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14 | Apprendre et enseigner aujourd’hui automne 2022
Comment soutenir l’engagement
tout en diminuant la fréquence des comportements
perturbateurs des élèves au secondaire ?
Une bonne gestion de classe s’appuie
sur la mise en œuvre d’actions ayant
fait l’objet d’une planification qui tient
compte des objectifs d’apprentissages
et des particularités des élèves
de la classe. Il s’agit d’une tâche
complexe qui exige la mise en œuvre
de plusieurs actions permettant de
créer des liens positifs, d’instaurer
un mode de fonctionnement, de
soutenir l’engagement des élèves dans
leurs apprentissages et de prévenir
l’émergence des écarts de conduite.
Pour ce faire, l’enseignant doit maitriser
l’ensemble des compétences associées
aux cinq composantes de la gestion de
classe (Gaudreau, 2017). Le paragraphe
qui suit en présente un bref résumé.
NANCY GAUDREAU, Ph. D.
Détentrice d’un doctorat en psychopédagogie, Nancy Gaudreau
est professeure titulaire en adaptation scolaire à l’Université
Laval et chercheuse à la Chaire de recherche Bienêtre à l’école
et prévention de la violence, au Laboratoire international sur
l’inclusion scolaire (LISIS) et aux réseaux de recherche Réverbère
et Périscope. Ses intérêts de recherche portent sur la formation
et l’accompagnement du personnel éducatif, la transformation
de leurs pratiques d’intervention envers les élèves présentant
des difficultés comportementales et le développement de leur
sentiment d’efficacité personnelle. Ses travaux de recherche
ont permis le développement de programmes de formation en
cours d’emploi et d’outils pédagogiques visant à prévenir et gérer
positivement les situations de classe dans un contexte de diversité.
Enfin, elle compte aussi plus de 15 années d’expérience en milieu
scolaire à titre d’enseignante et de conseillère pédagogique en
adaptation scolaire auprès des jeunes ayant des troubles du
comportement.
Apprendre et enseigner aujourd’hui automne 2022 | 15
Gérer une classe, ça réfère à quoi ?
Tout d’abord, gérer une classe veut dire gérer les
ressources disponibles, comme le temps, l’espace, le
matériel et les ressources technologiques et humaines.
De fait, plus l’enseignant parvient à maximiser l’utilisation
de ces ressources, plus grandes seront ses opportunités de
bien mettre en œuvre les autres composantes de la gestion de
classe. Deuxièmement, il est essentiel d’établir des attentes
claires en formulant des consignes précises qui désignent
les comportements attendus, de manière non équivoque,
en prévoyant sufsamment de temps pour permettre aux
élèves de faire ce qui leur est demandé. L’instauration de
règles de fonctionnement et l’enseignement de procédures
et de routines permettront aussi de soutenir l’autonomie des
élèves tout en clariant les attentes comportementales en
classe. Troisièmement, il s’avère primordial d’investir dans
le développement de relations positives au sein de la classe.
Plus les élèves se sentent bien et en sécurité en classe, plus
ils seront enclins à relever des dés d’apprentissage. Faire
preuve d’empathie et d’ouverture, se montrer disponible et
digne de conance sont des exemples qui caractérisent les
enseignants qui manifestent des forces relationnelles qui
soutiennent une bonne gestion de classe. Quatrièmement,
bien gérer sa classe, c’est aussi être en mesure de capter
l’attention des élèves an de la rediriger sur l’objet
d’apprentissage et de maintenir les élèves engagés sur
la tâche. Enn, même si les actions associées aux quatre
premières composantes de la gestion de classe sont bien
mises en œuvre, il est possible que des élèves adoptent des
comportements inappropriés, voire des comportements
jugés difciles. Il devient alors essentiel que l’enseignant
opte pour des stratégies d’intervention éducatives pour
gérer les écarts de conduite des élèves et qui préservent la
relation élève enseignant.
