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31 Cahier Louis-Lumière n°15
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L’immersionsonore:
réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
Corsin Vogel et Danièle Dubois
Résumé
L’essor récent de techn ologies sophist iquée s de
diffusion multicanal du son, ainsi que de ce qui est
communément appelé dans le domaine audiovisuel
«la réalité virtuelle», pose des questions à la fois
techniques, scientifiques, voire philosophiques, en
particulier celle du rapport entre la réalité du son
décrite par la physique et l’expérience subjective du
son. Plus précisément, nous allons aborder ici la relation
entre la description physique de la diffusion du son
dans l’espace et le sentiment d’immersion dans le son.
Du point de vue de l’ingénierie des systèmes audio, il
s’agit de questionner le positionnement du curseur
pour l’auditeur, ent re une rest itution acoustique
la plus proche de la description physique, permise
par les technologies contemporaines, et l’illusion
référentielle suscitée par les stimulations sonores d’un
objet audiovisuel fictionnel. Cette interrogation, en
apparence technique, nous semble pouvoir bénéficier
de connaissances et développements récents dans
le domaine des sciences cognitives qui permettent
l’analyse et la compréhension des différentes réalités
en jeu:réalités physiques, «réelle» et «virtuelle»,
et réalités psychologiques, tant comme ressenti que
comme connaissances culturellement et historiquement
situées. À partir de plusieurs exemples et d’études
menées autour de ces questionnements, nous allons
discuter ces différentes réalités du son dans leurs
approches à la fois physicaliste et cognitive. Nous serons
ainsi amenés à convoquer les notions de réalité virtuelle
et d’écoutes, et, dans le cadre contemporain d’une
cognition située, d’introduire les concepts de validité
écologique et d’illusions référentielles.
Abstract
The rece nt bo om in adva nced techn olog ie s fo r
multichannel sound, as well as of what we usually call
«virtual reality» in the audiovisual field, encompass
technical, scientifical and even philosophical questions,
and particularly one pertaining to the relationship
between sound reality, as described by physics, and
subjective experience of sound . More prec isely, we
will deal here with the relationship between physical
description of sound propagation in space and the
feeling of sound immersion. From a sound system
engineering standpoint, we have to question where to
place the cursor for a listener, between an acoustical
description of sound restitution as close as possible to
physical concepts, allowed by the latest technologies, and
the referential illusion aroused by sound stimulations
of a fictional audiovisual object. What appears at first
glance to be a technical question maytake benefits from
recent knowledge and developments in cognitive science,
wich allow analysis and comprehension of the different
realities coming into play:physical realities, «real»
and «virtual», and psychological realities, as a feeling
as well as a knowledge that is culturally and historically
situated. Leaning on examples and studies led around
these questions, we will discuss these different realities
of sound in both physical and cognitive approaches. We
also will convoke notions of virtual reality and listenings,
and, within contemporary knowledge of situated
cognition, introduce concepts of ecological validity and
referential illusions.
Corsin Vogel & Danièle Dubois L’immersionsonore : réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
32 Cahier Louis-Lumière n°15
Le concept d’immersion sonore au cinéma et en
diffusion audio sonorisée est associé à une évolution
technologique complexe et à une démultiplication
impressionnante du nombre de sources sonores,
allant de quelques dizaines de haut-parleurs avec
le système Dolby Atmos ou l’ambisonie, à plusieurs
centaines avec la synthèse du champ sonore WFS
(pour Wave Field Synthesis)! Ce développement des
technologies audio questionne les conceptions mêmes
des «réalités sonores»:«réalités virtuelles»1 en tant
que re-productions acoustiques du monde physique
réel, ou productions originales historiquement situées
en tant que réalités culturelles et historiques, dont
l’étude peut dès lors faire appel à la contribution
des connaissances acquises en sciences humaines.
En particulier, ces différentes réalités peuvent être,
les unes comme les autres, objets d’investigations
psychologiques de leur perception et ressenti.
Il s’agit tout d’abord de noter et clarifier en quoi la réalité
virtuelle, produite par les technologies contemporaines,
diffère de la réalité, dans la mesure où elles sont toutes
deux des réalités physiques, réelles et matérielles,
décrites par les sciences physiques. En outre, la notion
d’immersion sonore, dès lors qu’elle est considérée à la
fois comme réalité acoustique et comme expérience
subjective, impose de préciser les différences entre les
réalités physiques et psychologiques. En inversant la
question, le sentiment d’immersion est-il réductible à la
description strictement physique de ces réalités? Nous
faisons l’hypothèse que la connaissance de la perception
par l’humain de ces différentes réalités physiques puisse
contribuer au développement de nouvelles propositions
de réalités augmentées et esthétisées dans le domaine
artistique.
Le bruit de(s) porte(s):une question
d’écoute
Appréhender l’immersion sonore comme expérience
subjec tive suppose de se positionner du point de
vue de l’être humain qui perçoit et interprète les
différentes stimulations acoustiques et donc, de
prendre en compte la connaissance des processus de
perception, de mémorisation de ces réalités physiques,
qui constituent la réalité de l’expérience vécue, comme
réalité psychologique, et d’identifier en quoi cette
réalité diffère de la réalité acoustique des stimulations
sonores.
Partons, par exemple, de deux observations relatives
au «bruit de portes»:l’une décrite par Mzali (2002)
dans son étude sur le confort acoustique dans les
TGV, l’autre empruntée à la recherche en acoustique
musicale relative aux musiques contemporaines et,
plus particulièrement, à une composition de Pierre
Henry (Henry, 1963).
La première étude (Mzali, 2002) propose une approche
du confort acoustique du train qui prend en compte
à la fois sa description analytique comme entité
physique – du point de vue des sciences de l’ingénieur,
au même titre que les conforts thermique, visuel,
olfactif ou vibratoire –, et l’évaluation globale du
confort par les voyageurs à partir de leurs perceptions
multisensorielles dans leur usage de l’espace du
train - à travers la qualité de l’assise des fauteuils, du
calme, de leur place pour les jambes, etc. Il apparaît
dans cette recherche que le confort acoustique est lié
pour les voyageurs au ressenti d’immersion dans une
ambiance sonore à laquelle contribuent des éléments
non directement liés aux seules stimulations sonores2.
