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L’évaluation en éducation online
La Revue LEeE
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Pour citer cet article : Bertolino, I. (2022). Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques
publiques : le cas de l’évaluation du plan d’amélioration de la mixité sociale dans les collèges du département
de la Haute-Garonne. La Revue LEeE, 4. https://doi.org/10.48325/rleee.004.06
AUTONOMIE ET HÉTÉRONOMIE DANS
L’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Le cas de l’évaluation du plan d’amélioration de la mixité sociale
dans les collèges du département de la Haute-Garonne
Isabelle BERTOLINO
Version de la publication : octobre 2022
Évaluation ouverte et collaborative
Rétroacteur∙rices : Jeanne PICCARDI, Nicolas SEMBEL
Résumé Cet article questionne les notions d’autonomie et d’hétéronomie à travers le cas d’une
recherche-intervention évaluative (R-I E), portant sur un dispositif de mixité sociale dans
les collèges du département de la Haute-Garonne. S’appuyant tour à tour sur
l’apprentissage organisationnel (Argyris & Schön, 2002) et la philosophie pragmatiste,
nous établissons un lien entre la démarche de référentialisation (Figari, 1994) et les
modalités de participation des acteur·rices mobilisé∙es sur le dispositif. Nos résultats
s’appuient sur l’observation participante durant 2 ans du processus d’évaluation mis en
place. À partir des éléments du journal de terrain, nous analysons la mise en tension dans
un rapport politique des parties prenantes et comment cette dynamique fait émerger de
nouvelles perspectives quant à la détermination de ce qui a de la valeur. L’intégration
dans l’évaluation du dispositif de cadres hétérogènes apparaît dès lors comme un enjeu
démocratique et un enjeu pour le maintien et le développement du dispositif dans une
perspective respectueuse de l’hétérogénéité des acteur∙rices. La formation des valeurs,
au sens de Dewey (1939/2011), va générer des postures d’engagement dans l’action
évaluative ou d’extériorité critique. Cette dynamique dialogique nous paraît nécessaire
comme vecteur d’apprentissage organisationnel. Elle est également le support à partir
duquel nous repensons la façon de mobiliser les notions d’autonomie et d’hétéronomie
dans une visée compréhensive.
Mots-clés : émancipation, évaluation, mixité sociale, référentialisation
Abstract This article questions the notions of autonomy and heteronomy through the case of an
evaluative research-intervention (R-I E), concerning the social mixing system in the
secondary schools of the Haute-Garonne department. Drawing in turn on organisational
learning (Argyris & Schön, 2002) and pragmatist philosophy, we establish a link between
the referentialisation process (Figari, 1994) and the participation methods of the
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stakeholders in the system. Our results are based on two years of participant observation
of the evaluation process. Based on the elements of the logbook, we analyse the tension
between the parties involved in a political relationship and how this dynamic leads to the
emergence of new perspectives on the determination of what is of value. The integration
of heterogeneous frameworks in the evaluation of the system thus appears to be a
democratic issue and a challenge for the maintenance and development of the system
in a perspective that respects the heterogeneity of the actors. The formation of values, in
the sense of Dewey (1939/2011), will generate postures of commitment in the evaluative
action or of critical exteriority. This dialogical dynamic seems to us to be necessary as a
vector for organisational learning. It is also the basis on which we rethink how to mobilise
the notions of autonomy and heteronomy in a comprehensive way.
Keywords: emancipation, evaluation, social mix, referentialisation
1. Introduction
Cet article s’appuie sur une recherche-intervention évaluative (dorénavant R-I E), menée
auprès du Conseil Départemental de la Haute-Garonne dans le cadre d'une CIFRE
(convention industrielle de formation par la recherche). L’évaluation commanditée
concerne un dispositif de mixité sociale mis en place depuis janvier 2017 dans les collèges
du département et plus spécifiquement dans l'agglomération toulousaine. Ce dernier vise
à pallier au manque de mixité sociale dans certains établissements grâce à la fermeture de
deux collèges inscrits en REP+
1
et au transfert progressif des élèves sortant de CM2 vers
des secteurs dits « favorisés ». Il est également prévu la construction de deux nouveaux
établissements à la frontière de deux quartiers d’habitation, l’un relevant de la politique de
la ville et l’autre de type résidentiel, afin de faciliter le « brassage » des populations. À terme,
ce processus de transfert concerne près de 1’200 élèves du quartier populaire du Mirail qui
seront dorénavant affecté∙es à des établissements ne relevant pas de l’éducation prioritaire.
En conséquence de nouvelles mesures compensatoires ont été mises en place en
partenariat avec l’Education nationale afin de garantir la meilleure prise en charge possible.
Ces travaux ont fait l’objet de la tenue d’un journal de terrain durant deux années. Les
analyses et conclusions partagées ici s’appuient essentiellement sur ce recueil et sur notre
expérience de la conduite et de l’accompagnement de cette enquête qui a réuni une
soixantaine de participant∙es durant différents temps de travail. Cet article de recherche
empirique porte sur un aspect spécifique de cette étude, à savoir : l’intégration de points
de vue hétérogènes dans l’enquête évaluative.
Dans un premier temps, nous détaillons les motifs qui nous ont amenée à privilégier la
démarche de référentialisation (Figari, 1994) et la co-référentialisation (Mottier Lopez &
Dechamboux, 2017, 2019) comme moyens d'évaluation de ce dispositif et en quoi nous
postulons que cette démarche évaluative, de type dialectique, nourrit une possible
dynamique d'apprentissage organisationnel (Argyris & Schön, 2002). Nous développons
également ce qui motive l’ancrage de notre démarche dans la recherche-intervention et la
constitution, à cette occasion, d’un tiers espace socio-scientifique (Marcel, 2016), décrit
au chapitre 3.3. Dans cette perspective, nous questionnons les notions d'hétéronomie et
d'autonomie en tant que moyens de penser une expérience politiquement située et non
comme une fin motivant l'action ou un élément substantiel contribuant à définir la position
d’une organisation vis à vis de son environnement. Nous supposons qu'autonomie et
1
L’éducation prioritaire en France a connu une refondation à la rentrée 2015, s’appuyant sur deux nouveaux
réseaux : les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) et réseaux d’éducation prioritaire (REP)
déterminant l’allocation de moyens compensatoires pour les établissements caractérisés par une faible réussite
scolaire des élèves.
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hétéronomie sont des indicateurs de la nature des changements qui ont lieu entre les
différentes phases d'un projet depuis sa visée initiale jusqu'à son appropriation par les
publics. Nous entendons ici le terme de public dans un sens dynamique en nous appuyant
sur la compréhension qu’en a Dewey (1927/2015) et que nous développons dans la partie
2.3. C’est à partir de cette approche que nous travaillons à une nouvelle définition et un
nouvel usage des notions d’autonomie et d’hétéronomie.
Dans un second temps d’exposition, nous abordons la méthodologie mise en œuvre,
durant deux années, pour permettre cette évaluation dans une visée émancipatrice et ses
effets sur les relations entre composantes. Ces relations et la qualité des espaces, à
l’intérieur desquels elles se construisent, sont probablement déterminantes quant aux
possibilités de changement. Dans le cas étudié, la mixité sociale dans les collèges, les
composantes sont des institutions nationales et locales, des associations et des familles qui
participent à la dynamique organisationnelle du dispositif à différents niveaux
d’intervention. Le tiers espace socio-scientifique (TESS), constitué à l’occasion de cette R-I
E, devient dès lors un nouvel espace de transaction à l’intérieur duquel se joue l’exercice
partagé de la formation des valeurs. L'un des enjeux de la R-I (recherche-intervention)
étudiée ici est de parvenir à développer une démarche d'enquête évaluative intégrant
toutes les parties prenantes au dispositif de mixité. Cette visée émancipatrice se traduit
également dans la forme de la R-I qui établit une symétrie des visées heuristiques et
praxéologiques construites au sein d'un espace conjoint dit socio-scientifique. Dans cette
perspective, la R-I travaille le lien « science-société » en le redéfinissant tant du point de vue
de la position des acteur·rices que de la qualité de leurs interactions.
Dans un troisième temps de discussion, nous interrogeons, sur la base de nos observations,
l’intégration des partenaires et des publics au sein du TESS et les perspectives qui s’ouvrent
« chemin faisant ». Cette approche nous amène à réfléchir tout à la fois à la nature des
clivages entre les composantes et aux éléments qui les relient et à renouveler notre
compréhension des notions d’autonomie et d’hétéronomie. À travers cet article de
recherche empirique, nous espérons donc éclairer, à partir de ces deux notions, les
caractéristiques possibles d’un phénomène d'émancipation collective, en nous éloignant
des définitions habituellement mobilisées.
