ArticlePDF Available

Abstract and Figures

L’histoire récente du Chili est liée à l’exploitation minière. Dans les régions du nord du pays, l’expansion minière a généré de profondes transformations environnementales et des changements sociaux dans les communautés autochtones qui habitent ces régions. À travers une série de vignettes, j’explore les camps miniers abandonnés d’Ollagüe, une communauté quechua située dans les hautes terres ( puna ) du nord du Chili. Les ruines de l’industrie du soufre permettent d’explorer l’histoire profonde de ces changements socioéconomiques. Je propose une exploration des vibrances volcaniques, les volcans étant compris ici comme des espaces culturels de production minière, comme des espaces naturels qui témoignent des changements et des impacts de l’industrie du soufre et comme des entités vivantes dont la rébellion contre la domestication humaine a façonné la sociabilité entre la communauté locale et eux.
Content may be subject to copyright.
Anthropologie et Sociétés, vol. 46, no 1, 2022 : 173-193
SOROCHE, RÉBELLION ET CAPITALISME
Francisco Rivera
Introduction : Aucanquilcha, le rebelle
Il était une fois, il y a très longtemps, les Espagnols sont arrivés dans nos
terres andines il y a de ça plus de 500 ans. Ces hommes ont apporté des



 
     


 

   


  



1.

     
 
   



 

