ArticlePDF Available

Expérimentation d'un tour à colonne vertical : conception, construction et usage d'une machine d'abrasion rotative de la pierre

Authors:
  • Pôle Archéologie Préventive de Metz Métropole
  • Fabri Tignuarii

Abstract and Figures

Dans le cadre du festival gallo-romain de Lillebonne (Seine-Maritime), l’association Les Fabri Tignuarii a réalisé un tour à colonne vertical. Inspiré des travaux de J. Gaillard, cet instrument a permis de réaliser quatre tambours d’une colonne en calcaire ferme. Les stigmates lapidaires désormais bien documentés à travers l’Empire romain attestent de l’usage fréquent de cet outil, ayant dû fournir un gain de temps non négligeable. Au sein de la chaîne opératoire de la construction antique, l’expérimentation a permis de mettre en évidence plusieurs facteurs influents sur la rapidité et la qualité d’élaboration d’une colonne. Tant la position spatiale du tour au sein du chantier que la technique d’épannelage choisie pour la préparation des blocs sont déterminants dans l’efficacité de la mise en œuvre. In the context of the Gallo-roman festival of Lillebonne (Seine-Maritime), the association Les Fabri Tignuarii has built a vertical column lathe. Inspired by earlier works by J. Gaillard, this machine enabled the realisation of four column drums made of firm limestone. The time benefit of such a tool, today well documented through lapidary traces across the Roman Empire, certainly made its use particularly profitable on ancient construction sites The technique of hewing used during the preparation of the blocs has important consequences on the turning process. So has the spatial location of the lathe in the worksite.
Content may be subject to copyright.
No2
ASSOCIATION
POUR
L’EXPÉRIMENTATION
ET LA RECHERCHE
ARCHÉOLOGIQUE
DÉCEMBRE 2022
Le Bulletin de l’APERA
© APERA et auteurs 2022
Publié par APERA, association loi 1901
03 rue Michelet, 75006 Paris
ISSN : 2804-9276 (en ligne)
ISSN : 2804-6919 (imprimé)
Revue en ligne gratuite
Numéro mis en ligne le 07 décembre 2022
Directrice éditoriale :
Julia Bude
Bureau de l’APERA :
Présidente : Julia Bude
Vice-Présidente : Valentine Martin
Secrétaire : Valentin Loescher
Vice-secrétaire : Quentin Zarka
Trésorier : Thomas Lagane
Vice-trésorière : Audrey Czarnecki
Comité éditorial :
Paul Bacoup
Julia Bude
Bénédicte Fabre
Rosalie Jallot
Romaric Payen
Comité de relecture :
Paul Bacoup
Julia Bude
Bénédicte Fabre
Rosalie Jallot
Thomas Lagane
Valentin Loescher
Romaric Payen
Betty Ramé
Russell Webb
Quentin Zarka
Le Bulletin de l’APERA, revue annuelle de l’Association Pour l’Expérimentation et la
Recherche Archéologique créée en 2021.
L’APERA est une association étudiante créée en 2014 et rattachée à l’Université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Retrouvez toutes nos activités et publications sur le site
de l’association : https://apera.hypotheses.org/
Contacter le bureau de l’APERA : association.apera@gmail.com
Contacter le comité éditorial du Bulletin de l’APERA : bulletin.apera@gmail.com
Le Bulletin de l’APERA, no 2
décembre 2022
SOMMAIRE
3
Avant-propos : l’APERA en 2022 .........................................................................................................4
Reconstituer la biographie des outils en alliage cuivreux issus des dépôts de l’âge du Bronze.
Constitution d’une collection de références à partir d’une étude de cas.
Alexandre Wimlot ................................................................................................................................7
Extraire son menhir à la mode du néolithique : essais d’acquisition de monolithes en schiste en
centre Bretagne.
Rosalie Jallot ...................................................................................................................................... 27
Reconstitution expérimentale, de la création à l’exposition.
Éléa Le Gloan, Bénédicte Garnier, Faustine Boulay, Lucile Brunel-Duverger, Alessio Delli Castelli,
Sophie Joigneau, Marie Louis, Laura Midy, Antoine Parlebas, Patrick Turini, Antoine Clément,
Mathilde Cummins, Claire-Marie Hallay, Louise Perrier et Paul Quentin ..................................... 49
Expérimentation d’un tour à colonne vertical : conception, construction et usage d’une machine
d’abrasion rotative de la pierre.
Nicolas Revert et Brice Brigaud ........................................................................................................ 71
Chaux devant ! Reconstitution d’un four à chaux antique : retour sur expérience.
Mathilde Carrive, Arnaud Coutelas, Thierry Gregor, Maud Mulliez et Victorien Revillé ............. 85
« Être potier à Pompéi » ou comment faire vivre l’expérimentation archéologique au grand public.
Émilie Mannocci, Marie Pawlowicz et Laetitia Cavassa ................................................................. 91
La production du plomb commercial au Laurion durant l’époque classique : litharge reviviée ou
plomb d’œuvre ?
Christophe Flament ........................................................................................................................... 107
Bulletin de l’APERA, décembre 2022, no 2, p. 71-83.
DOI : 10.5281/zenodo.7120581
EXPÉRIMENTATION D’UN TOUR À COLONNE VERTICAL :
CONCEPTION, CONSTRUCTION ET USAGE D’UNE
MACHINE D’ABRASION ROTATIVE DE LA PIERRE
Nicolas Revert et Brice Brigaud
Résumé : Dans le cadre du festival gallo-romain de Lillebonne (Seine-Maritime), l’association Les
Fabri Tignuarii a réalisé un tour à colonne vertical. Inspiré des travaux de J. Gaillard, cet instrument a
permis de réaliser quatre tambours d’une colonne en calcaire ferme. Les stigmates lapidaires désormais bien
documentés à travers l’Empire romain attestent de l’usage fréquent de cet outil, ayant dû fournir un gain de
temps non négligeable. L’expérimentation a permis de mettre en évidence que tant la position spatiale du tour
au sein du chantier que la technique d’épannelage choisie pour la préparation des blocs sont déterminantes
dans l’ecacité de la mise en œuvre.
