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Une Smart City au service de la durabilité ?

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Abstract

Dans cet article, nous abordons la question de la Smart City et de son potentiel pour la durabilité des villes. Au-travers d'une revue de la littérature spécialisée, nous recensons trois opportunités : une augmentation de l'efficience et de la dématérialisation, une modification en profondeur des discussions autour de la ville, ainsi que la proposition d'une gouvernance alternative de la ville. Six sources principales de risques, liés au concept de Smart City, sont également identifiées : le déterminisme technologique, le lock-in sociotechnique, l'effet rebond, les impacts socio-environnementaux engendrés par la production des TIC, une promotion de la croissance économique, et enfin la dépolitisation de la gouvernance urbaine. En se basant sur le modèle du Doughnut de Kate Raworth, nous proposons ensuite d'élargir le périmètre d'étude ainsi que les objectifs de la Smart City au-delà de l'efficience énergétique, avançant qu'une durabilité forte implique un changement profond du fonctionnement de nos sociétés. Sur cette base, nous questionnons le concept de Smart City sur : 1) sa capacité à être le vecteur d'un véritable débat citoyen et d'une vision transformatrice de la ville et de son tissu économique ; 2) sa probabilité, une fois qu'une telle vision ainsi que les modalités de la transition auront été politiquement définies, à contribuer efficacement à leur poursuite, et par là même à la réduction des impacts environnementaux et à l'élévation du bien-être social. Cette approche nous amène à conclure que les initiatives liées à la Smart City doivent être considérées avec prudence, étant souvent mal définies, que ce soit en termes de durabilité écologique ou d'équité sociale. De plus, il apparaît comme primordial de questionner l'utilisation qui est faite de la technologie, afin qu'elle ne soit pas mobilisée comme un outil par défaut ou une fin en soi, mais qu'elle serve l'objectif général d'une transformation profonde de la société.
Une Smart City au service de la durabilité ?
Johann Recordon | Augustin Fragnière | Nelly Niwa
Septembre 2022
Centre de compétences en durabilité (CCD)
Université de Lausanne, Suisse
Abstract
Dans cet article, nous abordons la question de la Smart City et de son potentiel pour la durabilité
des villes. Au-travers d'une revue de la littérature spécialisée, nous recensons trois opportunités :
une augmentation de l’efficience et de la dématérialisation, une modification en profondeur des
discussions autour de la ville, ainsi que la proposition d’une gouvernance alternative de la ville.
Six sources principales de risques, liés au concept de Smart City, sont également identifiées : le
déterminisme technologique, le lock-in sociotechnique, l’effet rebond, les impacts socio-
environnementaux engendrés par la production des TIC, une promotion de la croissance
économique, et enfin la dépolitisation de la gouvernance urbaine.
En se basant sur le modèle du Doughnut de Kate Raworth, nous proposons ensuite d'élargir le
périmètre d'étude ainsi que les objectifs de la Smart City au-delà de l'efficience énergétique,
avançant qu’une durabilité forte implique un changement profond du fonctionnement de nos
sociétés. Sur cette base, nous questionnons le concept de Smart City sur : 1) sa capacité à être le
vecteur d’un véritable débat citoyen et d’une vision transformatrice de la ville et de son tissu
économique ; 2) sa probabilité, une fois qu’une telle vision ainsi que les modalités de la transition
auront été politiquement définies, à contribuer efficacement à leur poursuite, et par là même à la
réduction des impacts environnementaux et à l’élévation du bien-être social.
Cette approche nous amène à conclure que les initiatives liées à la Smart City doivent être
considérées avec prudence, étant souvent mal définies, que ce soit en termes de durabilité
écologique ou d'équité sociale. De plus, il apparaît comme primordial de questionner l'utilisation
qui est faite de la technologie, afin qu'elle ne soit pas mobilisée comme un outil par défaut ou une
fin en soi, mais qu'elle serve l'objectif général d'une transformation profonde de la société.
Mots clés
Smart City, gouvernance urbaine, durabilité forte, modèle du Doughnut, limites planétaires, bien-
être social
Correspondance
Johann Recordon, chargé de projet (Pôle Recherche), Centre de compétences en durabilité (CCD),
Université de Lausanne, Suisse.
Email : johann.recordon@unil.ch
Référence bibliographique
Cet article a été publié en septembre 2022 par la Fondation Jean Monnet pour l'Europe, dans une
version incluant une bibliographie épurée. Celle-ci est disponible en français et en anglais ici :
https://jean-monnet.ch/publication/26e-numero-de-la-collection-debats-et-documents/
Recordon, Johann, Fragnière, Augustin et Niwa, Nelly. Une Smart City au service de la
durabilité ? in Paul, Eva et Demierre, Pablo (Eds). Smart tout prix? Dfis de la numrisation au
temps de la Covid-19. Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Collection débats et
documents, numéro 26, septembre 2022.