2. Accompagner l’évaluation d’un dispositif de
politique publique
Nous nous attacherons ici à décrire le contexte de l'intervention à l'origine de cette
recherche à laquelle elle est liée par une commande contractualisée entre le Conseil
Départemental de la Haute-Garonne, l’Université Toulouse Jean Jaurès et l'Association
Nationale Recherche et Technologie. Un dispositif de politique publique, autrement dit la
traduction opérationnelle d'une vision politique, génère un schéma d'actions ayant pour
objet la transformation d'une situation relevant tout à la fois d'un besoin public défini par
les sphères administrative et/ou politique et d'un système de valeurs préexistant qui va
déterminer les objectifs visés et les moyens mis en œuvre. Nous nous référons ici au
concept de schéma d'actions développé par Argyris et Schön (2002) dans leurs travaux
consacrés à l'apprentissage organisationnel. La transformation visée agira tout à la fois sur
les sphères décisionnelles (la délibération, la responsabilité politique des élus, leur
notoriété), opérationnelles (l'opérationnalisation, la responsabilité de l'administration, sa
relation au public et aux partenaires) et publiques (la réception, la réaction et les bénéfices
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
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et/ou contraintes pour les publics concernés). Il nous paraît donc utile de souligner la
délicate opération que constitue l'évaluation de tout dispositif construit dans le cadre de
l'intervention publique puisque cette opération va intéresser à divers degrés et pour des
motifs distincts toutes les sphères impliquées dans le schéma d'actions mis en œuvre et
qu'elle sera elle-même génératrice de transformation du rapport politique les liant et
potentiellement du dispositif. Les enjeux de pouvoir sous-jacents sont forts quand bien
même leur préalable commun est l'intérêt public ; ils peuvent parfois être divergents d'un∙e
acteur∙rice à l'autre, en conséquence toute démarche tendant à évaluer telle action est
confrontée à ces dynamiques. Dans ce qui suit nous présentons les différents éléments
contextuels qui nous amènent à questionner in fine les notions d’autonomie et
d’hétéronomie.
2.1 La mixité sociale à l’école : un objet en tension
La carte scolaire, depuis sa création en 1963, a représenté, tour à tour, un outil de gestion
des moyens de l’éducation, un outil de structuration sociale et un obstacle aux stratégies
familiales à visée élitaire. Cette mesure correspondait à une période de l’histoire et une
phase du développement économique où l’éducation pouvait plus que jamais être un
levier de réduction des inégalités à travers les territoires et entre les différents groupes
sociaux. Or, très rapidement puis tout au long des décennies suivantes, la dimension
égalitaire de cette dynamique a été mise en question par une partie des familles pour qui
l’éducation est d’abord l’espace de « la distinction », au sens de Bourdieu (1979). Dès 1984,
sous le ministère d’Alain Savary, des mesures « d’assouplissement » sont décrétées afin de
répondre aux revendications de certains parents d’élèves, puis sous le ministère de Xavier
Darcos, en 2008, c’est la suppression pure et simple de la carte scolaire qui est décidée.
Les évaluations de ces différentes mesures dans les années qui suivront montrent qu’un tel
assouplissement renforce les fractures sociales qui traversent déjà l’ensemble de la
population (Ben Ayed et al., 2013).
Dans cette perspective, la participation des publics à l’évaluation du dispositif de mixité
sociale dans les collèges ne peut relever d’une simple démarche de sondage pour
connaître leur opinion. Les familles, toutes classes sociales confondues, développent des
stratégies éducatives tout au long de la scolarité de leur enfant et à ce titre elles sont
actrices à part entière du système scolaire. Hadji (2012), s’interrogeant sur les fondements
éthiques et moraux qui devraient prédisposer à toute évaluation, note que :
L’évaluation « acceptable » dans une société démocratique devrait donc œuvrer (…) se
donner des fins, et privilégier des fonctions, qui permettront d’en faire un usage favorisant la
sauvegarde de la liberté, l’ouverture de perspectives, et un meilleur accès aux positions
sociales gratifiantes. (p. 217)
À l’inverse, on peut donc considérer que toute évaluation qui disqualifie les composantes
faibles (public dispersé, peu qualifié ou inexpérimenté) d’un ensemble d’acteur·rices est
potentiellement contributive d’une forme d’aliénation. Paugam (2010), dans une
perspective marxiste, définit cette dernière comme la privation de l’humanité même en
assimilant l’individu « à un rouage interchangeable et privé du contrôle de lui-même »
(p. 45). À cet égard, tout action publique d’envergure, de par son caractère impersonnel,
est potentiellement aliénante.
Enfin, les différentes recherches, nationales et internationales, menées sur la question de la
mixité sociale et de la mixité scolaire tendent à prouver les effets bénéfiques de
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l’hétérogénéité sociale et de niveau sur les apprentissages scolaires et la socialisation des
élèves. En matière de mixité scolaire, Duru-Bellat et Mingat (1997), à partir de données de
la DEP collectées entre 1989 et 1992, montrent comment « le groupement par niveau est
significativement nuisible aux progressions des élèves faibles et favorable à celles des
élèves forts par référence à un contexte de classe hétérogène » (p. 761). Toutefois, la
plupart des études soulignent également la dimension multifactorielle d’une scolarité
réussie. Cette dernière dépend de multiples variables parmi lesquelles il est difficile de
mesurer la part prise par la mixité qu’elle soit sociale ou scolaire.
On peut rappeler à cet égard, les nombreuses critiques formulées à l’encontre des travaux
du nord-américain Coleman (1966, dans Cain & Watts, 1970) qui visait à élucider les
facteurs les plus déterminants en matière de réussite scolaire (motivations des élèves, statut
social des familles, …). Cette étude ambitieuse s’appuyait sur un échantillon composé de
645’000 élèves de différents niveaux. Cherkaoui (1979) à ce propos met en exergue les
conclusions de Cain et Watts (1970) : « L’ensemble de l’entreprise est mis en doute à cause
de l’absence de spécification du modèle théorique » (p. 73). Autrement dit, la méthode
employée pour mesurer le poids de certaines variables sur la réussite scolaire est
discutable faute d’un modèle théorique justifiant l’ordre de leur introduction dans le
modèle et avec pour effet une analyse de régression peu solide.
En conclusion, de par le caractère inédit du dispositif de mixité étudié et les nombreuses
controverses qui jalonnent la littérature scientifique consacrée au sujet, cette R-I E est une
opportunité d’éclairer la question à plusieurs niveaux. Sur un plan heuristique, l’expérience
originale des acteur·rices permet d’enrichir les connaissances à partir d’un cas concret
d’opérationnalisation. Du point de vue de la visée émancipatrice du dispositif, la démarche
de recherche participative engagée permet de faire émerger les réflexions critiques autour
de sa mise en œuvre et des ajustements nécessaires.
2.2 L’évaluation comme enjeu
Du point de vue de Figari et Tourmen (2006) « l'évaluation de ‘’programme-dispositif’’ est
bien un processus de production de connaissances et d'attribution de valeur servant
différentes finalités externes, liées à des préoccupations de gestion publique » (p. 12). Ces
finalités sont dans cette R-I tout autant celles des publics que des administrations, des élu∙es
que des chercheur∙ses impliqué∙es dans un processus évaluatif relevant d'une forme de
maïeutique.
Dans la première phase de la R-I, la négociation entre les différentes parties, la clarification
des attentes en matière d'évaluation et la levée des « points aveugles » en vue de formaliser
la demande institutionnelle sous forme d'une commande/convention est un moment clé
(Aussel & Marcel, 2015). Elle est intervenue dans le cas étudié alors que le dispositif de
mixité sociale dans les collèges arrivait au terme de la phase expérimentale. Cette dernière
avait été lancée durant le mandat présidentiel précédant dont les responsables étaient du
même groupe politique que la majorité élue à la tête du département. La concomitance de
cette initiative départementale et de la politique menée au niveau national en matière
d'éducation a permis au début le travail en synergie de nombreux partenaires, y compris
le CNESCO (Centre National d'Évaluation du Système Scolaire) qui était alors une agence
publique et scientifique indépendante. Par ailleurs l'introduction de la notion de mixité
sociale dans le Code de l'Education en 2013 apportait une légitimité supplémentaire à ce
projet qui vise à terme l'obtention d'un équilibre social dans tous les collèges fortement
ségrégés essentiellement situés dans la métropole toulousaine.
