il n’en a pas besoin. qu’il ne tolère pas non plus qu’un seul mot de la langue
maternelle soit dit par un élève. (souligné dans le texte)
Instruction officielle de décembre 1908
L’instruction officielle de décembre 1908, qui interdisait le recours à la méthode
indirecte (voir citation dans la diapositive ci-dessus), a donné lieu à de telles
protestations qu’elle n’a jamais été publiée au Bulletin officiel du ministère de
l’instruction publique.
Ces nombreuses réactions très négatives sont une bonne illustration historique de la
nécessité fortement ressentie par les enseignants d’utiliser les possibilités de
variation méthodologique que leur offrent les couples opposés de méthodes.
26
27
« Le moment semblait donc venu pour une méthode prenant en compte les nouveaux besoins
prévisibles et la création d’un nouvel équilibre entre apprentissage de la langue et
communication, s’intéressant autant à l’expression de concepts qu’à l’aspect strictement
interactionnel, réintroduisant un contenu plus substantiel, enseignant l’écrit comme
communication à part entière, et incluant dans ses objectifs non seulement les aspects
récemment pris en compte, mais aussi l’acquisition de stratégies formatrices. » (p. 3)
CAPELLE, G. & GIDON, N., Espaces, Guide pédagogique, Avant-propos, Paris : Hachette, 1990.
C’est la même stratégie d’éclectisme interméthodologique (cette fois entre
l’approche communicative et un enseignement plus « traditionnel » centré sur les
formes langagières et l’écrit) que l’on retrouve près de 80 ans plus tard chez ces
concepteurs d’un manuel de FLE.
On notera dans cette stratégie un élément d’éclectisme qui n’est pas « réactif »,
mais « proactif », à savoir l’objectif d’« acquisition de stratégies formatrices »
(appelé souvent « l’apprendre à apprendre »).
Dans mon Histoire des méthodologies, j’ai montré un autre cas d’éclectisme proactif,
celui proposé par Louis Marchand dans les années 1910, qui propose de corriger
certaines lacunes de la méthodologie directe par le recours à des images
représentant des personnages dialoguant entre eux, par une sélection lexicale sur la
base de la fréquence et par des exercices d’entraînement mécanique intensif (cf. p.
94, p. 110 et p. 224) comme cela se fera dans la méthodologie audiovisuelle
cinquante ans plus tard, à la fin des années 1950.
27
2011k, p. 17 et commentaires p. 18 28
INTER MÉSO
L’éclectisme interméthodologique n’est pas seulement une stratégie personnelle de
gestion de la variation méthodologique par les enseignants dans leurs classes. C’est
aussi un procédé d’emprunt constamment utilisé par les méthodologies au cours de
leur processus d’élaboration.
L’analyse de l’unité didactique audiovisuelle en offre un bon exemple au niveau
mésométhodologique, celui des « noyaux durs méthodologiques ». La méthodologie
audiovisuelle français est en effet une méthodologie originale, mais dans le sens où
elle combine de manière singulière, comme on le voit, le noyau dur de la
méthodologie audio-orale américaine et celui de la méthodologie directe au sein
même de son modèle d’unité didactique.
28
Quelques composants interméthodologiques disponibles
1. L’ensemble des procédés d’explication directe d’un mot inconnu des élèves, MD (059).
2. La procédure d’exercisation en langue, MD (2016c).
3. La procédure standard de correction en temps réel des erreurs des élèves (2022f, pp. 20-
21 & 27).
4. L’approche active et globale des textes, MD (2017f).
5. Le traitement didactique des documents authentiques dans la MA (041), et les sept
logiques documentaires (066).
29
Cette diapositive présente un certain nombre de composants de la méthodologie
directe que l’on retrouve recyclés dans les méthodologies suivantes, perspective
actionnelle incluse. Les liens vers mon site permettront aux lecteurs intéressés de
s’informer plus avant.
29
1. La reprise de l’ensemble des procédés d’explication directe d’un mot inconnu des élèves
par les enseignants.