174 FRANCISCO RIVERA
En avril 2017, dans le cadre de ma recherche sur l’industrie du soufre à
Ollagüe2, j’avais prévu de visiter et documenter les ruines du camp d’exploitation
connu sous le nom de El Ángulo, un site se trouvant au sommet du volcan
Aucanquilcha. J’ai donc planifié l’escalade du volcan avec un groupe de
collègues an d’enregistrer les vestiges du camp et ses installations industrielles.
Imposant et er dans le paysage d’Ollagüe, le volcan Aucanquilcha est
reconnu pour abriter la mine de soufre la plus élevée du monde (5 950 mètres
d’altitude), exploitée de 1913 à 1992 (Rudolph 1952 ; Araneda 1984). Pour se
rendre au site d’extraction au sommet du volcan, il faut prendre la route qui
monte le long de son versant nord. En cours de route, nous n’avons vu que les
traces des véhicules de quelques alpinistes, sur une voie constamment détruite par
les pluies d’été et érodée pendant 30 ans par l’abandon de l’activité minière. Tout
véhicule qui s’aventure dans cette direction est arrêté, à mi-chemin, par les débris
d’une avalanche de rochers qui l’empêchent de continuer. À partir de là, nous
avons dû marcher. La montée n’est pas pénible, car elle suit la trace fantomatique
des anciens camions. Cependant, après quelques minutes de marche, j’ai été
incapable de continuer à cause des nausées et des étourdissements provoqués par
la haute altitude. J’étais soudainement victime de la puna, du soroche, le fameux
mal de montagne des Andes, et de ce que les habitants d’Ollagüe appellent « la
rage du Quilcha3 ». Bref, je n’ai pas pu atteindre le sommet du volcan et son site.
Selon le fonctionnaire colonial espagnol Diego Gonçalez Holguin (1952
[1608] : 302), Auccay quincha signifie « le fort, ou palissade en temps de
guerre ». Bien que, cette fois, je n’ai pu accéder à la forteresse qu’est le volcan
et enregistrer le site comme prévu, cette expérience personnelle m’a permis de
comprendre quelque chose d’important concernant l’emplacement topographique
et l’environnement géographique des camps miniers d’exploitation du soufre. Les
nausées m’ont démontré les possibilités d’autres formes d’expérimentation d’un
site archéologique dans un paysage de haute altitude, le même paysage les
mineurs de soufre travaillaient et vivaient dans un passé pas si lointain. Malade
au bord de la route, j’ai compris que, comme dans le conte, le volcan était vivant
et qu’il s’était « rebellé ». Il a éveillé en moi une problématique que j’ai cherché
à développer, m’amenant à me poser la question suivante : comment faire une
recherche qui mette en équilibre interprétatif les vestiges matériels « objectifs » et
les expériences individuelles de ceux qui ont vécu et travaillé sur les sites miniers
les plus hauts du monde ? Comment mettre en rapport ma propre expérience de
nausées ? Loin d’une simple anecdote, je souligne l’importance de l’expérience
2. Recherche doctorale (2015-2020) qui s’insère dans le Projet archéologique Alto Cielo
(Proyecto Arqueológico Alto Cielo), un projet interdisciplinaire (archéologie, anthropologie,
architecture, histoire) mené à Ollagüe depuis 2014 et dirigé par l’auteur. Ce projet vise à
documenter l’expansion capitaliste à Ollagüe au cours du 20e siècle, à travers l’étude des
principaux camps miniers, réalisée au moyen d’une méthodologie mixte (documentation
archéologique, revue des archives historiques, entretiens semi-structurés).
3. Abréviation familière du nom du volcan.
Soroche, rébellion et capitalisme 175
personnelle dans l’analyse archéologique et historique (Brooks 2013), soutenant
que les approches phénoménologiques enrichissent l’analyse contextuelle des
sites, des paysages et de leur « atmosphère » (Tilley 1994 ; Bille et al. 2015).
Depuis ma rencontre avec le volcan et le soroche, j’ai cherché à comprendre ce
que Victor Buchli (2016) nomme les « registres » de l’immatériel. Ces registres
permettent d’approfondir notre regard sur le passé récent en intégrant les
mémoires locales imbriquées avec le matériel. L’immatériel fonctionne dans de
multiples registres (ibid.) et les nausées sont, certainement, l’un des aspects ayant
contribué à interpréter les vestiges de l’histoire minière d’Ollagüe. Dans ce texte,
l’écriture par vignettes cherche à rapprocher ces registres, d’où la nécessité de
les découper en petits morceaux apparemment dissociés, mais dont la multiplicité
ambiguë est certainement productive (voir Taussig 1993).
De ruines, de débris et de cicatrices
En combinant une approche archéologique, ethnographique et historique,
cet article explore l’exploitation industrielle du soufre à Ollagüe. Cette approche
est basée sur le concept de « cicatrices matérielles » (Storm 2014 ; Rivera 2018),
que je comprends ici comme des restes matériels participant à un processus
continu de « devenir » (Ingold 2015). Contrairement à l’idée romantique et
Fig. 1 — Amincha, logements des mineurs de soufre abandonnés au pied du volcan Aucanquilcha.
Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo.
176 FRANCISCO RIVERA
nostalgique de « ruines », celle de « cicatrices matérielles » portées par le corps
social (de la communauté) réduit l’accent mis sur la monumentalité des vestiges
et la condition statique des sites industriels abandonnés au prot de leur rôle dans
un processus vivant constant de création et de destruction (Mah 2012). L’abandon
remet en question, d’un point de vue esthétique, les pratiques conventionnelles
d’aménagement de l’espace moderne, suggérant ainsi de nouveaux modes de
relation avec le passé (Edensor 2005). Le concept de « ruines », ou de « débris »
comme proposé par Gastón Gordillo (2014), se concentre moins sur la nostalgie
et l’esthétique que sur les processus de destruction et d’échec économique
auxquels il est associé. Les ruines sont des débris qui ont été fétichisés an de
constituer le patrimoine hégémonique des communautés (ibid.). Je comprends
donc les débris de l’exploitation du soufre en tant que processus, et non en tant
qu’entité immuable gée dans une forme physique permanente (DeSilvey 2017).
Les débris de la modernité font ainsi ressortir les relations sociales qu’elles ont
articulées dans le passé et continuent de le faire dans le présent (Gordillo 2014).
Nausées coloniales
Les récits de soroche sont nombreux et je n’ai certainement pas été le
premier à en faire l’expérience. Au 17e siècle, le jésuite Bernabé Cobo raconte
ses malheurs sur les hauteurs des Andes centrales :
Ayant été sur cette terre pendant tant d’années, trois fois quand je suis
remonté des plaines vers les provinces d’en haut j’ai ressenti cette maladie
dans mon estomac en traversant ces landes ; et la deuxième fois j’étais très
mal avec de forts étourdissements et vomissements […] ; je me suis trouvé
si fatigué que, inquiet de ne pas retrouver la santé, j’ai demandé à mes
compagnons de me laisser mourir et de continuer, car je ne ferais que
rendre l’âme, car en deux jours je n’avais pas pu manger.
Cobo 1964 [1653] : 75-76
Depuis lors, la puna alimente l’imaginaire des nouveaux arrivants comme