En effet, une analyse linguistique précise d’entretiens
menés à bord des trains TGV a permis d’observer des
1
«Réalité virtuelle», emprunté à l’anglais «virtual reality», introduit en français une ambiguïté, liée à la différence sémantique des adjectifs
«virtuel» et «virtual». On peut même considérer qu’il s’agit d’un oxymore:virtuel qualifie une réalité comme potentialité non réalisée, et
donc contradictoire à une réalité physique existante. Dans l’acception maintenant attestée de cette expression dans le champ de l’Intelligence
Artificielle, virtuel est alors synonyme d’artificiel, en opposition à la réalité «naturelle», comme artéfact produit par des calculs informatiques
de traitement de l’information, et repose sur les présupposés ontologiques d’un «réalisme ingénu» (voir Mantovani et Riva, 1999) concernant
la réalité.
2
Sur la notion d’ambiance sonore, voir Augoyard (2007), Augoyard et Torgue (1995) et les travaux du CRESSON, ainsi que Dubois (2012).
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réponses différentes à deux questions qui semblaient,
à première vue, assez semblables, mais qui se sont
révélées mettre en évidence deux types de perception
du «bruit des portes» dans l’évaluation globale du
confort acoustique des voyageurs:
Q1:Qu’est-ce qui pour vous est désagréable?
Q2:Qu’est-ce qui pour vous est gênant?
La première question Q1, sur le caractère «désagréable»
ou non du confort à bord du train, suscitait, en ce qui
concerne la modalité acoustique, des réponses brèves
et factuelles rapportant un phénomène acoustique
objectif, i den tifi é com me celui émanant d’une
sourcesonore:par exemple «le bruit des portes». La
question Q2, demandant ce qui est gênant, mentionnait
également «le bruit des portes», mais les réponses
étaient plus complexes, incluant la mention d’éléments
circonstanciels comme «le bruit des portesau
passage d’un voyageur», témoignant alors d’un
évènementsuscité par une stimulation acoustique et
produisant un effet subjectif particulièrement négatif.
Le «bruit des portes»en tant que tel, en tant que son
(phénomène acoustique), est considéré simplement
comme «désagréable», mais devient «gênant» dès
lors qu’il est perçu et interprété comme l’indice sonore
d’un évènement pouvant affecter le voyageur (comme
le passage d’un autre voyageur dans le couloir, avec ses
bagages, ou ramenant une tasse de café du bar)3.
On peut contraster cette observation avec celle qui
concerne également des bruits de portes, mais cette fois
«entendus» (au sens schaefferien de perçus et conçus)
comme éléments musicaux dans les Variations pour
une porte et un soupir de Pierre Henry (1963). Dans ce
contexte de création musicale, l’enregistrement du bruit
de porte est travaillé par le compositeur comme matière
sonore, pour produire là aussi des effets sonores, mais
qui ont cette fois pour visée de susciter une «écoute
réduite», du son pour lui-même (Schaeffer, 1966). Cette
«écoute réduite» s’oppose à l’«écoute ordinaire »
(Chion, 1983), celle observée, par exemple, dans les TGV.
Alors que la première est centrée sur la qualification
des propriétés du son lui-même, comme phénomène
acoustique «en soi» indépendamment de ses causes,
l’écoute «ordinaire» s’attache à l’identification des
événements, des sources ou des actions qui ont produit
le son (Gaver, 1993;Castellengo, 2015; Guastavino,
2021; Paté & Gaillard, 2021). Gaver insiste sur le fait
que tout phénomène acoustique peut susciter l’un ou
l’autre de ces types d’écoutes et que:
la distinction entre écoutes ordinaire et musicale
se fait entre expériences, et non entre sons4.
Dès lors que les sons sont perçus comme sons «en
soi», abstractions génériques de «bruit de porte»
ou formes acoustiques, ils sont susceptibles d’être
générateurs d’émotions esthétiques, tel le peintre
manipulant la matière colorée des pigments pour
produire des effets colorés, ou le compositeur de
par fums mélangeant des odorants pour créer des
parfums comme formes olfactives originales sans
référentiel dans le monde «réel», ordinaire, des
couleurs ou des odeurs (Cance, 2021; Dubois, 2021). Ces
sons, couleurs ou parfums diffèrent des sons, couleurs
ou odeurs ordinaires «naturels», en ce qu’ils sont des
artéfacts, des réalités artificielles produites par des
artistes, compositeurs dont les savoir-faire permettent
de sélectionner certaines des propriétés des matériaux
sonores, picturaux, olfactifs qui sont susceptibles de
produire des effets à la fois semblables et différents,
de la perception des objets «réels» ordinaires ainsi
re-présentés. Cette re-présentation est cependant non
exhaustive et vise à orienter les processus cognitifs,
soit vers une écoute ordinaire «réaliste» évocatrice de
3
Le participe présent du verbe gêner traduit le caractère effectif de la gêne, alors que le suffixe -able de l’adjectif désagréable indique une propriété
du son comme potentialité de l’effet produit par la stimulation sonore. Cette interprétation s’est trouvée corroborée dans d’autres corpus
contrastant l’usage de participe présent ou passé versus une suffixation en -able (siège incliné/inclinable, plaisant/agréable, etc.)
4
«The distinction between everyday and musical listening is between experiences, not sounds» (Gaver, 1993, p. 1, notre traduction)
Corsin Vogel & Danièle Dubois L’immersionsonore : réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
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On pensera par exemple au domaine médical où la réalité virtuelle permet aujourd’hui des interventions chirurgicales à distance, mais aussi
plus généralement à des problématiques de déplacements au sein de différents espaces où les notions d’immersion et de narration sont d’une
grande importance (Gorini et al., 2011).
6
«Individual stars are seen, but groups of stars are seen as a related collection, a constellation. Seeing a constellation is an act of imagination, not
a simple perception. A constellation may be seen as having a shape, a name and even a persona. This phenomenon of “seeing as” is both very old
and absolutely fundamental to cognition» (Hutchins, 2008, p. 2013)
réalités précédemment éprouvées, soit au contraire vers
une écoute réduite, en suscitant un décalage et ainsi,
réflexion et émotion.
Ces deux exemples invitent à prendre en compte une
diversité de réalités, tant celle des réalités physiques
matérielles:«naturelle», mais aussi artéfactuelles,
à savoir artistiques et/ou «virtuelles», que celle
des réalités psychologiques, vécues, résultant des
différents proc essus i nduits par ces différents
types de stimulations sonores. En quoi ces réalités
diffèrent-elles? Tout d’abord dans leur visée:si du
point de vue perceptif, il s’agit soit d’identifier un
événement pour ajuster un comportement adapté,
soit d’éprouver une émotion artistique, que visent les
réalités qualifiées de «virtuelles», produites par les
technologies contemporaines? Visent-elles à produire
une description, une re-production exhaust ive et
«objective» susceptible de se substituer à une réalité
du monde «réel» et, le cas échéant, laquelle?5 Ou
bien ont-elles pour objectif de produire, à partir de
ces mêmes outils technologiques, des effets sonores
suscitant des expériences sensibles, semblables à celles
antérieurement vécues par les auditeurs, qu’il s’agisse
de leur écoute ordinaire du monde ou d’une écoute
réduite suscitée par d’autres modes de productions
sonores, comme la musique? Laquelle de ces réalités
est visée par les réalisations des ingénieurs du son,
tant dans la réalisation de bruitages et de narrations
fictionnelles cinématographiques ou radiophoniques,
que dans la restitution de performances musicales?
