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Rôle du contexte social dans le développement de la génération d'idées créatives

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Abstract and Figures

Les recherches s'intéressant au développement de la créativité ont démontré que la capacité à générer des idées créatives pouvait être entravée par des blocages cognitifs (e.g., effet de fixation) et sociaux (e.g., inhibition sociale de l'attente d'évaluation). Ces deux types de blocages ont essentiellement été étudiés de façon isolée et peu d'étude ont examiné leurs interactions dans une perspective développementale. Ainsi, l'objectif de cette thèse était d'étudier l'impact de différents contextes sociaux sur la créativité et le biais de fixation, et de dégager et comprendre les processus impliqués. Pour ce faire, quatre études ont été mises en place, chacune reposant sur des contextes sociaux différents et permettant un ensemble de mesures systématiques. La première étude a permis de montrer dans un premier temps que même si l'effet de fixation est renforcé au cours de l'adolescence, leur capacité à proposer des idées originales se développe également. Ce changement s'accompagne d'une évolution de leur capacité à détecter que leurs idées appartenant à la fixation ne sont que peu créatives. L'attente d'une évaluation manipulée n'a cependant pas été suffisamment saillante, ce qui explique que nous n'ayons pas observé d'effet du contexte sur la créativité et ce, quel que soit l'âge. De ce fait, nous avons, par la suite, décidé de nous concentrer sur la période de fin d'adolescence et d'améliorer la saillance des contextes sociaux étudiés. Ainsi, dans notre deuxième étude, nos participants étaient en compétition soit avec des coacteurs présents (i.e., compétition in-group), soit avec des individus fictifs (i.e., étudiants d'une autre université ; Compétition out-group). Les résultats ont montré que générer des idées à un problème créatif pouvait être facilité par la compétition out-group, sans que l'effet de fixation ne soit pour autant minimisé. Afin de comprendre l'absence d'effet de la compétition in-group, nous avons mené deux autres études en portant une attention toute particulière au processus de comparaison sociale, celui-ci pouvant être de différents types. Nos données ont révélé que se comparer à moins bon que soi (i.e., comparaison descendante) diminuait l'effort, la productivité, et ainsi le nombre d'idées créatives proposées. Les individus en comparaison ascendante (i.e., se comparer à meilleur que soi), quant à eux, semblent avoir proposé un maximum d'idées sans prêter une attention particulière à leur créativité. Dans cette condition, on a en effet constaté une diminution de l'expansivité mais un renforcement de l'effet de fixation. Nous avons également pu montrer que ces effets n'étaient retrouvés que s'il était question de contexte de coaction. Enfin, nous avons mené une dernière étude portant sur les effets d'un travail collaboratif (i.e., en binôme). Alors que les participants devant générer à deux se sont sentis plus en confiance, plus à l'aise et moins en compétition, leurs productions se sont révélées moins bonnes que ceux qui généraient individuellement, en simple coaction. L'ensemble de ces résultats a un impact pour la recherche fondamentale et a permis la proposition de diverses pistes de recherches ultérieures.
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1
UNIVERSITE DE PARIS
Institut de psychologie
THESE
EN VUE DE L’OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE PARIS (PARIS V)
Discipline : Psychologie (mention psychologie du développement)
Présentée et soutenue publiquement par
Joy DESDEVISES
Rôle du contexte social dans le développement de la
génération d’idées créatives
Sous la direction du Pr. Mathieu CASSOTTI
Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant
(LaPsyDÉ, UMR CNRS 8240)
Composition du jury :
CAPAROS Serge - MCU (HDR), Université Paris 8 - Rapporteur
CASSOTTI Mathieu - Professeur à l’Université de Paris – Directeur de la thèse
LUBART TODD - Professeur à l’Université de Paris – Examinateur
VOLLE Emmanuelle - CR INSERM (HDR) à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM)
- Rapporteur
2
Remerciements
Mes premiers remerciements s’adressent aux membres du jury, Todd Lubart, Emmanuelle
Volle et Serge Caparos. Merci du temps que vous avez consacré à la lecture de ce manuscrit,
d’y avoir apporter votre expertise, mais également de me faire l’honneur d’être présents lors
de ma soutenance de thèse.
Merci à Mathieu Cassotti de m’avoir permis de mener à bien ce projet jusqu’au bout, et
merci pour tes relectures et tes conseils.
Je remercie Olivier Houdé, encore directeur du LaPsyDÉ au début de mon doctorat, de
m’avoir accueilli dans son laboratoire. Je remercie également Grégoire Borst, nouveau
directeur, pour son aide et son écoute.
Merci à Claire et Noorrah pour votre disponibilité, votre réactivité et votre bonne humeur.
Merci à tous les membre du laboratoire et en particulier à Arnaud V., notamment pour la
découverte de PubG, nos échanges, tes histoires et ta bienveillance. Merci à Ania pour nos
nombreuses discussions (bien que souvent en désaccord, ça a toujours été un réel plaisir),
pour ton honnêteté à toute épreuve, ton enthousiasme, tes divers conseils, et ces soirées
partagées J Un grand merci également à André.
Merci aux doctorants pour tous ces moments passés ensemble, pour tous les échanges
qu’on peut avoir au quotidien. Je ne vous souhaite que le meilleur aussi bien
professionnellement que dans vos vies personnelles. Au plaisir de tous vous retrouver très
vite. Par ailleurs, je pense que nous sommes tou(te)s d’accord, pour, également, remercier
Houari grâce à qui nous serons toujours très bien placé(e)s et accueilli(e)s lorsque le besoin
de décompresser se fera ressentir ;)
3
Mes remerciements vont aussi, et bien évidemment, à d’anciens doctorants. Un grand
merci à mon duo infernal : Lison et Margot. Merci pour tout, les filles. Merci pour votre
soutien, aussi bien professionnel que personnel, merci pour vos avis, vos conseils, votre
gentillesse, votre humour et votre temps.
Merci à ma binôme Manali Draperi. Merci pour cette rencontre qui restera une des
meilleures de ma vie. Merci pour ta confiance, ton honnêteté, tous nos échanges, nos fous
rires, nos heures de débats, de discussion, nos soirées et ces moments privilégiés qui, j’en suis
convaincue, continueront. A Bruxelles et ailleurs. D’ailleurs, merci pour la découverte de cette
ville dans laquelle on fera de grandes choses ! Merci de m’avoir fait tant avancer, pour tout ce
que tu m’as apporté et tout ce que tu m’apporte encore aujourd’hui. Merci d’être comme tu
es, merci pour tout.
Merci à ma famille d’avoir toujours été si encourageante, si disponible et présente.
Un grand merci à vous, Manon et Adeline, pour votre amitié si sincère. C’est un bonheur
indescriptible que de pouvoir évoluer à vos côtés.
Enfin, merci à toi Ilse. Une autre rencontre marquante durant ces trois ans et non des
moindres. Merci pour ton soutien inépuisable, pour tout ce que tu m’apporte au quotidien, et
pour tout ce qu’on accomplira ensemble. Wordt vergolgd…
4
« Si on ne pêche pas parfois contre la raison, on ne découvre rien »
A.Einstein.
5
Table des matières
PARTIE THEORIQUE
Introduction – Présentation de la thèse ..................................................................................... 9
CHAPITRE 1 EN QUOI CONSISTE LA GENERATION D’IDEES CREATIVES ? DEFINITIONS,
MODELES ET APPROCHE COGNITIVE ................................................................................ 19
I. Qu’est-ce que la créativité .................................................................................... 20
a. Intérêts et définitions .................................................................................................. 20
b. Générer des idées créatives : un processus complexe ................................................ 23
c. Évaluer la génération d’idées créatives grâce à 3 indicateurs : fluence, flexibilité et
originalité .................................................................................................................... 28
II. Un blocage cognitif dans la génération d’idées créatives : l’effet de fixation ......... 31
a. Mise en évidence du biais de fixation dans la pensée convergente ........................... 31
b. Évaluer la pensée divergente tout en identifiant l’effet de fixation : un enjeu essentiel
.................................................................................................................................... 34
III. Approche cognitive de la créativité : du modèle du double processus au modèle
triadique de la créativité ....................................................................................... 39
a. Modèle du double processus (Kahneman, 2003, 2011) .............................................. 39
b. Théorie du triple processus (Houdé, 2000) ................................................................ 42
c. Modèle triadique de la créativité (Cassotti et al., 2016) ............................................ 45
IV. Développement de la créativité et des effets de fixation ...................................... 49
a. Développement des performances créatives .............................................................. 50
b. Développement des effets de fixation ........................................................................ 52
Conclusion du chapitre 1 .......................................................................................................... 55
CHAPITRE 2 COMMENT LE CONTEXTE SOCIAL MODULE T’IL LES PERFORMANCES ?
PROCESSUS DE BAS ET DE HAUT NIVEAU ET DEVELOPPEMENT DE CETTE INFLUENCE ....... 56
I- Influence du contexte social sur des processus cognitifs de bas et de haut niveau
....................................................................................................................... 57
6
a. Contexte social et performances sensori-motrices : naissance de la théorie du drive
(Zajonc, 1965) ............................................................................................................. 57
b. Processus de haut niveau : une influence du contexte qui divise ............................... 61
c. Contexte social et fonctions exécutives (mémoire de travail, flexibilité cognitive et
contrôle inhibiteur) .................................................................................................... 70
II- Approche développementale de l’influence du contexte social ....................... 75
a. Influence sociale chez l’enfant .................................................................................... 75
b. Importance du contexte social à l’adolescence .......................................................... 77
c. Influence des pairs et prise de risque à l’adolescence ................................................ 79
d. Hypersensibilité aux pairs à l’adolescence .................................................................. 83
e. Impacts de l’influence sociale sur l’inhibition cognitive à l’adolescence .................... 86
Conclusion du chapitre 2 .......................................................................................................... 90
CHAPITRE 3 QUEL EST L’IMPACT DU CONTEXTE SOCIAL SUR LES PERFORMANCES
CREATIVES ? INHIBITION COGNITIVE ET INHIBITION SOCIALE ........................................... 91
I- Naissance d’une considération sociale et émergence d’un modèle motivationnel
de la créativité (Amabile, 1983, 1996) ............................................................. 92
a. Une motivation intrinsèque essentielle à la créativité ................................................ 94
b. Une influence du contexte qui divise : inhibition sociale ou cognitive ? ..................... 97
II- Contexte social et créativité : une modélisation complexe ............................. 100
a. Théorie componentielle de la créativité (Amabile 1990, 1996, 2012) ............................ 100
b. Des limites méthodologiques et théoriques à l’origine du débat : nouvelles perspectives
......................................................................................................................................... 104
III- Influence sociale et créativité au cours du développement ............................ 108
Conclusion du chapitre 3 ........................................................................................................ 113
PARTIE EXPERIMENTALE
Étude 1 Effet de l’attente d’une évaluation sur la génération d’idées créatives au cours
de l’adolescence ........................................................................................................ 115
a. Introduction ........................................................................................................ 116
b. Méthode ............................................................................................................. 123
c. Résultats .............................................................................................................. 128
7
d. Discussion ............................................................................................................ 136
Étude 2 Compétition et créativité : stimulation de la génération d’idées créatives par
les compétiteurs out-group ....................................................................................... 143
a. Introduction ........................................................................................................ 144
b. Méthode ............................................................................................................. 150
c. Résultats .............................................................................................................. 154
d. Discussion ............................................................................................................ 161
Étude 3.A – Rôle de la comparaison sociale dans l’interaction entre contexte compétitif
et génération d’idées créatives .................................................................................. 167
a. Introduction ........................................................................................................ 168
b. Méthode ............................................................................................................. 172
c. Résultats .............................................................................................................. 175
d. Discussion ............................................................................................................ 180
Étude 3.B Rôle de la coaction dans l’influence de la comparaison sociale sur la
génération d’idées créatives ...................................................................................... 185
a. Introduction ........................................................................................................ 186
b. Méthode ............................................................................................................. 187
c. Résultats .............................................................................................................. 188
d. Discussion ............................................................................................................ 191
Étude 4 Travail collaboratif et créativité : effet néfaste du travail en groupe sur la
génération d’idées créatives ...................................................................................... 193
a. Introduction ........................................................................................................ 194
b. Méthode ............................................................................................................. 198
c. Résultats .............................................................................................................. 200
d. Discussion ............................................................................................................ 204
DISCUSSION & CONCLUSION ................................................................................................. 210
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................................... 230
8
Partie Théorique
9
Antonio Salieri, du haut de ses 24 ans, est entre autres, compositeur de la cour et directeur
de l’opéra italien. Il commence son éducation musicale à ses 15 ans, accompagné d’un maître
qui l’aidera à se faire une place professionnelle hautement considérée. Mais de cette époque,
évolue également un des compositeurs les plus connus et repris à ce jour : Wolfgang Amadeus
Mozart. Fils de musicien, il joue et compose depuis très jeune, puis tentera en vain de gagner
sa vie grâce à ses œuvres (Massin & Massin, 1990). Le film éponyme, Amadeus (Miloš Forman,
2002), relate entre autres les rapports qui existaient entre Mozart et Salieri, et plus
spécifiquement la jalousie grandissante qui habitait ce dernier quant au talent exceptionnel
du jeune prodige. Pourtant, cette œuvre filmographique ainsi que divers ouvrages (e.g.,
Pouchkine, 2006) permettent de souligner, aussi bien chez l’un que chez l’autre, le caractère
remarquable de leurs compétences techniques ainsi qu’une importante expérience musicale,
notamment dans la composition. Cette observation amène certaines interrogations : à savoir
égal, qu’est-ce qui différencie tant les productions artistiques de Mozart de celles de Salieri ?
Quels facteurs ou capacités pourraient expliquer le succès et la renommée post-mortem de
Mozart, quand Salieri est sujet à l’oubli ? La réponse est plus simple qu’il n’y paraît : il s’agit
de créativité.
L’étude de la créativité est considérée comme complexe de par les divers mécanismes
environnementaux, conatifs, cognitifs et émotionnels qu’elle implique (e.g., Amabile et al.,
1990 ; Besançon & Lubart, 2015 ; Lubart, 1999 ; Lubart et al., 2003). La psychologie a tout de
même permis de converger vers la définition suivante : une production créative, quelle qu’elle
soit, est considérée comme originale lorsqu’elle est rare et adaptée au cadre,
appropriée (Barron, 1955 ; Runco & Jaeger, 2012 ; Sternberg & Lubart, 1991 ; Weisberg,
2015). Nos deux compositeurs respectent chacun le second critère en offrant aux demandeurs
ou à ceux qui leur passent commande (e.g., institutions religieuses, Cour) des types de
10
compositions spécifiques (e.g., opéra, symphonie, requiem) et complètes. Leur différence
réside donc en la rareté de leurs créations. Et de fait, nous le constatons tout au long du film
Amadeus mais également dans de nombreux ouvrages de musicologues (e.g., Wyzewa & de
Saint-Foix, 1912 ; Einstein, 1954 ; Parouty, 2006) : Mozart ose. Dès lors qu’il doit inventer,
écrire et proposer quelque chose de nouveau, Mozart brave l’interdit, transforme ou casse les
règles classiques. Il pense et crée, comme nous pouvons l’entendre ces dernières années grâce
à l’intérêt grandissant pour la créativité, en « dehors de la boîte » (thinking outside the box ;
e.g., Considine, 2012 ; Glaveanu, 2014 ; Lord & Emrich, 2000 ; Marshall, 2010 ; Notar &
Padgett, 2010). En proposant par exemple des thèmes d’opéras interdits et donc inexploités,
ou en combinant de manière inattendue une multitude d’instruments, Mozart subi de
nombreuses critiques à son époque mais est aussi reconnu comme un génie créateur. Au
contraire, Salieri, bien qu’émerveillé devant les propositions audacieuses du jeune prodige,
est décrit comme ayant composé tout au long de sa vie, en respectant les conventions à la
lettre. Or, la capacité à briser certaines règles spécifiques au domaine dans lequel on s’inscrit
(i.e., règles musicales dans notre exemple) pourrait bien être essentielle afin de proposer
quelque chose d’original, de rare et de nouveau, et constitue un premier élément de réponse
quant à la variation des capacités créatives entre les individus. De la même façon, la capacité
à s’extraire des conventions et des attentes sociales et/ou sociétales pourrait bien détenir un
rôle primordial dans le processus créatif. Salieri semblait en effet percevoir ses œuvres comme
une « bonne réponse » aux demandes spécifiques extérieures. Ainsi, on peut imaginer que si
sa priorité était de répondre simplement et efficacement à ces demandes, une certaine
crainte de l’évaluation pouvait exister (i.e., peur de perdre son statut, ses sources de revenus,
l’estime de ses « supérieurs »). Cette crainte de l’évaluation serait alors susceptible d’avoir
fortement contribuer à la conformité vis-à-vis des règles musicales, sociétales et sociales, que
11
Salieri a décidé de suivre. Mozart devait lui aussi répondre à des demandes extérieures mais
semblait principalement composer en respectant ses propres idées et envies, accordant une
place toute particulière et une priorité aux émotions. Cette approche de la composition a été
sujette à de nombreuses controverses à l’époque mais à contribuer à sa reconnaissance.
En résumé, lorsque nous devons être créatif, un premier type de blocage semble pouvoir
survenir et impacter notre production : un blocage cognitif nous empêchant de s’extraire des
règles d’un domaine et des connaissances communes et classiques que nous avons. En outre,
il apparaît que l’anticipation du regard d’autrui pourrait constituer un blocage social jouant
également un rôle dans le processus créatif. L’autre est pourtant omniprésent dans nos vies
et dans les milieux éducatif et professionnel. Qu’il s’agisse de la simple présence d’autrui, de
compétition, de collaboration ou d’évaluation, notre motivation, nos ressentis et nos
stratégies peuvent être altérés : qui n’a jamais ressenti aucun sentiment de stress ou
d’appréhension lors d’une présentation orale devant un auditoire ? Qui n’a jamais été motivé
et satisfait par un projet à rendre ? Qui n’a jamais rencontré d’obstacles en devant collaborer
avec quelqu’un n’ayant pas les mêmes méthodes que lui ? Il paraît par conséquent essentiel
de s’interroger sur l’interaction possible entre les blocages sociaux et les blocages cognitifs
dans le domaine de la créativité afin de déterminer de quelle façon celle-ci peut être
optimisée.
Les auteurs s’inscrivant dans le domaine de la psychologie sociale ont démontré l’influence
du contexte social sur les performances (e.g., Festinger, 1954 ; Huguet et al., 1999 ; Muller &
Butera, 2007 ; Sander, 1981 ; Zajonc, 1965). Néanmoins, l’image de l’artiste solitaire ayant
dominé de l’antiquité (Gaboriaud, 2012) au 20ème siècle, peu d’études ont exploré l’interaction
entre facteurs sociaux et production créative avant les années 1970 (e.g., Osborn, 1963). Être
créatif était, en effet, majoritairement perçu et considéré comme quelque chose d’individuel,
12
de propre à soi, sans lien avec l’extérieur (Amabile, 1979). Mais à partir des premiers travaux
d’Amabile (1979, et al., 1976), ce mythe du créateur individuel laisse progressivement place à
de nouvelles considérations : on reconnaît autrui comme pouvant être impliqué tout au long
du processus créatif (Amabile, 1979 ; Amabile et al., 1976 ; Gaboriaud, 2012). Par exemple, les
élèves sont confrontés aux arts-plastiques ou à des sujets d’inventions littéraires qui seront
évaluées à posteriori ; les designers doivent générer de nouvelles idées tout en étant en
compétition avec celles des autres et en gardant à l’esprit que celles-ci devront plaire à la
majorité et rapporter de l’argent ; ou encore, les chefs cuisiniers apprennent et comptent sur
la créativité pour éveiller les sens d’autrui, attirer une clientèle de qualité, et se construire une
image qui leur est propre. Bien que les auteurs s’accordent majoritairement à dire que le
contexte social influence les productions créatives (e.g., Amabile, 1979, 1982, 1996 ; Shalley
et al., 1987 ; Shalley et al., 2010), ses effets tantôt néfastes tantôt bénéfiques sur la créativité
restent source de débat.
Les approches cognitives et psychométrique de la créativité ont permis quant à elles
d’identifier un ensemble de facteurs cognitifs impliqués dans le processus créatif, telles que
les capacités de redéfinition d’un problème, de pensée convergente, divergente, ou encore
de flexibilité. Finke et al. (1992) ont proposé un des premiers modèles cognitifs de la
créativité selon lequel il existerait des obstacles fréquents dans la génération d’idées créatives
(voir aussi Smith et al., 1995 ; Ward et al., 2004). Selon ces auteurs, les individus auraient
tendance à suivre la « voie de la moindre résistance », autrement dit à proposer des solutions
ou des idées en se basant sur leurs connaissances les plus communes et facilement
accessibles. Ce blocage cognitif a notamment été mis en évidence par Ward en 1994.
Lorsqu’on demande à des étudiants d’imaginer un animal venant d’une autre planète, l’auteur
constate que plus de 90% des créations incluent des propriétés d’animaux communs et
13
terrestres comme des yeux, des jambes ou encore une symétrie bilatérale (voir aussi Bredart
et al., 1998 ; Rubin & Kontis, 1983 ; Ward et al., 2002 ; Ward & Sifonis, 1997). Dans le domaine
de la créativité notamment, ces idées biaisées répondent à un effet nommé « effet de
fixation » (Adamson, 1952 ; Duncker, 1945 ; German & Deyfeter, 2003). Finke et al. (1992 ;
Smith et al., 1995) considèrent alors que pour générer quelque chose de nouveau et d’original,
il serait nécessaire d’élargir les structures conceptuelles et les concepts acquis sur lesquels ces
idées de la voie de la moindre résistance reposent. Cette opération est désignée par les
auteurs comme étant une opération « d’expansion conceptuelle ». Bien que ce modèle ait
considérablement eu une importante influence sur les études qui ont suivi et qu’il représente
toujours aujourd’hui un modèle de référence, il ne semble pas permettre de rendre compte
de la façon dont nous pouvons surmonter ce blocage cognitif. Comment dépasser l’effet de
fixation présent lorsque nous devons générer de manière créative ? Comment sortir de cette
voie de la moindre résistance ?
Afin de répondre à ces questions, Cassotti et ses collaborateurs (2016a) proposent à leur
tour un modèle cognitif de la génération d’idées créatives. Ce modèle rend compte de
l’existence de trois systèmes distincts de pensée (voir Houdé, 2001 ; De Neys et al., 2013 ;
Kahneman, 2011) : un système heuristique et intuitif (Système 1, rapide et automatique) et
un second système analytique et délibéré (Système 2, lent et contrôlé). Les biais cognitifs que
l’on retrouve aussi bien chez l’enfant que l’adolescent ou l’adulte seraient dus à un échec
d’inhibition (Système 3, contrôle inhibiteur) des réponses heuristiques relevant du système 1
(Houdé & Borst, 2014). Le modèle triadique de la créativité (Cassotti et al., 2016a) repose alors
sur l’idée que pour proposer des solutions créatives, il serait nécessaire d’inhiber (système 3)
les idées en fixation (système 1) afin d’activer l’opération d’expansion conceptuelle (Système
2). Le contrôle inhibiteur serait donc un processus clé permettant d’aller au-delà de la voie de
14
la moindre résistance (Finke et al., 1992), de surmonter l’effet de fixation. Le rôle important
des fonctions exécutives en créativité, et d’autant plus celui du contrôle inhibiteur, a été
illustré à plusieurs reprises (e.g., Benedek et al., 2014 ; Camarda et al., 2018 ; Vartanian, 2009)
mais mène cependant à un débat dans la littérature. Alors que certains auteurs rapportent
que l’inhibition cognitive serait néfaste à la génération d’idées créatives (e.g., Abraham et al.,
2006 ; Dorfman et al., 2008 ; Lien & Lien, 2013 ; Radel et al., 2015), d’autres mettent en
évidence des effets bénéfiques de celle-ci (e.g., Agogué et al., 2015 ; Beaty et al., 2014). Il
semble essentiel de souligner qu’ici, le débat ainsi que le modèle triadique de la créativité
(Cassotti et al., 2016a) portent sur le processus d’inhibition cognitive. Cette dernière est à
distinguer de l’inhibition sociale correspondant à un effet néfaste de facteurs sociaux tels que
la peur de l’évaluation, du jugement, ou de la compétition par exemple.
Alors que nous savons que le contexte social peut impacter les capacités de contrôle
inhibiteur, autrement dit d’inhibition cognitive, (e.g., Augustinova & Ferrand, 2012 ; Bouhours
et al., 2016 ; Sharma et al., 2010), on constate qu’aucune étude à ce jour ne prend en
considération à la fois les biais sociaux (i.e., effet du contexte social) et les biais cognitifs (i.e.,
effet de fixation) dans le domaine de la créativité. Étudier l’interaction entre ces deux types
de biais pourrait, pourtant, apporter de nouveaux éléments théoriques permettant à la fois
de contribuer aux débats subsistants dans la littérature, et de comprendre dans quels
contextes les capacités de génération d’idées créatives vont être stimulées ou au contraire
diminuées.
Outre l’importance des facteurs sociaux et cognitifs dans la génération d’idées créatives,
un troisième facteur est essentiel à prendre en considération. En effet, à l’heure la
créativité devient une compétence des plus recherchées dans de multiples domaines, il
semble primordial de s’intéresser à l’aspect développemental de celle-ci. S’il existe déjà de
15
nombreuses études traitant le développement des capacités créatives (e.g., Daugherty, 1993 ;
He & Wong, 2015 ; Stevenson et al., 2014), plus rares sont celles ayant considéré l’impact
éventuel du contexte social (e.g., Amabile, 1982) au cours du développement. En outre, il
n’existe à ce jour, à notre connaissance, aucune étude permettant d’explorer l’interaction
entre biais cognitif (i.e., effet de fixation), biais sociaux (e.g., peur de l’évaluation) et
développement. La prise en considération de ces trois facteurs pourrait permettre d’obtenir
de nouvelles indications quant à la construction de la créativité et des facteurs étant néfastes,
ou au contraire permettant de la stimuler, selon les périodes du développement. La littérature
de la psychologie du développement nous renseigne en effet d’une hypersensibilité de
l’adolescent à l’influence sociale (Casey et al., 2008 ; Chein et al., 2011 ; Luna & Wright, 2016 ;
Smith et al., 2014 ; Steinberg, 2008) et d’un débat subsistant quant à la trajectoire
développementale des capacités créatives (e.g., Kleibeuker et al., 2016). Il semble alors
légitime de vérifier de quelle façon la créativité (i.e., l’expansivité conceptuelle) et le biais
cognitif qu’on peut lui associer (i.e., effet de fixation) vont être spécifiquement impactés du
début de l’adolescence à l’âge adulte.
De ce fait, l’enjeu de cette thèse sera d’étudier le développement de certains biais sociaux
et cognitifs de la créativité. Plus spécifiquement, notre objectif sera d’étudier l’impact que
peuvent avoir certains contextes sociaux (e.g., compétition, attente d’une évaluation) sur la
créativité et le biais de fixation, et de dégager et comprendre les processus qui entrent en jeu.
Selon le contexte social rencontré, va-t-on observer des effets bénéfiques ou plutôt néfastes
sur notre capacité à générer des idées créatives ? Comment expliquer les éventuelles
différences d’influence des biais sociaux, à la fois interindividuelles et inter-contextuelles ?
Ces différences seront t’-elles les mêmes au cours du développement ? En faisant dialoguer la
psychologie cognitive, développementale et sociale, cette thèse pourra permettre d’obtenir
16
des pistes cruciales quant aux nombreux et divers débats qui subsistent dans la littérature de
la créativité.
Ce manuscrit comportera deux parties. La première aura pour objectif de synthétiser les
travaux théoriques et expérimentaux, à la fois (a) sur la créativité, (b) sur l’influence du
contexte social sur les performances cognitives, et (c) sur la relation entre créativité et
contexte social. Puis, la seconde partie consistera à présenter nos travaux expérimentaux
contribuant à l’étude du contexte social sur la génération d’idées créatives.
Dans un premier chapitre, nous présenterons ce qu’est la créativité en décrivant à la fois le
concept, le processus et la façon dont les performances créatives sont mesurées dans la
littérature. Nous décrirons par la suite le biais de fixation, à l’origine des difficultés que nous
rencontrons lorsque nous devons proposer une idée créative, mais également la façon dont
nous pouvons prendre en considération ce blocage cognitif dans nos mesures de la créativité.
Enfin, le processus créatif ainsi que l’effet de fixation seront mis en lumière grâce aux modèles
cognitifs de la créativité. Nous ferons également état des connaissances que nous avons sur
le développement avec l’âge de la créativité et du biais de fixation. Dans un second chapitre,
nous montrerons comment et en quoi autrui joue un rôle crucial dans nos performances. Nous
aborderons en effet l’influence du contexte social sur les processus cognitifs de bas et de haut
niveau tels que les performances sensori-motrices, les performances mnésiques ou de
raisonnement par exemple. Nous développerons enfin l’influence sociale des processus
cognitifs de haut niveau spécifiquement impliqués dans la créativité telle que l’inhibition
(Camarda et al., 2017, 2018 ; Cassotti et al., 2016a ; Chein et al., 2011 ; Houdé & Borst, 2015 ;
Smith et al., 2014 ; Steinberg, 2008). Dans un dernier chapitre, nous décrirons les théories et
modèles explicatifs portant sur l’influence du contexte social en créativité. Nous relèverons
17
les différents facteurs et processus impliqués dans cette relation et mettrons en lumière les
divers débats qui subsistent.
L’ambition de cette thèse, au travers de nos 4 études expérimentales, sera d’apporter
de nouveaux éléments de réponse pouvant expliquer en partie la présence des débats dans la
littérature, mais également de discuter leurs enjeux et leurs limites. Diverses contributions
expérimentales seront présentées dans la seconde partie de cette thèse : la première étude
portera sur l’influence d’une attente d’évaluation sur la créativité au cours de l’adolescence.
Plus spécifiquement, notre objectif sera d’étudier l’impact que peut avoir l’attente d’une
évaluation par les pairs chez de jeunes adolescents (10-15 ans) en comparaison à des
adolescents tardifs (17-23 ans). Dans une seconde étude, nous étudierons chez l’adolescent
tardif les effets d’un contexte compétitif in-group (i.e., compétition avec des pairs présents)
et out-group (i.e., compétition avec des pairs absents) sur les performances créatives. La
compétition et le statut au sein du groupe pouvant être perçus différemment entre les
individus, nous mènerons une troisième étude sur l’effet des types de comparaison sociale
(i.e. ascendante ou descendante) en contexte compétitif sur la génération d’idées créatives.
Afin de vérifier le simple effet de ces comparaisons sociales, nous mènerons également une
étude en supprimant tout contexte compétitif et situation de coaction – les participants
performeront en effet seuls et à distance. Dans ces deux dernières études (i.e., 3.A et 3.B), la
comparaison sociale sera induite grâce à différents feedbacks relatif à la productivité des
pairs. Un sentiment de collaboration, de coopération, ayant pu être induit dans certaines des
conditions mises en place dans nos premières études, nous mènerons une dernière
expérimentation permettant de vérifier quel impact le travail en groupe (i.e., en binôme) peut
avoir sur la génération d’idées créatives, aussi bien sur l’effet de fixation que sur l’expansivité.
18
Enfin, une discussion générale sera proposée afin de synthétiser les contributions de cette
thèse portant sur l’interaction entre biais sociaux (i.e., effet de contextes sociaux), biais
cognitif et développement dans la génération d’idées créatives. Nous soulèverons les apports
et les limites de notre approche tout en proposant également des perspectives de recherches
futures.
19
Chapitre 1.
En quoi consiste la génération d’idées
créatives ?
Définitions, modèles et approche cognitive
20
I- Qu’est-ce que la créativité ?
a. Intérêts et définitions
La créativité est communément associée aux concepts d’art, de découverte, d’invention,
et à l’idée d’un génie créatif inné réservé à une faible minorité de personnes (Gaboriaud,
2012). Cette vision à la fois très large et réductrice est sans doute liée à la diversité des formes
d’expressions que la créativité peut avoir et à la croyance qu’une production créative ne peut
naître que par insight
1
. Cependant, l’être humain pourrait bien être par essence une espèce
créative : dès la période préhistorique, les homo-sapiens ont fait preuve d’une certaine
créativité afin de maintenir leur espèce en vie via la découverte du feu, l’invention de
vêtements ou encore d’outils servant à la chasse (Coppens, 2009). Au fil des siècles, la
créativité a été à la base de nouvelles inventions, de nouveaux mouvements dans les arts ou
de nouvelles découvertes scientifiques, la rendant ainsi primordiale pour la survie, l’évolution,
la culture et l’économie. Mais au-delà de ce niveau collectif et sociétal, la créativité va
également avoir une importance au niveau individuel (Sternberg, 1999). Au cœur de cette
thèse, nous aborderons la question de l’individu devant effectuer une génération d’idées tout
en étant en contexte social. Grâce à ses compétences créatives, l’être humain est capable de
s’adapter aux situations changeantes de la vie, d’utiliser ses capacités pour résoudre des
problèmes au travail ou dans son quotidien. Prenons la situation actuelle comme exemple :
nous venons de vivre un évènement pandémique menant à un confinement obligatoire de la
population et par conséquent, à la fermeture des espaces publics. Chacun d’entre nous a dû
revoir sa façon de vivre, de travailler, de se divertir, ou de gérer son quotidien. Notamment,
un chef cuisinier interviewé par la télévision française rapporte une perte de plus d’un million
1
Découverte soudaine de la solution à un problème sans passer par une série d’essais-erreurs progressifs, effet Eurêka
21
d’euros de chiffres d’affaire dans son restaurant 3 étoiles. Ce dernier a trouvé l’idée de
n’utiliser que des produits frais, cultivés par ses soins, et de proposer des paniers repas à
emporter près de 5 fois moins chers que ses menus habituels. Il a donc revu sa manière de
cuisiner, de gérer son équipe, ses services et ses dépenses. En alliant haute gastronomie, prix
abordables, originalité et praticité pour les clients, il a su faire appel à ses capacités
d’adaptation et de génération d’idées nouvelles afin de pallier une des conséquences
majeures de ce contexte : la perte économique.
Quel que soit le contexte, être créatif pour résoudre un problème implique de sortir de
sa zone de confort en envisageant de nouvelles solutions que les solutions classiques, celles-
ci n’étant pas toujours efficaces (Sternberg, 1999).
La créativité pouvant s’exprimer de multiples façons (e.g., de manière figurale, verbale,
auditive) et dans divers domaines (e.g., arts, design, management), cela amène deux
conséquences : premièrement, cela confirme la haute importance des capacités créatives.
Deuxièmement, cette diversité rend complexe la définition de la créativité. De ce fait, dans le
domaine de la psychologie, l’intérêt pour la recherche sur les performances créatives n’a
commencé à naître qu’au début du 20ème siècle (e.g., Köhler, 1925) et ne s’est réellement
développé qu’à partir des années 1950. Barron (1955) a en effet été un des premiers à
postuler que pour être considérée comme originale, une idée devait être : (a) rare comparée
aux idées proposées par un échantillon de référence, et (b) adaptée à la réalité, (i.e., en
adéquation avec le cadre dans lequel le problème se situe afin d’y répondre de manière
réaliste). Après des années de controverses, les auteurs s’accordent sur les critères de
nouveauté et d’adaptation, très proches des critères que Barron (1955) avait proposés : une
idée créative doit être rare et appropriée (Amabile, 1996 ; Anderson et al., 2014 ; Barron, 1988
22
; Lubart, 2001 ; Lubart et al., 2003 ; MacKinnon, 1962 ; Ochse, 1990 ; Runco & Jaeger, 2012 ;
Sternberg, 1988, 1999 ; Sternberg & Lubart, 1991, 1995, Weisberg, 2015). Pour être nouvelle
(i.e., rare), l’idée doit se distinguer des productions déjà réalisées par d’autres individus. Afin
d’être appropriée, l’idée produite doit satisfaire les différentes contraintes liées à la situation
dans laquelle l’individu se trouve (Lubart & Sternberg, 1995), ou à la consigne qui lui a été
donnée. Ce dernier critère est parfois défini par les auteurs comme un critère de faisabilité ou
d’utilité. Les études expérimentales ont permis de confirmer mais aussi de nuancer cette
définition. En effet, Runco et Charles (1993) ou encore Diedrich et al. (2015) rapportent une
relation positive et linéaire entre la nouveauté et la créativité des idées. Autrement dit, plus
les idées sont nouvelles, plus elles sont créatives. Cependant, Runco et al. (2005) mettent
également en évidence des corrélations faibles entre originalité et adéquation. De même,
Diedrich et al. (2015) rapportent des corrélations négatives entre nouveauté et adaptation
(i.e., caractère appropriée de l’idée), ou entre créativité et adaptation. De plus, ces derniers
révèlent une courbe quadratique entre utilité et créativité : les idées jugées les moins
créatives et celles jugées les plus créatives s’avèrent être les moins utiles ou adaptées. Si une
idée n’est pas nouvelle, son utilité n’aura pas grande importance mais si une idée est nouvelle,
son utilité pourra être considérée comme un critère supplémentaire de sa créativité réelle.
La créativité d’une idée résiderait donc majoritairement en son aspect original, rare,
nouveau. Il s’agit d’un critère primordial. Qu’une idée soit adaptée, appropriée, utile, serait
davantage secondaire ; mais ce critère devra tout de même être pris en compte dans certains
contextes - lorsqu’il s’agit d’une caractéristique essentielle, que la consigne ou l’objectif donné
stipule qu’il est une condition nécessaire à la réussite de la tâche - comme dans les domaines
appliqués par exemple (e.g. industrie, design, architecture…). Mais comment penser ou
produire créatif ? En quoi consiste la pensée et le processus créatif ?
23
b. Générer des idées créatives : un processus complexe
Dès 1926, Wallas propose un ouvrage avec l’objectif de pouvoir améliorer « l’art de la
pensée en se basant sur des faits scientifiques ». C’est alors qu’il présente son modèle du
processus créatif à 4 niveaux. Selon l’auteur, quatre phases vont avoir lieu lorsque sommes
face à un problème créatif : la phase de préparation (i.e., analyse de la demande, des
contraintes, du contexte), d’incubation (i.e., génération inconsciente d’associations lointaines
entre différents concepts), d’illumination (i.e., prise de conscience du travail effectué lors de
l’incubation) et enfin, de vérification (i.e., évaluation des idées générées afin de les affiner et
de sélectionner celle(s) à développer). Malgré son origine d’il y a plus d’un siècle et le fait que
ce modèle ait été vivement discuté par la suite, il est toujours utilisé comme référence par de
nombreux chercheurs du domaine de la créativité (Cropley & Cropley, 2005, 2012 ; Dodds et
al., 2002 ; Horan, 2007, 2009 ; Howard-Jones & Murray, 2003 ; Mainemelis, 2002 ; Norlander
& Gustafson, 1998 ; Orlet, 2008 ; Penaloza & Calvillo, 2012 ; Rastogi & Sharma, 2010). Outre
les innombrables discussions et projets de recherches que Wallas (1926) aura inspirés (Sadler-
Smith, 2015), il a également ouvert la voie à de nombreux auteurs qui, par la suite, se sont
intéressés à la pensée et au processus créatif avec l’objectif d’affiner sa description et
d’explorer les facteurs pouvant être impliqués.
En effet, Guilford (1967) par exemple, considère la créativité comme un processus faisant
parti de l’intelligence. Il propose un modèle de structure de l’intellect initialement basé sur
120 facteurs indépendants. Ces 120 facteurs représentent les combinaisons de 5 types
d’opérations mentales (i.e., cognition, mémoire, production divergente, production
convergente et évaluation), 6 types de produits (i.e., unités, classes, relations, systèmes,
transformations et implications) et 4 types de contenus (i.e., figuratif, symbolique,
24
sémantique et comportemental). Il localise la créativité dans différents aspects de son
modèle, en particulier dans les capacités de production divergente. Vingt-quatre
combinaisons émergent donc si l’on met en relation cette production divergente avec les six
différents types de produits et les quatre catégories de contenus existants (voir Figure 1).
Figure 1. Cube représentant la théorie de structure de l’intellect de Guilford (1967).
Guilford (1967) définit la pensée divergente comme étant la capacité à produire des idées en
envisageant de multiples solutions possibles. Cette pensée divergente est selon lui le
processus intellectuel le plus impliqué dans la créativité (Guilford, 1967, 1975, 1977). Malgré
les controverses qui ont suivi et le fait que ce modèle ne soit plus vraiment utilisé aujourd’hui,
Guilford a lui aussi inspiré bon nombre de recherches sur les capacités de divergence en
créativité (e.g., Mumford & Gustafson, 1988 ; Runco, 1986). Torrance (1966) confirmera par
exemple l’idée que cette pensée divergente permet de mesurer la capacité à générer des
25
idées, notamment en utilisant la tâche d’utilisation alternatives d’objet de Guilford (voir
encadré ci-dessous).
Exemple d’une tâche de pensée divergente :
Kim (2008) quant à lui, révèle à travers une revue synthétique de la littérature qu’elle est un
bon facteur prédictif du succès créatif. En utilisant l’imagerie cérébrale, Beaty et ses
collaborateurs (2014) ont également révélé une connectivité accrue dans les régions liées à la
pensée divergente (i.e., régions frontales) lorsque leurs participants avaient été, au préalable,
considérés comme hautement créatifs.
Malgré l’importance et la dominance de la pensée divergente mise en évidence par
l’approche psychométrique, celle-ci n’est, pour autant, pas synonyme de « pensée créative ».
Elle semble faire majoritairement partie du processus créatif mais s’avère ne pas être la seule :
la pensée convergente a également été reconnue comme faisant partie du processus
d’idéation (e.g., Runco, 2014). Elle est définie comme la capacité à donner une réponse à un
problème ou une question, et est basée sur les connaissances et les capacités de
raisonnement. Afin d’étudier la façon dont les individus sont capables de résoudre des
problèmes créatifs, mais également d’identifier les facteurs susceptibles de contraindre ces
capacités, des auteurs comme Smith et al. (1993) se sont reposés sur une approche cognitive
Élaborée par Guilford, lUtilisation Alternative dobjets (AUT)
consiste à proposer autant dutilisations que possible à un objet
simple comme une brique par exemple.
Torrance (1966) la modifiera par la suite en remplaçant la brique
par deux objets reconnus comme plus manipulables par les
enfants (i.e. une boite de conserve et un livre)
26
de la créativité tout en proposant des tâches de créativité sollicitant la pensée convergente.
Les auteurs demandent notamment à leurs participants d’imaginer et de dessiner un animal
qui pourrait vivre sur une autre planète (Ward, 1994), et constatent que la majorité des
créatures proposées étaient structurées par des propriétés typiques des animaux terrestres
(e.g., symétrie bilatérale, récepteurs sensoriels ; voir figure 2).
Figure 2. Exemples de dessin proposés à la tâche de l’Alien (Ward, 1994)
De même, lorsqu’un attribut spécifique était donné dans la consigne, les participants
utilisaient alors des attributs corrélés à celui-ci. Par exemple, en demandant aux individus de
dessiner une créature venant d’une autre planète et qui possède des plumes, la majorité des
productions contenaient des ailes et un bec par rapport aux individus n’ayant pas reçu
d’attribut spécifique ou encore ceux pour qui l’animal devait avoir des poils. Les auteurs
Dans son étude, Ward (1994) rapporte les
pourcentages de caractéristiques
habituelles, inhabituelles et de différence
avec les animaux communs.
Caractéristiques habituelles :
Symétrie bilatérale è 89%
Au moins un organe sensoriel è 92%
Au moins un membre corporel è 84%
Caractéristiques inhabituelles :
Au moins un organe sensoriel ou un
membre corporel è 57% et 30%
respectivement
Différences avec les animaux terrestres :
Au moins une ou deux différences è 65%
et 11% respectivement
27
révèlent que de nombreux participants ont abordé la tâche en ayant des exemples d’animaux
connus et terrestre à l’esprit, et montrent que les instructions et contraintes peuvent conduire
à une utilisation différente de notre cadre de connaissances. Autrement dit, pour Smith et al.
(1993 ; Ward, 1994), lorsqu’un individu doit créer un nouvel élément imaginaire appartenant
à une catégorie connue (e.g., catégorie : animaux ; nouvel élément imaginaire : animal extra-
terrestre), son imagination est structurée par un ensemble de connaissances, de propriétés
caractéristiques de cette catégorie. Ward (1994) suggère ainsi que pour résoudre un problème
ou une tâche créative, les individus s’appuient sur ce qu’il appelle l’imagination structurée ou
sur un répertoire de connaissances existantes limitant la production d’idées originales.
Certains auteurs avancent que les pensées convergente et divergente coexistent au sein
du processus créatif et sont indépendantes l’une de l’autre (e.g., Jaarsveld et al., 2012 ;
Kleibeuker et al., 2012, 2016) tandis que d’autres considèrent les deux types de pensées
comme étant complémentaires, autrement dit, qu’elles seraient interdépendantes et qu’elles
coexisteraient au sein du processus créatif. Elles seraient, alors, simplement impliquées dans
différentes phases de la créativité. La pensée divergente serait sollicitée lors des premières
étapes du processus créatif alors que la pensée convergente interviendrait dans une seconde
phase, lorsque l’individu doit sélectionner une seule idée qu’il considère comme la plus
originale, ou la plus adaptée par exemple (Cropley, 2006 ; Getzels & Csikszentmihalyi, 1976 ;
Jaarsveld, 2007 ; Jaarsveld & Leeuwen, 2005 ; Smilanski & Halberstadt, 1986).
Face à un problème créatif, il est donc possible que nos capacités de pensée divergente
soient sollicitées et/ou utilisées afin de générer une multitude d’idées, ce qui augmenterait
ainsi la probabilité d’en proposer une originale, créative. Mais si deux types de pensées (i.e.,
convergente et divergente) peuvent être impliquées en créativité, comment les évaluer
indépendamment l’une de l’autre au sein d’une même tâche/production ? Comment la
28
créativité est-elle mesurée ? Comment déterminer l’originalité, la rareté d’une ou plusieurs
idées ?
c. Évaluer la génération d’idées créatives grâce à 3 indicateurs : fluence, flexibilité et
originalité
La tâche d’utilisations alternatives d’objets (AUT, Torrance, 1966) a permis de dégager
trois mesures afin d’évaluer la créativité d’idées multiples : la fluence, la flexibilité et
l’originalité (e.g., Baas et al., 2011 ; Friedman & Föster, 2001 ; Guilford, 1967 ; Kleibeuker et
al., 2016). La fluence correspond à la capacité à générer une multitude d’idées et est donc
évaluée grâce au nombre d’idées proposées. Elle est considérée comme essentielle. Guilford
(1967) la décrivait déjà à l’époque comme la capacité à maitriser des idées, à produire une
variété d’idées répondant à des objectifs et exigences, et à effectuer diverses associations. La
flexibilité, quant à elle, correspond à la capacité de proposer différentes idées, à produire des
réponses nouvelles et de haute qualité (Guilford, 1967).
Notons qu’il existe une différence entre la flexibilité créative qui reflète la variété des idées
générées et représente donc un indicateur quantitatif (utilisé dès Guilford, 1968
notamment), et la flexibilité cognitive qui, elle, est une des fonctions exécutives et désigne la
capacité de passer d’une tâche à une autre ou d’un comportement à un autre (e.g.,
Diamond, 2013) ; Houdé & Borst, 2018)
Enfin, l’originalité est obtenue soit à partir d’un score de rareté basé sur la fréquence
d’occurrence des idées dans la population (Agogué, Poirel et al., 2014 ; Barron, 1955 ;
Kleibeuker et al., 2013) soit grâce à un jugement consensuel effectué par des experts
(Amabile, 1982 ; Fink et al., 2014). Le jugement consensuel consiste à demander à des experts
d’évaluer de façon indépendante la créativité des idées générées par les participants, souvent
29
sur une échelle de 1 à 5. L’objectif pour les évaluateurs n’est pas d’expliquer ou de justifier les
points attribués mais simplement d’utiliser leur propre sens de la créativité pour évaluer les
idées les unes par rapport aux autres (Amabile, 1982, 1996). La fiabilité statistique des scores
donnés est alors vérifiée (inter-rater reliabilities) et s’est révélée être relativement robuste
dans de nombreux domaines et études (Amabile, 1996 ; Hennessey & Amabile, 1999). Certains
auteurs utilisent quant à eux un système scoré prédéterminé. Par exemple, De Haan (2011)
propose à ses participants de lister autant que possible les utilisations alternatives d’une
bouteille en plastique et reçoit un score total variant de 0 à 9 points. De plus, comme nous
l’avons précédemment abordé, la génération d’idées peut également impliquée, dans certains
cas, la pensée convergente. Certains chercheurs proposent alors de laisser le participant
sélectionner l’idée qui lui semble la plus créative (Fink et al., 2010 ; Michael & Wright, 1989).