Mots-clés : Tournage, Colonne, Pierre, Romain, Tour
Abstract: In the context of the Gallo-Roman festival of Lillebonne (Seine-Maritime), the association Les
Fabri Tignuarii has built a vertical column lathe. Inspired by earlier works by J. Gaillard, this machine enabled
the realisation of four column drums made of rm limestone. The time benet of such a tool, today well
documented through lapidary traces across the Roman Empire, certainly made its use particularly protable
on ancient construction sites. The technique of hewing used during the preparation of the blocks has important
consequences on the turning process. So has the spatial location of the lathe in the worksite.
Keywords: Turning, Column, Stone, Roman, Lathe
71
IntroductIon
Nombre de bâtiments et de carrières
d’extraction de la pierre, répartis dans toute la
Méditerranée antique, comportent des colonnes,
des tambours, des bases et des chapiteaux
portant des traces explicites de tournage, parfois
systématiques à l’échelle d’un même projet de
construction (Blagg 1976, p. 165-168 ; Bessac et
al. 1999, p. 33 ; Vincent et al. 2015, p. 11 et 2016,
p. 5 ; Adam 2017, p. 41 ; Chapelin et al. 2017, p. 9).
Elles se distinguent par des stries régulières en
dépression ou en saillie faisant tout le tour des
pièces concernées, et constituent les stigmates de
façonnage laissés par les outils abrasifs employés.
Le deuxième indice principal concerne les trous
d’ancrage réalisés sur les lits de pose et d’attente
des blocs, permettant leur enchâssement sur
le tour (Blagg 1976, p. 167 ; Gaillard et al. 2019,
p. 91). Le tournage n’est pas réservé aux pierres
les plus tendres, puisqu’on retrouve également
des indices de cette technique sur des blocs de
granite, de grès et de calcaire ferme (Eveillard et
Maligorne 2000, p. 65-66).
Des études détaillées de ces marques de
tournage ont été publiées par J. Gaillard, à partir
Nicolas Revert et Brice Brigaud
72
de blocs inachevés ou morts (ratés) laissés en
place dans la carrière de calcaire de Thénac en
Charente-Maritime, ainsi que d’éléments mis en
œuvre dans le territoire de la Saintonge romaine
et médiévale (Gaillard 2004 ; Gaillard et al. 2014
et 2019). Ces découvertes furent l’occasion de la
création d’un Programme Collectif de Recherche
comportant un volet expérimental consacré à la
construction et à l’utilisation d’un tour vertical
de tambours de colonne, ainsi que d’un tour
horizontal de colonnettes médiévales1 (Gaillard
2008, 2009a, 2009b, 2011 et s. d.). Plusieurs
autres expérimentations visèrent à tester un tour
à colonne horizontal, pouvant supporter des poids
bien plus élevés et permettant le tournage de
colonnes monolithes, voire de plateaux de tables,
mis en exergue par les études de sites antiques et
médiévaux (Flügen 2011, 2012 et 2015 ; Vincent et
al. 2016 ; Gaillard s. d.).
À l’occasion des Juliobonales, festival gallo-
romain de Lillebonne (Seine-Maritime) des 24,
25 et 26 juin 2022, l’association d’archéologie
expérimentale et de reconstitution des chantiers
de construction antiques Les Fabri Tignuarii a
réalisé un tour à colonne vertical2, fortement
inspiré des premières évocations de J. Gaillard.
Les deux jours d’animations ont permis, à
partir de cinq blocs équarris de calcaire ferme
fraîchement extraits de la carrière de Thénac –
celle-là même qui avait fourni des exemplaires
de tambours tournés – de présenter toutes les
étapes de travail, depuis la conception jusqu’à
la mise en œuvre, l’enduit et la peinture d’une
colonne antique d’environ 2,50 m de hauteur.
Plusieurs méthodes de taille et de tournage ont
été expérimentées, dont les inconvénients et
1 L’ensemble de ces expérimentations a été
gracieusement publié sur le site de J. Gaillard, où l’on
trouve notamment deux lms détaillés sur l’emploi du
tour vertical, ainsi que du tour horizontal médiéval :
https://pierre-et-carriers.haute-saintonge.org/le-
tournage-de-la-pierre
2 La conception et la réalisation de cette machine a
été menée par l’artisan menuisier Iohan Williams.
bénéces seront présentés subséquemment.
Cette expérimentation s’est intéressée tout
particulièrement à l’intégration du tournage dans
la chaîne opératoire du chantier de construction.
Dans un premier temps, la conception et la
construction du tour à colonne vertical seront
détaillées. Puis, les étapes d’épannelage, de
dégrossissement et de préparation au tournage
des blocs seront présentées. La phase de tournage,
les diérentes postures et outils employés, ainsi
que les dicultés rencontrées, la quantication
du travail et le rendu nal sur quatre tambours
de colonne, constitueront la troisième partie de
cet article. Enn, des conclusions sur le bénéce
de l’emploi du tour, les modications à apporter
à celui-ci, ainsi que les perspectives de recherche
sur le tournage de la pierre, achèveront le présent
discours.
1. La réaLIsatIon du tour
1.1. sources
Loin d’avoir été inventé à la période romaine,
le tournage architectural prend son origine à la
n de l’époque archaïque grecque, lorsque les
colonnes du temple diptère de l’Héraion de Samos
sont tournées, sur invention supposée de Théodore
de Samos, entre 570 et 560 av. n.è. (Hellner 2004,
p. 69). Il semble, d’après les recensements pour
l’instant opérés par les diérents chercheurs, que
cette technique n’est plus usitée à partir du Bas-
Empire, et ce jusqu’au bas Moyen Âge. L’étude
pionnière de T. F. C. Blagg appuie le fait que, si
Pline l’Ancien cite le tournage de la pierre de
Siphnos dans le cadre de la fabrication de vaisselle
et d’ustensiles de cuisine (Pline l’Ancien, Naturalis
Historia XXXVI, 1593), et l’invention du tornos par
3 « In Siphnos lapis est, qui cavatur tornaturque in
vasa vel coquendis cibis utilia vel ad esculentorum
usus ». « À Siphnos il y a une pierre, laquelle peut
être extraite et tournée en vases, soit pour la cuisine,
sinon pour être utilisée dans l’alimentation ».