Une première ébauche de réponse peut être trouvée
par un détour dans les recherches psychologiques et
anthropologiques plus largement développées dans
le domaine visuel, comme celles de Hutchins (2008).
Hutchins a ainsi montré que les navigateurs des îles
Tro br ian d ut ili se nt le s ét oiles comme «boussoles»
pour orienter les pirogues dans leur navigation entre
les îles. S’ils peuvent voir les étoiles individuelles comme
telles, c’est cependant lorsque chacune d’elles est
inscrite dans une constellation qu’elle fait sens comme
indicateur de la direction à suivre. Et de développer
l’idée, que nous avons évoquée précédemment, de
deux processus psychologiques «voir»(ou écouter)
et «voir comme» (ou écouter comme):«voir une
étoile comme» dans une collection d’étoiles, dans une
constellation, est un acte d’imagination et non une
simple perception comme «voir» une étoile6. Ces
observations sous-tendent la notion de «système de
cognition distribuée» ou «unité d’écologie cognitive»
(Hutchins, 2010; Theureau, 2020) et permettent de
relier différents types de connaissances, celles issues de
l’expérience sensible individuelle et celles relevant des
interprétations et représentations collectives, mythes
et croyances tout comme connaissances scientifiques.
Transposée dans la modalité auditive, cette conception
d’une «cognition située» conduit à différencier
«écouter» une source sonore localisée dans l’espace
comme un acte perceptif, et «écouter comme» cette
même stimulation, par exemple dans un ensemble
orchestral, en s’immergeant dans une constellation
d’objets sonores qui, par notre imagination, forment
un tout dans une écoute musicale globale.
La question du réalisme se trouve dès lors déplacée
d’une référence unique à la physique vers diverses
représentations et interprétations de ce «réel», que
différents individus et communautés d’individus y
appliquent en fonction des situations d’écoute, de
leurs attentes et de leurs connaissances préalables.
La prise en compte de ces différentes réalités, qu’elles
soient physiques, sensorielles ou cognitives, mais
toutes aussi réelles, peut conduire à différents modes
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d’intervention sur le «réel». En effet, un «bruit
de porte», jugé «désagréable», suscitera une
amélioration acoustiquedu son; mais, évalué comme
«gênant» à cause du passage d’un voyageur, ce
même bruit entraînera une réponse spatiale relative à
l’emplacement des sièges près des portes. Le «bruit de
porte» comme son musical, comme artéfact médiatisé
par des dispositifs instrumentaux, suppose, quant à lui,
une éducation de l’auditeur et une certaine définition
de la musique qui varie selon les époques et qui se
trouve diversement acceptée ou récusée par différents
publics.
Dès que l’on tient compte de la présence d’auditeurs, la
question du réalisme peut se trouver reformulée:dans
quelle mesure une seule description physique du signal
acoustique peut-elle rendre compte de ces différentes
réalités à la fois physiques et cognitives? Ou encore,
de quelles réalités, physiques et psychologiques, la
réalité virtuelle que proposent les dispositifs techniques
immersifs contemporains doi t-elle, peut- elle et
entend-elle rendre compte? Comment identifier les
caractéristiques de ces différentes réalités cognitives
qui, certes toutes aussi réelles les unes que les autres,
dif fèrent néanmoins quant aux processus de leur
objectivation:exploration expérimentale des réalités
physiques, matérielles, ou investigation psychologique
de la subjectivité. En outre, après avoir identifié le vécu
des auditeurs, qu’ils soient immergés dans la réalité
ordinaire ou dans une réalité virtuelle, comment
implémenter cette réalité cognitive dans des dispositifs
techniques tels qu’ils sont disponibles ou concevables
actuellement?
L’immersion sonore:technologies et
cognition située
La question du réalisme se pose dès la captation des
phénomènes sonores à l’aide de microphones, où se
dessine une influence déterminante sur la fidélité du
signal acoustique «prélevé» dans un espace donné.
Tout aussi déterminante est la manière dont ce signal
physique sera restitué dans d’autres lieux, comme
une salle de cinéma, un théâtre, un salon ou encore
une cuisine, un parc ou une rue passante, à travers
le choix du dispositif de diffusion (Figure 1 et Figure
2). Ce signal, diffusé sur un nombre plus ou moins
conséquent de haut-parleurs, sera néanmoins privé des
nombreuses informations non-acoustiques du contexte
de l’espace où il a été prélevé. Il sera dès lors toujours
susceptible d’être interprété différemment en fonction
de son niveau de réalisme physique et, du fait de sa
décontextualisation, il pourra également susciter des
traitements cognitifs différents de celui de la situation
«ordinaire» (Vogel, 2013). Les choix technologiques
actuels permettent cependant aux ingénieurs et
techniciens de proposer une ou plusieurs perspectives
d’écoute prédéterminées par la prise et la restitution
du son et, corrélativement, de redéfinir le concept
même de réalisme. Ainsi, l’approche «audio orienté
objet»7 redéfinit-elle non seulement la spatialisation
du son sur des systèmes immersifs en multicanal, mais
également la façon de capter les sons, en abandonnant
généralement la stéréophonie au profit de la multi-
monophonie ou d’antennes microphoniques (cf.
Messonnier et al., ce numéro:chapitre 6).
Qu’il s’agisse de la captation du son ou de sa restitution,
les choix techniques se doivent dès lors de prendre en
compte la nature du son (musique, type de musique,
voix, bruitage), liée au lieu d’émission et aux lieux
7
Le format audio orienté objet décrit un espace sonore en termes d’évènements audios joués depuis des positions spécifiques d’une salle (Denizot,
2016). «[Il] diffère de la conception classique des salles de cinéma où le son est spatialisé par rapport au spectateur (système égocentrique), et
propose un système allocentrique basé sur la spatialisation du son dans l’auditorium.» (Denizot, 2016, p. 31) Il contient des métadonnées qui
ac compagnent l’information audio brute et qui informent des données spatiales géométriques.