Cette mesure complémentaire permet d’avoir une bonne indication sur les capacités de
pensée convergente.
Les trois critères permettant d’évaluer les capacités de pensée divergente semblent être
adoptés par la majorité des auteurs. Néanmoins, de par les diverses méthodes d’analyses de
la fluence, de la flexibilité et de l’originalité, mais également de par les divergences
méthodologiques quant aux protocoles (e.g., nombre d’idées à générer, temps laissé au
participant pour générer), un débat s’est formé autour de la pertinence de ces mesures. Alors
que certains suggèrent que l’ajout d’une mesure de l’élaboration des réponses est essentiel
afin de rendre compte au mieux du potentiel créatif (Ferrándiz et al., 2017 ; Ferrando et al.,
2007), d’autres considèrent que la moyenne d’originalité des réponses générées suffit
(Hocevar & Michael, 1979 ; Runco et al., 1991), que l’on peut s’intéresser uniquement à la
réponse la plus originale (Zarnegar et al., 1998) ou aux trois premières idées données (Clark &
Mirels, 1970). Ces nombreux désaccords dans la littérature ont néanmoins amené les
30
chercheurs à s’accorder sur la nécessité d’imposer des contraintes et un cadre dans les tâches
de génération d’idées créatives. Il est aussi reconnu comme important d’utiliser des tâches
spécifiques à réaliser afin de pouvoir comparer les productions et, ainsi, déterminer la rareté
et l’originalité des idées. Enfin, les connaissances sollicitées lors de ces tâches ne doivent pas
être spécifiques si l’on souhaite étudier la créativité avec une approche générale et cognitive.
Par conséquent, la résolution d’un problème spécifique sollicitant des connaissances
générales semble la façon la plus pertinente d’évaluer les performances d’idéation. Pour finir,
notons également la difficulté que les auteurs peuvent rencontrer lorsqu’il s’agit de quantifier
et distinguer la part de pensée convergente et divergente présente dans chaque tâche
créative. En effet, la variabilité très importante de tâches mais également de variantes de
tâches, rend difficile l’élaboration d’une synthèse claire, d’autant plus lorsque l’on sait qu’une
tâche considérée comme divergente peut devenir convergente (e.g., Benedek et al., 2014) ou
inversement (Ward, 1994).
En résumé, bien qu’il existe une diversité assez importante de tâches, trois critères
d’évaluation sont majoritairement utilisés et ont fait leurs preuves : la fluence, la flexibilité et
l’originalité des idées. Alors que nous semblons tous pouvoir générer un ensemble d’idées,
puis d’en sélectionner si besoin, pourquoi éprouvons-nous des difficultés à être créatif ?
Quel(s) facteur(s) nous empêchent de proposer facilement des idées originales et nouvelles ?
II- Un blocage cognitif dans la génération d’idées créatives : l’effet de fixation
a. Mise en évidence du biais de fixation dans la pensée convergente
En 1910, la psychologie accueille une nouvelle théorie : la théorie de la Gestalt (Lemaire &
Didierjean, 2018). Cette théorie de la forme portant sur la perception visuelle postule que le
31
tout est différent de ses parties (Sternberg, 2007). Diverses lois ont été établies, celles-ci
soulignant la manière dont nous percevons les formes et leur attribuons un sens. Afin
d’illustrer ces lois, un ensemble d’illusions d’optique, de tâches et de problèmes a été proposé.
La loi de la bonne forme par exemple, peut être illustrée grâce à un problème que l’on peut
mettre en relation avec la créativité. En effet, cette loi implique qu’un ensemble de parties
informes (e.g., des groupements aléatoires de points) va être perçu en premier lieu, et
automatiquement, comme une forme simple, symétrique, stable (Sternberg, 2007). Le
problème des 9 points permet de vérifier cette loi : l’objectif est de relier les 9 points présentés
en ne traçant que quatre lignes droites, sans jamais lever le crayon du papier (voir figure 3a).
En considérant l’ensemble des points, nous percevons l’existence d’un carré, celui-ci n’étant,
pourtant, en aucun cas mentionné dans la consigne. Dès lors, nous nous imposons un cadre,
empêchant la résolution du problème présenté. En effet, comme la figure 3b le montre, la
solution consiste à aller au-delà du carré. Autrement dit, il est nécessaire de, littéralement,
32
« sortir du cadre » pour trouver la solution et répondre aux deux contraintes (i.e., quatre
lignes seulement et sans lever le crayon).
Quelques décennies plus tard, Duncker (1945) s’intéresse à la question des blocages
dans la résolution de problème. Il met alors en évidence un biais nommé biais de fixation
fonctionnelle et crée une tâche devenue classique : le problème de la bougie. Chaque
participant entre dans une pièce composée d’une table, sur laquelle est disposée une boîte
de punaises et une bougie. L’objectif étant de trouver une solution pour suspendre la bougie
à un mur en liège, les participants vont majoritairement tenter de fixer la bougie avec les
punaises ou de faire fondre la cire de la bougie afin de l’accrocher. Cependant, la solution la
plus simple et rapide serait d’accrocher la boite de punaises vide au mur et de l’utiliser ainsi
comme support (voir figure 4).
Figure 4. Illustration du problème de la bougie proposé par Duncker (1945).
Source : http://tinyurl.com/kht8rhc
Duncker met en place une condition contrôle dans laquelle les participants doivent résoudre
le même problème avec le même matériel, à la différence seule que les punaises sont
désormais déposées sur la table, en dehors de leur boite. Dans cette condition, presque tous
33
les participants réussissent à trouver la solution optimale, ce qui permet de mettre en lumière
un effet de fixation fonctionnelle. Ce biais amène les participants de la première condition à
percevoir la boîte de punaises comme un simple contenant servant à les ranger. Adamson
(1952) répliquera les résultats de Duncker : lorsque la fonction habituelle d’objets nécessaires
à la résolution d’un problème est amorcée, les participants restent majoritairement fixés et
ont plus de difficultés à s’en extraire. Notons que le nombre de solutions générées par ses
participants n’a différé que dans un tiers de ses tâches mais que le temps de résolution, lui,
différait fortement dans chacune des tâches (i.e., temps de résolution plus long en condition
contrôle qu’en condition expérimentale avec fonction de l’objet amorcée).
Par la suite, Mednick (1962) mène également des travaux sur le processus de pensée
créative. Il propose alors une théorie des associations selon laquelle la génération d’idées ou
de solutions repose sur l’association de différents éléments ou concepts. Les associations que
Mednick (1962) considère comme « proches » correspondent à des réponses stéréotypées et
conduisent par conséquent à des idées peu créatives. Au contraire, les associations
« lointaines » correspondent à des combinaisons inédites et mèneraient par conséquent à des
réponses plus inhabituelles et donc plus créatives. Autrement dit, chez les individus les plus
créatifs, les associations les plus communes, les plus fréquentes, seraient moins fortement
activées, ce qui leur permettrait d’établir des associations plus lointaines. Les notions de
processus primaires ou d’associations que Mednick aborde lorsqu’il questionne les
différences interindividuelles, seraient liées à l’activation de processus automatiques que l’on
pourrait mettre en relation avec l’effet de fixation fonctionnelle : certaines représentations
ou connaissances, comme la fonction classique d’un objet chez Duncker (1945) par exemple,
vont être automatiquement activées, et bloquer ainsi la bonne résolution d’un problème ou
la génération d’une idée créative. Mednick (1962) développe alors une nouvelle tâche afin de
34
pouvoir mesurer cette capacité à établir des associations lointaines : le test d’associations
distantes (Remote association test-RAT). Les individus doivent proposer un mot qui permet de
relier les trois mots d’une liste. Par exemple, avec la liste « multiplication – ronde tennis »,
le participant doit trouver le mot « table » (Baas et al., 2011 ; Mednick, 1962). Afin de proposer
une réponse inhabituelle, originale, il serait nécessaire de s’extraire des associations les plus
proches générées à partir des mots initiaux pour établir des associations plus lointaines.
Cet effet de fixation fonctionnelle dans la résolution de problème a depuis été largement
validé et répliqué concernant la pensée convergente (voir aussi Chrysikou et al., 2016 ;
German & Barrett, 2005 ; Guilford, 1957, 1967, 1977 ; Landau & Leynes, 2004 ; Landau et al.,
2002 ; Runco, 2014 ; Yonge, 1966). Cependant, un problème qui implique la pensée
convergente, ne permet d’étudier qu’une solution ou idée sélectionnée et/ou proposée par
l’individu, ce qui rend relativement simple l’identification et l’évaluation de l’effet de fixation.
Mais qu’en est-il de la pensée divergente ? Lorsqu’un individu est amené à générer un
ensemble de réponse, comment cet effet de fixation est-il retrouvé ? Comment évaluer la
génération d’idées multiple tout en prenant en compte l’éventuel blocage cognitif existant ?
b. Évaluer la pensée divergente tout en identifiant l’effet de fixation : un enjeu essentiel
Nous avons vu que l’effet de fixation a été mis en évidence, puis validé par la suite, grâce
à des problèmes de pensée convergente. Néanmoins, cet effet a également été retrouvé dans
la génération d’idées ou de solutions multiples (e.g., Barsalou, 1987 ; Jansson & Smith, 1991 ;
Karmiloff-Smith, 1990 ; Smith et al., 1993 ; Torrance, 1966 ; Tversky & Hememway, 1984 ;
Ward, 1994). Reprenons l’exemple de l’AUT (Torrance, 1966), emblématique pour évaluer les
capacités de pensée divergente (Baas et al., 2011 ; Friedman & Föster, 2001 ; Guilford, 1967 ;
Kleibeuker et al., 2016) : toute la difficulté de l’exercice est de réussir à s’extraire de
35
l’utilisation classique de l’objet (e.g., se protéger de la pluie pour le parapluie) afin d’en
proposer d’autres. En effet, Gilhooly et al. (2007) avancent que les premières idées proposées
à l’AUT seraient des associations plutôt proches, saillantes, fréquentes, et par conséquent,
moins créatives. Il semble alors nécessaire de devoir dépasser et résister à ces associations
induites par l’utilisation classique de l’objet présenté. Ainsi, certains auteurs considèrent la
pensée divergente comme étant fortement liée à la pensée associative et confirment son rôle
critique dans la génération d’idées créatives (Fasko, 1999 ; Zenasni, 2002). De même, Beaty et
Silvia (2012) étudient l’effet d’ordre sériel avec l’idée que les premières réponses proposées
à une tâche de pensée divergente seront moins bonnes que celles qui arrivent ultérieurement.
Les auteurs rapportent une augmentation de la créativité des idées avec le temps puis une
légère diminution à la fin du temps de génération (voir aussi Camarda et al., 2018). Ainsi, de
nombreuses études ont permis de mettre en évidence un effet de fixation dans des tâches de
pensée divergente. Cependant, les méthodes permettant l’évaluation de l’originalité des idées
ainsi que l’identification de l’effet de fixation sont très limitées. A ce jour, une méthode existe
néanmoins et a été mise en place afin d’établir cette double mesure.
En effet, Hatchuel et Weil (2003, 2009 ; Hatchuel et al., 2011), proposent la théorie
« Concept-Knowledge » (C-K). Elle reflète l’hypothèse selon laquelle la conception peut être
modélisée par une interaction entre deux espaces interdépendants : l’espace des concepts (C)
et l’espace des connaissances (K). Cette théorie a initialement été proposée afin de
comprendre le fonctionnement de la conception innovante, mais se révèle être pertinente
pour tout problème créatif. Les auteurs distinguent l’espace K contenant toutes les
propositions établies à partir des connaissances disponibles, de l’espace C contenant les
concepts. C’est à partir de nos connaissances (espace K) que nous allons pouvoir proposer des
concepts (espace C). Un concept n’a pas de statut logique dans l’espace des connaissances, sa
36
réfutation est impossible. A partir de ce modèle de la conception innovante et de la
psychologie expérimentale de la créativité, Agogué et al. (2014) ont proposé une
méthodologie permettant d’évaluer la résolution de problème impliquant la pensée
divergente tout en identifiant la fixation (voir aussi Agogué et al., 2015). Cette équipe propose
la tâche suivante :
« Imaginez que vous êtes un concepteur. Vous devez proposer un maximum d’idées au
problème suivant : Faites-en sorte qu’un œuf de poule lâché d’une hauteur de 10 mètres ne
se casse pas ».
Grâce aux méthodes issues de la théorie CK, les auteurs modélisent les explorations possibles
en réponse à ce problème en une cartographie des réponses atteignables (Hatchuel et al.,
2011 ; Hatchuel & Weil, 2009 ; Kazakçi & Tsoukias, 2005 ; Le Masson et al., 2010 ; Reich et al.,
2012). Autrement dit, l’ensemble des solutions possibles à ce problème sont prédéterminées
et organiser en dix catégories. Les expérimentations (e.g., Agogué et al., 2014 ; Camarda et
al., 2017 ; Cassotti et al., 2016a) ont permis de valider cette cartographie et de mettre en
évidence l’existence d’un effet de fixation important (voir Figure 5 ci-dessous).
37
Figure 5. Représentation de l’arbre C-K de la tâche de l’oeuf (Agogué et al., 2014). Les concepts
représentés en orange appartiennent à la fixation. Ceux représentés en bleu représentent
l’expansion. Les 10 concepts entourés en noir constituent les 10 méta-catégories analysées de
la tâche de l’oeuf. Les pourcentages associés de réponses données ont été indiqués sur la base
des analyses chez les participants adultes d’Agogué (2014).
38
Plus de 80% des idées générées par les participants appartiennent en effet aux trois mêmes
catégories : il s’agit de toutes les idées consistant à amortir la chute de l’œuf (e.g., mettre un
matelas, le faire tomber dans de l’eau…), protéger l’œuf (e.g., mettre du coton autour de
l’œuf, l’entourer de papier bulle…) ou ralentir sa chute (e.g., utiliser un mini-parachute).
Néanmoins, 7 autres catégories de réponses sont tout à fait possibles et atteignables comme
modifier les propriétés de l’œuf (e.g., rendre l’œuf incassable) ou de l’environnement par
exemple (e.g., inverser la gravité, le faire tomber dans un trou noir…). Ces 7 catégories ne sont
pourtant exploitées qu’à 20% en moyenne par les participants. La tâche de l’œuf permet ainsi
d’obtenir à la fois un indicateur de fluence (i.e., nombre d’idées données), de flexibilité (i.e.,
nombre de catégories utilisées) et d’originalité (i.e., nombre d’idées en fixation ou d’idées
créatives/en expansion, basée sur la fréquence d’occurrence de chaque idée ou d’un codage
d’experts en créativité).
Agogué et collaborateurs (2014) permettent pour la première fois d’identifier précisément
l’effet de fixation. L’élaboration d’une cartographie à priori permet de mesurer de manière
systématique la créativité des idées générées, tout en identifiant et considérant les solutions
biaisées cognitivement. Contrairement aux autres tâches et méthodes, l’évaluation subjective
d’experts n’est plus nécessaire
2
puisque l’on obtient un score unique par idée, ce qui facilite
la comparaison entre les études et entre les individus. En outre, la flexibilité n’étant pas
systématiquement évaluée, ou dans certains cas mesurée grâce à la catégorisation des idées
par les participants eux-mêmes, la cartographie associée à la tâche de l’œuf, définie à priori,
permet d’avoir un référentiel commun de catégories. La flexibilité peut ainsi être évaluée de
manière objective et systématique. La composante de résolution de problème n’étant pas
2
L’évaluation de l’originalité des idées par des experts a tout de même été utilisée au préalable pour vérifier
l’originalité de chaque idée, et ce, au sein de chaque catégorie. Le coefficient inter-juges a été très satisfaisant
(r=.89), et ce, au sein de chaque catégorie, validant ainsi la catégorisation proposée (Agogué et al., 2015).
39
présente dans les autres mesures de pensée créative divergente, elle fait également partie de
l’originalité et de la pertinence de cette tâche.
Nous pouvons désormais nous demander à quoi est dû cet effet de fixation ? Est-il possible
de le surmonter, de le dépasser ? Pour répondre à ces questions, il est essentiel de se pencher
sur l’approche cognitive de la créativité afin de déterminer quels processus ou mécanismes
cognitifs sont à l’origine de ce biais.
III- Approche cognitive de la créativité : du modèle du double processus au modèle
triadique de la créativité
a. Modèle du double processus (Kahneman, 2003, 2011)
Le modèle du double processus a été élaboré à partir des domaines du raisonnement, du
jugement et de la prise de décisions (De Neys et al., 2013 ; Evans, 2003, 2011 ; Houdé, 2013 ;
Houdé, & Borst, 2015 ; Kahneman, 2011 ; Kahneman & Tversky, 1982 ; Osmont et al., 2015).
Selon ces théories de processus double, il existe deux systèmes distincts de pensée. Le
système 1 est un système heuristique et intuitif. Il est décrit comme étant automatique,
rapide, et ne sollicite que très peu d’efforts cognitifs. Le système 2 quant à lui, est un système
analytique et délibéré. Il est considéré comme un système lent, contrôlé, et sollicitant
davantage d’efforts cognitifs (voir Figure 6 pour une description plus détaillée des deux
systèmes ; Kahneman, 2003, 2011). L’existence et la compétition de ces deux systèmes ont
été illustrées à de multiples reprises. De Neys (2006a) confirme notamment l’idée de rapidité
supérieure des processus impliqués dans le système 1 par rapport à ceux du système 2 : en
ajoutant une pression temporelle dans des tâches de raisonnement, on observe un nombre
de réponses biaisées plus important. Ce même auteur (2006b) a également démontré, grâce
40
à un paradigme en double tâche, que le second système nécessitait plus de ressources
cognitives que le premier système.
Figure 6. Schématisation du modèle du double processus proposé par Kahneman (2003,
2011).
Prenons un exemple de la vie de tous les jours pour illustrer l’opposition de ces deux
systèmes : De Neys (2006b) rapporte que malgré la très faible probabilité d’une nouvelle
attaque terroriste le 11 novembre, de nombreuses personnes s’abstiennent de prendre
l’avion ce jour-là et privilégient la voiture afin de se déplacer. Le nombre de victimes de
l’attentat est pourtant moins important que celui lié à l’augmentation des accidents de la
route due à l’arrêt du trafic aérien, et de manière générale, le risque d’accident mortel reste
bien plus important en voiture qu’en avion (Gigerenzer, 2004 ; De Neys, 2006b). Le jugement
du risque objectif fait par les individus est donc biaisé par leurs souvenirs des attentats de
2001. Cette tendance à fonder nos jugements sur des croyances et des intuitions vient
41
impacter nos capacités de raisonnement déductif (Evans, 2003, 2011), de raisonnement
inductif (Wason, 1968), de jugement de probabilité (Kahneman et al., 1982) ou encore de prise
de décision (De Martino et al., 2006 ; Kahneman, 2003 ; Osmont et al., 2015). Autrement dit,
alors que le premier système (heuristique et automatique) nous amène à résoudre un
problème que l’on rencontre ou à prendre des décisions sur la base de nos connaissances et
de nos croyances préalables, le second système (analytique et contrôlé), lui, nous permet de
raisonner de manière rationnelle, sur la base de normes logiques. Dans un grand nombre de
situations, le système 1 s’avère être suffisant et efficace. Mais lorsque ce n’est pas le cas, le
système 2 devient nécessaire pour pallier les effets négatifs du système heuristique (O’brien,
2012).
Ainsi, les modèles du double processus permettent de rendre compte des échecs de
pensée rationnelle, et de comprendre comment les individus peuvent à la fois faire preuve de
pensée logique dans certains cas et commettre des erreurs élémentaires de raisonnement et
de jugement dans d’autres (e.g., Evans, 1989 ; Kahneman, 2011 ; Tversky & Kahneman, 2002).
En outre, les erreurs et les échecs chez l’enfant ont souvent été interprétées comme un
manque de compétence logique par les auteurs (e.g., Inhelder & Piaget, 1964 ; Piaget, 1984 ;
Piaget & Szeminska, 1941). Diverses études rapportent pourtant des capacités de
raisonnement précoce (e.g., chez des enfants de 2 ans, Mehler & Bever, 1967) ou au contraire
des échecs systématiques tardifs (e.g., Evans, 1989, 2003 ; Houdé, 2000 ; Houdé & Moutier,
2004). En considérant que les heuristiques se développent avec l’âge (i.e., avec les
connaissances, les expériences) et que les biais sont, ainsi, toujours omniprésents à
l’adolescence ou à l’âge adulte, les modèles du double processus permettent de rendre
compte de ces incohérences développementales. Mais alors que les études s’accordent et
permettent de décrire incontestablement le fonctionnement des deux premiers systèmes,
42
elles ne semblent pas pour autant pouvoir expliquer ce qui permet l’activation du système 2
couplée à la suppression des effets négatifs du premier. Comment utiliser le système 2 tout
en surmontant les biais cognitifs et les heuristiques dus au système 1, lorsque nous sommes
face à un problème ?
b. Théorie du triple processus (Houdé, 2000)
A partir des travaux considérant les erreurs des enfants comme un manque de logique
(e.g., Piaget & Szeminska, 1941), et avec l’objectif de déterminer comment l’activation du
système 2 peut s’opérer, de multiples études ont été proposées. Grâce à des mesures
comportementales (e.g., chronométrie) mais également des mesures d’imagerie cérébrale
(IRM fonctionnelle), ces travaux ont permis de démontrer que les erreurs de logique
observées étaient, en réalité, dues à un manque d’inhibition cognitive, ou tout du moins à une
difficulté à inhiber. Houdé et ses collaborateurs (2011) proposent par exemple une tâche de
conservation du nombre (Piaget & Szeminska, 1941) dans laquelle l’expérimentateur
demande à l’enfant s’il y a autant de jetons au-dessus et en-dessous de la ligne noire :
Figure 7. Illustration de la tâche de conservation du nombre (problème des jetons). Adapté de
Houdé et al., 2011.
43
Alors qu’à gauche il s’agit d’un simple constat d’égalité (i.e., pas de piège), la planche de droite
contient une rangée de jetons espacés et implique que l’enfant inhibe l’association
automatique entre longueur et nombre. En enregistrant l’activité cérébrale d’enfants de 5 à
10 ans, Houdé et al. (2011) montrent que les enfants de 9-10 ans activent à la fois le cortex
pariétal impliqué dans le sens du nombre, le comptage et l’algorithme, mais également le
cortex préfrontal impliqué dans les fonctions exécutives et plus spécifiquement l’inhibition
cognitive. L’inhibition cognitive est un mécanisme clé : elle permet de dire « non » à ses
propres croyances, à ses propres actions, et prends des formes très variées dans le système
neuronal et cognitif. Contrairement aux enfants de 9-10 ans, les plus jeunes (4-5 ans)
montrent des activations accrues dans le cortex pariétal mais pas dans les zones préfrontales.
C’est à partir de ce type d’observations, mais également des éléments théoriques du double
processus, que Houdé (1995, 1997, 2009, 2014) propose l’ajout d’un troisième système au
modèle : l’inhibition, appelée aussi contrôle cognitif ou contrôle inhibiteur (voir Figure 8). Ce
contrôle cognitif permet de résister aux automatismes, de surmonter les biais et heuristiques.
Autrement dit, il permet d’inhiber les réponses intuitives générées par le système 1 puis
d’activer les stratégies analytiques du système 2.
44
Figure 8. Schématisation du modèle du triple processus d’Houdé (2000)
Le modèle du triple processus a été validé dans divers domaines tels que la construction
du nombre (Houdé, 2014 ; Houdé & Borst, 2014), la catégorisation (Borst et al., 2013 ; Houdé,
1995), le raisonnement (Cassotti & Moutier, 2010 ; Houdé & Tziouro-Mazoyer, 2003), la prise
de décision (Aïte et al., 2012 ; Cassotti et al., 2011), ou les théories de l’esprit (Aïte et al., 2016).
Il a permis de compléter le modèle du double processus (Kahneman, 2003, 2011), notamment
vis-à-vis des incompétences tardives et des capacités précoces observées en raisonnement
(i.e., par rapport au développement par stade décrit par Piaget, 1941, 1948). Hou(2009,
2014) considère en effet les trajectoires développementales des différents processus comme
étant parallèles : (a) les connaissances, et par conséquent les heuristiques, deviennent de plus
en plus prégnantes, ce qui peut expliquer l’absence de biais de raisonnement chez les enfants
(e.g., Reyna et al., 2015). (b) Les capacités de fonctions exécutives, quant à elles, sont en
développement jusqu’à la fin de l’adolescence, ce qui peut expliquer la vulnérabilité à tout un
45
ensemble de biais décisionnels observés à ces âges (e.g., Cassotti et al., 2014 ; Crone & Dahl,
2012 ; Houdé et Borst, 2014, 2015).
« Inhiber, c’est apprendre à résister » (Houdé, 2018). Il s’agit d’un processus essentiel aussi
bien chez les enfants que chez les adultes, ces derniers restant toujours de « mauvais »
raisonneurs de par la dominance de leur système 1 (Kahneman, 2012).
Nous pouvons maintenant nous demander dans quelle mesure ce modèle pourrait être
appliqué au domaine de la créativité et plus spécifiquement dans le cadre d’une génération
d’idées créatives ?
c. Modèle triadique de la créativité (Cassotti et al., 2016a)
Finke, Ward et Smith (1992) proposent un des premiers modèles de la créativité selon une
approche cognitive. Leur modèle Généplore est un modèle basé sur l’idée que beaucoup des
activités créatives peuvent être décrites en termes de génération d’idées initiales, suivie par
une exploration de ces idées. Les auteurs précisent que les premières idées sont souvent
considérées comme « pré-inventive » (i.e., peu créatives) et donc plus automatiques. Et pour
cause, l’individu a besoin selon eux de tester, de générer de multiples idées avant d’explorer
et de sélectionner celle(s) qu’il souhaite mettre en application ou simplement proposer. Cette
seconde phase d’exploration serait alors plus délibérée que la première et ferait appel aux
connaissances explicites. En effet, comme nous l’avons vu, la proposition d’une solution à un
problème créatif n’est pas une simple « réponse » à un problème pour lequel il y aurait une
« bonne réponse ». Les possibilités sont multiples. C’est pour cette raison que les auteurs
considèrent qu’il est nécessaire d’alterner entre le processus exploratoire et génératif afin de
redéfinir le problème, de répondre aux contraintes et de proposer quelque chose d’original
46
(Ward, Smith, & Finke, dans Sternberg, 1999, Chapitre 10). Mais tout comme le modèle du
double processus (Kahneman, 2003, 2011), ce modèle Généplore ne permet ni de rendre
compte précisément des processus cognitifs impliqués, ni d’expliquer la façon dont nous
pouvons surmonter les biais associés.
A partir de ces bases théoriques, des modèles de Kahneman (2003, 2011) et de Houdé
(2000), un autre modèle cognitif appliqué à la nération d’idées créatives a été proposé
(Cassotti et al., 2016a). Il rend possible la compréhension du processus créatif et permet
également de rendre compte de l’existence du biais de fixation. Certains auteurs supposaient
déjà que la génération d’idées originales reposait sur des processus coûteux en ressources
cognitives (Nijstad et al., 2010 ; Smith et al., 1993). Le modèle triadique confirme et modélise
cette idée à partir du modèle du triple processus d’Houdé (2000) : le système 1 va nous
permettre de générer une multitude d’idées qui reposent sur nos connaissances les plus
facilement accessibles. En découle alors un blocage cognitif qui nous empêche d’explorer de
nouvelles voies de solutions créatives (i.e., effet de fixation idées en fixation). Autrement
dit, en s’appuyant sur la voie de la moindre résistance (système 1), les solutions que nous
générons restent fixées sur nos connaissances majoritairement partagées et ne répondent pas
au critère de rareté faisant d’une idée une idée créative. Le modèle triadique (Cassotti et al.,
2016a) considère l’inhibition (système 3) comme le processus clé permettant d’activer notre
système analytique (système 2), et par conséquent la génération d’idées plus originales, moins
fréquentes (i.e., hors de l’effet de fixation idées en expansion). Mais alors que la majorité
des auteurs s’accordent sur l’implication du contrôle inhibiteur dans le processus d’idéation
créative, la nature de son impact reste sujet à débat.
En effet, certains auteurs rapportent que l’inhibition cognitive serait néfaste à la créativité.
Dorfman et al. (2008) ou encore Vartanian et al. (2007) ont par exemple révélé des
47
corrélations négatives entre les performances d’inhibition cognitive et les performances de
pensée divergente. Notons cependant que lors de ces deux études, les participants
effectuaient les tâches d’inhibition cognitive seuls, mais les tâches de créativité en groupe.
Si l’inhibition cognitive est définie comme la capacité à pouvoir dire « non » à ses propres
croyances, à ses propres actions et/ou intuitions, et qu’elle permet l’amélioration des
performances, elle peut également être d’un autre type. En effet, l’inhibition sociale est liée
à une diminution des performances individuelles due à la présence réelle ou imaginaire d’au
moins un observateur capable de jugement, celle-ci provoquant une pression et/ou du stress
sur l’individu qui performe (e.g., Pessin & Husband, 1933 ; Voir Chapitre 2 de cette
introduction).
De plus, dans la seconde étude, les participants étaient récompensés et n’étaient que des
garçons. Ces facteurs pourraient être des variables confondues et ainsi expliquer en partie ces
corrélations négatives. De même, Lin et Lien (2013) rapportent une amélioration de la pensée
divergente lorsque l’on bloque les ressources cognitives relatives au système 2, mais la
procédure a permis de tester la suppression de ressources en mémoire de travail et non
d’inhibition (voir aussi Takeuchi et al., 2011). Enfin, Radel et al. (2015) montrent une
amélioration de la fluence et de l’originalité en pensée divergente (AUT) lorsque les demandes
d’inhibition étaient élevées mais pas en pensée convergente (RAT). Néanmoins, chaque
participant a bénéficié d’un entraînement à chacune des tâches. Or, afin d’étudier au mieux
les capacités d’idéation, il semble essentiel que le problème créatif ne soit pas connu au
préalable. En effet, avec l’entraînement, les participants ont pu mettre en place des stratégies
différentes. En résumé, pour ces auteurs, la créativité peut être facilitée par une désinhibition
48
mais de nombreuses limites expérimentales doivent être soulignées et prises en
considération.
D’autres auteurs considèrent l’inhibition cognitive comme pouvant être bénéfique aux
performances créatives. Certains suggèrent et illustrent des liens positifs entre le contrôle
cognitif et les diverses mesures de créativité (Agogué et al., 2015 ; Beaty et al., 2014 ; Benedek
et al., 2012 ; Vartanian, 2009). Edl et al (2014), par exemple, évaluent les capacités d’inhibition
d’étudiants inscrits en design (i.e., domaine aux fortes demandes créatives) en proposant une
tâche de Stroop
3
: outre leurs performances meilleures en pensée divergente, ces futurs
designers ont également montré des capacités supérieures en contrôle inhibiteur par rapport
aux étudiants n’ayant pas de formation intensive en créativité. De récentes études en neuro-
imagerie ont confirmé cette forte implication des fonctions exécutives dans les tâches de
créativité, et plus spécifiquement du contrôle inhibiteur (Beaty et al., 2014 ; Benedek et al.,
2012 ; Benedek, et al., 2014 ; Camarda et al., 2017 ; Dietrich & Kanso, 2010 ; Storm & Angello,
2010 ; Vartanian, 2009 ; Zabelina & Robinson, 2010). Camarda et al. (2017) ont montré, grâce
à l’utilisation d’un paradigme en double-tâche, qu’une réduction de la disponibilité des
ressources d’inhibition cognitive diminuait la capacité des individus à dépasser les
heuristiques, alors que la diminution des ressources de mémoire de travail n’avait aucun effet
(voir aussi Furley & Memmert, 2015). En utilisant la neuro-imagerie (EEG sur les bases neurales
impliquées dans la génération d’idées créatives) et la tâche d’AUT, la même équipe (2018)
rapporte une synchronisation des ondes alpha plus importante au niveau frontal lorsque les
participants étaient plus créatifs. Une méta-analyse de Boccia et al. (2015) permettent
également de conclure, cette fois grâce à l’IRMf (45 études), sur l’implication importante des
3
Implique une interférence : les participants voient des noms de couleurs écrits avec des encres de couleurs
différentes (par exemple : « jaune » écrit en rouge). L’objectif est de dénommer la couleur de l’encre (système
2), ce qui sollicite d’inhiber la lecture automatique du mot (système 1).
49
régions préfrontales incluant le cortex cingulaire antérieur, le gyrus frontal inférieur et le gyrus
frontal moyen. Le rôle clé de l’inhibition cognitive dans le dépassement des effets de fixation
et la génération d’idées créatives semble donc confirmé.
En conclusion, les idées rapidement et facilement atteignables (i.e., en fixation)
correspondent à des heuristiques de conception qu’il faut réussir à inhiber pour explorer de
nouvelles voies (Cassotti et al., 2016a) et proposer des solutions originales (i.e., en expansion).
Comme nous l’avons mentionné dans le cadre du modèle du triple processus, les études ont
montré que le nombre d’heuristiques augmentait avec l’âge et qu’elles étaient de plus en plus
fréquemment utilisées (Houdé & Borst, 2014). L’effet de fixation devrait alors être plus
prégnant au cours du développement. Mais le contrôle inhibiteur évolue lui aussi de l’enfance
à l’âge adulte (Crone & Dahl, 2012). Ainsi, quels impacts ces évolutions parallèles ont-elles sur
la génération d’idées créatives et l’effet de fixation au cours du développement ?
IV- Développement de la créativité et des effets de fixation
Nous avons précédemment vu que l’idéation créative reposait à la fois sur nos
connaissances, la capacité à générer une multitude d’idées (pensée divergente) puis dans
certains cas, la capacité à synthétiser tous les éléments disponibles pour trouver la meilleure
idée (pensée convergente). Nous savons que les connaissances et la pensée convergente sont
omniprésentes dans le système éducatif : dans les diverses disciplines enseignées, les élèves
doivent acquérir des connaissances puis résoudre des exercices de tout genre nécessitant une
réponse unique (e.g., en sciences) ou une structure très précise (e.g., philosophie, littérature).
Mais qu’en est-il de la pensée divergente ? La liberté de générer de nouvelles formes de
réponses, de nouvelles idées, d’utiliser de nouvelles stratégies semble moins fréquente ou
peut-être réprimandée par les évaluateurs voire même les camarades. Elle n’est cependant
50
pas exclue du système scolaire : les sujets d’invention en littérature, en langues, ou les arts
plastiques par exemple, sollicitent de vives capacités de pensée divergente. Mais alors que
certains auteurs rapportent une diminution des capacités de pensée divergente avec l’âge
(e.g., Land & Jarman, 1992), d’autres nuancent son évolution en fonction des processus sous-
tendus tels que les fonctions exécutives ou la récupération d’informations sémantiques par
exemple (e.g., Kleibeuker et al., 2013abc), tandis que d’autres encore soulignent l’adolescence
comme étant une période clé pour l’apprentissage de la créativité (Kleibeuker et al., 2016). Le
développement des capacités créatives paraît être complexe. Il semble par conséquent
essentiel de se pencher à la fois sur les études développementales portant sur la génération
d’idées créatives, mais également sur le développement des effets de fixation, ces derniers
pouvant éventuellement expliquer une partie des incohérences retrouvées dans la littérature.
a. Développement des performances créatives
Un large débat existe concernant le développement des performances créatives. Les
premiers travaux portant sur l’évolution de la créativité avec l’âge suggèrent que celle-ci se
développerait de manière non-linéaire. En effet, Torrance (1968) mène une étude
longitudinale auprès de 100 enfants et rapportent une diminution de la fluence et de la
flexibilité chez 53% d’entre eux sur un ensemble de tâches, entre 8-9 ans et 9-10 ans. Une
tendance à l’amélioration est observée vers 10-11 ans bien que 23% des enfants ont vu leurs
performances diminuées. De même, l’auteur note qu’une partie des participants à améliorer
ses performances entre 8-9 ans et 10-11 ans sur la fluence (11%) ou l’élaboration (38%).
Torrance (1962) avait déjà rapporté une diminution de la fluence, de la flexibilité, de
l’originalité et de l’élaboration à 9-10 ans et à 12-13 ans sur un échantillon d’enfant allant de
6 à 17ans. Torrance suggère que cette diminution est due à un respect plus important des
51
règles de vie et des contraintes de l’environnement scolaire. Une idée reprise et illustrée par
He et Wong (2015) qui s’accordent sur une créativité moindre chez les élèves de 6ème par
rapport à des élèves de CM2 ou de 5ème. Le cadre scolaire étant nouveau, changé, le niveau
de stress serait supérieur et mènerait ainsi à cette diminution des performances créatives.
Daugherty (1993) s’inscrit également dans la lignée de chercheurs montrant un
développement non linéaire de la créativité grâce à une diminution de la fluence et de
l’originalité chez des enfants de 3 à 5 ans puis à une augmentation entre 5 et 6 ans au test de
Torrance. Les divers auteurs qui s’accordent sur cette baisse des capacités à certains âges clés
suggèrent que des facteurs à la fois environnementaux et sociocognitifs sont susceptibles
d’intervenir et de jouer un rôle primordial dans cette évolution (e.g., Besançon & Lubart,
2015 ; Claxton et al., 2005 ; Daugherty, 1993 ; He & Wong, 2015 ; Runco, 1989, 1991, Torrance,
1962, 1968).
D’autres études ont illustré une progression linéaire des performances de génération
d’idées créatives : une augmentation de la fluence et de l’originalité a par exemple été
observée entre 10 et 16 ans ou à partir de 14 ans (Jacquish & Ripple, 1980 ; Smith & Carlsson,
1985 respectivement). Mouchiroud et Lubart (2002) quant à eux rapportent une
augmentation linéaire de la fluence et de l’originalité entre 6-7 ans et 10-11 ans en utilisant
une résolution de problème social, mais ne répliquent ces résultats que sur la fluence lorsqu’ils
utilisent l’AUT. Kleibeuker et al. (2013abc, 2016) suggèrent que le débat et les contradictions
existantes quant aux trajectoires développementales de la créativité peuvent être expliquées
par la diversité des tâches, des mesures, des indices utilisées, et des périodes d’âge testées
(voir également Wu et al., 2005). L’équipe utilise alors un ensemble de 4 mesures (pensée
convergente et pensée divergente en interaction avec des tâches verbales et figurales) chez
des participants allant de 10 ans à l’âge adulte. Les résultats divergent en fonction des tâches
52
utilisées. En pensée divergente verbale (AUT), les auteurs n’observent aucun effet
développemental sur la fluence et la flexibilité mais relèvent cependant une progression
linéaire avec l’âge de l’originalité des idées. Selon eux, le développement des capacités
créatives peut être expliqué par l’acquisition des connaissances et d’expériences mais
également par le développement des fonctions exécutives.
Les connaissances évoluant avec l’âge (Weisberg, 1999), la génération d’idées est
facilitée mais peuvent aussi mener à des effets de fixation plus importants (Agogué et al.,
2014). Alors que connaître la part de contribution de chacune de ces deux facteurs (i.e.,
connaissances et effet de fixation) pourrait permettre de dissiper le débat qui existe, très peu
d’études ont été menées avec cet objectif.
b. Développement des effets de fixation
La fixation a été mise en évidence à de nombreuses reprises chez les enfants. Le
problème de la bougie de Duncker (1945) a été adapté par German et Defeyter (2000) afin
d’être proposée à des enfants de 5 à 7 ans. Le problème de l’ourson Bobo consiste à trouver
des idées pour que l’ourson réussisse à atteindre un jouet posé sur une étagère trop haute.
Une grande boîte contenant différents objets (petits blocs de polystyrène, un crayon, une
balle, un aimant, une gomme, une petite voiture et une pièce de monnaie) est mise à
disposition. La fonction de contenant de la grande boîte est donc amorcée (i.e., amorçage
négatif car la boîte est le seul moyen d’atteindre l’étagère). Dans la condition contrôle, tous
les objets sont disposés en dehors de la boîte. La fonction de contenant n’est donc pas
amorcée. La résolution de problème en condition contrôle est améliorée avec l’âge, comme
attendu. Mais l’effet de fixation a également augmenté entre les enfants de 5 ans et ceux de
7 ans. Les plus jeunes ont été moins sensibles à l’amorçage de la boîte que les plus âgés. Alors
53
qu’en deux ans les enfants ont bien développé leurs capacités de résolution de problème et
leurs connaissances, la prégnance de la fixation est également devenue plus forte, tout
comme chez les adultes. German et Defeyter (2000) interprètent cet effet de fixation moindre
chez les plus jeunes comme étant dû à une flexibilité de l’utilité des objets qui serait plus
importante (voir aussi Chrysikou et al., 2016 ; German & Barrett, 2005). Néanmoins, il est
nécessaire de préciser que des études postérieures ont apporté la preuve que le type
d’amorçage pouvait avoir des effets différents : Hanus et al. (2011) rapportent une
amélioration des performances en résolution de problème chez des enfants de 4, 6 et 8 ans
lorsque l’amorçage est positif (i.e., amorçage d’une utilisation alternative et non en fixation).
De même Cassotti et al. (2016b) révèlent qu’en réponse à la tâche de l’œuf, les adultes à qui
l’on donne un exemple d’idée en fixation sont d’autant plus contraints par l’effet de fixation
que les participants à qui l’on donne un exemple expansif (i.e., hors de l’effet de fixation). La
fixation fonctionnelle dépend par conséquent des objets et des tâches utilisés, ce qui peut
amener un élément de réponse au débat précédemment abordé. De plus, Cacciari et al. (1997)
utilisent la tâche de l’alien (Smith et al., 1993 ; Ward, 1994) et mettent en évidence un effet
de fixation chez les enfants de 5 et 11 ans. En demandant à leurs participants de dessiner un
animal imaginaire, qui diffère autant que possible des animaux terrestres, ils constatent que
73% des enfants de 5 ans et 95% des enfants de 11 ans produisent des aliens avec une
symétrie bilatérale, au moins un organe sensoriel et un membre corporel. Cette
expérimentation permet de mettre en évidence l’activation intuitive des connaissances et
d’un effet de fixation chez les enfants, dès l’âge de 5 ans. Toutefois, différentes études ont pu
démontrer, grâce à la tâche de l’œuf, que la nature de la fixation évolue avec l’âge. En effet,
alors que les trois catégories de réponses répondant à l’effet de fixation sont « protéger
l’œuf », « amortir la chute » et « ralentir la chute », les auteurs (Agogué et al., 2014a, 2014b)
54
rapportent que cette dernière catégorie n’est pas objet de fixation chez les enfants. Il semble
alors primordial d’évaluer la créativité tout en prenant en compte et en identifiant l’effet de
fixation et ce, en fonction des âges des participants.
55
Conclusion du chapitre 1
Le développement des connaissances avec l’âge semble augmenter la prégnance des
heuristiques (système 1), ce qui permet de mieux comprendre l’évolution de la fixation en
génération d’idées créatives (Agogué et al., 2014). Cet effet de fixation évolue et pend des
tâches utilisées, mais doit être surpasser, quel que soit les circonstances, grâce au processus
d’inhibition (Camarda et al., 2017, 2018 ; Cassotti et al., 2016a ; Houdé, 2014) qui se développe
jusqu’à la fin de l’adolescence (e.g., Gogtay et al., 2004 ; Miyake et al., 2000 ; Sowell et al.,
1999). De plus, le modèle triadique de la créativité (Cassotti et al., 2016a) nous permet de
comprendre le processus créatif grâce à une description détaillée des facteurs cognitifs
impliqués, mais n’en demeure pas moins qu’il existe toujours de nombreux débats dans la
littérature. En outre, toutes les études et modèles susmentionnées ont été réalisé chez des
participants expérimentés individuellement. Aucune indication n’est donnée quant à
l’éventuelle influence du contexte social, quand bien même celui-ci est reconnu comme
pouvant jouer un rôle dans les productions créatives (e.g., Approche multivariée de la
créativité, Lubart, 2005). Des facteurs externes pourraient bien être systématiquement
impliqués dans les expérimentations effectuées chez l’individu seul (e.g., appréhension de
l’évaluation de l’expérimentateur, présence d’autrui, utilisation de récompense ou non) sans
pour autant être contrôlés, malgré leur influence certaine sur les performances comme nous
allons le voir dans le chapitre suivant.
56
Chapitre 2
Comment le contexte social module t’il
les performances ?
Processus de bas et de haut niveau et
développement de cette influence
57
Nous avons vu dans le chapitre précédent que les capacités créatives dépendaient et
étaient modulées par des facteurs cognitifs. Certains suggèrent également qu’outre ces
facteurs cognitifs, des facteurs environnementaux et sociaux interviendraient dans l’évolution
des capacités créatives (Besançon & Lubart, 2015 ; Claxton, 2005 ; Daugherty, 1993 ; He &
Wong, 2015 ; Runco, 1989, 1991, Torrance, 1962, 1968). Pour cause, le contexte social est
omniprésent dans nos vies : que nous soyons dans un milieu éducatif, professionnel ou sportif
par exemple, autrui est impliqué par sa simple présence, son rôle d’évaluateur, de
compétiteur, ou de collaborateur. Nous verrons dans ce second chapitre les principaux
modèles portant sur le contexte social et les études expérimentales ayant permis de les
mettre en lumière. Nous aborderons ensuite l’approche développementale de cette influence
sociale.
I- Influence du contexte social sur des processus cognitifs de bas et de haut niveau
a. Contexte social et performances sensori-motrices : naissance de la théorie du drive
(Zajonc, 1965)
Les premières études effectuées sur l’influence du contexte social concernent
principalement les performances sensori-motrices. Dès 1898, Triplett est un des premiers
auteurs à publier une étude s’inscrivant dans le domaine de la psychologie sociale. En
observant plus de 2000 cyclistes, Triplett (1898) établie une grille d’observation montrant que
selon l’entourage social de l’individu, les performances étaient modulées. Lorsque les cyclistes
étaient en situation d’entraînement, accompagnés d’un entraîneur ou d’autres sportifs, ses
performances étaient meilleures que quand il était seul. De même, lorsqu’il était question de
contexte compétitif, les individus étaient d’autant plus rapides. Triplett met également en
58
place une expérimentation en laboratoire dans laquelle 40 enfants doivent tourner un
moulinet le plus rapidement possible. L’auteur rapporte alors une augmentation de la vitesse
d’exécution de la tâche lorsque les participants étaient en présence d’un autre individu
effectuant la même tâche (i.e., coaction) plutôt que seuls. Performer en contexte social
augmenterait donc les performances motrices. Triplett introduit alors une notion devenue
classique par la suite : c’est ce qu’il appelle en effet, la facilitation sociale. Il est néanmoins
important de préciser que ces effets facilitateurs n’ont été observés que chez la moitié des
participants expérimentés. Une absence d’effet a été révélée chez un quart des individus
pendant que les autres ont vu leurs performances diminuées. Malgré cette nuance, les travaux
de Triplett ont inspiré bon nombre de chercheurs. A partir de 1920, Allport lui succède en
ayant l’objectif d’affiner les connaissances que l’on a en matière de coaction. Il confirmera
l’existence d’une facilitation sociale, entre autres dans des tâches sensori-motrices. Divers
auteurs s’accordent sur le fait que la simple présence d’un individu suffit à améliorer les
performances. Meumann (1904) rapporte par exemple de meilleures performances à des
épreuves de levé de poids sur une longue durée de temps lors de la présence passive d’un
autre individu. De même, Travis (1925) montre que la simple présence de spectateurs visibles
(i.e., audience) lors de la réalisation d’une tâche de poursuite visuelle d’objet, améliore la
performance. Ces impacts bénéfiques du contexte social ne sont toutefois pas
systématiquement retrouvés.
Outre les résultats mitigés de Triplett (i.e., effet bénéfique que chez la moitié de ses
participants), on note aussi un nombre conséquent d’études rapportant un manque d’effet
voire des effets néfastes du contexte social. Ringelman (1913) révèle dans une étude que les
performances collectives étaient moins bonnes que la somme des performances individuelles
dans des épreuves de tir à la corde. Il montre également que plus le groupe est grand, et plus
59
cet effet délétère du contexte social est important. En utilisant des tâches très proches (e.g.,
corde à tirer, crier et applaudir le plus fort possible), divers auteurs ont confirmé cette
détérioration des performances (e.g., Ingham et al., 1974 ; Latané et al., 1979). Husband
(1931) ou Pessin et Husband (1933) révèlent quant à eux une diminution de la rapidité
d’apprentissage de labyrinthes exécutés avec le doigt ou à taille humaine, respectivement.
