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LE CANNABIS MÉDICAL, DÉCONFINÉ ET DÉCLASSIFIÉ : RETOUR SUR LE
RÉCENT CHANGEMENT DE CLASSIFICATION INTERNATIONALE
Kenzi Riboulet-Zemouli
De Boeck Supérieur | « Psychotropes »
2022/1 Vol. 28 | pages 71 à 104
ISSN 1245-2092
ISBN 9782807398368
DOI 10.3917/psyt.281.0071
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2022-1-page-71.htm
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Le cannabis médical, déconfiné
et déclassifié: retour sur
le récent changement de
classification internationale
Medical cannabis, end of lockdown, out
of schedule: A look back at the recent
change in international scheduling
Kenzi Riboulet-Zemouli
Chercheur indépendant
Carrer de l’Hospital 99, 08001 Barcelone, Catalogne, Espagne
kenzi@ zemou .li
Résumé : Le 2 décembre 2020, les Nations unies votaient la sor-
tie du « cannabis » et de la « résine de cannabis » du Tableau IV
annexé à la Convention unique sur les stupéants de 1961.
Complexe et controversé, le vote et les recommandations de
l’Organisation mondiale de la santé l’ayant motivé sont analysés
et discutés. Après une revue et actualisation du contexte légal
et de l’histoire de la classication internationale du Cannabis et
de ses médicaments dérivés, l’article revient sur l’impact, large
mais mal compris, du changement de classication internatio-
nale des produits du Cannabis, et les conséquences que celui-ci
peut avoir pour les patientes et les patients, les professionnel.
le.s de la santé, pour les États, mais aussi pour le système des
Nations unies et pour le droit international plus largement.
Psychotropes – Vol. 28 no1 71
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Abstract: On December 2, 2020, the United Nations voted for the
withdrawal of “cannabis” and “cannabis resin” from Schedule
IV of the Single Convention on Narcotic Drugs, 1961. Complex
and controversial, the vote, and the World Health Organization’s
recommendation that motivated it, are analyzed and discussed.
After reviewing and updating the legal context and history of the
international scheduling of cannabis and its derived medicines,
the article addresses the impact, broad but often misunderstood,
of the change in the international scheduling status of cannabis
products, and the consequences it may have for patients, health-
care professionals, states, but also for the United Nations system
and for international law more broadly.
Mots clés : cannabis, cannabis médicinal, Organisation mon-
diale de la Santé, Nations unies, commission des stupéants,
classication, Convention unique sur les stupéants de 1961,
Tableau IV, droit international, politiques des drogues
Keywords: cannabis, medicinal cannabis, World Health
Organization, United Nations, Commission on Narcotic Drugs,
scheduling, Single Convention on Narcotic Drugs of 1961,
Schedule IV, international law, drug policy
I. Introduction
La plante de Cannabis sativa et ses produits dérivés (ONUDC, 2010,
p. 7 ; Michka et Rouch, 2009) sont utilisés en médecine depuis la nuit
des temps et sur tous les continents (Dolivo, 2010, pp. 83-84 ; Rouch,
2009). Au cours du XXe siècle, cependant, l’utilisation du Cannabis
en médecine déclina (Mikuriya, 1969), en parallèle de sa soumission
progressive à des régimes de supervision et contrôle légaux de plus
en plus stricts, et coordonnés à travers des traités et par des orga-
nismes internationaux (Mills, 2016).
Le 2 décembre 2020, pourtant, l’Organisation des Nations unies
(ONU) marquait un tournant en retirant le « cannabis » et la « résine
de cannabis » du « Tableau IV » de la Convention unique sur les stu-
péants de 1961 (C61), où ils étaient listés depuis l’entrée en vigueur
de ce traité en 1964 (la France le ratia en 1968). Le Tableau IV
Le cannabis médical, déconfiné et déclassifié
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représentait le niveau le plus élevé de restrictions légales jamais
appliquées aux produits du Cannabis. La décision, recommandée
par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), fut entérinée par un
vote majoritaire de la Commission des stupéants (CND1) du Conseil
Économique et Social de l’ONU. L’amendement des Tableaux ainsi
approuvé entra temporairement en vigueur le 21 janvier 2021, et de
façon dénitive le 21 avril (Riboulet-Zemouli et al., 2021 ; Riboulet-
Zemouli et Krawitz, 2022), fermant une parenthèse de presque 60 ans.
Cet événement d’importance historique est quelque peu passé
inaperçu en France, contrairement à bien d’autres endroits du globe
où la nouvelle eut, et continue d’avoir, un fort impact (Kwai, 2020 ;
ONU info, 2020 ; PSOE, 2021, p. 132 ; Riboulet-Zemouli et al., 2021 ;
Vinogrado, 2020). Sur tous les continents, y compris chez nos voi-
sins, bien des gouvernements saisirent l’opportunité pour faire avan-
cer les politiques publiques d’accès et de disponibilité du cannabis et
des cannabinoïdes à des ns thérapeutiques. La tendance est parti-
culièrement notable dans des pays en développement, et dans ceux
jouissant d’une tradition de culture et d’utilisation de cette plante
dans le cadre de la médecine herbale ancestrale. À leur tour, un cer-
tain nombre d’institutions internationales qui, jusqu’alors, s’étaient
tenues à l’écart des aspects licites du cannabis commencent à se pen-
cher sur le cas de cette plante.
Cet écho s’explique sans doute par le fait que, partout sur la
planète, la C61 constitue le socle de presque toutes lesdites « lois
anti-drogues » et autres politiques publiques domestiques relatives
aux plantes et substances classées comme « stupéantes », et donc
aussi les politiques d’accès et disponibilité de ces substances dans les
systèmes nationaux de santé (Colson, 2019b ; Gallager et al., 2020 ;
Simon, 2020). Deux autres traités complémentent la C61, consti-
tuant ainsi conjointement un cadre légal international de contrôle de
certains médicaments (ONUDC, 2014, p. 1) : la Convention sur les
substances psychotropes de 1971 (C71) et la Convention des Nations
unies contre le trac illicite de stupéants et de substances psycho-
tropes de 1988 (C88). Cette dernière vient essentiellement complé-
menter la C61 et C71, en se concentrant en majeure partie sur des
questions d’harmonisation de la lutte contre le trac illicite et autres
1. Mieux connue par l’acronyme anglophone de Commission on Narcotic Drugs
(CND), c’est l’organe central de prise de décision sur les drogues de l’ONU, et
plus généralement de la communauté internationale.
Kenzi Riboulet-Zemouli
Psychotropes – Vol. 28 no1 73
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activités contraires aux C61 et C71, ainsi qu’à la coopération entre
États (Boister, 2001).
Le caractère historique du vote du 2 décembre 2020, ainsi que
des recommandations de l’OMS sur lesquelles il portait, est non
négligeable. Il s’agit en eet du premier amendement de la C61 en
lien avec le cannabis, et ce, depuis son entrée en vigueur en 1964 (et
sa ratication par la France en 1968). Des assouplissements avaient
bien eu lieu dès 1991 dans le cadre de la C71 ; cependant, ils ne
concernaient que le THC isolé de la plante, mais pas les produits et
formulations herbales.