Dans cet article, j’ai choisi d’aborder quelques stratégies
reconnues efcaces par la recherche pour favoriser
l’engagement des élèves en classe et prévenir ou diminuer
les comportements perturbateurs. Ces stratégies touchent
plus particulièrement les deux dernières composantes de la
gestion classe présentées au paragraphe précédent. Il vise ainsi
à répondre aux questions suivantes: " Quels sont les effets
des rétroactions en classe et comment les utiliser de manière
efcace ? » et " Qu’est-ce que le jeu de la bonne conduite et
comment l’utiliser en classe ? »
Quels sont les effets des rétroactions en classe
et comment les utiliser de manière efficace ?
Les éloges ou les rétroactions positives sont dénis comme
l'expression publique ou privée de l'approbation d'un
comportement. Des éloges verbaux spéciques qui nomment
explicitement le comportement attendu ou la compétence
souhaitée (p. ex.," excellente résolution de problèmes ») sont
efcaces pour la plupart des élèves. Pour ce faire, ils doivent être
dirigés vers un élève ou le groupe le plus rapidement possible
après l’apparition du comportement d’intérêt. Le simple
fait d'augmenter la fréquence des éloges spéciques à tous
les élèves améliore l'engagement des élèves présentant des
difcultés de comportement (Allday et al., 2012). Cependant,
certains peuvent mieux réagir lorsque les éloges verbaux sont
associés à des indices non verbaux ou à des éléments tangibles
(p. ex., pouce levé ou un high ve associé à un bref éloge
comme" belle endurance »). À cet égard, l’étude de Schneider et
al. (2021) a exploré les façons dont les adolescents préféraient
être félicités et les comportements qu'ils croyaient mériter
des éloges. Selon les résultats obtenus, il semble que ceux-ci
préfèrent recevoir des éloges à la fois pour leur réussite scolaire
et pour les comportements socialement attendus. Cependant,
la plupart d’entre eux préfèrent que les éloges soient prononcés
silencieusement et axés sur l'effort plutôt que sur la capacité.
Dans plusieurs classes, on observe un ratio insufsamment
élevé de rétroactions positives (éloges) versus rétroactions
négatives (réprimandes) (RÉR), particulièrement envers les
élèves présentant des comportements difciles qui reçoivent
plus souvent des taux élevés de réprimandes et de faibles taux
d'éloges de la part de leurs enseignants (Caldarella et al., 2019).
Pourtant, les réprimandes des enseignants ne permettent pas
de diminuer la fréquence des comportements perturbateurs
futurs des élèves ni d’augmenter leur engagement en classe.
Elles peuvent supprimer momentanément une mauvaise
conduite, sans plus (Caldarella et al, 2021). Par ailleurs, les RÉR
ont fait l’objet de plusieurs études visant à établir un ratio jugé
optimal pour favoriser les comportements attendus chez les
élèves. Selon les auteurs, celui-ci devrait être minimalement
de 3:1 (Shores et al., 1993) allant à 9:1 (Caldarella et al, 2019).
Les connaissances issues des recherches dans le domaine
montrent que le RÉR est corrélé négativement avec le
comportement perturbateur des élèves et positivement avec
leur enthousiasme en classe et leur comportement au travail
(Leff et al., 2011). Concrètement, cela veut dire que plus le RÉR
augmente, plus l’engagement des élèves sur la tâche augmente
(White, 2010). De plus, selon Downs et al. (2019), les élèves
qui présentent des difcultés comportementales sont plus
sensibles aux éloges et aux réprimandes des enseignants que
leurs autres compagnons de classe.
En général, l’utilisation des éloges s’avère efcace pour
encourager l’adoption des comportements attendus chez
les élèves. Toutefois, cela s’avère insufsant pour prévenir et
faire diminuer les comportements perturbateurs des élèves
présentant des difcultés de comportement. À cet égard, la
recherche a démontré que" le coût de la réponse » (retirer un
renforçateur positif lorsqu’un comportement problématique
survient), utilisé avec des contingences de groupe (p. ex.,
attribuer un renforçateur à tous les élèves de la classe lorsqu’un
groupe d’élèves adopte le comportement souhaité), permet de
contrôler le renforcement par les pairs des comportements
inappropriés de ces élèves. Il s’agit de l’une des approches les
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plus efcaces pour gérer les comportements perturbateurs des
élèves en difcultés de comportement (Stage et Quiroz, 1997).