Introduction
A l'heure où plus de la moitié des habitants du monde vivent en zone urbaine (Pratt, 2020) et que
les villes génèrent trois quarts des émissions globales de carbone, mais aussi du PIB mondial
(Zhou et al., 2019), le rôle de celles-ci dans la transition urgente de nos sociétés vers des modèles
écologiquement et socialement durables est devenu essentiel. La mise en pratique du concept de
Smart City est perçue par de nombreux gouvernements et entreprises comme un des leviers
principaux pour y parvenir. Il est aujourd’hui mobilisé dans de nombreuses villes (Karvonen et
al., 2018) et fortement encouragé par la Commission européenne (EIP-SCC, 2018).
Si le concept de Smart City a été développé dès les années 1990, il n’existe pourtant pas de
définition solidifiée de ce qu’il représente. Dans un premier temps, et pour des raisons de
simplicité, nous proposons de nous en tenir à celle adoptée par Girardi et Temporelli (2017), sur
laquelle nous reviendrons dans la conclusion : « Une Smart City peut être définie comme une ville
capable de faciliter et de satisfaire les besoins des citoyens, des entreprises et des organisations,
par une utilisation intégrée et originale des technologies de l'information et de la communication
(TIC), notamment dans les domaines de la communication, de la mobilité, de l'environnement et
de l'efficacité énergétique
1
».
Actuellement, de nombreux débats ont lieu au sein de la recherche sur la contribution de la Smart
City à la durabilité. D’un côté, elle est vue comme une opportunité permettant aux villes
d’augmenter l’efficience des systèmes urbains et la dématérialisation de l’économie, devenant
ainsi plus durables. Le concept de Smart City a également permis de modifier en profondeur les
discussions sur la ville et pourrait mener à une approche bottom-up et coopérative de son
développement, donnant la priorité à la durabilité et à l’équité sociale.
D’un autre côté, la Smart City est critiquée pour ses impacts sur l’environnement et les humains,
via la production des TIC, ainsi que pour les risques d’effet rebond (voir plus bas) et les
conséquences imprévisibles engendrées par l’utilisation des nouvelles technologies. Ses
fondements conceptuels sont aussi parfois l’objet de critiques liées à leurs possibles implications,
telles que le déterminisme technologique, un risque de lock-in sociotechnique, la course à la
croissance économique ou la dépolitisation de la gouvernance urbaine.
Dans ce contexte, les questionnements centraux de cet article seront les suivants :
Puisque la durabilité implique un changement profond du fonctionnement de nos sociétés, la
Smart City a-t-elle le potentiel d’être suffisamment transformatrice pour y parvenir ? Ou ne
permet-elle que d’optimiser la situation actuelle sans pour autant questionner les fonctionnements
qui se trouvent aux fondements de nos sociétés ?
La première partie de cet article présente un état des opportunités et risques de la Smart City en
termes de durabilité, recensés dans la littérature. La seconde revient sur ce que la durabilité
représente et les changements sociétaux requis pour y parvenir. La troisième partie interroge le
potentiel transformatif de la Smart City, à la lumière des objectifs de durabilité. Enfin, en
conclusion, nous revenons sur le flou conceptuel qui entoure la Smart City et ses conséquences.
1
Notre traduction de la version originale : « a smart city can be defined as a city able to facilitate and satisfy citizens,
companies and organization needs, by an integrated and original use of Information and Communication
Technologies (ICT), especially in communication, mobility, environment and energy efficiency fields ».
Partie 1 Opportunités et risques de la Smart City en matière de
durabilité
Opportunités identifiées dans la littérature
Trois opportunités principales sont recensées dans la littérature relative à la Smart City.
Premièrement, les TIC sont régulièrement citées pour leur capacité à augmenter l’efficience des
systèmes urbains et à contribuer à la dématérialisation de l’économie (Berkhout & Hertin, 2004),
amenant ainsi à une réduction potentielle des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 15%
mondialement (The Climate Group, 2008), et à une réduction substantielle de l’utilisation de
ressources comme l’eau et l’énergie (Williams, 2011).
Deuxièmement, le concept de Smart City aurait l’avantage de modifier en profondeur les
discussions autour de la ville, permettant d’y intégrer les enjeux de durabilité (Komninos, 2011).
Enfin, la plupart des espoirs portés par la Smart City dans la littérature résident dans sa capacité
à proposer une gouvernance alternative de la ville, dans laquelle une approche bottom-up et
coopérative, portée par les citoyens·nes et les communautés, peut être constitutive de choix
technologiques et urbains donnant la priorité à la durabilité et à l’équité sociale (March, 2019).