À ce titre, le vote de décembre 2020 représente non seulement le
premier changement signicatif du régime international de contrôle
appliqué au cannabis, aux cannabinoïdes et à tous les médicaments
relatifs depuis 1964, mais surtout la première relaxe après un siècle
d’accroissement progressif des contrôles appliqués à cette plante et à
ses médicaments.
De plus, il faut noter que le vote fut déclenché par des recom-
mandations d’un Comité d’experts et expertes indépendants réuni
par l’OMS ayant mené à bien un processus approfondi d’évalua-
tion scientique, qui n’avait jamais eu lieu auparavant (Krawitz et
Riboulet-Zemouli, 2018, pp. 7-10) contrairement à quasiment toutes
les drogues (Danenberg et al., 2013), fournissant à ce titre le pre-
mier examen scientique, indépendant et international du cannabis
de l’Histoire (Riboulet-Zemouli et al., 2021 ; Riboulet-Zemouli et
Krawitz, 2022).
Bien que ce changement n’implique pas d’obligation supplémen-
taire directe pour les États ni ne les contraigne à rien de nouveau, il
leur ôte cependant l’outil qui légitimait la prohibition absolue du can-
nabis. Désormais, si les États sont toujours en mesure de continuer à
prohiber la culture et la production de cannabis à visée médicale, il
leur est bien plus complexe de justier la légalité et la légitimité de la
prohibition de l’usage, l’accès ou la prescription. L’amendement des
Tableaux de la C61 ore par ailleurs une reconnaissance symbolique
forte de l’utilité de la plante dans le champ de la médecine, en parti-
culier en raison du caractère normatif des décisions consensuelles des
groupes d’experts de l’OMS. Enn, le vote à la CND a fait oce de
rectication de ce que beaucoup appellent une « erreur historique » :
l’accroissement des contrôles internationaux sur le cannabis au cours
Le cannabis médical, déconfiné et déclassifié
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du siècle passé, en l’absence de toute base scientique permettant de
le justier.
Ce tournant majeur explique vraisemblablement l’engouement
pour la régularisation du cannabis au sein des systèmes de santé dans
bien des pays.
Cet article expose d’abord brièvement le cadre légal internatio-
nal, en général (II) et dans le cas concret du cannabis (III), avant de
revenir sur le processus à l’OMS et à la CND ayant abouti aux chan-
gements (IV). Enn, les implications concrètes et les leçons à tirer
pour les programmes d’accès au cannabis sont discutées (V).
II. Traités et tableaux
La C61 considère comme « stupéante » toute préparation, plante,
substance ou molécule qui soit listée dans l’un de ses quatre Tableaux
annexes ; la C71 quant à elle considère comme « psychotropes » les
substances listées dans ses propres Tableaux annexes (OMS, 1970,
pp. 9-10). Comme beaucoup de systèmes de dénition des « dro-
gues » (Bisiou, 2016, p. 26), ces huit Tableaux constituent des listes
d’ordre administratif qui reètent mal les réalités scientiques, celles
des professionnels de la santé, ou celles des patientes et patients.
Chaque Tableau représente une série de mesures légales spéci-
ques, plus ou moins strictes, portant entre autres sur : la régulation
des prescriptions médicales, du secteur pharmaceutique (production,
commerce, import/export), mesures de prévention et traitement des
usages problématiques (les conventions utilisent les termes d’« abus »
ou d’« usage indu », quelque peu dépassés, voir: Nahoum-Grappe,
2009 ; Peretti-Watel et al., 2007, p. 71 ; Zinberg, 1984, pp. 19-45),
toutes relatives au domaine de la médecine. Les Conventions éta-
blissent aussi un régime pénal pour les activités contrevenant ou
outrepassant le système de suivi et contrôle de la lière médicale
ainsi établie.
Toutes les plantes, substances, molécules ou produits listés dans
les tableaux de la Convention de 1961 sont, ou ont été à un moment
donné utilisés en médecine ou dans le cadre de la recherche médi-
cale. Les Tableaux ne listent pas de poisons, de pesticides, d’armes
chimiques, ou autre type de substances potentiellement dangereuses
Kenzi Riboulet-Zemouli
Psychotropes – Vol. 28 no1 75
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qui ne soient pas, d’une manière ou d’une autre, liés à la médecine2.
Les Conventions de 1961 et 1971 ont été pensées et conçues comme
des outils pour l’harmonisation des contrôles étatiques sur des plantes
et substances essentiellement utiles en médecine, à diérents degrés
d’utilité et diérents niveaux de risques iatrogéniques. C’est claire-
ment ce que véhiculent les premières phrases du préambule de la
C61 :
« Les Parties, soucieuses de la santé physique et morale de l’humanité,
reconnaissant que l’usage médical des stupéants demeure indispen-
sable pour soulager la douleur et que les mesures voulues doivent être
pr ises pour assurer que des st upéants soient disponibles à cet t e n... »
(ONUDC, 2014, p. 5)
Cependant, si le placement de tel ou tel produit est recommandé
par un Comité d’expertes et d’experts indépendants réunis sous
l’égide de l’OMS, les critères établis dans les Conventions – que le
comité est tenu d’utiliser pour arriver à ses recommandations – sont
tout sauf scientiquement sérieux (Danenberg et al., 2013). Dans le
cas de la C61, les deux seuls critères sont : similitude ou convertibi-
lité, au regard des drogues précédemment listées (Riboulet-Zemouli
et al., 2018, pp. 18-19). Si la C71 liste et dénomme ses Tableaux dans
un ordre croissant, du plus au moins strict (voir tableau A), la C61
utilise une arborescence plus complexe (schématiquement résumée
dans le tableau A ci-dessous) :
– le Tableau I représente le « régime fondamental qu’établit la
Convention » (ONU, 1975, p. 49) et le Tableau II un régime
moins strict ;
– les mesures légales des Tableaux III et IV, quant à elles, sont
pensées pour se juxtaposer au régime du Tableau I ; elles
constituent respectivement une exemption et une addition de
mesures de contrôle (ONU, 1975, pp. 49-66).
2. Il n’est pas à exclure que cela puisse être amené à changer, à l’heure où les
nombreuses inventions de « Nouveaux Produits de Synthèse » (NPS) n’ayant
pas d’utilités thérapeutiques connues commencent à être progressivement lis-
tés dans les Tableaux de classication des Conventions.
Le cannabis médical, déconfiné et déclassifié
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Tableau A. Représentation schématique des régimes légaux et tableaux
de classification des Conventions internationales de 1961 et 1971
Tableaux des Conventions
Régimes de contrôle, selon les Tableaux
de la C61
Tableaux et régimes de contrôle de la
C71
Tableaux I + IV Tableau I
Tableau I Tableau II
Tableau II Tableau III
Tableaux I + III Tableau IV
Représentation schématique de la signication associée à chaque Tableau
Sévérité des mesures
légales Niveau de dommages Utilité en médecine
++++ ++++ +
+++ +++ ++
++ ++ +++
+ + ++++
Ces Tableaux sont censés reéter deux caractéristiques des
drogues qu’ils contiennent : plus une drogue est classiée en haut
dans les tableaux, plus elle est dangereuse et moins elle a d’utilité
thérapeutique relative3. En revanche, une classication plus basse
dans les tableaux est censée signier que la drogue en question a une
utilité thérapeutique majeure et un potentiel de dommages moindre.