Expérimentation d’un tour à colonne vertical
73
Theodoros de Samos (Pline l’Ancien, Naturalis
Historia XXXVI, 904 ; VII, 1985), des passages
d’ailleurs semi-mythologiques, il n’existe aucune
mention explicite dans la littérature antique du
tournage de colonnes (Blagg 1976, p. 165). Aucune
représentation de la machine n’existe non plus.
Ainsi, seul le mobilier lapidaire conserve la
preuve de l’emploi du tour, par le biais de nes
dépressions et saillies concentriques, de même
que de mortaises parallélépipédiques (Chapelin et
al. 2017, p. 9-10). On note aussi parfois la présence
d’un cercle grossièrement surcreusé autour de la
mortaise, lequel servirait à centrer la pièce sur le
tour et assurer une bonne adhésion à ce dernier,
par l’intermédiaire d’un élément circulaire faisant
la jonction avec le mécanisme de rotation (Blagg
1976, p. 167).
1.2. conceptIon
L’expérimentation de J. Gaillard, basée sur
ces constats réalisés dans la carrière de Thénac,
a fourni la base pour la présente contribution. Le
schéma général de réalisation du tour suit donc
les préconisations de ce dernier, puisque comme
celui-ci, des conditions de simplicité de confection,
de démontabilité et de transportabilité ont dû être
respectées (Gaillard 2011, p. 1). Ainsi, on retrouve
les quatre mêmes parties principales : le socle, le
châssis, le croisillon et le cabestan.
4 « Lemnius similis illi columnis tantum CL
memorabilior fuit, quarum in ocina turbines
ita librati pependerunt, ut puero circumagente
tornarentur. « Lemnius était connu pour ses
150 colonnes comme celles-là, dont les tambours
étaient suspendus dans son atelier de manière si
équilibrée quelles tournaient autour dun garçon ».
5 « fabricam materiariam Daedalus et in ea
serram, asciam, perpendiculum, terebram,
glutinum, ichthyocollam ; normam autem et
libellam et tornum et clavem Theodorus Samius ».
« l’art de travailler le bois, par Dédale, et en même
temps la scie, la doloire, le l à plomb, la tarière, la
colle, l’ichthyocolle ; la règle, le niveau, le tour et la
clef, par Théodore de Samos ».
Une modélisation des diérentes parties de
l’outil a été réalisée en amont de leur confection,
an de paramétrer au mieux les dimensions
relatives des pièces (g. 1). Les dimensions choisies
sont à la fois basées sur les travaux antérieurs de
J. Gaillard, mais aussi sur le système de mesures
romain. Le principe fondamental recherché est
celui d’une axialité complète du système, depuis le
socle jusqu’au bloc, aux axes, et au cabestan.
1.3. constructIon
Le socle massif, en bois d’acajou, est de
forme quadrangulaire, mesurant environ 74 cm
de côté pour 45 cm de hauteur6 (g. 1 et 2). Il
comporte quatre mortaises pouvant recevoir
des cales de chêne soutenant le châssis. Leur
6
Les mesures indiquées sur le modèle 3D ne sont
qu’indicatives. Des ajustements importants ont été
eectués durant la construction du tour.
Fig. 1 : Modélisation 3D (SketchUp) du châssis et du
socle du tour à colonne, avec mesures cotées. Crédit
B. Brigaud.
Nicolas Revert et Brice Brigaud
74
positionnement pourra être modié à l’avenir, par
l’adjonction de nouvelles mortaises, permettant
d’abaisser ou de surélever le châssis. Un disque de
frêne – bois souple et solide – est aménagé dans
un recreusement circulaire du socle. Il supporte
le lit de pose du tambour de colonne, ainsi
qu’une mortaise circulaire. Le tour de J. Gaillard
possède en revanche une couronne circulaire
amovible, dont la dimension est proportionnelle
à celle du tambour. L’axe inférieur de rotation est
réalisé en buis, un matériau solide et présentant
une excellente résistance aux forces de torsion.
Son tenon cubique mesure 5,5 cm de côté, cette
dimension étant proportionnelle à celle de la
mortaise du tambour, détaillée plus bas. La
partie inférieure de cette pièce est abondamment
graissée et enfoncée dans le trou circulaire du
disque de support, se poursuivant dans le socle.
La mortaise du bloc devant subir le tournage est
enchâssée sur le tenon cubique de cette pièce.
Le châssis, entièrement assemblé en chêne,
constitue un parallélépipède mesurant 74 cm de
côté, soit dix palmes (palmae), équivalent à un
grade (gradus). Il reprend sur deux de ses côtés
opposés les croix de Saint-André proposées
par J. Gaillard. Le choix a également été fait de
réaliser deux postes de tournage sur le tour. Le
premier est similaire à la machine construite pour
l’expérimentation menée par J. Gaillard, c’est à
dire qu’un des côtés du châssis est doté de deux
pièces de bois verticales très proches (séparées
par un digitus, soit 1,8 cm), formant une lumière
par laquelle le ciseau est inséré an d’exercer
le phénomène d’abrasion. Ainsi, le mouvement
rotatif de la pierre provoque une poussée latérale
sur le ciseau, laquelle est retenue et compensée
par le cadre de bois. Le second poste est quant
à lui plus simple dans sa réalisation, puisqu’il
n’est formé que d’une pièce de bois verticale,
biseautée sur le côté droit, contre laquelle le
tourneur peut appuyer son ciseau. L’objectif de
cet aménagement supplémentaire est d’orir
au tourneur plus de liberté de mouvement, en
contrepartie d’une force de pénétration diminuée,
permettant un travail plus n. L’axe supérieur,
analogue en fonctionnement à l’axe inférieur,
a été réalisé en deux exemplaires ; l’un en frêne
et l’autre en buis7. Il est inséré dans la mortaise
supérieure du tambour. C’est sur cet axe que sont
posées les deux pièces suivantes : le croisillon et le
cabestan. La longueur de cet axe peut être adaptée
an de permettre le tournage de blocs de tailles
diérentes.