Corsin Vogel & Danièle Dubois L’immersionsonore : réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
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d’écoute, comme c’est le cas notamment du point
de vue de l’acoustique des salles. Ce sont alors les
décisions des acteurs humains, tant les producteurs
que les auditeurs, qui s’avèrent primordiales et qui
doivent être explicitées. Le réalisme est alors lié aux
per formances du dispositif technique lui-même, à
l’interpénétration entre son et lieu, aux intentions
de l’artiste, du directeur artistique ou de l’ingénieur
du son et ce, pour un public donné (cf. Turquety, ce
numéro:chapitre 1). Le paradigme de la restitution
sonore se trouve relativisé, non seulement en fonction
des contraintes des différents espaces physiques,
mais également en référence à des «humains», pour
l’instant limités aux artistes ou à l’ingénieur du son,
c’est-à-dire aux producteurs du son, avant que les
«récepteurs», les auditeurs, ne soient eux aussi, à leur
tour, pris en compte.
Un détour par l’évolution des recherches sur la réalité
virtuelle, davantage explorée dans le domaine visuel,
permet là encore d’apporter des éléments de discussion.
Les technologies de réalité v irt uelle développées
dans le domaine des Interfaces Homme/Machine
reposent massivement sur des présupposés hérités de la
tradition positiviste et des pratiques expérimentales de
la psychophysique. Il s’agit de construire des dispositifs
à même de proposer des simulations du réel qui soient
les plus fidèles possibles au réel tel qu’il «existe»
(Pausch et al., 1997; Mantovani & Riva, 1998). Ce sont
les caractéristiques techniques de ces dispositifs qui
prévalent en faisant le pari que le degré de réalisme
suit et suivra l’évolution des techniques (rapidité
des processeurs, résolution des systèmes visuels de
reproduction…):plus le système est sophistiqué et
complexe, calculé avec une précision toujours plus
grande, moins le décalage avec le «réel» ne devrait
se percevoir. Dans cette perspective objectiviste,
l’utilisateur, mais aussi le concepteur, sont de fait exclus
(Fuchs et al., 2001; Grumbach, 2004; Milon, 2006).
Cependant, selon Riva & Mantovani(1999):
la réalité n’est pas hors de ce monde, quelque
part “extérieure” à l’esprit des gens, échappant à
la négociation sociale et à la médiation culturelle;
la réalité est co-construite dans sa relation entre
acteurs et leurs environnements à travers la
médiation des artéfacts.8
Il faut ainsi davantage concentrer les effor ts sur
l’interaction entre l’environnement tel qu’il a été créé,
les personnes qui y évoluent, les objets qui en font
partie et qu’il s’agit de «simuler». Ce changement de
positionnement épistémologique introduit le concept
de présence explicitement défini comme construction
cognitive - et donc culturelle -, au même titre que
la description de la réalité décrite par les sciences
physiques (Mantovani & Riva, 1999).
8
«Reality is not out there in the world, somewhere “outside” people’s minds, escaping social negotiation and cultural mediation; reality is
co-constructed in the relationship between actors and their environments through the mediation of the artifacts» (Riva & Mantovani, 1999, notre
traduction).
Fig 1. Les échos de la Saline, parcours sonore immersif
avec 40 haut-parleurs disséminés dans les arbres, Saline
Royale d’Arc-et-Senans, 2016. Œuvre collective d’A.
Bertini, P.-L. Cassière, B. Farey, G. Malatray et C. Vogel,
informatique:G. Bertrand, commissariat:L. Viard, A.
Catherine et L. Molliard. (© C. Vogel, 2016)
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On illustrera cette question à partir des recherches
de Cance sur la per tinence des réalités virtuelles,
développées à la demande de l’industrie automobile
pour l’aide à la conception de simulateurs conçus pour
évaluer la qualité visuelle de l’habitacle automobile
(Cance, 2008 ; Cance et al., 2009). Au cours de ces
recherches, une attention particulière a été portée sur
les couleurs des différents matériaux en proposant
plusieurs dispositifs expérimentaux de présentation
des habitacles:deux habitacles réels de véhicules à
l’arrêt, un dispositif 2D restituant des images fixes sur
un écran et un dispositif 3D d’immersion visuelle CAVE
(acronyme de «Cave Automatic Virtual Environment»),
avec suivi de mouvement des têtes des participants.
Ces recherches ont mis en évidence que les dispositifs
de simulation visuelle 2D et 3D induisent des rapports
différents à l’espace, ainsi que des différences majeures
selon la familiarité des dispositifs pour les personnes
interrogées. Cette familiarité conditionne l’illusion
de réel et, par là même, l’orientation des processus
cognitifs:soit sur le «réel» représenté par le dispositif,
soit sur la cohérence perceptive du dispositif lui-même,
à savoir l’écart entre le dispositif et le «réel» perçu.
Dans le dispositif 3D de réalité virtuelle, les individus
peu familiers évaluent le dispositif non comme des
représentations d’un monde préexistant, mais comme
une expérience sensible nouvelle, originale, et ce, à la
différence des ingénieurs qui ont conçu et construit
le système. Pour ces derniers, le dispositif s’ajuste
adéquatement, formellement au «réel». Cependant,
en réponse à la demande de l’industriel qui souhaitait
valider le dispositif de réalité virtuelle comme mode
de présentation des modèles mis à la disposition des
acheteurs potentiels, le dispositif de réalité virtuelle rate
sa cible et ne constitue pas un substitut «équivalent»
au «réel» qui puisse être pertinent pour les clients. À
l’inverse, la familiarité des clients avec le dispositif 2D et
le type de représentations visuelles qu’il offre permet,
jusqu’à un certain point tout au moins, une illusion
référentielle et une évaluation de l’ambiance elle-
même et non du dispositif, comme c’est évidemment
aussi le cas en concession dans des modèles vraiment
«réels». Cette familiarité confère ainsi au dispositif
2D un meilleur réalisme conçu comme une certaine
«transparence référentielle»9. Cependant, il n’en
demeure pas moins que si, même dans ce cas, ce n’est
pas le dispositif qui est évalué, le mode d’évaluation
reste contraint par le dispositif et renvoie davantage à
l’évaluation de l’ambiance de l’habitacle comme image,
représentation, et non comme un espace, réalité vécue
par le sujet. Les mêmes problématiques se posent en
réalité augmentée et sont abordées dans ce numéro
(Bauer, ce numéro:chapitre 3).
Les recherches dans le domaine visuel que nous venons
9
La question de la familiarité des dispositifs renvoie ainsi à la question de l’interculturalité et au problème de l’adéquation des
représentations aux différents modes de pensée, modes de structuration du monde, de l’expérience sensible et des connaissances
(Misra et Gergen, 1993). Elle renvoie également à la problématique des expertises, qui peuvent être envisagées comme différents modes
d’appréhension du monde, comme prises de position sur le monde qui le rendent familier (Morange et al., 2005).