À la lumière des résultats de recherche dans ce domaine, des
chercheurs ont développé le Good Behavior Game (le jeu de la
bonne conduite) an de guider les enseignants dans l’utilisation
de cette approche.
Qu’est-ce que le jeu de la bonne conduite et comment l’utiliser
en classe ?
Le jeu de la bonne conduite est une stratégie de gestion du
comportement qui exploite l’inuence des pairs pour inciter
les élèves à réguler leurs comportements et à respecter les
règles de classe. Il se base d’abord sur la formulation de règles
et de consignes claires et l’enseignement des comportements
attendus. Il utilise les rétroactions positives fréquentes et
le coût de la réponse en cas de non-respect des règles ou de
comportements perturbateurs. Enn, les renforçateurs choisis
sont variés et adaptés au groupe visé (Flower et al., 2014).
Concrètement, le jeu fonctionne ainsi:
1. Former des groupes d’élèves de « forces » comparables par
rapport aux exigences demandées (classe divisée en deux
ou formation de plusieurs petites équipes).
2. Enseigner de manière explicite le ou les comportements
ciblés qui feront l’objet du jeu (cibler un à trois
comportements à améliorer au sein du groupe).
3. Décider, idéalement avec les élèves, quelle sera la
conséquence positive pour le ou les groupes qui se
réussiront à atteindre l’objectif comportemental visé
(p. ex., lever la main et respecter les droits de parole).
4. Établir un seuil de réussite pour se mériter des points
menant à un privilège d’équipe.
5. Préciser la durée du jeu (p. ex., 30 minutes, soit le temps
de l’activité propice à l’adoption du comportement ciblé).
6. Tout au long du jeu, transmettre des rétroactions
positives fréquentes et de façon systématique pour
les comportements ciblés pour encourager les élèves
à fournir des efforts. Pour les plus jeunes ou les élèves
qui présentent des difcultés de comportement,
attribuer des points à l’équipe ou aux équipes dont un
élève manifeste le comportement ciblé (p. ex., lever la
main et attendre en silence).
7. Inscrire un crochet ou retrancher des points à l’équipe ou
aux équipes dont un élève ne respecte pas la règle (ne fait
pas le comportement ciblé).
8. S’assurer de maintenir un ratio éloges versus
rétroactions négatives (crochet ou perte de points)
élevés tout au long du jeu.
9. Jouer trois à cinq fois par semaine selon le contexte
d’enseignement.
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Références
Allday, A., Hinkson-Lee, K., Hudson, T., Neilsen-Gatti, S., Kleinke, A., Russel, C. S. (2012). Training General Educators to Increase Behavior-Specific
Praise: Effects on Students with EBD. Behavorial Disorders, 37(2), 87-98. https://doi.org/10.1177/019874291203700203
Bowman-Perrott, L., Burke, M. D., Zaini, S., Zhang, N. et Vannest, K. (2016). Promoting Positive Behavior Using the Good Behavior Game. Journal of
Positive Behavior Interventions, 18(3), 180-190. https://doi.org/10.1177/1098300715592355
Caldarella, P., Larsen, R. A. A., Williams, L., Wills, H. P. et Wehby, J. H. (2019). Teacher Praise-to-Reprimand Ratios: Behavioral Response of Students at
Risk for EBD Compared with Typically Developing Peers. Education and Treatment of Children, 42(4), 447-468.
Caldarella, P., Larsen, R. A. A., Williams, L. et Wills, H. P. (2021). Effects of Middle School Teachers’ Praise-to-Reprimand Ratios on Students’ Classroom
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Downs, K. R., Caldarella, P., Larsen, R. A. A., Charlton, C. T., Wills, H. P., Kamps, D. M. et Wehby, J. H. (2019). Teacher Praise and Reprimands: The
Differential Response of Students at Risk of Emotional and Behavioral Disorders. Journal of Positive Behavior Interventions, 21(3), 135-147.
https://doi.org/10.1177/1098300718800824
Gaudreau, N. (2017). Gérer efficacement sa classe: les cinq ingrédients essentiels. Les Presses de l’Université du Québec.