Exemples d’insertion de composants méthodologiques anciens
dans l’approche communicative
2. Le maintien de la grammaire morpho-syntaxique de la méthodologie active à côté de la
grammaire notionnelle-fonctionnelle dans les manuels.
4. La reprise de la logique active « document » à côté de la logique communicative
« support » dans le traitement des documents authentiques à partir du niveau B2.
3. La reprise de l’approche globale des textes.
30
La diapositive ci-dessus présente un certain nombre d’emprunts
interméthodologiques repérables dans l’approche communicative.
30
31
Mais qu’est-ce qui fait un bon professeur ? C’est, je crois, la flexibilité ou la capacité
d’adaptation : l’intervention de l’enseignant se définit en terme de négociation et d’ajustement.
C’est dans l’ajustement que réside l’essence même de la qualité de l’instruction. (p. 48)
BOGAARDS Paul. 1995. Aptitudes et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères,
Paris : Hatier-CRÉDIF.
Les didacticiens français de FLE ont souvent justifié l’anglicisme « approche », pour
l’ »approche communicative », comme un moyen de désigner une cohérence
méthodologique ouverte, par opposition au terme de « méthodologie », trop connoté
cohérence fermée, comme avait pu l’être la méthodologie audiovisuelle.
C’est à cette approche communicative ouverte, et non à l’éclectisme, que se réfère
certainement Paul Bogaards lorsqu’il écrit ceci dans son ouvrage de 1995 Aptitudes
et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères (1985, Paris : Hatier-
CRÉDIF): voir citation sur la diapositive ci-dessus.
31
Grille d’analyse des différents types actuels
de mise en œuvre de l’agir dans les manuels de FLE (050)
32
La grille suivante (sur la diapositive ci-dessus et la suivante) est une autre
modélisation avec pour concepts-clés la « tâche communicative », la « tâche
actionnelle », le « miniprojet » et le projet pédagogique. Elle a été élaborée à partir
de l’analyse d’unités didactiques de manuels récents de FLE. On voit que le procédé
des emprunts interméthodologiques continue à fonctionner de nos jours, et qu’il est
même le procédé fondamental de variation méthodologique chez les auteurs de
manuels.
32
33
(Suite et fin de la grille d’analyse.)
33
Modélisation des modes de gestion
de la variation méthodologique
Quatre grands modes
de variation méthodologique Trois niveaux
du méthodologique
intra micro
méso
inter
(éclectisme)
multi macro
pluri
34
2020f. « Retour réflexif sur vingt ans d’élaboration de la perspective
actionnelle, ou la montée des approches multi- et pluriméthodologiques ».
Cette modélisation nous amène maintenant à commenter les modes de variation
multi- et pluri-méthodologique, qui se situent tous deux au niveau
macrométhodologique.
34
073.« Matrices méthodologiques actuellement disponibles en didactique des langues-cultures,
un outil au service des approches multi- et pluriméthodologiques » 35
NIVEAU MACRO
Le niveau macro est celui des méthodologies constituées. Dire que la variation
méthodologie peut se situer aussi à ce niveau, c’est considérer que leurs différentes
cohérences peuvent être mises en œuvre ensemble, successivement ou en même
temps. Cela revient à considérer que ces méthodologies ne sont pas seulement de
l’ordre de la succession historique, comme cela apparaît dans le schéma de la
diapositive n° 3, mais qu’elles sont des « matrices » différentes qui font toutes partie
des ressources méthodologiques à la disposition des enseignants et concepteurs de
matériels didactiques.
Le tableau ci-dessus reprend le schéma de la diapositive 3, mais il s’agit d’une autre
forme de modélisation visant à faire apparaître à la fois l’opposition et la
complémentarité entre les différentes matrices.
35
058. « Les cinq types épistémologiques de cohérence disponibles
en didactique des langues-cultures étrangères »
36
Avec le multi- et le pluri-méthodologique, on passe à deux conceptions différentes
de la cohérence méthodologique, respectivement celle des « cohérences multiples »
et celle de la « cohérence plurielle » telles qu’elles sont modélisées dans le schéma
ci-dessus.