L’inévitable articulation inversement proportionnelle des dommages
et des bénéces, ajoutée aux critères peu cohérents de similitude et
convertibilité, rend dicile l’établissement d’une classication reé-
tant les complexités pharmacologiques de certains produits psychoac-
tifs et sous-tend une démarche acrobatique de la part des Expertes
de l’OMS pour parvenir à réconcilier les résultats d’une évaluation
scientique avec les exigences d’émission de recommandations dans
le cadre des huit Tableaux des Conventions de 1961 et 1971.
Il convient de mettre en exergue deux Tableaux spéciques : le
Tableau IV de la C61 et le Tableau I de la C71. Tous deux représentent
3. En eet, selon les Conventions, l’utilité thérapeutique ou son absence sont
relatives à l’existence d’autres médicaments ayant une utilité médicale compa-
rable, tout en comportant un potentiel de dommages moindre.
Kenzi Riboulet-Zemouli
Psychotropes – Vol. 28 no1 77
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les niveaux les plus élevés de classication des drogues, synonymes,
donc, d’un potentiel de risques élevé, d’une utilité thérapeutique
faible, et de mesures de contrôles strictes. Un ancien fonctionnaire
des Nations unies et observateur des négociations de la C71 explique
schématiquement :
« La Convention de 1971 consiste en deux traités : l’un pour les hal-
lucinogènes de type “drogues de rue” à travers le Tableau I et l’autre
pour les produits pharmaceutiques à travers les Tableaux II, III et IV.
Les contrôles sont extrêmement stricts pour les substances placées au
Tableau I, très faibles dans le cas des Tableaux II et III, et absents pour
les substances du Tableau IV »4 (Bayer, 1989, p. 24).
D’une manière similaire, bien que moins directement pronon-
cée, le Tableau IV de la Convention de 1961 représente le niveau de
contrôle le plus élevé et, d’une certaine façon, véhicule un régime
légal pareillement distinct de celui prévalant pour les autres Tableaux
de la C61. Ou, du moins, c’était là l’intention des États à l’époque des
négociations. En eet, alors que les premiers brouillons de la C61
comportaient un article directement intitulé « prohibition du canna-
bis », les négociations rent évoluer la prohibition obligatoire initia-
lement proposée en une prohibition conditionnelle (Anslinger, 1958,
pp. 692-694 ; Lande, 1962, pp. 786-790 ; Leinwand, 1971, p. 419-
420 ; Mills, 2016, pp. 110-112) valable au-delà du cannabis, pour les
drogues listées au Tableau IV et sur des critères nationaux de santé
publique5.
4. Traduction de l’auteur.
5. Concrètement, selon l’article 2 (5) (b) de la C61, les États peuvent mettre en
place une prohibition du cannabis « si, à leur avis, la situation dans leur pays
fait que c’est là le moyen le plus approprié de protéger la santé publique »
(ONUDC, 2014, p. 9). De surcroît, la Convention n’autorise pas expressément
la prohibition « des quantités qui pourront être nécessaires exclusivement pour
la recherche médicale et scientique, y compris les essais cliniques avec les-
dits stupéants » (p. 10). En écho à ces dispositions, qui ne s’appliquent qu’aux
produits listés au Tableau IV, l’article 22 de la C61 stipule (p. 27) :
« Lorsque la situation dans le pays ou un territoire d’une Partie est telle que l’inter-
diction de la culture [...] de la plante de cannabis est, à son avis, la mesure la
plus appropriée pour protéger la santé publique, et empêcher que des stupé-
ants ne soient détournés vers le trac illicite, la Partie intéressée en interdira
la culture. [...] sauf pour de petites quantités nécessaires pour la Partie aux ns
de recherches scientiques. »
Le cannabis médical, déconfiné et déclassifié
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Si le Tableau IV de la C61 est parfois surnommé « Tableau de
la prohibition », ce n’est pas parce qu’il oblige les États à prohiber
(une telle obligation ayant été clairement et catégoriquement écar-
tée dès 1961) mais parce qu’il légitime l’application d’une telle poli-
tique de prohibition et des mesures d’exception que cela implique.
Comme l’explique le Commentaire de la C61 (ONU, 1975, p. 64), le
Tableau IV :
« constitue un compromis qui s’en remet en matière d’interdiction au
jugement de chaque Partie, sans pour autant, en théorie, lui en recon-
naître le caractère discrétionnaire » (emphase originale).
Seules les mesures du Tableau IV de la C61 impliquent cette pos-
sibilité de dérogation à l’obligation générale pour les États d’« assurer,
sans restriction injustiée, la disponibilité des drogues jugées indis-
pensables à des ns médicales et scientiques » (Organe internatio-
nal de contrôle des stupéants, 2016, p. iii) qui est partie intégrante
des eorts que doivent entreprendre les États pour assurer à leurs
citoyennes et citoyens le droit à la santé, car un « accès insusant
est contraire à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de
l’homme » (ibid.).
III. La place singulière du cannabis
et des cannabinoïdes
En 1961, les parties de la plante de Cannabis les plus utilisées en
médecine, « cannabis » et « résine de cannabis » sont classiées au
niveau le plus restrictif de la C61 (Tableaux I et IV), alors que les
« extraits et teintures » sont listés uniquement au Tableau I. En 1971,
de nouveau, les isomères du tétrahydrocannabinol (THC ; les prin-
cipes actifs responsables des eets euphorisants et de certains eets
thérapeutiques de la plante) sont inscrits au Tableau I de la C71. Tous
ces produits ne sont pas nécessairement bien dénis. Ainsi :
– le « cannabis » est déni comme « les sommités orifères ou
fructifères de la plante de cannabis (à l’exclusion des graines
et des feuilles qui ne sont pas accompagnées des sommités)
dont la résine n’a pas été extraite, quelle que soit leur applica-
tion » à l’article 1 (1) de la C61 (ONUDC, 2014, p. 6) ;
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Psychotropes – Vol. 28 no1 79
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– la « résine de cannabis » est dénie comme « la résine sépa-
rée, brute ou puriée, obtenue à partir de la plante de canna-
bis » dans le même article ;
– « extraits et teintures de cannabis » n’est déni nulle part ;
seules les méthodes d’obtention des « extraits » dièrent par
rapport à celles de la « résine », sans pour autant apporter plus
de clarté (Riboulet-Zemouli, 2020, pp. 8-13) ;
– les diérents isomères du THC sont désignés par leur dénomi-
nation chimique, dans les Tableaux de la C71, indiéremment
de leurs méthodes d’obtention6.
Cette situation de classement au plus haut niveau de contrôle,
à l’exception des « extraits et teintures » restera inchangée jusqu’en
1991, lorsque la CND assouplit la classication de l’isomère delta-9
du tétrahydrocannabinol, en la rabaissant du Tableau I au Tableau II
de la C71. Il convient de noter que la décision concerne le delta-9
THC (dénomination commune internationale : dronabinol) aussi
bien d’origine végétale que lorsqu’obtenu par synthèse chimique7.