étant ce que j’appelle ici un « paysage de nausées », sauvage et hostile, un
palimpseste façonné par des archives coloniales, des rapports de fonctionnaires
étatiques et des descriptions de scientiques. Il constitue ainsi « la dynamique
d’une mémoire plus qu’une histoire périodisée, une mémoire avec tous ses
caprices : des pérennités, des discontinuités, des potentialités, des résonances, des
déterminismes, des éradications, des transformations et des transmissions, donc
des milliers d’itinéraires diérents » (Chouquer 2007 : 47).
Ollagüe, « terre des salars et des volcans »
Ollagüe est, selon le slogan de la municipalité créée en 1979, une « terre
de salars [“désert de sel”] et de volcans ». Le village se situe à l’extrême nord-
est de la région d’Antofagasta, à 3 660 mètres d’altitude. Il s’insère dans la
puna, une macro-zone des Andes Centre-Sud ou Circum-Titicaca, la plus aride
Soroche, rébellion et capitalisme 177
de l’ensemble du territoire andin (Lumbreras 1981). Paysage rigoureux, aride,
froid et sans arbres, la puna constitue un milieu steppique de haute altitude, avec
une végétation composée principalement de graminées, qui permettent la vie des
troupeaux de camélidés.
Ollagüe se trouve dans une région qui appartenait à la Bolivie jusqu’à
la guerre du Pacique qui opposa le Chili au Pérou et à la Bolivie entre 1879
et 1884. À la suite de la guerre, le Chili imposa sa souveraineté institutionnelle :
police, douanes, écoles et municipalités. La région connut également des projets
de développement économique liés à l’exploitation minière et à la construction,
à la n du 19e siècle, du chemin de fer Antofagasta-La Paz (Blakemore 1990).
L’irruption des industries minières à Ollagüe apporta une forme nouvelle
d’habitation et d’occupation de l’espace. L’existence de grandes réserves de
soufre et leur exploitation sont à la base de nouveaux modes de vie qui ont
modié l’espace écologique, économique et social d’Ollagüe. Le développement
de l’exploitation minière est devenu un phénomène qui a touché la population
pastorale locale, cette dernière subissant des processus de désarticulation de ses
systèmes de subsistance d’origine. Avec de nouvelles perspectives économiques
et l’intégration de la population pastorale en tant que main-d’œuvre locale dans le
secteur minier, sa mobilité et ses modes d’utilisation des terres furent transformés.
Le travail minier et le travail salarié furent ainsi les facteurs déterminants de
l’émergence d’un nouveau modèle de subsistance et de la concentration humaine
autour des nouvelles gares et des nouveaux camps miniers.
Fig. 2 — Ollagüe et le volcan Aucanquilcha en 1940. Photo : Robert Gerstmann
© Museo Histórico Nacional de Santiago. Reproduit avec autorisation.
178 FRANCISCO RIVERA
Ppacchas
La relation que les communautés autochtones des Andes ont établie avec
les volcans et les montagnes a été, et reste toujours, un sujet largement étudié
(voir, par exemple, Castro et Aldunate 2003 ; Salas Carreño 2017 ; Gose 2018). À
Ollagüe, cette relation relève de la compréhension d’un ensemble de diérentes
unités écologiques, telles que les sources d’eau (ojos de agua), les déserts de sel
(salars) et les plaines fertiles (vegas) (Romo 1998 ; Cárdenas 2014). La conception
de l’espace est ainsi fortement liée à la perception de ces unités écologiques,
donnant lieu à une construction symbolique du paysage. LAcapacha, le monde
des humains, est constitué du Ppaccha du haut (Arajpacha) et du Ppaccha du
bas (Manqha Pacha), les deux exerçant une forte inuence sur les humains.
Selon le dictionnaire de Gonçalez Holguin (1952 [1608] : 268), Ppaccha est
traduit par « fontaine, jet d’eau, canal, tuyau » fuente, chorro de agua, canal,
caño »). Dans ce domaine se déploient toutes les activités quotidiennes du
berger andin. Toutes les relations rituelles et cérémonielles reliant l’humain à
ses divinités tutélaires peuvent s’y développer (Cárdenas 2014). L’Arajpacha
constitue l’espace des étoiles et le Manqha Pacha, celui de tous les éléments
non domestiqués et sauvages de la nature (ibid.). Ce dernier correspond aussi au
niveau il y a des forces puissantes qui peuvent agir pour le bien ou pour le
mal. Pour les bergers d’Ollagüe, cet étage écologique représente la demeure des
personnes décédées, les abuelos ou gentiles (ibid.). Ces détenteurs de certains
pouvoirs peuvent iniger quelque mal ou maladie à telle personne qui ne respecte
pas leur nom ou leur tombe. Des éléments du paysage en particulier sont une
partie essentielle du Manqha Pacha : les montagnes et les volcans (Romo 1998).
Hétérotopie et sacralité du volcan Aucanquilcha
Le volcan Aucanquilcha, connu par les habitants d’Ollagüe comme « la
montagne du diable », joue un rôle sacré dans la conception spatiale locale,
une hétérotopie des hauteurs. Michel Foucault (1986) proposa le concept
d’« hétérotopie » comme catégorie spatiale pour comprendre la prédominance
de l’espace par opposition au temps dans la société contemporaine. Ces sociétés
qui ont subi un processus de désacralisation possèdent toutefois certains espaces
qui continuent à être chargés de valeur et de dignité spirituelles, conservant
le caractère sacré perdu dans d’autres lieux. À Ollagüe, les volcans, en tant
qu’espaces hétérotopiques, font coexister plusieurs lieux et temps incompatibles
dans un espace « réel », par exemple pendant les rituels (pagos) qui étaient
réalisés les premiers jours du mois d’août, pour apaiser et respecter leur pouvoir.
Doña Augusta4, habitante d’Ollagüe, se rappelle ces pagos aux montagnes que
son grand-père, un yacho (aussi appelé yatiri) ou voyant, réalisait : « Il les faisait
4. Tous les noms propres des personnes qui nous ont accordé des entretiens ont été changés pour
respecter l’anonymat.
Soroche, rébellion et capitalisme 179
en août, le 1er août. […] Pour… pour les travailleurs, disait-il, qui devaient
mettre cet argent, pour qu’il y ait plus d’argent. Tu dois payer la Pachamama,
les montagnes. C’est ce qu’il faisait. »
Ces pratiques s’inscrivaient dans une cosmovision partagée dans plusieurs
régions andines (Dorman 1881 ; Bouysse-Cassagne et Bouysse 1984). En
Bolivie, par exemple, Tristan Platt (1983) remarque que le mois d’août est le
« mois du diable » et souligne que les premiers jours sont interstitiels dans le
calendrier agricole. Selon les traditions, la terre s’enamme et le Tío, propriétaire
des ressources souterraines (Absi 2005), porte ses richesses à la surface des
montagnes. L’espace hétérotopique du volcan Aucanquilcha s’inscrit dans
cette constellation spirituelle. Il possède également des richesses qui ne sont
accessibles que par sa faveur en tant que propriétaire. Il inige des accidents
mortels à ceux qui ne le respectent pas. De ce fait, la sociabilité établie entre les
communautés et les volcans n’est pas une relation de domination d’un élément de
la nature par l’être humain. Au contraire, il s’agit ici d’une isonomie des éléments
de la nature et des humains où le principe de réciprocité andine prévaut comme