Note: Le modèle complet du document 058 comprend un cinquième type de
cohérence, la « cohérence virtuelle », dont il n’est pas question dans cette
conférence. C’est la cohérence potentielle des dispositifs numériques
d’apprentissage, qui ne sera effectivement réalisée que par chacun des apprenants
construisant en autonomie ou en semi-autonomie son propre parcours
d’apprentissage.
36
37
- Dans les variations multiméthodologiques, des méthodologies différentes sont
juxtaposées, i.e. mises en œuvre séparément. Elles peuvent l’être au sein d’une séquence ou
unité didactique, ou encore au cours de plusieurs périodes au sein d’un curriculum scolaire.
- Dans les variations pluriméthodologiques, des méthodologies différentes sont combinées
de manière à ce qu’elles fonctionnent ensemble en cohérence et en synergie.
Voici les descriptions distinguant entre les variations multi- et pluri-
méthodologiques.
37
La distinction apportée par les préfixes multi- et pluri- méthodologique est homologue à celle
que les auteurs du CECRL, avec les mêmes préfixes, attribuent aux notions de « multiculturel
» et « pluriculturel »
« intégrée » = cohérence
« enrichie » = synergie
38
L’Europe y qualifiée p. 6 de « multiculturelle » (p. 6) : il s’agit du constat sociologique de la
présence de différentes cultures dans ce même espace.
Mais dans la « compétence pluriculturelle », « les différentes cultures [...] auxquelles
quelqu’un a accédé ne coexistent pas simplement côte à côte dans sa compétence culturelle.
Elles se comparent, s’opposent et interagissent activement pour produire une compétence
pluriculturelle enrichie et intégrée. » (CECRL p. 12, je souligne)
La distinction entre le multi- et le pluri- est déjà bien connue en didactique des
langues-cultures, au moins depuis la publication du CECRL en 2001. Alors qu’il y a
juxtaposition des éléments du multi, ceux du pluri font système : à ce titre, ils
construisent une nouvelle cohérence d’ensemble (notion d’« intégration ») dont les
effets dépassent ceux de la somme de ses éléments (notion de « synergie »).
38
3. Projet haïtien de réforme de l’enseignement de l’anglais et de l’espagnol (FEI, 2021-2022).
2. Guide pédagogique du matériel V’idéaux et débats pour public migrant (2016b).
4. Propositions de curricula multiméthodologiques (Algérie Puren 2005e, Chine Zonghong
zhao 2019)
1. Manuels avec les premières unités didactiques construites chacune sur une matrice
méthodologique différente.
Quatre exemples de dispositifs multiméthodologiques
39
MULTI- MACRO
Commentaires de la diapositive ci-dessus (je reprends la même numérotation):
1. Depuis plusieurs dizaines d’années, je propose en vain aux éditeurs un manuel
qui, au moins au début de chaque niveau, commencerait pas des unités construites
principalement chacune sur l’une des cinq matrices méthodologiques, de manière à
ce qu’ensuite la classe entière, avec évaluation et discussion collectives, décident de
la stratégie commune d’enseignement-apprentissage pour le reste du cours, et de
manière à ce que chaque apprenant puisse diversifier à sa manière ses stratégies
personnelles d’apprentissage.
2. On pourra consulter ce guide pédagogique au lien indiqué. J’y propose des
orientations méthodologiques pour exploiter deux documents vidéos
(téléchargeables sur le site) selon chacune les différentes matrices méthodologiques
(voir chapitre 6, pp. 31-34).
3. Pour la réforme de l’enseignement de l’anglais et de l’espagnol à Haïti (projet
dirigé par FEI, France Éducation Internationale en 2020-2021), j’avais proposé que
pour chaque séquence de classe soient proposés aux enseignants au moins une
tâche finale communicative et un scénario de type « miniprojet », entre lesquels il
pourraient choisir avec leurs élèves, ou les utiliser en différenciation pédagogique.