Fig 2 :Klangstall, quatre installations sonores
immersives de C. Vogel dans une ancienne
étable de montagne, Gadäwäg, Klosters, Suisse,
2017. Commissariat:Gasser, Derungs, Zurich.
(© C. Vogel, 2017)
Corsin Vogel & Danièle Dubois L’immersionsonore : réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
38 Cahier Louis-Lumière n°15
de rapporter montrent que le concept de réalisme se
doit de prendre également en compte celui qui perçoit
le monde «virtuel», comme monde construit, comme
artéfact, et donc pose la questiondu réalisme pour qui?
Dans le domaine auditif, bien souvent, l’auditeur reste,
soit absent, soit très abstrait, «universel», ou encore
rapporté à des conditions «objectives» génériques
d’écoute, prenant en compte des variations de sa
position dans l’espace physique, comme le «sweet
spot» ou la «zone d’écoute», dans différents types
de lieux ou dans le choix de l’artiste ou du concepteur
sonore. Les nou velles technologies numér iques
aggravent en quelque sorte ce constat dans la mesure
où elles permettent d’une par t, la conception de
dispositifs sophistiqués de plus en plus «réalistes»,
en créant des réalités virtuelles multimodales à partir
du traitement unifié de l’information audiovisuelle;
et d’autre part, sur le plan conceptuel, ces technologies
conduisent à développer, en psychologie, des modèles
cognitifs reprenant la longue tradition de fascination de
nos cultures pour leurs productions techniques. Ainsi, si
Descartes, à l’ère du machinisme naissant, considérait
les humains comme des automates, les technologies
numériques de l’Intelligence Artificielle et des «réalités
virtuelles» assimilent le fonctionnement cognitif
humain à un système de traitement de l’information.
La conceptualisation des processus perceptifs demeure
influencée par les modèles et connaissances implantés
dans les technologies contemporaines de chaque
époque, même si, au sein des sciences cognitives,
la connaissance du fonctionnement humain peut
intervenir dans l’aide à la conception des artéfacts
«cognitifs». Le s conc eptions des in génieurs
concepteurs, comme d’ailleurs celle des psychologues
cognitivistes10 actuels, reposent de fait sur l’idée d’un
auditeur abstrait, certes universel, mais non situé dans
un espace sociologique et culturel, dont l’expérience
sensible s’inscrit dans un espace de pratiques qui
puisse rendre compte de la diversité des écoutes qui
ont façonné ses expériences antérieures. Ce sont
ces expér iences qui rendent réalistes les réalités
vir tuelles. Dans cer taines situations cependant, les
progrès technologiques permet tent des avancées
spectaculaires. Il en va ainsi de la réverbération
active par exemple, qui confère aux musiciens une
sensation de confort considérablement améliorée
par rapport à l’acoustique naturelle d’une salle de
répétition (Baranger, 2021). Les musiciens peuvent alors
jouer en adoptant les conditions acoustiques de jeu
d’une salle de concert ou en optimisant simplement
la qualité d’écoute pour jouer. Ces réverbérations
actives, installées dans des salles de spectacles et
optimisées grâce à l’expertise pratique des ingénieurs
du son, modifient la sensation d’immersion sans
même que le public n’ait conscience de la présence
d’un quelconque dispositif électroacoustique (Jullien,
ce numéro:chapitre 5).
L’espacesonore:réalités et illusions
référentielles
Ces questions s’avèrent encore plus saillantes dès
lors que l’on prend en compte les relations entre
le son et l’espace, et le rôle décisif du son dans la
perception de l’espace, qu’il s’agisse des recherches sur
les ambiances sonores urbaines, les «soundscapes»,
ou des recherches sur le son musical, problématisées
à travers le concept d’immersion. L’exemple du deep
listening, qui consiste à s’approprier les caractéristiques
acoustiques d’un lieu pour en proposer une expérience
artistique, permet de constater que l’espace est bien un
paramètre musical polysémique dont les implications
perceptives sont riches et diversifiées (Féron, ce
10
Cognitif vs cognitiviste:l’adjectif cognitif qualifie ce qui relève de la connaissance, alors que cognitiviste renvoie à un des cadres théoriques
en psychologie relatif à la prise en compte des phénomènes cognitifs influencé par le modèle computationnel, en termes de traitement de
l’information.
39 Cahier Louis-Lumière n°15
4
numéro:chapitre 4). Par ailleurs, les recherches sur
les environnements sonores ou sur les ambiances
urbaines (Guastavino, 2021; Dubois et al., 2006) ont
montré que les bruits urbains pouvaient également
susciter, en situation «réelle», différents types de
traitements cognitifs et ainsi, produire dif férentes
réalités psychologiques:soit comme perception d’un
indice sonore d’un événement du monde, comme une
voiture qui passe, des enfants qui crient, des oiseaux
qui chantent..., soit comme perception du son pour
lui-même, comme le bruit de fond urbain, une intensité
sonore trop forte sans relation imputable à une source
particulière. Ainsi, lors du transfert des études de
terrain sur les ambiances urbaines en laboratoire, afin
d’identifier plus précisément les propriétés physiques
du son responsables de la qualité des ambiances, il s’est
avéré que ces deux approches perceptives étaient très
sensibles au type de dispositif d’enregistrement et de
restitution du son:les enregistrements et la restitution
stéréophoniques et binauraux s’avéraient équivalents et
suffisamment réalistes pour l’identification perceptive
en laboratoire de sources sonores, alors que la sensation
d’immersion dans l’espace sonore urbain requérait un
enregistrement et une restitution spécifique, de type
ambisonique (Guastavino, 2009).