Mais les auteurs nuancent par la suite leurs conclusions : en réalité, l’apprentissage en
présence de spectateurs passifs (i.e., audience) a amené à une variabilité de performances
plus importante entre les sujets que lorsqu’ils étaient seuls. C’est dans les années 60 que l’on
voit apparaître un premier modèle portant sur l’influence du contexte social.
En effet, Zajonc (1965) tente d’apporter une explication aux inconsistances de la
littérature en proposant sa théorie intégrative du drive. Il met en place une étude dans laquelle
il expérimente des cafards soit seuls soit en binôme afin de déterminer leurs temps de
résolution d’un labyrinthe. La coaction a permis d’augmenter les performances lorsque la
tâche était simple mais a diminué les performances lorsque la tâche était complexe. En basant
son modèle sur la maitrise de la tâche, Zajonc (1965) propose l’utilisation de deux termes
antagonistes : lors d’une tâche complexe, le contexte social mènerait à une inhibition sociale
(i.e., effet délétère) tandis que lors d’une tâche simple, on parlerait de facilitation sociale. Sans
distinguer les types de contextes existants (e.g., coaction, audience), l’auteur stipule qu’un
état de tension générale de l’organisme est provoqué par la présence d’un environnement
social. C’est ce que Zajonc appelle le drive. En présence d’autrui, le drive va augmenter ainsi
que la probabilité d’apparition des réponses dominantes (Zajonc & Sales, 1966). Par
conséquent, et pour résumer, lors d’une tâche simple, la réponse dominante (système 1) est
la bonne et va émerger plus rapidement grâce au contexte social (i.e., facilitation sociale). Au
contraire, lors d’une tâche complexe, il est nécessaire de produire une réponse subordonnée
60
(système 2 sollicité) et le contexte social va ainsi rendre plus difficile la réalisation de la tâche
(i.e., inhibition sociale ; voir figure 9).
Figure 9. Schématisation de la théorie du drive de Zajonc (1965)
Zajonc considèrera que les effets de l’environnement social ne s’observent que lorsqu’il existe
une incertitude vis-à-vis du comportement d’autrui (Guerin, 1983, 1986 ; Zajonc, 1980). Bien
qu’il ait permis d’introduire la distinction entre facilitation et inhibition sociale et qu’il ait
61
bénéficié de nombreux arguments expérimentaux (e.g., Bond & Titus, 1983 pour une revue ;
Guerin, 1983, 1986 ; Hunt & Hillery, 1973 ; Pessin & Husband, 1933 ; Zajonc & Sales, 1966) la
théorie de Zajonc ne permet pas à elle-seule de pouvoir répondre au débat et inconsistances
qui subsistent dans la littérature. L’auteur se focalisant uniquement sur la maîtrise de la tâche,
d’autres modèles ont émergé. Nous verrons que ces modèles, nouveaux et/ou
complémentaires, sont principalement basés sur des performances relevant de fonctions
cognitives de plus haut niveau. En effet, nous allons voir que l’impact d’autrui ne se limite pas
aux performances sensori-motrices et que la nature de celui-ci constitue un réel intérêt.
b. Processus de haut niveau : une influence du contexte social qui divise
Allport (1920) s’inscrit dans la continuité des travaux de Triplett (1898) en admettant
une facilitation des capacités sensori-motrices en coaction. Afin d’apporter de nouveaux
éléments au débat existant, l’auteur utilisera également des épreuves d’associations de mots,
de multiplications ou de raisonnement logique. Notamment, en expérimentant des individus
seuls ou en groupe de 3 à 5 (i.e., coaction), l’auteur révèle que la présence d’autrui est
favorable à la vitesse d’association libre de mots par rapport à la condition individuelle. Il
précise néanmoins que les effets bénéfiques sont moins importants dans des tâches mentales
ou associatives que dans des tâches plus mécaniques et motrices (e.g., écriture de mots
associés). Autrement dit, Allport (1920) confirme et nuance l’effet de facilitation sociale en
soulignant l’importance de prendre en considération la complexité des tâches utilisées. Une
idée reprise et exploitée par Zajonc (1965) comme nous l’avons vu précédemment. Allport
observe en outre une variabilité interindividuelle plus importante dans le travail en groupe
que chez les individus seuls (voir aussi Husband, 1931 ; Pessin & Husband, 1933), laissant à
penser que le contexte social n’est pas systématiquement perçu ou vécu de la même façon
62
par les participants. Allport relève que lorsque la rivalité n’est pas supprimée, qu’un contexte
de compétition est présent, le travail solitaire devient plus bénéfique au niveau de la
variabilité des réponses données. L’auteur conclue et interprète que les perceptions ou idées
de mouvements chez d’autres personnes proches de nous, ainsi que la rivalité intrinsèque,
vont faciliter les performances, tandis que des facteurs comme la distraction, une rivalité plus
explicite ainsi que les émotions, vont jouer un rôle néfaste sur les performances cognitives.
Identifier et contrôler précisément le contexte social dans lequel l’individu va performer (e.g.,
compétitif, coaction, évaluation) semble primordial. Néanmoins, malgré la manipulation de
divers contextes sociaux, nous allons voir que d’importantes divergences sont rapportées lors
de l’évaluation de fonctions cognitives de haut niveau.
En effet, Dashiell (1930) par exemple, rapporte que la coaction a permis d’améliorer la
vitesse de résolution de problèmes mathématiques et d’associations de mots mais a
également mené à un plus grand nombre d’erreurs. Pessin et Husband (1933), quant à eux,
ont testé la vitesse d’apprentissage de syllabes en situation d’audience et ont révélé un effet
néfaste sur les performances. De même la présence de l’expérimentateur a réduit la vitesse
d’apprentissage des participants mais a amélioré le rappel des syllabes à postériori. Henchy
et Glass (1968) décident de s’intéresser plus spécifiquement et précisément au rôle d’autrui
lorsqu’un individu doit performer en contexte social. Ils testent et manipulent alors le facteur
de présence/absence de l’observateur, son rôle (i.e., expert ou non) et le type d’observation
sur une tâche de pseudo-reconnaissance. Les participants ont été entraînés à donner une
bonne réponse dominante au préalable (i.e., automatique et systématique). Les auteurs
révèlent de meilleures performances lorsque les individus étaient en contexte d’audience
experte puis d’attente d’une évaluation. Les situations dans lesquelles les participants ont été
63
>
>
les moins performants étaient lorsqu’ils travaillaient face à une audience non-experte et
d’autant plus sans contexte social (Voir tableau ci-dessous pour les contextes détaillés)
Tableau 1.
Description des conditions expérimentales de l’étude de Henchy et Glass (1968)
Les participants
travaillent seuls et
filmés afin d’être
évalués
ultérieurement
(attente d’une
évaluation)
Les participants
travaillent devant
des observateurs
présentés comme
non-experts
(audience non-
experte)
Les participants
travaillent seuls,
leurs performances
sont anonymes et
non-analysées par la
suite (sans contexte
social)
Dans la continuité d’Allport (1920) qui révèle qu’un contexte de coaction peut provoquer des
effets différents sur l’individu, Henchy et Glass (1968) rapportent les mêmes conclusions lors
d’un contexte d’audience/surveillance. Leur étude permet en outre de préciser que le statut
d’expert d’autrui joue un rôle primordial dans les effets que l’on va observer (i.e., audience
experte > audience non-experte).
A partir de la théorie du drive de Zajonc (1965) mais également de cette idée d’impacts
différents en fonction du rôle d’autrui (e.g., Allport, 1920 ; Henchy & Glass, 1968), Cottrell
(1972) propose un modèle basé sur la spécificité de l’audience. Selon lui, la simple présence
d’autrui ne suffit pas à déclencher l’augmentation du drive : il serait nécessaire qu’autrui soit
perçu comme potentiel évaluateur. Contrairement à Zajonc, pour Cottrell, autrui est un
stimulus conditionnel : il peut mener à une menace de l’évaluation (i.e., anticipation de
renforcement positif ou négatif). Ainsi, dans ce cas uniquement, l’incertitude apparaît et le
drive est augmenté (Voir Figure 10). Cottrell, Wack et Sekerak, (1968) rapportent, par
exemple, une augmentation des réponses dominantes uniquement en situation d’audience
attentive (Vs. Non-attentive, compères avec les yeux bandés ; voir aussi Conti et al., 2010).
Autrement dit, lorsque l’on associe tâche simple et menace d’évaluation, nous pouvons nous
>
64
attendre à une facilitation sociale. Lorsque l’on associe au contraire, une tâche complexe avec
cette peur du jugement ou d’évaluation, nous pouvons nous attendre à une inhibition sociale
(voir aussi Geen & Gange, 1977 ; Mazerolle et al., 2020). Cottrell (1972) reprend donc le
modèle de Zajonc (1965) en ajoutant un facteur d’appréhension de l’évaluation (voir Figure
10) comme condition nécessaire à l’augmentation du drive.
Figure 10. Schématisation de la théorie de Cottrell (1972)
65
De multiples arguments supportent le modèle d’appréhension de l’évaluation (e.g., Cohen &
Davis, 1973 ; Geen & Gange, 1977 ; Pessin & Husband, 1933 ; Sasfy & Okun, 1974 ; Stotland &
Zander, 1958). Néanmoins, quand bien même le potentiel évaluateur d’autrui est pris en
compte, tous les résultats ne s’accordent pas (e.g., Baron, 1986 ; Betts, & Hinsz, 2010 ; Muller
& Butera, 2007). Andersson et Rönnberg (1996) rapportent par exemple une détérioration des
performances à des tâches de mémoire épisodique et de rappel explicite lorsque les individus
performaient en collaboration (i.e., par dyade). Cet effet était moindre chez les binômes qui
étaient amis plutôt que chez ceux qui ne se fréquentaient pas. Bien qu’aucune mesure n’ait
permis d’évaluer précisément le sentiment d’évaluation des participants, on peut imaginer
que celui-ci était moindre dans le premier cas et que les résultats vont ainsi, dans le sens de
la théorie de Cottrell (1972). Cependant, la diminution des performances n’a pas été retrouvée
lorsque les chercheurs évaluaient la mémoire sémantique ou la récupération implicite (voir
aussi Betts, & Hinsz, 2010). Ainsi, les théories de Zajonc (1965) et Cottrell (1972) ne semblent
pas suffire, à elles-seules, à rendre compte des divers effets du contexte social rapportés dans
la littérature. D’autres facteurs semblent importants à prendre en considération et se sont
révélés jouer un rôle dans l’interaction entre contexte social et performances cognitives.
Proposition de facteurs complémentaires aux théories de Zajonc (1965) et Cottrell (1972)
Nature de l’évaluation. Certains auteurs soulèvent que la nature de l’évaluation (i.e. positive ou négative) joue un rôle :
l’évaluation devrait être négative (i.e. provoquer de la peur, de l’anxiété ou une anticipation d’émotions négatives) afin de
pouvoir observer les effets attendus (Geen, 1979 ; Weiss & Miller, 1971). On anticipe ainsi une inhibition sociale lors d’une
tâche complexe sous appréhension d’évaluation négative, et à contrario une facilitation sociale lors d’une tâche simple sous
appréhension d’évaluation négative. Mais alors que ces auteurs considèrent la nature négative de l’évaluation comme une
condition nécessaire préalable, il est important de noter que d’autres ont révélé une facilitation sociale lors d’une évaluation
positive. En effet, l’utilisation de feedbacks positifs de la part de l’expérimentateur évaluateur par exemple, peut amener à
une amélioration des performances (e.g., Blascovich et al., 1999).
Incertitude et conformité. Guerin (1986) publie une synthèse sur les effets de la présence d’autrui. Il observe que le
phénomène de facilitation sociale a été mis en évidence lorsqu’il existait une certaine incertitude dans le comportement de
66
l’autre personne présente (i.e. observateur ou expérimentateur) mais également lorsque l’on peut noter une tendance à la
conformité aux normes.
Nature des objectifs. Murayama et Elliot (2012) proposent une revue plutôt centrée sur les contextes compétitifs. Les auteurs
concluent qu’il n’y a pas d’effet notable entre compétition et performances, mais que cette absence d’effet résulte d’une
médiation impliquant les objectifs des individus : la concurrence peut susciter des objectifs/comportement « d’approche »
qui vont stimuler la performance mais également des objectifs/comportements « d’évitement » qui vont rendre la
performance moins bonne.
Extremisation des positions. Vasiljevic et Oberlé (2016) proposent un ouvrage synthétisant un grand nombre d’études et
rendent compte des nombreux débats qui subsistent. Notamment, alors que certains rapportent une prise de risque parfois
accrue en groupe (e.g., Stoner, 1961), d’autres concluent à un déplacement vers la prudence (e.g., Fraser et al., 1971) ; des
contradictions interprétées par les auteurs par le fait que les individus vont préférer aller vers l’extremisation de leur propres
positions initiales (Moscovici & Doise, 1973, Moscovici & Zavalloni, 1969).
Ressources attentionnelles. Sanders (1981) défend l’idée que l’augmentation du drive est causée par un conflit entre les
exigences de la tâche et l’attention portée simultanément à la présence d’autrui. Plus spécifiquement la présence de
coacteurs ou d’une audience amène une distraction et un conflit attentionnel menant à une surcharge mentale et un focus
attentionnel sur les indices centraux. Ainsi, si les indices centraux suffisent pour réaliser la tâche, l’auteur anticipe un effet
de facilitation sociale. Cependant, si les indices centraux et périphériques sont nécessaires à la réalisation de la tâche, des
effets d’inhibition sociale seront attendus (Sanders, 1981 ; voir aussi Baron, 1986 ; Chajut & Algom, 2003 ; Kahneman, 1973 ;
Sanders et al., 1978). Par la suite Muller et Butera (2007) avancent que la simple présence de coacteurs ne suffit pas (voir
Baron, 1986 qui affirme le contraire) mais qu’une menace d’auto-évaluation consommant des ressources attentionnelles
(e.g., pensées dues à la crainte de ne pas être à la hauteur ; voir aussi Koole et al., 1999), autrement dit une focalisation
attentionnelle sur le contexte social, est indispensable.
Notamment, Cottrell (1972) lui-même stipule que les individus se perçoivent comme évalués
par les autres et/ou en concurrence les uns avec les autres (voir aussi Guerin, 1983 ; Vasiljevic
& Oberlé, 2016) en admettant un lien avec notre tendance à nous comparer à autrui. Festinger
(1954) initie la littérature sur la comparaison sociale et avance effectivement que les individus
sont conduits par un fort besoin d’auto-évaluer leurs opinions et capacités. Ainsi, dans les
situations dans lesquelles il n’y a aucun moyen objectif et non-social de s’évaluer, l’individu
va chercher à obtenir des indications sur ses opinions ou capacités en se comparant à autrui.
Autrement dit, de manière automatique (Gilbert et al., 1995), les autres sont utilisés afin de
donner du sens à ce que l’on est et ce que l’on fait (Buunk & Gibbons, 2000). Le processus de
comparaison sociale serait à l’origine des effets du contexte social sur les performances de
67
bas et de haut niveau (Festinger, 1954), et plus spécifiquement sur l’appréhension du
jugement ou de l’évaluation pouvant survenir lors de la présence d’autrui (Cottrell, 1972).
Festinger a permis de décrire précisément ce processus de comparaison sociale, et fait
apparaître un certain nombre de paramètres que les modèles de Zajonc (1965) ou Cottrell
(1972) ne semblent considérer. Premièrement, il avance que plus autrui est « loin » de nous,
moins la tendance à se comparer sera importante. Pour cause, si la seule comparaison
disponible s’avère être très divergente, nous ne serons pas en mesure d’obtenir une
évaluation subjective précise de notre opinion ou de nos capacités (e.g., Dreyer, 1953).
Autrement dit, si les performances/opinions d’autrui sont trop éloignées des nôtres et qu’une
convergence semble impossible ou inatteignable, la comparaison sociale devient alors moins
informative et légitime. Festinger montre par ailleurs que les individus sont moins attirés par
ces situations dans lesquelles autrui est très divergent en comparaison aux situations la
différence est moins importante (voir aussi Dreyer, 1953 ; Hochbaum, 1953). Ainsi, si notre
tendance à nous comparer à autrui n’est pas systématique (i.e., dépend de la forte ou faible
divergence), elle pourrait bien être un élément de compréhension vis-à-vis des inconsistances
entre les études de la littérature. De plus, Festinger (1954) amène également une distinction
importante entre deux principaux types de comparaison sociale : la comparaison peut être
ascendante ou descendante. La comparaison sociale ascendante est une comparaison vers le
haut (i.e., on se compare à meilleur que soi) et peut mener à des réflexions telles que « je suis
moins bon que lui » par exemple. La comparaison sociale descendante, au contraire, est une
comparaison vers le bas (i.e., on se compare à moins bon que soi) et permet aux individus
ayant une faible estime de leurs capacités ou opinions, de maintenir ou augmenter cette
dernière. Par exemple, après avoir obtenu une note moyenne à un examen, l’individu va
préférer se comparer à des étudiants ayant eu des notes d’autant plus faibles. Son estime de
68
soi sera ainsi maintenue grâce à des réflexions comme « Il est pire que moi donc je ne suis pas
si nul ». La notion de divergence, de distance entre l’individu et les éléments de comparaison,
semble également jouer un rôle : Rijsman (1974) par exemple, rapporte que lorsqu’une source
de comparaison et d’évaluation est visible par l’individu, ses performances sont moins bonnes
lors d’une comparaison ascendante (i.e., outcome très supérieur) mais meilleures si elle est
descendante (i.e., outcome très inférieur) ou latérale (i.e., comparaison avec des personnes
semblables à soi ; outcome équivalent). Si la source de comparaison n’était pas visible, de
moins bonnes performances ont été observé à la fois lorsque l’outcome était très inférieur et
très supérieur ; elles ont cependant été améliorées lorsque l’outcome était équivalent. Les
effets d’une comparaison ascendante, descendante ou latérale pouvant être différents d’un
contexte à l’autre et d’une tâche à une autre, il pourrait s’agir à nouveau d’un élément de
compréhension quant aux contradictions rapportées dans les conclusions de nombreuses
études (e.g., Andersson & Rönnberg, 1996). En effet, il semble tout à fait possible qu’un
individu n’ait pas le même taux de confiance et d’estime en ses propres capacités/opinions en
fonction des tâches que l’expérimentateur lui propose. Comme nous l’avons vu avec Rijsman
(1974), le type de comparaison peut être induit par l’ajout de feedback/outcome vis-à-vis des
compétences ou performances d’autrui. Si aucun feedback n’est donné, proposer un
questionnaire subjectif aux individus expérimentés pourrait être un moyen de pallier cette
éventuelle variable confondue (e.g., sentiments d’évaluation, de compétition).
La littérature visant la comparaison sociale n’a porté que peu d’intérêt à la nature des
tâches. L’interprétation et les explications apportées aux effets des différentes comparaisons
sociale sont principalement de nature motivationnelle (e.g., Deci & Ryan, 2012 ; Rijsman,
1974 ; Seta, 1982) : les contextes et situations menant à une baisse des performances seraient
liés à une baisse de la motivation alors que ceux ayant permis des améliorations de
69
performances seraient plutôt liés à une augmentation ou un maintien de la motivation.
Certains auteurs ont montré que, lorsque l’individu souhaite faire mieux qu’autrui, ou
diminuer les divergences existantes vers le haut (i.e., comparaison ascendante), la motivation,
ainsi que les performances, augmenteraient (voir Blanton et al., 1999 ; Huguet et al., 2001 ;
Marsh et al., 2010). Au contraire, lorsqu’autrui n’est pas source d’inspiration à bien ou mieux
faire (i.e., comparaison descendante), la motivation ainsi que les performances diminueraient.
Nous verrons dans le chapitre 3 de cette introduction théorique qu’une théorie
motivationnelle a également été proposée dans le domaine de la créativité en situation de
contexte social. Cependant, de nombreux auteurs ont montré que les effets de la comparaison
sociale n’étaient pas exclusivement dus à des facteurs motivationnels en testant des
processus cognitifs de bas niveau, automatiques, tels que la lecture, la perception visuelle ou
l’orientation de l’attention (Muller et al., 2004 ; Normand et al., 2014 ; Normand & Croizet,
2013).
En conclusion, grâce à l’étude des fonctions cognitives de haut niveau, de nombreux
éléments de réponse quant à l’effet du contexte social ont été proposés. Il semble cependant
difficile aujourd’hui d’établir une synthèse claire et exhaustive de cette interaction. En raison
de la multiplicité des compétences évaluées, des méthodes utilisées et des contextes sociaux
manipulés ; sans pour autant prendre en considération les différentes perceptions d’autrui
(e.g., type de comparaison sociale, rôle et statut d’autrui) ; de nombreux débats subsistent
dans la littérature. Au vu de ces débats, et du fait que la nature précise des tâches n’est pas
toujours prise en considération dans les interprétations, il semble légitime de se pencher sur
un type de performances spécifiques afin d’appréhender au mieux les effets du contexte social
dans le domaine de la créativité. Comme décrit dans le chapitre 1 de cette introduction, les
fonctions exécutives, et d’autant plus le contrôle inhibiteur, jouent un rôle primordial dans les
70
capacités de génération d’idées créatives (Camarda et al., 2018 ; Cassotti et al., 2016a). Ainsi,
voyons comment celles-ci sont impactées par autrui et quels modèles ont pu être proposés.
c. Contexte social et fonctions exécutives (mémoire de travail, flexibilité cognitive et
contrôle inhibiteur)
Certains auteurs soulignent l’importance d’étudier les fonctions exécutives en
interaction sociale (e.g., Belletier et al., 2015 ; Diamond, 2013 ; Lewis & Carpendale, 2009).
Decety et al. (2004) par exemple, mènent une étude en imagerie cérébrale et révèlent que
des contextes de coopération et de compétition entraînent tous deux une activation
commune du réseau fronto-pariétal, connu pour être impliqué dans les fonctions exécutives
(Lecompte et al., 2006 ; Rossi, 2016 ; Chevalier, 2010 ; Collette & Salmon, 2014). Soulignons
que l’activation de régions distinctes a également été observée, le cortex orbitofrontal étant
spécifique à la coopération et le cortex pariétal inférieur et médian étant spécifique à la
compétition. Les fonctions exécutives paraissant être sollicitées lorsque nous devons
effectuer un travail ou une tâche en contexte social, il semble important de s’interroger sur la
nature de leur interaction et des effets qui en résultent. Il existe trois fonctions exécutives
principales : (a) la mémoire de travail, (b) la flexibilité attentionnelle et (c) l’inhibition. Celles-
ci sont à la base de fonctions exécutives de plus haut niveau telles que la planification, la
résolution de problème et le raisonnement (Collins & Koechlin, 2012 ; Diamond, 2013 ; Houdé
& Borst, 2018).
La mémoire de travail (MdT) est définie comme la capacité à maintenir et manipuler
temporairement des informations en mémoire. Elle peut être visuo-spatiale (i.e., système de
calepin visuo-spatial) ou verbale (i.e., système de boucle phonologique) (Baddeley, 1986,
2003 ; Diamond, 2013 ; Houdé & Borst, 2018). Diverses études se sont penchées sur la relation
71
entre contexte social et mémoire de travail et révèlent des effets (e.g., Beilock, 2008 ; Regner
et al., 2010 ; Schmader & Johns, 2003 ; Sheikhrezaei & Harvey, 2019). Betts et Hinsz (2010)
soulignent par exemple que l’apprentissage dans des tâches complexes peut être favorisé
lorsque les adultes sont en collaboration, grâce à une charge de travail partagée. Ce partage
des ressources en mémoire de travail va en effet leur permettre de réduire les erreurs des
autres et de retenir plus d’informations. Lors de tâches simples néanmoins, les individus
investissent la même quantité d’efforts mentaux que lorsqu’ils sont seuls, et sont alors aussi
performants dans les deux cas. Outre l’influence des capacités de mémoire de travail sur les
performances en contexte social, quelques autres études ont permis de soulever l’éventuel
rôle d’un environnement social sur la MdT elle-même. Nemeth et al. (2013) révèlent par
exemple qu’un contexte de communication des plus ostensible, autrement dit avec un contact
visuel et des intonations exagérées, nuit à la performance de mémoire de travail. Le rôle et le
style de communication de l’expérimentateur doit par conséquent être contrôlé ou manipulé.
Park et al. (2006) montrent quant à eux que seules des interactions sociales directes peuvent
faciliter la mémoire de travail chez des patients schizophrènes, probablement grâce aux
activations du cortex frontal que celles-ci impliquent.
La flexibilité cognitive est définie comme la capacité à s’adapter aux changements de
notre environnement en changeant de stratégies, en adoptant une perspective différente sur
un problème ou encore en cherchant d’autres manières de raisonner ou penser. Elle repose à
la fois sur les capacités de mémoire de travail et d’inhibition. En effet, faire preuve de flexibilité
nécessite le maintien de plusieurs informations/consignes en mémoire de travail et l’inhibition
d’une de ces informations/consignes, afin de pouvoir en activer une autre (Diamond, 2013 ;
Houdé & Borst, 2018 ; Lewis & Carpendale, 2009). Tun et al. (2013) évaluent la tension sociale
ressentie par leurs participants lors de tâches mesurant les fonctions exécutives. Les auteurs
72
observent des vitesses de traitement plus lentes lorsqu’une tension sociale était rapportée,
et ce, d’autant plus dans les tâches de switching complexe (i.e., flexibilité attentionnelle) que
dans des tâches simples de rapidité. Les interactions sociales négatives sont ici considérées
comme d’autant plus susceptibles de jouer un rôle lorsqu’elles sont associées aux fonctions
exécutives.
L’inhibition est définie, pour rappel, comme la capacité à supprimer une réponse
automatique, dominante. Elle peut intervenir lors de la sélection d’informations à traiter, ou
lors de la sélection et exécution de la réponse. Ces informations et réponses peuvent être
perceptives, motrices, cognitives ou émotionnelles (Houdé & Borst, 2018 ; Lewis &
Carpendale, 2009). Bond et Titus (1983) proposent une méta-analyse basée sur 241 études et
rapportent que la simple présence d’autrui va augmenter la vitesse d’exécution de tâches
simples et automatiques mais diminuer celle de tâches complexes non ou mal apprises. Cette
observation confirme les conclusions de Zajonc (1965) et nous permet d’anticiper l’impact que
pourrait avoir le contexte social sur les capacités d’inhibition. En effet, le stroop impliquant à
la fois une opération automatique (i.e., lecture d’un mot) et une contrôlée (i.e., dénomination
de couleur), nous pouvons nous attendre à ce que le contexte social diminue le temps de
lecture du mot (i.e., réponse automatique mais incorrecte, système 1) mais augmente le
temps de dénomination de couleurs (i.e., réponse contrôlée correcte, système 2). En accord
avec cette idée, Hochman (1969) ou encore Pallack et al. (1975) démontrent respectivement
qu’ajouter une pression de temps ou une menace de chocs électriques lors de l’exécution de
la tâche de stroop, augmente l’interférence (voir aussi Augustinova & Ferrand, 2012 ; Belletier
et al., 2015 ; Sharma et al., 2010). Cependant des résultats contradictoires ont été rapportés
dans la littérature : en altérant l’attention portée sur la tâche, le contexte social peut amener
un impact inverse, autrement dit bénéfique. En effet, des études ont montré qu’en focalisant
73
notre attention sur des indices externes à la tâche, cela pouvait permettre d’éliminer les
indices sémantiques incorrects et de se concentrer sur les indices de couleurs (Baron, 1986 ;
Hartley & Adams, 1974 ; Huguet et al., 1999). MacKinnon et al. (1985) par exemple, mettent
en place une condition dans laquelle un coacteur est présent et performe en compétition afin
d’obtenir un crédit supplémentaire. Ce contexte a permis de diminuer l’interférence et ainsi,
d’améliorer les performances des individus par rapport à ceux qui performaient seuls. Les
auteurs révèlent également une diminution des performances de reconnaissance de mots, ce
qui illustre bien qu’un focus attentionnel a été fait sur le contexte social et non sur la tâche.
Néanmoins, étant donné que la coaction était en covariance avec la récompense souhaitée
(i.e. un crédit supplémentaire) et la compétition, le rôle causal de la focalisation de l’attention
reste incertain (MacKinnon et al. 1985 ; Huguet et al., 1999). L’importance de manipuler et
distinguer précisément les contextes sociaux est une fois encore illustrée (voir aussi Tsoi et
al., 2016). Lohss et al. (1970) se sont spécifiquement intéressés à la facilitation sociale dans
les performances au Stroop en situation d’audience. Leurs travaux n’ont cependant pas
permis d’observer un quelconque effet du contexte social. En effet, l’équipe ne rapporte pas
d’amélioration des performances chez ses participants sains lorsqu’ils étaient observés. De
même, Zajonc et al. (1974) relèvent, comme attendu, des temps de dénomination des mots
incongruents plus longs (tâche complexe) et une amélioration des temps de dénomination
des mots congruents (tâche simple). Néanmoins, les auteurs ne répliquent pas ces données
ultérieurement. Gribbin (1974) soulève quant à lui des différences développementales : les
participants les plus âgés avaient de moins bons résultats en situation d’audience tandis que
les plus jeunes participants étaient meilleurs. Une différence de genre a également été
soulevée, les femmes étant impactées négativement par la présence d’observateurs et les
hommes positivement. Huguet et al. (1999) soulignent qu’aucune de ces études n’a mesuré
74
les effets de coaction, et que l’expérimentateur était présent sans que l’on ait d’indication sur
l’éventuel impact qu’il pouvait avoir. De ce fait, les auteurs ont mis en place une nouvelle
expérimentation ayant apportée de nouvelles conclusions : l’inhibition des réponses verbales
automatiques (i.e., dénomination de couleurs) a été facilitée par la présence d’autrui et la
comparaison sociale ascendante. En d’autres termes, la présence d’autrui pourrait être source
d’amélioration uniquement lorsque le participant performe en présence d’un individu
légèrement meilleur que lui. Ces données pourraient expliquer les divergences présentes dans
la littérature ainsi que le manque d’effet rapportées chez l’adulte dans certaines études (e.g.
Bouhours, Houdé, Borst, Camarda, & Cassotti, 2019 ; Bouhours, 2018 ; Zajonc et al., 1974 ;
Lohss et al., 1970).
En considérant des études portant sur une même tâche (e.g., stroop) ou une même
fonction cognitive (e.g., mémoire de travail, inhibition), on relève tout de même des débats
quant aux effets de facilitation, d’inhibition sociale ou de manque d’effet. Les inconsistances
rapportées, depuis l’intérêt grandissant pour l’interaction entre contexte social et
performances, ont poussé de nombreux chercheurs, comme Zajonc (1965), à proposer des
théories explicatives. Toutes ces théories et une grande partie des études ont été exécutées
chez l’adulte. Néanmoins, une vaste littérature souligne l’importance du contexte social chez
l’adolescent. Il semble ainsi essentiel de se demander de quelle façon le contexte social peut
influencer les performances au cours du développement.
75
II- Approche développementale de l’influence du contexte social
a. Influence sociale chez l’enfant
Dès l’enfance, autrui est omniprésent : famille, camarades de crèche, d’école maternelle
ou primaire, amis, instituteurs… De multiples études permettent de constater que
l’environnement social peut exercer une influence sur les performances des plus jeunes (e.g.,
Dishion & Dodge, 2006 ; Birch et al., 1980 ; Lippit et al., 1952 ; Walters & Parke, 1964).
Roebers et al. (2005) rapportent par exemple de moins bonnes performances à un test de rappel chez
des enfants de 8 à 10 ans lorsque ces derniers étaient expérimentés dans un contexte social. En effet,
lorsqu’un adulte complice était présent et suggéraient de fausses informations, les enfants répondaient de
manière plus conforme qu’en condition sans influence sociale. Cet effet de contagion, mis en évidence par
la diminution des performances de rappel et l’augmentation de la suggestibilité, était moins important au
cours de l’âge. Autrement dit, entre 8 et 10 ans, les auteurs ont observé une forte augmentation de la
capacité à se fier à ses propres souvenirs plutôt qu’à se conformer aux réponses de l’adulte complice. De
plus, le rapport à la nourriture des enfants, en lien avec leur santé et leur bon développement, à attiser
l’intérêt de nombreux chercheurs depuis des décennies. Une importante littérature porte ainsi sur
l’implication de facteurs sociaux dans les habitudes ou changements alimentaires (e.g., Birch, 1980 ; Birch
& Zimmerman, 1980 ; Cruwys et al., 2015 ; Duncker, 1938 ; Salvy et al., 2011). Addessi et al. (2005) par
exemple, indiquent que les enfants de 2 à 5 ans sont plus susceptibles d’accepter un nouveau type de
nourriture, un nouvel aliment, lorsque d’autres personnes sont en train de manger la même chose plutôt
que quand ils mangent autre chose ou qu’ils ne sont pas présents. De la même façon, le genre a fait l’objet
d’un certain nombre d’expérimentations, celles-ci portant tantôt sur l’influence sociale en fonction du
genre (e.g., Carli, 2001) tantôt sur les stéréotypes de genre
4
. Notamment, Ambady et al. (2001) rapportent
4
Les stéréotypes sont définis comme étant des « théories implicites de personnalité que partage l’ensemble des membres d’un
groupe à propos de l’ensemble des membres d’un autre groupe ou du sien » (Leyens et al. 1994). Ils sont composés de croyances
portant sur les caractéristiques d’un groupe, celles-ci étant généralisées à tous les membres de ce groupe, et peuvent être négatifs
ou positifs.
76
que l’activation d’un stéréotype de genre en mathématiques (« les filles sont moins bonnes que les garçons
en mathématiques ») nuit aux performances des filles dans ce domaine, dès la maternelle (voir aussi Galdi
et al., 2014 ; Huguet & Régner, 2009 ; Smeding et al., 2013 ; Tomasetto et al., 2011 ; Wei, 2012). Leman et
Duveen (2003) quant à eux, explorent la relation entre genre et interactions sociales des enfants de 9-10
ans. Les auteurs soulèvent que lors de discussions vis-à-vis de dilemmes moraux en binôme, le style des
conversations différait en fonction de si le binôme était constitué de deux enfants du même genre (garçon-
garçon ou fille-fille) ou s’il était mixte (fille-garçon). Les résultats de l’étude suggèrent que l’influence du
statut social (i.e., identité sexuelle de l’enfant dans cette étude), peut entraver l’efficacité de la
communication et l’acceptation de certains arguments. Le phénomène de comparaison sociale (Festinger,
1954) a lui aussi été exploité durant la période de l’enfance. En effet, Blanton et al. (1999) ainsi que Huguet,
et al. (2001) ont montré qu’à l’école, les enfants qui utilisaient une cible de comparaison sociale légèrement
ascendante bénéficiaient d’une amélioration au niveau de leurs évaluations scolaires (i.e., effet
d’assimilation), sans pour autant s’auto-évaluer de manière supérieure. A contrario, d’autres études (e.g.,
Marsh, 1986ab, 2005 ; Marsh & Craven, 2002 ; Marsh & Hau, 2003) ont rapporté que l’image de soi était
altérée négativement chez les enfants appartenant à une école réputée à haut niveau de compétences (i.e.,
effet de contraste). Seaton et al. (2008) avancent que les effets d’assimilation et de contraste peuvent
coexister. Lors du vieillissement normal, on constate que ces impacts du contexte social peuvent également
être retrouvés : Mazerolle et al. (2020) par exemple, explique que le stéréotype négatif de vieillissement
représente un biais important dans les tests cognitifs, celui-ci pouvant causer une altération des
performances mnésiques chez les personnes âgées et augmenter les différences interindividuelles. Tout
comme dans les études chez l’enfant citées ci-dessus, la crainte de confirmer les stéréotypes
5
va créer une
pression qui interfère avec leurs véritables capacités. Mazerolle et al. (2020) montre par ailleurs qu’en
supprimant la menace du stéréotype, la différence de performances entre personnes âgées et adultes a
nettement été diminuée.
5
La menace du stéréotype est le sentiment qu'a un individu de pouvoir être jugé à travers un stéréotype négatif visant son
groupe, ou la crainte de faire quelque chose qui pourrait confirmer ce stéréotype.
77
Si divers facteurs sociaux peuvent exercer une influence sur les performances, les
émotions, ou comportements des enfants et personnes âgées, celle-ci s’avère être d’autant
plus importante chez les adolescents. En effet, l’adolescence est reconnue comme étant une
période spécifiquement marquée par l’importance de l’environnement social.
b. Importance du contexte social à l’adolescence
L’adolescence constitue le passage de l’enfance à l’âge adulte : son début est lié à l’arrivée
de la puberté
6
et est donc défini par un évènement biologique (Blakemore & Mills, 2014 ;
Shulman et al., 2016). Cependant, sa fin est souvent liée à l’atteinte d’une certaine autonomie
et indépendance, un facteur social par conséquent moins déterminant et décisif (Blakemore
& Mills, 2014 ; Casey, 2015). Galvàn et al. (2012) ont permis de distinguer différentes phases
de l’adolescence, représentées schématiquement ci-dessous :
Figure 11. Schématisation des phases de l’adolescence (Galvàn et al., 2012)
6
Le début de la puberté se situe entre 8 et 14 ans chez les filles (m=11ans) et entre 9 et 15 ans chez les garçons (m=12ans).
Cette période est accompagnée de bouleversements hormonaux à l’origine de changements physiques, et permettant la
maturité sexuelle (Blakemore et al., 2010 ; Crone & Dahl, 2012).
78
De même, Cohen et al. (2016) considèrent qu’au vu du développement des régions
préfrontales, et spécifiquement des capacités de contrôle cognitif, la fin de l’adolescence
varierait de 18 à 21 ans.
Steinberg (2008) considère cette période comme une période sensible, associée à une
recherche d’autonomie, autrement dit, à la volonté de penser, agir et prendre des décisions
selon sa propre initiative. Cet objectif d’autonomie serait lié à la volonté de se construire une
place nouvelle dans la société (Blakemore & Mills, 2014). Dès lors, le développement des
relations sociales devient essentiel chez les adolescents (Claes, 2003). Le cadre familial étant
important, il a été montré que d’autres facteurs sociaux comme les pairs pouvait jouer un rôle
(e.g., Purdie, Carroll, & Roche, 2004), ces derniers étant considérés comme principale source
de socialisation des adolescents (Csikszentmihalyi et al., 1977). Des auteurs comme Smith et
al. (2018) ont par exemple montré que le temps passé en présence de pairs augmente
nettement durant cette période et qu’il constitue un des changements sociaux les plus
importants (voir aussi Steinberg et Monohan, 2007 ; Telzer et al., 2015). Blakemore et Mills
(2014) précisent par ailleurs que, relativement à cette augmentation, une diminution du
temps passé avec le cercle familial est observée. Lam, McHale et Crouter (2014) rapportaient
déjà une augmentation entre l’enfance et l’adolescence du temps passé avec les pairs et
précisaient que celui-ci atteignait un pic durant la mi-adolescence, spécifiquement vers 14 ans
d’après Steinberg et Monohan (2007). L’avis des pairs, l’évaluation sociale par les pairs, ou
encore l’exclusion sociale, sont ainsi reconnus comme facteurs ayant plus d’influence durant
l’adolescence que durant l’enfance ou l’âge adulte (e.g., Blakermore & Mills, 2014 ; Casey et
al., 2008 ; O’brien & Bierman, 1988 ; Sebastian, Viding, Williams, & Blakemore, 2010 ;
Steinberg, 2008). Grâce à une étude développementale, on observe que l’opinion d’autrui
peut exercer une influence de 8 à 59 ans (voir aussi Baron, 1986 ; Huguet et al., 1999 ou Zajonc,
79
1965 par exemple pour l’influence sociale chez l’adulte). Néanmoins, alors que les enfants et
les adultes sont plutôt influencés par l’avis des adultes, les adolescents (12-14ans) s’avèrent
être nettement plus sensibles à celui d’autres adolescents (Knoll et al., 2015). L’importante
influence des pairs à l’adolescence est par conséquent retrouvée dans cette étude
développementale.
Outre l’importance de l’environnement social, les nombreux changements de
comportements présents à l’adolescence accordent également les auteurs (Blakemore &
Mills, 2014). Notamment, la tendance à prendre des risques à cette période spécifique a fait
naître un réel intérêt dans la recherche en psychologie cognitive et sociale.
c. Influence des pairs et prise de risque à l’adolescence
En effet, les adolescents sont perçus comme plus à même de s’engager dans des conduites
à risques tels que la prise de substances (e.g., alcool, drogues, tabac), la conduite automobile,
ou encore les comportements sexuels à risques (e.g., Casey et al., 2008 ; Chein et al., 2011 ;
Dahl, 2004 ; Galvàn et al., 2007 ; Hussong, 2000 ; Steinberg, 2008 ; Steinberg & Monahan,
2007 ; Woodward et Fergusson, 1999). L’environnement social est étroitement lié à ce type
de comportements. Loke et Mak (2013) montrent par exemple qu’avoir des amis qui boivent
ou qui fument est un facteur prédictif de la consommation des adolescents. De même, Chein
et al. (2011) proposent un jeu de simulation de conduite à leurs participants : l’objectif est
d’atteindre le plus rapidement possible la ligne d’arrivée. Le trajet à effectuer est constitué
d’une ligne droite mais plusieurs intersections sont présentes. A chacune de ces intersections,
les individus doivent choisir d’arrêter le véhicule (STOP) ; ce qui engendrera un court retard
dans la course ; ou de prendre le risque de griller le feu (GO) ; ce qui pourra éventuellement
provoquer un accident et leur faire perdre un temps conséquent. Les auteurs rapportent un
80
nombre de « GO » plus important chez les adolescents lorsqu’un pair était présent dans une
pièce adjacente pour les observer, qu’en condition sans contexte social, mais également en
comparaison aux adultes. Autrement dit, la conduite automobile des adolescents de 14 à 18
ans, bien qu’évaluer en laboratoire, a été évaluée comme plus à risque en présence de pairs.
Dishion et al. (2001) rapportent quant à eux que les jeunes adolescents (11-14 ans) sont
d’autant plus susceptibles d’imiter les comportements déviants de leurs amis proches lors de
renforcements verbaux ou non-verbaux, et que l’affiliation aux pairs leur permet d’améliorer
leur estime de soi. Bien que la majorité des études rapportent cette influence sociale néfaste
chez l’adolescent, divers auteurs ont tout de même permis d’apporter quelques nuances.
En effet, ce fort besoin d’affiliation à l’adolescence et cette volonté d’approbation du
groupe, rendus possibles grâce à une certaine conformité (e.g., Telzer et al., 2015), semblent
pouvoir provoquer différentes conséquences. Silva et al. (2016) notamment, retrouvent un
effet négatif du groupe chez l’adolescent sur la prise de risques qui s’avère toutefois être
supprimé lorsqu’un des adolescents du groupe est remplacé par un adulte. Autrement dit, la
simple présence d’un adulte dans un groupe d’adolescents peut permettre de faire diminuer
le risque pris, au même niveau que si les adolescents étaient seuls. Outre ce facteur contextuel
(i.e., composition du groupe ; présence d’un adulte), Telzer et al. (2015) ont montré que le
type de relation entre pairs pouvait jouer un rôle. Les auteurs confirment l’effet néfaste de la
présence d’autrui sur la prise de risques mais nuance celui-ci. La qualité relationnelle a été
considérée comme plus prédictive des engagements à risques que la quantité de relations
mais s’avère ne pas être toujours contrôlée ou mentionnée dans la littérature. Telzer (et al.,
2015) propose alors une étude longitudinale sur deux ans chez des adolescents de 14-15 ans
81
à 16-17 ans et rapportent une plus grande activation du striatum ventral et de l’insula
7
lorsque
l’adolescent effectue une tâche de prise de risques en présence d’un pair avec qui il y a un
conflit et peu de soutien, plutôt que lorsqu’il y a un soutien élevé. Au niveau comportemental,
on observe alors une prise de risque plus importante lorsque le soutien des pairs est faible.
Telzer et son équipe (2015) concluent que la qualité positive des relations sociales peut servir
à atténuer le stress et par conséquent diminuer la prise de risque. Cette proximité avec les
pairs a cependant été rapportée comme la source de conséquences négatives dans certaines
études antérieures (e.g., Dishion, Poulin, & Burraston, 2001).
Ainsi, comment expliquer les quelques divergences présentes dans la littérature ? Les pairs
influencent-ils au risque ou à la prudence ? Une récente étude d’Hoffman et al. (2019) par
exemple, décident de porter un regard sur les éventuelles différences de genre et illustrent
une sensibilité à la conformité au genre plus importante chez des adolescents français de 12
ans en moyenne lorsque ces derniers étaient des garçons plutôt que des filles. Alors que cette
sensibilité au genre diminue de manière générale entre 12 et 15 ans, la pression ressentie par
les filles diminue également mais reste inchangée chez les garçons. Les auteurs ont, de plus,
soulevé des différences interculturelles (France VS. Afrique du nord). L’âge pourrait aussi être
un élément de réponse quant aux divergences observées, mais il s’avère que les âges d’intérêt
sont assez homogènes : les études rapportant des effets néfastes, aussi bien que celles
rapportant des effets bénéfiques, recouvrent une période de 11-12 ans à 18 ans (i.e., sur
l’ensemble des études). Outre ces facteurs de genre, de culture, ou éventuellement d’âge, la
diversité des procédures et tâches utilisées semble pouvoir contribuer fortement à la
compréhension des quelques désaccords ou points d’incompréhension : l’ambiguité de
7
Le striatum ventral est reconnu comme étant impliqué dans la motivation, le circuit de la récompense.
L’insula est reconnue comme étant impliqué, entre autres, dans le contrôle des émotions (voir Chapitre 2.II/d).
82
l’opinion d’autrui, notamment, semble ne pas avoir été pris en compte. En effet, alors que
dans certaines expérimentations l’influence est implicite (i.e., ambiguïté quant à
l’opinion/l’avis des pairs car simple présence passive d’autrui ; e.g., Telzer et al., 2015), il
s’avère qu’elle peut également être manipulée expérimentalement de manière plus précise
et par conséquent, devenir explicite (i.e., le participant connaît l’avis du/des pair(s), il n’y a
plus d’ambiguité ; e.g., Teunissen et al., 2016). Dans le domaine de la prise de décision à
risque, on sait que les adolescents sont plus susceptibles de faire des choix avantageux
lorsqu’ils reçoivent des informations objectives explicites plutôt que quand ils n’en reçoivent
pas (e.g., Aïte et al., 2012 ; Cassotti et al., 2011 ; Osmont et al., 2017 ; Reyna & Farley, 2006 ;
Van Leijenhorst et al. 2008). De la même façon, avoir des informations explicites concernant
l’opinion d’autrui, et venant directement d’autrui, pourrait s’avérer jouer un rôle primordial
dans les conséquences qui en découlent. Ce facteur peut ainsi expliquer les résultats d’études
illustrant à la fois une incitation des pairs au risque et à la prudence, tel que Maxwell (2002),
qui décrit que les amis des individus adolescents peuvent aussi bien être à l’origine de
l’initiation à la consommation de tabac/marijuana et à l’origine de l’arrêt de consommation
de tabac et d’alcool chez des adolescent de 12 à 18 ans. Teunissen et al. (2016) quant à eux
observent que des pairs populaires qui prônent une campagne anti-alcool, sont susceptibles
de protéger les adolescents vis-à-vis de leur consommation. Une influence que l’on ne
retrouve pas avec des pairs impopulaires (voir aussi Blakemore, 2018). Smith et al. (2015)
préciseront et montreront que cette influence des pairs est retrouvée même lorsque les
adolescents sont engagés dans des contextes sans prise de risque.
En conclusion, les auteurs s’accordent majoritairement sur l’impact du contexte social sur
la prise de décision à risque chez les adolescents, dans la vie réelle ou en laboratoire (e.g.,
Chein et al. 2011 ; Knoll et al. 2017 ; Loke et Mak, 2013 ; Smith et al. 2014 ; Steinberg, 2008).