4. Dans une intervention au cours d’un colloque dans le Sud algérien en 2005,
j’avais lancé l’idée que certaines matrices méthodologiques étaient peut-être plus
adaptées, au moins pour le début de l’enseignement, en fonction de la situation
sociolinguistique des différentes régions d’Algérie. La matrice communicative, par
39
exemple, était plus susceptible de motiver les élèves dans les régions où le français
restait très parlé. Le second lien renvoie au texte du résumé que fait une Chinoise de
sa thèse, où elle défend l’idée (discutable, mais pas plus que la mienne présentée ci-
dessus...) qu’il serait préférable que les élèves chinois commencent leur cursus de
FLE avec la méthodologie traditionnelle à laquelle ils sont habitués, et ne soient
formés que progressivement à des approches plus récentes.
39
40
2014a. « Approche communicative et perspective actionnelle,
deux organismes méthodologiques génétiquement opposés... et complémentaires »
AC : Approche Communicative
PA : Perspective Actionnelle
Cette analyse des « gènes », ou caractéristiques fondamentales, de l’action sociale
de référence de l’approche communicative (l’interaction langagière aux fins
d’échanges d’informations avec des personnes de rencontre dans le cadre d’un
voyage touristique) et de l’action sociale de référence de la perspective actionnelle
(l’action sociale dans la société extérieure et le projet pédagogie dans la micro-
société classe) montre qu’elles s’opposent point par point.
40
AC PA
Cela n’empêche pas que ces deux matrices puissent être en même temps
complémentaires. La complémentarité des contraires, qui est une des grandes idées
de l’épistémologie de la complexité, est bien illustrée par l’image de deux pièces de
Lego, qui ne peuvent se compléter l’une l’autre que si les profils par lesquels ils se
joignent sont inverses l’un de l’autre.
41
Le fait que les apprenants trouvent dans l'unité pédagogique les ressources communicatives
nécessaires à la réalisation de l'action qui leur est proposée (cohérence) va les motiver à
réaliser cette action (synergie).
Mise en œuvre
de la variation pluriméthodologique
dans le couple approche communicative – perspective actionnelle
42
PLURI-MACRO
Le fait que les apprenants aient une action à réaliser et les moyens communicatifs pour la
réaliser (cohérence) va les motiver à l'inverse à communiquer pour la réaliser (synergie).
Les deux énoncés ci-dessus présentent de manière abstraite la mise en œuvre de la
variation pluriméthodologique entre l’approche communicative et la perspective
actionnelle. J’en présente un exemple concret dans les deux diapositives suivantes.
42
Un exemple d’approche mono-méthodologique
(tâche finale communicative)
43
a) Formez des groupes de 4 ou 5 personnes pour choisir le dossier (1, 2, 3 ou 4) que vous
avez préféré.
b) Chacun donne son avis, justifie ses choix. Vous exprimez votre accord ou votre désaccord.
Vous faites un choix commun.
c) Chaque groupe communique son choix à la classe et explique ses raisons.
Voici la reproduction exacte d’un scénario actionnel proposé à la fin d’un manuel de
FLE de niveau B2.
Comme on le voit à la dernière tâche, l’action visée est l’interaction langagière
communicative et non l’action sociale collective, qui devrait être naturellement la
décision prise par l’ensemble des apprenants et leur enseignant sur la manière de
poursuivre ensemble le cours.
43
En groupe-classe, vous allez discuter du dossier que vous avez préféré, et en tirer des
conclusions communes pour la suite du cours.
a) Tous ensemble, discutez des critères que vous allez utiliser et de leur ordre de priorité.
b) En fonction de vos différents avis, formez des groupes de 4 ou 5 pour préparer la
présentation à la classe de votre choix et en expliquer les raisons. Vous pouvez malgré tout
faire des réserves et proposer des améliorations.
c) Chaque groupe présente en classe le résultat de son travail.
d) Échangez entre vous tous de manière à tirer des conclusions communes, et à faire des
suggestions à votre enseignant pour la suite du cours.