Cependant, la décision ne concernait que le delta-9-THC à l’état pur,
et non pas les médicaments d’origine végétale dérivés du Cannabis
(hormis le pur delta-9-THC).
Il faudra attendre trois décennies de plus pour qu’un changement
similaire se produise au sein de la C61.
Tableau B. Aperçu des changements de classification internationale du
cannabis de 1991 et 2021 (adapté de Riboulet-Zemouli et Krawitz, 2022)
Classication originelle Classication actuelle
Régimes de contrôle selon les Tableaux de la Convention
unique sur les stupéants de 1961
Tableaux I et IV
Cannabis
résine de cannabis
Tableaux I et IV
–
6. Il est généralement admis que les isomères delta-8 et delta-9 THC puissent
être obtenus à partie de plantes de cannabis (Citti et al., 2020), ce qui n’est pas
le cas des isomères delta-6a(10 a), delta-6a(7), delta-7, delta-10 et delta-9(11) -
THC (OMS, 2018b).
7. Le delta-9-THC ou dronabinol est en eet exactement similaire, peu importe
sa méthode d’obtention –contrairement à l’idée reçue erronée selon laquelle
« dronabinol » ne se référerait qu’au delta-9-THC synthétique (Riboulet-
Zemouli, 2021).
Le cannabis médical, déconfiné et déclassifié
80 Psychotropes – Vol. 28 no1
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Classication originelle Classication actuelle
Tableau I
extraits et teintures de Cannabis
Tableau I
Cannabis,*
résine de Cannabis,*
extraits et teintures de Cannabis
Tableau II
–
Tableau II
–
Tableaux I et III
–
Tableaux I et III
–
Tableaux de la Convention sur les substances psychotropes de 1971
Tableau I
delta-6a(10a)-THC
delta-6a(7)-THC
de l t a-7-TH C
de l t a- 8-THC
de l t a-9-TH C
de l t a-10-THC
de l t a-9 (11) -T HC
Tableau I
delta-6a(10a)-THC
delta-6a(7)-THC
de l t a-7-TH C
de l t a- 8-THC
de l t a-10-THC
de l t a-9 (11) -T HC
Tableau II
–
Tableau II
de l t a-9-TH C**
Tableau III
–
Tableau III
–
Tableau IV
–
Tableau IV
–
En dehors des Tableaux des Conventions de 1961 et de 1971
Cannabidiol, cannabinol, cannabigerol, tous les autres phytocannabinoïdes,
terpénoïdes, phénols, la chlorophylle, et tout autre constituant de la plante de
Cannabis qui ne soit pas listé ci-dessus
* Tableaux amendés (retrait du TableauIV, maintien au TableauI) le 2décembre 2020,
en vigueur depuis 2021.
** Tableaux amendés (passage du TableauI au TableauII) le 29avril 1991, en vigueur
la même année.
Le caractère exceptionnel de ce classement tient au fait qu’au-
cune évaluation scientique des produits du Cannabis ne l’ait jus-
tié. Au contraire, en 1952 alors que la CND discutait du premier
brouillon de ce qui allait devenir la C61, le Comité de l’OMS chargé
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de suggérer à la Commission les bases scientiques d’un classement
des drogues, exprimait un avis selon lequel :
« les préparations de cannabis sont pratiquement désuètes. Pour autant
que le Comité sache, ces préparations n’ont plus de raisons d’être
employées en médecine » (OMS, 1952, p. 11).
... sans pour autant jamais entreprendre de revue de la littéra-
ture, et encore moins consulter les pays où l’usage du cannabis en
médecine autochtone continuait d’être répandu, ni les praticiens, et
bien évidemment aucun patient. En 1954, l’OMS se faisait même
porte-voix de la police du régime d’apartheid d’Afrique du Sud, par-
ticulièrement biaisée quant à l’usage traditionnel de Cannabis parmi
les diérents groupes ethniques autochtones, en expliquant que « la
police sud-africaine a l’impression qu’il existe une relation entre la
toxicomanie par le cannabis et les crimes et délits » ou « que l’on a la
preuve d’une déchéance de caractère permanent résultant de ce type
de toxicomanie » (OMS, 1954, p. 13). La même année, sans autre
apport scientique à ses discussions, l’OMS concluait :
« l’abus du cannabis reste incontestablement dans sa dénition de la
toxicomanie et pose encore un grave problème [...] et [il] faut donc non
seulement ne pas relâcher le contrôle, mais encore redoubler d’eorts
en vue d’abolir l’emploi du cannabis en thérapeutique » (OMS, 1954,
p. 14).
Ces avis biaisés et grossiers, bien que seulement consultatifs,
furent décisifs lors des négociations de la C61 (Danenberg et al.,
2013 ; Krawitz et Riboulet-Zemouli, 2018, pp. 7-10 ; Mills, 2016),
inuençant le placement au Tableau IV des principaux produits du
Cannabis. Dix ans plus tard, le placement des isomères du THC au
Tableau I de la C71 en 1971 fut essentiellement motivé par le souci
de ne pas laisser les molécules hors du champ de contrôle interna-
tional, suite à leur identication comme principe actif principal en
19648, sans révision scientique additionnelle (Riboulet-Zemouli et
al., 2018, p. 39).
8. Le delta-9-THC fut découvert en 1940 mais seulement identié en 1964
(Schafroth et al., 2021).
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IV. Le changement de classification
Depuis l’entrée en vigueur de la C61 en 1964, ce n’est que sur la
base de recommandations concrètes de l’OMS que la CND peut
entreprendre d’amender les Tableaux (voir gures A et B ; CND,
2020a, p. 3 ; ONU, 1975, pp. 86-87). La C71 suit la même procé-
dure (Riboulet-Zemouli et al., 2018). Les Tableaux sont annexés aux
Conventions et en sont donc partie intégrante. Leur modication,
pour éviter la longue et lourde procédure d’amendement consen-
suelle des Conventions (McNair, 1961, p. 748, n2), est déléguée aux
53 États intégrant la CND (2020c, p. 6 ; Riboulet-Zemouli et al.,
2021, p. 7 ; Riboulet-Zemouli et Krawitz, 2022)9 permettant la mise
à jour dynamique des traités au nom de tous les États signataires via
un vote : majorité simple pour la C61, majorité de deux tiers pour la
C71 (CND, 2020a, p. 6 ; Riboulet-Zemouli et al., 2018, p. 27).