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Les instructions au niveau national instaurent sans ambiguïtés la nécessité d'une
coopération entre les services de l'état et les collectivités territoriales :
L'atteinte de l'objectif de mixité sociale au sein des collèges publics relève de la responsabilité
partagée des départements, compétents en matière de sectorisation depuis la loi n° 2004-
809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et des services
départementaux de l'éducation nationale (DSDEN), responsables de l'affectation des élèves.
(Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, 2015)
En 2017, le changement de majorité sur le plan national a eu des effets sur la politique
éducative nationale qui fut l'objet d'une nouvelle réforme. Par ailleurs, le système de
mutation des personnels au sein des services décentralisés de l'État a pour effet le départ
régulier de nombreux∙ses interlocuteur∙rices et la nécessité pour la collectivité de
renégocier avec les nouveaux et nouvelles venu∙es les conditions de leur collaboration. En
conséquence, si les deux parties s'accordèrent sur le fait de mener à terme la phase
expérimentale en revanche aucun accord n'est apparu sur la façon de poursuivre cette
politique en lui allouant des moyens spécifiques du côté de l'Education nationale. Dans le
même temps, sur le terrain, les personnels des collèges et les principaux avaient d'ores et
déjà développé de nouvelles pratiques professionnelles afin d'accueillir au mieux dans
leurs établissements les élèves issus des secteurs de recrutement des deux établissements
REP+ voués à une fermeture définitive.
En conclusion, nous identifions plusieurs types d'enjeux autour de l’évaluation. Ils sont à la
fois opérationnels, politiques et scientifiques. Du point de vue des attentes, cette évaluation
doit permettre de vérifier que les visées émancipatrices qui motivent ce dispositif sont à
l'œuvre, que les choix forts qui le spécifient ne sont pas nuisibles aux élèves et que les
moyens supplémentaires alloués dans l'accompagnement des élèves agissent bien comme
mesures compensatoires de ces changements « subis ». L'évaluation a alors une fonction
de réassurance quant aux choix engagés en matière d'intervention publique et elle doit
contribuer à renouveler le dialogue entre les partenaires par l'ouverture d'un espace de
travail conjoint. À cette fin, l'introduction d'un tiers intervenant, ici le monde de la
recherche, avait clairement pour visée de garantir la qualité scientifique de l'évaluation et
sa crédibilité auprès des personnes auxquelles sont destinés les résultats (familles,
institutions et associations).
2.3 Un double registre de problématisation : heuristique et
praxéologique
D'évidence les motifs qui sont ceux du commanditaire ne peuvent être ceux de la recherche
et si les attentes sont partagées, le propre du travail de problématisation est de permettre
la ré-interrogation de ces attentes et leur pertinence au regard de la situation. Par ailleurs,
l'arrivée sur le terrain d’un∙e tiers-intervenant∙e scientifique permet l’émergence de
certaines questions qui ne peuvent s'éclairer que dans le vif de l'enquête. De plus, les
temps de préparation préalables à la commande ont été essentiellement composés de
réunions et d'entretiens avec le commanditaire ce qui est insuffisant pour révéler la
situation. En reconnaissant l'hétérogénéité des expériences et la façon dont elles
contribuent à la construction de jugements spécifiques et situés, évaluer les effets d'une
intervention publique est un exercice fondamentalement démocratique qui ne met pas
seulement en jeu des points de vue différents mais aussi des formes d’organisations.
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Finalement, ce dispositif de mixité sociale met en tension dans un rapport politique un
public en construction (les élèves et leur famille) enrôlé dans une décision politique qui
s'impose à lui et l'institution déjà là qui, de par son caractère démocratique, nécessite la
mobilisation volontaire du public dans la bonne mise en œuvre de ses décisions. Envisager
dans une perspective démocratique, cet antagonisme dynamique n'a pas à être réduit et
doit au contraire nourrir un procès d'interconnaissance des sujets en action, la
détermination d'un récit partagé et la possibilité d'une reconfiguration de l'organisation.
Cette dialectique à l'intérieur d'un espace commun de transaction (Zask, 2015) est
également la garantie d'une démocratie effective qui ne relève pas exclusivement des
croyances ou de la rationalité ou de l'intuition stratégique mais de tous ces modes de
construction de la pensée dans la simultanéité des échanges. L’une des questions qui se
pose à nous en termes d’intervention est : comment intéresser les publics à cette évaluation
et les mobiliser en vue d’une participation active ? En termes de recherche cette situation
se traduit différemment, à savoir : comment analyser la participation ou l’absence des
publics et de certains partenaires à l’enquête évaluative et en quoi les notions d’autonomie
et d’hétéronomie, telles que nous les mobilisons ici, peuvent contribuer à cette analyse ?
Afin d’éclairer ce questionnement nous citons à nouveau Dewey (1939/2011) :
Le mot « intérêt » évoque avec force la relation active qui noue l’activité personnelle aux
conditions qui doivent être prises en compte par la théorie de la valuation. Même du point de
vue de l’étymologie, il désigne une chose à laquelle participent conjointement une personne
et les conditions environnantes, dans une connexion intime. Le mot intérêt nomme ce qui se
passe entre elles, à savoir une transaction. Il renvoie à une activité qui n’opère qu’à travers la
médiation de conditions extérieures. (p. 93)
L’exercice de « valuation », c’est-à-dire de détermination de ce à quoi tiennent des individus
seuls ou associés, est un exercice déterminant à la fois en termes d’émancipation et
d’apprentissage. En termes d’émancipation, il est la garantie de la pleine contribution de
tou∙tes au « partage du sensible » (Rancière, 2000) et à la construction d‘une description
partagée des situations. En termes d’apprentissage, il renvoie à la question de la
« médiation des conditions extérieures » qui est la condition sine qua non de construction
des connaissances permettant par la suite la détermination des stratégies et moyens
nécessaires à la réalisation des « fins-en vue » (Dewey, 1939/2011).
3. L’intégration des notions d’autonomie et
d’hétéronomie dans l’enquête évaluative
Nous nous intéressons donc, dans cet article, plus spécifiquement aux phénomènes
d'émancipation collective en nous appuyant d'une part sur les travaux de Dewey
(1927/2015) pour cerner la façon dont se constitue un public et sur les travaux d'Argyris et
Schön (2002) pour tenter de reconnaître les conditions opérationnelles d'un apprentissage
organisationnel. La démarche de co-référentialisation (Mottier Lopez & Dechamboux,
2017, 2019) est le point plus particulier sur lequel se focalise notre attention en tant que
méthode de coproduction de sens et de valorisation de l'expérience dans un rapport
dynamique et situé du référé au référent.
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
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3.1 Émancipation collective et dynamique de participation
Mettre en place l’évaluation d’un dispositif d’intervention publique nous a amené en
premier lieu à interroger la notion de public et, dans un second temps, la formation des
valeurs. Dewey (1927/2015) dans « le public et ses problèmes » spécifie que : « Les
transactions entre des personnes singulières ou des groupes engendrent un public quand
leurs conséquences indirectes – leur effet au-delà de ceux qui y sont immédiatement
engagés – sont importantes » (p. 149). De ce point de vue nous pourrions dire qu'il y a deux
types d'acteur·rices caractérisé∙es ici : celles et ceux pour qui l'action donne lieu à des
changements voulus et celles et ceux pour qui elle est productrice de changements induits.
Cet énoncé est intéressant à deux niveaux. D'une part, comme le montre plus loin Dewey
dans ce chapitre, il tend à indiquer qu'il n'y a pas de ligne de partage claire a priori entre
l'État (ou n'importe quelle entité publique) et les individus ou associations privées
d'individus et que seules leurs actions respectives nous permettent d'identifier l’espace à
l'intérieur duquel se rencontrent l'initiative privée et l'initiative réglementée. Autrement dit
l'État, en l'absence d'une « causalité fixe », échappe à toute définition stable, il se construit
tout comme le public dans les conséquences de ses activités. Et d'autre part, en l'absence
d'une ligne de partage fixe entre ces ordres hétérogènes, les notions d'autonomie,
généralement définie comme aptitude à générer ses propres règles ou normes pour les
individus ou leurs associations, et d'hétéronomie, comme expression oppressive d'un
ordre auquel on ne participe pas directement, deviennent inopérantes pour produire la
moindre information.