Cette redistribution collaborative de l’intelligence est exemplifiée par le Human Smart Cities
Manifesto
2
, signé en Italie en 2013 par plusieurs villes du monde, dans lequel des solutions
technologiques simples, frugales et à petite échelle sont proposées afin d’outiller et
d’empuissancer les populations locales dans la reconfiguration de l’environnement urbain
(Periphèria, 2014 ; Pollio, 2016 ; Tironi and Sánchez Criado, 2015). Cela permettrait non-
seulement de contribuer à des formes plus complexes et plus riches de ressentir des expériences
urbaines (Tironi & Sánchez, 2015) mais aussi de compréhension et de réappropriation citoyenne
des technologies, ouvrant la porte à une nouvelle manière de produire du savoir urbain et de juger
si une technologie donnée remplit les objectifs pour lesquels elle a été conçue (Smith et al., 2017
; Smith et al., 2013 ; Asaro, 2000). D’un point de vue de durabilité, cela signifie une relocalisation
et réorganisation des capacités d’innovation (par ex. hors des universités et des centres urbains ;
Smith et al., 2013 ; Diez, 2014 ; Kostakis et al., 2015), modifiant ainsi le rapport des citoyens·nes
avec la technologie (Troxler & Maxigas, 2014) et leur permettant également de remettre en
question le modèle d’économie politique dominant et les imaginaires qui le sous-tendent (par ex.
mondialisation et faible régulation des marchés, maximisation de la profitabilité et des économies
d’échelle ; March, 2018, 2019).
Risques identifiés dans la littérature
Au-delà des opportunités offertes par la Smart City, six sources principales de risques pour la
durabilité semblent également émerger de la littérature. Tout d’abord, le déterminisme
technologique sous-jacent à la majorité des acceptions du concept comprend le risque d’une
dangereuse simplification laissant penser que l’utilisation intensive des TIC est non-seulement
obligatoire, mais conduit nécessairement à une amélioration de la qualité de vie et de la durabilité
dans l’espace urbain (March, 2019 ; Monfaredzadeh & Krueger, 2015 ; Söderstrom et al., 2014 ;
Luque-Ayala & Marvin, 2015 ; Viitanen & Kingston, 2014). Ce présupposé, lorsqu’il n’est pas
questionné, réduit non seulement le cadrage des questions sociales et écologiques à des défis
purement techniques (Bell, 2011 ; Gibbs et al., 2013 ; Viitanen & Kingston, 2014), mais surestime
également la capacité transformatrice des technologies en ignorant les indispensables
transformations sociétales et organisationnelles (Hollands, 2015 ; Monfaredzadeh & Krueger,
2015 ; Taylor Buck & While, 2015).
2
Voir de Oliveira (2016) en bibliographie.
Deuxièmement, la nature de ces technologies, qui appartiennent pour la grande majorité à des
entreprises privées, souvent multinationales, engendrerait un lock-in sociotechnique si elles
étaient déployées à large échelle, empêchant ou ralentissant fortement l’émergence de modes
opératoires alternatifs et plus égalitaires (March, 2019 ; Luque-Ayala & Marvin, 2015;
Söderstrom et al., 2014), dont la concrétisation est indispensable pour le développement d’une
société durable (Arnsperger & Bourg, 2017).
Troisièmement, c’est la capacité de la technologie à améliorer la durabilité globale de la société
qui est remise en cause, notamment à la lumière du paradoxe de Jevons, aussi appelé « effet
rebond » (March, 2018, 2019), qui montre que l’amélioration de l’efficience d’utilisation des
ressources, obtenue grâce à l’introduction d’une nouvelle technologie, mène souvent à une
augmentation de la consommation totale. Cet effet est confirmé par une documentation bien
établie et continue de se vérifier depuis 1865 (Lange et al., 2021 ; Font Vivanco et al, 2016 ; Figge
et al., 2014 ; Greening et al., 2000, 1998 ; Brookes, 1990, 1978 ; Khazzoom, 1980, 1987, 1989).
Les nombreuses conséquences imprévisibles engendrées par l’utilisation des technologies dans
les Smart Cities sont également soulignées, qu’elles correspondent à une différence entre les effets
attendus et les résultats, ou à des effets qui n’avaient pas été anticipés lors de la planification
(March & Ribera-Fumaz, 2016).
Le quatrième problème cité dans la littérature est probablement le plus évident du point de vue de
la durabilité, à savoir les impacts socio-environnementaux engendrés par la production des TIC
(March, 2019), qui sont non-seulement requises pour rendre les villes smart (capteurs, intelligence
artificielle, etc.), mais également pour alimenter les modes de vie hautement technologiques des
citoyens·nes connectés·ées (smartphones, IoT, etc. ; March, 2018). En effet, que ce soit en termes
d’utilisation de ressources rares et d’électricité grise, de processus de production et de transport,
du recyclage ou d’infrastructure et de serveurs requis, les impacts directs et indirects sont
nombreux et conséquents (Schulz & Lora-Wainwright, 2019 ; Chancerel et al., 2015 ; Carvalho,
2015; Hollands, 2015 ; Kassem et al., 2015 ; Yu et al., 2010 ; Williams, 2011, 2004).