83
Bien que la plupart des auteurs reportent une augmentation de la prise de risque chez
l’adolescent, certains révèlent quelques nuances et l’existence d’une incitation à la fois au
risque et à la prudence (Osmont et al., 2017). Il semble important de considérer ce potentiel
d’influence double des pairs, mais également de porter un regard attentif à divers facteurs
tels que le genre, la culture ou l’âge précis de adolescents expérimentés. Afin de comprendre
au mieux les changements comportementaux observés à l’adolescence, et plus
spécifiquement cette hypersensibilité aux pairs, Casey & Galvàn (2008) et Steinberg (2008)
proposent un modèle reposant sur l’imagerie cérébrale.
d. Hypersensibilité aux pairs à l’adolescence : modèles et explications
Casey et son équipe (2008) ainsi que Steinberg (2008) proposent des modèles permettant
de rendre compte de cette hypersensibilité aux pairs présente à l’adolescence. Les auteurs
considèrent l’existence d’un conflit entre deux systèmes cérébraux distincts : le système
socio-émotionnel, prenant source dans les aires limbiques et para-limbiques et comprenant
notamment le striatum ventral, l’amygdale et le cortex orbitofrontal. Ces régions sont
impliquées dans les processus de motivation et de recherche de récompenses (e.g., Schmidt
et al., 2012). Ce premier système a été reconnu par Smith et al. (2014) comme étant très
sensible à la quantité élevée d’hormones que l’on observe au début de la puberté. Le second
système est le système du contrôle cognitif et prend source dans le cortex préfrontal (e.g.,
Shulman et al., 2016 ; Steinberg, 2008). Le conflit présent entre ces deux systèmes est
développemental : le système socio-émotionnel, mature précocement, va entraîner des
impulsions attractives et potentiellement dangereuses (i.e., tendances au risque, recherche
de nouveauté), que le contrôle cognitif, encore immature à l’adolescence (e.g., Eshel et al.,
2007), ne va pouvoir atténuer (Shulman et al., 2016). Chein et al. (2011), illustrent cette
84
dominance du système socio-émotionnel via des activations du striatum ventral plus
importantes chez des adolescents en présence de pairs que chez l’adulte ou chez l’adolescent
expérimenté seul (voir aussi Smith et al., 2015). La maturation du contrôle cognitif et les
connexions entre ce contrôle cognitif et les aires socio-émotionnelles s’effectuent
progressivement au cours de l’adolescence. Ils vont permettre la régulation des processus
affectifs, des stimuli socio-émotionnels (Casey et al., 2008 ; Steinberg, 2008), qui faciliteront
alors l’émission de réponses ou comportements appropriés lorsqu’il existera une interférence
émotionnelle (Hare et al., 2008). Le fort potentiel d’influence des pairs ainsi que la prise de
risque accrue à l’adolescence seraient donc dus à la combinaison entre la sensibilité accrue
aux récompenses des adolescents (Chein et al., 2011 ; Telzer et al., 2015 ; Romer & Hennessy,
2007) et leurs faibles capacités d’autorégulation. Le système socio-émotionnel facile à activer
va provoquer chez les jeunes individus la recherche de sensations ou d’expériences nouvelles,
l’immaturité de leur contrôle cognitif limitant leur capacité à y résister.
Les modèles de Casey (et al., 2008) et de Steinberg (2008) ont été proposé simultanément
et s’accordent sur cette idée de double système et d’interférences développementales (i.e.,
maturation précoce du système socio-émotionnel et plus tardive du contrôle cognitif) ainsi
que sur un développement relativement lent du contrôle cognitif à l’adolescence. Nous
noterons une légère nuance quant à la trajectoire de ce contrôle cognitif ; Casey considérant
qu’il atteint un effet plafond à la fin de l’adolescence et Steinberg considérant qu’il continue
de croître chez les jeunes adultes (i.e., durant la vingtaine). Autrement dit, Casey considère
que l’adolescence permet l’émergence du contrôle cognitif alors que Steinberg considère qu’il
s’agit d’un processus cognitif qui n’est pas spécifiquement lié à l’adolescence (Casey, 2013,
2015 ; Somerville et al., 2013). En outre, la trajectoire du système affectif, ainsi que
85
l’interaction entre les deux systèmes, diffèrent nettement selon les auteurs. Selon Steinberg
(2008), le système socio-émotionnel croît intensément de la pré-puberté à la fin de
l’adolescence (19 ans) puis diminue ensuite durant l’âge adulte (i.e., courbe en U inversé) alors
que selon Casey (et al., 2008), il augmente en éveil jusqu’à la mi-adolescence avant d’atteindre
un plafond maintenu à l’âge adulte. De plus, le modèle du système double de Steinberg (2008 ;
« Dual System Model ») implique deux systèmes se développant indépendamment l’un de
l’autre (i.e., le déclin de la dominance socio-émotionnelle se produit indépendamment du
développement du contrôle cognitif) alors que le modèle de déséquilibre de maturation de
Casey (2008 ; Maturational Imbalance Model) implique une interdépendance sous-tendant
que le renforcement du contrôle cognitif permet l’activation moins forte du système socio-
émotionnel. Enfin, Luna et Wright (2016) ont plus récemment proposé le modèle du système
double piloté (i.e., Driven Dual Systems), admettant un développement en courbe en U inversé
du système affectif (i.e. en accord avec Steinberg, 2008) et un développement du contrôle
cognitif jusqu’à la mi-adolescence qui se stabilise par la suite (i.e., en accord avec Casey et al.,
2008 ; Voir Figure 12 pour une schématisation des 3 modèles). En témoigne la similitude des
performances cognitives d’adolescents et d’adultes lors de mesures non-affectives (Aïte et al.,
2018 ; Luna & Wright, 2016 ; Luciana & Collins, 2012).
86
Figure 12. Schématisation des modèles théoriques du développement du système socio-
émotionnel et du contrôle cognitif de 10 à 25 ans (Schulman et al., 2016 ; Fosco et al., 2019)
A partir des modèles théoriques proposés, nous pouvons avancer que les interférences
entre le développement du contrôle cognitif et du système socio-émotionnel expliquent
l’hypersensibilité à l’environnement social observable à l’adolescence. Cette hypersensibilité
ayant un impact certain sur la prise de décision à risque, il semble légitime de se pencher sur
les répercussions qu’elle est susceptible d’avoir sur d’autres processus cognitifs tel que
l’inhibition, celle-ci étant fortement impliquée dans la créativité.
e. Impacts de l’influence sociale sur l’inhibition cognitive à l’adolescence
Les études expérimentales montrant que les adolescents sont particulièrement sensibles
à l’influence des pairs par rapport aux adultes (e.g., Chein et al., 2011 ; Gardner & Steinberg,
2005 ; Smith et al., 2014) portent massivement sur la prise de décisions à risque ou l’attrait à
la récompense comme nous l’avons vu précédemment. Très peu d’entre elles s’intéressent à
d’autres performances cognitives. Nous pouvons néanmoins recenser quelques
87
expérimentations sur l’interaction entre influence sociale et performances en raisonnement
ou en inhibition.
En effet, dans le domaine du raisonnement, Dumontheil et al. (2016) montrent qu’une
évaluation virtuelle par les pairs amènent de moins bonnes performances. De même, Wolf et
al. (2015) rapportent de moins bonnes performances lorsque les adolescents tardifs (15-18
ans) étaient observés par un expérimentateur, et d’autant plus par un pair. Ces adolescents
tardifs ont été les plus impactés par le contexte d’audience par rapport aux adultes ou à des
adolescents plus jeunes (11-14 ans), mais ces derniers ont tout de même montré une
diminution des performances lorsqu’ils étaient observés par un pair. Aucun effet de la
proximité relationnelle (i.e., ami ou non) n’a été trouvé pour les trois groupes d’âge. Ces
résultats semblent aller à l’encontre des études illustrant une résistance à l’influence des pairs
plus forte ente 14 et 18 ans (i.e., les plus jeunes auraient alors dus être plus impactés par
l’audience que les adolescents plus âgés ; Steinberg & Monahan, 2007), mais Wolf et al. (2015)
rapporte une absence de corrélation entre les performances impactées par la présence d’un
pair et la résistance à l’influence des pairs. Les auteurs concluent que les effets de l’influence
sociale sont davantage liés à la peur d’être jugé par un pair, celle-ci ayant été reconnue comme
plus importante entre 15 et 18 ans qu’entre 8 et 11 ans ou entre 12 et 14 ans (Westenberg et
al., 2004). Au-delà de ces quelques informations concernant le raisonnement en contexte
social à l’adolescence, ou l’intérêt important pour l’impact social sur la prise de décision à
risque, quelques auteurs se sont également penchés sur la façon dont les aspects sociaux-
émotionnels pouvaient impacter le contrôle inhibiteur et permettent ainsi d’illustrer les
modèles de l’adolescence susmentionnés (Casey et al., 2008 ; Luna & Wright, 2016 ; Steinberg,
2008).
88
En effet, si dès 9-10 mois les bébés semblent capables d’inhiber une réponse inappropriée
pour effectuer une tâche (Amso & Johnson, 2005), on sait toutefois que le cortex préfrontal
se développe du plus jeune âge jusqu’à l’âge adulte (e.g., Giedd, 2004 ; Luna et al., 2010) et
que l’efficience du contrôle inhibiteur augmente par conséquent de l’enfance à l’âge adulte
(e.g., Bezdjian et al. 2014 ; Bjorklund & Harnishfeger, 1995 ; Bunge et al., 2002 ; Casey et al.,
1997 ; Durston et al., 2002 ; Luna et al., 2004 ; Marsh et al., 2006 ; Paulsen et al., 2015 ; Rubia
et al., 2013 ; Veroude et al., 2013). Mais bien que la capacité à résoudre des conflits neutres
(i.e., dépourvus d’émotions) comme avec la tâche de stroop, augmente linéairement avec
l’âge, certaines études rapportent que la capacité à résoudre des conflits émotionnels est
altérée spécifiquement durant la période de l’adolescence. Notamment, Aïte et al. (2018)
proposent un stroop émotionnel : lors de la condition avec conflit, le participant doit
dénommer l’émotion représentée par un visage tout en inhibant une autre émotion inscrite
en dessous. Par exemple, l’individu doit traiter un visage exprimant la colère, alors que le mot
« JOIE » est inscrit en dessous. Les auteurs confirment l’amélioration des performances entre
l’enfance et l’âge adulte lors du stroop froid (i.e., stroop couleurs, non-émotionnel), mais
rapportent une nette diminution des performances à l’adolescence lors du stroop émotionnel
en comparaison aux enfants et aux adultes (i.e., courbe en U). Quelques rares études ont en
outre, évaluer les performances d’inhibition en contexte social. Notamment, Bouhours (2018)
révèle que face à un stroop émotionnel (i.e., chaud) les adolescents évalués par un pair ou par
un expert avaient de meilleures performances (i.e., effet d’interférence moindre) que
lorsqu’ils étaient seuls. Cette amélioration est spécifique au matériel émotionnel puisqu’elle
n’a pas été retrouvée dans les performances au stroop classique (i.e., froid). Néanmoins, cette
amélioration du contrôle inhibiteur en contexte social a parfois été retrouvé également chez
le jeune adulte (e.g., Dumas et al., 2005 ; Huguet et al., 1999 ; MacKinnon et al., 1985). Enfin,
89
notons tout de même que certains auteurs considèrent que le contexte social va davantage
jouer un rôle sur le système socio-émotionnel que sur le système de contrôle cognitif, et par
conséquent ne pas impacter les performances d’inhibition cognitive (O’Brien et al., 2011 ;
Smith et al., 2015, 2018 ; Steinberg, 2008).
Ainsi, l’effet du contexte social sur les performances cognitives de haut niveau divise et
semble différer en fonction des tâches. Alors que le raisonnement semble affecté par
l’observation et l’évaluation (e.g., Wolf et al., 2015), le contrôle inhibiteur semble tantôt
amélioré (e.g., MacKinnon et al., 1985 ; Dumas et al., 2005 ; Huguet et al., 1999) tantôt exempt
d’un quelconque impact (e.g., Smith et al., 2015), bien que très peu d’études s’intéressent à
l’interaction entre performances d’inhibition et contexte social chez l’adolescent.
90
Conclusion Chapitre 2
Le contexte social semble exercer une influence sur divers aspects, processus et compétences,
mais reste néanmoins source de multiples divergences et débats dans la littérature, aussi bien
chez l’adulte que chez l’adolescent. Par conséquent, il semble légitime d’étudier son impact
dans un domaine cognitif spécifique comme la créativité. Lorsque les individus doivent
performer de manière créative tout en étant en contexte social, va-t-on observer un effet de
facilitation sociale ou d’inhibition sociale ? L’effet sera-t-il plus fort chez l’adolescent que chez
le jeune adulte au vu de l’hypersensibilité à l’environnement social qu’on lui reconnaît ?
91
Chapitre 3
Quel est l’impact du contexte social sur
les performances créatives ?
Inhibition cognitive et inhibition sociale
92
L’omniprésence de facteurs externes dans notre environnement ainsi que l’importance
non négligeable des capacités créatives ont mené à de nombreuses interrogations et
expérimentations. Ce troisième chapitre permettra de recenser ces études, les modélisations
proposées, tout en soulevant les limites et interrogations qui subsistent. En effet, nous verrons
que la littérature centrée sur le processus créatif révèle tantôt des effets néfastes du contexte
social, tantôt des effets bénéfiques, ou parfois une absence d’influence. A partir du modèle
triadique de la créativité (Cassotti et al., 2016a) et des études illustrant le rôle primordial du
contrôle inhibiteur dans les capacités créatives (e.g., Camarda et al., 2017, 2018), nous
opposerons le phénomène d’inhibition sociale à celui d’inhibition cognitive ; le premier étant
lié, pour rappel, à une diminution des performances individuelles (e.g., Pessin & Husband,
1933) et le second à une amélioration des performances puisqu’il permet de résister à nos
connaissances les plus facilement accessibles (i.e., à l’effet de fixation).
I- Naissance d’une considération sociale et émergence d’un modèle motivationnel
de la créativité (Amabile, 1983, 1996)
Selon Amabile et Pillemer (2012), cinq indices permettent d’anticiper d’éventuels impacts
de facteurs contextuels et sociaux dans le domaine de la créativité. Premièrement, le fait que
certains artistes et génies portent un regard différent sur l’avis d’autrui concernant leur
travail. Un argument que l’on peut directement illustrer par les cas de Mozart et
Salieri puisque le premier s’extrait des attentes ou contraintes externes alors que celles-ci sont
motrices dans le travail du second. Deuxièmement, certaines études ont montré que la
créativité pouvait être enseignée et améliorée, notamment grâce au brainstorming (Osborn,
1963), ce qui amène l’idée que les performances créatives peuvent évoluées, spécifiquement
93
lorsque l’individu est en groupe ici. Troisièmement, Amabile et Pillemer (2012) soulignent que
certaines situations peuvent influencer la conformité (e.g., Crutchfiels, 1962) et par
conséquent qu’elles pourraient influencer son contraire, c’est à dire la créativité. Le quatrième
argument repose sur les quelques premiers résultats passés rapportant une influence de
facteurs externes sur la créativité. Kruglanski et al. (1971) notamment, montrent que les
participants qui performaient à des tâches de créativité étaient moins bons lorsqu’ils
attendaient une récompense promise plutôt que dans une condition où ils n’attendaient pas
de récompense (voir aussi Lepper et al., 1973). Notons que cette diminution des performances
était accompagnée d’une diminution de la satisfaction personnelles des participants. Enfin,
Amabile et Pillemer (2012) soulèvent que la motivation des individus est fluctuante et qu’elle
peut avoir différentes conséquences. Les deux chercheurs citent notamment le poète Sexton
qui se révèle être performant lorsqu’il écrit pour le plaisir d’écrire, mais qui fait part d’un
manque de motivation et des difficultés à proposer de bonnes productions lorsqu’il est
question de récompenses, de la présence d’un mentor ou encore d’obligations ou exigences.
A partir des connaissances que nous avons sur l’interaction entre performances cognitives
et contexte social (voir chapitre 2), de la présence marquée de celui-ci lorsque nous devons
performer en créativité (e.g., Amabile, 1979 ; Gaboriaud, 2012), ou encore des arguments
énumérés par Amabile et Pillemer (2012) spécifiques au domaine créatif, il semble légitime
de porter un réel regard sur l’impact que peuvent avoir les facteurs externes sur les
performances créatives. En effet, le processus créatif ne semble pas être inné, statique,
immuable, comme nous avons pu le penser durant des siècles, mais plutôt un processus
dynamique pouvant être influencé par divers facteurs.
94
a. Une motivation intrinsèque essentielle à la créativité
Amabile (e.g., 1979, 1983, 1996, 2012) est une des premières auteures de psychologie
sociale à proposer des travaux sur l’influence du contexte en créativité. Pour ce faire, elle
manipule notamment le type d’instructions données aux participants lors d’une tâche de
collage créatif (Amabile, 1979) : en utilisant des papiers colorés et de la colle, les sujets doivent
produire les collages les plus originaux/créatifs possibles, qui seront par la suite analysés par
des juges artistes. Alors que pour la moitié d’entre eux la consigne stipulait que leurs
performances seraient évaluées, aucun procédé d’évaluation n’était mentionné pour l’autre
moitié des individus. L’étude a révélé une inhibition sociale, c’est à dire une diminution de la
créativité, dans la condition d’attente d’une évaluation (i.e., « expected-evaluation » pour le
terme anglophone) par rapport à la condition contrôle. Outre ces analyses créatives, Amabile
propose également une série d’items permettant de mesurer l’intérêt et l’attitude du
participant envers la tâche artistique (e.g., « votre engagement dans cette activité était-il
plutôt motivé par des facteurs intrinsèque comme votre propre intérêt ou par des facteurs
extrinsèques comme les instructions de l’expérimentateur ? » ; « quelle pression avez-vous
ressentis durant la session ? » ou encore « était-ce une activité artistique plutôt de travail ou
de loisirs ? »). Quand bien même Amabile (1979) reconnaît que sa méthode d’auto-évaluation
de l’intérêt intrinsèque limite la certitude des interprétations proposées, elle considère l’état
motivationnel comme médiateur des performances créatives. Plus spécifiquement, en se
basant sur des travaux portant sur la motivation (e.g., Herzberg, 1966), l’auteure distingue
deux types de motivation pouvant avoir des effets différents sur les performances des
individus. Amabile (1979, 1983, 1996) avance en effet que la motivation intrinsèque serait un
facteur essentiel et bénéfique à la créativité tandis que la motivation extrinsèque aurait un
effet délétère sur celle-ci (cf. Figure.13). Afin de tester ses hypothèses motivationnelles,
95
Amabile (1985) propose notamment une étude permettant d’induire les deux types de
motivation aux participants grâce à des questionnaires orientés. Lorsque les participants
étaient orientés vers une motivation intrinsèque, ces derniers produisaient des poèmes plus
créatifs que lorsqu’ils étaient orientés vers une motivation extrinsèque, quand bien même
leur niveau de créativité était identique au départ (i.e., contrôlé par une première tâche de
créativité verbale sans manipulation de la motivation ou du contexte social).
Figure 13. Influence de la motivation intrinsèque et extrinsèque sur les performances
créatives (Amabile, 1983, 1996)
La motivation intrinsèque provient de l’intérêt que l’on porte à la tâche ou l’activité elle-
même ; les individus seront motivés intrinsèquement s’ils « recherchent du plaisir, de l’intérêt,
à satisfaire leur curiosité, à s’exprimer ou à se dépasser dans leur travail » (Amabile, 1993,
96
p.188 ; voir aussi Guay et al., 2000). Cette motivation intrinsèque mène ainsi à un effort plus
important dans la recherche de solutions alternatives, d’acquisition de compétences
nécessaires, ou dans la recherche de solutions existantes dans d’autres domaines (Amabile,
1997). De ce fait, être motivé intrinsèquement faciliterait la génération d’idées créatives. Le
rôle primordial de la motivation intrinsèque dans le domaine de la créativité a
majoritairement été reconnu (e.g., Amabile, 2012 ; Barron & Harrington, 1981 ; Byron et al.,
2010 ; Choi, 2004 ; Csikszentmihalyi, 1996 ; Mumford, 2000 ; Runco, 2007 ; Shalley & Gilson,
2004 ; Shalley & Oldham, 1997 ; Sternberg, 2006 ; Xue et al., 2018). De Jesus et al. (2013) ont
notamment proposé une méta-analyse sur 20 ans (1990-2010) : l’échantillon total, composé
de 6435 participants, a permis d’identifier une relation positive entre motivation intrinsèque
et créativité. Plus nous sommes motivés pour nous-même, par la tâche elle-même, plus nous
nous autorisons à produire des idées ou des solutions originales, qui vont au-delà de nos
connaissances communes. Notons tout de même que de Jesus et son équipe (2013) relèvent
une hétérogénéité des tailles d’effets entre les études : les auteurs stipulent alors que des
facteurs sociaux comme la motivation pro-sociale ou la prise de perspective, pourraient
expliqués cette variabilité de force relationnelle. En outre, il existe quelques expérimentations
rapportant une faible relation ou une absence de relation entre motivation intrinsèque et
créativité (e.g., Shalley & Perry-smith, 2001). Il semble alors nécessaire de porter une
attention particulière à la fois à la spécificité des facteurs externes présents lors des
expérimentations (e.g., récompense, évaluation) mais également aux différents types de
motivation, afin de comprendre ces quelques divergences. Cette idée est explorée dans le
modèle d’Amabile (e.g., 1983) puisqu’elle manipule des contextes différents et spécifiques
entre ses études tout en considérant à la fois la motivation intrinsèque et extrinsèque. Et pour
cause, la motivation extrinsèque résulte de facteurs externes ou de contexte sociaux qui ne
97
sont pas directement liés à la tâche (Deci & Ryan, 1985). Ils mènent à l’augmentation de
préoccupations portant sur les objectifs à atteindre (e.g., obtenir une récompense), sur les
facteurs externes eux-mêmes (e.g., présence d’autrui), et font émerger une faible tendance à
prendre des risques dans les tâches créatives ainsi qu’une préférence pour le conformisme
(e.g., Amabile, 1983). En résulterait alors un nombre de solutions classiques plus important.
Ce phénomène d’inhibition sociale causé par la présence de facteurs externes a été retrouvé
à de multiples reprises. Néanmoins, nous allons voir que cette influence est sujette à débat.
b. Une influence du contexte qui divise : inhibition sociale ou cognitive ?
De multiples études ont appuyé et permis d’illustrer l’hypothèse motivationnelle
d’Amabile (1983, 1996) selon laquelle le contexte social serait néfaste à la créativité. En effet,
en observant de manière écologique le langage d’individus, Carter et Carthy (2004) rapportent
une créativité langagière plus importante dans des contextes de conversations non-
institutionnalisées, symétriques et informelles. Ces données signifient qu’en présence de
contraintes, d’individu(s) perçu(s) comme étant supérieurs ou inférieurs (i.e., asymétrie dans
la relation au niveau hiérarchique ou de l’expertise par exemple), ou encore d’un contexte
régi par des règles strictes, la créativité verbale semble moins importante. De plus, Amabile
et ses collaborateurs rapportent une diminution de la créativité à la fois artistique (i.e., tâche
de collages) et verbale (i.e., écriture de poèmes) dans divers contextes sociaux. Lorsque de
jeunes adultes performaient à une tâche de collages artistiques et s’attendaient à une
récompense financière par exemple, leurs productions étaient moins créatives que lorsqu’ils
performaient à la même tâche sans attendre de prix en retour (Amabile et al., 1986). Selon
Amabile et al. (1986), la récompense aurait un effet négatif sur la créativité car les individus
tentent de se conformer aux demandes d’autres individus (e.g., l’expérimentateur, celui qui
98
permettra l’obtention de la récompense), ne cherchent pas à explorer de pistes alternatives
et essayent simplement d’effectuer la tâche de façon directe alors même que la créativité
nécessite d’explorer de nouvelles combinaisons d’idées. Ces effets néfastes du contexte social
ont également été observés lorsque les participants anticipaient une évaluation (Amabile,
1979 ; Amabile et al., 1990 ; Amabile & Gryskiewicz, 1987), se sentaient en compétition
(Amabile, 1982, Amabile & Gryskiewicz, 1987), ou devaient performer en étant surveillés ou
sous contraintes (Amabile et al., 1990 ; Amabile, 1984 respectivement). On retrouve aussi
cette diminution des performances dans des tâches de pensée divergente telle que la
génération d’utilisations alternatives d’un objet, lorsque les participants s’attendaient à une
évaluation de l’expérimentateur (Bartis et al., 1988). De même, Goncalo et Staw (2006),
attribuent aléatoirement leurs participants à deux groupes : soit les individus étaient en
collaboration avec d’autres participants, soit ils étaient en leur simple présence (i.e., en
coaction). Les groupes devaient, ensemble ou individuellement, durant 15 minutes, résoudre
un problème : le restaurant d’une université ayant fermé, les participants devaient générer
l’idée d’un nouveau concept de magasin universitaire. Lorsque les participants recevaient
l’instruction d’être créatifs, les performances étaient moins bonnes en collaboration qu’en
condition de coaction. Notons toutefois que lorsque les instructions portaient non pas sur la
créativité mais sur un aspect pratique, les auteurs ont observé l’effet inverse. De nombreux
chercheurs se sont intéressés à l’influence d’une collaboration et/ou d’une simple coaction.
Kohn et Smith (2011) avancent que la méthode du brainstorming, une méthode permettant
d’interagir en groupe avec un objectif communs et des règles à suivre (voir Osborn, 1963),
réduirait le champ d’idées ou de domaines à exploiter. Les auteurs considèrent que dans ce
contexte de collaboration, il y aurait une augmentation du nombre de fixation sans
nécessairement y avoir d’effet sur la fluence. Cette diminution de la créativité en groupe est
99
expliquée par les deux auteurs à la fois par des causes sociales comme l’apparition d’une
paresse sociale (i.e., l’individu fait moins d’effort car la responsabilité de chacun est diffuse
dans le groupe ; voir Latané et al., 1979 ; Weldon & Bellinger, 1997) ou d’une correspondance
sociale (i.e., tendance à se conformer au pair ou au groupe ; voir Asch, 1951), mais également
par des causes cognitives comme un blocage dans la production, autrement dit dans la
communication (i.e., les individus en groupe ne peuvent pas s’exprimer tous en même temps,
comme ils le souhaitent ; voir Diehl & Stroebe, 1991), un effort cognitif moindre tel qu’en
mémoire de travail (i.e., la manipulation et le stockage d’information à court terme sont
également diffusés entre les individus ; voir Nijstad et al., 2003) ou encore une tendance à
rester fixer sur le même type d’idées classiques (voir Smith & Blankenship, 1989, 1991).
Weldon et Bellinger (1997) précisaient en outre que la collaboration augmentait la peur de
l’évaluation. Performer en contexte social ou sous contraintes externes semble ainsi avoir un
effet délétère sur les performances créatives.
Néanmoins, diverses études rapportent des effets mitigés, voire parfois opposés.
Quelques études ont notamment montré un effet bénéfique des récompenses sur les
performances créatives (e.g., Eisenberg & Armeli, 1997 ; Glover & Gary, 1976 ; Raina, 1968),
du travail en groupe (Osborn, 1963), ou encore une absence d’effet de la coaction (Amabile
et al., 1990). Yuan et Zhou (2008) quant à eux montrent que performer dans l’attente d’une
évaluation peut avoir des effets mitigés. Les individus devaient résoudre la tâche « in-basket
memo » proposée par Shalley (1991) : le participant est placé dans un rôle de directeur du
personnel d’entreprise et doit répondre à une série de cartes mémo. Sur chacune d’entre-
elles, un problème leur est présenté (e.g., conflit entre deux employés, abus des pauses café,
vol d’un employé) et l’objectif est alors de trouver autant de solutions originales que possible
pour le résoudre. Les auteurs rapportent trois effets différents de l’attente d’une évaluation
100
sur le processus créatif. En effet, les résultats illustrent à la fois un effet délétère du contexte
social sur la fluence (i.e., nombre d’idées générées), un effet bénéfique sur la sélection des
idées (i.e., les participants devaient par exemple sélectionner l’idée la plus créative relative à
un problème) et une absence d’effet sur l’originalité des idées générées. L’effet délétère de
l’environnement social ou de quelconque facteurs externes sur les performances créatives ne
semble donc pas systématiquement retrouvé.
En résumé, Amabile stipule dans son modèle motivationnel (1983, 1996) que la motivation
intrinsèque est essentielle à la créativité ; une idée ayant bénéficié de nombreuses
confirmations expérimentales. Ce modèle repose également sur le postulat qu’un contexte
social augmenterait la motivation extrinsèque et diminuerait ainsi la capacité à générer des
idées originales. Néanmoins, l’impact de ces facteurs externes est sujette à débat et partage
davantage les conclusions proposées dans la littérature. A partir de ce débat existant, de
nouvelles interrogations et ainsi, de nouvelles modélisations, ont émergé.
II- Contexte social et créativité : une modélisation complexe
a. Théorie componentielle de la créativité (Amabile, 1990, 1996, 2012)
A partir de son modèle motivationnel et des premières inconsistances et divergences
observées, Amabile (e.g., 1988, 1990, 1996, 2012) propose rapidement une conceptualisation
reposant sur trois composantes nécessaires à la créativité. Sa théorie componentielle (1983,
1996, 2012) comprend en effet trois types de facteurs individuels jouant un rôle dans les
performances créatives et qui sont susceptibles d’être influencés par des facteurs externes
comme l’environnement social (voir figure 14) :
101
1- Le niveau d’expertise : il s’agit des habiletés et compétences pertinentes liées à la tâche
(i.e., connaissances du domaine, connaissances techniques et/ou talent).
2- Les compétences créatives : il s’agit de styles cognitifs appropriés qui favorisent
l’intégration de nouvelles perspectives, idées, solutions, ainsi que leurs combinaisons
(Amabile, 1997). Ces capacités permettent de prendre plus de risques dans les tâches
créatives, d’augmenter la persévérance des individus, et relèvent à la fois de l’entraînement
et expérience en génération d’idées mais également de la personnalité.
3- La motivation de l’individu envers la tâche (i.e., motivation intrinsèque) : elle dépend du
niveau initial de motivation intrinsèque, de la présence ou absence de contraintes
extrinsèques et des capacités cognitives permettant de minimiser ces contraintes.
Ce dernier point, spécifique à la motivation intrinsèque, questionne la place et le rôle
de la motivation extrinsèque : l’implication de facteurs externes dans la performance implique
t’elle systématiquement une augmentation de la motivation extrinsèque ? De quelle façon
interagit-elle avec la motivation intrinsèque ? Autrement dit, l’augmentation de l’un des deux
types de motivation implique t’elle la diminution systématique de l’autre ? En psychologie
sociale, certains auteurs suggèrent que la motivation est un état. Celle-ci va par conséquent
être influencée par la situation dans laquelle se trouve l’individu. Autrement dit, lorsque des
facteurs externes sont saillants et/ou importants, la motivation extrinsèque devient accrue et
la motivation intrinsèque décroît (e.g., Deci, 1971 ; Deci & Ryan, 1985 ; Harackiewicz et al.,
1984 ; Kurtzberg & Amabile, 2001 ; Zhou & Oldham, 2001).
102
Figure 14. Théorie componentielle de la créativité (Amabile, 1983b, 1996, 2012)
Ainsi, l’individu serait plutôt motivé intrinsèquement ou extrinsèquement en fonction du
contexte (Amabile, 1993 ; voir Lepper & Greene, 1978 pour une revue). Mais certains auteurs
et certaines théories admettent que la motivation peut être considérée comme un trait de
personnalité. On observerait ainsi des différences interindividuelles dans l’orientation
motivationnelle de base (e.g., Deci & Ryan, 1985 ; Hackman & Oldham, 1976 ; voir Lepper &
Greene, 1978 pour une revue). Bien que ce trait de personnalité s’avère être relativement
103
stable dans le temps, il peut tout de même être influencé par des facteurs sociaux et/ou
environnementaux (Lepper & Greene, 1978). Par conséquent, il serait plutôt question d’une
coexistence entre motivation intrinsèque et extrinsèque : un individu peut s’avérer être à la
fois motivé par l’argent (motivation extrinsèque) et le challenge personnel (motivation
intrinsèque) par exemple (Amabile, 1993). Cette coexistence a été retrouvée et illustrée dans
diverses études (e.g., Amabile, 1993 ; Hennessey et al., 1989 ; Hennessey & Zbikowski, 1993).
Notamment, Amabile et al. (1994) proposent un test de personnalité portant sur les
préférences au travail. Les items permettent d’évaluer chaque aspect de la motivation
intrinsèque (e.g., challenge personnel, implication dans les tâches, curiosité, intérêt) et
extrinsèque (e.g., concerné par la compétition, évaluation, argent, contraintes imposées).
L’échantillon d’adultes salariés dans divers domaines, professions et niveaux, a révélé que la
motivation intrinsèque pouvait être considérée comme trait de caractère, celle-ci étant
relativement stable au cours des mois et des années. Amabile (1993) rapporte en outre une
absence de corrélation entre les deux types de motivation. Une indépendance des deux types
de motivation que l’on retrouve notamment avec Eisenberger et Aselage (2009) qui montrent
que promettre une récompense à des employés amène à la fois une augmentation de la
pression ressentie (i.e., facteur externe, pression de bien faire, de correspondre aux attentes)
et une augmentation de l’intérêt intrinsèque pour leur travail, ce qui a permis d’améliorer la
créativité des participants.
Ainsi, la théorie componentielle d’Amabile (1996, 2012) permet d’illustrer la
complexité du processus cognitif et la multiplicité des facteurs impliqués (voir aussi l’approche
multivariée de Lubart, 2005). Cette théorie a également permis d’aborder la question du lien
entre motivation intrinsèque et extrinsèque. Le modèle synergique d’Amabile (1993) repose
en effet sur l’idée que les deux types de motivation peuvent interagir, une interaction qui
104
pourrait bien être un élément clé de compréhension vis-à-vis des divergences existantes dans
la littérature. Cette indépendance sous-tend l’importance de recueillir une double mesure
motivationnelle lorsqu’on s’intéresse à l’influence du contexte social sur les performances, ce
qui, jusqu’alors, a rarement été élaboré. En effet, à ce jour et à notre connaissance, il n’existe
pas d’étude permettant d’évaluer les performances créatives en contexte social tout en ayant
des mesures objectives de la motivation intrinsèque et extrinsèque. Outre cette limite qui
pourrait bien constituer un élément de réponse quant au débat susmentionné, d’autres
limites méthodologiques ou théoriques ont été soulevées dans la littérature et ont permis la
proposition de nouveaux modèles et l’émergence de nouvelles perspectives.
b. Des limites méthodologiques et théoriques à l’origine du débat : nouvelles
perspectives
Tout comme dans la littérature de psychologie cognitive portant sur l’influence du
contexte social, la diversité des tâches, des méthodes et des cadres théoriques utilisés dans le
domaine de la créativité, pourrait bien jouer un rôle dans les divergences rapportées. Amabile
soulignait déjà en 1979 que les études antérieures rapportant une amélioration des
performances dans un contexte d’attente d’une récompense, ne respectaient pas certains
critères pourtant essentiels à l’évaluation de la créativité. Effectivement, on sait aujourd’hui,
que pour parler de performances spontanées et créatives, il est essentiel que la tâche ait un
certain degré d’ambiguité, des solutions non-évidentes possibles (i.e., expansivité) et une
absence de méthode spécifique à mettre en place (Amabile, 1979). Les études antérieures
contredisant le modèle motivationnel ne respectaient pas ces trois conditions. Néanmoins,
par la suite, diverses expérimentations ont été mises en place tout en respectant ces critères
et ont révélé une amélioration des performances (e.g., Gilson & Shalley, 2004 ; Xue et al.,
105
2018). Outre les divergences méthodologiques et théoriques ou encore l’évaluation non-
systématique de la motivation, d’autres facteurs semblent pouvoir intervenir dans le débat
observé et ont été mis en évidence.
Dès 1980, Deci et Ryan ont tenté de théoriser l’idée qu’un même contexte social pouvait
impliquer des facteurs externes différents. Les auteurs s’intéressent plus spécifiquement aux
effets de facteurs externes sur la motivation intrinsèque et proposent la théorie de
l’évaluation cognitive. Selon eux, dans certains cas, le facteur externe peut permettre à
l’individu d’obtenir des informations sur lui-même, sur ses performances, afin de l’aider à
s’améliorer (i.e. facteur externe informationnel), ce qui par conséquent va augmenter la
motivation intrinsèque et la performance. Dans d’autres cas, le facteur externe va diminuer
nettement la motivation intrinsèque et la performance en augmentant le sentiment de
contrôle, d’évaluation, de jugement, sans que nous ne puissions en retirer quelque chose de
positif individuellement et personnellement (i.e., facteur externe de contrôle, « controlling »
pour le terme anglophone). Shalley et ses collaborateurs (e.g., 1985, 1987, 1991, 1995, 2001
2010) ont fournis diverses preuves expérimentales à cette théorie de l’évaluation cognitive
(voir aussi Harackiewicz et al., 1987 ; Pittman et al., 1980 ; Zhou & Oldham, 2001). Gilson et
Shalley (2004) par exemple, ont montré à l’aide d’enquêtes et d’entretiens que le travail
d’équipe sur des tâches créatives mènent à de meilleures performances lorsque les individus
ont des objectifs communs, que la résolution participative des problèmes est valorisée, ou
encore, lorsqu’ils prennent plus de temps à se connaître les uns les autres. Ces observations
sous-tendent l’idée qu’un sentiment d’évaluation, de jugement par autrui, et/ou de
compétition serait néfaste pour la performance comme peut l’anticiper Amabile (1983, 1996)
mais qu’il existe des façons de réduire voire de supprimer celui-ci (voir aussi Shalley & Gilson,
2004), entre autres par la naissance d’un sentiment coopératif. La collaboration, autrement
106
dit le travail en groupe, est reconnu comme favorisant la coopération (Wagner, 1995).
Toutefois, l’importance que l’on accorde au groupe peut également favoriser la compétition
et diminuer la créativité (Kanter, 1988). En faisant performer des individus en groupe, deux
processus différents peuvent ainsi émerger : coopération ou compétition. Il semble par
conséquent essentiel de manipuler de la façon la plus précise possible les contextes sociaux
utilisés, et de contrôler à posteriori le ressentis des individus durant l’expérimentation. Et pour
cause, Shalley et Oldham (2010) rapportent par exemple qu’un contexte de compétition
informationnelle (i.e., compétiteurs présents mais non-visibles ou pas de compétiteurs mais
coaction) a nettement permis d’améliorer les scores créatifs d’adultes à la tâche d’utilisations
alternatives d’objets (AUT). Toutefois, l’absence de compétiteurs sans coaction a diminué
quant à elle la performance, ce qui suggère que la simple visibilité d’autres individus booste
la créativité. Des mesures motivationnelles auraient pu permettre de mieux comprendre et
illustrer cet effet. En outre, la compétition de contrôle (i.e., compétiteurs présents et visibles)
s’est avérée ne pas impacter les performances contrairement à ce que prédit le modèle de
l’évaluation cognitive. Ce dernier résultat inattendu est interprété en termes de saillance : le
contexte de contrôle n’aurait pas été assez saillant, ce qui suggère à nouveau l’importance de
contrôler au mieux les situations utilisées avec des questionnaires subjectifs permettant de
valider ou d’invalider la saillance des contextes.
La coopération et la compétition ne sont pas les deux seuls contextes concernés par
l’existence de différents facteurs confondus. Amabile et al. (1990) montrent par exemple que
les effets de l’attente d’une évaluation et de la simple présence d’autrui sont additionnels. De
même, on sait que la surveillance peut impacter les performances (Amabile et al., 1990) : la
présence de l’expérimentateur qui surveille les participants de façon plus ou moins distante
selon les études, ou encore le sentiment d’évaluation qui peut naître, peuvent par conséquent
107
intervenir dans les effets contextuels que l’on recueille. Ces variables contextuelles
confondues pourraient bien être un élément de réponse quant au débat dans lequel nous
souhaitons nous positionner. Par conséquent, Amabile admettra dans son modèle la
distinction entre deux types de motivation extrinsèque (Collins & Amabile, 1999) : la
motivation extrinsèque informationnelle ou de contrôle. D’autres études plus récentes ont
permis d’identifier de nouveaux facteurs pouvant jouer un rôle dans l’interaction entre
environnement social et créativité.
Notamment, Xue et al. (2018) confirment qu’une réelle coopération (i.e., une motivation
extrinsèque informationnelle) peut améliorer la capacité à résoudre un problème créatif. Les
auteurs ont expérimenté des dyades appartenant à trois conditions différentes. En effet, à
partir d’un pré-test (i.e., utilisation alternatives d’objets), les auteurs divisent leurs
participants en fonction de leurs capacités créatives initiales (i.e., basses ou hautes) puis
forment trois types de dyades différentes : des dyades symétriques, avec deux individus aux
basses capacités créatives (i.e., bas-bas) ou avec deux individus aux hautes capacités (i.e.,
hautes-hautes), et des dyades asymétriques, autrement dit, avec un individu à hautes
capacités et un individu aux faibles capacités. Dans un premier temps, les résultats montrent
que les groupes composés de deux participants ayant eu de faibles performances au pré-test
(bas-bas) ont fait preuve de plus de coopération que les deux autres types de dyades (i.e.,
coopération bas-bas > haut-haut = haut-bas). Dans un second temps, cette étude permet de
constater que seules les dyades bas-bas, grâce au processus de coopération, ont amélioré
leurs performances entre le pré-test et le test en contexte social. Ces données confirment
l’idée que lorsqu’un contexte est informationnel, autrement dit qu’il peut aider l’individu à
s’améliorer, à obtenir des feedbacks de manière positive, celui-ci aura un impact positif sur
les performances en créativité. Mais cette étude permet également de préciser que la nature
108
de la relation interindividuelle tient un rôle dans les interactions étudiées. Autrement dit, le
manque de coopération dans les dyades asymétriques montre que la nature de la relation
entre les individus devant performer en même temps (e.g., en coaction, en collaboration, en
compétition) peut également jouer un rôle. Kurtzberg et Amabile (2001) rapportaient déjà
que la créativité en groupe (i.e., brainstorming) était matière à débat dans la littérature à
cause des conflits qu’il pouvait y avoir et qui pouvaient affecter les productions créatives.
En résumé, outre la diversité des tâches et méthodes utilisées, la nature précise du
contexte social dans lequel l’individu performe, le type de relation initial (i.e., symétrie,
asymétrie) ou s’opérant durant les expérimentations (i.e., sentiment de coopération, de
compétition, d’évaluation), mais également les niveaux de motivation intrinsèque et
extrinsèque, sont autant de facteurs qu’il est essentiel de prendre en considération. Toutes
ces études menant à de nombreuses interrogations, mais également à de nombreux éléments
déterminants dans l’interaction entre environnement social et créativité, ont été effectué
chez l’adulte. Néanmoins, comme nous l’avons déjà mentionné, la créativité et les contextes
sociaux sont présents dès le plus jeune âge. Il semble par conséquent légitime de se pencher
sur les études qui portent sur le sujet plus jeune.
III- Influence sociale et créativité au cours du développement
Théorie motivationnelle (Amabile, 1983, 1996, 2012) chez les plus jeunes
Quelques auteurs se sont penchés sur l’interaction entre environnement social et
créativité au cours du développement, et s’accordent sur l’idée que celui-ci aurait à la fois une
place marquée dans le quotidien des plus jeunes mais également un rôle à jouer sur les
performances (e.g., Claire, 1993).
109
Dans le cadre de sa théorie motivationnelle, Amabile (1984) expérimente la créativité
artistique d’enfants de 2 à 6 ans. Une moitié des jeunes participants effectue la tâche de
collages en ayant le choix d’utiliser une large gamme de matériel tandis que pour l’autre
moitié, le matériel est imposé par l’expérimentateur (i.e., contrainte externe). Un groupe
d’artiste a évalué l’originalité des productions : le groupe d’enfants sous contraintes externes
a été moins créatif que celui ayant eu le choix du matériel à utiliser. On retrouve alors l’idée
d’Amabile selon laquelle les contraintes externes vont diminuer la motivation intrinsèque et
ainsi être néfastes aux performances créatives (e.g., 1996, 2012). Toutefois, Amabile et al.
(1986) rapportent des effets divergents lorsqu’une récompense est associée à l’absence de
contrainte (i.e., choix libre de faire la tâche). En effet, les auteurs révèlent dans une de leur
étude que les performances d’enfants de 8 à 11 ans à des tâches de créativité verbales et
artistiques ont été affectées lorsque le choix de faire la tâche était associé à l’attente d’une
récompense. Autrement dit, ces données illustrent l’effet néfaste que peut avoir l’anticipation
d’une récompense sur la créativité des plus jeunes mais également que l’on retrouve cet effet
uniquement dans certaines situations et conditions précises (ici, avoir le choix de faire la
tâche). De même, dans une seconde étude, l’équipe relève que la créativité verbale (i.e.,
création de brèves histoires à partir d’images) est diminuée chez les enfants de 5 à 10 ans
lorsque ces derniers s’attendaient à recevoir une récompense ; et d’autant plus lorsque la
tâche était présentée comme un jeu. Aucun effet n’a été retrouvé aux tâches de créativité
artistique (i.e., collages) ou de résolution de problème créatif (i.e., assembler des formes afin
de remplir un motif donné). Outre les contraintes externes portant sur le matériel, sur la
participation imposée à la tâche d’intérêt, ou encore sur l’anticipation d’une récompense,
Amabile (1982) s’est également penché sur l’effet d’un contexte de compétition. L’auteure
expérimente en effet des filles allant de 7 à 11 ans à sa tâche de collages artistiques. La moitié
110
d’entre elles était en compétition pour obtenir un prix et l’autre moitié constituait le groupe
contrôle dans lequel les jeunes participantes s’attendaient à ce que le prix soit attribué au
hasard. Ce groupe contrôle, sans compétition induite, s’est révélé être meilleur que le groupe
de filles en compétition au niveau de l’originalité de leurs productions. L’effet inverse a été
observé sur l’aspect technique de celles-ci. En 1986, Hennessey et al. souhaitent montrer qu’il
est possible d’immuniser les plus jeunes contre les effets néfastes de la récompense en
discutant avec eux des raisons intrinsèques de travailler à l’école, en leur expliquant et en leur
apprenant explicitement à prendre de la distance avec les récompenses ; autrement dit, en
leur apprenant à préserver leur motivation intrinsèque tout en contrôlant leur motivation
extrinsèque. Des effets bénéfiques de cette communication ont été rapportés sur l’estime de
soi dans deux études différentes. Néanmoins, l’effet bénéfique portant sur la motivation
intrinsèque n’a été retrouvé que dans une étude sur deux et la créativité n’a pas été améliorée
dans la première étude puis seulement très légèrement dans la seconde étude. Lepper et al.
(1973) ont montré que chez les enfants d’âge préscolaire ayant un haut niveau d’intérêt
intrinsèque initial, l’ajout d’une récompense comme motivateur diminuait leur intérêt pour la
tâche ainsi que la créativité de leurs dessins (voir aussi Greene & Lepper, 1974 ; Loveland &
Olley, 1979). Notons toutefois que les mesures utilisées étaient méthodologiquement
discutables : la motivation intrinsèque était mesurée par le temps passé par l’enfant à dessiner
durant un temps de pause. Des covariables comme l’intérêt initial pour ce type d’activité,
l’ennui, ou encore des dimensions liées à la personnalité (e.g., tendance à explorer, timidité)
pourraient bien jouer un rôle dans les résultats recueillis.
En conclusion, l’ensemble de ces données et de ses études semblent illustrer des effets
d’inhibition sociale allant dans le sens du modèle motivationnel d’Amabile. Il est néanmoins
nécessaire de souligner qu’il existe quelques divergences (e.g., Amabile, 1984 et Amabile et
111
al., 1986) ou effets mitigés (e.g., Lepper et al., 1973). Une étude effectuée chez des enfants
de 7 à 8 ans (Koestner et al., 1984) et reposant sur la théorie de l’évaluation cognitive de Deci
et Ryan (1980) montre une diminution de la motivation intrinsèque et de la créativité lorsque
la consigne répondait à un aspect contrôlé (i.e., restrictions définies lors de l’explication de la
tâche) en comparaison à une consigne impliquant ses limites informationnelles (i.e., limites
informatives et bénéfiques pour le participant ; voir Shalley et Perry-Smith, 2001 pour
l’opposition des aspects informationnel et controlé). Cette nuance dans les effets contextuels
sur les performances créatives que l’on retrouve chez l’adulte semble exister chez les plus
jeunes et pourrait ainsi expliquer les points divergents de la littérature. Mais outre ces aspects
de contrôle méthodologiques et le nombre peu élevé d’études s’intéressant à l’influence du
contexte social chez les plus jeunes, une autre limite semble essentielle à soulever : aucune
de ces études ne se positionne selon une perspective développementale. D’une étude à
l’autre, les âges expérimentés sont différents, et aucune ne comparent différentes phases
développementales entre elles et/ou avec des participants d’âge adulte au sein d’une même
expérimentation.