Envisager l’autonomie comme une fin en soi ou l’hétéronomie comme une caractéristique
constante, est une aporie construite sur l’idée que les associations humaines peuvent se
constituer comme des entités closes et juxtaposées. À titre d’exemple, nous citons Vitiello
(2016) qui assimile, comme de nombreux·ses autres auteur∙rices, émancipation et
autonomie : « L’émancipation, l’accès à l’autonomie, suppose le changement, l’émergence
de subjectivités actives souhaitant et pouvant effectivement exercer un pouvoir réfléchi sur
leur existence et sur les structures sociales qui les surdéterminent » (p. 223).
Or, nous avons choisi de nous inscrire dans un cadre théorique favorisant l’idée de
transaction telle que développée par Dewey (1939/2011), c’est à dire d’une forme
d’interaction qui ne transforme pas seulement la nature des relations entre entités mais les
entités elles-mêmes en interaction. Nous questionnons donc ces deux notions dans une
nouvelle perspective qui embrasse dans une même dynamique organisationnelle les
publics et les professionnels participant d’un même dispositif, en l’occurrence
l’amélioration de la mixité sociale dans les collèges. Par ailleurs, la théorie de la
co-référentialisation (Mottier Lopez & Dechamboux, 2017, 2019) en inaugurant une
nouvelle façon de concevoir le référent et sa construction s’inscrit pour nous dans le même
questionnement. Le référent n'y est plus tant un moyen de la mesure qui agit depuis
l'extérieur à des fins de contrôle qu'un moyen de la mémoire des changements qui agit de
l'intérieur à des fins compréhensives. Il cesse d'exister exclusivement en tant que fonction
hétéronome permettant l'objectivation d'un référé par sa mise à distance. Nous sommes là
au cœur de l'idée initiale qui guide cet article. Du point de vue de Mottier Lopez et
Dechamboux (2017), dans les trois phases de la recherche collaborative (co-situation,
co-opération, co-production) définie à partir des travaux de Desgagné (1997), émerge, au
stade de la co-opération, un élément multi-référentiel tout à la fois constitué par les
référents précédents, les référents propres et les référents en rapport avec les « fins-en-
vue ». Cette situation implique également une mutabilité des référés en référents et vice-
versa selon les contextes. En considération de quoi, les termes d'autonomie et
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d'hétéronomie pourraient avoir pour utilité d'indiquer à différents stades du
développement d’un système le niveau d'intéressement des acteur·rices les plus éloigné∙es
de l'espace décisionnel. L'émancipation relève alors d'une intégration croissante des
composantes d'une dynamique organisationnelle à la réalisation des opérations
essentielles pour son maintien. Elle réduit également l’éloignement des publics au sens où
l’entend Dewey (1927/2015), des espaces de transaction où peut se fonder un système de
valeurs partagé.
3.2 Une enquête évaluative à visée formative : démarche de
référentialisation et apprentissage organisationnel
Toute intervention publique suppose à un degré plus ou moins important l’adhésion des
publics qu’elle atteint. Dans le cas de la détermination des secteurs de recrutement des
collégiens cette adhésion est importante puisqu’elle doit permettre de limiter les stratégies
d’évitement des familles (Van Zanten & Obin, 2010). Dans le cas présent, elle l’est d’autant
plus que le dispositif bouscule les règles habituelles en faisant passer le principe de mixité
sociale des établissements devant le principe de proximité avec le quartier d’habitation des
familles. Ce premier constat révèle déjà un premier enjeu en matière d’évaluation, à savoir :
un conflit possible entre deux valeurs (la mixité et la proximité) et le besoin de développer
une démarche d’enquête évaluative à même de l’éclairer. Notre démarche s’appuie donc
tout à la fois sur la démarche de référentialisation telle que modélisée par Figari (1994) et
l’apprentissage organisationnel tel que défini par Argyris et Schön (2002) dans la suite des
travaux de Bateson.
Concernant Figari (1994), il propose une démarche d’évaluation de type dialectique qui
opère par la triangulation de trois dimensions : le contexte et les éléments ayant induit le
dispositif, les réponses construites en conséquence, et le produit des actions entreprises
en vue de répondre à la situation. Il interroge donc tout à la fois la pertinence, l’efficacité et
l’efficience de l’action évaluée. L’évaluation dès lors s’éloigne du modèle de la démarche
de contrôle consistant à confronter les résultats d’une action à des objectifs prédéfinis sans
prise en compte des spécificités de la mise en œuvre et donc sans possibilité pour les
acteur·rices d’apprendre à partir de leur expérience. Concernant Argyris et Schön (2002),
ils s’intéressent précisément à ce qui favorise l’apprentissage en situation de travail à
commencer par la possibilité de comprendre suivant le principe essai/erreur. Cependant,
cela n’est possible, que pour autant que l’on travaille dans un environnement où l’erreur est
reconnue comme une opportunité d’apprentissage. Dans le cadre de l’apprentissage
organisationnel, l’apprentissage en double boucle permet non seulement d’interroger la
qualité de l’action entreprise et de la corriger à la faveur d’une meilleure compréhension
des erreurs constatées, mais également d’interroger l’objet même de l’action et sa
pertinence au regard du système dans lequel elle a été produite. « La distinction entre
apprentissage en simple boucle et apprentissage en double boucle … différencie
l’apprentissage opérationnel au sein d’un cadre de valeurs constantes, de l’apprentissage
qui consiste à changer les valeurs qui définissent l’amélioration » (Argyris & Schön, 2002,
p. 25). L’évaluation est donc l’élément central qui fait lien entre les deux modèles puisqu’il
s’agit dans tous les cas d’un exercice visant la formation des valeurs et la formation par la
détermination des valeurs.
Les professionnel∙les impliqué∙es tout autant que les publics participent d’une même
dynamique de production des savoirs et d’apprentissage. Les professionnel·les n’agissent
pas en totale autonomie vis-à-vis des publics. En effet, ces derniers contribuent à l’action
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 10 La Revue LEeE
par leur adhésion et sont de fait inclus dans une démarche instituante au sens de
Castoriadis (1999). Par ailleurs, le Conseil Départemental, en tant qu’institution, ne peut dès
lors être définie comme strictement hétéronome. Les notions d’autonomie et
d’hétéronomie restent cependant agissantes dans un contexte de circulation des savoirs si
elles n’ont plus pour objet de caractériser des composantes dans un ensemble mais des
dynamiques de participation. Autrement dit, elles n’agissent plus comme indicateurs d’un
état mais comme indicateurs dynamiques. Quand les différentes composantes d'une
dynamique organisationnelle entrent en tension dans un rapport politique, les notions
d’autonomie et d’hétéronomie pourraient permettre de caractériser les changements en
cours. Elles pourraient permettre d'observer les degrés de rapprochement ou
d'éloignement de l'action en cours avec le projet de départ, autrement dit le degré
d'appropriation par les publics et les professionnels de la décision initiale et le degré de
coopération entre les composantes. Dans cette logique, le dispositif de mixité sociale qui
est au centre de cette enquête évaluative devrait être l'objet de transformations
consécutives à la dynamique d'apprentissage organisationnel qui se met en place entre les
différentes composantes engagées dans l'évaluation.
3.3 La co-référentialisation et la nouvelle nature du nomos
Consécutivement à ce qui précède, la démarche d’évaluation, dès qu’elle est pensée non
dans une perspective de contrôle mais dans une perspective d’apprentissage, nous amène
à redéfinir le principal outil sur lequel elle s’appuie en l’occurrence le référent qui est aussi
l’une des résultantes de l’enquête évaluative. Le principe qui consiste à déterminer un
référent antérieurement à l'opération d'évaluation, autrement dit la définition d'une norme,
d'un standard ou d'un idéal auxquels se référer et avec lequel mettre en relation un référé
qui répondra plus ou moins aux critères déterminés comme représentatifs d'un état
souhaitable, ce principe donc est ce que nous qualifierons de nature ancienne du nomos.