Figure A. Les entités mandatées par les Conventions
internationales relatives aux drogues
9. Les mandats sont de quatre ans.
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Figure B. Aperçu schématique de la procédure
de changement de classification
Depuis les années 1950, l’OMS a heureusement élaboré une
procédure d’évaluation scientique permettant d’aborder de la façon
la plus méthodologique possible le dicile mandat lui étant coné
(OMS, 2010). C’est au Comité d’Experts de la Pharmacodépendance
de l’OMS (ECDD par son acronyme en anglais, pour Expert
Committee on Drug Dependence), dont les membres sont sélection-
nés parmi les panels d’expertes et experts indépendants de l’OMS,
qu’incombe la tâche de réviser la littérature, les données fournies par
les États, et toute autre source d’information adéquate, et d’arriver
à des recommandations de classication (Riboulet-Zemouli et al.,
2018, p. 24). C’est le département des Médicaments essentiels et pro-
duits de santé de l’OMS qui se charge de la collecte et compilation
des données scientiques et de terrain, la facilitation d’apports de
la société civile, et d’une manière générale du secrétariat du ECDD
(OMS, 2010 ; 2019, pp. 1-2).
C’est donc avec une OMS profondément renouvelée en ce qui
concerne ses mandats relatifs à la classication des stupéants et
psychotropes, un ECDD composé d’expertes et d’experts indépen-
dants, mais aussi avec un secrétariat renforcé (Riboulet-Zemouli et
al., 2021, pp. 8-10) que débuta la procédure d’évaluation des produits
du Cannabis en 2016.
La 39e réunion de l’ECDD commença avec la pré-revue du can-
nabidiol pur (CBD) en novembre 2017, suivie en juin 2018 par la pré-
revue du « cannabis » et de la « résine », des « extraits et teintures »,
du dronabinol (delta-9) et des autres isomères du THC, à l’occasion
d’une session extraordinaire (la 40e réunion), au cours de laquelle fut
aussi menée à bien la Revue critique du CBD. Le processus d’éva-
luation prit n en novembre 2018 avec la Revue critique des autres
substances, lors de la 41e réunion de l’ECDD (CND, 2020a, p. 3 ;
OMS, 2019, p. 2).
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Tableau C. Aperçu des recommandations de l’OMS, et résultats des votes à la CND
Recommandation de l’ECDD Date(s)
d’émission
Action prise par la
CND
Action reétée
dans le rapport
de la CND
Recommandation du 40e ECDD. « Les préparations
considérées comme étant du cannabidiol (CBD) pur ne
devraient pas être inscrites aux Tableaux des conven-
tions internationales relatives au contrôle des drogues. »
Pré-revue du 6 au 10 novembre 2017a;
Revue critique du 4 au 7 juin 2018b ;
communication par le directeur-général
de l’OMS aux États le 23 juillet 2018c
Pas de vote requisg idem.
Recommandation No. 5.1. du 41e ECDD. « Retrait du
cannabis et de la résine de cannabis du Tableau IV de
la Convention unique sur les stupéants de 1961 »
Pré-revues du 4 au 7 juin 2018b ; Revue
critiques du 12 au 16 novembre 2018d ;
communication par le directeur-général
de l’OMS aux États le 24 janvier 2019e;
corrections techniques transmises par
le directeur-général de l’OMS le 5 août
2020f
Approuvée
27 oui, 25 non, 1
abstention.
Décision 63/17h
idem.
Recommandation No. 5.2.1. du 41e ECDD. « Inscription
du dronabinol et de ses stéréo-isomères (delta-9-tétra-
hydrocannabinol) au Tableau I de la Convention de 1961
»
Rejetée
23 oui, 28 non, 2
abstentions
Décision 63/18h
idem.
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Recommandation de l’ECDD Date(s)
d’émission
Action prise par la
CND
Action reétée
dans le rapport
de la CND
Recommandation No. 5.2.2. du 41e ECDD. « Retrait du
dronabinol et de ses stéréo-isomères (delta-9-tétrahy-
drocannabinol) du Tableau II de la Convention sur les
substances psychotropes de 1971, sous réserve de l’adop-
tion par la [CND] de la recommandation [5.2.1] »
Pré-revues du 4 au 7 juin 2018b ; Revue
critiques du 12 au 16 novembre 2018d ;
communication par le directeur-général
de l’OMS aux États le 24 janvier 2019e;
corrections techniques transmises par
le directeur-général de l’OMS le 5 août
2020f
Non soumise au
vote
De par la formula-
tion de la recom-
mandation et la
procédure spéciale
adoptée via la
Décision 63/16i
idem.
Recommandation No. 5.3.1. du 41e ECDD. « Inscription
du tétrahydrocannabinol (isomères du delta-9-tétra-
hydrocannabinol) au Tableau I de la Convention de
1961 [...], sous réserve de l’adoption par la [CND] de la
recommandation [5.2.1] »
idem.
Recommandation No. 5.3.2. du 41e ECDD. « Retrait du
tétrahydrocannabinol (isomères du delta-9-tétrahydro-
cannabinol) du Tableau I de la Convention de 1971, sous
réserve de l’adoption par la [CND] de la recommanda-
tion [5.3.1] »
idem.
Recommandation No. 5.4. du 41e ECDD. « Retrait des
extraits et teintures de cannabis du Tableau I de la
Convention de 1961 »
Rejetée
24 oui, 27 non, 2
abstentions.
Décision 63/19j
idem.
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Recommandation de l’ECDD Date(s)
d’émission
Action prise par la
CND
Action reétée
dans le rapport
de la CND
Recommandation No. 5.5. du 41e ECDD. « An de don-
ner suite à la recommandation [du 40e ECDD] [...], ajout
sous le Tableau I de la Convention de 1961 [...] d’une
note aérente au cannabis et à la résine de cannabis
indiquant : “Les préparations contenant principalement
du cannabidiol et au maximum 0,2 % de delta-9-té-
trahydrocannabinol ne sont pas placées sous contrôle
international” »
Pré-revues du 4 au 7 juin 2018b ; Revue
critiques du 12 au 16 novembre 2018d ;
communication par le directeur-général
de l’OMS aux États le 24 janvier 2019e;
corrections techniques transmises par
le directeur-général de l’OMS le 5 août
2020f
Rejetée
6 oui, 43 non, 4
abstentions.
Décision 63/20j
idem.
Recommandation No. 5.6. du 41e ECDD. « Inscription
au Tableau III de la Convention de 1961 [...] des prépa-
rations pharmaceutiques contenant du delta-9-tétra-
hydrocannabinol (dronabinol), produites par synthèse
chimique ou à partir de cannabis, contenant un ou
plusieurs autres composants et dont le [dronabinol] ne
peut pas être récupéré par des moyens faciles à mettre
en œuvre ou dans une proportion qui constituerait un
danger pour la santé publique »
Pré-revues du 4 au 7 juin 2018b ; Revue
critiques du 12 au 16 novembre 2018d ;
communication par le directeur-général
de l’OMS aux États le 24 janvier 2019e;
corrections techniques transmises par
le directeur-général de l’OMS le 5 août
2020f
Non soumise au
vote
De par la procédure
spéciale adoptée via
la Décision 63/16i
Rejetée par
consensus
Tel qu’exprimé
dans le texte de la
Décision 63/21k
Acronymes : CBD: cannabidiol ; CND : Commission des stupéants ; ECDD : Comité d’experts de la pharmacodépendance ; OMS :
Organisation mondiale de la santé. Références : a OMS, 2018a ; b 2018b ; c Adhanom Ghebreyesus, 2018 ; d OMS, 2019 ; e Adhanom
Ghebreyesus, 2019 ; f CND, 2020a, pp. 11-12 ; g 2019, p.3 ; h 2020d, p. 5 ; i pp. 4-5 ; j p. 6 ; k p. 7.