Cinquièmement, la littérature critique relève que, de manière similaire au déterminisme
technologique, la Smart City peut être comprise comme un moteur de croissance économique,
permettant l’accélération de la circulation du capital privé et l’extraction de loyers plus élevés,
encourageant les habitants·es à participer à la collectivité davantage comme
consommateurs·trices que comme citoyens·nes, et empêchant en conséquence l’émergence
d’alternatives de transition politique et écologique (sobriété volontaire, monnaies locales,
souveraineté alimentaire, organisation en coopératives, espace urbain géré comme un commun,
etc. ; March, 2018, 2019 ; Gibbs et al., 2013).
Enfin, nombre d’auteurs·rices soulignent une dépolitisation de la gouvernance urbaine. En effet,
les discours dominants sur la Smart City, sous couvert de solutionnisme technologique et de
solutions « win-win », nourrissent un glissement des enjeux urbains de la sphère délibérative de
la politique à la sphère technique et commerciale, dont les imaginaires sont très éloignés des
problématiques urbaines réelles (Carvalho, 2015 ; March & Ribera-Fumaz, 2014). Ainsi, c’est
d’avantage le droit des citoyens·nes à l’utilisation de la technologie qui devient central, en lieu et
place du droit de façonner la ville grâce à l’intelligence humaine et à la technologie pour en
améliorer les espaces urbains et leur durabilité (Hollands, 2015 ; Viitanen & Kingston, 2014).
Cela occulte à la fois les relations qui préfigurent et entretiennent ces agencements
technologiques, mais également les configurations sociales et politiques qui pourraient être
poursuivies au service de solutions plus efficaces et plus durables (White, 2016 ; Swyngedouw,
2009).
Partie 2 La durabilité, une transformation radicale du
fonctionnement de nos sociétés
Le terme durabilité désigne un fonctionnement des sociétés humaines, en particulier dans leur
relation à l’environnement naturel, qui assure leur stabilité à long terme et rend possible
l’épanouissement humain au travers des générations. Cela implique de maintenir l’impact des
activités humaines dans les limites écologiques de la planète, tout en assurant les besoins
fondamentaux de toutes et tous et en favorisant l’équité dans toutes ses dimensions.
Comprise de cette manière, la durabilité conjugue donc une dimension sociale et une dimension
environnementale. Ces deux dimensions sont intimement connectées par une série d’interactions
complexes, les dynamiques sociales et économiques ayant un impact sur les processus
environnementaux, et la déstabilisation de ces derniers ayant un impact en retour sur la qualité de
vie des sociétés humaines. Dans sa version forte, que nous défendons ici, la durabilité accorde un
rôle prépondérant à la stabilité environnementale, considérant la préservation d’un certain nombre
de paramètres écologiques (climat, biodiversité, etc.) comme la condition de possibilité de toute
prospérité future. Cela est exemplifié par le concept de limites planétaires depuis 2009 (Rockström
et al., 2009 ; Steffen et al., 2015), repris dans le modèle du Doughnut de Kate Raworth (2017).
Une transformation radicale du fonctionnement de nos sociétés
La durabilité, sur une planète aux ressources finies et aux équilibres écologiques fortement mis
sous pression, ne pourra être atteinte par la simple poursuite, au travers de nouveaux moyens, des
objectifs de croissance indifférenciée qui ont caractérisé la seconde moitié du XXème siècle. De
l’avis de nombreux spécialistes et comités d’experts, la réduction drastique de nos prélèvements
sur la biosphère, en énergie et en ressources matérielles, ne pourra être réalisée dans les temps
impartis que par une transformation substantielle de notre système économique (European
Environment Agency, 2021 ; Haberl et al., 2020 ; IPCC, 2018). Atteindre la durabilité au niveau
mondial demande donc non seulement des changements technologiques, mais aussi
organisationnels, économiques et sociaux, dans des domaines clés tels que la mobilité, le
logement, l’alimentation, la consommation, la production, les loisirs ou encore la vie
professionnelle.