l’une des règles qui doivent toujours être respectées (pour une notion élargie de
réciprocité, voir de la Cadena 2015).
Fig. 3 — Animita dans le chemin vers le sommet du volcan Aucanquilcha. Une animita est une
structure rappelant une personne décédée sur le site ou ayant eu un lien étroit avec celui-ci. Elle
constitue aussi un site informel de vénération de saints ou de personnages auxquels on attribue des
caractéristiques miraculeuses. Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo.
180 FRANCISCO RIVERA
Un territoire aliéné par une guerre
L’espace d’Ollagüe est lié à une cosmovision qui met en relation les
unités écologiques et l’espace géomorphologique. Cependant, l’incorporation
de la région d’Antofagasta à l’État chilien à la n du 19e siècle et la création
d’un nouvel espace géopolitique brisèrent cette métaphysique de l’espace en
imposant une nouvelle forme d’administration et de juridiction, modiant ainsi
le statut de l’espace écologique. Les eaux et les pâturages, auparavant d’usage
communautaire, ont été placés sous le statut de l’État et, à ce titre, ont été l’objet
de nombreuses concessions par les compagnies minières (San Román 1896).
« Dans le passé, elles [les compagnies minières] arrivaient et construisaient
elles pensaient que c’était le mieux, et elles déclaraient que c’était une zone
privée et c’était tout », raconte don Victor, un ancien travailleur minier, critique
du relâchement administratif dans l’appropriation privée des terres : « Ce n’est
pas comme maintenant nous devons consulter la communauté pour savoir si
nous pouvons construire un camp ou non. Pas dans le passé. » Ces modications
de l’espace écologique et la perte subséquente d’une base agraire intensièrent
l’incorporation d’un pourcentage important de la population locale au marché
du travail salarié dans le secteur minier (Sanhueza et Gundermann 2009).
Poussée par l’industrie du soufre, l’économie locale d’Ollagüe est devenue,
par conséquent, de plus en plus monétaire en raison d’une relation active avec
le marché du travail, le commerce des produits agricoles ainsi que des biens
de consommation. Ollagüe fut ainsi incorporé dans les circuits du commerce
régional et mondial, dont les marchandises atteignirent les hauteurs des Andes
pour satisfaire de nouveaux besoins.
La chilenización d’Ollagüe
Au Chili, les bases idéologiques de l’idée de « nation » furent renforcées
depuis la n du 19e siècle avec l’expansion territoriale de l’État chilien après
la guerre du Pacique (1879-1884). L’expansion territoriale a eu un caractère
militaire, politique, économique et culturel, impliquant une reformulation
des imaginaires nationaux et une réélaboration des politiques d’intégration
des populations locales, principalement autochtones, dans l’histoire nationale
(Gundermann 2003). C’est un processus connu sous le nom de chilenización.
Ce moment constitue, pour les peuples autochtones de la région, un évènement
décisif de leur incorporation administrative et symbolique dans l’État-nation
chilien. Pendant la guerre, ces politiques d’intégration furent immédiatement
mises en place dans les villages d’Atacama. Joaquin Cortés, un militaire
stationné dans la région, écrivit :
Les habitants d’Atacama et de ses environs sont pour la plupart des
Autochtones tributaires. Après avoir atteint ce point, j’ai convoqué tous
ceux qui pouvaient le faire et je leur ai fait savoir qu’à partir du jour
les armées chiliennes ont occupé ces lieux, ils étaient exemptés de toute
contribution, qu’ils avaient une liberté absolue ; en un mot, qu’ils étaient
Soroche, rébellion et capitalisme 181
considérés, depuis le 14 février de cette année, comme des citoyens chiliens,
jouissant donc de toutes les garanties que la nation donne à ses enfants.
Cortés 1979 [1879] : 571, nous soulignons
La construction de l’idée de « nation » prit alors la forme de récits
nationaux, articulant un passé qui indiquait sa supériorité, en rupture avec
les périodes précédentes et le rejet de tout ce qui échappait aux principes
de l’homogénéité culturelle et du progrès (Colmenares 1987). La catégorie
d’« Indien » cessa d’être considérée comme un élément « étranger » pour être
intégrée dorénavant dans la catégorie de « minorité ethnique ». L’État incorpore
cette catégorie, la détachant du passé colonial considéré comme une période
d’une position inférieure, « non moderne » (Gundermann 2003). L’« Indien »
d’Ollagüe cessa de représenter une catégorie sociale, culturelle ou économique
diérenciée du reste de la société, et s’inscrivit dans un nouveau paradigme
politique au sens moderne : le citoyen (ibid.). En même temps que les entreprises
minières créèrent le « sujet mineur », discipliné et contrôlé, les politiques de
l’État créèrent de même le « sujet citoyen », membre d’une collectivité nationale.
Imaginez…
À 20 000 pieds d’altitude, la respiration, à un rythme normal, apporte
au sang moins de la moitié de l’oxygène fourni au niveau de la mer.
L’individu moyen ne peut faire plus d’eorts que pour monter et descendre
de sa mule. Même les mineurs chiliens, habitués à des altitudes allant
jusqu’à 10 000 pieds, sont incapables d’accomplir grand-chose à des
altitudes supérieures à 16 000 pieds. Les Autochtones boliviens, élevés
dans de telles conditions, sont les seuls à pouvoir supporter ces dicultés.
Le froid extrême à ces altitudes réduit également l’ecacité du travail.
Imaginez que vous travaillez dans un endroit la température maximale
jamais enregistrée à midi est de quatre degrés Celsius ! Ajoutez à ce froid
extrême un vent qui ne cesse de souer et qui prend généralement la force
d’un ouragan entre midi et le coucher du soleil, et l’être humain, dont la
vitalité a déjà été réduite par le manque d’oxygène, en soure sévèrement.
Ocier 1922 : 996
Ces mots, de l’explorateur et ingénieur états-unien Herbert G. Ocier,
décrivent les conditions des mineurs sur les hauteurs des volcans des Andes
chiliennes. Le récit d’Ocier, datant de 1922, doit être l’un des plus remarquables
et des plus éloquents au sujet des diciles conditions environnementales et de
travail que les mineurs de soufre, principalement autochtones, ont endurer.
Il montre qu’à bien des égards l’industrie du soufre dans le nord du Chili était
unique au monde. L’altitude extrême, le manque d’oxygène, le froid et la précarité
du travail ont fondamentalement conditionné l’exploitation minière. Sans vouloir
182 FRANCISCO RIVERA
tomber dans ce que les ethnologues appellent un déterminisme géographique, il
est clair que ces conditions particulières ont inuencé les relations sociales de
production dans l’histoire de l’exploitation du soufre.
Mineurs autochtones et boliviens
Le texte d’Ocier souligne un aspect fondamental du développement
de l’industrie du soufre à Ollagüe : les travaux d’extraction étaient eectués
principalement par des mineurs autochtones, quechua et aymara. Les récits
soulignent également les différences d’adaptation aux hauteurs entre les
travailleurs d’origine bolivienne et ceux d’origine chilienne. José Armando
