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Proches aidants jusqu’au bout. Soins de fin de vie et deuils, 33(1) 2022
Tous droits rservs © Universit du Qubec Montral, 2022
https://doi.org/10.7202/1089345ar 1
La construction sociale du soin au Québec révélée par la pandémie : quatre réflexions
critiques et anthropologiques sur les inégalités, les vulnérabilités et les souffrances
multidimensionnelles exacerbées par la COVID-19
Alizée Lajeunesse, doctorante, B. Sc., Dpartement d’anthropologie, Universit de Montral
alizee.lajeunesse@umontreal.ca
ORCiD : 0000-0002-4839-151X
Annie Liv, doctorante, M. Sc., Dpartement d’thique clinique, Universit de Montral
annie.liv@umontreal.ca
ORCiD : 0000-0003-1588-2467
Lauréanne Dussault-Desrochers, médecin résidente, M.D., Département de médecine, Université
de Montréal
laureanne.dussault-desrochers@umontreal.ca
ORCiD : 0000-0001-7225-9482
Sara Isabel Gomez Garcia, étudiante à la maîtrise, B. Sc., Département de psychologie,
Université de Montréal
sara.isabel.gomez.garcia@umontreal.ca
ORCiD : 0000-0001-9647-0688
Résumé
Cette réflexion critique anthropologique met en lumière la construction sociale du soin au Québec
que la pandémie de COVID-19 a révélée. Au travers de l’analyse de symboles ayant circul dans
l’espace public qubcois, nous tenterons de rflchir la manière dont la crise sanitaire a pu
justifier et exacerber les inégalités, les vulnérabilités et les souffrances multidimensionnelles
vécues par certains groupes de la population. Plus précisément, nous examinerons comment les
vies et leur protection ont été traitées différemment selon les valeurs sociales accordées à la santé
mentale, au corps biologique, au statut social et l’âge des individus. Nous utiliserons le cadre
conceptuel du soin comme socle commun à ces quatre réflexions.
Mots-clés : anthropologie de la santé, pandémie de COVID-19, construction sociale du soin,
vulnérabilités, inégalités, souffrances multidimensionnelles
Proches aidants jusqu’au bout. Soins de fin de vie et deuils, 33(1) 2022
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The Social Construction of Care in Quebec Revealed by the Pandemic: Four Critical
Anthropological Reflections on the Multidimensional Inequalities, Vulnerabilities and
Sufferings Exacerbated by COVID-19
Abstract
This critical anthropological reflection sheds light on the social construction of care in Quebec
revealed by the COVID-19 pandemic. Through the analysis of symbols that circulated in
Quebec’s public space, we will reflect on how the health crisis may have justified and
exacerbated the inequalities, vulnerabilities and multidimensional suffering experienced by
certain groups of the population. Specifically, we will examine how lives and their protection
have been treated differently depending on the social values placed on the mental health,
biological bodies, social status and age of individuals. We will use the conceptual framework of
care as a common base for these four reflections.
Keywords: medical anthropology, COVID-19 pandemic, social construction of health care,
vulnerabilities, inequalities, multidimensional suffering
La construcción social del cuidado en Quebec revelada por la pandemia: cuatro reflexiones
antropológicas críticas sobre las desigualdades, las vulnerabilidades y los sufrimientos
multidimensionales exacerbados por el COVID-19
Resumen
Esta reflexión antropológica crítica arroja luz sobre la construcción social de los cuidados en
Quebec que la pandemia de COVID-19 ha puesto de manifiesto. A través del análisis de los
símbolos que circularon en el espacio público quebequense, intentaremos reflexionar sobre cómo
la crisis sanitaria pudo justificar y exacerbar las desigualdades, las vulnerabilidades y los
sufrimientos multidimensionales experimentados por ciertos grupos de la población. En concreto,
examinaremos cómo las vidas y su protección han sido tratadas de forma diferente según los
valores sociales que se otorgan a la salud mental, al cuerpo biológico, al estatus social y a la edad.
Utilizaremos el marco conceptual del cuidado como base común para estas cuatro reflexiones.
Palabras clave: antropología de la salud, pandemia COVID-19, construcción social del cuidado,
vulnerabilidades, desigualdades, sufrimientos multidimensionales
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Les bouleversements induits par la pandémie de COVID-19 l’chelle mondiale ont marqu
notre imaginaire collectif. Cet imaginaire est empli d’images populaires, d’un visuel symbolique
et de métaphores que nous déployons socialement pour tenter de mieux dégager un sens de cette
épreuve sans précédent. Dans cette optique, les auteures exploreront quatre imageries porteuses
de sens et témoignant de conceptions sociales du soin en temps de pandémie. Chacune de ces
images conceptuelles a été employée dans le contexte québécois populaire et médiatique, afin de
rendre compte de la crise sanitaire et de la mort : l’icône de l’arc-en-ciel associée au slogan « ça
va bien aller » a été affichée avec espoir aux vitrines de nos boutiques, aux fenêtres de nos
maisons et aux lieux emblématiques; les images glaçantes du personnel soignant à bout de
souffle, ainsi que de patients l’agonie, déshumanisés, ont fait leur apparition dans les médias;
dans la sphère publique, le personnel soignant et les travailleurs essentiels ont été élevés au statut
« d’anges gardiens » d’une manière nettement diffrencie; l’allgorie du navire collectif, du
slogan « on est tous dans le même bateau », a été utilisée par nos dirigeants lors des « grands-
messes » que sont devenus les points de presse politiques. Ces images racontent chacune, à leur
manière, une facette de la pandmie et offrent des points de dpart intressants afin d’animer les
réflexions sur la construction sociale du soin au Qubec l’ère de la COVID-19.