Un nombre croissant d’études et de rapports (O’Neill et al., 2018 ; B&L évolution, 2019 ; Grand
Genève, 2020) exemplifient les changements systémiques requis afin d’atteindre la réduction de
95% des émissions de CO2 à 2050, recommandée par le GIEC (IPCC, 2021 ; IPCC, 2018), et
commencent à donner une image plus précise de la « hauteur de la marche ». Pour le domaine du
bâtiment, par exemple, l’adoption d’un moratoire sur la construction, couplé à un taux de
rénovation de 4% par an (contre env. 1% actuellement en Suisse ; Jorio, 2020) et une limitation
de l’espace d’habitation à 10-25 m2/personne en moyenne serait requis. Au niveau de la mobilité,
une réduction du parc automobile électrique compris de 90% est envisagée, ainsi que des
déplacements d’une distance totale d’environ 6'000 km/an/personne pour un pays comme la
Suisse, mobilité active non-comptée. Quant à la consommation de biens numériques, le retour au
sein des limites planétaires serait possible à raison d’un ordinateur portable par famille de quatre
personnes, remplacé tous les dix ans, ainsi qu’un smartphone par individu, remplacé tous les cinq
ans. Si de nombreuses controverses existent encore à ce jour concernant le rôle de la technologie
et l’ampleur exacte des changements de mode de vie qui seront nécessaires, ces exemples tirés de
la littérature montrent bien que nous faisons face aujourd’hui à une transformation en profondeur
du fonctionnement de nos société et non pas à quelques améliorations à la marge.
Partie 3 La Smart City a-t-elle le potentiel de transformer nos
sociétés ?
Une transformation aussi ambitieuse dans tous les secteurs de la vie quotidienne passe
immanquablement par une réflexion approfondie sur nos conceptions du développement, du bien-
être, de la prospérité et plus généralement sur les fins collectives qui sont poursuivies. Une telle
réflexion doit être conduite de manière inclusive et développée au regard de l’impact
environnemental, social et moral des modes de production et de consommation actuels. A cet
égard, et pour différentes raisons mentionnées dans la partie précédente, il semble déraisonnable
de partir du principe qu'un nouvel arsenal technologique urbain, aussi intelligent soit-il,
permettrait à lui seul de répondre aux enjeux immenses de la transition.
Le concept de Smart City, du moins lorsque celui-ci est compris comme un recours accru aux TIC
à des fins d’efficience des services énergétiques et des prestations économiques et sociales, ne
peut donc nous dispenser d’un débat public sur les objectifs de la transition socio-écologique. S’il
peut sans doute contribuer à poursuivre ces objectifs, cela n’est toutefois qu’à la condition d’une
lucidité sans ambiguïté sur son statut. La Smart City est un moyen qui doit être mis au service de
fins partagées, débattues et décidées politiquement.
Cela étant dit, deux questions centrales se posent quant à la capacité du concept de Smart City de
contribuer de manière significative à la durabilité. La première concerne précisément la capacité
du concept à être le vecteur d’un véritable débat citoyen et d’une vision transformatrice de la ville
et de son tissu économique. La seconde est de savoir si, une fois qu’une telle vision ainsi que les
modalités de la transition auront été politiquement définies, la Smart City peut contribuer
efficacement à leur poursuite, et par là même à la réduction des impacts environnementaux et à
l’élévation du bien-être social.
Concernant la première question, certaines visions de la Smart City semblent en effet s’accorder
à l’idée d’une facilitation d’un débat citoyen plus inclusif et à l’émergence d’une vision
transformée de la ville. L’utilisation « intégrée et originale des TIC » mentionnée en introduction,
afin de « faciliter et satisfaire les besoins des citoyens » (Girardi & Temporelli, 2017, p. 811) se
situe en effet dans cette ligne de réflexion, tout comme l’approche du Human Smart Cities
Manifesto (de Oliveira, 2016). Certains points de vigilance devraient toutefois être observés au
sujet des promesses technologiques de ce type.
Premièrement, s’il y a sans aucun doute un certain potentiel dans les TIC en matière de partage,
de mise en commun et de transparence de l’information, cela s’accompagne également d’un risque
de passivité, voire de détournement de la technologie à d’autres fins. L’idée même de Smart City
étant fondée sur un idéal de rationalisation et d’efficience grâce aux promesses de l’intelligence
artificielle, celle-ci pourrait tout aussi bien favoriser l’essor d’une attitude attentiste qui tendrait à
déléguer à la technologie le soin de rendre nos modes de vie durable, sans pour autant chercher à
créer les conditions d’une véritable transformation des fonctionnements, des normes et des valeurs
qui constituent la cause profonde de la crise écologique. A trop se focaliser sur la technologie elle-
même, et non sur la redéfinition des fins collectives que nous désirons poursuivre, il existe un
risque réel de suivre une trajectoire de transformation de nos sociétés qui serait déterminée plus
par la logique de développement des technologies en question que par une volonté assumée et
issue d’un débat réflexif.
Deuxièmement, et de manière liée à ce premier point de vigilance, une attention particulière doit
être portée à la gouvernance des nouvelles technologies impliquées dans le projet de Smart City,
afin de s’assurer que celles-ci restent bien au service des habitants et usagers de la ville et soient
développées en réponse à leurs besoins, notamment en matière de durabilité. Cela implique à
minima un certain niveau de contrôle public dès la phase de conception et lors de leur mise en
œuvre, ainsi qu’une transparence élevée quant au objectifs et modes de fonctionnement qui sont
au fondement de leur modèle. Un exemple à ne pas suivre à cet égard est celui des réseaux sociaux,
dont le développement et l’opérationnalisation sont restés en mains privées, et dont les
conséquences sur la vie sociale, politique et économique dépasse aujourd’hui de loin, et
malheureusement pas uniquement en bien, les objectifs initiaux de leurs créateurs.