Les discussions sont nombreuses quant à la « nature » de ce référent, de Stuffelbeam (1980)
à Figari (1994) en passant par Hadji (1993). Toutefois, Mottier Lopez et Dechamboux (2017)
introduisent une nouvelle proposition en interrogeant les possibles qualités dynamiques
du référent et l'éventualité qu'il se redéfinisse tout au long de l'opération d'évaluation dans
une interaction avec le référé et par le jeu des compréhensions nouvelles émergeant de
l'exercice dialectique que peut être l'évaluation. Une telle possibilité est éminemment
dépendante des caractéristiques de la démarche d’évaluation adoptée. Dans cette
perspective le nomos, entendu comme référent, est tout à la fois antérieur au dispositif
observé, il a déterminé la définition des objectifs fixés, et simultané à l'évaluation du
dispositif. Il se redéfinit dans la compréhension nouvelle de l'action en train de se faire. Le
référent dès lors peut muer relativement à l'expérience effective acquise dans la mise en
œuvre d'un dispositif et dans l'interrogation de cette mise en œuvre et de ses effets lors de
l'évaluation. Il devient un élément partagé contributif d’un système de valeurs issu du récit
collectif de l’expérience. Le référent cesse d'être exclusivement un indicateur de
performance pour devenir aussi un indicateur d'implication ou de niveau d'enrôlement des
contributeur·rices au dispositif. Il cesse de « dire » exclusivement quelque chose du
dispositif, et donc de dire quelque chose de la volonté de ses promoteur∙rices (référents
définis préalablement à la mise en œuvre), pour devenir « trace » de la dynamique à
l'œuvre entre promoteur∙rices et contributeur·rices au dispositif (référents revus chemin
faisant).
L’émergence d’un nomos produit par un ensemble d’acteur·rices se saisissant d’une
situation pour construire conjointement le récit de leur expérience est donc le principal
enjeu du travail de compréhension à mettre en place dans le cadre de cette R-I E. Déplacer
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 11 La Revue LEeE
cet enjeu, et donc notre compréhension, du côté des seuls référents initiaux ayant
déterminé l’organisation du dispositif, reviendrait à rendre inaccessible à l’entendement du
commanditaire les effets réels de son action et centrerait tout le produit de l’évaluation sur
la mesure de ses « performances » opérationnelles.
Nous citerons à cet égard Bedin et Broussal (2013), s’appuyant sur les travaux de Simonet
(2009) :
L’évaluation abolirait le jeu nécessaire de l’instituant et de l’institué, rigidifiant de façon
mortifère le rapport entre une « logique de reproduction des valeurs inscrite dans la
fermeture » et cette dynamique instituante productrice « de nouvelles valeurs, logique
d’ouverture créatrice, comme tentative d’affranchissement des déterminismes ». (p. 259)
Cependant, pour que l’exercice d’une évaluation dialectique ait lieu, encore est-il
nécessaire de mettre en place un nouveau dispositif spécifiquement dédié qui puisse
constituer un espace partagé et reconnu par tous les acteur·rices prenant part au dispositif.
Dans notre cas, nous appuyant sur le modèle de R-I conceptualisé entre autres par Broussal,
Ponté et Bedin (2015), cet espace partagé est celui du tiers espace socio-scientifique (TESS)
qui, comme son nom l’indique, se constitue à l’intersection des milieux professionnels et
académiques et qui doit permettre au terme de notre recherche d’intégrer également les
publics.
4. Méthode de conduite de l’enquête évaluative et
éléments saillants de l’analyse
La démarche de recherche collaborative, pour pouvoir se mettre en place, nécessite des
temps consacrés à l’interconnaissance des partenaires. Cela concerne tout autant le tiers-
intervenant scientifique que l’institution commanditaire, ici le Conseil Départemental, ou
tout autre composante associée à l’évaluation. Aussi la mise en place de la R-I et la
constitution du tiers espace socio-scientifique passent par des temps de partage de
connaissances à part entière indépendamment des dispositifs plus spécifiques qui sont mis
en place ultérieurement pour restituer et diffuser les savoirs coproduits dans ce cadre : « La
responsabilité du chercheur est engagée dans la capacité qu’il a à éclairer le praticien sur
l’hétéronomie des preuves relatives aux champs du connaître et de l’agir » (Broussal, 2017,
p. 160).
4.1 Le tiers espace socio-scientifique comme espace de
transaction dans la formation des valeurs
À la faveur de la mise en place de la R-I E se constitue donc un temps et un espace
spécifiques de travail collectif défini comme tiers espace socio-scientifique. Il nous apparaît
comme la traduction tangible du principe de symétrie des visées heuristiques et
praxéologiques qui caractérise la R-I.
De cette stase que le tiers-espace autorise, de ce moment critique que le chercheur anime,
de ce désajustement qui jaillit comme une force contraire au cœur de l’effort collectif
d’ajustement, naît une attention particulière, s’exprime la volonté opiniâtre de préférer la
politique des hommes à celle des choses, se partageant enfin l’expression de souhaits de
subjectivation que tout changement fût-il professionnel appelle. (Broussal, 2015, p. 204)
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 12 La Revue LEeE
Pour notre part, il est l’espace privilégié au sein duquel toutes les parties prenantes au
dispositif peuvent suspendre le cours habituel de leurs activités et construire une nouvelle
compréhension et un point de vue critique dans l’interaction des sphères professionnelles,
scientifiques et nous ajoutons publiques. Dans cet espace conjoint, elles cessent d’être
étrangères les unes aux autres et œuvrent ensemble. Il est donc également un espace où
il est possible pour les acteur·rices de se reconnaître mutuellement à travers ce qui les
singularise et ce qui leur est commun. Voirol (2008), commentant l’œuvre de Dewey, note
que : « la reconnaissance suppose la constitution d’un espace de rencontre dans lequel les
participants peuvent trouver une place en se considérant les uns les autres et en se
définissant les uns par rapport aux autres » (p. 26). Nous postulons que cette
reconnaissance mutuelle est probablement un effecteur agissant tout à la fois sur la
dimension émancipatrice et la dimension transformative de la R-I.
Saisir des processus de transformation nécessite de penser le changement. Cette notion
joue un rôle d’autant plus déterminant que les termes d’autonomie et d’hétéronomie, telles
que nous les mobilisons ici, permettent de caractériser les dynamiques produites par les
changements étudiés. Aussi, nous postulons qu’une dynamique de changement
émancipatrice se caractérise par la façon dont elle gagne en autonomie en transformant
les référents initiaux au fur et à mesure que se développe la R-I E. Elle est rendue visible
entre autres par la capacité des groupes de travail chargés de l’évaluation d’intégrer des
points de vue toujours plus hétérogènes. Nous qualifierons cette dynamique de centripète.
L’accroissement de l’acteur-réseau (Akrich et al., 2006), ici le système sociotechnique
développé autour du dispositif de mixité sociale et son prolongement dans le TESS
constitué pour son évaluation, est également l’un des effets rendant visible cette
dynamique centripète. Le dispositif de mixité sociale constitue le centre de l’action et
agrège dans son environnement un nombre croissant d’actant∙es (Akrich et al., 2006). À
l’inverse, une dynamique de changement fondée sur la capacité d’action d’un sous-groupe
dominant et l’assignation de tout autre composante à une fonction exclusivement
hétéronome, se caractérise par l’exercice d’une force centrifuge. Cette dynamique
centrifuge a pour centre non les activités de l’acteur-réseau mais un sous-groupe dominant
(Argyris, 1974), et les référents initiaux y sont considérés comme immuables. À terme, elle
est rendue visible par l’éloignement toujours plus grand des actant∙es n’appartenant pas
au sous-groupe dominant et l’affaiblissement global de l’acteur-réseau. Cette hypothèse
constitue la grille de lecture à travers laquelle nous analysons le matériel empirique recueilli
dans le journal de terrain.
4.2 La mise en place du tiers espace socio-scientifique
Reconnaître ces ordres hétérogènes et les référents à l’œuvre au moment de la création
du dispositif était une phase préalable nécessaire à la mise en place de la R-I E. La phase
exploratoire, qui a duré six mois, a permis la réalisation de trente entretiens auprès de
différents partenaires y compris des représentant∙es de parents d’élèves et l'observation
participante de vingt-huit réunions de travail multilatérales, dix séances de concertation
publique et cinq réunions d'associations, auxquelles s'ajoute la collaboration au
fonctionnement de la Direction de l’Education et du service dédié à la sectorisation au sein
du Conseil Départemental de la Haute-Garonne. Par ailleurs, les nombreuses archives du
commanditaire ont facilité le recueil et l'analyse documentaire. Au sortir de la phase
exploratoire une proposition méthodologique pour la conduite de l'enquête évaluative a
été soumise au comité de pilotage constitué pour le suivi de cette recherche. À la suite de
cette réunion, des groupes de travail ont été mis en place avec les personnels du Conseil
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 13 La Revue LEeE
Départemental et les différents partenaires engagés dans l'évaluation du dispositif de
mixité sociale. Le comité de pilotage et les groupes de travail sont les deux instances sur
lesquelles prend appui la R-I, les dispositifs de partage de connaissances sont des temps
spécifiques dédiés entre autres à la restitution des résultats des travaux.