Version pluriméthodologique
44
Voici comment pour ma part je réécrirais le scénario de manière à créer un
maximum de cohérence et de synergie entre l’approche communicative et la
perspective actionnelle.
44
Projet présenté à lors des XIIe SEDIFRALE (Rio de Janeiro, juin 2001)
Ce projet consistait, pour des élèves de terminales en FLE du centre-ville d’une capitale
sudaméricaine, à aller lire leurs traductions en espagnol de poésies françaises dans des classes
de la banlieue « déshéritée » de la capitale.
Ces élèves ont pour cela réaliser six grands types différents d’activité :
Le projet, un intégrateur pluriméthodologique
45
Nous avons déjà vu, lors du commentaire de la diapositive 3, que les projets
pédagogiques, parce qu’ils sont des actions sociales complexes, amènent à mobiliser
toutes les ressources macrométhodologiques. Le projet présenté ci-dessus permet
de le montrer concrètement.
45
« Le projet pédagogique comme intégrateur didactique » (TP et corrigé, 053)
46
Ce projet amène les apprenants à réaliser les six activités ci-dessus. Ce document
053 propose comme exercice pratique de repérer, pour chacune de ces activités, à
quelle(s) matrice(s) méthodologique(s) les apprenants devront recourir. On pourra
faire l’exercice et consulter ensuite le corrigé, qui montre que toutes les matrices
méthodologiques devront être mobilisées au service les unes des autres (notion de
synergie) pour réussir ce projet unique (notion de cohérence).
46
47
Pour être culturellement compétent dans un travail de longue durée avec des
personnes d’autres cultures, il faut :
Le projet, un « intégrateur »
des composantes de la compétence culturelle
2011j
47
Cet article 2011j (voir référence dans la diapositive ci-dessus) propose « un modèle
complexe de la compétence culturelle (titre du document). Ce tableau vise à montrer
la nécessaire mobilisation conjointe de tous les ressources culturelles disponibles
(respectivement, de 1 à 5: les connaissances, les représentations, les attitudes et
comportements, les conceptions, enfin les valeurs) pour réaliser toute action sociale
complexe.
Cela vaut pour tout projet, à commencer par le projet d’enseignement-apprentissage
que constitue tout cours de langue, et les projets pédagogiques qui peuvent y être
réalisés.
Composante…
1. Connaissance des différentes cultures didactiques (avec les méthodologies
correspondantes), à commencer par celle de ses apprenants
2. Capacité à se distancier de sa propre méthodologie, ou de celle de sa
formation initiale, ou celle de son manuel. Intérêt et respect pour les autres
méthodologies (en particulier celles de ses apprenants)
3. Capacité à construire des dispositifs méthodologiques différents en
variation (à tous ses apprenants, successivement) ou en différenciation (à
différents apprenants ou groupes d’apprenants « pédagogie différenciée
4. Capacité à construire des dispositifs méthodologiques combinant de
manière cohérente des méthodologies différentes de manière à produire entre
elles des effets de synergie
5. Capacité à construire avec les apprenants une culture commune
d’enseignement-apprentissage
6. Capacité à appliquer grands les principes actuellement reconnus en
pédagogie scolaire : homologie entre l’action sociale visée et l’action scolaire
privilégiée, pédagogie active, enseignement explicite, apprentissage réflexif,
autonomisation et responsabilisation des apprenants.
Composantes de la compétence de gestion complexe
de la variation méthodologique par l'enseignant
métaculturelle
interculturelle
multiculturelle
co-culturelle
transculturelle
pluriculturelle
48
Les mêmes composantes de la compétence culturelle peuvent être reprises en ce qui
concerne les cultures d’enseignement-apprentissage. Elles permettent de modéliser
de cette manière (voir diapositive ci-dessus) la « compétence de gestion complexe
de la variation méthodologique par l'enseignant ».
48
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