La deuxième question concerne la capacité du concept de Smart City à réduire significativement
les impacts environnementaux et à contribuer à l’élévation du bien-être social. Réduire
l’empreinte environnementale des sociétés complexes et interconnectées que nous connaissons
aujourd’hui, dans les proportions évoquées plus haut, pourrait certes être facilité par des
technologies intelligentes et adaptatives, ainsi que par le traitement de grandes masses de données
à des fins d’optimisation. Les éléments évoqués dans la première partie, à savoir l’effet rebond,
l’impact écologique des technologies numériques ou encore les risques de lock-in, doivent
toutefois nous pousser à adopter une attitude prudente à cet égard. D’une part, si la Smart City est
le moteur d’un nouveau développement urbain qui ne serait pas rigoureusement encadré par la
nécessité d’une transition écologique ambitieuse, il y a fort à parier qu’un tel développement se
fasse au prix d’un renforcement de la consommation de ressources et d’énergie. Cela est d’autant
plus vrai si le développement des nouvelles technologies n’est pas accompagné d’un changement
simultané au niveau des causes profondes, économiques, culturelles, morales, qui sous-tendent le
modèle de société non-durable qui prévaut aujourd’hui.
D’autre part, la plupart des villes possédant une infrastructure technique et architecturale difficile
à modifier, il y a tout lieu de penser que la mise en œuvre de la Smart City devra composer avec
les contraintes structurelles existantes et ne pourra donc à elle seule proposer que des
optimisations « à la marge », plutôt que la transformation radicale des modes d’habiter, de se
déplacer et de consommer dont nous avons besoin pour réussir la transition écologique. Il s’agit
donc de ne pas se faire d’illusion sur la capacité d’une technologie, aussi élaborée soit-elle, à
résoudre le plus grand défi de ce siècle, si elle n’est pas accompagnée d’un élan transformatif plus
large, décidé politiquement et bénéficiant d’un large soutien démocratique.
Conclusion Un concept contradictoire et flou, au potentiel de
durabilité variable
De cette analyse critique de la contribution de la Smart City au développement d’une ville
s’inscrivant dans les limites planétaires, on peut noter l’absence d’une définition solidifiée du
concept, ce qui en constitue une limite majeure. Plus spécifiquement, on peut relever aux moins
trois oppositions qui traversent les différentes compréhensions de la Smart City mentionnées plus
haut.
Premièrement, la version la plus classique de la Smart City, faisant principalement appel aux TIC
et à l’intelligence artificielle afin d’améliorer l’efficacité énergétique et le bien-être social
(SuisseEnergie, 2021 ; March & Ribera-Fumaz, 2016), s’oppose à une ville où « l’intelligence »
est caractérisée en priorité par l’innovation, la créativité et la coopération (Musiolik et al., 2019 ;
March, 2018 ; Kitchin, 2014).
Deuxièmement, la littérature distingue les villes construites en partant de zéro des villes déjà
existantes. Les premières sont surtout présentes aujourd’hui en Asie et leur l’infrastructure peut
être pensée dès le départ pour les fonctions de la Smart City. Les secondes constituent en revanche
la majorité des villes du Nord globalisé, auxquelles est appliqué un « retrofit » plus ou moins
conséquent, se concentrant plutôt sur les technologies et les changements sociaux (March, 2019).
Troisièmement, si les versions les plus timides de la Smart City se contentent d’améliorations à
la marge, d’autres visions proposent un paradigme réellement nouveau, en rupture avec les villes
du passé, tout en permettant une modification des relations de pouvoir dans l’espace urbain
(March, 2018 ; March & Ribera-Fumaz, 2016 ; Gibbs et al., 2013 ; Hollands, 2008).
En fonction des versions de la Smart City choisies au sein de ces trois oppositions, le concept peut
alors faire référence à des niveaux d’ambition très variés, allant de simples ajouts technologiques
dont le potentiel de contribution à la durabilité est au mieux limité, voire contre-productif à
des refontes complètes de la ville et de l’imaginaire collectif dont les transformations sociétales
requises par la durabilité ont besoin. Ce flou conceptuel amène plusieurs auteurs·rices à considérer
la Smart City comme un notion ambigüe, voire dénuée de substance, qui serait davantage déployée
à un niveau discursif que pratique (March, 2019 ; Håvard Haarstad, 2017 ; March & Ribera-
Fumaz, 2016 ; Söderström et al., 2014 ; Vanolo, 2014 ; Hollands, 2008). Pourtant, son influence
sur les débats au sujet de la durabilité et de la compétitivité urbaine semble importante.