Xue et son équipe (2018) proposent alors une étude les effets d’une anticipation
d’évaluation chez des adolescents de 12-13 ans et de 13-14 ans, soit faites par des camarades
de classe (i.e., attente d’une évaluation par les pairs) soir par le professeur (i.e., attente d’une
évaluation par un expert, asymétrie de la relation). Il s’avère que chez les plus jeunes (12-13
ans) l’évaluation anticipée a eu un effet négatif sur les performances créatives (domaine
scientifique) lorsque l’évaluation était faite par des pairs tandis que pour les plus âgés (13-
14ans), l’effet néfaste a été observé lorsque l’évaluation serait effectuée par le professeur.
Les auteurs expliquent leurs résultats par une pression sociale plus importante chez les plus
jeunes, ces derniers ne connaissant pas encore bien leurs camarades (7th grade, les jeunes
112
découvrent un nouvel environnement). Ceux du 8ème grade cependant connaissent déjà leurs
camarades mais semblent avoir une anxiété plus marquée quant à l’évaluation et le jugement
de l’enseignant, ce qui provoque alors un blocage au niveau de l’exploration des
idées/solutions apportées et une diminution des performances. Les auteurs relèvent toutefois
une amélioration des performances en créativité artistique dans un contexte d’attente
d’évaluation que celle-ci soit faite par les pairs ou un professeur : l’étude ayant été réalisé en
Chine, les auteurs précisent que les sciences sont considérées bien davantage que les arts et
que ceux-ci seraient alors sujets à une bien moins grande pression chez tous les participants
quel que soit la condition (voir aussi Glăveanu, 2010 pour les effets culturels en créativité). En
outre, bien que les auteurs comparent deux tranches d’âge durant l’adolescence, celle-ci
s’avèrent être tout de même très proches, quand bien même nous savons que l’importance
des aspects socio-émotionnels varie au long de l’adolescence, en parallèle de l’évolution des
fonctions exécutives et plus spécifiquement du système d’inhibition cognitive.
En conclusion, bien que la littérature existante sur les jeunes participants semble
concordante avec celle des adultes (i.e., inhibition sociale principalement retrouvée mais
divergences existantes, à la fois quant aux effets sur la créativité mais également quant au
rôle de la motivation intrinsèque et extrinsèque), il est nécessaire de préciser que celle-ci est
encore relativement pauvre et fait l’objet de vastes divergences méthodologiques et
contextuels. Il semble par conséquent important d’effectuer des expérimentations
permettant de comparer différents contextes sociaux et/ou contraintes externes, ainsi que
différents groupes d’âge (i.e., différentes phases de l’adolescence et âge adulte) tout en
préservant une même méthodologie permettant d’évaluer la créativité et l’effet de fixation.
113
Conclusion du chapitre 3
La littérature portant sur la créativité en contexte social a permis d’identifier un certain
nombre de facteurs essentiels à prendre en considération. Toutefois, aucune ne permet de
mettre en interaction ces biais sociaux (i.e., influences de contextes sociaux) avec les capacités
de génération d’idées créatives (i.e., l’expansivité conceptuelle), le biais cognitif de la
créativité (i.e., effet de fixation), et ce, d’autant moins selon une approche développementale.
Nos travaux auront par conséquent pour objectif d’explorer cette interaction complexe. En
outre, le rôle de la motivation accordant les auteurs mais étant toujours sujette à débat, nous
tenterons d’explorer ce facteur de façon systématique afin d’identifier les variations de la
motivation intrinsèque et extrinsèque dans divers environnement sociaux.
114
Partie Expérimentale
115
Étude 1
Effet de l’attente d’une évaluation sur
la génération d’idées créatives au cours
de l’adolescence
116
1. INTRODUCTION
L’évaluation est un processus qui consiste à accorder une valeur à un objet, une
production ou un comportement (CNRTL, 2012). Elle peut reposer sur un référentiel et des
indicateurs spécifiques (e.g., évaluation pédagogique avec grille de notations, niveau de
connaissances à atteindre), ou être plus subjective et se baser sur une interprétation et des
avis personnels, découlant notamment de la personnalité de l’individu évaluateur, de ses
connaissances, de ses normes, ou de ce qu’il considère comme conforme ou ayant de la valeur
ou non. S’attendre à être évalué d’une façon ou d’une autre lorsque nous devons produire
quelque chose est susceptible d’impacter ce que nous proposons (Amabile, 1983 ; Herman,
2008 ; Shalley, 1995, 2017 ; Shalley & Gilson, 2004). Selon les contextes ou la nature de
l’évaluation, plusieurs conséquences sont envisageables : alors que dans certaines situations
une importante augmentation du stress peut nous faire perdre nos moyens, une pression
évaluative peut également nous pousser à nous surmonter dans d’autres (e.g., Shalley, 1995,
2001). De multiples recherches ont ainsi été menées afin d’étudier l’interaction entre attente
d’une évaluation et créativité et d’en comprendre les processus sous-jacents (e.g., Amabile,
1979 ; Shalley & Oldham, 1985 ; Shalley et al., 1987). Toutefois, la plupart de ces études ont
été effectuées chez l’adulte alors même que l’évaluation est omniprésente dès le plus jeune
âge (e.g., attente des parents, des instituteurs/professeurs, regard et jugement des pairs ;
Hallinger et al., 2013 ; MacBeath, 2010 ; Nevo, 2001). Ainsi, l’objectif principal de cette étude
sera d’examiner de quelle façon l’attente d’une évaluation va influencer les capacités
créatives et l’effet de fixation présent dans la génération d’idées, et ce, selon une approche
développementale. Le contexte social ayant une importance toute particulière à l’adolescence
(e.g., Chein et al., 2011 ; Smith et al., 2014 ; Steinberg, 2008), nous examinerons plus
117
spécifiquement cette période sensible (10-23 ans). Notre second objectif sera d’obtenir de
nouvelles connaissances quant au développement général des performances créatives, celui-
ci étant toujours sujet à débat dans la littérature (Besançon & Lubart, 2015 ; He & Wong,
2015).
En effet, une partie des auteurs s’étant intéressés à l’évolution de la créativité avec
l’âge rapporte une non-linéarité des performances (e.g., Daugherty, 1993 ; Torrance, 1962,
1968) ayant toutefois été majoritairement expliquée par des facteurs environnementaux et
sociocognitifs (e.g., Besançon & Lubart, 2015 ; Claxton et al., 2005 ; Daugherty, 1993 ; He &
Wong, 2015 ; Runco, 1989, 1991 ; Torrance, 1962, 1968). D’autres études ont révélé un
développement linéaire de la créativité, notamment à travers une augmentation de la fluence
et de l’originalité durant l’enfance, bien qu’elle ne soit retrouvée systématiquement
(Mouchiroud & Lubart, 2002). Peu d’études portent sur l’adolescence, alors même qu’il s’agit
d’une période reconnue comme période clé pour l’apprentissage de la créativité (Kleibeuker
et al., 2016). Les quelques études ayant porté sur le développement de la créativité durant
l’adolescence semblent pencher pour une évolution linéaire de ces capacités, notamment à
travers une augmentation de la fluence et de l’originalité entre 10 et 16 ans (Jacquish & Ripple,
1980) ou à partir de 14 ans (Smith & Carlsson, 1985). Kleibeuker et al. (2016) rapportent quant
à eux une absence d’effet développemental entre 10 ans et l’âge adulte sur le nombre d’idées
générées (i.e., fluence) et la flexibilité, mais une augmentation linéaire de l’originalité des
idées à l’AUT. Ce développement linéaire serait dû en partie au développement des fonctions
exécutives. L’acquisition de connaissances et d’expériences (e.g., Cannard, 2015) contribuent
également à l’amélioration des performances créatives, mais augmentent parallèlement
l’effet de fixation (Agogué et al., 2014b). Si la fixation est présente dès l’enfance (German &
Defeyter, 2000 ; Hanus et al., 2011 ; Smith et al., 1993 ; Ward, 1994), son développement
118
n’accorde pas tous les auteurs, et peu d’études, à notre connaissance, permettent d’obtenir
des indications quant à son évolution durant l’adolescence. Le parallèle entre augmentation
des connaissances (i.e., fixation plus importante) et développement du contrôle inhibiteur
(i.e., essentiel pour inhiber cette fixation ; Benedek et al., 2014 ; Camarda et al., 2018), soulève
pourtant l’importance d’explorer ce biais cognitif durant cette période.
Les expérimentations portant sur l’interaction entre contexte social et créativité
s’accordent majoritairement sur son influence néfaste lorsqu’il s’agit d’un contexte d’attente
d’une évaluation (e.g., Amabile, 1983 ; Bartis et al., 1988 ; Lepper & Greene, 1975 ; Shalley &
Gilson, 2004 ; Sternberg, 2006 ; Xue et al., 2018). Dans le cadre d’hypothèses
motivationnelles, Amabile (1979) a notamment proposé une épreuve de collage artistique à
de jeunes adultes et constate que lorsqu’ils s’attendaient à être évalués par des experts a
posteriori, leur production était moins originale que celle des participants d’un groupe
contrôle à qui l’expérimentateur n’avait pas parlé d’évaluation. L’auteure explique ces
résultats par la diminution de l’intérêt et de la motivation intrinsèque lorsque les participants
anticipaient une évaluation. De même, Amabile et al. (1990) retrouvent cette influence
négative d’un contexte évaluatif sur les performances à une tâche de créativité verbale (i.e.,
écriture de poèmes). Les poèmes générés ont en effet été jugés moins créatifs chez les
participants qui s’attendaient à ce que leur production soit évaluée par des experts que chez
les participants qui étaient en simple coaction (i.e., par groupe de 4). Les effets de l’attente
d’une évaluation et de la coaction semblent donc additionnels. Les auteurs révèlent toutefois
que le contexte manipulé n’a pas systématiquement d’effet sur l’intérêt intrinsèque mais que
la motivation exerce bien une influence notable sur la créativité puisque plus les participants
étaient concernés par l’évaluation externe de leurs productions, moins celles-ci étaient
119
créatives. Hennessey (1989) confirme qu’attendre une évaluation, tout comme l’attente
d’une récompense, diminue la créativité ainsi que la motivation, même lorsque l’évaluation
anticipée était faite par un ordinateur et ce, d’autant plus chez les enfants les plus âgés (i.e.,
participants ayant de 7 à 13 ans). La littérature de psychologie cognitive et/ou sociale a
néanmoins permis de révéler quelques divergences (i.e., absence d’effet ou effet positif ; e.g.,
Cheek & Stahl, 1986 ; Jackson & Zedeck, 1982) quant à l’impact de l’attente d’une évaluation.
Yuan et Zhou (2008) s’intéressent par exemple à la variation en génération d’idées (i.e.,
fluence) et à la rétention sélective (i.e., sélection et modification des idées dans un second
temps) sur une tâche de résolution de problème créatif : les auteurs rapportent alors un
nombre d’idées moins important dès lors que les participants anticipaient une évaluation,
mais constatent que le nombre de nouvelles idées, d’idées originales, n’a pas différé selon les
conditions dans lesquelles une évaluation était anticipée ou non. Comment expliquer que
l’attente d’une évaluation n’inhibe pas systématiquement les capacités créatives des
individus ?
Dans les années soixante-dix émerge la théorie de l’auto-détermination, celle-ci
reposant entre autres sur la théorie de l’évaluation cognitive (Deci, 1975 ; Deci & Ryan, 1980).
La théorie de l’évaluation cognitive aborde principalement les effets de contextes sociaux sur
la motivation intrinsèque (i.e., satisfaction de faire une activité pour elle-même) et stipule que
la nature même du contexte manipulé jouerait un rôle déterminant dans les effets observés.
En effet, deux types de facteurs externes ont été identifiés par Deci (1975 ; Deci & Ryan, 1980).
L’évaluation, au même titre que d’autres facteurs contextuels et/ou sociaux, répondrait soit à
un aspect que les auteurs appellent « controlling » (i.e., « contrôlée ») soit au contraire à un
aspect dit « informationnel ». Ces deux aspects vont impacter la façon dont les individus
jugent leurs compétences, leur détermination, ce qui va jouer un rôle direct sur la motivation
120
intrinsèque. Lorsque le facteur externe repose sur un aspect contrôlé (e.g., récompense), la
perception de contraintes et d’informations externes impliqueraient une certaine pression à
atteindre l’objectif défini, une pression à la performance, un but qui n’est pas dirigé vers
l’individu lui-même (e.g., Pittman et al., 1980 ; Shalley & Perry-Smith, 2001), ce qui diminuerait
ainsi la motivation intrinsèque. Lorsque le facteur externe repose sur un aspect informationnel
(e.g., feedbacks/informations positives), l’attribution de causes personnelles et
d’informations de compétences positives impliquerait un objectif d’amélioration, de
développement des compétences, un but dirigé vers l’individu lui-même, et augmenterait ou
stabiliserait ainsi la motivation intrinsèque (e.g., Harackiewicz et al., 1984 ; Phillips &
Freedman, 1988 ; Shalley, 1995 ; Ryan, 1982 ; Ryan et al., 1983 ; Zhou, 1998). A partir de cette
théorie et de la considération motivationnelle (e.g., Amabile, 1979, 1983, 1996, 2012 ; Lubart
et al., 2003), des expérimentations ont été proposées afin de vérifier qu’une évaluation
informationnelle était susceptible d’améliorer la performance créative tandis qu’une
évaluation contrôlée aurait plutôt tendance à la diminuer. Shalley et Perry-Smith (2001) par
exemple, manipulent le type d’évaluation attendue (i.e., Contrôlée Vs. Informationnelle) et le
type d’exemple donné aux participants (i.e., exemple créatif Vs., standard). Lorsque le
participant était en condition d’évaluation contrôlée, la consigne de l’expérimentateur
impliquait plus de pression vis-à-vis de l’évaluation de l’expert et précisait notamment qu’être
créatif était primordial pour l’étude. En condition d’évaluation informationnelle, la consigne
ne devait pas induire de pression mais donner des informations utiles au participant.
L’expérimentateur indiquait alors aux individus que leurs productions seraient évaluées par
des experts qui leur enverront a posteriori un compte rendu afin d’obtenir des avis sur les
réponses fournies et des suggestions d’approches alternatives ou d’améliorations. Les auteurs
ont examiné la performance d’un échantillon de 81 jeunes adultes (i.e., 22 ans en moyenne)
121
dans une tâche de résolution de problème créatif (i.e., in-basket task – pensée convergente).
Ils constatent une augmentation de la motivation intrinsèque et de la créativité lorsqu’une
évaluation informationnelle était attendue plutôt que contrôlée. Le niveau de créativité était,
par ailleurs, d’autant plus important lorsqu’un exemple créatif était donné (voir aussi Agogué
et al., 2014a) et le niveau le plus bas était observé dans la condition dans laquelle les
participants attendaient une évaluation contrôlée et recevaient un exemple standard. Notons
que seule la réponse finale sélectionnée était analysée et qu’aucun groupe contrôle n’a été
utilisé. Même si la majeure partie des études confirme l’influence positive des aspects
externes informationnels à l’inverse des aspects externes contrôlés (e.g., Shalley, 1995, 2001 ;
Shalley et al., 1987 ; Shalley & Oldham, 1985), aucune étude ne permet de renseigner le
développement de ces types d’influences sociales sur la génération d’idées créatives, tout en
prenant en considération l’existence du biais de fixation. Les effets informationnels et
contrôlés des facteurs externes ont-ils la même influence sur les capacités créatives au cours
de l’adolescence ? Ces effets sociaux et développementaux sont-ils les mêmes sur les
capacités d’expansivité conceptuelle que sur l’effet de fixation ?
Lepper et Greene (1975) ont montré que dès 4-5 ans, être sous surveillance d’autres
personnes susceptibles de vous évaluer diminuait de manière signifiante la motivation
intrinsèque, tout comme chez l’adulte (Pittman et al., 1980 ; Plant & Ryan, 1985). Hennessey
et Amabile (1987) rapportent qu’en anticipant une évaluation, les élèves vont adopter une
orientation motivationnelle extrinsèque. Tout comme les adultes, leur focus attentionnel
serait ainsi détourné des aspects intrinsèques à la tâche et par conséquent, la créativité se
verrait diminuée (e.g., Joussemet & Koestner, 1999). Berglas et al. (1979) ont par exemple
évalué l’effet d’une évaluation préalable sur la créativité d’enfants. Lors d’une première tâche
créative, la moitié des élèves de grade deux (7-8 ans) et six (11-12 ans) recevaient une
122
évaluation positive venant de l’expérimentateur alors que l’autre moitié ne recevait aucun
feedback (i.e., condition contrôle). Les auteurs s’attendaient à ce que l’évaluation saillante
induise une attente d’évaluation sur la seconde tâche et par conséquent diminue leur
créativité. Les enfants se sont en effet révélés plus performants dans la condition contrôle que
ceux qui anticipaient une évaluation, quand bien même celle-ci avait été positive lors de la
première phase. Alors que cette étude permet de montrer que le contexte social exerce
également une influence chez les plus jeunes, elle semble contredire l’idée qu’un aspect
externe informationnel (i.e., feedback positif quant à leur performance ici) permet
l’amélioration des performances créatives. En outre, elle ne permet ni la comparaison à un
groupe ayant eu une évaluation contrôlée (e.g., feedback négatif) ni la comparaison à des
participants plus âgés.
Ainsi, notre étude a pour objectif d’étudier les effets de l’attente d’une évaluation
informationnelle et contrôlée par les pairs sur l’expansivité et l’effet de fixation, du début (10-
15ans) à la fin de l’adolescence (17-23 ans). A partir de la littérature, nous avons pu formuler
quatre hypothèses :
Hypothèse 1a : à la vue du développement des fonctions exécutives, on peut s’attendre à ce
que l’expansivité (i.e., nombre d’idées appartenant à des méta-catégories en expansion)
augmente entre le début de l’adolescence (10-15 ans) et la fin de l’adolescence (17-23 ans).
Hypothèse 1b – exploratoire : soit l’effet de fixation augmente avec l’âge de par
l’augmentation des expériences et connaissances, soit l’effet de fixation diminue avec l’âge
grâce au développement du contrôle inhibiteur qui s’opère durant cette période de
l’adolescence.
Hypothèse 2a : si s’attendre à une évaluation contrôlée diminue bien la motivation intrinsèque,
on devrait alors observer un effet néfaste de ce contexte sur la créativité. Plus spécifiquement,
123
on s’attend à une diminution de l’expansivité (i.e., du nombre d’idées dites « en expansion »)
par rapport à la condition contrôle. Au vu de l’hypersensibilité au contexte social durant
l’adolescence (e.g., Chein et al., 2011 ; Smith et al., 2014 ; Steinberg, 2008), on s’attend à ce
que cet impact soit d’autant plus fort du début à la mi-adolescence (10-15 ans) qu’à
l’adolescence tardive (17-23ans). Nous explorerons également l’effet de fixation afin de vérifier
si l’évaluation renforce le biais cognitif (i.e., augmentation du nombre d’idées dites « en
fixation »).
Hypothèse 2b : si l’aspect informationnel de l’évaluation augmente bien la motivation
intrinsèque, on devrait alors observer un effet bénéfique sur l’expansivité, autrement dit un
nombre plus important d’idées en expansion qu’en condition contrôle. Cet effet devrait être
plus fort au début de l’adolescence (10-15 ans) qu’à la fin (17-23 ans). Nous explorerons l’effet
de fixation afin de vérifier si une diminution des idées biaisées est également observée.
2. METHODE
2.1. Participants
290 participants ont été recrutés pour cette étude. Six d’entre eux avait une autre
langue maternelle que le français, neuf ont été identifiés comme outliers et seize avaient déjà
effectué notre tâche de créativité.
Dans chacune des études présentées dans ce manuscrit, nous avons supprimés les individus identifiés
comme outliers sur les variables âge, fluence, score de fixation et score d’expansivité. Nous avons
systématiquement mené une première analyse graphique (boxplot) grâce aux diagrammes de dispersion
de Tukey sur le logiciel R. Ces diagrammes permettent d’obtenir un aperçu de la dispersion des variables
numériques de notre base et ce, en fonction d’une variable catégorielle. Afin de confirmer cette analyse
graphique, nous avons également mené une analyse numérique grâce à la méthode d’estimation à partir
des quartiles de la distribution. Cette méthode permet de déterminer l’intervalle de scores en dehors
duquel les valeurs sont des outliers.
124
Ces individus ayant été supprimés des analyses, notre échantillon est ainsi composé de
259 participants (M = 16.2 ans, ET = 3.5 ; rang : de 10 à 23 ans) parmi lesquels 152 ont été
recrutés à l’Université de Paris (M = 18.9 ans, ET = 1.29, rang : de 17 à 23 ans ;
108Femmes/44Hommes) et 107 au sein de deux collèges de la région parisienne (M = 12.4
ans, ET = 1.37 ; rang : de 10 à 15 ans ; 61F/46H). Chacun d’entre eux a aléatoirement été
assigné à l’une de nos trois conditions expérimentales (Attente d’une évaluation contrôlée
Vs., attente d’une évaluation informationnelle Vs., condition contrôle, sans attente d’une
évaluation). Les données épidémiologiques par condition sont précisées dans le tableau ci-
dessous (Tableau 2). La proportion de genre et la distribution des âges au sein des conditions
n’ont pas différé, χ2(2) < 1 et F(2, 256) < 1 respectivement. Les participants étant expérimentés
par groupe de trois, nous avons fait en sorte de contrebalancer au mieux la composition des
groupes en fonction du genre (HHH / FFF / HHF / FFH).
Tableau 2.
Données épidémiologiques par groupe d’âge et par condition.
Jeunes adolescents (10-15ans)
Adolescents tardifs (17-23 ans)
Effectifs
(N)
Âge
moyen
(ET)
Répartition
du genre
(F/H)
Effectifs
(N)
Âge
moyen
(ET)
Répartition
du genre
(F/H)
28
12.5
(1.32)
17 / 11
33
19.0
(1.38)
26 / 7
48
12.3
(1.38)
24 / 24
84
18.8
(1.03)
60 / 24
31
12.4
(1.43)
20 / 11
35
19.3
(1.67)
22 / 13
125
La taille de l’échantillon a été prédéterminé grâce à une analyse de puissance a priori
via G*Power 3.1.9.2 (Faul et al., 2009). Cette analyse a révélé qu’un minimum de 149
participants serait nécessaire pour obtenir une taille d’effet modérée de 0.3 (selon les
conventions de taille d’effet de Cohen) avec une puissance (1 – β) fixée à 0.80 et un α fixée à
0.05. Tous les participants ont rempli un consentement écrit, et des autorisations parentales
signées par les tuteurs légaux ont également été transmises et récupérées pour les élèves de
collèges. Tous les individus ont été testés en accord avec les normes nationales et
internationales qui régissent l’utilisation de participants dans la recherche en sciences
humaines et étaient tous naïfs quant à l’objectif de l’étude.
2.2. Procédure
Quelle que soit la condition, les participants ont été expérimentés en coaction par
groupe de trois et devaient effectuer un questionnaire de motivation, une tâche de génération
d’idées créatives (i.e., tâche de l’œuf ; Agogué et al., 2014 ; Cassotti et al., 2016) et un
questionnaire de fin.
Les participants de la condition contrôle ont reçu les informations générales portant
sur le déroulement de la session avant le questionnaire de motivation. Il leur était précisé
qu’ils étaient par groupe de trois uniquement pour des raisons pratiques mais que toutes les
tâches qu’ils auraient à effectuer se feraient de manière individuelle. A la suite du
questionnaire de motivation (Guay et al., 2000), les participants de la condition contrôle ont
eu 5 minutes pour proposer, de manière individuelle et par écrit, autant de solutions originales
que possible au problème suivant : « Faites-en sorte qu’un œuf de poule lâché d’une hauteur
de 10 mètres ne se casse pas » (Agogué et al., 2014 ; Cassotti et al., 2016a, 2016b ; Camarda
et al., 2017). L’expérimentateur indiquait qu’il n’y avait ni bonne ni mauvaise réponse et qu’ils
126
étaient libres de proposer les idées qu’ils souhaitaient avec l’objectif d’être le plus créatif
possible. Après chaque idée inscrite par le participant, celui-ci devait également indiquer un
score de créativité allant de 1 à 7 (1 : pas du tout créative à 7 : tout à fait créative).
Dans les conditions d’attente d’une évaluation, l’expérimentation a repo
exactement sur le même principe, et les consignes relatives aux tâches ne différaient pas.
Toutefois, en sus des informations générales de début de session, les participants recevaient
une indication contextuelle supplémentaire (voir figure 15 pour le déroulement de la session).
En effet, dans la condition d’attente d’une évaluation contrôlée, l’expérimentateur informait
les participants qu’à la fin de l’expérience, ils devraient partager leurs idées générées à la
tâche créative afin de déterminer lequel des trois aura été le meilleur (i.e., celui qui aura
proposé les idées les plus créatives) et lequel des trois aura été le moins bon (i.e., celui qui
aura proposé les idées les moins créatives). Dans la condition d’attente d’une évaluation
informationnelle, l’expérimentateur indiquait cette fois qu’à la fin de l’expérience, les
participants devraient partager leurs idées afin de s’aider à en trouver des meilleures et de
s’améliorer par eux-mêmes.
Figure 15. Déroulement chronologique de l’étude
127
2.3. Mesures
Créativité. Les idées des participants à la tâche de l’œuf ont été évaluées à partir de 4 critères :
(a) la fluence (i.e., la capacité à générer plusieurs solutions), mesurée par le nombre d’idées
proposées, (b) la flexibilité (i.e., la capacité à explorer plusieurs catégories de solutions),
mesurée par le nombre de catégories différentes utilisées sur les 54 existantes (voir Agogué
et al., 2014), et (c) le score d’expansivité (i.e., capacité à proposer des solutions en dehors de
l’effet de fixation), mesurée par le nombre moyen d’idées appartenant aux méta-catégories
en expansion. Nous avons également analysé (d) l’effet de fixation (i.e., tendance à rester fixer
sur les idées les plus facilement accessibles, les plus communes), autrement dit le nombre
moyen d’idées heuristiques et non-créatives, appartenant à des méta-catégories en fixation
(voir Arbre CK page 31 de l’introduction ; Agogué et al., 2014). Pour rappel, et à partir des
études antérieures, nous considérons trois méta-catégories en fixation (i.e., amortir le choc,
protéger l’œuf et ralentir la chute) et sept en expansion (e.g., utiliser un objet vivant, modifier
les propriétés naturelles de l’œuf ou modifier les propriétés naturelles de l’environnement ;
Agogué et al., 2014, 2015 ; Cassotti et al., 2016a, 2016b), et nous notons une forte corrélation
entre cette double mesure qualitative de la fixation et expansion avec les évaluations des
idées faites par des experts de façon consensuelle (Agogué et al., 2015 ; Amabile et al., 1990).
Évaluation subjective de la créativité. Nous avons également analysé les évaluations créatives
subjectives - faites par les participants - en fonction du type d’idées générées (i.e., en fixation
ou en expansion).
Sentiments des participants vis-à-vis du contexte. Nous avons demandé à nos participants de
répondre à trois questions en fin de session, construites à partir d’échelles de Likert en 7
points (de 1 : pas du tout d’accord à 7 : tout à fait d’accord). Celles-ci ont permis d’évaluer leur
128
sentiment d’évaluation par l’expérimentateur, par les deux autres participants présents, ainsi
que leur sentiment de compétition avec ces deux mêmes pairs.
Motivation. Un questionnaire de motivation a été élaboré à partir de deux échelles. L’Échelle
de Motivation Situationnelle (SIMS ; Guay et al., 2000) est basée sur la théorie de
l’autorégulation proposé par Deci et Ryan (1985, 1991). La motivation situationnelle se réfère
à l’ici et maintenant, à la motivation des individus lorsqu’ils sont engagés dans une activité
(Vallerand, 1997). Nous avons utilisé les items de la SIMS afin d’évaluer la motivation
intrinsèque, la motivation extrinsèque et l’amotivation. Nous avons également ajouté des
items de l’Échelle de Motivation Globale (GMS) afin d’évaluer un maximum de sous-échelles
de motivation intrinsèque et extrinsèque (Guay et al., 2003). En accord avec la SIMS et la GMS,
les participants devaient répondre à la question suivante : « Pourquoi vous êtes-vous engagé
dans cette activité ? » et vingt-sept propositions de réponses étaient données puis évaluées
par les participants sur des échelles de Likert en 7 points (de 1 : pas du tout d’accord à 7 : tout
à fait d’accord).
3. RESULTATS
Les eta carré partiel p2) et les d de Cohen (d) sont utilisés pour évaluer les tailles d’effet
dans l’ensemble de nos analyses. Toutes les valeurs de significativité (p) reportées sont
corrigées avec la méthode Bonferroni.
3.1. Créativité
La fluence moyenne, la flexibilité, les scores de fixation (i.e., nombre d’idées en
fixation) et les scores d’expansivité (i.e., nombre d’idées en expansion) ont été soumis à des
ANOVAs à un facteur.
129
Fluence. L’analyse de variance a permis de mettre en évidence un effet du groupe
d’âge, F(1, 253) = 41.55, p < .001, ηp2 = .014. Les adolescents tardifs ont en effet généré plus
d’idées (M = 7.43, ET = 2.16) que les jeunes adolescents (M = 5.51, ET = 2.13). Nous ne relevons
pas d’effet de la condition, F(2, 253) < 1 ou d’effet d’interaction F(2, 253) < 1.
Flexibilité. L’analyse de variance n’a révélé qu’un effet principal du groupe d’âge, F(1,
253) = 53.77, p < .001, ηp2 = .18. Les adolescents tardifs ont en effet utilisé plus de catégories
différentes d’idées (M = 5.87, ET = 1.8) que les jeunes adolescents (M = 4.07, ET = 1.74).
Score de fixation. L’analyse portant sur l’effet de fixation révèle également une
absence d’effet de la condition F(2, 253) < 1 et d’effet d’interaction, F(2, 253) = 2.05, p = .13.
Toutefois, on note un effet du groupe d’âge, F(1, 253) = 13.69, p < .001, ηp2 = .05, les
adolescents tardifs ayant généré plus d’idées en fixation (M = 5.14, ET = 1.88) que les jeunes
adolescents (M = 4.06, ET = 2.02).
Tableau 3.
Scores de fixation et scores d’expansivité en fonction des conditions et du groupe d’âge
Note. Chaque cellule contient les scores moyens et l’écart-type moyen (ET) ; « E. » : évaluation.
Groupe d’âge
Conditions
Scores de fixation
Score
d’expansivité
E. informationnelle
4.48 (2.2)
1.16 (1.32)
Jeunes adolescents
Condition contrôle
3.75 (2.03)
1.79 (1.68)
E. contrôlée
4.11 (1.75)
1.21 (1.23)
E. informationnelle
4.83 (2.09)
2.37 (1.61)
Adolescents tardifs
Condition contrôle
5.29 (1.79)
2.31 (1.42)
E. contrôlée
5.09 (1.88)
2.18 (1.7)
Total
4.69 (2.01)
1.95 (1.56)
130
Score d’expansivité. De la même façon, l’ANOVA effectuée sur les scores d’expansivité
a révélé un effet de l’âge F(1, 253) = 20.07, p < .001, ηp2 = .07, les adolescents tardifs générant
plus d’idées en expansion (M = 2.3, ET = 1.52) que les jeunes adolescents (M = 1.46, ET = 1.49).
Nous ne relevons pas d’effet de la condition F(2, 253) = 1.41, p = .25 ou d’effet d’interaction
F(2, 253) = 1.24, p = .29.
Figure 16. Nombre d’idées générées en fonction de leur nature (fixation, expansion) et du groupe
d’âge (jeunes adolescents, adolescents tardifs). *** p<.001. Les barres d’erreurs représentent les
erreurs standards de la moyenne (SEM).
131
3.2. Évaluation subjective de la créativité
Afin d’analyser les scores créatifs attribués par les participants en fonction de leur
condition et du type d’idées, nous avons supprimé les individus n’ayant généré qu’un seul
type de réponses (i.e., soit uniquement des fixations, soit uniquement des expansions).
L’échantillon utilisé pour mener cette ANOVA à mesures répétées est donc de 230 individus.
On constate dans un premier temps un effet d’interaction entre le type d’idées évaluées et le
groupe d’âge, F(1, 224) = 18.80, p < .001, ηp2 = .08. Les post-hoc
8
portant sur cette interaction
révèlent que seuls les adolescents tardifs ont jugé différemment leurs idées en fixation (M =
3.56, ET = 1.29) de leurs idées en expansion (M = 4.09, ET = 1.07), t(224) = 4.12, p < .001, d =
.27. On constate également que les jeunes adolescents ont évalué de façon plus importante
leurs idées en fixation (M = 4.87, ET = 1.13) que les adolescents tardifs, t(439) = 7.23, p < .001,
d = .48. De plus, on observe un effet principal du groupe d’âge, F(1, 224) = 33.76, p < .001, ηp2
= .04 : les participants les plus jeunes ont évalué de façon plus importante l’ensemble de leurs
idées (M = 4.66, ET = 1.38) par rapport aux adolescents tardifs (M = 3.83, ET = 1.18).
8
Le logiciel Jamovi a été utilisé pour effectuer les analyses. Les tests post-hoc relatifs aux ANOVAs à mesures
répétées reposent sur la méthode du test-t de Welch. Par conséquent, lorsque le facteur intra-individuel est
impliqué dans la comparaison post-hoc, le degré de liberté (ddl) repose non seulement sur le nombre
d’observations mais également sur la variance observée contrairement au test-t de Student. Certains ddl sont
donc supérieurs à ce que l’on aurait observé avec le t de Student mais les valeurs des tests ne diffèrent nullement.
132
Figure 17. Scores créatifs moyens (/7) attribués par les participants en fonction du type d’idées
(fixations, expansions) et du groupe d’âge (jeunes adolescents, adolescents tardifs). *** p<.001. Les
barres d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM).
3.3. Analyses supplémentaires
Sentiment d’évaluation par autrui A quel point vous-êtes-vous sentis évalué par les
autres ? »). Les scores moyens du sentiment d’évaluation par autrui ont été soumis à une
ANOVA à un facteur révélant un effet d’interaction, F(2,253) = 3.46, p = .03, ηp2 = .027. Les
post-hoc portant sur cette interaction montrent que les adolescents tardifs se sont sentis plus
évalués en condition informationnel (M = 3.09, ET = 1.9) qu’en condition contrôle (M = 1.94,
ET = 1.39), t(253)= 3.16, p = .03, d = .64. De plus, on constate que les jeunes adolescents en
condition contrôle (M = 3.02, ET = 2.03) se sont sentis plus évalués que les adolescents tardifs
dans la même condition, t(253) = 3.31, p = .02, d = .60. Les effets principaux n’étaient pas
significatifs.
133
Sentiment d’évaluation par l’expérimentateur A quel point vous-êtes-vous sentis
évalué par l’expérimentateur ? »). Les analyses n’ont révélé ni d’effet de la condition, du
groupe d’âge ou encore d’effet d’interaction (p’s > .05). Le score moyen de sentiment
d’évaluation par l’expérimentateur était de 3.53 (ET = 2.15).
Sentiment de compétition A quel point vous-êtes-vous sentis en compétition avec les
autres ? »). L’analyse des scores de sentiments de compétition n’a pas révélé d’effet du
groupe d’âge, de la condition ou d’effet d’interaction (p’s > .05). Le score moyen de sentiment
compétitif était de 2.43 (ET = 1.82).
Régressions linéaires multiples (VD~GroupeÂge+Conditions+SentimentContexte).
Des régressions linéaires multiples ont été effectuées sur la fluence, l’effet de fixation,
l’expansivité, ainsi que sur les échelles de motivation (i.e., intrinsèque, extrinsèque,
amotivation) en fonction du groupe d’âge (i.e., jeunes adolescents ; adolescents tardifs), de la
condition (i.e., attente d’une évaluation informationnelle, contrôlée, ou condition contrôle)
et soit du sentiment d’évaluation par les pairs, soit par l’expérimentateur, soit du sentiment
de compétition avec les pairs. Aucune de ces analyses n’a révélé d’impact sur nos trois
variables de créativité ni sur nos trois sous-échelles de motivation.
134
Figure 18. Scores (/7) de sentiment d’évaluation par autrui, par l’expérimentation, et de compétition,
en fonction du groupe d’âge et de la condition. * p<.05. Les barres d’erreurs représentent les erreurs
standards de la moyenne (SEM).
Motivation. Une analyse de variance à mesures répétées a été effectuées sur les scores
de motivation aux trois sous-échelles (motivation intrinsèque, extrinsèque, et amotivation ;
facteur intra-sujet) en fonction du groupe d’âge et de la condition (facteurs inter-sujets). Tout
d’abord, on observe un effet des sous-échelles, F(2, 506) = 261.03, p < .001, ηp2 = .51, les
participants étant de manière générale plus motivés intrinsèquement (M = 5.03, ET = 1.09)
qu’extrinsèquement (M = 3.44, ET = 0,97), t(506) = 14.6, p < .001, d = 1.16, ou qu’amotivés (M
= 2.47, ET = 1.44), t(506) = 22.52, p < .001, d = 1.29. Une différence était également observée
135
entre les scores moyens de motivation extrinsèque et d’amotivation, t(506) = 7.92, p < .001,
d= .62. De plus, on relève un effet d’interaction entre les sous-échelles et le groupe d’âge, F(2,
506) = 3.84, p = .02, ηp2 = .015 nous renseignant d’un manque de motivation (i.e.,
amotivation) plus important chez les jeunes adolescents (M = 2.88, ET = 1.71) que chez les
adolescents tardifs (M = 2.18, ET = 1.13), t(759) = 4.63, p < .001, d = .29. Les motivations
intrinsèque et extrinsèque n’ont, quant à elles, pas différé selon le groupe d’âge avec t(759) <
1 et t(759) = 1.87, p > .05 respectivement.
Figure 19. Scores moyens de motivation en fonction du groupe d’âge et des sous-échelles. ***
p<.001. Les barres d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM).
Régressions linéaires multiples (VD~GroupeÂge+Conditions+Motivation)
(a) Une régression linéaire multiple a été effectuée sur la fluence en fonction du groupe d’âge
(i.e., jeunes adolescents ; adolescents tardifs), de la condition (i.e., attente d’une évaluation
136
informationnelle, contrôlée, ou condition contrôle) et de la motivation, F(4, 254) = 15.11, p <
.001, R2ajusté = .18. On constate qu’en contrôlant l’effet du groupe d’âge et de la condition, il
existe un effet de la motivation intrinsèque sur le nombre d’idées générées, t(254) = 2.87, p <
.01 (b1 = 0.35). Autrement dit, plus les participants sont motivés intrinsèquement plus ils
génèrent d’idées. Cet effet n’est pas retrouvé avec la motivation extrinsèque ou l’amotivation
(p > .05).
(b) Nous avons mené la même analyse sur l’effet de fixation, F(4, 254) = 6.78, p < .001. On
retrouve cet effet de la motivation intrinsèque sur le nombre d’idées proposées en fixation
avec t(254) = 2.68, p < .01. Plus les participants étaient motivés intrinsèquement, plus l’effet
de fixation était important (b1 = 0.3). Aucun effet de l’amotivation ou de la motivation
extrinsèque n’ont été observé.
(c) Les dernières analyses de régression ont révélé qu’aucune des trois sous-échelles de
motivation n’impactait le nombre d’expansions proposées (p > .05).
4. DISCUSSION
L’objectif de notre étude était d’obtenir de nouvelles connaissances quant au
développement de la créativité et de déterminer de quelle façon l’attente d’une évaluation
pouvait influencer la génération d’idées créatives pendant l’adolescence, aussi bien sur les
capacités d’expansivité que sur l’effet de fixation. Trois résultats principaux émergent de cette
étude. Premièrement, l’effet de fixation, l’expansivité, et ainsi, la fluence, ont augmenté avec
l’âge. Deuxièmement, les individus en fin d’adolescence ont été capables de discriminer leurs
idées en fixation et en expansion (i.e., par une évaluation subjective de leur créativité) alors
que les plus jeunes adolescents ont eu tendance à surévaluer leur production.
137
Troisièmement, les manipulations de l’attente d’évaluation (contrôlée Vs., Informationnelle)
n’ont pas eu d’effet sur les idées générées.
Concernant nos hypothèses développementales, notre étude a permis de nous
positionner dans un débat subsistant dans la littérature puisqu’on observe que la fluence a
augmenté linéairement au cours de l’adolescence (e.g., Kleibeuker et al., 2016 pour une
absence d’effet de l’âge ; Smith & Carlsson, 1985 pour une augmentation linéaire). Comme
nous l’anticipions, l’expansivité a également augmenté entre le début et la fin de
l’adolescence (Jacquish & Ripple, 1980 ; Kleibeuker et al., 2016 ; Smith & Carlsson, 1985).
L’augmentation des connaissances et des expériences au cours de l’adolescence (e.g.,
Cannard, 2015) semble faciliter l’association de concepts et d’idées permettant d’en former
des nouveaux et nouvelles. Toutefois, elle semble également avoir renforcé l’effet de fixation
malgré le développement des fonctions exécutives, et plus particulièrement du contrôle
inhibiteur, au cours de cette période (e.g., Giedd, 2004 ; Gogtay et al., 2004 ; Lenroot & Giedd.,
2006 ; Luna et al., 2004). En effet, on aurait pu penser que le processus d’inhibition cognitive
- essentiel pour mettre de côté nos connaissances les plus facilement accessibles (e.g., Cassotti
et al., 2016a) et arrivant à maturation au début de l’âge adulte - permettrait une diminution
du biais cognitif, mais notre étude révèle l’effet inverse. Ces données sont primordiales afin
d’obtenir de nouvelles informations relatives au modèle triadique de la créativité (Cassotti et
al., 2016a) mais également d’obtenir des pistes d’amélioration de la créativité. Et pour cause,
ces résultats développementaux signifient qu’avec l’âge, les capacités de génération créative
(i.e., fluence et expansivité) augmentent mais également que le biais de fixation est plus
important. Dès lors, il semble essentiel de s’interroger sur la capacité des individus à
discriminer leurs idées : sommes-nous en mesure, à tout âge, de discriminer une idée créative
d’une idée classique ?
138
Nous savons que pour générer une idée créative, il est nécessaire d’inhiber (Système
3–contrôle inhibiteur) les idées appartenant à notre système cognitif
automatique/heuristique (Système 1) afin d’activer cette expansivité conceptuelle relevant
d’un système contrôlé (Système 2). Néanmoins, le modèle triadique de la créativité (Cassotti
et al., 2016a) ne fournit pas spécifiquement et explicitement d’information quant au
déclenchement de ce processus d’inhibition. En posant une question sur la stratégie qu’ont
adopté nos participants, on a constaté que ces derniers optaient majoritairement (i.e., plus
de 80%) pour une stratégie de quantité d’idées plutôt que de qualité (i.e., centrée sur la
créativité). Ainsi, il est tout à fait envisageable que nos participants aient proposé plus ou
moins consciemment des idées à la fois en expansion et en fixation afin d’être satisfaits de
leur production quantitativement. L’analyse de l’évaluation subjective de la créativité des
idées (i.e., jugement créatif des participants eux-mêmes) vient alors nous offrir de nouvelles
informations permettant d’étudier plus précisément l’amélioration de la créativité avec l’âge.
Bien que l’effet de fixation ait augmenté durant l’adolescence parallèlement à l’expansivité
conceptuelle, on constate que seuls les individus plus âgés (i.e., en fin d’adolescence) ont été
capables de discriminer correctement leurs idées. Autrement dit, les fixations sont jugées
comme étant moins créatives que les expansions. Les adolescents plus jeunes (1ère moitié de
l’adolescence) quant à eux, révèlent une certaine tendance à surévaluer leur production. Ces
résultats semblent faire écho au processus de détection de conflit étudié dans le domaine de
la psychologie du raisonnement et de la décision (De Neys, 2012). Il a en effet été montré que,
bien que l’on observe des erreurs systématiques à des tests de logique élémentaires chez les
adultes (e.g., Bago & De Neys, 2017 ; De Neys et al., 2008 ; Frey et al., 2017), ces derniers
semblent toutefois capables de détecter que leur raisonnement n’est pas pleinement garanti
(e.g., De Neys, 2006, 2012, 2014 ; De Neys et al., 2008 ; De Neys & Franssens, 2009). De
139
nombreuses études ont permis de confirmer que les adultes doutent davantage lorsqu’ils
donnent une réponse biaisée dans une condition de conflit (i.e., nécessitant l’inhibition d’un
biais) par rapport à une condition sans conflit (e.g., De Neys et al., 2013 ; Rossi et al., 2015) et
ce, dans de multiples tâches (e.g., Bialek & De Neys, 2017 ; Frey et al., 2017 ; Lubin et al.,
2015). Dans une précédente étude (Desdevises, Camarda, Borst & Cassotti, en préparation),
nous avons montré pour la première fois que la détection de conflit était également un
processus critique dans la résolution de problème créatif et qu’il se développait, en outre,
entre l’adolescence et l’âge adulte. En effet, seuls les adultes ont été capables de détecter
l’existence d’un conflit et d’évaluer différemment leurs idées en fixation de leurs idées en
expansion. Les adolescents étaient, quant à eux, trop confiants en leurs réponses. Bien que
nous n’ayons manipulé une condition sans conflit (i.e., consigne sollicitant des idées
classiques) dans l’étude présente, l’échelle subjective de créativité nous renseigne sur le taux
de confiance des participants en leurs idées et nous permet de confirmer que seuls les
individus en fin d’adolescence/début de l’âge adulte sont capables de discriminer
correctement leurs idées. Ces données et de récents travaux effectués dans le cadre du
modèle triadique de la créativité (voir Camarda, 2017) semblent confirmer l’hypothèse selon
laquelle une détection de conflit serait un prérequis au déclenchement de l’inhibition
cognitive.
En résumé, et à la vue de nos résultats, il semble que la créativité puisse bien être améliorée
avec l’âge (voir aussi Jacquish & Ripple, 1980 ; Kleibeuker et al., 2016 ; Smith & Carlsson,
1985). Il semble toutefois important de répliquer nos mesures d’évaluation subjective de la
créativité dans nos futures études afin de valider expérimentalement cette capacité à juger
différemment les idées relevant de l’effet de fixation ou de l’expansion. De plus, si les
adolescents tardifs et les adultes détectent bien une différence entre les deux types d’idées,
140
cela constituerait un argument expérimental important concernant le caractère non-
automatique du processus d’inhibition lors de la résolution d’une tâche créative comme celle
de l’œuf. Autrement dit, d’autres facteurs (e.g., volonté de forte fluence) interfèreraient avec
son activation, ce qui impliquerait qu’il faille, par exemple, ajouter des informations
supplémentaires plus explicites dans la consigne afin de contrôler au mieux ces variables.
Ainsi, au-delà des études portant sur l’activation du système d’inhibition lorsqu’on génère des
idées créatives (e.g., Camarda et al., 2018), il serait intéressant de mener des travaux
déterminant la façon dont nous pourrions garder efficient ce contrôle inhibiteur tout au long
de la génération.
Outre l’acquisition de nouvelles connaissances quant au développement de la
créativité, notre étude avait pour objectif premier d’obtenir des informations quant à l’impact
de l’attente d’une évaluation sur la génération d’idées créatives au cours de l’adolescence.
Nous nous attendions à un effet néfaste de la condition d’attente d’une évaluation contrôlée
(Shalley & Gilson, 2004 ; Sternberg, 2006 ; Xue et al., 2018) sur le nombre d’idées expansives
(i.e., diminution) et sur l’effet de fixation (i.e., augmentation), d’autant plus forte dans la
première partie de l’adolescence (Chein et al., 2011 ; Smith et al., 2014 ; Steinberg, 2008), que
nous n’avons pas observé. De la même façon, nous anticipions un impact bénéfique de
l’attente d’une évaluation informationnelle sur les capacités à générer des idées en expansion
(i.e., augmentation) et sur l’effet de fixation (i.e., diminution). Toutefois, aucune influence de
nos conditions expérimentales n’a été relevée. Cette absence d’effet des contextes sociaux
manipulés peut, d’une part, être due à l’absence de différence motivationnelle entre les deux
conditions. En se basant sur le modèle d’Amabile (e.g., 1996, 2012), nous anticipions que
l’effet néfaste du contexte (i.e., attente d’évaluation contrôlée) serait lié à une augmentation
des préoccupations extrinsèques et par conséquent à une diminution de l’intérêt intrinsèque
141
pour la tâche. De la même façon, l’attente d’une évaluation informationnelle aurait
augmenter la motivation intrinsèque des participants et nous nous attendions à ce que ces
effets motivationnels soient d’autant plus importants durant la première moitié de
l’adolescence (10-15 ans) par rapport à la fin d’adolescence (17-23 ans). Néanmoins, quel que
soit le groupe d’âge et la condition, les participants étaient davantage motivés
intrinsèquement qu’extrinsèquement. Ces premières données motivationnelles ne semblent
pas aller dans le sens de la théorie d’Amabile (e.g., 1996, 2012). Nous notons toutefois que la
motivation intrinsèque, de manière générale, a mené à une augmentation de la fluence mais
également de l’effet de fixation, sans pour autant influencer l’expansivité. Bien que nos
interprétations soient relativement limitées par l’absence d’effet du contexte et de l’âge de
nos participants, ces dernières données motivationnelles confirment l’importance de porter
une attention toute particulière à la nature des idées générées (i.e., en fixation ou en
expansion) lors de l’étude de la créativité.