Araneda, un photographe qui visita les camps du volcan Aucanquilcha au début
des années 1980, recueillit des témoignages, dont celui d’un employé nommé
Alberto Larenas :
De nombreux Boliviens viennent ici à la recherche d’un emploi, suppliant
qu’on leur donne la possibilité de travailler. Ils traversent le désert à pied,
traînant parfois un vélo à leurs côtés avec leurs maigres possessions, sans
papiers. Nous mettons leurs papiers en règle et les acceptons. Cependant,
les Chiliens qui viennent disent qu’ils n’ont même pas d’argent pour rentrer
chez eux. Après quelques jours, ils n’en peuvent plus. Ils ne sont pas faits
pour travailler sur les hauteurs, comme les Boliviens…
Araneda 1984 : 10
Pour les témoins de l’époque, les conditions de travail en haute altitude
faisaient partie du côté « épique » de l’exploitation minière (ibid.). L’exploitation
du soufre est ainsi, pour certains observateurs, une « épopée ». William Rudolph,
un ingénieur états-unien, a écrit : « À certains égards, l’industrie chilienne des
mines de soufre est unique. Les hommes travaillent à des altitudes où l’on croyait
autrefois que la vie, humaine ou autre, ne pouvait exister. » (Rudolph 1952 :
563) Ces descriptions sont importantes, car elles contribuent à la création des
formes par lesquelles l’histoire minière est remémorée et ensuite reproduite dans
les récits historiques actuels. Cependant, le « travail épique » dégure d’autres
thèmes, comme les conditions de travail, les conits ethniques ou les diérences
sociales et de genre. Rudolph remarque :
Les travailleurs autochtones se font généralement embaucher dans les mines
de soufre lorsqu’ils ne sont pas nécessaires dans leurs villages pour réparer
les fossés d’irrigation, labourer, semer et récolter. Le fait de faire travailler
les deux groupes dans les mêmes équipes ne donne pas les meilleurs
résultats, car le Chilien méprise le travailleur autochtone et le maltraite.
Rudolph 1952 : 576
Les travailleurs autochtones et boliviens dans l’industrie du soufre ont
constitué une main-d’œuvre subordonnée participant de manière désavantageuse
à une relation économique asymétrique (Galaz-Mandakovic et Rivera 2020).
Soroche, rébellion et capitalisme 183
Comme souligné par Achille Mbembe (2013), l’accumulation nécessite toujours
des suppléments raciaux ou des subventions. Les mineurs de soufre ont constitué,
pour leur part, une forme de subsidiarité, subventionnant avec leur corps
l’expansion du capitalisme dans la région.
Une histoire androcentrique
Les récits des géologues et des ingénieurs ont une chose en commun : la
présence des femmes n’est jamais mentionnée. L’industrie du soufre est, aux
yeux des chroniqueurs de l’époque, une histoire essentiellement masculine. Ces
récits reproduisent une idée largement répandue selon laquelle les femmes étaient
exclues de tout stade du processus de production (voir cependant Klubock 1998).
Elles sont cachées, sans voix, sans visage. Dans le monde andin, l’interdiction
des femmes dans les espaces d’extraction minière a été une question largement
analysée en lien avec les représentations sociales et l’imaginaire minier
(Nash 1979 ; Absi 2002). À la suite de ses recherches ethnographiques en Bolivie,
Pascale Absi (ibid.) montra que la dimension sexuelle de l’exploitation minière
congura le type de relation homme-femme et que l’interdiction aux femmes
d’entrer dans les mines a façonné les relations sociales des communautés.
En excluant les femmes des études sur l’exploitation minière, on leur a
refusé la reconnaissance et l’accès à cette histoire, les connant à une recherche
marginale et rendant invisible leur rôle au sein du système minier. À Ollagüe,
dans un contexte de changements rapides générés par l’irruption de l’industrie
du soufre, elles se trouvent toutefois dans la participation et le contrôle des
brevets ou des petites sociétés commerciales. Leur présence s’attache, comme
dans d’autres contextes andins (Viezzer 1978), à des domaines où leur rôle fut
essentiel : l’activisme politique, la lutte sociale, l’organisation communautaire
et la défense des droits des travailleurs. Vraisemblablement, c’est ici l’une des
raisons de leur absence dans les récits historiques ociels.
Des volcans genrés
Les diérences de genre se trouvent également dans les êtres non humains
du paysage minier d’Ollagüe. Les volcans sont des êtres genrés. Le volcan
Aucanquilcha, masculin et rebelle, représente l’épopée du travail minier. Le
volcan Ollagüe ou Santa Rosa, féminin et ambivalent, représente d’autres
types de tensions, illustrant les couches hybrides des dénitions identitaires
et de la religiosité populaire. Pour certains, le volcan est appelé Ollagüe, et
(elle) représente l’héritage ancestral autochtone quechua de la communauté.
Pour d’autres, au contraire, le nom du volcan est Santa Rosa, symbole de la
dévotion catholique et de la conquête hispanique moderne du territoire. Les
diérenciations de genre, humain et non humain, se construisent à partir de
l’hybridation culturelle et des tensions exacerbées au 20e siècle par l’expansion
minière-industrielle.
184 FRANCISCO RIVERA
Doña Olivia utilise les remontées mécaniques
L’industrie du soufre d’Ollagüe s’est offert une série d’innovations
technologiques qu’elle a rapidement intégrées aux activités d’exploitation. Les
remontées mécaniques constituent une innovation fondamentale pour le transport
du minerai depuis les lieux d’extraction sur les volcans vers les camps. Dans
une région encombrée de ravins et d’accidents naturels, les remontées furent
une solution de rechange au transport sur des routes constamment érodées
et des lignes de chemin de fer très coûteuses. Grâce à des lignes droites, les
remontées mécaniques ont évité les sinuosités et les obstacles naturels imposés
par le milieu. Les coûts de production étaient également beaucoup moins élevés.
Elles restent l’un des vestiges industriels les plus visibles dans le paysage, et
l’un des éléments les plus distinctifs de l’histoire récente de la communauté. Les
remontées furent non seulement utilisées pour le transport des minéraux, mais
aussi pour le transport des personnes. Doña Olivia, une habitante d’Ollagüe qui
travailla comme cuisinière dans les camps, raconte ses expériences avec ces
symboles matériels de progrès et de erté moderne :
[I]l y avait une remontée mécanique… vous avez vu les tours ? J’utilisais
ces remontées. Par exemple, à la gare, ils [les travailleurs] prenaient le seau
et je montais dessus, et ils me poussaient, et je descendais. Là où je passais
à côté des tours… Pum pum ! Pum pum ! Je passais. Je n’avais pas peur
parce que je savais qu’il fallait que ça sonne. Soudain, je me disais : « Et si
le seau tombait ? » […] Et là, je courais à travers les ls qui se croisaient.
Parfois, celui qui parcourait la ligne, celui qui travaillait sur les tours en
graissant tout, il me croisait. Il montait et je descendais.
Devenir volcan
Alonso Barros (1997) examina les « paysages conictuels » à Atacama,
soulignant le choc et les conits générés par les discours et les politiques de