Par rapport à la restitution de J. Gaillard,
le croisillon a été nettement simplié dans sa
conception (g. 3). Ainsi, au lieu d’un assemblage
complexe de menuiserie, il s’agit de deux poutres
7
La réalisation de deux axes diérents se justie par
la rareté du buis, en particulier d’une section susante
pour la réalisation de pièces tournées. L’ecacité des
deux axes était analogue, même si celui en frêne était
plus susceptible aux torsions, dont la résultante était
une rotation saccadée à chaque torsion.
Fig. 2 : Vue du tour à colonne en cours d’assemblage.
Crédit N. Revert.
Expérimentation d’un tour à colonne vertical
75
démontables, pourvues chacune d’une encoche
centrale permettant leur encastrement. Elles
sont elles-mêmes percées d’un trou circulaire,
permettant le passage de l’axe supérieur,
préalablement graissé. Leur encastrement sur les
angles saillants du châssis permet un renforcement
de la structure en partie supérieure, où l’eort de
torsion sera le plus fort.
L’extrémité de l’axe supérieur dépasse du
croisillon et reçoit le cabestan. Composé de quatre
bras de levier, ce dernier permet de démultiplier
la poussée exercée sur l’axe. Plutôt que le système
sans xation des bras proposé par J. Gaillard, il
s’agit ici d’un assemblage xé par des chevilles de
bois glissées dans des cavités dédiées, traversant
les bras et le socle rotatif du cabestan. Ce système
permet d’éviter aux bras d’être extraits du cabestan
lors de leur utilisation.
2. L’éLaboratIon et La préparatIon des
tambours de coLonne
2.1. dImensIons des bLocs
Les expériences menées par J. Gaillard
concernant le tournage de tambours au tour
vertical ont essentiellement été menées sur des
bases de colonne d’un diamètre supérieur à
soixante centimètres (Gaillard 2011, p. 2). Ce
diamètre relativement imposant est destiné à la
réalisation de colonnes de plus de quatre mètres
de hauteur, d’après les proportions évoquées par
les auteurs latins (Vitruve, De Architectura IV, 1).
An d’approfondir l’expérimentation, le choix
s’est porté sur la réalisation de tambours plus
minces, avoisinant la vingtaine de centimètres de
diamètre. La matière première est constituée de
cinq blocs de calcaire ferme de Thénac, fournis
par la carrière sous la forme de parallélépipèdes
de 50 cm sur 30 cm8. Puisque l’ordre de la colonne
est toscan, la base de la colonne est plus large
que la partie sommitale. Ce choix ne change en
aucune manière le mode opératoire appliqué à
la préparation des blocs de pierre. Ces derniers,
fraîchement extraits de la carrière, sont débités
selon les lits de carrière qui les composent (Adam
2017, p. 25). Il est fort probable qu’un débit à la
scie était opéré an de proposer des blocs capables,
c’est-à-dire possédant les mesures les plus proches
des cotes nales (Bessac et al. 2020, p. 22-23).
Ces blocs capables de forme parallélépipédique,
préalablement mis à l’équerre, permettent ainsi
de tracer, à la pointe, sur les futurs lits d’attente et
lits de pose, les cercles représentant le diamètre du
tambour de colonne (Bessac et al. 2020, p. 41-42).
Ces tracés de référence ainsi obtenus permettent
de passer à la taille à proprement parler.
2.2. épanneLage
L’épannelage consiste à passer d’un bloc
de forme parallélépipède à celui d’un pseudo-
cylindre. Avant d’enlever de la matière et de se
rapprocher ainsi de la forme nie, le tailleur
de pierre se doit de tracer des guides qui vont
l’aider à amaigrir le bloc ; on parlera alors de
dégrossissage. Cette technique fait une nouvelle
fois appel à un traçage géométrique, puisque
pour obtenir une forme circulaire en partant d’un
8 Cette commande a été réalisée auprès des Carrières
de Thénac et Saintonge.
Fig. 3 : Vue du tour à colonne en cours de
fonctionnement une fois assemblé. Crédit C. Billault.
Nicolas Revert et Brice Brigaud
76
carré, il est nécessaire d’arrondir progressivement
les angles par le biais de polygones simples.
Ainsi, le tailleur de pierre débutera par le tracé
et l’épannelage en octogone, avant de procéder
vers un hexadécagone (16 côtés). Le principe
est donc simple : sur les faces inférieures et
supérieures des blocs, des octogones sont tracés
de façon symétrique et les points de jonction
avec les arêtes du bloc sont reliés entre les deux
faces tracées (g. 4). Cela détermine des sections
se trouvant à l’extérieur du bloc, pouvant être
retirées ; elles sont dites “en gras”.
L’artisan eectue la taille de la pierre à
l’aide d’outils à percussion lancée, tels que le
marteau têtu, la polka ou le rustique (g. 5 et 6).
Alternativement sont également utilisés des outils
à percussion posée : la chasse, le ciseau grain
d’orge, le ciseau plat (g. 7 et 8). Le plus gros de la
matière est ainsi retiré. La nition de l’épannelage
se fait généralement au ciseau plat (g. 7 et 8),
mais peut aussi être traitée de façon plus grossière,
dans l’hypothèse d’un passage immédiat au tour,
sans passer par un deuxième épannelage (g. 9,
bloc le plus à gauche). Plusieurs méthodes
d’épannelage ont été expérimentées. Un des
tambours a simplement été préparé par un
épannelage octogonal (g. 9, deuxième bloc en
Fig. 4 : Tracé des axes et du centre à la pointe et à
l’équerre. Crédit C. Billault.
Fig. 5 : Dégrossissage à la polka. Crédit C. Billault.
Fig. 6 : Taille au rustique. Crédit C. Billault.
Fig. 7 : Épannelage octogonal au ciseau plat. Crédit
C. Billault.
Expérimentation d’un tour à colonne vertical
77
Fig. 8 : Taille circulaire au ciseau grain d’orge et épannelage héxadécagonal au ciseau droit. Crédit C. Billault.
Fig. 9 : Face au tour, de gauche à droite : un tambour
épannelé puis dégrossi à la polka, un tambour après
tournage, un tambour à épannelage héxadécagonal
réalisé au ciseau plat et un tambour épannelé puis
dégrossi au ciseau grain d’orge. Crédit N. Revert.