D’autre part, alors que notre contexte d’attente d’évaluation contrôlée aurait induire un
certain sentiment de compétition, on observe que celui-ci est relativement faible et qu’il n’a
pas différé par rapport aux autres conditions. Le manque de saillance des aspects sociaux
manipulés dans cette condition pourrait bien être à l’origine de ces résultats inattendus. En
effet, on sait que le contexte compétitif influence de nombreux processus cognitifs (e.g.,
Baron, 1986 ; Habib et al., 2015) dont la créativité (e.g., Deci & Ryan, 1980 ; Amabile, 1982). Il
pourrait bien être une condition sine qua none à l’influence néfaste de l’attente d’une
évaluation contrôlée. Mais si le manque de sentiment compétitif peut expliquer l’absence de
résultats dans notre condition d’évaluation contrôlée, il ne semble pas que cela puisse être le
cas pour notre condition d’évaluation informationnelle. Cette évaluation aurait
augmenter - tout comme dans l’évaluation contrôlée d’ailleurs - le sentiment d’évaluation par
142
les pairs, mais nous ne relevons cette augmentation que chez les adolescents tardifs. Par
ailleurs, on observe que tous les participants se sont sentis évalués par l’expérimentateur de
façon importante, ce qui vient confirmer à nouveau l’hypothèse du manque de saillance des
contextes sociaux manipulés. Par conséquent, il semble primordial de mener de nouvelles
expérimentations en mettant en place des situations sociales plus prégnantes, notamment
comme un contexte de compétition explicite. L’évaluation pouvant répondre à des aspects
contrôlés ou informationnels, il semble également important de s’interroger sur l’existence
de différents types de compétition afin d’examiner leurs éventuelles influences respectives.
L’interaction entre créativité, facteurs sociaux et biais de fixation étant relativement
complexe et peu renseignée, il semble légitime de se pencher dans un premier temps sur une
seule même période du développement. Afin d’obtenir autant d’informations que possibles
sur les facteurs pouvant tenir un rôle déterminant dans cette interaction, et d’aller plus loin
dans nos interprétations, nous nous consacrerons par conséquent à l’adolescence tardive
(17/18-23 ans) dans nos prochains travaux. L’étude de la créativité et des biais cognitifs
associés en contexte social selon une approche développementale restant à part entière
essentielle, il sera primordial, par la suite, de s’y intéresser tout en prenant en considération
les éventuelles nouvelles informations que l’on aura réussi à obtenir dans nos travaux.
143
Étude 2
Compétition et créativité : stimulation
de la génération d’idées créatives par
les compétiteurs out-group
144
1. INTRODUCTION
La compétition impacte le comportement et les performances dans divers domaines
tels que le sport, les sciences, les relations professionnelles, ou encore l’éducation (e.g.,
Anderson et al., 2007 ; Belfield & Levin, 2002 ; Hermalin, 1992). Les études en psychologie
cognitive et sociale s’accordent à montrer qu’être en compétition avec d’autres individus
influence, en outre, les processus cognitifs comme l’attention (Baron, 1986 ; Muller et al.,
2004), le raisonnement (Nemeth, 1986), l’apprentissage (Butera, Darnon, Buchs, & Muller,
2006) ou encore les émotions (Habib et al., 2015). La créativité n’échappe pas à cette
influence. Comme nous l’avons abordé, de nombreuses études ont en effet rapporté une
influence de facteurs externes et sociaux comme l’évaluation (e.g., Amabile, 1979 ; Shalley &
Perry-Smith, 2001), la récompense (e.g., Amabile et al., 1986), la surveillance (e.g., Amabile et
al., 1990) ou la collaboration (e.g., Gilson & Shalley, 2004). Quelques auteurs se sont
également penchés sur le lien entre compétition et capacités à générer des solutions à un
problème créatif mais rapportent des effets contradictoires (e.g., Deci & Ryan, 1980 ; Amabile,
1982 ; Navaresse et al., 2014 ; Shalley & Oldham, 1997). L’objectif de notre recherche sera
alors de déterminer dans quelles mesures performer face à des compétiteurs est bénéfique
ou néfaste à la créativité.
Le modèle motivationnel d’Amabile (1983, 1996) suppose que le fait de répondre à des
tâches créatives face à des compétiteurs diminue la motivation intrinsèque et ainsi, les
performances créatives (e.g., Amabile, 1982, 1983 ; Deci et al., 1981 ; Deci & Ryan, 1980 ;
McGlynn et al., 1982). Amabile (1982) montre par exemple qu’en mettant en compétition des
enfants sur une tâche de collage créatif, les performances étaient moins bonnes que quand
ils n’étaient pas en compétition. En effet, si les participants anticipaient une récompense
145
distribuée au meilleur d’entre eux plutôt que distribuée aléatoirement (i.e., pas de
compétition) à la fin de l’expérimentation, la motivation intrinsèque et la créativité globale de
la production diminuaient. Néanmoins, on observe un soutien mitigé de cette perspective
motivationnelle puisque, contrairement aux études susmentionnées, un certain nombre
d’études rapportent une amélioration de la performance créative dans un contexte de
compétition (Amabile & Gryskiewicz, 1987 ; Oldham & Cummings, 1996 ; Raina, 1968 ;
Torrance, 1965). Par exemple, Raina (1968) évalue la pensée créative divergente en
demandant à 40 sujets de générer des améliorations et des utilisations inhabituelles d’objets
(voir aussi Phathak, 1962). Les participants étaient divisés en 2 groupes : le groupe contrôle
recevait uniquement les instructions relatives à la tâche alors que le groupe en compétition
recevait ces instructions et était informé que 3 récompenses seraient distribuées aux trois
meilleurs. L’auteur observe que les participants qui étaient en compétition ont généré plus
d’idées (i.e., fluence plus importante) et ont utilisé plus de catégories différentes (i.e.,
flexibilité plus importante) que les participants assignés au groupe contrôle.
Ainsi, si dans certains cas porter son attention sur des facteurs externes à la tâche
comme la compétition semble pouvoir être bénéfique, cela signifie que la motivation ne suffit
pas à expliquer la relation entre ce contexte social spécifique et la créativité. Au même titre
que l’attente d’une évaluation peut avoir différentes dimensions (i.e., informationnelle ou
contrôlée), il semblerait que la compétition puisse impliquer différents aspects contextuels.
A ce jour, peu d’auteurs se sont penchés sur les effets de la compétition et des
dimensions différentes qu’elle pourrait avoir. Shalley & Oldham (1997) ont étudié le lien entre
créativité et compétition à travers les effets de la présence et de la visibilité des compétiteurs.
Les participants devaient soit concourir avec des personnes présentes dans la pièce, soit
concourir avec des personnes absentes, soit ne pas concourir. De plus, l’expérimentation
146
s’effectuait soit avec d’autres participants visibles (i.e., en coaction) soit individuellement.
L’aspect de compétition contrôlée (i.e., « controlling ») est considéré comme plus saillant
lorsque les concurrents sont présents et visibles (Ross, 1975 ; Shalley & Oldham, 1997). Et
pour cause, il s’agit de la situation dans laquelle les participants peuvent ressentir de
l’embarras, une perte d’estime de soi (Seta et al., 1976 ; Shalley & Oldham, 1997) et dans
laquelle ils vont effectuer la tâche avec, principalement, la volonté de gagner la compétition.
L’aspect informationnel est considéré comme saillant lorsqu’il y a compétition avec des
personnes présentes mais non-visibles et lorsqu’il y a compétition avec des personnes
absentes, soit en coaction soit seul. Dans la première situation, les auteurs rapportent en effet
que le participant va recevoir des informations sur ses performances par rapport à celles des
autres sans que les concurrents ne soient identifiables, c’est-à-dire sans la présence d’une
menace directe. Dans les deux autres conditions, Shalley et Oldham considèrent que les
individus auront également des informations quant à leurs performances, sans menace
directe, et que la visibilité des pairs (coaction vs individuel) n’aura pas d’influence sur la
compétitivité. Comme attendu, les scores de créativité étaient meilleurs lorsque les
concurrents étaient présents non-visibles (i.e., condition informationnelle) et lorsqu’ils étaient
absents (i.e., condition informationnelle mais seulement lorsque le participant était en
coaction). Toutefois, contrairement aux attentes des auteurs, la troisième condition
informationnelle (i.e., en compétition avec des individus absents mais sans coaction) a mené
à une diminution des performances créatives. Les auteurs soulèvent alors l’importance de la
visibilité des pairs. Autrement dit, la coaction semble jouer un rôle dans l’amélioration des
performances lorsque les participants sont en compétition avec des individus absents. La
simple distinction entre les aspects informationnel et contrôlé ne semble donc pas suffire à
expliquer les influences rapportées. De plus, l’effet néfaste anticipé en condition de
147
compétition contrôlée n’a pas été observée. Pour discuter ce dernier résultat, les auteurs
mentionnent le manque de saillance de l’aspect contrôlé de la compétition. En effet, les
participants recevaient leur classement seulement a posteriori par courrier. Au vu de ces
quelques résultats inattendus, il semble important de tester à la fois l’influence d’une
condition de compétition plus directe et explicite, et à la fois de vérifier les sentiments de
compétition et d’évaluation des participants, ainsi que leur motivation en fonction des
conditions, afin d’obtenir des indications quant aux effets de contextes compétitifs
spécifiques.
Une seconde étude s’est intéressée à l’impact de la compétition pour une récompense
sur la créativité (Navaresse et al., 2014). Les auteurs manipulent le contexte compétitif avec
deux conditions : (a) un groupe contrôle, sans compétition, dans lequel les 4 individus d’une
équipe reçoivent une récompense à parts égales à condition d’être dans la moitié supérieure
du classement final (i.e., de toutes les équipes) et (b) un groupe expérimental, en compétition,
soumis à cette même condition de classement final mais avec également une compétition in-
group. Seuls les 2 meilleurs du groupe recevront la récompense. Dans une tâche de simulation
d’entreprise, les étudiants américains doivent accomplir des activités ouvertes pendant 3
heures. Par exemple, ils reçoivent une note indiquant qu’une entreprise a des problèmes avec
un client importateur ayant annulé une importante commande. Jeter le matériel n’est pas une
option envisageable et les chances de recevoir une compensation sont minimes voire
inexistantes. Les participants doivent trouver des idées pour éviter la perte financière. Des
juges évalueront la créativité des solutions proposées. Aucune interaction n’a eu lieu entre les
membres de différents groupes mais ils travaillaient cependant en collaboration au sein de
leur équipe de 4. Les auteurs s’attendaient à observer une plus haute créativité dans la
condition sans compétition qu’en condition compétition. Cependant, aucun effet n’a été
148
relevé. Nous pouvons nous questionner sur la réelle absence de compétition dans leur
condition contrôle. En effet, on pourrait parler ici de compétition out-group puisque chaque
équipe effectue la tâche avec l’objectif d’être dans la moitié supérieure du classement
intergroupes. Ainsi, leur condition contrôle serait une condition de compétition out-group et
leur condition expérimentale une condition de compétition out-group et in-group. De ce fait,
il semblerait intéressant à la fois de mettre en place une condition sans aucune compétition
et des conditions expérimentales permettant de tester l’effet de compétition in-group puis
indépendamment l’effet de compétition out-group. Cette distinction contextuelle pourrait
nous apporter de nouveaux éléments de réponses quant au débat présent dans la littérature.
De plus, la collaboration étant reconnue par diverses recherches comme étant un contexte
pouvant à la fois améliorer les performances créatives (e.g., Gilson & Shalley, 2004 ; Manz &
Sims, 1987 ; Paulus & Nijstad, 2003 ; Osborn, 1963, 1963 ; Uzzi & Spiro, 2005) ou avoir un effet
délétère (Camacho & Paulus, 1995 ; Diehl & Stroebe, 1991 ; Muttagi, 1981 ; Nijstad et al.,
2003 ; Paulus, & Nijstad, 2003 ; Pinsonneault et al., 1999 ; Uzzi, & Spiro, 2005), il semblerait
intéressant d’évaluer l’influence d’un contexte compétitif in-group et out-group sans que les
participants doivent collaborer contrairement à l’étude de Navaresse et al. (2014).
La différence de tâches (AUT vs in-basket task) et de contextes utilisés (compétition,
récompenses, collaboration ou simple coaction), le fait de mettre les participants en
compétition parfois sur la fluence (Shalley, & Oldham, 1997) parfois sans indication spécifique
(Navaresse et al., 2014), le manque de mesure motivationnelle, ainsi que le manque de
manipulation et de distinction entre compétition in-group et out-group pourraient expliquer
l’inconsistance des résultats des deux études susmentionnées et des études antérieures.
En effet l’in-group est défini comme étant un groupe social auquel l’individu se sent
appartenir, avec lequel il sent qu’il partage des similarités saillantes. L’out-group quant à lui
149
est défini en référence directe avec l’in-group : il se réfère aux « autres », aux individus en
dehors de l’in-group. Il s’agit d’un groupe social pour lequel l’individu ne ressent aucun
sentiment d’appartenance (Gundelach, 2018). Les auteurs s’accordent sur un favoritisme
marqué envers l’in-group et une dévalorisation des caractéristiques et des performances de
l’out-group (Bass & Duntemann, 1965 ; Blake et Mouton, 1962 ; Gundelach, 2018 ; Heider,
1958 ; Rabbie & Wilkens, 1971 ; Sherif, 1961 ; Sherif, 1962 ; Sumner, 1906 ; Tajfel & Turner,
1986 ; Turner et al., 1979). La théorie de l’identité sociale (Tajfel, 1978, 1982 ; Tajfel, & Turner,
1979, 1986 ; Smyth, & Pryke, 2008) nous renseigne également sur une augmentation de la
motivation intrinsèque en compétition out-group, celle-ci permettant à l’individu de s’engager
dans des actions qui favorisent le bien-être du groupe de travail.
Nous manipulerons le contexte compétitif avec 3 conditions : une condition contrôle
sans compétition, une condition avec compétition in-group et une condition avec compétition
out-group. Dans chacune des conditions, les individus génèreront en coaction. Il sera
également spécifié pour les deux groupes expérimentaux, qu’ils seront en compétition sur la
créativité de leurs idées. Sur la base des études et arguments antérieurs, nous avons proposé
les hypothèses suivantes :
Hypothèse 1 : si la compétition out-group augmente la motivation intrinsèque des participants
(e.g Tajfel, 1978, 1982), alors ils devraient proposer un nombre plus important de solutions en
expansion (Shalley, & Oldham, 1997) que les participants qui performent sans compétition ou
en compétition in-group. Nous examinerons également si l’effet de fixation a pu être diminué.
Hypothèse 2 : si la compétition in-group diminue la motivation intrinsèque des participants,
alors ils devraient proposer un nombre moins important de solutions en expansion (e.g.,
Amabile, 1982, 1983 ; Deci et al., 1981 ; Deci & Ryan, 1980) que les participants du groupe
150
contrôle et du groupe en compétition out-group. Nous examinerons également la façon dont
l’effet de fixation a été impacté.
2. METHODE
2.1. Participants
Cent soixante étudiants de l’Université de Paris ont participé à cette étude. Vingt-trois
d’entre eux ont été identifiés comme outliers
9
et ont donc été retirés des analyses. Notre
échantillon est ainsi composé de 137 adolescents tardifs (M = 19.1ans, ET = 1.27 ; Rang : de
18 à 23 ans ; 126F/11H) assignés aléatoirement à l’une de nos trois conditions
expérimentales : une condition de compétition in-group (n = 43), une condition de
compétition out-group (n = 47) et une condition contrôle (i.e., sans compétition ; n = 47). La
moyenne d’âge n’a pas différé entre les trois groupes, F(2,134) < 1, tout comme la distribution
hommes/femmes, χ2(2) = 1.43, p > .05.
La taille de l’échantillon a été prédéterminé grâce à une analyse de puissance a priori
via G*Power 3.1.9.2 (Faul et al., 2009). Cette analyse a révélé qu’un minimum de 111
participants serait nécessaire pour obtenir une taille d’effet modérée de 0.3 (selon les
conventions de taille d’effet de Cohen) avec une puissance (1 – β) fixée à 0.80 et un α fixée à
0.05. Tous les participants ont fourni un consentement écrit et ont été testés conformément
aux normes nationales et internationales régissant l’étude des participants à la recherche sur
l’homme.
9
Pour rappel, une analyse graphique (boxplot) et une analyse numérique (méthode d’estimation à partir des
quartiles de la distribution) ont été effectuées sur la variable âge et nos variables de créativité (fluence, effet de
fixation et expansivité).
151
Tableau 4.
Données épidémiologiques par condition.
2.2. Procédure
Quelles que soit les conditions expérimentales, les participants ont complété un
questionnaire motivationnel (Guay et al., 2000), un questionnaire de régulation
interpersonnelle (Williams et al., 2018), une tâche de créativité (Agogué et al., 2014 ; Cassotti
et al., 2016), et ont terminé avec un questionnaire permettant d’évaluer leurs sentiments
d’évaluation et de compétition durant la tâche créative. Après que les participants ont eu
complété et signé le consentement, l’expérimentateur a donné les consignes générales afin
d’informer les participants du déroulement de l’expérimentation mais également d’établir le
contexte de compétition dans les deux groupes expérimentaux concernés (i.e., condition de
compétition in-group et out-group).
Dans le groupe contrôle (i.e., sans compétition), les participants ont été informés que
les trois étapes (i.e., les deux premiers questionnaires et la tâche créative) s’effectueraient
uniquement de manière individuelle bien qu’ils soient en coaction (les individus étaient par
groupe de 10) pour des raisons pratiques. En réalité, que la tâche se déroule en situation de
coaction nous permet d’évaluer les éventuels impacts de la compétition tout en contrôlant
l’effet possible de la coaction. Avant de commencer la tâche de créativité (i.e., tâche de l’œuf),
Conditions
Effectifs (N)
Âge moyen (écart-type)
Répartition du
genre
(Femmes/Hommes)
Compétition in-group
43
19.1 (1.17)
39 / 4
Condition contrôle
47
19.0 (1.1)
42 / 5
Compétition out-group
47
19.2 (1.51)
45 / 2
152
l’expérimentateur informait les individus qu’ils auraient cinq minutes pour proposer un
maximum de solutions créatives possible à un problème (i.e., tâche de l’œuf), qu’il n’y avait ni
bonne, ni mauvaise réponse, et qu’ils étaient libres de proposer ce qu’ils souhaitaient.
Figure 20. Déroulement chronologique de l’expérimentation
Dans les deux conditions de compétition, les participants ont reçu les mêmes
instructions mais avec des indications supplémentaires avant de compléter le premier
questionnaire (i.e., motivation). En effet, dans la condition de compétition in-group,
l’expérimentateur a expliqué aux participants qu’à la fin de l’expérimentation, il comparerait
les idées proposées par chacun afin de déterminer lequel d’entre eux aura été le meilleur et
lequel aura été le moins bon, autrement dit, celui qui aura proposé le plus d’idées créatives
et celui qui en aura proposé le moins. Dans la condition de compétition out-group,
l’expérimentateur a expliqué aux participants qu’à la fin de l’expérimentation, il comparerait
leurs idées à ceux d’étudiants venant d’une autre université, qu’il déterminerait quelle
université a été la meilleure et la moins bonne, en d’autres termes, celle qui aura proposé le
plus d’idées créatives et celle qui en aura proposé le moins. Tous les participants ont eu
153
également à évaluer chacune de leurs idées au fur et à mesure de la génération sur des
échelles allant de 1 (pas du tout créative) à 7 (tout à fait créative).
2.3. Mesures
Créativité. Les idées générées à la tâche de l’oeuf durant 5 minutes ont été analysées à partir
de notre mesure systématique et objective : comme dans la première étude, nous avons
analysé la fluence (i.e., nombre moyen d’idées), la flexibilité (i.e., nombre de catégories
différentes), le nombre d’idées en fixation (i.e., idées intuitives et heuristiques) ainsi que le
nombre d’idées en expansion (i.e., expansions, idées créatives).
Évaluation subjective de la créativité. Nous avons analysé les évaluations créatives faites par
les participants en fonction du type d’idées générées (i.e., en fixation ou en expansion).
Sentiments des participants vis-à-vis du contexte. Nous avons analysé les échelles de Likert en
7 points portant sur les sentiments d’évaluation par les pairs, par l’expérimentateur, ainsi que
le sentiment de compétition avec les individus présents et des individus non-présents.
Motivation. Nous avons utilisé le même questionnaire que dans la première étude, celui-ci
nous permettant d’obtenir une mesure complète de la motivation intrinsèque, de la
motivation extrinsèque et de l’amotivation.
Régulation émotionnelle interpersonnelle. Nous avons soumis aux participants un
questionnaire de régulation émotionnelle interpersonnelle (Williams et al., 2018) afin
d’évaluer leur tendance à réguler leurs émotions par l’intermédiaire d’autrui (voir Ivcevic &
Brackett, 2015 ; Hoffman & Russ, 2012 ; Zaki & Williams, 2013). Comme la régulation
émotionnelle intra-personnelle, la régulation interpersonnelle concerne la tentative des
individus à atteindre un but précis en gérant leurs émotions à travers des stratégies
154
spécifiques (Gross, 1998). A la différence de la première, la régulation interpersonnelle
nécessite qu’il y ait la présence d’autres individus. Nous avons donc décidé de vérifier si la
tendance à se tourner vers autrui pour réguler ses émotions négatives et positives ne jouerait
pas un rôle dans l’interaction entre contexte social et créativité, aussi bien sur l’expansivité
que sur l’effet de fixation.
3. RESULTATS
Les eta carré partiel p2) et les d de Cohen (d) sont utilisés pour évaluer les tailles d’effet
dans l’ensemble de nos analyses. Toutes les valeurs de significativité (p) reportées sont
corrigées avec la méthode Bonferroni.
3.1. Créativité
La fluence moyenne, la flexibilité, les scores de fixation (i.e., nombre d’idées appartenant à
l’effet de fixation) et les scores d’expansivité ont été soumis à des ANOVAs à un facteur.
Fluence. Les résultats montrent un effet principal des conditions, F(2,134) = 5.65, p =
.004, ηp2= .08. En effet, les post-hoc révèlent qu’en compétition in-group (M = 7.91, ET =
2.28), les participants proposent moins d’idées qu’en compétition out-group (M = 8.98, ET =
2.19), t(134) = 2.32, p = .02, d = .48. De la même façon, en condition contrôle (M = 7.51, ET =
2.09), les individus ont généré moins d’idées qu’en compétition out-group, t(134) = 3.26, p =
.001, d = .69.
Flexibilité. L’ANOVA nous renseigne d’un effet principal de la condition, F(2, 134) =
5.49, p = .005, ηp2= .08. Les post-hoc relatifs à cet effet indiquent que les participants en
compétition out-group (M = 6.85, ET = 1.92) ont utilisé plus de catégories différentes que les
155
participants en condition contrôle (M = 5.57, ET = 1.84), t(134) = 3.22, p = .005, d = .66. On
relève également un effet marginal entre la condition de compétition out-group et de
compétition in-group (M = 5.93, ET = 2.02), t(134) = 2.27, p = .08, d = .48.
Effet de fixation et expansivité. Concernant l’effet de fixation, les analyses n’ont pas
révélé d’effet principal de la condition, F(2, 134) = 1.87, p = .16. Toutefois, les analyses portant
sur les scores d’expansivité (i.e., nombre moyen d’idées en expansion) ont révélé un effet de
la condition avec F(2,134) = 4.65, p = .01, ηp2 = .07. L’expansivité était plus haute dans la
condition de compétition out-group (M = 3.11, ET = 2.12) que dans la condition contrôle (M =
2.15, ET = 1.56), t(134) = 2.49 , p = .04, d = .51, ou que dans la condition de compétition in-
group (M = 2.02, ET = 1.87), t(134) = 2.75, p = .02, d = .58.
Figure 21. Scores de fixation et scores d’expansivité en fonction des conditions. * p<.05. Les barres
d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM).
156
Tableau 5.
Scores de fixation et scores d’expansivité en fonction des conditions
Note. Chaque cellule contient les scores moyens et l’écart-type moyen (ET)
3.2. Évaluation subjective des idées
Afin d’analyser les scores créatifs attribués par les participants en fonction de leur
condition et du type d’idées, nous avons supprimé les individus n’ayant généré qu’un seul
type de réponses (i.e., soit uniquement des fixations, soit uniquement des expansions).
L’échantillon utilisé pour mener cette ANOVA à mesures répétées est donc de 132 individus.
Une analyse de variance à mesures répétées a été effectuée afin de voir si les participants
jugeaient différemment ou non leurs idées en expansion de leur idée en fixation (facteur intra-
sujets) et ce, en fonction de la condition expérimentale (facteur inter-sujets). L’analyse n’a pas
révélé d’effet d’interaction ni d ‘effet principal de la condition (p > .05) mais un effet du type
d’idées, F(1, 129) = 4.84, p = .03, ηp2 = .04. En effet, de manière générale, les individus ont
jugé comme étant plus créatives les idées en expansion (M = 4.19, ET = 1.37) que les idées en
fixation (M = 3.89, ET = 0.92).
Conditions
Scores de fixation
Score d’expansivité
Compétition in-group
5.88 (2.01)
2.02 (1.87)
Condition contrôle
5.19 (1.95)
2.15 (1.56)
Compétition out-group
5.87 (1.95)
3.11 (2.12)
Total
5.64 (1.98)
2.44 (1.91)
157
3.3. Analyses supplémentaires
Motivation. Les scores moyens de motivation intrinsèque, de motivation extrinsèque
et d’amotivation ont été soumis à une analyse de variance à mesures répétées (ANOVA) avec
la condition comme facteur inter-sujets. Un effet principal des sous-échelles, F(2,268) =
349.29, p < .001, ηp2 = .72 révèle que les participants, indépendamment de la condition,
étaient plus motivés intrinsèquement (M = 4.86, ET = 0.945) qu’extrinsèquement (M = 3.16,
ET = 0.629) et qu’amotivés (M = 2.09, ET = 0.963). L’effet d’interaction était significatif,
F(4,268) = 4.13, p = .003, ηp2 = .06 et les post-hoc
10
révèlent que les participants en
compétition in-group et out-group (M = 5.11, ET = 0.87 ; M = 4.99, ET = 0.920 respectivement)
étaient plus motivés intrinsèquement que les participants dans la condition contrôle (M = 4.5,
ET = 0.947), t(397) = 3.44, p < .001, d = .67 et t(397) = 2.84, p = .005, d = .53 respectivement.
De la même façon, les participants en condition contrôle étaient plus amotivés (M = 2.3, ET =
1.06) que ceux qui effectuaient l’expérimentation en compétition in-group (M = 1.95, ET =
0.98), t(397) = 1.97, p = .05, d = .34, et une tendance était observée par rapport à ceux qui
étaient en compétition out-group (M = 1.99, ET = 0.81), t(397) =1.83, p=.07, d=.33. Enfin, les
résultats ne révèlent pas de différence significative entre les trois conditions concernant la
motivation extrinsèque (M = 3.16, ET = 0.63).
Régulation émotionnelle interpersonnelle. Les scores moyens des sous-échelles à l’IRQ
ont été soumis à une ANOVA à mesures répétées avec la condition comme facteur inter-sujets.
10
Pour rappel, les tests post-hoc relatifs aux ANOVAs à mesures répétées reposent sur la méthode du test-t de
Welch. Par conséquent, lorsque le facteur intra-individuel est impliqué dans la comparaison post-hoc, le degré
de liberté (ddl) repose non seulement sur le nombre d’observations mais également sur la variance observée
contrairement au test-t de Student. Certains ddl sont donc supérieurs à ce que l’on aurait observé avec le t de
Student mais les valeurs des tests ne diffèrent nullement.
158
Les résultats ont montré une absence d’effet d’interaction (p > .05) et d’effet principal de la
condition. Autrement dit, quel que soit la condition, les participants régulent de la même
façon leur émotions à travers autrui. En outre, les analyses de régression linéaire multiple sur
les scores d’expansivité, l’effet de fixation ou la fluence en fonction des conditions
expérimentales et de la tendance à réguler ses émotions négatives ou positives par
l’intermédiaire d’autrui, ne révèlent ni d’effets principaux ni d’effet d’interaction.
Évaluation par les autres. Les scores moyens du sentiment d’évaluation par les pairs
ont été soumis à une ANOVA à un facteur révélant un effet principal de la condition, F(2,134)
= 6.12, p = .003, ηp2 = .08. Les post-hoc montrent que les participants en compétition in-group
(M = 4.02, ET = 1.65) se sont sentis plus évalués par les autres que ceux qui étaient dans la
condition contrôle (M = 2.81, ET = 1.71), t(134) = 3.29, p = .001, d = 0.72. De la même façon,
les participants en compétition out-group se sont sentis plus évalués (M = 3.77, ET = 1.87) que
le groupe contrôle, t(134) = 2.65, p = .009, d = .54. Aucune différence n’a été trouvé entre les
conditions de compétition in-group et out-group.
Sentiment d’évaluation par l’expérimentateur. L’analyse de variance portant sur le
sentiment d’évaluation par l’expérimentateur a révélé une absence d’effet principal de la
condition, F(2, 134) < 1. Le score moyen des participants était de 3.80 (ET = 1.83).
Compétition avec les autres (présents et absents). Les scores moyens du sentiment de
compétition avec d’autres personnes présentes dans la pièce ou absentes ont été soumis à
des analyses de variance à un facteur (ANOVA) avec le facteur inter-sujets conditions. Les
résultats révèlent un effet principal concernant le sentiment de compétition avec des
individus présents en fonction de la condition, F(2, 134) = 24.97, p < .001, ηp2 = .27. Plus
spécifiquement, les post-hoc révèlent que les participants en compétition in-group se sont
159
sentis plus en compétition (M = 3.58, ET = 2.01) que les participants en condition contrôle (M
= 2.77, ET = 1.91), t(243) = 2.03, p = .04, d = .41. Nous ne notons pas de différence avec le
groupe en compétition out-group (M = 2.96, ET = 1.89 ; p > .05). Concernant le sentiment de
compétition avec des participants non-présents, les analyses montrent que les participants en
compétition out-group (M = 4.49, ET = 2.27) se sentaient plus en compétition que ceux
appartenant à la condition contrôle ou qui étaient en compétition in-group (M = 1.81, ET =
1.66 ; M = 2.02, ET = 1.44 respectivement), t(243) = 6.81, p < .001, d = 1.35 et t(243) = 6.13, p
< .001, d = 1.3 respectivement.
Figure 21. Représentation graphique des quatre ANOVAs portant sur les sentiments vis-vis du
contexte, en fonction des conditions expérimentales (Scores moyens /7). *** p<.001, ** p<.01, *
p<.05. Les barres d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM).
160
3.4. Analyses exploratoires
Median Split sur les ressentis des participants. Nous avons mené des analyses sur nos
mesures de vérification afin de décrire au mieux les effets précédemment rapportés sur les
scores d’expansivité. Nous avons divisé nos participants au sein de chaque groupe en fonction
de leurs scores aux quatre dernières questions de l’expérimentation (i.e., sentiment
d’évaluation par les autres, par l’expérimentateur, sentiment de compétition avec des
individus présents, sentiment de compétition avec des individus absents). Par exemple, la
médiane des participants en compétition out-group concernant le sentiment de compétition
avec des personnes présentes était de 2 : chaque participant a alors été codé comme « 0 » si
son score était inférieur ou égal à 2 et comme « 1 » si son score était supérieur à 2. Les scores
moyens d’expansivité ont été soumis à trois analyses de variance à un facteur avec la condition
expérimentale (compétition in-group, compétition out-group, condition contrôle) ainsi que le
niveau de sentiment (bas Vs., haut) comme facteurs inter-sujets. Seule l’ANOVA portant sur
le sentiment de compétition avec d’autres individus présents a révélé un effet d’interaction,
F(2,131) = 3.3, p = .04, ηp2 = .05. Les post-hoc révèlent que nos résultats concernant
l’expansivité ne sont retrouvés que chez les participants de la condition out-group qui ont
ressenti un faible sentiment de compétition avec les pairs présents. En effet, parmi tous les
participants qui avaient un faible sentiment de compétition avec les individus présents, ceux
en compétition out-group avaient de meilleurs scores d’expansivité (M = 3.69, ET = 2.15) par
rapport à ceux de la condition contrôle (M = 1.93, ET = 1.38), t(131) = 3.5, p = .01, d=.96 ou
ceux en compétition in-group (M = 1.91, ET = 2.00), t(131) = 3.35, p = .02, d = .97.
161
Figure 22. Scores d’expansivité en fonction du niveau de sentiment de compétition in-group (bas vs
haut) et de la condition. *** p<.001, ** p<.01. Les barres d’erreurs représentent les erreurs
standards de la moyenne (SEM).
4. DISCUSSION
L’objectif de cette étude était d’examiner les effets de la compétition in-group et out-
group sur la capacité à surmonter l’effet de fixation dans la génération d’idées créatives. En
effet, nous avons mis en place trois conditions dans lesquelles les participants généraient en
coaction et étaient soit en compétition avec les individus présents (i.e., compétition in-group),
soit en compétition avec des individus non-présents (i.e., compétition out-group), soit en
simple coaction (i.e., sans compétition, condition contrôle). Trois conclusions majeures sont
ressorties de cette expérimentation. (1) La compétition (in-group et out-group) a augmenté la
motivation et plus spécifiquement la motivation intrinsèque par rapport à la condition
contrôle. (2) La compétition in-group n’a pas eu d’effet sur la performance créative. (3) La
162
performance créative des individus était meilleure lorsqu’ils étaient compétition out-group
plutôt qu’en compétition in-group ou en simple coaction.
Le fait que l’augmentation de la motivation intrinsèque soit associée à une
amélioration de la créativité chez les participants en compétition out-group peut être
directement lié et expliqué par la théorie motivationnelle d’Amabile (1979, 1983). En effet, si
une personne est profondément impliquée dans son travail ou dans la tâche à accomplir pour
des raisons intrinsèques, le degré de motivation intrinsèque pourra être relativement
imperméable aux effets néfastes des facteurs extrinsèques. Toutefois, nous avons constaté
que les individus qui généraient en compétition in-group étaient également plus motivés
intrinsèquement, et de surplus, que leur performance n’avait pas été améliorée. Que nous
nous basions sur la théorie motivationnelle d’Amabile ou sur la théorie de l’évaluation
cognitive (Deci, 1975 ; Deci & Ryan, 1980), cette condition impliquant une forte concurrence
aurait dû diminuer la motivation intrinsèque ainsi que la performance. Comme la motivation
a augmenté dans deux conditions sans avoir le même effet sur la génération d’idées créatives,
cela signifie que des facteurs autres que motivationnels ont joué un rôle dans cette
interaction. Shalley et Perry-Smith (2001) rapportaient déjà, d’ailleurs, que bien qu’il y ait des
effets du contexte social sur la génération d’idées créatives, la motivation intrinsèque n’était
pas pour autant une variable médiatrice. Nos résultats semblent confirmer cette idée.
Alors que nous nous attendions à une détérioration des performances créatives en
compétition in-group, aucun impact n’a été révélé. Shalley et Oldham (1997) ont eux aussi
manipulé une condition dans laquelle les participants étaient en compétition in-group sans
pour autant observer de diminution de la créativité. Comme l’avance les auteurs, le manque
de saillance du contexte compétitif pourrait être en cause. Toutefois, cette hypothèse semble
peu probable dans notre cas étant donné que l’aspect concurrentiel était bien supérieur par
163
rapport au groupe contrôle, ce que nos mesures complémentaires (i.e., questionnaire de fin)
ont par ailleurs validé. La simple présence d’une compétition avec des coacteurs présents ne
semble donc suffire pour que l’on puisse observer une diminution de la créativité. On peut
alors s’interroger sur l’éventuel rôle que joue la position du participant par rapport à autrui.
En effet, Festinger (1954) affirme que les individus ont tendance à comparer leurs opinions et
leurs performances à celles des autres afin de s’évaluer et de s’améliorer. Étant donné que les
comparaisons ascendantes (e.g., se comparer à des personnes que l’on considère plus
compétentes) et descendantes (e.g., se comparer à moins compétent que soi) semblent avoir
des effets à la fois sur l’opinion que les individus ont des autres, et sur leurs performances
(e.g., Festinger, 1954 ; Zajonc, 1965), il semblerait intéressant de manipuler
expérimentalement ces deux types de comparaison sociale dans un contexte compétitif en
génération d’idées créatives. La compétition in-group a pu induire des types de comparaison
sociale (i.e., ascendante, latérale et/ou descendante) ayant des effets différents, susceptibles
d’avoir contrebalancé l’effet négatif du contexte.
Concernant l’amélioration des performances créatives en compétition out-group, il est
tout d’abord nécessaire de préciser que celle-ci ne concerne que l’expansivité conceptuelle et
la fluence. En effet, ce contexte a augmenté la performance créative des participants sans
pour autant diminuer l’effet de fixation. Zajonc (1965) avançait que la simple présence des
autres devait augmenter le drive (i.e., éveil physiologique) et par conséquent la probabilité
d’apparition de la réponse dominante tout en diminuant la probabilité d’apparition des
réponses subordonnées (Zajonc & Sales, 1966). L’augmentation des réponses subordonnées
(i.e., expansivité) dans notre condition de compétition out-group entre en contradiction avec
ces prédictions puisque générer des idées créatives semble pouvoir être facilité dans certaines
situations sociales. Si nous ne pouvons vérifier les prédictions de Zajonc (1965) concernant les
164
réponses dominantes (i.e., idées en fixation) - étant donné que notre groupe contrôle repose
sur une situation de coaction nous pouvons néanmoins avancer que l’amélioration de
l’expansivité et de la productivité n’est pas due à la simple présence d’autrui. Quels facteurs
ont pu permettre aux participants en compétition avec des étudiants fictifs et absents
d’augmenter leur productivité et le nombre d’idées créatives générées ?
Tout d’abord, on aurait pu s’attendre à ce que le sentiment d’évaluation par les pairs
présents soit moins important en compétition out-group par rapport aux deux autres
conditions et qu’il aurait s’agit d’une variable minimisant l’effet négatif du contexte. Toutefois,
nous avons observé une augmentation de ce sentiment d’évaluation aussi bien en contexte
compétitif in-group que out-group, par rapport à la condition contrôle. De nouveau, le
sentiment d’évaluation par autrui ne nous permet ni d’expliquer l’absence d’effet en
compétition in-group, ni l’amélioration des performances en compétition out-group. Par
conséquent, nous nous sommes penchés plus précisément sur les sentiments de compétition
soit avec des individus présents (i.e., coacteurs) soit avec des individus absents (i.e., étudiants
d’une autre université). Notons dans un premier temps que la saillance de notre contexte
compétitif out-group semble satisfaisante puisque seuls les participants de cette condition se
sont sentis en compétition avec des pairs non-présents. Mais ce n’est qu’en prenant en
considération l’interaction entre sentiment de compétition out-group et sentiment de
compétition in-group que l’on peut obtenir des pistes de compréhension vis-à-vis de
l’amélioration de la créativité relevée.
Comme attendu, et pour rappel, les participants en compétition in-group se sont d’autant plus
sentis en compétition avec les pairs présents que les participants en simple coaction (i.e.,
condition contrôle). De manière plus étonnante, nous n’avons pas noté de différence avec les
individus en compétition out-group. Afin de comprendre cet effet inattendu nous avons
165
effectué des analyses supplémentaires (i.e., median-split) nous renseignant sur une différence
notable concernant l’expansivité des participants en compétition out-group. L’amélioration
de la créativité des participants en compétition out-group n’a été constatée que parmi ceux
appartenant à la moitié inférieure de l’échantillon : en d’autres termes, la compétition out-
group n’a eu d’effet bénéfique sur la génération d’idées créatives que lorsque les participants
ne se sentaient pas en compétition avec les individus présents dans la salle. Nos résultats
peuvent donc s’expliquer par la façon dont les participants se sont sentis par rapport au
groupe, mais l’induction d’une compétition in-group ou out-group ne nous permet qu’en
partie de manipuler ce sentiment. Comme nous l’avons vu dans les études portant sur l’out-
group, les participants ont tendance à avoir une forte volonté d’appartenir au groupe avec
lequel ils travaillent et ce, dans des contextes aussi bien de collaboration que de simple
coaction (Tajfel, 1978, 1982 ; Tajfel, & Turner, 1979). La littérature nous renseigne qu’en
compétition out-group, la volonté de bien faire, d’appartenir à un groupe d’individus, mais
aussi la tendance à dévaloriser les attributs des concurrents, vont stimuler leurs performances
créatives. Il semble alors légitime de s’interroger sur l’impact que pourrait avoir une simple
collaboration, sans contexte compétitif, sur la génération d’idées créative. L’amélioration des
performances observée dans notre étude serait-elle retrouvée dans un contexte de simple
coopération, ou est-il nécessaire que ce sentiment de travail en commun soit en interaction
avec un sentiment de compétition out-group ?
En conclusion, notre étude montre pour la première fois qu’une compétition out-
group n’a pas les mêmes effets qu’une compétition in-group sur la créativité, et qu’elle exerce
une influence différente sur l’effet de fixation que sur l’expansivité conceptuelle. Générer des
idées créatives en coaction contre des concurrents en dehors de son groupe d’appartenance
a amélioré la performance des individus, sans que cela ne puisse être expliqué par des
166
variables motivationnelles. Nos résultats peuvent être discutés en termes de sentiment de
compétition et d’attentes vis-à-vis des autres, bien qu’il manque indéniablement des mesures
plus précises quant aux types de comparaison sociale effectuées par les participants ou vis-à-
vis du rôle que joue le sentiment de collaboration, de coopération, que nous n’avons pu
contrôler ou manipuler ici. La prise en compte de cette nouvelle distinction contextuelle
(intra/extra groupe) ainsi que le contrôle ou la manipulation d’autant plus spécifique et
précise des contextes étudiés (e.g., comparaisons sociales, travail en groupe), pourraient
permettre d’obtenir plus d’informations relatives à l’amélioration et/ou la détérioration des
performances créatives en contexte social.
167
Étude 3.A
Rôle de la comparaison sociale dans
l’interaction entre contexte compétitif
et génération d’idées créatives
168
1. INTRODUCTION
Il existe dans l’organisme humain une forte volonté d’évaluer ses opinions et ses
capacités (Festinger, 1954). S’il n’y a pas de moyens objectifs et non-sociaux disponibles pour
s’évaluer ou améliorer certains aspects de soi (e.g., Festinger, 1954 ; Suls et al., 2002), nous
avons tendance à utiliser autrui comme source de comparaison. Comme nous l’avons abordé
dans l’introduction de ce manuscrit (voir Pages 60-61), le processus de comparaison sociale
est reconnu comme jouant un rôle dans les effets que peut avoir le contexte social (e.g.,
Festinger, 1954 ; Rijsman, 1974). Contrairement à ce que Baron (1986) affirmait, ce ne serait
pas la simple présence d’autres individus qui serait critique mais plutôt l’appréhension du
jugement ou de l’évaluation susceptible d’en découler (Cottrell, 1972 ; Muller & Butera, 2007).
Cette menace d’auto-évaluation ou d’évaluation a en effet été reconnue comme ayant un
impact déterminant sur divers facteurs cognitifs (e.g., Dumas et al., 2005 ; Huguet et al., 1999).
Toutefois, si de nombreuses études ont porté sur le phénomène de comparaison sociale et
sur ses influences, peu d’entre elles impliquent des tâches de créativité (e.g., Michinov &
Primois, 2005), et d’autant moins dans un contexte de compétition, celui-ci étant pourtant
sujet à débat dans la littérature (e.g., Amabile, 1982 ; Amabile & Gryskiewicz, 1987 ; Shalley &
Oldham, 1997). Notre précédente étude (Étude 2) a par exemple permis de révéler une
amélioration de la créativité en compétition out-group, sans pour autant révéler l’effet
néfaste anticipé de la compétition in-group, un résultat inattendu restant inexpliqué. Notre
objectif sera par conséquent de déterminer le rôle que joue la comparaison sociale sur la
génération d’idées créatives en contexte compétitif, et ce, aussi bien sur l’expansivité que sur
l’effet de fixation.
Festinger (1954) postule qu’il existe une « poussée unidirectionnelle vers le haut »
menant à se comparer préférentiellement avec des personnes similaires légèrement
169
meilleures. Cette comparaison ascendante inciterait à une amélioration personnelle (e.g.,
Helgeson & Mickelson, 1995 ; Wood, 1989) et permettrait ainsi d’améliorer ses performances.
Cette augmentation des capacités en comparaison ascendante (i.e., contrairement à une
comparaison descendante) a été démontrée à de multiples reprises et expliquée
principalement par des facteurs motivationnels (e.g., Blanton et al., 1999 ; Dumas et al., 2005 ;
Huguet et al., 1999 ; Huguet et al., 2001 ; Marsh et al., 2010 ; Rijsman, 1974 ; Seta, 1982 ; Seta,
et al., 1991 ; Vrugt & Koenis, 2002). Les normes et objectifs personnels étant plus élevées, ils
vont en effet mener à une augmentation de la motivation, des efforts fournis, et ainsi, à une
amélioration des performances à diverses tâches, notamment des tâches d’inhibition (i.e.,
réduction de l’effet stroop, Huguet et al., 1999). Au contraire, une comparaison sociale
descendante diminuerait les normes et le niveau d’objectifs à atteindre, la motivation, et ainsi,
les capacités à effectuer la tâche ou le travail attendu (e.g Forsyth, 2000 ; Huguet et al., 1999).
La littérature portant sur la technique du brainstorming met également en évidence
les bénéfices de feedbacks permettant la comparaison sociale (e.g., Jung et al., 2010 ; Roy et
al., 1996 ; Sheperd et al., 1995) et plus particulièrement lorsque cette comparaison est
ascendante (Brown & Paulus, 1996 ; Paulus & Dzindolet, 1993 ; Sheperd et al., 1995). Au sein
de ce pan de littérature, on retrouve quelques études répliquant ces effets dans le domaine
de la créativité (e.g., Dugosh & Paulus, 2005 ; Paulus et al., 1996 ; Paulus et al., 2002).
Notamment, Michinov et Primois (2005) mettent en place un paradigme de génération
d’idées créatives dans un contexte de brainstorming virtuel. Dans une condition, les
expérimentateurs fournissent des feedbacks aux participants leur permettant d’obtenir des
informations vis-à-vis des contributions respectives des membres. Dans la seconde condition,
les participants n’ont aucun retour quant à celles-ci. La productivité et la créativité du groupe
étaient meilleures dans la première condition, autrement dit, lorsque les individus obtenaient
170
un retour d’informations facilitant la comparaison sociale entre les membres. De même, dans
une autre étude (Michinov et al., 2015), les participants devaient générer des idées créatives
par deux (i.e., en brainstorming virtuel) et les expérimentateurs leur présentaient le coacteur
soit comme étant un étudiant en arts (comparaison ascendante) soit comme étant un étudiant
en sciences (comparaison descendante) - l’idée sous-tendue était que face à un étudiant en
arts, les participants se sentiraient inférieurs, à l’opposé de l’autre condition. Les auteurs ont
alors rapporté une meilleure qualité d’idées (i.e., originalité) en comparaison ascendante que
descendante, sans pour autant que la productivité (i.e., « quantité », fluence) n’ait été altérée.
Notons que ces résultats ont été retrouvés uniquement chez les individus évalués comme
fortement créatifs grâce à un test préalable.