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Figure C. Résultats du vote sur la recommandation 5.1 (sortie du TableauIV)
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Un total de neuf recommandations furent émises par l’ECDD
(détaillées dans le tableau C ci-dessous), et transmises aux gouver-
nements via le directeur-général de l’OMS et le secrétaire-général
de l’ONU : en juillet 2018 d’abord, avec la recommandation de ne
pas lister le CBD dans les Tableaux (Adhanom Ghebreyesus, 2018 ;
CND, 2019, P. 3 ; 2020a, pp. 8,12-13), n’invitant à aucun vote ; puis en
janvier 2019 pour les autres produits (Adhanom Ghebreyesus, 2019 ;
CND, 2020a, pp. 3, 8-14 ; 2020b, pp. 5-12).
Le 2 décembre 2020, des 8 recommandations de l’ECDD sur
lesquelles les États étaient appelés à voter, une seule fut approuvée
(la sortie du Tableau IV) ; trois furent rejetées et les quatre autres
ne furent même pas soumises au vote, de par l’adoption en dernière
minute d’une procédure de vote sui generis controversée (CND,
2020d, pp. 3-5 ; Riboulet-Zemouli et al., 2021, p. 17 ; Riboulet-
Zemouli et Krawitz, 2022).
La complexe série de recommandations ayant été rejetée (ou
non soumise à votation) avait pour vocation de faciliter l’accès et
la disponibilité via une exibilité accrue pour les États à travers
une ouverture vers le Tableau III, sans pour autant ajouter de nou-
velles obligations aux États ne souhaitant pas réviser leurs politiques
publiques en matière de « cannabis médical ».
Le résultat de l’adoption de toutes les recommandations aurait
aussi représenté une simplication importante, en centralisant dans
un seul Tableau (le Tableau I de la C61) tous les produits et en sup-
primant les termes non dénis et redondants d’« extraits et teintures »
(ces produits étant déjà couverts par « résine de cannabis » et/ou
par le concept de « préparation de cannabis » prévu par la C61 – les
préparations étant soumises au même régime que le produit qu’elles
contiennent, à moins d’être expressément exemptées ou placées au
Tableau III ; cf. art. 2(3), C61).
Critiquée car mal comprise10, la recommandation sur le CBD
aurait pu clarier une zone d’ombre préjudiciable à un accès adé-
10. Alors que les recommandations de l’OMS proposaient un pourcentage de
delta-9-THC permettant de diérencier les préparations de Cannabis à usage
médicale exemptées (moins de 0,2 %) de celles régies par le Tableau III
(plus de 0,2 %), la majorité des discussions portèrent sur des pourcentages
de delta-9-THC n’ayant légalement et scientiquement rien à voir : ou bien
sur la somme de diérents isomères du THC en forme acide présents dans la
plante de Cannabis cu ltivée, ou bie n sur dié rent s taux limit es de delta-9-THC
Kenzi Riboulet-Zemouli
Psychotropes – Vol. 28 no1 89
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quat du CBD en médecine. La confusion avec les politiques publiques
relatives au « chanvre industriel » (non concernées par les recom-
mandations11), relayée par les États conservateurs, eut raison de la
possibilité d’un soutien majoritaire à cette recommandation.
Toutefois, l’ensemble des recommandations ayant été rejetées
sont d’importance secondaire en comparaison avec celle ayant été
acceptée, en termes d’impact réel.
V. Implications de la sortie du cannabis du tableauIV
Évidemment, bien que les retombées concrètes n’impliquent pas
d’obligation nouvelle pour les États, le changement de classication
et le symbole d’envergure historique envoyé (voir gure D) ne sont
pas négligeables.
Par ailleurs, on peut lister au moins quatre types d’impacts
potentiels : pour les patientes et patients ainsi que le secteur de la
santé, pour le système de l’ONU et ses agences, pour le droit inter-
national et, enn, pour les États membres et leurs gouvernements.
Pour les patientes et les docteures
La sortie du Tableau IV marque la reconnaissance de la légitimité
du Cannabis, y compris sous forme herbale, dans nos systèmes de
santé. Elle signe un retour de la science et la n d’une période guidée
par les conseils douteux d’une OMS naissante encore ancrée dans
les réexes hygiénistes (Howard-Jones, 1979) et coloniaux (Colson,
2019b ; Mills, 2016) d’alors. Cette normalisation est importante du
point de vue international, mais elle impacte aussi subjectivement la
santé sur le terrain.
utilisés ça et là pour tel ou tel produit non médical (huiles alimentaires de
chènevis, cosmétiques de chanvre, etc.). Peu de discussions (aussi bien aux
Nations unies que dans la sphère politico-médiatique) portèrent sur l’essence,
la motivation, et le contenu réel de ces recommandations, à savoir les usages
des préparations de CBD dans un contexte thérapeutique.
11. En réalité, cette recommandations de l’OMS, comme les autres, ne concernait
que les produits dans le cad re d’un usage médical ou scientique : les produits
connus comme « chanvre industriel », c’est à dire des produits du Cannabis
cultivés et utilisés pour des ns « autres que médicales et scientiques » ne
sont pas régis par les clauses liées aux Tableaux, mais par des articles distincts
de la Convention de 1961 que les changements de classication n’altèrent pas
(en particulier les articles 2 (9), 4 (c), et 28).
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Figure D. Chronologie des réunions du ECDD sur le Cannabis et changements de classification
Kenzi Riboulet-Zemouli
Psychotropes – Vol. 28 no1 91
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Les conclusions des Comités d’Experts de l’OMS sont sou-
vent largement diusées, aussi bien dans la presse spécialisée que
généraliste (bien que cette dernière ait parfois tendance à simplier
ou mal analyser les résultats). Parmi les professionnels de la santé,
les conclusions de l’OMS, mais aussi leur acceptation par la CND,
peuvent avoir un rôle de catalyseur de l’intérêt porté à la thématique
du Cannabis et des cannabinoïdes en thérapeutique. Généralement,
la contribution de ces organismes internationaux au débat public est
à saluer.
Pour le système des Nations unies
Au sein même du système des Nations unies, le potentiel de norma-
lisation que la décision peut avoir sur les axes de travail des oces,
agences et institutions de l’ONU, n’est pas à négliger.
Le Cannabis est avant tout une plante, et est par conséquent sou-
mis à toute une série de dispositions du droit international relatives
aux plantes. En tant que plante médicinale d’usage traditionnel dans
certains pays, le Cannabis tombe aussi sous le coup de certaines pro-
tections légales. Comme source de thérapie, des éléments relatifs aux
droits humains peuvent entrer dans la balance. Enn, cultivé par des
travailleurs et travailleuses agricoles, le Cannabis licite devrait aussi
attirer l’attention de l’Organisation Internationale du Travail et ses
nombreuses conventions.