Fig. 10 : Retaille des arêtes à la polka. Crédit C. Billault.
partant de la droite), tandis qu’un bloc analogue
a été ensuite scindé en un hexadécagone (g. 8).
Un autre octogone a subi la cassure grossière
de ses arêtes à l’aide d’un rustique ou d’un
ciseau grain d’orge (g. 10). Enn, le quatrième
tambour a été abordé par un hexadécagone, dont
la retouche nale a été faite aux ciseaux plats et
grain d’orge jusqu’à l’obtention d’une forme quasi-
circulaire ne déviant jamais de plus de 0,5 cm du
tracé du cercle à obtenir (g. 8 et 9, tambour le
plus à droite). La diérence entre ces quatre types
d’épannelage résulte dans le temps de réalisation,
allant du simple au double, soit de deux heures
environ à une demi-journée9. Leur réaction face au
tournage, détaillée plus bas, dière grandement
d’une méthode à l’autre.
2.3. cIseLures et mortaIses
Avant de pouvoir réaliser les mortaises, trois
ciselures sont opérées sur le tambour. Celles-ci
9
Le temps de réalisation des diérentes étapes de
travail n’est pas représentatif de celui des artisans
antiques. En eet, même si la taille de la pierre a ici
été réalisée par des artisans de métier, la logistique
de chantier devait être adaptée au fur-et-à-mesure,
notamment en ce qui concerne la gestion des déchets de
taille et la position des engins et ateliers. Évidemment,
la nécessité de réponse et de discours envers le public
présent était un autre obstacle à une production
optimale. Enn, la pluie intermittente, caractéristique
inévitable du climat normand, a également ralenti toute
la chaîne opératoire.
Nicolas Revert et Brice Brigaud
78
servent de repères pour le tourneur ; elles peuvent
être considérées comme les parties nies de la
colonne, une cible à atteindre sans dépasser.
Ces bandes recreusées, réalisées au ciseau plat,
marquent les bordures inférieure et supérieure
du bloc (g. 11), tandis que la dernière matérialise
une jonction transversale entre les deux
premières, dans le sens longitudinal du tambour.
De cette manière, le tourneur conserve une vision
continuelle des repères.
La dernière étape de la préparation des blocs
consiste à réaliser les réservations (mortaises)
sur les faces d’attente et de pose, an d’y
ancrer les tenons des axes de rotation (g. 11).
Le positionnement centré des réservations
dépendant des repères tracés au préalable,
la réalisation des mortaises doit donc être
idéalement diérée jusqu’à la n de la préparation
du bloc, an de toujours conserver le centre des
tracés. Les mortaises relevées par J. Gaillard sur
de grands blocs ont des dimensions moyennes de
6 cm de côté pour 8 cm de profondeur (Gaillard
et al. 2019, p. 91). Pour des tambours plus ns, il
semble plausible de diminuer les dimensions de
la section carrée, le risque d’éclat de la mortaise
étant évidemment plus grand avec un diamètre
extérieur moindre. Le choix d’une mortaise
cubique de 5.5 cm de côté paraît être un choix
équilibré. Une mortaise plus petite serait plus
fragile et l’eort sur les arêtes ne serait a priori pas
susant pour lutter contre les diérentes forces
exercées, en particulier le poids, la torsion et les
frottements. La mortaise doit être taillée avec
une grande précision sur le bloc. L’ajustement
millimétrique, voire inframillimétrique de la
réservation se fait en y insérant régulièrement le
tenon en bois de l’axe supérieur, car le moindre
jeu entre les deux peut créer un désaxement lors
de la rotation. Une fois les deux mortaises taillées,
le tambour épannelé peut être mis en position sur
le tour.
Fig. 11 : Réalisation d’une mortaise au ciseau plat, sur un bloc pourvu d’une ciselure circulaire. Crédit C. Billault.
Expérimentation d’un tour à colonne vertical
79
3. Le tournage des tambours de
coLonne
3.1. assembLage et mIse en rotatIon
Une fois le bloc inséré sur le tenon inférieur,
posé lui-même sur le socle, le tenon supérieur
peut être installé. Comme stipulé précédemment,
l’axe supérieur servant de tenon s’imbrique dans
les deux bras diagonaux, octroyant de ce fait un
parfait alignement entre les deux axes et le centre
du tambour. Si la mortaise supérieure du tambour
possède un léger jeu, quelques coins en bois,
insérés au maillet, peuvent empêcher le bloc de
se mouvoir pendant la manipulation. Cette action
a parfois endommagé les arêtes des mortaises,
créant de petits éclats sur le lit d’attente du
tambour.
Une fois le contrôle de la stabilité du bloc
eectué, le cabestan peut être installé. Pour cette
expérimentation, un seul bras a été manipulé,
puisque la force engendrée par un seul manœuvre
était largement susante pour produire la giration
du bloc. Il est d’ailleurs judicieux d’indiquer que
J. Gaillard avait eectué le même constat lors
de ses essais, malgré un poids nettement plus
important, avoisinant parfois les 300 kg (Gaillard
2011, p. 3). Dès lors, la nécessité d’une traction
animale ou hydraulique semble caduque. La
vitesse de rotation n’a pas nécessairement besoin
d’être ampliée, puisque l’abrasion peut s’eectuer
même sur de très faibles mouvements. Toutefois,
lorsque le manœuvre actionne le cabestan sur un
rythme soutenu – et surtout stable – la vitesse
d’abrasion est évidemment accrue, avec cependant
un risque supérieur d’erreur de tournage.
3.2. tournage et mIse en œuvre
La suppression de matière lors du tournage
s’eectue par une action d’abrasion fournie par
l’arête d’un ciseau, ne nécessitant ni aûtage, ni
tranchant. Quatre outils ont été utilisés lors de
cette expérimentation : deux ciseaux plats de plus
de 50 cm de longueur, un ciseau à prol en quart
de rond de forte section, et un ciseau à prol de
doucine, permettant de réaliser des moulures.
Lorsque le tambour est en giration, le tourneur
appose son ciseau contre le tambour (g. 12).