Si travailler en collaboration, avec un objectif commun et partagé, semble pouvoir être
amélioré par la comparaison sociale ascendante, autrement dit, par la volonté de minimiser
la différence qu’il existe entre l’individu qui génère des idées et ses sources de comparaison
(i.e., autrui), qu’en est-il en contexte de compétition ? Dans un contexte où l’on souhaite être
le meilleur, où le participant souhaite maximiser la différence entre lui et les autres
compétiteurs, une comparaison sociale ascendante va-t-elle le pousser à se surpasser et ainsi
améliorer sa performance, ou au contraire le décourager, diminuer sa motivation intrinsèque
et par conséquent diminuer sa performance ? De même, la comparaison sociale descendante
lors d’un contexte compétitif va-t-elle pousser l’individu à maintenir/augmenter sa
performance afin de rester confiant et d’être le meilleur, ou au contraire décourager le
participant par l’aspect trop accessible de la réussite, ce qui diminuerait la motivation
intrinsèque et ainsi, la performance du participant ? Comme le soulignent Garcia et al. (2013),
la comparaison sociale est un élément important du comportement compétitif. Les quelques
recherches portant sur l’interaction entre contexte compétitif et comparaison sociale
171
s’intéressent principalement au lien entre la tendance à s’évaluer via autrui et l’adoption de
comportements compétitifs (e.g., Murray et al., 1991). Autrement dit, est-ce que plus les
individus vont avoir tendance à se comparer à autrui, plus ils seront dans une démarche de
compétition avec les autres ? Ces études ne traitent donc pas la question de l’effet d’une
comparaison sociale (i.e., ascendante ou descendante) sur les capacités cognitives en
contexte de compétition. Pourtant, considérer le phénomène de comparaison sociale dans
l’influence que peut avoir la compétition sur les performances pourrait apporter des pistes de
compréhension quant aux divergences présentes dans la littérature de la créativité (e.g.,
Amabile, 1982 ; Amabile & Gryskiewicz, 1987 ; Shalley & Oldham, 1997).
De ce fait, nous manipulerons dans notre étude la comparaison ascendante et
descendante en contexte compétitif in-group (i.e., les participants sont en compétition avec
les coacteurs et génèrent individuellement) lors de la résolution de la tâche créative de l’oeuf.
Pour ce faire, nous mettrons en place trois conditions : une condition contrôle dans laquelle
les individus n’auront aucun feedback, et deux conditions dans lesquelles les individus
recevront un feedback vis-à-vis de la productivité moyenne des pairs de leur âge. Ce feedback
sera soit supérieur à la production moyenne réellement observée (i.e., condition de
comparaison ascendante) soit inférieur (i.e., condition de comparaison descendante). Au vu
de la littérature portant sur le phénomène de comparaison sociale (e.g., Festinger, 1954 ;
Huguet et al., 1999 ; Huguet et al., 2001 ; Marsh et al., 2010 ; Seta, 1982), nous avons formulé
deux hypothèses :
Hypothèse 1 : si la comparaison sociale ascendante stimule bien la volonté d’un
individu à réduire l’écart entre lui et les autres (Festinger, 1954 ; Huguet et al., 1999), on
devrait observer une augmentation de la motivation intrinsèque et une amélioration de la
génération d’idées créatives par rapport au groupe contrôle. Autrement dit, on s’attend à une
172
augmentation de la fluence, et à une expansivité conceptuelle plus importante lorsque le
feedback donné aux participants est supérieur à la moyenne réellement observée. L’effet de
fixation devrait, quant à lui, diminuer dans cette condition.
Hypothèse 2 : si la comparaison sociale descendante diminue bien l’effort fourni par
l’individu (Festinger, 1954 ; Huguet et al., 1999), on devrait alors observer une diminution de
la motivation intrinsèque et un effet néfaste de la compétition sur la fluence ainsi que sur
l’expansivité conceptuelle (i.e., diminution du nombre d’idées en expansion). L’effet de fixation
devrait alors être plus important.
2. METHODE
2.1. Participants
Quatre-vingt-dix-huit étudiants de l’Université de Paris ont participé à cette étude.
Sept d’entre eux ont été identifiés comme outliers
11
et ont donc été retirés des analyses. Notre
échantillon porte ainsi sur quatre-vingt-onze participants (M = 18.9 ans, ET = 1.35 ; 83F/8H)
assignés aléatoirement à l’une de nos trois conditions expérimentales : une condition contrôle
dans laquelle les individus étaient en simple coaction (n = 49) et deux conditions dans
lesquelles les participants étaient également en coaction mais en compétition in-group : nous
avons manipulé le type de comparaison sociale de façon à ce qu’elle soit ascendante pour une
partie d’entre eux (n = 22) et descendante pour l’autre partie (n = 20). La moyenne d’âge n’a
pas différé entre les trois groupes, F(2,88) < 1, de même que la répartition du genre
(homme/femme), χ2(2) = 1.48, p > .05.
11
Pour rappel, une analyse graphique (boxplot) et une analyse numérique (méthode d’estimation à partir des
quartiles de la distribution) ont été effectuées sur la variable âge et nos variables de créativité (fluence, effet de
fixation et expansivité).
173
La taille de l’échantillon a été prédéterminé grâce à une analyse de puissance a priori
via G*Power 3.1.9.2 (Faul, Erdfelder, Buchner, & Lang, 2009). Cette analyse a révélé qu’un
minimum de 111 participants serait nécessaire pour obtenir une taille d’effet modérée de 0.3
(selon les conventions de taille d’effet de Cohen) avec une puissance (1 – β) fixée à 0.80 et un
α fixée à 0.05. Tous les participants ont fourni un consentement écrit et ont été testés
conformément aux normes nationales et internationales régissant l’étude des participants à
la recherche sur l’homme.
Tableau 6.
Données épidémiologiques par condition.
2.2. Procédure
Les participants ont complété un questionnaire motivationnel (Guay et al., 2000), un
questionnaire de régulation interpersonnelle (Williams et al., 2018), une tâche de créativité
(i.e., tâche de l’œuf ; Agogué et al., 2014 ; Cassotti et al., 2016) et ont terminé la session en
remplissant un dernier questionnaire portant sur leurs sentiments d’évaluation et de
compétition. Les consignes étaient les mêmes que dans les conditions contrôle et de
compétition in-group de l’expérimentation précédente (voir page 151). Toutefois, une
indication supplémentaire était indiquée sur les protocoles des participants en conditions de
comparaison sociale(voir Figure 23 pour le déroulement de la session). Nous avons en effet
Conditions
Effectifs (N)
Âge moyen (écart-type)
Répartition du
genre
(Femmes/Hommes)
Comparaison descendante
20
18.9 (1.53)
17F / 3H
Condition contrôle
49
18.8 (1.18)
45F / 4H
Comparaison ascendante
22
19.0 (1.57)
21F / 1H
174
utilisé la fluence moyenne du groupe contrôle de l’étude précédente et ajouté ou enlevé un
écart-type à cette valeur afin de manipuler l’aspect ascendant et descendant de la
comparaison. Autrement dit, durant les consignes générales de la créativité, les participants
avaient accès à un faux feedback quant au nombre d’idées générées en moyenne. Voici un
tableau récapitulatif :
Tableau 7.
Tableau des feedbacks donnés aux participants avant la tâche de l’œuf en fonction de leur condition
Comparaison sociale Descendante
« En moyenne, les étudiants proposent environ 5 idées en
réponse au problème que vous allez devoir résoudre »
Condition contrôle (pas de compétition
ni de comparaison sociale)
Aucune indication fournie
Comparaison sociale Ascendante
« En moyenne, les étudiants proposent environ 10 idées en
réponse au problème que vous allez devoir résoudre »
Figure 23. Déroulement chronologique de l’expérimentation
175
3. MESURES ET RESULTATS
Les mesures utilisées dans ce questionnaire sont identiques à celles de l’expérimentation
précédente (voir pages 153). Dans nos analyses, les eta carré partiel p2) et les d de Cohen
(d) sont utilisés pour évaluer les tailles d’effet. Toutes les valeurs de significativité (p)
reportées sont corrigées avec la méthode Bonferroni.
3.1. Créativité
La fluence, la flexibilité, les scores de fixation (i.e., nombre moyen d’idées appartenant à l’effet
de fixation) et les scores d’expansivité (i.e., nombre moyen d’idées en expansion) ont été
soumis à des ANOVAs à un facteur.
Fluence. Les résultats montrent un effet principal de la condition, F(2, 88) = 4.58, p =
.01, ηp2 = .09. Les participants en condition de comparaison sociale descendante (M = 6.45,
ET = 1.79) ont généré moins d’idées qu’en condition de comparaison sociale ascendante (M =
7.86, ET = 1.42), t(88) = 2.43, p = .05, d = .75 ou qu’en condition contrôle (M = 7.9, ET = 2.07),
t(88) = 2.9, p = .01, d = .77.
Flexibilité. L’ANOVA n’a pas révélé d’effet de la condition sur le nombre de catégories
différentes explorées, F(2,88) = 2.28, p = .11. Les participants, toutes conditions confondues,
ont utilisé en moyenne 5.63 catégories d’idées (ET = 2.09).
Effet de fixation et expansivité. L’effet de fixation a révélé un effet marginal des
condition, F(2,88) = 2.92, p = .06. En moyenne les participants ont généré 5.81 (ET = 1.87)
idées en fixation et on constate que l’effet marginal est dû à un effet de fixation plus important
en condition de comparaison sociale ascendante (M = 6.59, ET = 1.53) que descendante (M =
5.3, ET = 1.34), t(88) = 2.29, p = .07, d = .71. L’analyse portant sur l’expansivité a quant à elle
176
souligné un effet de la condition, F(2,88) = 5.76, p = .004, ηp2 = .12, les individus en
comparaison ascendante ayant produit moins d’idées créatives (M = 1.27, ET = 1.08) que ceux
en condition contrôle (M = 2.22, ET = 1.66), t(88) = 2.61, p = .03, d = 0.67. De même, les
participants en comparaison descendante ont proposé moins d’idées en expansion (M = 1.15,
ET = 1.04) qu’en condition contrôle, t(88) = 2.85, p = .02, d = .76.
Figure 24. Nombre d’idées en fonction de leur type et des conditions expérimentales. * p<.05. Les
barres d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM)
177
Tableau 8.
Scores de fixation et scores d’expansivité en fonction des conditions
Note. Chaque cellule contient les scores moyens et l’écart-type moyen (ET)
3.2. Évaluation subjective des idées
Une analyse de variance à mesures répétées a été effectuée afin d’étudier la capacité
des participants à juger de façon moins créative leurs idées en fixation par rapport à leurs
idées en expansion, et ce en fonction de la condition. Aucun effet du type d’idées, F(1, 67) <
1, de la condition F(2, 67) < 1, ou d’interaction F(2, 67) < 1, n’a été observé. Les participants
ont évalué leurs idées avec des scores de créativité moyens de 3.88 (ET = 1.2).
3.3. Analyses supplémentaires
Motivation. Les scores moyens de motivation intrinsèque, de motivation extrinsèque
et d’amotivation ont été soumis à une analyse de variance à mesures répétées avec la
condition comme facteur inter-sujets. Un effet principal des sous-échelles, F(2,176) = 59.01, p
< .001, ηp2 = .40 révèle que les participants, indépendamment de la condition, étaient plus
motivés intrinsèquement (M = 4.57, ET = 0.1) qu’extrinsèquement (M = 3.8, ET = 0.87), t(176)
= 4.01, p < .001, ou qu’amotivés (M = 2.59, ET = 1.17), t(176) = 10.75, p < .001. La motivation
Conditions
Scores moyens de fixation
Scores moyens d’expansivité
Comparaison descendante
5.30 (1.34)
1.15 (1.04)
Condition contrôle
5.67 (2.1)
2.22 (1.66)
Comparaison ascendante
6.59 (1,53)
1.27 (1.08)
Total
5.81 (1.87)
1.76 (1.49)
178
extrinsèque était également plus importante que l’amotivation, t(176) = 6.74, p < .001. L’effet
d’interaction n’est pas significatif F(4,176) = 1.18, p > .05.
Régulation émotionnelle interpersonnelle. Les scores moyens des sous-échelles à l’IRQ
ont été soumis à une ANOVA à mesures répétées avec la condition comme facteur inter-sujets.
Les résultats ont montré une absence d’effet d’interaction (p > .05) et d’effet principal de la
condition. Autrement dit, quel que soit la condition, les participants régulent de la même
façon leur émotions à travers autrui. En outre, les analyses de régression linéaire multiple sur
les scores d’expansivité en fonction des conditions expérimentales et de la tendance à réguler
ses émotions négatives ou positives par l’intermédiaire d’autrui, ne révèlent ni d’effets
principaux ni d’effet d’interaction.
Évaluation par les pairs. Les sentiments des participants sur l’évaluation de leur
performance ont été soumis à une ANOVA à un facteur avec la condition expérimentale
comme facteur inter-sujets. Les analyses ont révélé un effet du groupe, F(2,82) = 13.0, p <
.001, ηp2 = .24. Les post-hoc révèlent en effet que les participants de la condition ascendante
(M = 4.10, ET = 1.87) et de la condition descendante (M = 4.47, ET = 1.3) se sont sentis plus
évalués que ceux en condition contrôle (M = 2.51, ET = 1.5) avec t(82) = 3.87, p < .001, d = 1.01
et t(82) = -4.23, p < .001, d = 1.25 respectivement.
Evaluation par l’expérimentateur. Le sentiment d’évaluation par l’expérimentateur n’a
pas différé selon les conditions, F(2,82) = 1.63, p > .05. Le score moyen était de 3.76 (ET =
1.81).
Compétition avec les autres (présents et absents). Deux ANOVAs à un facteur ont été
effectuées sur le sentiment de compétition in-group (avec les pairs présents) et out-group
(avec des pairs absents) en fonction de la condition. La première a révélé un léger effet de la
179
condition, F(2, 82) = 3.08, p = .05, ηp2 = .07 avec un plus haut sentiment de compétition de la
part des participants en comparaison sociale ascendante (M = 3.95, ET = 2.13) que ceux qui
étaient en simple coaction (M = 2.69, ET = 1.59), t(82) = 2.44, p = .05, d = .64. De même, l’effet
de la condition sur le sentiment de compétition out-group (i.e., avec des individus non-
présents), F(2,82) = 4,98, p = .009, ηp2 = .11 n’a été observé qu’entre la condition de
comparaison sociale ascendante (M = 2.95, ET = 2.2) et contrôle (M = 1.59, ET = 1.43), t(82) =
3.05, p = .009, d = .80.
Figure 25. Représentation graphique des quatre ANOVAs portant sur les sentiments des participants
vis-à-vis du contexte, en fonction des trois conditions. *** p<.001, ** p<.01, *p<.05. Les barres
d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM)
Median Split sur les ressentis des participants. Nous avons mené des analyses sur nos mesures
de sentiments d’évaluation et de compétition, en divisant nos participants au sein de chaque
180
groupe en fonction de leurs scores aux items du dernier questionnaire (i.e., en fonction de la
médiane). Les ANOVAs portant sur les scores d’expansivité en fonction de la condition et du
niveau (i.e., bas Vs., haut) de sentiment d’évaluation (par les pairs ou l’expérimentateur) ou
de compétition (avec des pairs présents ou des pairs absents) n’ont révélé aucun effet
d’interaction.
4. DISCUSSION
L’objectif de notre étude était de vérifier dans quelle mesure les différents types de
comparaisons sociales pouvant coexister au sein d’un même contexte de compétition, étaient
susceptibles d’influencer l’expansivité et l’effet de fixation. Plus spécifiquement, dans un
contexte de compétition in-group, nous nous sommes demandé si se comparer de manière
ascendante (i.e., à une norme ou quelqu’un de supérieur) ou descendante (i.e., à une norme
ou quelqu’un d’inférieur) allait avoir des effets différents sur la génération d’idées créatives.
Deux conclusions majeures peuvent être reportées grâce à cette étude. Premièrement, se
comparer à une norme ou quelqu’un d’inférieur (i.e., comparaison sociale descendante)
diminue le nombre total d’idées générées. Deuxièmement, la comparaison sociale, quel que
soit sa nature (i.e., ascendante et descendante) semble diminuer la capacité à générer des
idées créatives, autrement dit des idées appartenant à l’expansivité et la comparaison
ascendante augmente par ailleurs l’effet de fixation.
Comme nous l’avions anticipé, lorsqu’un individu se compare à une norme en réalité
inférieure à la moyenne, on constate une diminution de l’effort fourni (voir Huguet et al., 1999
par exemple). En effet, la comparaison sociale descendante a eu tendance à diminuer le
nombre total d’idées proposées par rapport à une condition dans laquelle les participants
n’avaient pas de feedback ou un feedback supérieur à la moyenne. Notons qu’il aurait tout de
181
même été intéressant d’obtenir une seconde mesure motivationnelle après la génération
d’idées afin de confirmer expérimentalement cette baisse de motivation et d’effort.
Contrairement à ce que nous attendions, nous n’avons pas relevé d’effet de la comparaison
sociale descendante sur l’effet de fixation mais nous avons toutefois révélé une détérioration
des capacités à proposer des idées appartenant à l’expansivité par rapport au groupe contrôle
qui n’avait pas de feedback. Le niveau d’objectif étant diminué, se comparer de manière
descendante va donc impacter négativement la performance créative lorsqu’un contexte de
compétition in-group est mis en place, sans pour autant influencer l’effet de fixation. Ces
résultats permettent de confirmer les effets néfastes d’une comparaison sociale descendante
rapportés dans la littérature (e.g., Forsyth, 2000 ; Huguet et al., 1999) et d’apporter de
nouvelles connaissances quant aux effets différenciés entre l’expansivité conceptuelle et
l’effet de fixation de ces facteurs sociaux.
Contrairement à nos attentes, la comparaison ascendante ne semble pas avoir permis
l’augmentation de la productivité (i.e., fluence) et ainsi de l’effort fourni. Toutefois, cette
absence d’effet sur le nombre total d’idées générées semble être expliquée par les impacts
opposés du contexte sur l’effet de fixation et l’expansivité. On observe effectivement une
diminution du nombre d’idées en expansion et un renforcement de l’effet de fixation chez les
participants qui avaient des attentes supérieures à la norme réelle. Ces résultats semblent
indiquer que les individus ont eu tendance à donner un maximum d’idées sans prêter une
attention particulière à leur créativité – suggérant alors une volonté de production supérieure
à celle des participants qui étaient en condition de comparaison sociale descendante. En
d’autres termes, cela suggère une distinction des causes ayant mené à un effet négatif des
deux types de comparaisons sociales sur l’expansivité. Alors que la diminution de l’expansivité
en comparaison descendante semble due à une diminution de l’effort fourni (i.e., productivité
182
moindre), elle semble plutôt être causée par une volonté plus importante de productivité chez
les participants qui n’implique pas d’attention spécifique à la qualité des idées.
D’autres facteurs pourraient être susceptibles d’avoir joué un rôle dans cet impact négatif
inattendu, notamment comme les sentiments de compétition et de menace d’infériorité.
Toutefois, nos analyses n’ont pas permis de révéler de différence entre les individus ayant des
scores élevés ou faibles à ces échelles. Les sentiments de compétition ou d’évaluation ne
semblent donc pas être modérateurs des effets négatifs observés. De même, l’effet négatif de
la comparaison ascendante pourrait être causée par le choix des feedbacks, à savoir trop
supérieurs à la moyenne. Rijsman (1974) par exemple rapportait lui aussi un effet négatif de
la comparaison ascendante lorsque le feedback était très supérieur. De même, Monteil et
Huguet (2002) rapportent qu’on peut s’attendre à une amélioration des capacités en
comparaison ascendante uniquement lorsque la source de comparaison est légèrement
supérieure. Cette hypothèse n’est pas à écarter si l’on prend en considération que les
participants en comparaison ascendante se sont sentis plus en compétition in-group et out-
group que ceux des deux autres conditions. Bien que nous n’ayons ajouté et supprimé qu’un
écart-type à la moyenne réellement observée, il serait tout de même intéressant dans de
futures recherches, de contrôler plus précisément l’importance des feedbacks utilisés,
autrement dit de manipuler, en contexte compétitif, des comparaisons sociales ascendante et
descendante relativement proches mais également plus lointaines, tout en considérant à la
fois l’expansivité et l’effet de fixation.
Enfin, nous avons utilisé notre groupe ne recevant pas de feedback comme groupe contrôle.
Toutefois, l’absence de feedback n’équivaut pas à l’absence de comparaison sociale. Comme
nous l’avons vu, il existe une tendance automatique à se comparer à autrui lorsque nous
devons résoudre des tâches en coaction (e.g., Festinger, 1954), que l’on peut imaginer
183
d’autant plus importante lorsque nous sommes en contexte compétitif. Le fait de ne pas
donner d’indication à nos participants a pu induire chez eux, notamment, un sentiment de
comparaison latérale étant donné que les coacteurs étaient tous des pairs venant de la même
université, du même cursus, et ayant environ le même âge. Or, on sait que se comparer à
quelqu’un du même niveau est susceptible d’avoir des effets bénéfiques (e.g., Huguet et al.,
1999 ; Sanders et al., 1978). Mettre en place une condition manipulant spécifiquement la
comparaison sociale latérale (i.e., feedback correspondant à la moyenne réelle d’idées
observées), pourrait nous permettre de minimiser les comparaisons sociales non-voulues et
nous permettrait d’aller plus loin dans nos conclusions.
En conclusion, lorsque nous devons générer des idées créatives en contexte compétitif
in-group, avec des pairs présents, la comparaison sociale - ascendante ou descendante -
semble être néfaste par rapport à une condition sans feedback indiqué, bien que les causes
puissent être différentes. L’absence de contrôle et de manipulation du type de comparaison
induite par la présence d’autrui pourrait donc bien être un facteur impliqué dans les
divergences que l’on observe au sein des travaux portant sur des contextes de compétition,
notamment comme dans notre étude 2. En effet, si la comparaison sociale latérale est
susceptible d’améliorer la créativité et que des comparaisons ascendante et descendante
nuisent à la génération d’idées créatives pour des raisons différentes (i.e., diminution de
l’effort fourni ou augmentation de la menace d’évaluation), les effets dus au contexte
compétitif ont pu être minimisés ou contrebalancés par la tendance de chaque participant à
se sentir soit meilleur, soit moins bon soit au même niveau que les autres. Il semble ainsi
primordial de manipuler ou contrôler la position subjective des individus lorsque nous
étudions l’effet d’un contexte compétitif sur les capacités créatives afin de comprendre au
mieux l’interaction entre le contexte et les performances. De plus, nous pouvons nous
184
demander si l’on observerait les mêmes effets négatifs de la comparaison sociale ascendante
et descendante en supprimant la coaction ? Est-ce que la simple menace d’être inférieur aux
autres induite dans notre condition contrôle n’aurait pas eu un impact sur nos données ? La
question est d’autant plus légitime lorsqu’on constate que le groupe contrôle de l’étude
présente n’a proposé que peu d’idées créatives (i.e., par rapport à ceux des autres études).
Ainsi, nous mènerons une seconde étude permettant la manipulation de comparaisons
sociales ascendante et descendante, sans contexte de coaction.
185
Étude 3.B
Effet de la comparaison sociale sur la
génération d’idées créatives
186
1. INTRODUCTION
L’étude précédente a été menée afin d’observer les effets de la comparaison sociale
chez des individus devant générer des idées créatives en contexte compétitif avec des
coacteurs. Cette expérimentation a permis de conclure qu’en fonction du type de
comparaison induite, à savoir ascendante ou descendante, l’effet de fixation et l’expansivité
n’allaient pas être impactés de la même façon ou pour les mêmes raisons. Ainsi, l’absence de
contrôle de ce facteur lors de la manipulation d’un contexte social pourrait bien détenir une
place déterminante dans les résultats et conclusions rapportés dans la littérature. Toutefois,
au vu de nos résultats de l’étude 3.A, nous nous sommes interrogés sur l’importance du
contexte de coaction. A savoir, est-ce que les effets de la comparaison sociale ne sont
retrouvés que dans un contexte où d’autres pairs sont présents, ou est-ce que la simple idée
d’être inférieur ou supérieur à autrui suffit pour impacter la productivité et la créativité des
individus ? Les études portant sur l’interaction entre comparaison sociale et créativité étant
relativement peu nombreuses, ou spécifiquement liées à la méthode du brainstorming (e.g.,
Dugosh & Paulus, 2005 ; Michinov & Primois, 2005 ; Paulus et al., 2002), notre
expérimentation permettra d’examiner dans quelle mesure, générer des idées créatives en
obtenant un feedback social objectif (i.e., relatif à la productivité des pairs mais sans contexte
de coaction), peut influencer l’expansivité et l’effet de fixation.
On sait que la simple menace d’être inférieur aux autres est suffisante pour avoir une
influence sur les performances (e.g., Dumas et al., 2005). Les auteurs s’accordent toutefois à
dire que cette menace d’auto-évaluation serait induite par la présence de coacteurs (e.g.,
Koole et al., 1999 ; Muller & Butera, 2007). Ainsi, nous nous attendons à ne pas observer
d’effets de la comparaison sociale manipulée sur nos variables créatives (i.e., fluence, effet de
fixation et expansivité conceptuelle) mais il semble légitime d’apporter une preuve
187
expérimentale de cette place primordiale qu’a la présence d’autrui dans l’interaction entre
environnement social et capacités créatives.
2. METHODE
Cent-cinq étudiants de l’Université de Paris ont participé à cette étude. Six d’entre eux
avaient déjà effectué la tâche de l’œuf et neuf ont été identifiés comme outliers
12
. Nos
résultats portent donc sur quatre-vingt-dix étudiants (M = 19.2 ans, ET = 1 ;15, rang : de 17 à
22 ans ; 72F/18H), chacun assigné aléatoirement à l’une de trois conditions : soit le participant
recevait un feedback supérieur à la productivité réelle d’autres étudiants de son âge
(comparaison ascendante), soit ce feedback était inférieur (comparaison descendante), soit le
participant ne recevait pas de feedback. L’âge et la répartition du genre n’ont pas différé selon
ces trois conditions, F(2,87) < 1 et χ2(2) = 1.65, p > .05 respectivement. Les participants ont
rempli de manière individuelle, en ligne sur un ordinateur, un questionnaire de motivation
(Guay et al., 2000), la tâche de l’œuf (Agogué et al., 2014 ; Cassotti et al., 2016), et un
questionnaire de fin avec nos mesures contrôles.
La taille de l’échantillon a été prédéterminé grâce à une analyse de puissance a priori
via G*Power 3.1.9.2 (Faul et al., 2009). Cette analyse a révélé qu’un minimum de 111
participants serait nécessaire pour obtenir une taille d’effet modérée de 0.3 (selon les
conventions de taille d’effet de Cohen) avec une puissance (1 – β) fixée à 0.80 et un α fixée à
0.05. Tous les participants ont fourni un consentement écrit et ont été testés conformément
12
Pour rappel, une analyse graphique (boxplot) et une analyse numérique (méthode d’estimation à partir des
quartiles de la distribution) ont été effectuées sur la variable âge et nos variables de créativité (fluence, effet de
fixation et expansivité).
188
aux normes nationales et internationales régissant l’étude des participants à la recherche sur
l’homme.
Tableau 9.
Données épidémiologiques par condition.
3. RESULTATS
Les eta carré partiel p2) et les d de Cohen (d) sont utilisés pour évaluer les tailles d’effet.
Toutes les valeurs de significativité (p) reportées sont corrigées avec la méthode Bonferroni.
3.1. Créativité
La fluence, la flexibilité, les scores de fixation et les scores d’expansivité ont été soumis à des
analyses de variance à un facteur.
Fluence. La fluence moyenne était de 6.01 idées générées (ET = 1.94), et l’analyse de
variance indique qu’elle n’a pas différé selon la condition, F(2,87) = 1.81, p = .17.
Flexibilité. La flexibilité n’a pas différé selon les conditions, F(2, 87) < 1, les participants
ont en moyenne exploré 4.78 catégories d’idées différentes (ET = 2.01).
Effet de fixation et expansivité. Aucune des deux analyses n’a révélé d’effet de la
condition. Les participants ont proposé en moyenne 3.98 idées appartenant à des catégories
Conditions
Effectifs (N)
Âge moyen (écart-type)
Répartition du
genre
(Femmes/Hommes)
Comparaison descendante
29
19.3 (1.42)
22F / 7H
Condition contrôle
26
19.2 (1.18)
23F / 3H
Comparaison ascendante
35
19.2 (0.891)
27F / 8H
189
en fixation (ET = 1.56), F(2,87) < 1 ; et 2.03 appartenant à l’expansivité conceptuelle (ET =
1.56), F(2, 87) < 1.
Figure 26. Nombre d’idées en fonction de leur type et des conditions expérimentales. Les barres
d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM)
3.2. Analyses supplémentaires
Motivation. La motivation des participants n’a pas différé selon la condition (p > . 05)
et nous ne relevons pas d’effet d’interaction (p > .05). Toutefois, on constate une motivation
intrinsèque (M = 4.66, ET = 0.88) plus importante que la motivation extrinsèque (M = 3.40, ET
= 0.83), t(174) = 9.75, p < .001 et que l’amotivation (M = 2.66, ET = 1.01), t(174) = 15.53, p <
190
.001, cette dernière étant également inférieure à la motivation extrinsèque, t(174) = 5.78, p <
.001.
Sentiment d’évaluation et de compétition. Quel que soit la condition dans laquelle le
participant générait des idées à la tâche de l’œuf, le sentiment d’évaluation et de mesure vis-
à-vis de sa production n’a pas différé (M = 4.77, ET = 1.5), F(2, 87) = 1.1, p > .05. De même, le
sentiment de compétition n’a pas différé selon les conditions, F(2, 87) < 1 (M = 2.3, ET = 1.11).
Manipulation Check. Nous avons demandé aux participants de remplir des échelles de
Likert sur 7 points afin d’indiquer à quel point ils étaient d’accord avec différentes
affirmations :
- Lorsqu’on propose l’affirmation « j’ai senti que j’étais meilleur que la plupart des gens »,
l’analyse de variance révèle un effet principal de la condition, F(2, 87) = 10.4, p < .001, ηp2 =
.19 : les participants de la condition de comparaison descendante se sont estimés plus créatifs
que la moyenne durant l’expérimentation (M = 3.07, ET = 1.44) que ceux qui étaient en
condition contrôle (M = 1.88, ET = 1.11), t(87) = 3.71, p = .001, d = 1.00 et que ceux qui étaient
en condition de comparaison ascendante (M = 1.83,ET = 0.89), t(87) = 4.18, p < .001, d = 1.05.
- L’item inverse (i.e., « j’ai senti que j’étais moins bon que la plupart des gens ») a confirmé
cette première analyse, F(2, 87) = 6.07, p = .003, ηp2 = .12. Les participants en comparaison
ascendante (M = 5.14, ET = 1.31) se sont sentis moins bons que ceux en comparaison
descendante (M = 4.0, ET = 1.39) ou qu’en condition contrôle (M = 4.12, ET = 1.68), t(87) =
3.14, p = .007, d = 0.79 et t(87) = 2.74, p = .02, d = .71.
- En demandant si dans la vie de tous les jours, les participants se pensent plus créatifs que la
moyenne, on ne note pas de différence entre les conditions, F(2, 87) < 1.
191
4. CONCLUSION & DISCUSSION
L’objectif de cette étude était de confirmer expérimentalement que les effets de la
comparaison sociale sur la performance étaient observables uniquement dans le cas
d’autres coacteurs étaient présents (e.g., Muller & Butera, 2007 ; Koole et al., 1999). Nos
données ont confirmé cette idée puisqu’aucun effet de la comparaison manipulée n’a été
relevé sur la génération d’idées créatives, aussi bien sur l’effet de fixation que l’expansivité
conceptuelle. Autrement dit, bien que donner une indication objective et sociale altère la
perception qu’un individu a de sa propre performance, elle ne semble pas suffire à elle seule
à entraîner un effet sur la productivité, la créativité ou l’effet de fixation.
Nos résultats permettent en outre de valider notre procédure expérimentale, ce qui
nous permettra de pouvoir l’utiliser dans de futurs travaux manipulant un contexte spécifique.
En effet, nos données indiquent qu’en donnant un simple feedback vis-à-vis de la productivité
d’autres pairs, les participants se sentent bien inférieurs (comparaison ascendante) ou
supérieurs (comparaison descendante) durant leur génération d’idées créatives par rapport à
autrui. Les types de feedbacks proposés ont, comme prévu, eu des effets différents sur la
façon dont le participant a perçu ses capacités créatives lors de l’expérimentation. La
comparaison descendante a augmenté la confiance des participants en leurs aptitudes par
rapport aux deux autres conditions tandis que la comparaison ascendante a diminué cette
confiance. On constate, de plus, que les individus de notre échantillon évaluent leur créativité
dans la vie de tous les jours de la même façon, quelle que soit la condition dans laquelle ils
étaient.
Notre procédure d’induction des comparaisons ascendante et descendante semble
donc validée et a permis de constater qu’il s’agissait d’un facteur médiateur des effets du
192
contexte (i.e., en coaction) que nous pouvons relever sur la créativité, ces derniers étant par
ailleurs différents selon qu’il s’agisse de l’effet de fixation ou de l’expansivité conceptuelle.
193
Étude 4
Travail collaboratif et créativité : effet
néfaste du travail en groupe sur la
génération d’idées créatives
194
1. INTRODUCTION
Collaborer consiste à élaborer une œuvre, une production, commune à deux ou
plusieurs individus (CNRTL, 2012). Le travail collaboratif tient une place importante
notamment au sein des entreprises, des établissements de santé ou encore des institutions
d’enseignement. Elle devient depuis des années une compétence essentielle et une valeur ou
un objectif à atteindre (Silva & Ben Ali, 2010 ; Ughetto, 2018). Toutefois, si durant des
décennies, et encore aujourd’hui, la majorité des expérimentations ont porté sur des
méthodes spécifiques de travail en groupe comme le brainstorming et sur l’identification de
facteurs permettant d’améliorer le travail en groupe (e.g., Osborn, 1963), rares sont les études
ayant permis de déterminer les effets d’un simple travail collaboratif, sans règles spécifiques,
lors de la génération d’idées créatives, et d’autant moins en considérant l’effet de fixation et
l’expansivité comme deux variables distinctes. En outre, les travaux que l’on trouve dans la
littérature porte très majoritairement sur des groupes composés de trois ou quatre individus
au minimum et nous n’avons que très peu d’informations sur l’effet d’un travail collaboratif
entre deux personnes. L’objectif ici sera par conséquent de déterminer si travailler en binôme
sur la résolution d’un problème créatif est bénéfique ou néfaste par rapport à une situation
dans laquelle les individus génèrent seuls. Notre étude permettra à la fois d’avoir une
indication sur la créativité (i.e., expansivité) des idées générées mais également sur l’effet de
fixation.
L’intérêt pour la créativité en groupe a commencé par faire émerger de nombreuses
études portant sur la technique du brainstorming. Cette technique de créativité introduite par
Osborn (1963) est fréquemment utilisée et consiste à dissocier le processus créatif de celui du
jugement, ce dernier étant considéré comme un frein à l’originalité et à la nouveauté. Osborn
(1963) recommande par conséquent de générer en groupe en interdisant la critique (i.e.,
195
aucun jugement de valeur ou de faisabilité), l’autocensure (i.e., autoriser les idées les plus
folles et farfelues), en favorisant la quantité (i.e., plus le groupe produit plus la probabilité de
trouver une idée originale est élevée), et en s’appuyant sur les idées des autres (i.e., l’individu
écoute les idées données, les transforme/améliore/combine). En contrôlant ces règles, les
auteurs ont relevé que les groupes de brainstorming produisaient deux fois plus d’idées et
étaient plus créatifs que les groupes n’utilisant pas cette méthode (e.g., Osborn, 1963 ; Parnes,
1961). Mais si la technique spécifique du brainstorming semble efficace comme méthode de
travail en groupe, qu’en est-il en comparaison aux performances individuelles ? Pour générer
de manière originale, de manière créative, sommes-nous meilleurs seuls ou en collaborant
avec d’autres individus ?
Osborn (1963) propose la méthode du brainstorming en s’appuyant sur le postulat que
la dynamique de groupe engendre plus de créativité que lorsque l’individu est seul. Toutefois,
ce postulat a été testé a posteriori et pour la première fois par Taylor, Berry et Block (1958) et
n’a pas été validé. En effet, la créativité des groupes nominaux (i.e., somme des productions
individuelles) s’est avérée meilleure que celle des groupes réels utilisant la méthode du
brainstorming, et ce, aussi bien sur la fluence que sur l’originalité ou la rareté des idées. Cet
effet délétère du travail de brainstorming par rapport à la somme des productions
individuelles a été confirmé à de nombreuses reprises (e.g., Dunette et al., 1963 ; Maginn &
Harris, 1980 ; Mullen et al., 1991). Kohn et Smith (2011) montrent notamment que cette
méthode de travail en groupe réduit le champ d’idées ou de domaines à exploiter, ce qui
conduit à une augmentation de l’effet de fixation sans nécessairement qu’il y ait d’effet sur la
fluence. Cette diminution de la créativité en groupe a été expliquée à la fois par des causes
sociales comme l’apparition d’une paresse sociale (i.e., l’individu fait moins d’effort car la
responsabilité de chacun est diffuse dans le groupe ; voir Latané et al., 1979, Weldon &
196
Bellinger, 1997) ou d’une correspondance sociale (i.e., tendance à se conformer au pair ou au
groupe ; voir Asch, 1951), mais également par des causes cognitives comme un blocage dans
la communication (i.e., les individus en groupe ne peuvent pas s’exprimer tous en même
temps, comme ils le souhaitent ; voir Diehl & Stroebe, 1987), un effort cognitif moindre tel
qu’en mémoire de travail (i.e., la manipulation et le stockage d’informations à court terme
sont également diffusés entre les individus ; voir Nijstad et al., 2003) ou encore une tendance
à rester fixer sur le même type d’idées classiques (voir Kohn & Smith, 2011 ; Smith &
Blankenship, 1989, 1991 ; Smith, 2003). Weldon et Bellinger (1997) précisaient en outre que
la collaboration augmentait la peur de l’évaluation (voir aussi Collaros & Anderson, 1969),
mais alors que la majorité des travaux semble s’accorder sur l’idée que le travail en groupe
n’est pas efficace (voir Paulus & Nijstad, 2003), de réelles questions se posent quant aux
interprétations rapportées. En effet, il semblerait que cette conclusion, au vu des
méthodologies utilisées, soit assez réductrice.
Pour cause, les recherches que nous venons d’aborder ne permettent pas réellement
d’étudier l’effet général de la collaboration/du travail en groupe par rapport au travail
individuel : elles tendent à déterminer si la méthode spécifique du brainstorming est efficace
soit par rapport à des groupes réels n’utilisant pas cette méthode (e.g., Osborn, 1963, Parnes,
1961), soit par rapport à des groupes nominaux (e.g., Kohn & Smith, 2011), et à identifier les
facteurs qui sont à l’origine des impacts observés (e.g., Kurtzberg & Amabile, 2001). Étudier le
phénomène de collaboration spontanée, sans règles spécifique, semble pourtant primordial.
La méthode du brainstorming n’est pas systématiquement utilisée dans les institutions ou
organisations, bien qu’on lui reconnaisse des effets secondaires positifs (e.g., Choi et al.,
2019 ; Delacroix & Galtier, 2005 ; Nicolini & Meznar, 1995 ; Delbecq & Van de Ven, 1971). De
l’école à l’université, jusqu’au milieu professionnel, les individus sont amenés à collaborer à
197
de multiples reprises (e.g., exposés, rédaction de rapport, productions musicales, création de
contenus, de produits) sans pour autant être guidés quant à la façon de travailler ensemble
ou de partager leurs idées. De plus, la littérature permet de souligner que divers facteurs sont
susceptibles d’influencer l’effet du travail en groupe sur la performance. Notamment, la
composition du groupe (e.g., Bouchard et al., 1974 ; Bouchard & Hare, 1970 ; Carnacho &
Paulis, 1995), que ce soit au niveau de sa taille ou de la présence d’un individu supérieur tel
qu’un expert par exemple, la formation des participants (e.g., Dillon et al., 1972), ou encore
les valeurs individualistes versus collectivistes des participants (e.g., Choi et al., 2019 ; Goncalo
& Staw, 2006) vont jouer un rôle primordial dans l’efficacité ou l’inefficacité de la production
en groupe. Enfin, aucune de ces études, à notre connaissance, ne permet d’obtenir des
informations sur la motivation des participants ayant été en groupe ou seul pour
l’expérimentation.
Ainsi, il nous a semblé légitime de nous pencher sur l’effet d’une simple collaboration
(i.e., sans règle imposée) au sein de binômes par rapport à des individus générant seuls, afin,
dans un premier temps, de minimiser les éventuelles variables confondues (i.e., variables
interindividuelles pouvant jouer un rôle dans les échanges et/ou les productions), mais
également d’étudier si la fixation collective (Kohn & Smith, 2011) que l’on retrouve dans des
groupes de plusieurs personnes est retrouvé lorsqu’il est question de deux individus
seulement. Notre étude permettra d’identifier la nature de l’effet du travail collaboratif sur la
créativité et sur l’effet de fixation. Nous contrôlerons en outre la motivation des participants,
afin d’établir son rôle dans l’interaction entre contexte social et performances créatives.
Hypothèse 1 : sur la base des études ayant comparé des groupes de brainstorming à des
groupes nominaux, nous nous attendons à observer une meilleure productivité et expansivité
dans les productions individuelles que dans les productions des binômes.
198
Hypothèse 2 : au vu du phénomène de fixation collective ayant été mis en évidence (Smith,
2003 : Kohn & Smith, 2011) nous nous attendons également à ce que l’effet de fixation soit
renforcé lorsque les participants génèrent à deux plutôt que seuls.
2. METHODE
2.1. Participants
Deux cent vingt-trois étudiants de l’université de Paris dont vingt-cinq d’entre
eux avaient déjà effectué notre tâche créative et sept autres ont été identifiés comme
outliers
13
ont été expérimentés. Notre échantillon se compose ainsi de cent-quatre-vingt-onze
participants (Mâge = 18.9, ET = 1.45, rang : de 17 à 23 ; 175F/16 H). Quatre-vingt-huit d’entre
eux ont effectué la tâche de l’œuf en binôme (i.e., 44 binômes) alors que les cent-trois autres
ont résolu ce même problème dans un contexte de simple coaction (i.e., avec un autre
individu). Des analyses de Chi-carré nous ont permis de vérifier que la répartition
hommes/femmes ne différait pas en fonction de ces deux groupes, χ2(1) = 0.73, p = .39. De
même, une analyse de variance (ANOVA) à un facteur nous a permis de comparer la
distribution des âges au sein de nos deux conditions et a révélé que celle-ci ne différait pas
significativement, F(1,189) = 1.78, p = .18. Les caractéristiques démographiques par condition
sont présentées dans le tableau ci-dessous.
La taille de l’échantillon a été déterminée grâce à une analyse de puissance a priori, à
l’aide de G*Power 3.1.9.2 (Faul et al., 2009), qui a révélé qu’un minimum de 90 participants
serait nécessaire afin de détecter une taille d’effet moyen de .30 (selon les conventions de
13
Pour rappel, une analyse graphique (boxplot) et une analyse numérique (méthode d’estimation à partir des
quartiles de la distribution) ont été effectuées sur la variable âge et nos variables de créativité (fluence, effet de
fixation et expansivité).
199
taille d’effet de Cohen, 1977), dans un test t (conditions : individuels vs binômes) avec une
puissance (1 - β) fixée à .80 et un α fixé à .05. Tous les participants ont signé un consentement
écrit et ont été testé conformément aux normes nationales et internationales pour la
recherche chez l’humain.
Tableau 10.
Données épidémiologiques par condition.
2.2. Matériel et procédure
Après avoir signé le consentement éclairé, tous les participants ont rempli notre
questionnaire de motivation (Guay et al., 2000) de manière individuelle ainsi qu’un
questionnaire de régulation émotionnelle interpersonnelle (Williams et al., 2018).
La tâche créative de l’œuf leur était ensuite présentée avec les consignes habituelles.
Il était toujours précisé qu’il n’y avait pas de bonne ou mauvaise réponse, et que 5 minutes
leur étaient données pour proposer un maximum de solutions originales possibles au
problème. Lorsque les participants avaient été assignés à la condition en binôme, une seule
production devait être proposée. Autrement dit, les deux participants du binôme généraient
ensemble. Ils avaient 5 minutes pour discuter, échanger, décider des idées à inscrire
(protocole en papier-crayon), et évaluer chacune de ces idées sur des échelles allant de 1 à 7
(1 : pas du tout créative à 7 tout à fait créative).
Conditions
Effectifs (N)
Âge moyen (écart-type)
Répartition du
genre
(Femmes/Hommes)
Coaction
102 (51 groupes nominaux)
19.0 (1.47)
96 / 7
Binômes
88 (44 binômes)
18.8 (1.41)
79 / 9
200
A la fin des 5 minutes, les participants devaient soit seuls (pour la condition en simple
coaction) soit en binôme, sélectionner une idée parmi celles générées qu’ils considéraient
comme la plus créative et une qu’ils considéraient comme la plus classique. Une fois cette
étape terminée, tous les individus ont rempli individuellement un dernier questionnaire
contrôle. Ce questionnaire nous a permis d’évaluer à quel point chaque participant a ressenti
que sa performance était évaluée et mesurée, à quel point il s’est senti en compétition durant
la tâche de l’œuf, à quel point il a été à l’aise vis-à-vis de la présence de l’autre participant et
à quel point il pensait qu’être en coaction ou en binôme avait facilité la génération d’idées
créatives. Chaque item était présenté sous forme d’échelles de Likert en 7 points (1 : pas du
tout d’accord à 7 : tout à fait d’accord).
3. RESULTATS
Dans nos analyses, nous utiliserons l’eta-carré partiel et les d de Cohen pour évaluer les tailles
d’effets, ainsi que la correction de Bonferroni pour les seuils de significativité.
3.1. Créativité
La fluence, l’effet de fixation et l’expansivité ont été soumis à des test t avec la
condition expérimentales (Groupes nominaux Vs., Binômes) comme facteurs inter-sujets.
L’ensemble de ces analyses portent sur 95 productions (i.e., 44 binômes et 51 groupes
nominaux).
Fluence. Les binômes ont, en moyenne, proposé moins d’idées (M = 8.0, ET = 1.8) que
les groupes nominaux (M = 13.4, ET = 2 .93), t(93) = 10.8, p < .001, d = 2.19.
201
Flexibilité. Les binômes ont également exploré moins de catégories d’idées différentes
(M = 6.33, ET = 1.93) que les participants ayant généré en simple coaction (M = 9.39, ET =
2.33), t(93) = 7.0, p < .001, d = 1.42.
Effet de fixation et expansivité. Le nombre moyen d’idées en fixation était supérieur
dans les groupes nominaux (M = 9.25, ET = 2.55) que dans les binômes (M = 5.41, ET = 1.9),
t(93) = 8.33, p < .001, d = 1.69. De la même façon, les individus qui généraient seuls ont
proposé plus d’idées appartenant à l’expansion conceptuelle (M = 4.14, ET = 1.99) que ceux
qui généraient à deux (M = 2.59, ET = 2.02), t(93) = 3.81, p < .001, d = .78.
Figure 27. Nombre d’idées en fixation et en expansion en fonction de la condition expérimentale. ***
p<.001. Les barres d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM)
202
3.2. Évaluation subjective de la créativité
Une ANOVA à mesures répétées a été effectuée afin d’évaluer les scores de créativité
attribués par les participants portant sur les idées en fixation et sur les idées en expansion
(facteur intra-sujets) et ce, en fonction de la condition (Individus seuls Vs., Binômes). Bien que
l’effet d’interaction ne soit pas significatif (F<1), on relève un effet du type d’idées avec F(1,
140) = 6.17, p = .01, ηp2 = 0.042. Les participants évaluent en effet leurs idées en fixation
comme étant moins créatives (M = 4.08, ET = 1.04) que celles en expansion (M = 4.42, ET =
1.39). De plus, l’effet principal de la condition, F(1, 140) = 25.8, p < .001, ηp2 = 0.16 révèle que
les individus générant en binôme ont été plus confiants en leurs idées (M = 4.78, ET = 1.03)
que ceux en simple coaction (M = 4.02, ET = 1.23). Une seconde ANOVA à mesures répétées a
été effectuée sur les scores de sélection des participants en fonction de leur condition
(facteurs inter-sujet) et du critère de sélection (facteur intra-sujet ; sélection de l’idée la plus
créative et de l’idée la plus classique) : aucun effet d’interaction (p > .05) ou d’effet de la
condition (p > .05) n’a été observé. Toutefois on observe une différence entre les scores de
sélection des idées les plus créatives et les plus classiques : les participants ont de manière
générale mieux réussi à sélectionner une fixation lorsqu’on leur demandait de choisir l’idée la
plus classique (81% de réussite) qu’une expansion lorsqu’on leur demandait de choisir l’idée
la plus créative (42% de réussite).