C’est donc en fonction d’une conception située de la
diversité des processus perceptifs humains que peut
être établi le réalisme comme validité écologique des
dispositifs techniques introduits précédemment. Leur
finalité n’est alors pas de re-produire le plus exactement
possible la réalité physique, mais bien de susciter
chez celles et ceu x qui les utilisent des processus
psychologiques et des comportements similaires à ceux
qui se produisent dans le monde «réel», ordinaire,
comme c’est empiriquement le cas par exemple des
appeaux qu’utilisent les chasseurs et qui constituent
des leurres adéquats pour attirer des congénères
(Despret, 2012). Pour reformuler ces observations
dans le domaine sonore, les «simples» dispositifs
d’enregistrement et de restitution stéréophoniques
satisfont cette illusion référentielle d’un espace sonore
pour la reproduction en laboratoire des bruits de
sources sonores (voitures, signaux d’avertissements,
etc.) ou de perception frontale de l’espace. C’est ce qui
a été observé lors de la comparaison des réactions des
auditeurs à différentes situations d’écoute:in situ
dans des situations ordinaires ou en laboratoire sur
un système de diffusion, afin de vérifier les stratégies
d’écoute adoptées. Les réponses identiques dans les
deux situations ont permis de considérer que les
stratégies d’écoute sont similaires et que l’écoute
en laboratoire, dans laquelle le son a été abstrait du
«monde réel», reste écologiquement valide, à condition
toutefois d’être re-situé dans un cadre orienté par les
consignes d’écoute (Vogel et al., 1997; Vogel, 1999;
2000)11. En revanche, l’étude du sentiment d’immersion
du public dans une ambiance donnée nécessite des
dispositifs techniques immersifs de type ambisonique
(Guastavino, 2007), wave field synthesis (Corteel, 2004)
ou Dolby Atmos au cinéma pour des écoutes sur haut-
parleurs, ou encore des systèmes binauraux pour des
écoutes au casque, notamment les systèmes de réalités
virtuelle et augmentée (cf. Bauer, ce numéro:chapitre
3). Avec ces récentes propositions immersives, ce sont
les nouvelles approches orientées objet (cf. Jullien, ce
numéro:chapitre5), ainsi que la prise en compte
des fonctions de transfert de la tête de l’auditeur12 qui
ouvrent de nouvelles voies de recherches.
En d’autres termes, il s’agit, pour l’étude en laboratoire
des environnements sonores, non pas de viser de
manière générique une reproduction réaliste la plus
exacte et la plus exhaustive des signaux sonores captés
11
Sur les consignes et leur rôle dans la validité écologique des situations expérimentales voir Dubois et al. (2021)
12
Mesures des HRTF, pour Head Related Transfert Functions, qui diffèrent d’un individu à l’autre.
Corsin Vogel & Danièle Dubois L’immersionsonore : réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
40 Cahier Louis-Lumière n°15
dans l’environnement par les dispositifs techniques,
mais de produire une stimulation qui suscite une
illusion, une fiction référentielle suffisante pour que
l’auditeur réagisse «comme si» il était en situations
réelles lorsqu’il déambule dans la ville. Le réalisme de
cette illusion se doit alors de tenir compte des réalités
psychologiques de l’auditeur et donc, non seulement
de la réalité physique des stimulations qu’il éprouve,
mais aussi de celles qu’il a éprouvées au préalable,
qu’il a mémorisées et qui lui permettent d’interpréter
le signal. C’est ce que nous désignons, dans le cadre
de la recherche en perception, comme la validité
écologique des dispositifs expérimentaux (Gibson,
1979; Dubois et al., 2021). C’est d’ailleurs ce qui se
trouve empiriquement réalisé par les savoirs faire des
bruiteurs pour la sonorisation des films:ils réalisent
des prototypes, quasi-caricatures de sons dont le succès
est de donner l’illusion d’un réel ressenti, en tenant
compte et en intégrant dans l’objet sonore produit
des éléments déclencheurs d’émotions, comme peut
l’illustrer le son d’une pastèque découpée pour susciter
l’illusion et l’émotion d’un couteau transperçant un
corps (Psychose d’Alfred Hitchcock, 1960).
Dans le domaine musical, le même type de remarques
ont pu êt re égaleme nt formulées. Turquety (ce
numéro:chapitre 1) rapporte que Evan Parker a
régulièrement souligné l’impossibilité de distinguer
le son de l’instrument de l’espace dans lequel il est
joué, comme, dans notre cas, le son du dispositif de
sa restitution en laboratoire. Le réalisme se trouve
ainsi relativisé à la position dans l’espace et au type de
sources; les questions de l’équilibre des timbres des
différents instruments d’un orchestre par exemple,
en fonction de leur rayonnement et leur directivité,
restent posées, car les technologies actuelles de réalité
virtuelle ne sont pas encore capables d’en rendre
compte. De même, si un grand nombre de paramètres
physiques en acoustique des salles sont bien identifiés
et donnent lieu à des modèles hautement précis et
performants, qu’en est-il de la description acoustique
des différents timbres qui conditionnent l’identification
des sources sonores, et sur la base de laquelle s’effectue
le jugement perceptif des qualités acoustiques à la fois
de l’instrument et de la salle de concert? Sans compter
les critères de la qualité de la restitution d’un concert,
en situation réelle, qui tiennent également compte
des «réponses» de la salle selon son remplissage, et
également des perceptions différentes des auditeurs
selon leurs places, autant de paramètres liés au
«contexte» de la production sonore en situation
d’écoute en concert.
Cependant, à la différence de la recherche sur les
environnements sonores urbains dans lesquels le bruit
est subi, dans le domaine musical, la non-prise en compte
de l’auditeur lui-même est encore plus problématique,
car la musique est produite pour être écoutée. Ainsi,
même dans le cas d’enregistrements musicaux, pour
lesquels la position d’écoute est «figée», il s’agit
de prendre en compte non seulement le type de son
reproduit, le style musical et les interprètes, mais
également les destinataires:l’amateur, le spécialiste
d’un auteur/compositeur, d’un orchestre ou de son chef,
sont, du fait de leurs différentes cultures musicales,
diversement sensibles aux multiples interprétations et
restitutions possibles d’une «même» œuvre.
Réalités et productions culturelles
L’é tu de d u « réalisme» des dispositifs audio ne peut
ainsi se contenter de l’enregistrement et de la restitution
d’un signal acoustique qui existerait «en soi», par
41 Cahier Louis-Lumière n°15
4
des dispositifs fussent-ils des plus sophistiqués, sans
tenir compte ni de la diversité des objets sonores, non
réductibles aux seules vibrations, ni des processus
psychologiques qui permettent de faire sens pour les
différents auditeurs potentiels et visés par la réalisation
technique. C’est ce qu’illustre un dernier exemple relatif
à la restauration d’un enregistrement ancien à travers
l’évaluation de la qualité sonore de diverses versions
d’un enregistrement monophonique de 1907 d’un
opéra de Leoncavallo chanté par Caruso (Morange et
al., 2005; 2007).