Flower, A., McKenna, J. W., Bunuan, R. L., Muething, C. S. et Vega, R., Jr. (2014). Effects of the Good Behavior Game on challenging behaviors in school
settings. Review of Educational Research, 84(4), 546–571. https://doi.org/10.3102/0034654314536781
Leff, S. S., Thomas, D. E., Shapiro, E. S., Paskewich, B., Wilson, K., Necowitz-Hoffman, B., & Jawad, A. F. (2011). Developing and validating a new
classroom climate observation assessment tool. Journal of School Violence, 10, 165-184. https://doi.org/10.1080/15388220.2010.539167
Shores, R. E., Gunter, P. L. et Jack, S. L. (1993). Classroom management strategies: Are they setting events for coercion ? Behavioral Disorders, 18, 92–102.
https://doi.org/10.1177 /019874299301800207
Schneider, M.M., Hulac, D.M., Mickelson, L.R. et Phillips, E.K. (2021). Middle school students' preferences for praise. Psychology in the Schools, 58, 221–
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Stage, S. A. et Quiroz, D. R. (1997). A meta-analysis of interventions to decrease disruptive classroom behavior in public education settings. School
Psychology Review, 26, 333-368.
White, R. L. (2010). Demonstration of the effects of an increased praise ratio on student on-task behavior. University of Kansas. ProQuest Dissertations
Publishing, 3408055.
Le jeu de la bonne conduite est une stratégie scientiquement
éprouvée utilisée pour accroître l'autorégulation, la régulation
de groupe et stimuler le comportement prosocial chez les
élèves tout en réduisant les comportements problématiques.
Notez qu’il est aussi possible d’animer une version seulement
positive du jeu de la bonne conduite (sans cout de la réponse).
Cette stratégie a fait l’objet de plusieurs recherches ayant
permis de démontrer une réduction substantielle des
comportements problématiques ainsi qu’une augmentation
des comportements prosociaux des élèves (Bowman-Perrott
et al., 2016). Bien que tous les élèves répondent généralement
positivement à cette stratégie, c’est auprès de ceux qui
présentent des difcultés de comportement au secondaire
qu’elle produit les meilleurs résultats.
Conclusion
Pour soutenir l’engagement des élèves sur l’objet
d’apprentissage, il faut bien sûr planier des activités
d’enseignement-apprentissage-évaluation intéressantes et
diversiées qui sont perçues comme accessibles et signiantes
par les élèves. Il importe aussi que l’enseignant demeure
impliqué, qu’il encourage les élèves à persévérer et à fournir
des efforts. Parmi les stratégies reconnues par la recherche
qui permettent de favoriser l’engagement des élèves tout en
diminuant les comportements problématiques, on retrouve,
entre autres, l’utilisation d’un ratio élevé d’éloges versus
réprimandes ainsi que le jeu de la bonne conduite.
Il faut garder en tête que les éloges, les conséquences positives
et les conséquences négatives (ou réprimandes) doivent être
appliqués de manière cohérente aux comportements et viser
un objectif réaliste pour l’élève. Aussi, les ordres inappropriés
et les réprimandes doivent être minimisés pour réduire les
interactions coercitives qui en résultent. Enn, les contingences
qui réduisent l'attention des pairs pour les comportements
inappropriés et récompensent les comportements de groupe
appropriés sont recommandées.
Pour soutenir l’engagement des élèves présentant des
difcultés de comportement, il faut d’abord entrer en relation
avec eux, créer des liens signicatifs positifs, leur faire vivre
des succès, leur permettre de faire des choix, de résoudre
des problèmes, d’apprendre de leurs erreurs et surtout, les
maintenir à l’école. Les félicitations, les encouragements et les
petites récompenses ne peuvent que les aider à persévérer et à
surmonter leurs difcultés.