développement entre les communautés locales et l’État chilien. De même, dans
les Andes péruviennes, Fabiana Li (2015) souligne comment les mêmes tensions
resurgissent et mutent à partir des conits avec les compagnies minières. Pour
les auteurs, ces conflits contemporains illustrent deux manières différentes
d’agir dans le monde. Ils montrent la tension entre deux épistémologies qui se
confrontent, deux cosmovisions face à la compréhension des paysages locaux.
Dans le cas d’Ollagüe, les volcans furent articiellement modiés en vue de
leur exploitation du soufre, cette modication devenant un enchevêtrement à
la fois naturel et culturel qui dévoile des tensions similaires. Comme présenté
dans le conte « Aucanquilcha le rebelle », cet enchevêtrement remonte beaucoup
plus loin dans le passé. Le volcan a une histoire de vie, une personnalité,
un « devenir volcan » inscrit dans une temporalité non humaine. Ce devenir
souligne son caractère mutable et historique, et ne le présente pas comme étant
une entité stable ou comme s’inscrivant dans une même structure ontologique
Soroche, rébellion et capitalisme 185
(Gose 2018) : « le volcan, en tant qu’entité hautement mouvante, ne peut en
aucun cas être considéré comme “intemporel” malgré sa monumentalité »
(Holmberg 2013 : 50).
Des volcans vivants
Les volcans ont une signication particulière pour les communautés qui
interagissent quotidiennement avec eux (voir, par exemple, Bouysse-Cassagne
et Bouysse 1984 ; Holmberg 2005). Plus que de grandes montagnes souvent
menaçantes, les volcans sont des êtres spirituels, des « êtres de la terre » (Salas
Carreño 2017) méritant du respect. Ils font partie du monde des humains pour
leur fournir des connaissances et des ressources et les guider sur la voie de
comportements qui garantissent un mode de vie correct et durable (Stoffle
et al. 2015). Ils sont aussi des êtres moralisateurs. Le rebelle d’Ollagüe (comme
tous les volcans de la région) n’est pas seulement un élément naturel du paysage,
c’est une entité vivante avec une histoire de vie. En fait, on pourrait le voir
comme une « métapersonne » (Gose 2018). Samuel Valdés, un fonctionnaire du
gouvernement chilien, remarqua ceci après son voyage dans la région à la n
du 19e siècle :
Et puis tout le lac enfermé entre ces deux hauts sommets du San Pedro et
de l’Ollagüe, des volcans vivants, couverts de neige perpétuelle et presque
Fig. 4 — Un seau pour le transport du minerai demeure suspendu sur le l de la remontée mécanique
au sommet du volcan Aucanquilcha. Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo.
186 FRANCISCO RIVERA
toujours couronnés par une colonne de vapeur au milieu d’un ciel serein.
L’Ollagua [sic] est le plus actif, et il n’est pas rare de le voir émettre de
fortes émanations de vapeur et de lumière au milieu des nuits sombres.
Valdés 1886 : 162, nous soulignons
Une fumerolle patrimoniale
Les volcans d’Ollagüe furent façonnés par l’action humaine et ont
été l’objet d’usages instrumentaux. Cette perspective soulève la question
de la manière de distinguer le patrimoine naturel du patrimoine culturel
(Holmberg 2005 ; Harrison 2015). Valdés décrit, nous l’avons vu, la vitalité du
volcan à travers des indices tels que la lumière et les « vapeurs » qu’il exhale.
Il entrevoit ainsi l’un des éléments du patrimoine volcanique contemporain qui
se situe dans les interstices du matériel et de l’immatériel (Bille et al. 2015 ;
Buchli 2016). De loin, la fumerolle qui s’élève du sommet du volcan Ollagüe est
considérée comme un élément distinctif du patrimoine local. Elle nourrit à la fois
l’étonnement, l’imagination et la peur. Jacinto Jijon y Caamaño laisse les mots
s’envoler comme de la fumée lorsqu’il écrit à propos des Andes :
Qui a vu, de près, une de ces grandes masses andines sur lesquelles
otte souvent un immense panache de fumée noire, éclairé la nuit par de
nombreuses étincelles ; […] et qui a entendu le bruit rauque du tonnerre
souterrain, et vu la montagne frissonner, comprendra bien le respect et la
vénération dont les volcans ont été l’objet, même sans tenir compte de la
terreur (source fertile de culte) qu’ils ont dû inspirer, par les malheurs et les
destructions que chaque éruption a produits.
Jijon y Caamaño 1919 : 307
Alors que nous marchons au milieu des décombres industriels d’un des
camps, je parle de la fumerolle avec don Ernesto, ancien chaueur de camion,
qui n’oublie pas l’odeur de ces émanations :
Le gaz de ce soufre est extrêmement fort. […] Les gens qui sont venus pour
la première fois pour travailler le soufre ne pouvaient pas dormir la nuit.
Parce qu’il y a une terrible démangeaison ; […] le gaz est extrêmement fort,
vous ne pourriez pas le supporter. Il vous étoue.
Les deux fumerolles, d’origine industrielle ou volcanique, se confondent
dans une relation mimétique (voir Taussig 1993). Comme la nausée, la fumerolle
est un registre de l’immatériel (Buchli 2016) et un indice de la vitalité volcanique.
À travers leur effet sur le corps humain, elles unissent ainsi des matériaux
incompatibles et apparemment sans valeur, comme les débris industriels, à
l’histoire de vie rebelle du volcan.
Soroche, rébellion et capitalisme 187
Conclusion : la rébellion comme parabole de l’échec
Le volcan Aucanquilcha a façonné l’imaginaire non seulement de la
communauté locale, mais aussi des chroniqueurs espagnols et des capitalistes
miniers chiliens. Si les volcans furent traditionnellement considérés comme des
sujets d’intérêt pour la géologie ou la géographie, à Ollagüe, en revanche, ce
sont des êtres naturels et culturels, avec une histoire de vie qui remonte loin dans
le temps. À Ollagüe, le volcan est une entité naturelle, tout en étant considé
comme adaptable aux projets humains. L’exploration de la vitalité des volcans
d’Ollagüe permet de mettre en perspective leur personnalité rebelle comme étant
une métaphore de l’échec tel qu’insinué par le conte. D’une part, l’illustration
d’un échec qui, dans l’imaginaire collectif, est associé à la rébellion des volcans
contre les conquistadors espagnols (l’échec de la conquête). D’autre part, le
récit d’un deuxième échec fondé sur la rébellion contre l’expansion capitaliste,
qui considère les volcans comme une source de production minière à la base de
l’utopie modernisatrice du 20e siècle (la rébellion volcanique comme une cause de
l’échec du capitalisme minier et de l’industrialisation locale). Enn, le symbole
d’une troisième révolte contre la présence humaine qui se manifeste dans ce
« paysage de nausées » (l’échec du nouvel arrivant, de l’Autre étranger, illustré
par mon expérience personnelle). Ces échecs permettent d’explorer l’agentivité
des volcans et de revisiter une histoire résultant non seulement d’eorts humains,
Fig. 5 — Le train, symbole de l’irruption de la modernité, transporte de l’acide sulfurique depuis la
Bolivie vers le port d’Antofagasta. Le volcan Ollagüe/Santa Rosa, au fond, étale sa fumerolle.
Photo : Rodrigo Lorca, Proyecto Arqueológico Alto Cielo.
 FRANCISCO RIVERA
      