3.3. Analyses supplémentaires
Motivation. Les scores moyens de motivation intrinsèque, de motivation extrinsèque
et d’amotivation ont été soumis à une ANOVA à mesures répétées avec la condition
expérimentale comme facteur inter-sujets (Binôme Vs. Individuel). L’effet principal des sous-
203
échelles, F(2, 378) = 395.88, p < .001, ηp2 = .68, indique que les participants étaient de
manière générale plus motivés intrinsèquement (M = 4.82, ET = 0.71) qu’extrinsèquement (M
= 3.1, ET = 0.72), t(378) = 19.73, p < .001 et d’autant plus qu’amotivés (M = 2.46, ET = 1.27),
t(378) = 27.24, p < .001. On observe également un effet entre la motivation extrinsèque et
l’amotivation, t(378) = 7.51, p < .001. Contrairement à l’effet principal de la condition (p > .05),
l’interaction s’est révélée significative, F(2, 336) = 6.81, p = .001, ηp2 = 0.04 et révèle une
amotivation supérieure chez les participants qui ont effectué l’expérience en simple coaction
(M = 2.68, ET = 1.33) plutôt qu’en collaboration (M = 2.2, ET = 1.16), t(543) = 3.61, p = .005. La
motivation extrinsèque et l’amotivation n’ont pas différé selon la condition (p > .05).
Des analyses de régression ont été effectuées afin d’obtenir des informations sur le rôle de la
motivation sur la créativité : aucun effet n’a été observé sur la fluence, l’effet de fixation ou
l’expansivité.
Régulation émotionnelle interpersonnelle. Les tendances à réguler ses émotions
positives ou négatives par l’intermédiaire d’autrui n’ont pas différé selon les conditions (p >
.05). On constate toutefois un effet des sous-échelles, F(3, 567) = 147.33, p < .001, ηp2 = 0.44
nous renseignant sur une tendance plus importante à réguler ses émotions via autrui lors
d’émotions positives (M = 4.5, ET = 1.42) que négatives (M = 3.64, ET = 1.38). Des analyses de
régression ont été effectuées afin d’obtenir des informations sur le rôle de cette tendance à
réguler ses émotions grâce à autrui sur la créativité : aucun effet n’a été observé, ni sur la
fluence, ni sur l’effet de fixation ou encore sur l’expansivité.
Sentiment d’évaluation et de compétition. Les test t nous indiquent que la condition
dans laquelle les participants généraient n’a impacté ni le sentiment de performance évaluée
(M = 3.93, ET = 1.66), t(189) < 1, ni la tendance à ne pas oser écrire certaines idées (M = 1.47,
204
ET = 1.12), t(189) < 1. Toutefois, on constate que les participants en binôme se sont sentis plus
à l’aise en générant avec quelqu’un (M = 5.62, ET = 1.14) que ceux qui généraient seuls (M =
4.87, ET = 1.66), t(189) = 3.36, p < .001, d = 0.49. En outre, les individus en simple coaction se
sont sentis plus en compétition (M = 2.09, ET = 1.58) que ceux en binôme (M = 1.53, ET = 0.64),
t(189) = 2.9, p = .004, d = 0.42. Le sentiment d’évaluation par l’expérimentateur a quant à lui
été plus important lorsque la génération se faisait en simple coaction (M = 3.31, ET = 1.93)
qu’en binôme (M = 2.49, ET = 1.38), t(189) = 2.6, p = .01, d = 0.46.
Figure 28. Représentation graphique des 5 test-t de Student effectués sur les scores moyens aux
échelles de mesures supplémentaires en fonction de la condition. *** p<.001, ** p<.01. Les barres
d’erreurs représentent les erreurs standards de la moyenne (SEM)
4. DISCUSSION
Cette étude avait pour objectif de déterminer quel impact travailler en collaboration
avec une autre personne a sur nos capacités créatives. Notre protocole a permis à la fois
205
d’obtenir des indications quant à l’expansivité mais également à l’effet de fixation présent lors
de la génération d’idées. Nos résultats permettent de constater que travailler seul en simple
coaction plutôt qu’en binôme, est bénéfique pour la productivité. En effet, comme nous
l’avions anticipé à partir de la littérature, générer de manière individuelle a permis de favoriser
la productivité, autrement dit le nombre d’idées proposées. Toutefois, alors que certains
auteurs comme Kohn et Smith (2011) rapportent que l’effet de fixation est renforcé durant la
génération en groupe, et/ou que la créativité, l’originalité est diminuée (e.g., Dunette et al.,
1963 ; Maginn & Harris, 1980 ; Mullen et al., 1991), nous ne retrouvons ni de renforcement
de l’effet de fixation ni une diminution de l’expansivité dans notre condition de travail en
binôme par rapport au groupe contrôle. Les individus générant à deux ont en effet proposé à
la fois moins d’idées en fixation et moins d’idées en expansion. Le fait que la fixation et
l’expansivité n’ait pas différé selon la condition expérimentale soulève diverses interrogations
et questionne sur d’éventuelles limites expérimentales.
Bien que nous ayons analysé les données des participants ayant généré seuls - des
groupes nominaux - ces derniers étaient en coaction. Or, la coaction est considérée comme
un contexte social pouvant avoir un impact sur la performance (e.g. Huguet et al., 1999 ;
Zajonc, 1965). Shalley (2017) a notamment montré un effet négatif sur la créativité lorsque
les participants généraient en coaction par rapport à ceux qui étaient seuls. Ainsi, nous
pourrions imaginer qu’il existe un effet négatif à la fois de la coaction et de la collaboration
par rapport à une condition sans contexte social, que notre étude n’a permis de vérifier.
D’autres études rapportent pourtant bien un effet négatif de la collaboration par rapport à la
coaction (e.g., Goncalo & Staw, 2006 ; Kohn & Smith, 2011). Étant donné que nous n’avons
pas observé de différence de sensibilité à la fixation et l’expansivité, nous devons nous
interroger sur ce qui aurait pu rendre la coaction aussi néfaste à la créativité que le travail en
206
binôme. A partir de nos variables contrôles, on constate que les individus en coaction se sont
sentis à la fois moins à l’aise, moins confiants en leurs idées, mais également plus en
compétition que les individus qui généraient à deux. Or, on sait que le contexte compétitif
peut avoir des effets délétères sur la créativité (e.g., Amabile, 1982 ; Bittner et al., 2016 ;
Raina, 1968 ; Shalley & Oldham, 1997). Le sentiment de compétition entre les individus en
coaction pourrait bien avoir joué un rôle dans notre étude que nous n’avons pu contrôler. Si
la condition de simple coaction peut être à l’origine de l’absence d’effet dans notre
expérimentation, d’autres limites et questions sont à envisager concernant notre condition
de binômes. Dans un premier temps, nous pouvons questionner la composition de nos
groupes. La taille optimale d’un groupe de travail n’a, à ce jour, pas été démontré dans la
littérature ; bien que les auteurs laissent à penser qu’au-dessus de 5 individus, un vrai manque
de cohésion et d’homogénéité est observé (Henderson, 1985). Les études passées reposant
essentiellement sur des groupes d’environ 4 personnes, on peut imaginer que la taille ait une
importance non-négligeable et qu’il serait intéressant de répliquer cette étude avec à la fois
une condition de groupe plus important ne mettant pas à mal les possibilités de
communication (i.e., 2-4 individus) et un groupe dans lequel une cohésion serait plus difficile
à obtenir (i.e., plus que 5 individus). Outre la taille du groupe, quelques éléments vis-à-vis de
sa composition ressortent dans la littérature : la présence d’individu(s) anxieux est reconnu
comme diminuant la productivité (Carnacho & Paulis, 1995), de même que la présence d’une
personne perçue comme ayant un statut supérieur (e.g., Delbacq & Van de Ven, 1971), ou la
présence d’un ou plusieurs autres participants dominants (e.g., Maier & Hoffman, 1960).
L’hétérogénéité du groupe, si mêlée à une tolérance et une expression possible des minorités,
s’avère quant à elle être un facteur pouvant affecter positivement la créativité (e.g., Hoffman,
1965). De même, avoir des valeurs individualistes (versus collectivistes) s’est avérée pouvoir
207
favoriser la créativité, l’individu mettant l’accent sur l’unicité et le fait de se démarquer des
autres plutôt que sur la cohésion et la conformité aux normes (Goncalo & Staw, 2006). Toutes
ces variables devraient ainsi être contrôlées ou manipulées lors de l’élaboration d’une
expérimentation sur le travail en groupe. Enfin, une étude plus récente a également permis
d’identifier de nouveaux facteurs exerçant un rôle dans l’interaction entre collaboration et
créativité. Xue et al. (2018) montrent effectivement qu’une réelle coopération (i.e., une
motivation extrinsèque informationnelle
14
) peut améliorer la capacité à résoudre un
problème créatif. L’équipe expérimente des dyades appartenant à trois
conditions différentes. A partir d’un pré-test (i.e., utilisations alternatives d’objets), les
auteurs divisent leurs participants en fonction de leurs capacités créatives initiales (i.e., basses
ou hautes) puis forment trois types de dyades différentes : des dyades symétriques, avec deux
individus aux basses capacités créatives (i.e., bas-bas) ou avec deux individus aux hautes
capacités (i.e., hautes-hautes), et des dyades asymétriques, autrement dit, avec un individu à
hautes capacités et un individu aux faibles capacités. Dans un premier temps, les résultats
montrent que les groupes composés de deux participants ayant eu de faibles performances
au pré-test (bas-bas) ont fait preuve de plus de coopération que les deux autres types de
dyades (i.e., coopération bas-bas > haut-haut = haut-bas). Dans un second temps, cette étude
permet de constater que seules les dyades bas-bas, grâce au processus de coopération, ont
amélioré leurs performances entre le pré-test et le test en contexte social. Ces données
confirment l’idée que lorsqu’un contexte est informationnel, autrement dit qu’il peut aider
l’individu à s’améliorer, à obtenir des feedbacks de manière positive, celui-ci aura un impact
positif sur les performances en créativité. Mais cette étude permet également de préciser que
14
Pour rappel, un contexte dit « informationnel » va permettre à l’individu d’obtenir des indications quant à sa
performance, par exemple des feedbacks qui lui permettront de s’améliorer.
208
la nature de la relation interindividuelle tient un rôle dans les interactions étudiées.
Autrement dit, le manque de coopération dans les dyades asymétriques montre que la nature
de la relation entre les individus devant performer en même temps (e.g., en coaction, en
collaboration, en compétition) peut également jouer un rôle. Kurtzberg et Amabile (2001)
rapportaient déjà que la créativité en groupe (avec brainstorming) était matière à débat dans
la littérature à cause des conflits qu’il pouvait y avoir, ces derniers pouvant affecter les
productions créatives. Pour résumé cette dernière idée, il existe une fine mais importante
différence entre coopération et collaboration. Alors que la coopération repose sur une
dimension de consensus excluant la concurrence et les conflits (i.e., motivation extrinsèque
informationnelle), la collaboration s’articule davantage autour de l’importance de travailler
ensemble, de l’atteinte d’un objectif commun (i.e., motivation extrinsèque contrôlée). Tous
les facteurs susmentionnés peuvent jouer un rôle dans l’impact d’un travail de groupe sur la
performance. Ils peuvent à la fois expliquer les divergences rapportées dans la littérature et
mener à des pistes de réflexion quant aux résultats observés dans notre expérimentation.
Il est important de relever que notre étude a permis de mettre à nouveau en évidence
la capacité des individus à discriminer leurs idées en fixation et en expansion, ces dernières
étant jugées comme plus créatives que celles qui étaient biaisées (i.e., appartenant à l’effet
de fixation). On observe également que le contexte social n’a pas impacté la motivation
contrairement à ce que le modèle motivationnel aurait prédit (e.g., Amabile, 1996) et que la
motivation n’a pas joué de rôle particulier sur nos mesures de créativité.
En résumé, il est possible que la coaction ait eu un impact négatif tout comme le travail
en groupe, notamment à cause du sentiment de compétition observé chez les participants
générant seuls. Une autre possibilité serait que la coaction n’ait pas eu d’effet, comme
attendu, mais que certaines variables aient eu un effet positif sur le travail en binôme, de telle
209
sorte que la sensibilité plus importante à la fixation et moindre à l’expansivité ait été
compensée. Notre étude a permis à la fois d’obtenir de nouvelles pistes d’explorations, de
faire émerger de nouvelles interrogations mais également d’apporter une indication quant à
la capacité des individus à juger différemment leurs idées en expansion de celles appartenant
à l’effet de fixation. Ces données semblent importantes à considérer car elles offrent des
pistes d’amélioration notamment quant à l’apprentissage de la créativité.
210
Conclusion et Discussion
211
1. Objectifs de la thèse
L’objectif général de cette thèse était d’étudier l’impact de différents contextes
sociaux sur la créativité (i.e., l’expansivité) et le biais de fixation, et de dégager et comprendre
les processus impliqués.
En effet, lorsque nous devons générer des idées créatives, deux types de blocages
peuvent survenir et ainsi limiter nos productions. Tout d’abord, la tendance à proposer des
idées basées sur nos connaissances les plus communes et les plus facilement accessibles
constitue un blocage cognitif nommé « effet de fixation ». L’approche cognitive de la créativité
a permis de mettre en évidence l’existence de ce biais et de souligner l’importance de le
surmonter afin de proposer quelque chose de nouveau, de rare, d’original (Cassotti et al.,
2016 ; Finke et al., 1992 ; Smith et al., 1995). Le modèle triadique de la créativité (Cassotti et
al., 2016) nous renseigne sur les processus cognitifs permettant de dépasser l’effet de
fixation : il serait nécessaire d’inhiber grâce au contrôle inhibiteur (Système 3) nos idées
biaisées - non-créatives (i.e., en fixation) - induites par un premier système heuristique et
automatique (Système 1), afin d’activer un second système analytique et délibéré (Système
2) rendant possible l’opération d’expansivité conceptuelle (i.e., idées en expansion ; e.g.,
Camarda et al., 2018 ; Vartanian, 2009). De plus, de récents travaux (Camarda, 2017 ;
Desdevises et al., en préparation) ont permis d’identifier le processus de détection de conflit
comme étant impliqué dans la génération d’idées créatives. Cette détection de conflit
constituerait une étape préalable à l’activation de l’inhibition des stratégies intuitives et
heuristique qui mènent à l’erreur (Houdé & Borst, 2014), ou dans le domaine de la créativité,
à l’effet de fixation. En outre, le contexte social a largement été reconnu dans la littérature
comme pouvant influencer les performances cognitives (e.g., Festinger, 1954 ; Zajonc, 1965)
et notamment le contrôle inhibiteur (e.g., Augustinova & Ferrand, 2012 ; Bouhours et al.,
212
2016 ; Cohen et al., 2016). Alors que les blocages sociaux dans le domaine de la créativité ont
également fait l’objet de multiples recherches (e.g., Amabile, 1979, 1996, 2012 ; Osborn,
1957), très peu d’études permettaient de prendre en considération l’interaction entre les biais
sociaux et le biais cognitif de la créativité, à savoir, l’effet de fixation (Smith et al., 1995). Ainsi,
nous nous sommes demandé quels effets le contexte social pouvait-il avoir sur la génération
d’idées créatives, et plus spécifiquement sur l’effet de fixation et l’expansivité.
Afin de répondre à cette question, nous avons décidé de mettre en place un ensemble
de travaux empiriques visant à manipuler différents contextes sociaux tout en conservant une
procédure expérimentale rigoureuse d’étude de la génération d’idées créatives et d’un
ensemble d’échelles socio-émotionnelles. Cette procédure a permis d’obtenir des indices de
créativité aussi bien sur la productivité générale (i.e., fluence – nombre d’idées générées) que
sur l’effet de fixation (i.e., biais cognitif nombre d’idées non-créatives) ou encore sur
l’expansivité (i.e., nombre d’idées créatives), mais également des indices de régulation
émotionnelle interpersonnelle ou de motivation, celle-ci ayant un rôle majeur dans
l’interaction entre créativité et contexte social (e.g., Amabile, 1996, 2012 ; Deci & Ryan, 2012 ;
Seta, 1982).
2. Synthèse des résultats principaux de la thèse
Notre première étude avait deux objectifs principaux. Tout d’abord, nous souhaitions
acquérir de nouvelles connaissances quant au développement de la créativité, toujours sujet
à débat dans la littérature (e.g., Jacquish & Ripple, 1980 ; Kleibeuker et al., 2014 ; Smith &
Carlsson, 1985). Plus spécifiquement, cette étude s’intéressait à la période développementale
de l’adolescence, celle-ci étant connue pour être particulièrement sensible aux facteurs
sociaux (Chein et al., 2011 ; Smith et al., 2014). Nous avons mis en évidence que la créativité
213
continuait à se développer avec l’âge. En effet, la productivité (i.e., fluence) et l’expansivité
ont augmenté entre la première partie de l’adolescence (10-15 ans) et la fin de cette période
(17-23 ans). Toutefois, l’effet de fixation a également été renforcé au cours de l’adolescence.
En s’intéressant aux capacités à juger différemment leurs idées en fixation ou à contrario en
expansion, nous avons constaté une amélioration avec l’âge de la capacité de détection : alors
que les plus jeunes adolescents ont eu tendance à surévaluer la créativité de l’ensemble de
leurs idées, les adolescents tardifs ont été capables de les discriminer en fonction de leur
nature (i.e., juger comme étant plus créatives les idées en expansion que celles en fixation).
En outre, nous avions comme objectif d’examiner de quelle façon s’attendre à être évalué par
des pairs allait influencer les capacités créatives et ce, en fonction de l’âge. Pour ce faire, nous
avons induit un contexte d’attente d’une évaluation contrôlée ou informationnelle.
Autrement dit, soit les participants s’attendaient à devoir partager leurs idées à la fin de la
session de génération d’idées afin de déterminer eux-mêmes lequel aura été le meilleur et
lequel aura été le moins bon (évaluation contrôlée induction d’un certain sentiment de
compétition), soit avec l’objectif de trouver de nouvelles idées ensemble et des moyens de
s’améliorer (évaluation informationnelle induction d’un certain sentiment d’entraide).
Malheureusement, nos contextes sociaux ne se sont pas révélés assez saillants : quelle que
soit la condition, les participants ne se sont que très peu sentis évalués par les pairs ou en
compétition, et ont exprimé un sentiment plus important d’évaluation par l’expérimentateur.
Ainsi, nous avons, par la suite, mené des travaux (études 2, 3, et 4) en augmentant la saillance
des contextes sociaux, tout en se focalisant sur la période de fin d’adolescence.
Les quelques auteurs ayant étudié l’interaction entre contexte compétitif et la
créativité rapportent des effets contradictoires (e.g., Amabile, 1982 ; Deci & Ryan,
1980). Notre deuxième étude avait pour objectif de déterminer dans quelle mesure générer
214
des idées créatives face à des compétiteurs pouvait être bénéfique ou néfaste. Pour ce faire,
nous avons manipulé deux types de compétitions différentes : une compétition dite in-group
dans laquelle les compétiteurs étaient présents et généraient en coaction, et une compétition
dite out-group dans laquelle les compétiteurs n’étaient pas présents. Dans cette dernière
condition, les participants généraient tout de même en coaction et pensaient être en
compétition avec des étudiants du même niveau mais venant d’une autre université. Notre
étude a permis de montrer pour la première fois qu’une compétition out-group n’avait pas les
mêmes effets sur les capacités créatives qu’une compétition in-group, et qu’elle influençait
différemment l’effet de fixation et l’expansivité. En effet, la compétition out-group a permis
d’améliorer la productivité (i.e., fluence), la flexibilité (i.e., nombre de catégories d’idées
différentes) et l’expansivité par rapport à une compétition in-group ou à une condition de
simple coaction. Toutefois, il est essentiel de préciser que cette amélioration de la créativité
n’a été observée que dans le cas les participants se sentaient faiblement en compétition
in-group (i.e., avec les coacteurs présents) et que l’effet de fixation, lui, n’a été ni renforcé ni
minimisé en fonction des conditions expérimentales. De manière surprenante, nous n’avons
pas observé les effets néfastes d’une compétition in-group que l’on attendait. Que les
participants soient en simple coaction ou en compétition in-group, leurs productions n’ont
pas différé. Enfin, tout comme dans la première étude, on a constaté que nos adolescents
tardifs (18-23 ans) étaient capables, quel que soit le contexte dans lequel ils généraient, de
discriminer convenablement leurs idées catégorisées a posteriori comme en fixation ou en
expansion.
Afin de comprendre les résultats inattendus relatifs à la compétition in-group, nous
avons décidé de mener deux expérimentations (étude 3A et 3B) en portant une attention
particulière au processus de comparaison sociale. Nous avons, en effet, une tendance à
215
systématiquement nous comparer à autrui mais la source de comparaison peut être – ou peut
être perçue comme étant soit ascendante, soit descendante. En prenant en considération
que la première est connue dans la littérature pour avoir des effets plutôt bénéfiques par
rapport à la seconde (e.g., Dumas et al., 2005 ; Festinger, 1954 ; Huguet et al., 2001), nous
avons décidé de manipuler à nouveau un contexte de compétition in-group tout en contrôlant
expérimentalement les deux types de comparaison sociale.
Ainsi, notre troisième étude reposait sur la même méthodologie que la seconde (i.e.,
compétition in-group), mais nous avons ajouté des feedbacks quant à la productivité des pairs.
Plus spécifiquement, avant que nos participants ne commencent à effectuer la tâche de
créativité, nous leur avons indiqué le nombre moyen d’idées créatives générées par les
étudiants de leur âge : soit cet indice était inférieur à la moyenne réellement observée (i.e.,
comparaison descendante), soit il était supérieur à cette même moyenne (i.e., comparaison
ascendante). Nous avions également un groupe contrôle dans lequel les participants ne
recevaient pas de feedback. Nos résultats ont permis de montrer que la productivité était
diminuée dans le cas d’une comparaison sociale descendante, et que les deux types de
comparaison sociale menaient à une détérioration de l’expansivité. Alors que nous avons
relevé un renforcement de l’effet de fixation en comparaison sociale ascendante, ce biais
cognitif n’a pas été impacté lorsque la comparaison était descendante. Cette étude a permis
de souligner à nouveau l’importance de prendre en considération l’effet de fixation et
l’expansivité dans les études portant sur la créativité, notamment lors de l’implication d’un
contexte social, mais également d’identifier le processus de comparaison sociale comme un
facteur jouant un rôle primordial dans l’influence du contexte. En d’autres termes, il pourrait
bien s’agir d’un facteur à l’origine, à la fois des controverses que l’on trouve dans la littérature
(e.g., Amabile, 1982 ; Deci & Ryan, 1980), et de l’absence d’effet de notre compétition in-
216
group dans notre étude 2. Pour cause, alors que la comparaison sociale latérale (i.e., avec
quelqu’un perçu comme ayant le même niveau) est susceptible d’avoir des effets bénéfiques
sur la performance (e.g., Huguet et al., 1999 ; Sanders et al., 1978) mais qu’il semblerait que
les comparaisons sociales ascendante et descendante soient néfastes (Etude 3) à la créativité,
il est tout à fait possible que les effets du contexte compétitif in-group aient été minimisés ou
contrebalancés par la tendance naturelle des individus à se sentir meilleur, moins bons ou au
même niveau que les autres. Il semble ainsi essentiel de contrôler ou manipuler les différents
types de comparaison sociale induite par le contexte social. Afin d’affiner nos interprétations
et d’obtenir une indication quant au rôle de la coaction dans l’influence du contexte social,
nous avons également mené une seconde expérimentation en considérant les comparaisons
sociales ascendante et descendante. Dans ce cadre, nous avons demandé aux adolescents
tardifs de générer seuls et non plus en présence de pairs. Comme anticipé, aucun effet de la
comparaison sociale induite n’a été observé, ce qui semble indiquer que la coaction est un
élément essentiel pour voir apparaître les bénéfices ou les effets néfastes de facteurs sociaux
telle que la comparaison sociale. Alors que certains auteurs ont montré que ce n’était pas la
simple présence de coacteurs qui serait critique (Huguet et al., 1999 ; Sanders et al., 1978),
d’autres avancent que la simple menace d’être inférieur aux autres est suffisante pour qu’une
amélioration des performances soit observée à une tâche d’inhibition (Dumas et al., 2005).
Notre étude permet de constater que, quel que soit le type de comparaison sociale impliquée
lors de la génération d’idées, la coaction est un élément essentiel pour voir apparaître de
quelconque effet sur l’expansivité ou l’effet de fixation.
Enfin, l’amélioration des performances en compétition out-group (étude 2) retrouvée
uniquement chez ceux ne se sentant pas en compétition avec les coacteurs, a permis de
soulever de nouvelles interrogations. Si le fait de se sentir appartenir à un groupe et d’avoir la
217
volonté de bien faire pour maintenir l’efficacité de celui-ci est positif pour la performance
créative, qu’en serait-il non plus en simple coaction mais en contexte de réelle collaboration ?
Afin de répondre à cette question (étude 4), nous avons mis en place un contexte dans lequel
les adolescents tardifs (17-23 ans) généraient soit en simple coaction par deux, soit en binôme.
Nos résultats permettent d’observer qu’en générant à deux, les individus se sont sentis plus à
l’aise, moins en compétition, mais également plus en confiance puisqu’ils ont évalué leurs
idées, de manière générale, comme étant plus créatives que les participants générant seuls.
Notons toutefois que, comme dans nos deux premières études, tous les participants,
indépendamment de la condition, on juger leurs idées en expansion comme étant plus
créatives que celles en fixation. Néanmoins, malgré ces capacités de jugement des idées, et
des sentiments plus positifs dans les binômes qu’en contexte de coaction, on constate que les
productions créatives en collaboration étaient moins bonnes que celles des individus qui
généraient seuls. Plus spécifiquement, nous avons relevé un effet de fixation chez les
participants en binômes tout comme ceux qui généraient seuls, mais ils étaient également
moins productifs, et proposaient ainsi moins d’idées en expansion.
La motivation ayant une place importante dans les modèles de la créativité (e.g.,
Amabile, 1996 ; Lubart 2003 ; Deci & Ryan, 2012), nous l’avons évalué de façon systématique
dans nos travaux, au début de chaque session expérimentale et après l’induction de nos
contextes sociaux. Alors qu’on s’attendait à une influence de ces contextes et des facteurs
manipulés, toutes nos études ont révélé une motivation intrinsèque plus importante que la
motivation extrinsèque. En outre, nous n’avons constaté aucun rôle médiateur de la
motivation sur la créativité dans nos études.
218
Tableau 11.
Résumé des résultats obtenus dans nos travaux en fonction des contextes manipulés et des différentes
mesures de créativité.
Note. “E.E” : expected-evaluation ; “CS” : comparaison sociale ; “/” : pas d’effet ; effet par rapport à
une seule des autres conditions ; effet par rapport au groupe contrôle et à l’autre condition
Le sens des flèches indique une augmentation ou une diminution de la variable
Le vert représente une amélioration (e.g., diminution de l’effet de fixation, augmentation de l’expansivité)
et le rouge une influence négative (e.g., augmentation de l’effet de fixation, diminution de l’expansivité).
219
Figure 29. Résumé des résultats d’évaluation subjective de la créativité (discrimination des deux types
d’idées : fixations Vs. Expansions)
Afin d’expliquer et d’interpréter l’ensemble de ces résultats parfois surprenants mais
également l’absence de certains effets attendus, nous allons aborder différentes hypothèses
théoriques, soulever certaines limites et proposer ainsi des perspectives pour de futures
recherches, celles-ci impliquant essentiellement la prise en considération de nouveaux
facteurs dans l’étude de l’influence du contexte social sur le développement de la génération
d’idées créatives.
Le modèle triadique de la créativité considère en effet la distinction entre l’inhibition
cognitive nécessaire pour surpasser l’effet de fixation et proposer des idées créatives, et
l’inhibition sociale - néfaste à la génération d’idées originales décrite par Amabile dans le
cadre de son modèle motivationnel (1983, 1996, 2012). Ainsi, le contexte social influencerait
la motivation qui elle-même jouerait un rôle sur l’ensemble des trois systèmes du processus
créatif et la performance. Au vu de nos résultats, il semblerait que cette interaction entre
220
contexte social, motivation et créativité soit plus complexe et que divers autres facteurs
jouent également un rôle.
3. Importance des facteurs motivationnels
Pour rappel, Amabile (e.g., 1979) avance que la motivation intrinsèque joue sur les
capacités créatives et que les contraintes extrinsèques diminuent cette motivation et ainsi
l’originalité de la production. Le rôle primordial de la motivation intrinsèque a, depuis, été
largement confirmé et reconnu (e.g., Amabile, 1983, 1996 ; Ceci & Kumar, 2015 ;
Csikzentmihalyi, 2008 ; Hetland et al., 2007 ; Runco, 2007 ; Sternberg & Lubart, 1991, 1995 ;
Woodman & Schoenfeldt, 1989, 1990). Les multiples travaux menés avec l’objectif d’étudier
l’interaction entre contexte social et créativité ont montré que la motivation extrinsèque peut,
dans certains cas, être combinée de façon synergique avec la motivation intrinsèque et ainsi
avoir une influence positive sur la créativité (e.g., attente d’une évaluation informationnelle,
Shalley & Perry-Smith, 2001). En manipulant différents contextes tout en respectant une
même procédure méthodologique, nos travaux ont permis de confirmer l’influence possible,
tantôt néfaste, tantôt positive des facteurs sociaux sur la génération d’idées créatives.
Toutefois, alors que nous avons, de manière systématique, recueilli une mesure de la
motivation, l’ensemble de nos résultats ne semble pas aller dans le sens de la théorie
motivationnelle d’Amabile (1983, 1996, 2012). En effet, nos études n’ont pas permis
d’identifier la motivation comme facteur ayant contribué à la qualité des productions
proposées. On relève cependant que dans le cas les participants se sont sentis le plus
évalués par les pairs (Étude 3.A), les performances étaient les moins bonnes (i.e., par rapport
aux autres études et conditions). En outre, alors que notre première étude a tout de même
révélé une augmentation de la productivité avec l’augmentation de la motivation intrinsèque,
221
on constate que l’effet de fixation a été renforcé mais que l’expansivité n’a nullement été
améliorée. Ces données confirment l’importance de prendre en considération à la fois la
motivation, l’expansivité et l’effet de fixation lorsque l’on s’intéresse à l’interaction entre
contexte social et créativité, mais elles mènent également à de multiples réflexions. Nous
nous sommes dans un premier temps interrogé sur les facteurs pouvant expliquer les
divergences existantes entre nos travaux et ce que nous renseigne la littérature.
La diversité des méthodologies utilisées a, dans un premier temps, attiré notre
attention. En effet, dans la littérature portant sur l’interaction entre contexte social et
créativité, on retrouve, dans certains cas, une mesure comportementale de la motivation
intrinsèque, à savoir, une mesure de libre choix (e.g., Amabile et al., 1976 ; Ryan, 1982 ; Ryan
et al., 1983). Cette mesure présente deux limites majeures : elle est unidimensionnelle (i.e.,
mesure uniquement d’un sous-type de motivation intrinsèque), et ne peut pas être utilisée
dans des cadres de recherches plus écologiques (i.e., sur le terrain), et difficilement dans un
cadre de contexte social. Ainsi, des mesures d’auto-évaluation ont été proposées et utilisées.
On constate que dans certains cas, ces échelles ont été administrées après que la tâche
créative a été effectuée, parfois à la fin de l’expérience (Amabile, 1979 ; Amabile et al.,
1990 ; Conti et al., 1995) parfois même quelques semaines après (Amabile, 1984). Comme
Conti et al. (1995) le suggèrent, tester la motivation intrinsèque a posteriori présente une
limite importante : les données recueillies peuvent indéniablement être influencées par le
sentiment des participants vis-à-vis de leur performance. C’est pour cette raison que nous
avons, dans chacune de nos études, proposé notre questionnaire motivationnel après
l’induction du contexte mais avant que les participants n’aient effectué la tâche de l’œuf.
D’autres études antérieures ont également évalué l’intérêt intrinsèque au début de
l’expérimentation, tantôt avec des items non-standardisés (e.g., Amabile, 1984, 1985) tantôt
222
avec des échelles validées et standardisées (voir Figure 30 pour une synthèse descriptive)
comme celle d’Harter (1981 ; e.g., Amabile et al., 1986 ; Hennessey et al., 1989 ; Shalley &
Perry-Smith, 2001), le SIEQ (Student Interest and Experience Questionnaire ; Amabile, 1989)
ou encore le WPI (Work Preference Inventory, Amabile et al., 1993).
Figure 30. Description de trois tests standardisés utilisés dans les études portant sur l’interaction entre
motivation et créativité en contexte social.
On observe donc une grande diversité des méthodologies utilisées dans les études antérieures
susmentionnées, pouvant contribuer aux divergences relevées entre ce que la littérature et
nos travaux renseignent. Il semble ainsi primordial d’effectuer des mesures motivationnelles
standardisées et systématiques de la motivation intrinsèque et extrinsèque en ne faisant
varier que le contexte social, d’autant que l’on observe également une grande diversité des
tâches utilisées dans la littérature.
223
En outre, alors qu’on sait que la motivation peut être à la fois un trait (i.e., relatif à un trait de
personnalité notamment) relativement stable dans le temps chez les individus et un état
temporaire (i.e., relatif à une situation) fortement influencé par les facteurs sociaux (Amabile,
1993 ; voir Lepper & Greene, 1978 pour une revue), il semblerait qu’aucune étude à ce jour
n’ait examiné l’interaction entre les deux, alors même qu’on sait qu’une haute tendance (i.e.,
orientation) motivationnelle intrinsèque est susceptible de minimiser l’influence de facteurs
extrinsèques (Amabile, 1993). Au vu de ces éléments il semblerait intéressant de mener une
étude en recueillant un indice de motivation situationnelle comme l’échelle de Guay et al.
(2000 ; SIMS) le permet, tout en contrôlant les tendances générales des individus à être
motivés plutôt intrinsèquement ou extrinsèquement, par exemple avec le SIEQ ou le WPI
(Amabile, 1989 ; Amabile et al., 1993).
Enfin, comme nous l’avons mentionné, le fait que les travaux présentés dans cette thèse aient
permis de mettre en évidence des influences différentes des facteurs sociaux manipulés (i.e.,
coaction, compétition, évaluation) sans que cela ne puisse être expliqué par la motivation,
cela suggère que d’autres facteurs doivent être pris en considération afin de comprendre au
mieux l’interaction entre contexte social et génération d’idées créatives.
4. Perspectives et pistes de recherches
Comme nous l’avons vu, l’interaction entre contexte social et créativité a
principalement été expliquée par des facteurs motivationnels (Amabile, 1983, 1996, 2012).
Toutefois, nos travaux ont permis de questionner l’importance de multiples autres facteurs
susceptibles de jouer un rôle direct sur les influences de facteurs sociaux dans le domaine de
la génération d’idées créatives.
224
Le modèle multivarié de la créativité (Lubart et al., 2003) repose sur l’idée que 6 types
de ressources sont liés au potentiel créatif : des facteurs cognitifs (i.e., connaissances et
intelligence), conatifs (i.e., personnalité, motivation), émotionnels, et environnementaux. Les
auteurs précisent que la créativité ne se résume pas aux performances individuelles sur
chacune de ces composantes (Sternberg & Lubart, 1991, 1992, 1995, 1996). En effet, ces
dernières sont en perpétuelle coaction et leur combinaison va spécifiquement influencer le
degré de créativité d’un individu. Il a été montré notamment qu’une compensation partielle
entre les composantes était possible. Une forte motivation peut, par exemple, contrebalancer
un faible niveau de connaissances. De nombreuses études confirment l’implication des 6
composantes décrites dans le modèle multivarié de la créativité mais également leur
interaction, comme par exemple entre la motivation et les processus cognitifs et intellectuels
(Runco & Chand, 1995 ; Smith et al., 1995). Ainsi, si la qualité des productions créatives
dépend de l’interaction entre différentes composantes, on peut facilement imaginer que
celles-ci puissent être influencées de différentes manières par l’induction d’un contexte social.
Nous allons donc aborder différents facteurs susceptibles de détenir un rôle clé dans
l’interaction entre contexte social et génération d’idées créatives.
4.1. Mémoire de travail et ressources attentionnelles.
Certains auteurs ont rapporté des effets bénéfiques sur la pensée divergente d’une
attention distribuée, autrement dit, d’une restriction des ressources attentionnelles allouées
à la tâche (Lin & Lien, 2013 ; Fugate et al., 2013 ; Takeuchi et al., 2011). Toutefois, d’autres
études ayant porté une attention particulière à la distinction entre la diminution des
ressources d’inhibition cognitive et des ressources de mémoire de travail (i.e., ressources
attentionnelles), ont révélé une absence d’effet de cette dernière (e.g., Camarda et al., 2018 ;
Furley & Memmert, 2015). Par ailleurs, alors que nous savons que le contexte social a des
225
effets sur l’attention portée à la tâche (e.g., Huguet et al., 1999), les études susmentionnées
ne manipulent ou ne contrôlent aucun facteur social (e.g., appréhension de l’évaluation par
l’expérimentateur). La menace d’évaluation par autrui (e.g., par les pairs, par un expert) est
pourtant reconnue pour consommer des ressources attentionnelles notamment en
provoquant des pensées ruminantes causées par la peur de ne pas être à la hauteur (Koole et
al., 1999 ; Muller & Butera, 2007), et on sait que la sensibilité à la pression sociale dépend
entre autres des capacités de mémoire de travail (Belletier et al., 2015). Ainsi, il semblerait
intéressant de manipuler différents contextes sociaux tout en contrôlant les capacités de
mémoire de travail et en évaluant ou manipulant les ressources allouées au problème créatif
proposé.
4.2. Quel rôle jouent les émotions ?
Toujours avec l’idée que la performance créative dépend de l’interaction entre
différentes composantes, Zenasni et al. (in press) expliquent qu’à un état émotionnel ne
correspond pas une performance créative, mais qu’il est nécessaire de prendre en
considération différentes variables susceptibles d’influencer cet état. En effet, alors que les
études portant sur les émotions manipulent majoritairement la valence émotionnelle, il
s’avère que l’intensité émotionnelle peut moduler les performances de créativité. De la même
façon, les auteurs considèrent la nature de la tâche créative et les aptitudes et traits
émotionnels des individus (i.e., dispositions ou tendances à réagir avec une ou plusieurs
émotions, intelligence émotionnelle) comme facteurs déterminants dans l’influence des
émotions sur les capacités créatives. Nos travaux n’ont pas permis d’établir de liens causaux
entre les tendances de régulation émotionnelle interpersonnelle et l’effet de fixation ou
l’expansivité, ou les sentiments de compétition et d’évaluation. Toutefois, il semble primordial
dans de futures études, de contrôler et d’évaluer notamment la réactivité émotionnelle (RED)
226
qui permettrait d’obtenir des indices plus précis quant à l’influence du contexte social sur les
émotions des individus (Aïte et al., 2013 ; Bechara et al. 2000 ; Habib et al., 2015 pour
émotions et prise de décision par exemple). Le recueil d’un indice physiologique (e.g.,
sécrétion sudorale, EEG, rythme cardiaque) et d’un indice cognitif et comportemental recueilli
grâce à une échelle d’auto-évaluation, par exemple, pourrait permettre d’obtenir de bonnes
indications quant à la place des émotions dans l’interaction entre contexte social et créativité.
De la même façon, évaluer le niveau de stress initial puis le niveau de stress après l’induction
du contexte social et la génération d’idées pourrait permettre d’obtenir de nouvelles
connaissances et de nouvelles pistes de compréhension.
4.3. Considération de l’inhibition cognitive et de la détection de conflit
Le contrôle inhibiteur semble directement et positivement lié aux capacités de
génération d’idées créatives (e.g., Camarda et al., 2018 ; Cassotti et al., 2016). Nos travaux ont
montré pour la première fois que le contexte social influençait d’une façon différente
l’expansivité et l’effet de fixation. Dans certains cas, les facteurs sociaux vont impacter
l’expansivité sans pour autant diminuer ou augmenter la prégnance de l’effet de fixation (e.g.,
compétition in-group et out-group, compétition in-group en comparaison descendante) et
dans d’autres cas, le contexte social semble susceptible d’avoir des effets à la fois sur
l’expansivité et la fixation (e.g., travail collaboratif et comparaison sociale ascendante en
compétition in-group). Bien que les participants semblent capables d’inhiber leurs
connaissances les plus communes et facilement accessibles pour proposer des idées nouvelles
et originales, le contexte social semble directement jouer un rôle sur leur tendance plus ou
moins marquée à activer ce contrôle inhibiteur. Afin de vérifier cette idée, il semble primordial
dans une étape préalable à la génération d’idées créatives en contexte social, d’évaluer les
capacités initiales d’inhibition cognitive (e.g., tâche de stroop, test de Hayling). En vérifiant
227
que les capacités inhibitrices initiales des participants sont bien les mêmes, ou en les
contrôlant statistiquement, et en proposant par la suite une tâche de créativité et d’inhibition
en contexte social, cela permettrait de montrer si les facteurs sociaux modulent bien
l’activation du contrôle inhibiteur, ce qui nous fournirait en outre de nouvelles informations
quant au processus de détection de conflit.
En effet, nos travaux ont permis de montrer que les participants en fin
d’adolescence/début de l’âge adulte, étaient capables de discriminer leurs idées biaisées de
leurs idées originales, les premières étant évaluées de façon moins créatives que les secondes
(voir aussi Camarda, 2017 ; Desdevises et al., en préparation). Ces résultats ont été mis en lien
avec les conclusions rapportées dans le domaine du raisonnement (e.g., Bago & De Neys,
2017 ; De Neys, 2006, 2009, 2012 ; De Neys et al., 2008 ; Frey et al., 2017) puisque malgré les
erreurs systématiques observées dans des tests élémentaires de logique, les auteurs
montrent que les individus sont en mesure de détecter que leur raisonnement n’est pas
pleinement garanti. Qu’il s’agisse du domaine du raisonnement logique ou de la créativité, il
semblerait que la détection d’un conflit entre ce qui est proposé (i.e., réponse/idée biaisée,
heuristique) et ce qui est demandé (i.e., réponse/idée analytique, contrôlée), soit un
processus critique mais pas suffisant pour changer de stratégie (De Neys, 2012). La correction
de l’erreur ou le passage à des idées en expansion reposerait donc, notamment, sur le
processus de détection en interaction avec le déclenchement de l’inhibition cognitive. S’il est
essentiel de prendre en considération l’interaction entre les deux processus (i.e., détection de
conflit et contrôle inhibiteur en génération d’idées créatives) pour confirmer cette idée, cela
pourrait également permettre d’obtenir d’importantes informations quant à l’influence
différenciée du contexte social sur l’effet de fixation et l’expansivité.
228
4.4. Conclusion
Nos travaux ont permis de confirmer la nécessité de prendre en considération à la fois
l’expansivité et l’effet de fixation lorsqu’on s’intéresse à la génération d’idées créatives en
contexte social, mais également de considérer l’interaction entre diverses variables
susceptibles d’être impactées par ces facteurs sociaux, tels que la motivation, la mémoire de
travail et les ressources attentionnelles, ou encore le contrôle inhibiteur et le processus de
détection de conflit. Il est légitime de souligner une limite majeure à nos travaux, reposant sur
le manque de données développementales. Comme nous l’avons mentionné dans
l’introduction et dans notre étude 1, le développement des capacités créatives en contexte
social constitue un enjeu majeur et devra faire l’objet de diverses études futures. L’ensemble
des processus mentionnés ci-dessus se développe avec l’âge, et la littérature montre une
nette sensibilité aux aspects sociaux lors de l’adolescence. Ainsi, il serait intéressant de mener
une série d’études permettant (a) d’examiner l’interaction entre les facteurs susceptibles
d’être impactés par le contexte social, (b) de considérer ces interactions dans une perspective
développementale, spécifiquement au cours de l’adolescence, (c) tout en utilisant une même
méthodologie (i.e., tâche créative, procédure) en ne faisant varier que les contextes sociaux.
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Article
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Introduction Despite the central role of inhibitory control in models of adolescent development, few studies have examined the longitudinal development of inhibitory control within adolescence and its prospective association with maladaptive outcomes. The current study evaluated: 1) growth in inhibitory control from early‐ to middle‐adolescence, and 2) the relation between inhibitory control and later delinquency. Methods Participants included 387 parent‐child dyads (11–13 years old at Wave 1; 55% female; USA). Across three annual assessments, teens completed the Stop Signal Task (SST), and parents completed the Inhibitory Control subscale of the Early Adolescent Temperament Questionnaire‐Revised. Teens self‐reported their delinquent behaviors in early (Mage = 12.1) and middle adolescence (Mage = 14.1) and emerging adulthood (Mage = 18.2). Results Latent growth curve models indicated that SST performance improved curvilinearly from early to middle adolescence (ages 11–15), with growth slowing around middle adolescence. However, no growth in parent‐reported inhibitory control was observed. Lower task‐based and parent‐reported inhibitory control in early adolescence predicted greater increases in delinquency from middle adolescence to emerging adulthood. However, rate of growth in task‐based inhibitory control was unrelated to later delinquency. Conclusions This longitudinal study provides a novel examination of the development of inhibitory control across early and middle adolescence. Results suggest that the degree to which inhibitory control confers risk for later delinquency may be captured in early adolescence, consistent with neurodevelopmental accounts of delinquency risk. Differences across assessment tools also highlight the need for careful measurement considerations in future work, as task‐based measures may be better suited to capture within‐person changes over time.
Article
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The present study examined the joint impact of collectivistic value orientation and independent self-representation of group members upon group creativity. In a laboratory experiment involving three-person student teams (N = 72), we induced a collectivistic (vs. an individualistic) value orientation and independent (vs. interdependent) self-representation via priming methods. Using a group-brainstorming paradigm, we found as expected that groups generated more original ideas when members combined a collectivistic value orientation with independent self-representation than with interdependent self-representation. By contrast, differences in self-representation did not have a significant effect when an individualistic value orientation was made salient. Furthermore, we found that this effect was mediated by the degree of idea fixation within the group, thereby illuminating the underlying cognitive mechanism of the observed synergy effect. Implications of the findings for research on group creativity and future directions are discussed.
Article
Mindfulness and creativity have both come to the forefront of interest in educational settings—but a better understanding of their relationship and the implications for education is needed. This article reviews the literature on the intersection of these topics in order to understand where and how these two related but distinctive areas of research connect, and how this pertains to the complexity of educational settings. Our goal is to understand findings from the literature and consider what the implications are for educational practice and research, with an eye to how mindfulness can be supportive to learners’ creativity. This thematic review and qualitative analysis of extant literature identifies four themes that speak to the connection between mindfulness and creativity and its complexity. There is solid evidence to show a generally beneficial and supportive relationship, in that practicing mindfulness can support creativity—but many factors affect this and there are a range of considerations for practice. This article reflects on the key findings of scholarly work on the mindfulness-creativity relationship with interpretative discussion and implications for educational research and practice.
Chapter
Although much research has concentrated on the forecast of efficient team performance and the variables that might detract or promote team efficiency, little research reviewed has assessed the multitude of individual characteristics their impact on collaborative problem solving (CPS). Much of the research investigates only a single individual characteristic and its effect on group performance. This research proposes to explore three individual attributes (interpersonal dependency, individual working memory capacity, and preferred learning style) on performance effectiveness in CPS. A wide range of fields including healthcare and the military has explored CPS; however, the bulk of teamwork research to date has dealt with behavioral coordination on a single feature. This study will explore the association between team-member attributes and CPS skills. Noteworthy interactions might be observed to demonstrate that there are mixtures of traits more (or less) productive than anticipated, indicating further evidence of how group composition influences group performance.
Article
Collaborative fluency is the coordinated meshing of joint activities between members of a well-synchronized team. In recent years, researchers in human–robot collaboration have been developing robots to work alongside humans aiming not only at task efficiency, but also at human–robot fluency. As part of this effort, we have developed a number of metrics to evaluate the level of fluency in human–robot shared-location teamwork. While these metrics are being used in existing research, there has been no systematic discussion on how to measure fluency and how the commonly used metrics perform and compare. In this paper, we codify subjective and objective human–robot fluency metrics, provide an analytical model for four objective metrics, and assess their dynamics in a turn-taking framework. We also report on a user study linking objective and subjective fluency metrics and survey recent use of these metrics in the literature.