Un exemple est oert par l’Organe international de contrôle
des stupéants (OICS), une institution d’importance relativement
secondaire au sein du système international de contrôle des drogues
(voir gure A) et souvent critiquée (Fordham, 2020 ; Ghehiouèche,
2020 ; Simon, 2020), essentiellement en charge de la surveillance de
l’application des traités et de la collecte et centralisation des données
des États membres sur le trac licite de drogues à des ns médi-
cales. L’OICS a pourtant décidé, à la suite des recommandations de
l’OMS et des discussions ayant suivi à la CND (Riboulet-Zemouli
et al., 2021) de lancer une « initiative sur le contrôle du cannabis »
ayant pour but de produire des lignes directrices destinées aux États
membres (bien que la nalité reste oue et la méthodologie contro-
versée ; Riboulet-Zemouli et Krawitz, 2021).
D’autres organisations du système des Nations unies peuvent
aussi rapidement être appelées à ajouter le Cannabis à leur agenda :
Le cannabis médical, déconfiné et déclassifié
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de la FAO (Organisation d’Alimentation et Agriculture de l’ONU) au
secrétariat de la Convention sur la Diversité Biologique, en passant
par l’UNESCO. Comme le soulignait feu Frenchy Cannoli lors de
son intervention pendant les journées de la FPEA en juin 2020, le
développement d’appellations d’origine contrôlée pour les produits
du Cannabis en Californie (Moreau et Janvier, 2020, p. 208) sug-
gère que, par exemple, la section « connaissances traditionnelles et
autochtones » de l’Organisation mondiale de la propriété intellec-
tuelle (OMPI) pourrait rapidement s’intéresser au sujet. En 2020, la
classication des marques commerciales instituée par l’Arrangement
de Nice de 1957, administrée par l’OMPI, évoluait à son tour pour
incorporer des sections correspondant au Cannabis et à divers de ses
produits (Zimmerman, 2020).
Pour le droit international
De la même manière, le Comité des droits économiques, sociaux et
culturels (2020, p. 16) se faisait écho des discussions de l’OMS et la
CND, en remarquant que :
« la recherche scientique est entravée, dans le cas de certaines subs-
tances, par les conventions internationales sur la lutte antidrogue, qui
classent ces substances comme étant nocives pour la santé et dépour-
vues d’intérêt scientique ou médical. Or, certaines de ces classica-
tions ont été établies sans base scientique susante pour les étayer,
car il existe des données crédibles concernant l’utilisation médicale
d’un certain nombre d’entre elles, comme le cannabis pour le traite-
ment de certaines épilepsies. »
Le Comité continuait en mettant en avant l’une des discussions
majeures de ces dernières décennies (Colson, 2019a, 2019b) concer-
nant la juste balance entre obligations de contrôle des drogues et obli-
gations relatives aux droits humains :
« Ainsi, les États parties devraient harmoniser l’accomplissement
de leurs obligations au titre du régime international de contrôle des
drogues avec leur obligation de respecter, de protéger et de réaliser
le droit de participer au progrès scientique et à ses applications, et
d’en bénécier, en révisant régulièrement leur politique relative aux
substances soumises à contrôle. L’interdiction de la recherche sur ces
substances constitue en principe une limitation du droit considéré et
devrait répondre aux critères de l’article 4 du Pacte [international rela-
tif aux droits économiques, sociaux et culturels]. En outre, compte
Kenzi Riboulet-Zemouli
Psychotropes – Vol. 28 no1 93
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tenu des avantages potentiels pour la santé de ces substances soumises
à contrôle, les restrictions devraient aussi être mises en balance avec
les obligations imposées aux États parties par l’article 12 du Pacte
[reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état
de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre]. » (ibid.)
Les droits de l’Homme sont un socle important de l’analyse
contemporaine du droit international, qui ont peu pesé, jusqu’alors,
dans la formulation des politiques internationales en matière de dro-
gues, y compris en matière de Cannabis à usage médicinal. Alors
qu’une large part de la société civile et le monde de la recherche
insistent sur l’importance des droits humains dans l’évaluation et la
modernisation des politiques publiques relatives aux drogues depuis
des années (Bisiou, 2016 ; Colson, 2019a), le déblocage du verrou
de Vienne sur la classication du Cannabis a permis de remettre à
l’ordre du jour cette plante médicinale dans les débats d’instances
internationales au-delà de la CND, et ouvre la voie à une nouvelle
lecture des traités, de la part des organisations internationales.
Pour les États
Pour les pays membres de ces Conventions, avant tout chose, la déci-
sion de sortie du Tableau IV a donné une impulsion sans précédent,
et un aval de légitimité, aux réformes politiques concernant le canna-
bis dans les systèmes de santé. Le Maroc est un pays emblématique
de cela : en juin 2021 (à la veille de l’organisation des journées « le
cannabis déconné » de la FPEA d’où dérive cet article) le parle-
ment marocain adoptait, en seconde lecture, une loi réglementant la
production licite de cannabis médicinal. La sortie du cannabis du
Tableau IV fut l’un des éléments autour desquels le gouvernement du
Maroc articula la défense de ses réformes, et sa communication (The
Economist, 2021).
Dans les mois qui suivirent, le parti au pouvoir en Espagne
annonça vouloir « l’approbation d’un cadre juridique pour l’utilisa-
tion du cannabis médicinal en Espagne à travers le SNS [Système
National de Santé] et via prescription médicale » en le justiant par le
fait que « [r]écemment, les organisations internationales ont approuvé
les usages médicinaux et thérapeutiques du cannabis en rabaissant
son niveau de classication parmi les stupéants »12 (PSOE, 2021,
12. Traduction de l’auteu r.
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p. 132). Le porte-parole du gouvernement espagnol sur les questions
du cannabis, Daniel Viondi (2021), décrivait la sortie du Tableau IV
comme « un pas important, que le Gouvernement a accompagné »
expliquant que « c’est de là que vient l’aval pour le vote [du groupe
de la majorité gouvernementale] en faveur de la création de la Sous-
Commission parlementaire [sur la régulation du cannabis médici-
nal] » (Alcaide, 2021) qui termine ses travaux en juin 2022 avec un
projet de réglementation.
Les exemples pourraient ainsi être multipliés : Argentine, Île
Maurice, Japon, Pérou... Le changement de classication a servi d’ac-
célérateur aux réformes aux quatre coins du globe, y compris parmi
les pays s’étant initialement opposés aux recommandations (comme
le Japon ou le Pérou ; Riboulet-Zemouli et al., 2021).
Au-delà du symbole et de l’impulsion politique, l’absence de
précisions quant au modèle régulatoire à suivre (du fait du refus
des recommandations complémentaires de l’OMS) peut aussi être
considérée comme un levier pour des réformes durables et adaptées
aux spécicités locales, par opposition au cadre global et uniforme
que fournissent les diérents Tableaux et leurs régimes associés. Le
refus de la CND d’approuver le placement de certains médicaments
au Tableau III, d’en exempter d’autres, etc., contribue au maintien
d’un certain degré de ou juridique autour de la situation légale des
médicaments du Cannabis qui, in fine, peut représenter un atout pour
la formulation de politiques publiques.