Tout comme pour la restaurat ion d’édifices
architecturaux - on pensera par exemple aux vifs débats
pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame à
Paris -, la restauration d’anciens documents sonores
en vue de leur diffusion auprès du public soulève de
nombreuses questions dont celles du réalisme de la
restitution:doit-on laisser l’enregistrement sonore
dans son état originel en tant que marque d’authenticité,
avec tous les problèmes d’intelligibilité que cela peut
présenter (craquements, bruit de fond…)? Cette
question de l’authenticité est d’ailleurs intimement liée
au support physique:le disque vinyle ou le cylindre
de cire. Que signifie l’authenticité d’un son seul dont
le contenu présente des craquements supposant la
présence du support? Doit-on au contraire «nettoyer»
certains bruits parasites ou essayer de retrouver, grâce
aux technologies contemporaines plus sophistiquées,
l’état originel? Mais de quoi:du son fidèle tel qu’il a été
émis, mais disparu à tout jamais, ou de l’enregistrement
premier, à travers un pavillon et une aiguille traçant
son sillon sonore dans la cire? Ou plutôt de manière
illusoire et mythique de la production du son telle
qu’elle a été produite à l’époque dans une chambre
d’hôtel? Ou encore plus prosaïquement, s’agit-il de
mettre le son au «goût du jour» en remasterisant
l’enregistrement ancien à des fins commerciales, au
risque de dénaturer largement la version originale, par
l’ajout de réverbération et d’effets stéréophoniques
pour donner l’illusion d’un concert contemporain à la
Scala de Milan?
Dans un projet collectif réunissant des spécialistes en
archives sonores, en techniques du son, en linguistique
et en psychologie cognitive, une étude originale
sur l’évaluation cognitive de différentes versions
remasterisées d’un enregistrement musical ancien a
été réalisée (Morange et al., 2005). Il s’agissait de onze
enregistrements numérisés, dont dix commercialisés
sous forme de CD audio, édités entre 1989 et 2004,
de l’opéra Pagliacci, de R. Leoncavallo (1890), tous
développés à partir du même enregistrement sur
cylindre de cire considéré comme original de E. Caruso
en 1907. Une onzième version a été remastérisée
par nous-mêmes, dans un souci de recherche d’un
maximum d’authenticité du lieu et des conditions de
captation. Le questionnement a sollicité des personnes
d’âges différents (- de 30 ans et + de 60 ans, en 2004),
celles-ci étant différemment familières aux supports
analogiques et numériques et, par conséquent, à
des types de qualité de rendu sonore spécifiques à
différentes époques, allant de l’ère du disque vinyle
et du phonographe à l’ère du CD audio, introduit en
1983. En outre, certaines personnes se trouvèrent
différemment concernées par l’évaluation de ce
matériau sonore:les «experts», tels les ingénieurs
du son, acoustic iens, amateurs de chant lyrique,
musiciens; les «non-experts», personnes pas ou peu
intéressées par la musique et le son. De cette façon,
les critères de qualité sonore - corrélée à l’expertise
de s sujet s - et d’objet culturel historique ment
situé - corrélé à l’âge des sujets - liés au document
sonore conduisent à évaluer l’ensemble des critères
Corsin Vogel & Danièle Dubois L’immersionsonore : réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
42 Cahier Louis-Lumière n°15
de catégorisation «subjective» de ces différentes
populations et leurs couplages avec les descriptions
de référence en sciences physiques. Ces recherches
ont montré que l’écoute monophonique d’un opéra de
Caruso suffisait à permettre l’abstraction nécessaire
pour créer l’illusion référentielle de l’événement
musical de l’époque, et les réponses de l’ensemble des
auditeurs ont mis en évidence que les séquences les
plus retravaillées, nettoyées, filtrées et réverbérées
sont les plus appréciées, au détriment des séquences
laissées proches du document sonore originel bruité,
contenant les artéfacts liés au support analogique et
pouvant susciter une certaine nostalgie liée au son
d’époque. Les auditeurs experts de tous âges que nous
avons interrogés ont préféré les sons nettoyés de leurs
défauts techniques, équilibrés dans le spectre, ainsi
que ceux ayant un apport de réverbération, ce qui
modifie de fait le caractère authentique de l’archive
sonore. Par ailleurs, il est intéressant de constater que
la onzième version, remasterisée par nos soins, n’a
suscité ni adhésion ni rejet de la part des participants.
Il y a certainement eu dans cette approche «neutre»
une attitude trop peu engagée pour aller dans le sens
de choix forts, voire clivants, entre auditeurs cherchant
le son d’époque d’une part, et participants sensibles à
la transformation de l’archive sonore et à la création
d’artéfacts anachroniques ou non situés d’autre part.
Là aussi, nous retrouvons l’importance d’un choix,
d’une direction artistique, qui oriente l’écoute des
participants (Castellengo, 2010).
En tout état de cause, sur le plan du réalisme qui nous
concerne ici, ces recherches ont mis en évidence le
fait que les enregistrements sonores sont des objets
complexes qui suscitent une diversité d’expériences
sensibles, et dont l’évaluation dépend des expertises
et motivations d’une grande diversité d’acteurs et
d’auditeurs. Ainsi, les enregistrements peuvent-ils être
considérés comme:
- des objets techniques, analysés selon des critères de
«réalisme» qui évoluent en fonction des technologies
du son et de leur maîtrise ou intérêt par les auditeurs;
- des objets sonores analysés selon des paramètres
physiques, dont l’évaluation dépend des connaissances
scientifiques en acoustique et dont la pertinence varie
en fonction des types de sources sonores (voix, musique,
parole, bruits de sources, environnements sonores…);
- et surtout, des objets culturels évalués par une diversité
d’auditeurs en fonction de leur inscription dans une
époque, contemporaine ou datée, leur expertise et
intérêt vis-à-vis du sonore ou vis-à-v is du style, du
genre de musique, de l’exécution de l’œuvre et de son
contexte, dont le réalisme, comme fiction référentielle
vécue, doit être pris en compte.
-
Les différents exemples que nous avons abordés relatifs
aux jugements de scientifiques, ingénieurs, techniciens,
ou d’artistes, musiciens amateurs, mélomanes, ou tout
simplement d’usagers de notre monde, conduisent
régulièrement à questionner, non plus le «réel»
qu’il s’agirait de re-présenter, mais les différentes
réalisations des réalités, virtuelles ou «réelles», tout
aussi physiques et formalisables les unes que les autres.
Celles-ci dépendent certes des connaissances physiques,
tout comme des performances possibles des systèmes
techniques. Cependant, dès lors que ces réalisations sont
considérées comme des objets culturels à destination
de divers publics, elles se trouvent - comme d’ailleurs
la «réalité vraie» - également «situées» dans un
43 Cahier Louis-Lumière n°15
4
espace historique et sociologique, en fonction de points
de vue qui peuvent être multiples et divers. Ainsi, d’un
point de vue physicaliste, il ne s’agit plus de considérer
par exemple l’immersion sonore ou un événement
musical comme des objets spatio-temporels réductibles
à une liste de propriétés acou stiques associées à
des dispositifs technologiques, et indépendantes
de la nature même de ces objets. Car, d’un point de
vue cognitif, ces objets techniques font sens sous de
multiples aspects, à commencer par la familiarité diverse
des usagers à l’égard de ces objets. Aussi, en modifiant
leurs propriétés acoustiques, il est possible de décider
(ou non) de préserver le caractère historique de l’objet
sonore, ou sa capacité d’immersion perceptive. Il en va
de même dans le cas d’une production artistique, dont
il faut alors rendre compte du style, de l’interprétation,
de l’appartenance à un genre, une culture, un ensemble
de valeurs symboliques, etc.