Durant la phase exploratoire, nous avons mené une observation participante suivant les
principes de l’enquête par dépaysement (Beaud & Weber, 2010). Un premier temps
d’observation flottante, nous a permis d’aller à la rencontre des personnels du
commanditaire et de ses partenaires, de faire leur connaissance et de nous présenter à
eux. La tenue d’un journal de terrain a permis de saisir la situation avec une grande
amplitude : « le journal de terrain transforme une expérience sociale ordinaire en
expérience ethnographique : il restitue non seulement les faits marquants, que votre
mémoire risque d’isoler et de décontextualiser, mais surtout le déroulement
chronologique objectif des événements » (Beaud & Weber, 2010, p. 80). Dans un second
temps d’observation focalisée, nous nous sommes concentrée sur les interactions entre le
commanditaire et les publics, ainsi que sur le fonctionnement interne de la Direction de
l’Education en matière de sectorisation. À l’issue de cette première phase, les différentes
instances qui composent le TESS ont été formalisées. Le tableau suivant rend compte de
leurs caractéristiques.
Tableau 1
Composition du TESS
Instances de travail et de pilotage
Nombre de participant∙es
Composition
Comité de pilotage
(10 participant∙es)
Équipe de recherche, représentants du Conseil
Départemental de la Haute-Garonne, de
l’Education Nationale et des cinq différents
groupes de travail
Trois groupes de travail transversaux
thématiques « Les effets sur les élèves et
leur familles », « les effets sur les
parcours éducatifs et scolaires », « les
effets sur les pratiques professionnelles »
(39 participant∙es)
Agents et cadres des collectivités territoriales
(ville, métropole, département, région), membres
de l’EN (IEN, coordinatrices REP+), bénévoles,
salariés et cadres d’associations, associations de
parents d’élèves, doctorante CIFRE
Groupe de travail inter-catégoriel
Education Nationale
(16 participant∙es)
Maître mixité sociale (maître inter-degré),
directrices d’école, principaux, principaux
adjoints, professeurs référents mixité, conseillers
pédagogique et d’éducation, coordinatrices
réseau REP+, doctorante CIFRE
Groupe de travail « familles partenaires »
(20 participant∙es)
Associations de parents d’élèves et parents
d’élèves volontaires rencontrés au cours des
différents moments d’enquête, doctorante CIFRE
4.3 Quelques éléments d’analyse issus de l’observation
participante
Les éléments présentés ici ne sont pas exhaustifs, en revanche ils nous paraissent
significatifs au regard de nos questions de départ et de notre questionnement sur la
mobilisation des notions d’autonomie et d’hétéronomie. Par ailleurs, ces éléments
reprennent le modèle ternaire mobilisé jusque-là. Nous présentons donc des conclusions
du point de vue institutionnel, démocratique et politique.
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 14 La Revue LEeE
Les instances mises en place dès le lancement du projet en 2017, en l’occurrence un comité
de suivi émanation du Conseil Départemental de l’Education Nationale (CDEN), et un
comité de suivi des mesures d’accompagnement du dispositif qui inclut les associations,
réunissent de très nombreux·ses acteur·rices sur un après-midi deux fois par an pour faire
le point sur la situation. Les échanges sont essentiellement informatifs et ces réunions ont
également une fonction de représentation importante. Elles sont l’occasion pour les
participant∙es de se compter et de vérifier leur degré de mobilisation. La quarantaine de
personnes présentes sur une durée de quelques heures et le nombre d’informations
exposées limitent les possibilités de débats et d’interactions. Ces différents temps
d’échange autour d’un même projet contribuent à une forme de récit partagé, cependant
ce dernier se conjugue essentiellement au présent et ne fait pas l’objet d’un compte rendu
co-élaboré par les participant∙es. En conséquence, la dynamique organisationnelle à
l'œuvre s'appuie sur une mémoire diffractée des évènements. Il n'y a pas de partage d'un
récit permettant la reconstitution des événements tels qu'ils ont été vécus par les
promoteur∙rices de l'action (les institutions et les associations) et les contributeur·rices au
second degré (le public qui s'est constitué chemin faisant). Cette difficulté a un effet direct
sur la possible émergence d'un phénomène d'apprentissage organisationnel. Le schéma
d’actions à l’œuvre tend à favoriser l’expression de deux sous-groupes dominants, en
l’occurrence le département et l’Education nationale alors que, dans le même temps, ce
dispositif a généré de profonds changements dans les pratiques et les périmètres
d’intervention de l’ensemble des partenaires. La dynamique observée a un caractère
centrifuge bien qu’elle vise au départ à accroître l’engagement des partenaires dans le
dispositif. Il y a donc contradiction entre l’objectif de ces réunions et les travaux qu’elles
permettent de mener. Les points de vue contradictoires qui s’expriment dans ces comités
de suivi ne donnent pas lieu à un questionnement des schémas qui organisent l’action.
Du point de vue des réunions de concertation publique, engagées dans le cadre du
« dialogue citoyen » et auxquelles nous avons assisté, elles réunissent un public de parents
d’élèves et d’enseignants très mobilisés et acceptant de jouer le jeu de la réflexion autour
des scenarii possibles de sectorisation en présence des agent∙es et élu∙es du Conseil
Départemental. Toutefois la participation est plus importante chez les familles relevant des
publics dits « favorisés » en comparaison des familles des quartiers populaires. De plus ces
réunions peuvent devenir le théâtre d’interpellations des institutions par les publics sous
une forme polémique qui ne relève plus à proprement parler du dialogue. Trois éléments
d’analyse sont ici relevés :
1. Coexistence de deux formes de représentation des situations qui entrent en conflit
tout en étant également légitimes. Ces représentations sont d’une part les données
statistiques présentées par les partenaires institutionnels pour faire valoir l’intérêt
général et d’autre part les témoignages des familles de nature, à l’inverse, très
personnelle.
2. Tenue de réunions publiques exclusivement et immédiatement en amont des votes
au CDEN et à l’assemblée départementale créant une situation d’urgence qui tend
les débats et polarise les opinions.
3. Rôle prescripteur des enseignant∙es participant au débat et influençant la posture
des familles.
En termes de résultats, nous considérons avoir ici une dynamique centrifuge d’éviction des
publics à deux niveaux : celui de la représentation du problème de la sectorisation et celui
de la légitimité de l’expression. Dans le premier cas, au nom de l’intérêt général seules les
représentations impersonnelles sont considérées comme significatives. Dans le second
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 15 La Revue LEeE
cas, le calendrier politique et le savoir-faire des professionnel·les de l’éducation
prédominent au détriment de la temporalité et de l’expertise des familles, et plus encore
des familles dites « défavorisées » moins mobilisées.
Enfin, la mise en place du TESS au sortir de la phase exploratoire a donné lieu à de multiples
tensions. La création d’une instance de travail multilatérale sur proposition des
intervenant·es scientifiques a bouleversé les schémas d’action à l’œuvre jusque-là. Nous
analysons cet enjeu comme étant de nature politique au sens où cette forme d’organisation
mettait en cause les sous-groupes dominants qui animaient habituellement les débats. Ces
tensions questionnent fortement la R-I en cela que, dans la difficulté pour les participant∙es
à nouer des alliances et à s'associer par crainte d'une forme d'aliénation ou
d’instrumentalisation, la seule issue qui semble possible est une évaluation de type externe,
à savoir : une évaluation portée par un acteur·rice indépendant∙e à l'égard du dispositif
existant et donc, par la force des choses, étranger à l'expérience concrète vécue par celles
et ceux qui le portent. Nous arrivons là à une situation paradoxale. Seule une évaluation
externe pourrait garantir le consentement des acteur∙rices à s'associer pour sa production
tout en se réservant la possibilité de rompre l'association si les résultats ne faisaient pas
consensus. Dans le même temps, seule une évaluation interne (impliquant tous les
partenaires et publics en association avec l’intervenant·e scientifique) peut permettre la
co-construction d'un référentiel produit à partir de l'expérience effective du dispositif et
par conséquent au plus près de leurs intérêts respectifs quand bien même ils sont
divergents. Elle est également la seule voie possible pour garantir des transformations
adéquates car partagées. Pour réduire ce paradoxe, penser les termes d'autonomie et
d'hétéronomie dans l'évaluation est une condition nécessaire. Le TESS en questionnant les
« routines défensives » des participant∙es, nous nous référons ici à Argyris et Schön (2002),
crée, sur une durée limitée, celle de la R-I E, une dynamique centripète. L’évaluation dès
lors se détache des logiques de développement propres au dispositif et qui intéressent
principalement les institutions initiatrices, au profit d’une dynamique spécifique visant
l’objectivité et l’équité de l’évaluation par l’intégration de toutes les composantes engagées
dans cette politique.