L’abrasion produit une poudre plus ou moins
grossière de calcaire, en fonction de la profondeur
d’attaque de l’outil. Le l de nos outils n’ayant
pas été parfaitement aplani au préalable, et les
tourneurs découvrant le mécanisme lors de
l’évènement, de nombreuses imperfections ont été
produites. Quand le ciseau n’était pas tout à fait
perpendiculaire au tambour, l’un de ses angles
s’enfonçait au-delà de la profondeur souhaitée,
imprimant de ce fait un n sillon dans la pierre,
tandis que l’autre angle laissait saillante une arête.
Ce sont les deux types de traces d’outils laissées
sur les fûts archéologiques, permettant de manière
certaine une attribution technique au tournage.
Le sens de rotation n’est pas particulièrement
important, tant que le tournage s’eectue sur
des sections circulaires ininterrompues et qu’il
est opéré depuis le poste de travail à montants
étroits. Sur ce poste de travail, le tournage
est particulièrement ecace an de dégrossir
rapidement la matière du tambour, puisque le
cadre en chêne reçoit toute la poussée latérale du
Fig. 12 : Dégrossissage par abrasion au ciseau plat.
Crédit C. Billault.
Nicolas Revert et Brice Brigaud
80
tambour (g. 13). Toutefois, l’emploi de ciseaux
plats de trop faible section a permis de constater
que ceux-ci se pliaient légèrement au passage du
tambour, déviant l’outil de sa position initiale. Le
ciseau de plus forte section est en revanche bien
plus à même de conserver sa position (g. 14). De
même, l’emploi de cales en bois placées dans la
lumière du poste de travail contre le ciseau permet
d’annuler une grande partie de la poussée latérale
et de la poussée perpendiculaire, permettant ainsi
de soulager l’artisan (g. 13).
L’utilisation du poste de travail à montant
unique chanfreiné implique que la rotation doit
s’eectuer dans le sens du biseautage, sans quoi
la pierre vient heurter le ciseau, dépourvu de
contrepoint (g. 15). Il est ici plus dicile de
rentrer dans la matière, puisque le tourneur doit
lui-même gérer la poussée latérale engendrée
par le bloc de pierre. Toutefois, sa liberté de
mouvement lui permet de réaliser des nitions
plus soignées. Ce poste demande plus de pratique
mais laisse une plus grande visibilité sur le travail
accompli. Le travail à deux tourneurs simultanés
est tout à fait possible dans ces conditions. D’autres
expérimentations seront documentées à l’avenir,
mais il est d’ores et déjà possible d’armer
qu’un tourneur aguerri peut d’un côté réaliser les
Fig. 14 : Dégrossissage au ciseau à prol en quart de
rond. Crédit C. Billault.
Fig. 15 : Finition au ciseau plat depuis le poste de
travail chanfreiné. Crédit C. Billault.
Fig. 13 : Tournage au ciseau plat avec cale. Crédit
C. Billault.
Expérimentation d’un tour à colonne vertical
81
parties nes comme les moulures tandis qu’un
autre tourneur peut prendre en charge les parties
planes10.
Au cours des deux jours de l’animation, trente
à quarante-cinq minutes ont été nécessaires
lors du tournage pour obtenir des tambours
considérés comme achevés. Ce gain de temps
peut être jugé comme extrêmement protable
par rapport à la taille et au polissage par outils
à percussion posée. Les quatre tambours ainsi
obtenus ont pu être soulevés à la chèvre de levage
directement depuis le châssis du tour, une fois le
cabestan et le croisillon démontés (g. 16). Le fût
de la colonne a été assemblé avec le même engin
de levage, les tambours étant reliés par des tenons
quadrangulaires en bois, protant de manière
opportuniste de la présence des mortaises de
tournage (g. 17). La colonne a ensuite été
badigeonnée, enduite au mortier de chaux, puis
peinte en blanc sur sa partie haute, et en rouge
pompéien sur la partie basse. Si cela n’a pas pu être
réalisé lors de la présente session expérimentale,
il est théoriquement possible de moudre la poudre
de calcaire an de l’employer comme agrégat des
diérentes couches d’enduits, par exemple en
remplacement de la poudre de marbre nécessaire
à l’apprêt lissé recevant les pigments.
L’usure du tour à colonne n’a été constatée
qu’au niveau d’une seule pièce de son assemblage :
le disque de frêne supportant le tambour de
colonne sur le socle (g. 2). En eet, ce dernier, par
frottements répétés pendant les deux journées de
tournage, a été recreusé sur 0,5 cm à l’emplacement
de l’arête extérieure du tambour, mais sur un côté
plus que l’autre. Ce disque n’étant pas amovible
dans notre reconstitution, l’abrasion par la pierre
était inévitable. La rapidité de cette dernière
n’était en revanche pas prévisible. Les facteurs en
10 En raison du temps de préparation du chapiteau
et de la base de la colonne, supérieur à une journée
entière, il n’a pas été possible d’expérimenter le
tournage de moulures. Le bloc inachevé pourra faire
l’objet d’une nouvelle session sur le tour.
cause pourraient être un léger désaxement vertical
de l’assemblage, un poids supérieur sur un côté,
peut-être en raison de l’absence de mise d’aplomb
du tour. Une solution potentielle à apporter à cet
élément serait un épaississement progressif vers
le centre du disque, qui permettrait une longévité
accrue, voire une mise en équilibre du tambour.
3.3. conséquences du mode dépanneLage sur
Le tournage
Il est important de considérer la diculté
de tournage d’un bloc lorsque celui-ci n’est pas
uniforme ou qu’il possède des arêtes vives. En
eet, les à-coups que le tambour peut créer au
contact du ciseau sont accentués par les arêtes.
Fig. 16 : Levage du tambour hors du tour. Crédit
C. Billault.
Fig. 17 : Mise en place de la colonne à l’aide de la
chèvre de levage. Crédit C. Billault.
Nicolas Revert et Brice Brigaud
82
Ces saccades peuvent même entraîner un
désaxement du bloc. En eet, la poussée accrue du
tambour se répercute alors contre le ciseau, qui,
bloqué par le cadre du châssis, voire par une cale,
résiste entièrement à la poussée. Le bloc n’a donc
de choix que de se déplacer, les cales apposées
dans la mortaise étant de ce fait propulsées hors
du fût. La conséquence directe est l’obtention de
grands éclats sur le lit d’attente du bloc, atteignant
parfois même le diamètre extérieur, fragilisant
de ce fait la colonne tout entière (g. 9, deuxième
tambour en partant de la gauche). Un autre
eet indésirable de ces arêtes est l’adaptation
permanente que le tourneur doit opérer sur
le bloc, puisqu’il doit jauger avec précision la
profondeur d’attaque. Dans certains cas, le ciseau
peut même chuter brutalement sur la surface du
tambour, après le passage d’une arête ou d’une
ciselure longitudinale, provoquant un éclat dans
la face visible du bloc.