       

  
sont

         
du 19e       
       

 
     

       

       




      

  
      
      
    
         


humaine.
Remerciements
     
      
o
  

Références

L’Homme et la société, 4, 146 : 141-157.
, rébellion et capitalisme 
—, 2005, Los Ministros del Diablo. El trabajo y sus representaciones en las minas de Potosí
[Les ministres du diable. Le travail et ses représentations dans les mines de Potosí

The World’s Highest Inhabited Place: Aucanquilcha, Chile


   
Estudios Atacameños, 13 : 75-94.
J., 2010, Vibrant Matter: A Political Ecology of Things 
Press.
    
 Emotion, Space and Society
H., 1990, From the Pacic to La Paz: The Antofagasta (Chili) and Bolivia
Railway Company, 1888-1988  
Holdings.
T. et P.   
Journal de la Société des
américanistes
       
Historical Archaeology, 47, 1 : 1-9.
An Archaeology of the Immaterial
Estudio ecosistémico. Comuna de Ollagüe. Informes Ejecutivos. Catastro
y evaluación de daños arqueológicos y patrimoniales [Étude de l’écosystème. Commune
d’Ollagüe. Rapports exécutifs. Cadastre et évaluation des dommages archéologiques et
patrimoniaux

Mountain Research and Development, 23, 1 : 73-79.
Cosmopolitiques, 15 : 43-52.
Historia del Nuevo Mundo [Histoire du Nouveau Monde

 Las convenciones contra la cultura: ensayos sobre la historiografía
hispanoamericana del siglo XIX [Les conventions contre la culture : essais sur
l’historiographie hispano-américaine du 19e siècle
        
      
 
      
in Boletín
de la Guerra del Pacíco 1879–1881
190 FRANCISCO RIVERA
Earth Beings: Ecologies of Practice Across Andean Worlds.

         Hau: Journal of
Ethnographic Theory
C., 2017, Curated Decay. Heritage Beyond Saving  

The Origin of Primitive Superstitions, and Their Development Into
the Worship of Spirits and the Doctrine of Spiritual Agency Among the Aborigines of
America
T., 2005, Industrial Ruins: Spaces, Aesthetics and Materiality
  , s. d., Cuentos del altiplano. Punamanta Willanakuna
[Contes de l’Altiplano. Punamanta Willanakuna
  Los mineros de la Cerro de Pasco, 1900–1930. Un intento de
caracterización social [Les mineurs de Cerro de Pasco, 1900-1930. Une tentative de
caractérisation sociale
Diacritics, 16, 1 : 22-27.
  
 History and
Anthropology
Vocabulario de la lengua general de todo el Perú
llamada lengua qquichua o del inca [Vocabulaire de la langue générale de tout le Pérou
appelée langue qquichua ou inca 
Rubble: The Afterlife of Destruction
   
Hau: Journal of Ethnographic Theory


Estudios Atacameños, 25 : 55-77.
   
Heritage & Society 

inArchaeologies of Materiality.

  in
Making Senses of the Past: Toward a Sensory Archaeology

T., 2015, The Life of Lines
, rébellion et capitalisme 191
J., 1919, La religión del imperio de los incas.  : Los fundamentos
del culto. Huacas, conopas, apachitas, urcos, huancas, machais [La religion de l’empire
Inca. Tome I : Les fondements du culte. Huacas, conopas, apachitas, urcos, huancas,
machais
Contested Communities: Class, Gender, and Politics in Chile’s
El Teniente Copper Mine, 1904-1948
Unearthing Conflict: Corporate Mining, Activism, and Expertise in Peru.

Arqueología de la América Andina [Archéologie de l’Amérique
andine
  Industrial Ruination, Community, and Place: Landscapes and Legacies of
Urban Decline
Critique de la raison nègre
J., 1979, We Eat the Mines and the Mines Eat Us: Dependency and Exploitation in
Bolivian Tin Mines
The Engineering and Mining Journal,
113, 23 : 995-1000.
   
Qhuyaruna et ayllu dans le
HISLA, 2 : 47-73.
     
Revista
de Arqueología Americana
    
   
Estudios Atacameños, 16 : 209-231.
Geographical Review, 42, 4 : 562-590.
   
Journal of Material Culture, 22, 2 : 133-150.
C., 2002, Anthropologie des mineurs des Andes : dans les entrailles de la
terre
C. et P. 

Journal de la Société des américanistes
Desierto i cordilleras de Atacama [Désert et cordillères d’Atacama

C. et H.  


Universum
192 FRANCISCO RIVERA
 , J.  ,
 
in
Engineering Mountain Landscapes: An Anthropology of Social Investment

Post-Industrial Landscape Scars
Mimesis and Alterity. A Particular History of the Senses

 C., 1994, A Phenomenology of Landscape: Places, Paths, and Monuments

 Informe sobre el estudio minero i agricola de la rejion comprendida entre
el paralelo 23 i la Laguna de Ascotán, presentado al Ministro de lo Interior [Rapport
sur l’étude minière et agricole de la région située entre le 23e parallèle et la Lagune de
Ascotán, présenté au ministre de l’Intérieur
Si me permiten hablar... Testimonio de Domitila, una mujer de las
minas de Bolivia    

RÉSUMÉ — ABSTRACT — RESUMEN
, rébellion et capitalisme
   

  
  
 puna    
 
  
   
  
    