En conséquence, les niveaux de durabilité rendus possibles et la capacité du concept à permettre
une remise en question du modèle dominant de société, actuellement non-durable, varieront
fortement en fonction de la définition choisie par chaque territoire. Cela implique qu’une grande
attention doit être portée, au sein de toute institution s’intéressant à la Smart City, au cadrage
conceptuel, c’est-à-dire à la définition précise de la Smart City qui sera privilégiée ainsi qu’à ses
conséquences pour les décisions futures.
Dans tous les cas, il est important de remettre la technologie à sa juste place. Il s’agit d’un moyen,
d’intérêt variable en fonction des cas, pour nous diriger vers une société au fonctionnement
durable. Mais une technologie, quelle qu’elle soit, ne devrait pas constituer une fin en soi pour
nos sociétés. Si la réflexion sur les objectifs est évincée au profit d’une focalisation sur le
comment, les probabilités d’une transformation suffisamment ambitieuse pour atteindre la
neutralité carbone en 2050 ou le retour au sein des limites planétaires deviendront, avec ou sans
Smart City, pratiquement inexistantes.
Références
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Article
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Literature on the rebound phenomenon has grown significantly over the last decade. However, the field is characterized by diverse and ambiguous definitions and by substantial discrepancies in empirical estimates and policy proposals. As a result, cumulative knowledge production is difficult. To address these issues, this article develops a novel typology. Based on a critical review of existing classifications, the typology introduces an important differentiation between the rebound mechanisms, which generate changes in energy consumption, and the rebound effects, which describe the size of such changes. Both rebound mechanisms and rebound effects can be analytically related to four economic levels – micro, meso, macro and global – and two time frames – short run and long run. The typology is populated with eighteen rebound mechanisms from the literature. This contribution is the first that transparently describes its criteria and methodology for developing a rebound typology and that gives clear definitions of all terms involved. The resulting rebound typology aims to establish common conceptual ground for future research on the rebound phenomenon and for developing rebound mitigation policies.
Article
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Strategies toward ambitious climate targets usually rely on the concept of “decoupling”; that is, they aim at promoting economic growth while reducing the use of natural resources and GHG emissions. GDP growth coinciding with absolute reductions in emissions or resource use is denoted as “absolute decoupling”, as opposed to “relative decoupling”, where resource use or emissions increase less so than does GDP. Based on the bibliometric mapping in part I (Wiedenhofer et al., this issue), we synthesize the evidence emerging from the selected 835 peer-reviewed articles. We evaluate empirical studies of decoupling related to final/useful energy, exergy, use of material resources, as well as CO2 and total GHG emissions. We find that relative decoupling is frequent for material use as well as GHG and CO2 emissions but not for useful exergy, a quality-based measure of energy use. Primary energy can be decoupled from GDP largely to the extent to which the conversion of primary energy to useful exergy is improved. Examples of absolute long-term decoupling are rare, but recently some industrialized countries have decoupled GDP from both production- and, weaklier, consumption-based CO2 emissions. We analyze policies or strategies in the decoupling literature by classifying them into three groups: (1) Green growth, if sufficient reductions of resource use or emissions were deemed possible without altering the growth trajectory. (2) Degrowth, if reductions of resource use or emissions were given priority over GDP growth. (3) Others, e.g. if the role of energy for GDP growth was analyzed without reference to climate change mitigation. We conclude that large rapid absolute reductions of resource use and GHG emissions cannot be achieved through observed decoupling rates, hence decoupling needs to be complemented by sufficiency-oriented strategies and strict enforcement of absolute reduction targets. More research is needed on interdependencies between wellbeing, resources and emissions.
Article
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This article examines the concept of ‘circular economy’ by looking at its effects on recycling activities in China, in particular through the lens of e-waste or DEEE (discarded electrical and electronic equipment). It focuses on a case study of the recent changes in the globally notorious DEEE recycling hub of Guiyu since plans for the construction of a ‘circular economy industrial park’ unfolded. Drawing on fieldwork carried out by the authors annually since 2012, the article points to the highly disruptive character of changes operated by the Chinese state in the name of increased circularity. After more than two decades of severe pollution, environmental betterment in Guiyu was long overdue. But it came at a high price: a marked business slowdown that forced the majority of workshops to close down. As activities and discards started concentrating in the park, so did profits in the hands of the local elite. This leads us to argue that the circular economy in China, which is ostensibly about improving resource efficiency, can in practice have more to do with controlling who benefits economically from recycling activities.