Un tournage sur bloc épannelé octogonal
n’est donc pas conseillable. En revanche, le même
bloc, une fois ses arêtes cassées au taillant droit
ou au rustique, se comporte de manière bien plus
stable lors du tournage. Un épannelage de forme
hexadécagonale produit des à-coups, toutefois
minimes. Le tournage est le plus aisé lorsque
la nition du bloc est réalisée au rustique ou au
ciseau grain d’orge. Dans ce cas, la surface grenue
du tambour, déjà assez circularisée, fournit une
abrasion aisée, sans à-coups, quel que soit l’outil
employé.
concLusIons
La réalisation d’un tour à colonne
vertical et son emploi pendant deux journées
d’expérimentation ont permis de conrmer
l’utilité de cet outil dans le cadre d’un chantier
de construction. En eet, la rapidité surprenante
d’obtention de prols circulaires satisfaisants
ne pourrait être achevée sans le tour. L’étape de
l’épannelage a un fort impact sur la diculté du
tournage et sur le nombre de stigmates laissés
par le ciseau, et illustre l’importance de la chaîne
opératoire en amont et en aval du tournage.
De plus, la localisation du tour dans l’espace du
chantier doit être paramétrée an d’optimiser
le levage, le transport, voire la mise en œuvre
immédiate en architecture.
Une partie des eets négatifs obtenus lors du
tournage de certains blocs pourrait trouver son
origine dans le système d’ancrage du bloc au sein
du tour, ainsi que dans le mode de stabilisation
du ciseau de tournage. La présence de coups de
ciseaux servant à dégager le tenon au niveau des
mortaises des colonnes pompéiennes, lesquelles
sont d’ailleurs de prol légèrement conique,
questionne la forme que cet élément en bois
doit prendre. Son engagement en force dans la
mortaise, sans l’emploi de cale, apparaît comme
une solution adoptée an d’assurer la symétrie de
rotation du bloc (Chapelin et al. 2017, p. 9). Une
attention particulière devra à l’avenir être portée
aux nitions manuelles pouvant être réalisées sur
le bloc issu du tournage. Le travail de modénature
des colonnes, ainsi que l’emploi de blocs de
dimensions variées, nécessiteront de futures
expérimentations, ainsi que des ajustements
techniques des outils employés. Tout simplement,
l’expérience croissante des expérimentateurs
permettra aussi d’améliorer le résultat nal,
pour l’instant en-deçà des productions antiques
identiées sur les sites archéologiques.
bIbLIographIe
Adam J.-P., 2017, La construction romaine :
matériaux et techniques, Paris, Éditions A. et
J. Picard, 370 p.
Bessac J.-C. et al., 1999, La construction en
pierre, Paris, Errance, 174 p.
Bessac J.-C. et al., 2020, La Construction.
Les matériaux durs : pierre et terre cuite, Arles,
Errance - Acte Sud, 212 p.
Expérimentation d’un tour à colonne vertical
83
Blagg T. F. C., 1976, « Tools and Techniques of
the Roman Stonemason in Britain », Britannia, 7,
p. 152-172.
Chapelin G. et al., 2017, « Artisanat antique
dans l’aire vésuvienne : le cas de la pierre.
Campagne d’études 2016 », Chronique des
activités archéologiques de l’École française
de Rome [en ligne], p. 1-12. DOI : https://doi.
org/10.4000/cefr.1701.
Eveillard J.-Y. et Maligorne Y., 2000,
« L’approvisionnement en pierre de Vorgium-
Carhaix : un état de la question », dans Lorenz J.
et al. (dir.), Actes du colloque d’Argentomagus,
Tours, Fédération pour l’édition de la Revue
archéologique du Centre de la France, p. 61-
74. URL : https://www.persee.fr/doc/
sracf_1159-7151_2000_act_18_1_1089.
Flügen T., 2011, « Die römische Steindrehbank
– Rekonstruktion einer vergessenen Technik »,
Hessen Archäologie, p. 194-197.
Flügen T., 2012, « Werksteinbearbeitung auf
der Drehbank. Antike Technik im Experiment »,
Restaurierung und Archäologie, 5, p. 27-50.
Flügen T., 2015, « Die Antike Steindrehbank –
Eine vergessene Maschine wird rekonstruiert »,
Experimentelle Archäologie in Europa, 14, p. 133-
143.
Gaillard J., 2004, « La carrière gallo-romaine
de l’Ile Sèche à Thénac en Charente-Maritime »,
Aquitania, 20, p. 259-282.
Gaillard J., 2008, « La pierre dans la Saintonge
antique et médiévale », Archéologie de la France
- Informations [en ligne], p. 1-3. URL : https://
journals.openedition.org/adl/1260.
Gaillard J., 2009a, « La pierre dans la
Saintonge antique et médiévale », Archéologie de
la France - Informations [en ligne], p. 1-2. URL :
https://journals.openedition.org/adl/3340.
Gaillard J., 2009b, « Archéologie
expérimentale : le tournage d’un bloc de pierre à
l’aide d’un tour à bras vertical », Instrumentum,
Bulletin du groupe de travail européen sur
l’artisanat et les productions manufacturées dans
l’Antiquité, 29, p. 22-28.
Gaillard J., 2011, « Archéologie expérimentale :
Reconstitution d’un tour à pierre antique »,
Bulletin d’information des Amis de Chassenon,
17, p. 1-3.
Gaillard J., s. d., Le tournage de la pierre [en
ligne]. URL : https://pierre-et-carriers.haute-
saintonge.org/le-tournage-de-la-pierre.
Gaillard J. et al., 2014, « La pierre de
l’agglomération antique de Barzan : identication,
approvisionnement et usages », Aquitania, 30,
p. 221-262.