, Rebellion and Capitalism
          

    

puna
Soroche, rébellion et capitalisme 193
opportunity to explore the history of these socio-economic changes. I propose an exploration
of volcanic vibrancy, volcanoes being understood here as cultural spaces of mining production,
as natural spaces that bear witness to the changes and impacts of the sulphur industry, and
as living entities whose rebellion against human domestication has shaped the sociability
between them and the local community.
Keywords: Rivera, volcanoes, mining, sulphur, capitalism, historical anthropology, Andes,
Chile
Soroche, rebelión y capitalismo
La historia reciente de Chile está ligada a la explotación minera. En las regiones del
norte del país, la expansión minera ha generado profundas transformaciones medioambientales
y cambios sociales en las comunidades autóctonas que habitan dichas regiones. A través de
una serie de viñetas, exploro los campos mineros abandonados de Ollagüe, una comunidad
quechua situada en los altiplanos (puna) del norte de Chile. Las ruinas de la industria del
azufre permiten explotar las vivezas volcánicas, los volcanes aquí denidos como espacios
culturales de producción minera, como espacios naturales que atestiguan los cambios y
los impactos de la industria del azufre y como entidades vivas cuya rebelión contra la
domesticación humana ha formado la sociabilidad entre ellos y la comunidad local.
Palabras clave: Rivera, volcanes, explotación minera, azufre, capitalismo, antropología
histórica, Andes, Chile
Francisco Rivera
The Archaeology Centre
University of Toronto
19, Ursula Franklin Street
Toronto (Ontario) M5S 2S2
Canada
f.riveraamaro@gmail.com
... Atacama forms geographies and imaginaries configured by archaeological materialities that can be considered surrealist from an outsider's perspective. We use an archaeological perspective on Atacama's landscape to highlight both the multitemporality of its material remains, a palimpsest of objects, places, and experiences (Olivier, 2008), and the critical role of scientific expeditions as another event in its biographical history (Rivera, 2022). To show it, we use three narrative axes-madness, the epic, and sacrifice-which serve as principles of aesthetic organisation and literary figures to examine extractivism and imagination in the desert. ...
... 'The story is half fiction, half-truth,' one of the protagonists recently told us. We are not interested in assessing data objectivity but in recovering material traces that shape the imagination of Atacama associated with aridity, solitude, and, of course, soroche or mountain sickness (Rivera, 2022). Like an apacheta, an ancient marker on the muleteer's routes, desert landscapes are surrealistic collages of materials, anecdotes, and stories ( Figure 6). ...
Article
Full-text available
Since the nineteenth century, the Atacama Desert in Northern Chile has been a space of geopolitical tension, asymmetrical socioeconomic power, and a territory for mining extractivism. The knowledge of its natural and cultural resources was assembled by scientific expeditions defining and configuring what we understand as a 'desert, ' a peripheral empty and arid space ready to be occupied and exploited. The irruption and expansion of capitalist extractivism created a particular idea of landscape and reconfigured its socio-political contours. Archaeological, scientific, and artistic expeditions actively participated in this 'becoming desert' process. This article examines some trajectories constituting the Atacama Desert as an extractive and sacrificial territory. We propose the notion of 'sur-realistic landscapes, ' and we use the poetry of the Chilean Canadian poet Ludwig Zeller to highlight the surreal condition of contemporary mate-rialities, constantly feeding the archaeological imagination of Atacama.
Article
Full-text available
Resumen El texto reflexiona la relación entre la identidad cultural atacameña, el entorno natural del Norte Grande de Chile y los impactos de la minería, con especial énfasis en la extracción de litio. Se destaca cómo la identidad atacameña, profundamente conectada con la naturale-za, ha sido transformada por la explotación minera, la cual impacta la comunicación cultural-territorial y genera tensiones debido a las prácticas asistencialistas y paternalistas de las empresas mineras y la respuesta social ambivalente de parte de las comunidades aledañas. En este manuscrito se reflexiona desde una meta observación sobre la Responsabilidad Social Empresarial (RSE), donde el encuentro entre la minería y las comunidades requiere de un aprendizaje que permita saber dar y saber recibir, de modo que el vínculo que se cree sea co-herente con la realidad actual. Además, se interroga respecto de las categorías epistemológicas utilizadas para entender las relaciones de poder en la región, subrayando la necesidad de reconsiderar el rol de las empresas en un desarrollo más sostenible con correlato intercultu-ral a nivel local y global; en este sentido se aborda la paradoja entre la explotación de recursos naturales para el desarrollo de la tecnología en otros países u otros sectores sociales, versus la no integración de ella en la realidad cultural indígena. Finalmente, se invita a los diferentes actores a repensar las interacciones entre cultura, economía y medio
Article
Full-text available
Bolivian migration in borax and sulphur high-altitude mining was fundamental in sustaining industrial capitalism in northern Chile. In this paper, we quantify and characterize Bolivian migration in the border mining camps of the municipality of Ollagüe, through the analysis of 335 migratory files, dating from 1888 to 1946. We focus on the Bolivian presence in eight villages and camps involved in sulphur and borax mining. We present the entry periods of Bolivian workers, as well as their origin, trade and profession, gender, marital status, age, and literacy. Results give an account of the central role played by the Bolivian migrant labour force for the development of non-metallic and high-altitude mining industries in the region. It is concluded that the capitalist expansion in the Chilean border was sustained by an ethnic subsidiarity of an international subordinate workforce.
Chapter
Dans notre pays de droit et de tradition écrits, le rôle formidable joué par la mémoire orale a trop longtemps été négligé. Aujourd’hui, au contraire, on assiste à une inflation du phénomène de mémoire qui rejoint et, parfois même, envahit l’actualité. Les débats récents sur des lois applicables à l’histoire ne sont-ils pas liés à ce développement spectaculaire de la mémoire collective ? Les sciences sociales s’attachent à comprendre le rôle de la mémoire et à aider ainsi le législateur à effectuer certains choix difficiles. En Normandie, comme ailleurs, la culture est plurielle, élaborée grâce à la sédimentation d’apports sociaux et ethniques multiples. La présence de groupes issus d’une immigration plus ou moins lointaine est particulièrement sensible en milieu urbain. Elle est favorisée par la présence des ports et toujours connectée à une demande de main d’œuvre généralement suscitée par les reconstructions et l’aménagement du territoire d’après 1945. Quels apports entretiennent les membres de ces groupes avec la tradition de leur pays d’origine ? Quelle est la culture propre aux différents groupes socioprofessionnels ? Existe-t-il une mémoire particulière aux gens de mer, aux ouvriers, aux habitants des différents quartiers, ainsi qu’une manière particulière d’utiliser cette mémoire ? Quelle valeur peut-on accorder à un récit de vie ? Voici quelques-unes des questions qui sont abordées dans cet ouvrage, fruit d’une réflexion menée par les deux régions Haute et Basse Normandie lors du colloque sur la mémoire orale.