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The era of the smart city has arrived. Only a decade ago, the promise of optimising urban services through the widespread application of information and communication technologies was largely a techno-utopian fantasy. Today, smart urbanisation is occurring via urban projects, policies and visions in hundreds of cities around the globe. Inside Smart Cities provides real world evidence on how local authorities, small and medium enterprises, corporations, utility providers and civil society groups are creating smart cities at the neighbourhood, city and regional scales. Twenty-one empirically detailed case studies from the Global North and South, ranging from Cape Town, Stockholm, and Abu Dhabi to Philadelphia, Hong Kong, and Santiago, illustrate the multiple and diverse incarnations of smart urbanism. The contributors draw on ideas from urban studies, geography, urban planning, science and technology studies and innovation studies to go beyond the rhetoric of technological innovation and reveal the political, social and physical implications of digitising the built environment. Collectively, the practices of smart urbanism raise fundamental questions about the sustainability, liveability and resilience of the cities in the future. The findings are relevant to academics, students, practitioners and urban stakeholders who are questioning how urban innovation relates to politics and place.
Article
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Humanity faces the challenge of how to achieve a high quality of life for over 7 billion people without destabilizing critical planetary processes. Using indicators designed to measure a ‘safe and just’ development space, we quantify the resource use associated with meeting basic human needs, and compare this to downscaled planetary boundaries for over 150 nations. We find that no country meets basic needs for its citizens at a globally sustainable level of resource use. Physical needs such as nutrition, sanitation, access to electricity and the elimination of extreme poverty could likely be met for all people without transgressing planetary boundaries. However, the universal achievement of more qualitative goals (for example, high life satisfaction) would require a level of resource use that is 2–6 times the sustainable level, based on current relationships. Strategies to improve physical and social provisioning systems, with a focus on sufficiency and equity, have the potential to move nations towards sustainability, but the challenge remains substantial. Achieving a high quality of life within the biophysical limits of the planet is a significant challenge. This study quantifies the resource use associated with meeting basic human needs, compares it to downscaled planetary boundaries for over 150 nations and finds that no country meets its citizens’ basic needs sustainably.
Article
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The term “environmental problem” exposes a fundamental misconception: Disruptions of Earth’s ecosystems are at their root a human behavior problem. Psychology is a potent tool for understanding the external and internal drivers of human behavior that lead to unsustainable living. Psychologists already contribute to individual-level behavior-change campaigns in the service of sustainability, but attention is turning toward understanding and facilitating the role of individuals in collective and collaborative actions that will modify the environmentally damaging systems in which humans are embedded. Especially crucial in moving toward long-term human and environmental well-being are transformational individuals who step outside of the norm, embrace ecological principles, and inspire collective action. Particularly in developed countries, fostering legions of sustainability leaders rests upon a fundamental renewal of humans’ connection to the natural world.
Book
The Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) is the leading international body for assessing the science related to climate change. It provides regular assessments of the scientific basis of climate change, its impacts and future risks, and options for adaptation and mitigation. This IPCC Special Report is a comprehensive assessment of our understanding of global warming of 1.5°C, future climate change, potential impacts and associated risks, emission pathways, and system transitions consistent with 1.5°C global warming, and strengthening the global response to climate change in the context of sustainable development and efforts to eradicate poverty. It serves policymakers, decision makers, stakeholders and all interested parties with unbiased, up-to-date, policy-relevant information. This title is also available as Open Access on Cambridge Core.
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THE SUNDAY TIMES BESTSELLER'I see [Raworth] as the John Maynard Keynes of the 21st Century: by reframing the economy, she allows us to change our view of who we are, where we stand, and what we want to be.' George Monbiot, Guardian'This is sharp, significant scholarship . . . Thrilling.' Times Higher Education'[A] really important economic and political thinker.' Andrew MarrEconomics is broken. It has failed to predict, let alone prevent, financial crises that have shaken the foundations of our societies. Its outdated theories have permitted a world in which extreme poverty persists while the wealth of the super-rich grows year on year. And its blind spots have led to policies that are degrading the living world on a scale that threatens all of our futures.Can it be fixed? In Doughnut Economics, Oxford academic Kate Raworth identifies seven critical ways in which mainstream economics has led us astray, and sets out a roadmap for bringing humanity into a sweet spot that meets the needs of all within the means of the planet. En route, she deconstructs the character of ‘rational economic man’ and explains what really makes us tick. She reveals how an obsession with equilibrium has left economists helpless when facing the boom and bust of the real-world economy. She highlights the dangers of ignoring the role of energy and nature’s resources – and the far-reaching implications for economic growth when we take them into account. And in the process, she creates a new, cutting-edge economic model that is fit for the 21st century – one in which a doughnut-shaped compass points the way to human progress.Ambitious, radical and rigorously argued, Doughnut Economics promises to reframe and redraw the future of economics for a new generation.'An innovative vision about how we could refocus away from growth to thriving.' Daily Mail'Doughnut Economics shows how to ensure dignity and prosperity for all people.' Huffington Post