Gaillard J. et al., 2019, « La pierre antique
à Saintes : provenances, usages et pratique du
tournage », Aquitania, 35, p. 67-100.
Hellner N., 2004, « Drehspuren am
Saulenbauteil des archaischen Heraion von
Argos ? », Revue archéologique, 1, 37, p. 69-78.
Vincent G. et al., 2015, « Artisanat antique dans
l’aire vésuvienne : le cas de la pierre. Campagne
d’études 2014 », Chronique des activités
archéologiques de l’École française de Rome [en
ligne], p. 1-17. DOI : https://doi.org/10.4000/
cefr.1284.
Vincent G. et al., 2016, « Artisanat antique
dans l’aire vésuvienne : le cas de la pierre.
Campagne d’études 2015 », Chronique des
activités archéologiques de l’École française
de Rome [en ligne], p. 1-9. DOI : https://doi.
org/10.4000/cefr.1504.
Nicolas Revert
Service Archéologie Préventive de l’Eurométropole
de Metz, Université de Lille, Leiden Universiteit
nicolas.revert.arch@gmail.com
Brice Brigaud
Compagnon maçon des Devoirs Unis, spécialiste
de la restauration de monuments historiques,
Université de Besançon
batisseur.mh@gmail.com
Bulletin de l’APERA, no 2
Imprimé le 1er décembre 2022
ISSN : 2804-9276 (en ligne)
ISSN : 2804-6919 (imprimé)
PrintOclock - Imprimerie en ligne
(www.printoclock.com/)
229, route de Seysses
31100 Toulouse
DÉCEMBRE 2022
Illustration page de couverture :
Travail au ciseau plat d’une ébauche de tambour
de colonne, en 2022 par les Fabri Tignuarii.
© Charlotte Billault
ISSN : 2804-9276 (en ligne)
ISSN : 2804-6919 (imprimé)
Après un premier numéro sorti en décembre 2021, axé sur
l’expérimentation en Protohistoire, nous avons souhaité laisser plus de
liberté aux auteurs dans le choix des sujets traités au sein des articles de
ce deuxième numéro. Si le mot d’ordre reste bien évidemment
l’expérimentation, des contextes très diversifiés y sont présentés
puisqu’aucune borne chronologique, ni aucune limite géographique
n’étaient imposées. Ainsi, les articles discutent de régions et de
périodes variées : la Bretagne au Néolithique, l’Europe occidentale de
l’âge du Bronze ou encore l’Égypte, la Grèce, l’Italie et la Gaule durant
l’Antiquité.
Plus que les contextes chrono-culturels étudiés, ce sont les
thématiques abordées qui attestent de la richesse et de l’importance en
archéologie de la démarche expérimentale. Plusieurs des formes prises
par l’expérimentation sont illustrées dans ces pages : véritable méthode
d’étude scientifique, familiarisation avec des pratiques anciennes, outil
de médiation et de valorisation… Ainsi, les interrogations quant à ces
démarches — leurs mises en place, leurs rôles au sein du monde de la
recherche, leurs possibles combinaisons, leurs limites — sont au centre
des problématiques des articles traités dans ce nouveau numéro du
Bulletin de l’APERA.
ResearchGate has not been able to resolve any citations for this publication.
Article
Full-text available
Stone samples extract from the Antique Agglomeration of Barzan (Charente-Maritime) were analysed through innovating procedures in order to identify their quarry from which they were extracted. In the first part, this article briefly describes the techniques used to identify stones in correlation with quarries, which will be taken as references to establish a list of the building stones sources and their complementarity uses. The second part is dedicated to the stone uses and their implementation: sawing, turning, rubbles working and masonry.
Article
Lathe marks on the Argive Heraion ? It has recently been thought that a fragmentary architectural block—long considered as the drum of a column of the Argive Heraion—might bear marks from a stone-lathe. Even if the first peripteros of Hera in Argos is not unanimously dated (in the course of the 7th century B. C.), it would become the first monument to bear such marks, older than the many marks observed on the bases of the two successive peripteroi on Samos, if we follow Pliny the Elder who credited Theodoros of Samos with the invention of the tornos. However, careful re-examination of the Argive block assures that there are no lathe traces on its surface. In fact, the block must be a conical base which probably supported a wooden shaft and protected it from humidity. Brief comparisons with Cycladic architecture and other peripteral temples of the 7th century, in the early years of Doric architecture, demonstrate the phenomenon of « petrification », in Continental Greece.
Actes du colloque d'Argentomagus, Tours, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France
  • J.-Y Eveillard
  • Y Et Maligorne
  • J Dans Lorenz
Eveillard J.-Y. et Maligorne Y., 2000, « L'approvisionnement en pierre de Vorgium-Carhaix : un état de la question », dans Lorenz J. et al. (dir.), Actes du colloque d'Argentomagus, Tours, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France, p. 61-74. URL : https://www.persee.fr/doc/ sracf_1159-7151_2000_act_18_1_1089.
Die römische Steindrehbank -Rekonstruktion einer vergessenen Technik », Hessen Archäologie
  • T Flügen
Flügen T., 2011, « Die römische Steindrehbank -Rekonstruktion einer vergessenen Technik », Hessen Archäologie, p. 194-197.
« Werksteinbearbeitung auf der Drehbank
  • T Flügen
Flügen T., 2012, « Werksteinbearbeitung auf der Drehbank. Antike Technik im Experiment », Restaurierung und Archäologie, 5, p. 27-50.
« Die Antike Steindrehbank -Eine vergessene Maschine wird rekonstruiert », Experimentelle Archäologie in Europa
  • T Flügen
Flügen T., 2015, « Die Antike Steindrehbank -Eine vergessene Maschine wird rekonstruiert », Experimentelle Archäologie in Europa, 14, p. 133-143.
« Archéologie expérimentale : le tournage d'un bloc de pierre à l'aide d'un tour à bras vertical
  • J Gaillard
Gaillard J., 2009b, « Archéologie expérimentale : le tournage d'un bloc de pierre à l'aide d'un tour à bras vertical », Instrumentum, Bulletin du groupe de travail européen sur l'artisanat et les productions manufacturées dans l'Antiquité, 29, p. 22-28.