À l’aune des différents exemples décrits et analysés
précédemment, nous pouvons ainsi établir cinq
conceptions de l’immersion qui, malgré son caractère
éminemment plurisensoriel, peut être étudiée en la
restreignant au domaine sonore, mais en tenant compte
des capacités cognitives humaines à traiter diversement
les stimulations acoustiques selon les finalités de
l’écoute:l’immersion physique «naturelle», dans le
monde réel, espace mesurable et milieu de perception
et d’action de l’être humain; l’immersion virtuelle,
dans une reconstruction physicaliste et cognitiviste
du monde réel; l’immersion artéfactuelle, réalité
artificielle issue d’une proposition artistique de notre
environnement; l’immersion écologique, illusion
référentielle et abstraction cognitive permettant de
transposer le monde réel au laboratoire, à la salle de
cinéma ou à toute représentation non diégétique et/
ou anachronique, fictionnelle du monde ; et enfin,
l’immersion culturelle, nécessairement cognitive et
qui passe par le prisme du vécu et de l’exper tise.
L’explicitation de ces cinq types d’immersion constitue
une grille d’analyse qui bien évidemment n’exclut
pas leurs interdépendances. Par ailleurs, le concept
d’immersion, tel que nous l’envisageons dans cette
approche pluridisciplinaire, tient compte tout autant
de la réalité physique des stimulations acoustiques et
de l’environnement de propagation, que de la diversité
des traitements cognitifs associés à leur perception.
Pour reprendre Descartes dans ses Méditations
métaphysiques (3.19):
Quant aux autres choses, comme la lumière, les
couleurs, les sons, les odeurs, les saveurs, la
chaleur, le froid, et les autres qualités qui tombent
sous l’attouchement, elles se rencontrent dans
ma pensée avec tant d’obscurité et de confusion,
que j’ignore même si elles sont véritables, ou
fausses et seulement apparentes, c’est-à-dire
si les idées que je conçois de ces qualités, sont
en effet les idées de quelques choses réelles, ou
bien si elles ne me représentent que des êtres
chimériques, qui ne peuvent exister.
L’artificiel et le virtuel s’inscrivent donc, tout comme la
«vraie» réalité, en tant que réalités matérielles, perçues
et interprétées, dans un contexte historique et socio-
économique où la création artistique est elle-même liée
au développement technologique et donc à l’industrie
de l’audiovisuel. Prendre en compte les propriétés des
objets techniques dans leur production comme réalités
artéfactuelles, situées dans leur contexte historique et
culturel de création, c’est ainsi expliciter les finalités de
la création pour des publics eux aussi pluriels.
Corsin Vogel & Danièle Dubois L’immersionsonore : réalités physique et virtuelle,
réalités psychologiques et culturelles
44 Cahier Louis-Lumière n°15
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47 Cahier Louis-Lumière n°15
CORSIN VOGEL
Corsin Vogel est artiste et professeur associé, titulaire d’un Master 2 en acoustique et vibrations (Aix-Marseille
Université) et d’un doctorat en acoustique musicale (Sorbonne Université). Il s’est formé et a développé ses
recherches dans un contexte pluridisciplinaire associant les sciences physiques et cognitives. Sa pratique
artistique, nourrie du patrimoine culturel et des territoires, se déploie sous des formes variées : installations,
compositions électroacoustiques et mixtes, mais également commissariat d’expositions et scénographie. Il
enseigne actuellement, à l’École Nationale Supérieure Louis-Lumière et au Conservatoire National Supérieur de
Musique et de Danse de Paris, la perception auditive et la méthodologie de mémoire, en y assurant le suivi des
mémoires de Master Son. Il poursuit en parallèle ses recherches en acoustique environnementale et en perception
auditive autour du son immersif
Corsin Vogel is an artist and associate professor, holding a Master 2 in acoustics and vibrations (Aix-Marseille University)
and a PhD in musical acoustics (Sorbonne University). He trained and developed his research in a multidisciplinary context
associating the physical and cognitive sciences. His artistic practice, nourished by cultural heritage and territories,
is deployed under various forms: installations, electroacoustic and mixed compositions, but also in exhibitions and
scenography. He currently teaches at the École Nationale Supérieure Louis-Lumière and at the Conservatoire National
Supérieur de Musique et de Dance de Paris, the auditory perception and the methodology for exploring memory, by
ensuring the follow-up of Master's theses on acoustics. In parallel, he pursues his research in environmental acoustics
and in auditory perception of the immersive sound.
DANIÈLE DUBOIS
Danièle Dubois est directrice de recherche émérite en psychologie cognitive et linguistique au CNRS, où elle était
responsable du thème Langages, Cognitions, Pratiques et Ergonomie au sein de l’équipe LAM (Lutheries, Acoustique,
Musique) rattachée aujourd’hui à l’Institut Jean Le Rond d’Alembert, Sorbonne Université, Paris. Elle a notamment
publié l’ouvrage Sensory Experiences: Exploring meaning and the senses, en collaboration avec Caroline Cance,
Matt Coler, Arthur Paté et Catherine Guastavino (John Benjamins Publishing, 2021). Cet ouvrage de synthèse de
recherches en psychologie et linguistique cognitives explore les relations entre langage et cognition dans les
différentes modalités sensorielles, dans une conception de cognition « située », fondée sur les significations que
différents acteurs accordent à leurs expériences sensorielles (voir dans ce numéro : notes de lecture).
Danièle Dubois is Director of Research Emeritus in Cognitive Psychology and Linguistics at the CNRS, where she was in
charge of the theme Language, Cognitions, Practices and Ergonomics within the LAM (Lutheries, Acoustics, Music), now
attached to the Institut Jean Le Rond d'Alembert at Sorbonne University, Paris. She notably published the book “Sensory
Experiences: Exploring meaning and the senses”, in collaboration with Caroline Cance, Matt Coler, Arthur Paté and
Catherine Guastavino (John Benjamins Publishing, 2021). This book is a synthesis of research in cognitive psychology and
linguistics exploring the relationship between language and cognition in the different sensory modalities, in a conception
of "situated" cognition, based on the meanings that different actors give to their sensory experiences (see: reading notes
at the end of this issue).