5. Évaluer une action pour mieux la comprendre
Arrivés à ce stade de notre développement, nous pouvons dire que toute initiative en
matière d'action publique se caractérise par le fait que les objectifs que ses initiateur∙rices
lui assignent et les effets qu'elle produit, depuis sa mise en œuvre jusque dans sa réception
par les publics, sont des phénomènes distincts intervenant dans des temporalités et des
sphères sociales différenciées. À cet égard évaluer une politique publique ne peut relever
d'une simple opération de contrôle qui consisterait à prendre les objectifs chiffrés du
dispositif comme « standard » ou référent au regard duquel mesurer les effets d’un
dispositif. Cette sorte d'action envisagerait les publics comme un « matériau inerte » et
jugerait tout écart au standard comme un gradient de résistance dudit matériau, ce qui n'a
pas grand intérêt hormis dans les régimes politiques essentiellement répressifs. En effet,
ce point de vue implique la croyance fondamentale que toute politique publique se pense
dans un environnement fortement autonome des publics sur lesquels elle agit, et que les
publics ont un rapport aux lois et règles forcément vécus comme hétéronomes. Ces
postulats, particulièrement visibles dans les régimes autoritaires, peuvent également être
très actifs dans un environnement démocratique et être un frein à l'enquête sociale au sens
où l'entend Dewey. Voirol (2008) résume la théorie de ce dernier à partir du rôle central
que joue le doute et l’interrogation dans le cours des activités humaines.
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 16 La Revue LEeE
Selon Dewey, le cours de la vie implique un changement constant qui est fait d’inattendus et
de ruptures de routine qui brisent cette continuité de l’expérience et font émerger des
situations problématiques – que Dewey appelle des « troubles ». Ces troubles subis
occasionnent une scission dans l’expérience, qui incite les sujets à agir pour reconstruire une
continuité expérientielle par la recherche de solutions : ce processus d’interrogation prend la
forme d’une « enquête sociale ». C’est dans cette résolution de problèmes que se constituent
à la fois un espace commun et une individuation des participants impliqués dans ce processus
coopératif et expérimental. (p. 24)
5.1 S’émanciper de l’isolement expérientiel
L'isolement dont il est ici question ne relève pas seulement de l'expérience individuelle
mais également de l'expérience des organisations qui sont au prise avec une double
injonction : la nécessité de coopérer pour agir et la nécessité de se distinguer de leur
environnement pour conserver leurs propres visées. À l'échelle individuelle nous pourrions
traduire cette tension entre besoin de socialisation et nécessité de se préserver des
pressions extérieures. Mais dans un cas comme dans l'autre il n'est pas « de système
absolument clos, il n'est pas de système absolument ouvert » (Morin, 1977/2014, p. 199).
Autrement dit les interactions constantes auxquelles peuvent être soumises ou que
peuvent produire toutes les formes d'entités, démontrent la perméabilité entre les
systèmes et par là la possibilité de surgissement d'entités tierces. Elles en sont mêmes la
condition nécessaire. Morin (1980/1987) note également qu'il n'en va pas exactement de
même pour l'État qu'il définit comme « monstrueusement solitaire. Il ne reconnaît pas
d'autre règle que la sienne, il n'a pas de parenté à l'extérieur » (p. 247). Nous ne
commenterons pas plus avant la position spécifique de l'État du point de vue de Morin, il
nous paraît cependant intéressant car il pose la question de la solitude expérientielle et de
son contrepoint la parenté qui permet l'en-dehors de soi comme soi.
Dans le dispositif de mixité sociale étudié, la solitude initiale des promoteur∙rices de cette
politique a très vite été rompue par la nécessité de trouver des allié∙es dans toutes les
sphères permettant la co-élaboration des moyens opérationnels de mise en route. Les
réunions bilatérales du départ laissèrent rapidement place à des réunions multilatérales et
à la constitution d'un comité de suivi réunissant toutes les institutions et associations parties
prenantes à la mise en œuvre. Année après année, la réunion de tous ces acteur∙rices a
créé l'émergence d'une expérience commune d'autant plus puissante que la forme de
cette intervention publique était l'objet de controverses et dans le même temps elle
enrôlait les participant∙es dans le constat commun qu'il fallait agir avec force. En
conséquence de quoi nous qualifierons de forme de parenté, l'émergence d'un lien
spécifique entre ces intervenant∙es et qui est né d'une prise de risque partagée. De plus, le
Conseil Départemental s’était engagé auprès de ses partenaires à fournir une évaluation
permettant de comprendre les effets du dispositif et leur convergence avec les objectifs
fixés au départ. Cependant la méthode pour y parvenir n'avait pas été clairement
déterminée, et étant donné le caractère inédit de la situation aucun des moyens habituels
d'évaluation ne pouvaient répondre à ce besoin ; l’appel à un tiers-intervenant scientifique
devait pallier à ce manque de repères. Enfin, la relation aux différents publics, telle qu’elle
se donne à voir dans les réunions de concertation observée, est d’une qualité encore
incertaine, mêlant tout à la fois défiance et désir de dialogue. À cet égard, l’institution relève
bien pour eux d’une réalité hétéronome, autrement dit étrangère à leur propre système
compréhensif et de valeurs.
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 17 La Revue LEeE
5.2 Se lier par les savoirs coproduits
L'autonomie peut se réaliser dans un double mouvement celui qui consiste à s'approprier
des règles en les intériorisant ce qui rend possible le fait d'en jouer, et celui qui consiste à
s'en affranchir en refusant de les intérioriser ou en les réinventant. Ce mouvement peut
concerner un individu seul ou se déployer collectivement dans le cas d'individus s'associant
pour se saisir d'un problème. Nous nous intéressons à ce deuxième cas de figure, cette R-I
E se donnant pour but de comprendre les phénomènes d'émancipation collective tant du
point de vue de l'apprentissage organisationnel que de la transformation
organisationnelle. À cet égard le TESS, selon comment il est investi, va permettre aux
acteur∙rices de s'extraire de leurs activités habituelles et de confronter leur point de vue au
point de vue des autres dans une perspective dialectique. Il va également permettre par
cette mise à distance la production de quelque chose de nouveau : d'une règle, d'une
norme ou d'un idéal qui n'existe pas encore.
Pour notre part, au vu de la commande institutionnelle, de la demande sociale et des choix
épistémologiques opérés par les chercheur∙ses de l'UMR EFTS, nous menons une
recherche impliquée dans ce tiers espace qui, tout en intégrant les attentes de ces trois
composantes, a pour visée de déployer un système compréhensif conçu à partir d'elles et
qui se poursuit au-delà par les voies de la critique et de la transformation. Cependant il
existe un risque réel d'aliénation des publics au moment de leur enrôlement dans
l'évaluation du dispositif. L'aliénation est prise ici au sens le plus strict du terme, le « a »
privatif indiquant l'existence d'un lien non compris et donc non consenti entre des
composantes et un ensemble auquel elles contribuent.
Ce risque s'est révélé une première fois dans les phénomènes de tension observés entre
partenaires lors de la réunion du comité de pilotage de la R-I E dont l'objectif était de
trouver un accord sur les moyens mis en œuvre dans la co-production de l'évaluation et les
modalités d'exposition des résultats. Prendre part à ces décisions c'était s'engager sur la
voie d'une coresponsabilité à laquelle l'un des partenaires n'était pas prêt. De même,
ultérieurement, dans le cadre des groupes de travail œuvrant au processus de
référentialisation, de nombreux∙ses participant∙es interrogeaient leur représentativité dans
la discussion au regard du nombre et de la diversité des publics concernés par l'évaluation.
Nous citerons ici Ardoino et Berger (1989) :
le contrôle était nécessairement mono-référentiel, pour permettre de trouver une
homogénéité, ce qui ne lui interdisait nullement de se prétendre multidimensionnel, tandis
que l'évaluation est multi-référentielle et ne peut esquiver le problème de l'hétérogénéité,
puisque saisir une signification, c'est construire un réseau de la relation entre des ordres
hétérogènes. (p. 6)
Le processus d'évaluation qui intéresse cette R-I E s'appuie précisément sur la saisie de ces
ordres hétérogènes et la façon dont, de leurs interactions, peut émerger un espace
commun de transaction et la production d'un récit partagé. Toujours dans « la veine » des
arguments développés par Ardoino et Berger, saisir ces relations c'est également vérifier
de quelle façon les publics s'approprient l'intervention publique, dans notre cas le
dispositif de mixité sociale, et la façon dont les différents partenaires institutionnels s'y
associent. Éclairer cette complexité permet d'observer le lien consubstantiel entre
hétéronomie et autonomie à l'intérieur d'un système organisationnel démocratique. À cet
égard, l'évaluation ouvre une voie compréhensive quant à la portée de nos actions
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 18 La Revue LEeE
collectives là où le contrôle ferme l'espace compréhensif en considérant les référents
comme a priori non négociables.