L’interprétation est à la base du droit ; et à plus forte raison en
droit international (Aust, 2000, pp. 230-233 ; Kolb, 2006). Les traités
résultant de compromis complexes souvent fondés sur le plus petit
dénominateur commun entre des États aux positions divergentes,
voire parfois diamétralement opposées, cela les rend nécessairement
vagues, imprécis, et propices à une va riété d’interprétations (R iboulet-
Zemouli, 2022). C’est entre autres pour cela que la Commission
du Droit International de l’ONU dénit l’exercice d’interprétation
comme un art (Aust, 2000, p. 230), et que l’on utilise communé-
ment le terme d’« herméneutique » aussi bien pour les textes religieux
sacrés que pour les instruments du droit international.
Étrangement, pourtant, une certaine approche dogmatique d’in-
terprétation monolithique des Conventions concernant les drogues
a prévalu jusqu’alors. Cette herméneutique ubiquitaire voit les trai-
tés comme d’immuables instruments d’une prohibition mondiale et
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obligatoire – dérivant en grande partie des politiques publiques des
États-Unis d’Amérique à partir de la déclaration de « guerre aux dro-
gues » du président Richard Nixon, en juin 1971. Et, bien que l’inter-
prétation des traités soit une pratique des plus courantes, la C61 et
C71 ont rarement été (re)lues et (ré)interprétées.
Pourtant, les changements au ssi bien sur le terr ain, que la perspec-
tive de ne pas pouvoir amender les traités à court terme13, ont poussé
les États à redécouvrir la possibilité d’interprétation, et sa pertinence
pour mettre en adéquation l’application du droit international avec les
aspirations nationales (Colson, 2019a, p. 50). Récemment, le déve-
loppement d’un marché important de produits du chanvre industriel
issus de l’extraction de CBD des sommités orifères ou fructifères
de Cannabis, poussa les États à explorer les voies d’interprétation
des traités possibles, permettant de réconcilier un respect général des
Conventions avec la possibilité de commercialiser les produits non
médicaux contenant du CBD hors du système de contrôle médical et
pharmaceutique établi par les Conventions. La gure E (traduite et
adaptée de Riboulet-Zemouli et Krawitz, 2021, pp. 21-22) résume les
diérentes interprétations possibles des Conventions dans le cas d’un
produit contenant du CBD. La zone en bleu clair représente l’inter-
prétation « classique » (c’est-à-dire ultra-restrictive, n’autorisant pas
la production et commercialisation de CBD, même à des ns non
médicales, hors du système de contrôle et de l’application complète
des mesures de la Convention).
Toutes les autres options hors de la zone bleue sont celles ayant
été mises en avant, ou défendues, par les pays cherchant à autoriser
le développement de ce marché sans pour autant le soumettre aux
mesures de contrôle international.
Dans la même lignée, le rapport High Compliance, une analyse
juridique poussée du nouveau cadre juridique international valide
depuis la sortie du Tableau IV, et présentée à la 65e session de la CND
en 2022, défend l’hypothèse selon laquelle le régime d’exemption
applicable aux produits CBD selon certaines des interprétations pré-
sentées dans la gure E serait aussi applicable au cannabis plus forte-
ment dosé en THC et utilisé à des ns récréatives (Riboulet-Zemouli,
2022). Selon cette analyse, la régulation du cannabis récréatif serait
13. Le large consensus requis pour cela peinant à être envisageable, au vu de la
situation géopolitique actuelle (Fordham, 2020).
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Figure E. Arborescence des herméneutiques internationales du cannabidiol
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donc possible dans le cadre des dispositions de l’article 2(9) de la
Convention unique – une voie qui semble avoir trouvé des débouchés
dans la rédaction de la loi de légalisation adoptée en décembre 2021
par le Parlement de Malte (Riboulet-Zemouli, 2022, pp. 82,118).
VI. Conclusions
La journée « cannabis déconné » de la FPEA se tenait cinquante
ans et un jour après la déclaration de « guerre aux drogues » par
le président Richard Nixon, qui déchaîna la montée en puissance
répressive, prohibitionniste (voire autoritaire ; Colson, 2019a, p. 48)
utilisant, comme prétexte et parapluie légal, des Conventions pré-
existantes et leur classication douteuse. C’est à partir de cet énoncé
politique nord-américain que s’organise une machine de soft power
qui entraîna la planète dans une harmonisation législative ultra-pro-
hibitionniste. Mais ce n’est pas nécessairement ce que véhiculent
les Conventions, qui précèdent cette « guerre ». Comme l’explique
Colson (2019c, p. 79), la plupart des règles que nous percevons comme
émanant des Conventions sont avant tout basées sur un dogme, qui
cache en partie la nature contingente des traités – leurs failles et leurs
défauts. Les Conventions n’étaient pas, au moment de leur négocia-
tion et adoption, des instruments d’une « guerre aux drogues » pas
encore déclarée.
En revanche, la Convention de 1961 porte indubitablement la
marque d’un souhait fort de soumettre le Cannabis à un régime d’ex-
ception, plus contraignant que celui des autres drogues, y compris au
niveau de l’usage médical.
Aujourd’hui, soixante ans après la C61 qui instaura un régime
d’exception pour le Cannabis, et cinquante après la déclaration de
Nixon qui, en quelque sorte, en étendit l’ampleur, la sortie du « can-
nabis » et de la « résine de cannabis » d’un Tableau de classication
aussi emblématique politiquement marque la n d’une ère. Au-delà
de l’indiscutablement nécessaire correction de l’erreur historique que
représenta l’appel à abolir la présence de Cannabis en médecine, la
déclassication a peut-être porté un coup plus important à la prohibi-
tion mondiale : en sapant les fondements du dogme, en questionnant
le biais cognitif enfermant les discussions dans le paradigme d’une
interprétation monolithique, et en ouvrant la voie à un débat large et
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varié où toutes les facettes et points d’analyse du sujet peuvent main-
tenant être considérés, et pas seulement l’analyse des dommages.
Non seulement le Cannabis est légitime en médecine mais,
aussi, le débat et la remise en question des Conventions sont pos-
sibles, et leur évolution atteignable : une évolution aussi bien for-
melle, via l’amendement des Tableaux annexes, que substantielle, via
un élargissement du champ des interprétations possibles (y compris
concernant l’« usage adulte » ou « récréatif »).
Surtout, en n’acceptant que la recommandation nº 1 au détri-
ment des autres, les États ont refusé de se donner un cadre com-
mun, et décidé de garder le champ libre concernant la façon dont le
Cannabis devrait être réintroduit en médecine, potentialisant ainsi
la possibilité d’expérimentations de politiques publiques à géométrie
variable, adaptés aux spécicités locales, facilitant ainsi la exibilité
des régulations aussi bien en termes d’intégration des pratiques de
médecine traditionnelle et autochtones (présentes dans de nombreux
pays et collectivités d’outre-mer françaises) que pour l’« imagination
collective » requise en termes de justice sociale et environnementale
an que « les nouvelles économies du cannabis n’empruntent pas le
pas de la compétitivité débridée » (Afsahi, 2020).
Remerciements
L'auteur tient à remercier Farid Ghehiouèche, Albert Caporossi,
Michael Krawitz, Jean-Charles Marie, Florent Buère.
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