5.3 Vers une définition contextualisée des termes
d’autonomie et d’hétéronomie
Broussal (2017) travaillant à la définition d'une épistémologie de la R-I, souligne que :
Le caractère paradigmatique des positions que je viens d’énoncer (prééminence de l’utilité
sociale de la recherche, attachement à l’émancipation des acteurs, explicitation des valeurs
de références et prétention humaniste), affecte l’ensemble des composantes de cette
épistémologie que je cherche à caractériser. Il impose notamment de repenser la question de
la preuve, celle-ci ne pouvant se satisfaire de la seule perspective d’administration fondée sur
des références internes. (p. 158)
Cette question de la nature de la preuve est au cœur de la tension propre au paradoxe
décrit supra (4.3). En demandant une évaluation externe, de façon parfois explicite et
surtout implicite, les individus ou associations d'individus, parties prenantes à cette
évaluation, en appellent à une forme de vérité scientifique qui pourrait soit garantir
qu'aucun des contributeur·rices impliqué∙es n'instrumentalisera les résultats pour servir ses
propres fins, soit garantir leur liberté d'en rejeter la validité puisque fondée à partir de
termes étrangers à leur expérience et leur propre expertise, autrement dit des termes
scientifiques. La conflictualité qui caractérise cette situation n'est pas seulement une
tension des sujets entre eux dans un rapport politique, elle est également une tension
interne aux sujets eux-mêmes qui par ailleurs attestent de leur intérêt pour qu'une
évaluation ait lieu qui prenne en considération leur point de vue sur ce qui a de la valeur
dans ce dispositif. Dès lors ils se trouvent confrontés à une question insoluble : où se cache
une vérité partageable malgré les différences de points de vue ? Oubliant par-là que cette
vérité, ressentie comme une claire évidence en soi et pour soi, ne peut atteindre au degré
de réalité vraisemblable pour tous que par un processus associant la démarche scientifique
au partage de l'expérience de tous, par tous. À cet égard il n'y a pas dissymétrie de position
entre l’intervenant·e scientifique et tout autre intervenant·e contribuant à la R-I E. Il n'y a pas
non plus de vérité immuable et transcendante qui pourrait se faire jour dans l'espace de
leurs interactions. Il peut en revanche y avoir un récit partagé qui permette tout à la fois la
construction d'une mémoire commune par la sélection des éléments de l'expérience déjà
faite dont on estime qu'ils ont de la valeur et la définition collective des transformations à
apporter dans le dispositif en cours au regard des « fins-en-vue » (Dewey, 1939/2011) ayant
de la valeur pour tous. C'est à ce point que convergent les visées heuristiques et
praxéologiques et que s'établit le tiers espace socio-scientifique où peuvent se jouer les
transactions nécessaires à l'établissement de ce qui est souhaitable et de la plus sûre façon
de l'atteindre par une stratégie partagée.
Concrètement, il serait intéressant d’inclure à l’analyse de la dynamique étudiée des
critères d’hétéronomie et d’autonomie comme les deux faces consubstantielles de son
développement. Ce qui signifie que plus cette dynamique est hétérogène plus elle devrait
en principe favoriser la construction d’un point de vue autonome des groupes de travail à
l’égard des référents ayant prédisposé à l’action évaluée. Cette proposition nous amène
vers une conclusion qui peut paraître de prime abord contre-intuitive, à savoir que
l’autonomie dans l’action ne se construit pas forcément par l’agrégation durable d’individus
aux valeurs semblables, mais aussi, et peut-être surtout, par l’agrégation temporaire
d’individus appartenant à des ordres hétérogènes dans la réalisation d’un objectif
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 19 La Revue LEeE
commun. Cette autonomie, comprise non comme valeur cardinale d’un groupe fermé mais
comme dynamique contributive de l’intelligence des systèmes, est probablement un
élément qu’il est important de considérer dans toute démarche d’évaluation d’une
intervention publique.
6. Conclusion
« Est-ce une bonne politique ? » est l’une des questions qui court sur beaucoup de lèvres,
et l’évaluation est souvent investie de la mission de trouver une réponse et trancher le débat
entre partisans et opposants. De telles attentes, de nature très stratégique, ont un poids
déterminant dans les choix méthodologiques qui ont prédisposés à l’organisation de notre
travail de recherche. L’option qui consisterait à ignorer ces attentes ou à rebours à ne
penser que par elles, nous amènerait à peu de chose près au même résultat : être trop
éloigné∙e ou trop proche de notre objet et donc, dans tous les cas, au mauvais endroit sur
un plan scientifique. Aussi, le choix de la démarche de référentialisation, de
co-référentialisation et de la R-I E comme voie d’une évaluation dialectique s’appuyant sur
les connaissances scientifiques et l’expérience des publics et des professionnels, est
apparu comme le plus sûr moyen de permettre la coproduction de « savoirs actionnables »,
ce que ne saurait garantir une évaluation scientifique de type externe. Ces savoirs doivent
permettre l’ajustement du dispositif au plus près de ce qui aura été déterminé comme ayant
de la valeur du point de vue conjoint des publics, des professionnel∙les et des élu∙es.
Aux outils théoriques mobilisés pour l’analyse de la situation et de ses développements, il
nous est apparu intéressant d’adjoindre les notions d’autonomie et d’hétéronomie, dans
une perspective dialogique et heuristique. Nous postulons qu’elles sont consubstantielles
et qu’elles pourraient permettre la caractérisation de la dynamique à l’œuvre aux fins de
reconnaître les phénomènes d’émancipation collective. Nous l’avons qualifié de
dynamique centripète qui vise l’accroissement de l’acteur-réseau. Cet accroissement pour
être indicatif d’une forme d’émancipation collective doit être concomitant avec
l’accroissement de l’hétérogénéité de ses composantes. L’émancipation est entendue ici
comme un cheminement qui trouve sa voie par l’apprentissage individuel et aussi
potentiellement l’apprentissage collectif pour autant qu’il soit le fruit d’un apprentissage en
double boucle. C’est-à-dire un apprentissage permettant la mise en question des valeurs à
partir desquelles on évalue l’amélioration d’une situation.
Nous supposons que tout individu apprend en cheminant et que l’aliénation est
l’impossibilité d’apprendre parce qu’impossibilité de cheminer, donc de transformer et
d’informer son environnement. Voirol commentant Zask (2006), spécialiste de Dewey, note
que : « Le commun se construit grâce à des pratiques d’expérimentation devant des
situations problématiques. C’est en examinant les données d’une situation problématique
par l’enquête sociale que les êtres humains agissent sur leur environnement et fabriquent
son pourtour » (p. 25). En conséquence nous comprenons l’aliénation comme la privation
du lien à un environnement à l’intérieur duquel on peut définir ce par quoi on s’y reconnaît.
C’est dans la dialectique des composantes entre elles que s’informent l’organisation et le
système, cela suppose que l’altérité soit non seulement possible mais également
nécessaire à la création de commun. En conclusion, nous comprenons l’émancipation
comme la possibilité de cheminer (émancipation individuelle) et tous les cheminements
possibles (émancipation collective), ce dernier point étant, de notre point de vue, le
meilleur résumé de ce que représente également le « plan d’amélioration de la mixité
sociale dans les collèges de Haute-Garonne » pour ceux et celles qui l’ont initié.
Bertolino – Autonomie et hétéronomie dans l’évaluation des politiques publiques
Page 20 La Revue LEeE
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2015.01
Remerciements
Merci à mon directeur de recherche Dominique Broussal et à ma directrice de recherche
Fatiha Tali pour leur bienveillance constante, ainsi qu’au collectif de travail constitué par le
thème 3 de l’UMR EFTS de l’Université Toulouse Jean Jaurès.
Isabelle Bertolino
Doctorante en sciences de l’éducation et de la formation au
sein de l’Université Toulouse Jean Jaurès, UMR EFTS, où elle
travaille à une thèse consacrée aux phénomènes
d’apprentissage collectif dans une perspective émancipatoire.