Tel un témoignage soutenu par les perspectives des quatre auteures qui s’appuient sur la
littérature, ce texte prsente nos voix d’tudiantes en contexte montralais dans une rflexion
critique du quotidien, au travers de nos différents champs disciplinaires des domaines de la santé
et de l’anthropologie. Ensemble, nous tenterons d’explorer un questionnement commun : quels
enjeux sociaux la pandémie révèle-t-elle dans le soin? Nous poserons un regard multifacette sur
la pandmie comme rvlatrice d’enjeux socitaux touchant le Qubec, tout en positionnant le
soin comme point central de notre réflexion, par les divisions qui le martèlent et les
vulnérabilités, inégalités et souffrances qui l’accompagnent. Notre cadre conceptuel s’appuie
donc sur une approche du care, dans ses dimensions sociales, médicales, éthiques et politiques.
Par les questionnements que nous posons et auxquels nous tentons de répondre face aux enjeux
que la pandémie révèle sur le soin et son futur au Québec, ce texte a pour but de contribuer à la
discussion, au savoir et à la recherche sur les inégalités, vulnérabilités et souffrances
multidimensionnelles exacerbées par la crise. Pour penser le soin en contexte de pandémie, nous
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introduirons une réflexion sur les impacts de la situation covidienne sur la santé mentale au
Québec. Celle-ci nous permettra de plonger dans la rupture entre cure et care, entre biologique et
relationnel, ainsi qu’entre vie et mort, au sein de notre conception du soin mise en évidence par la
pandémie. Ces constats nous mèneront à interroger cette dimension relationnelle du soin en lien
avec la hiérarchisation du rôle occupé par les travailleurs essentiels dans le contexte québécois, et
les vulnérabilités qui en découlent. Finalement, nous nous pencherons sur ce que la pandémie
révèle sur le soin et sur la place réservée à un groupe qui a été localement présenté comme étant
particulièrement vulnérable dans cette crise : les aînés.
Mise en contexte: la situation québécoise et son système de santé
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Sant qualifiait officiellement l’pidmie de la
COVID-19 de pandémie. Deux jours après, l’application de restrictions sanitaires telles que le
confinement de tous les Québécois a été justifiée par la nécessité de protéger le réseau public
mdicohospitalier du risque d’effondrement. C’est ainsi que chaque Québécois était devenu à
l’chelle individuelle responsable du stress support par le système de sant et son personnel.
Deux ans plus tard, les tudes qui s’intressent la souffrance morale chez ce dernier,
particulièrement chez les infirmières, révèlent que les tensions que subissait le réseau de la santé
étaient autant, sinon davantage, liées à des failles systémiques préexistantes dans le réseau de la
sant qubcois qu’ la virulence du SRAS-CoV 2 (Côté et al., 2022). C’est prcisment le
délabrement causé par ces failles qui a constitué le terreau fertile de la crise que nous traversons,
dont les retentissements sanitaires proviennent de la convergence de crises écologiques, sociales
et conomiques amorces depuis l’infiltration du modèle nolibral jusque dans nos
gouvernances (Brazil, 2022).
C’est justement pour souligner l’ide d’un terrain prexistant favorable l’apparition de la crise
sanitaire que Richard Horton déclarait que la « COVID-19 n’est pas une pandmie (...) c’est une
syndémie
1
» dans son éditorial du Lancet de décembre 2020 (Horton, 2020, traduction libre). Le
concept de syndémie est sans doute ce qui explique le mieux ce qui anime les quatre sections de
ce texte. En effet, ce concept labor par l’anthropologue amricaine Merrill Singer dans les
années 1990 tient compte à la fois des paramètres biologiques de la maladie, mais également du
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terreau social dans lequel elle sévit, ce dernier étant un facteur plus ou moins aggravant du
potentiel dangereux de l’agent infectieux (ibid.). C’est ainsi que, pour Horton, nous ne traversons
pas une pandémie telle que l’imaginaire du terme le suggère, savoir une maladie qui, comme la
peste, mettrait en danger imminent de mort chaque individu qu’elle croise, tant l’environnement
social est décisif dans son mode opératoire mortifère. Toutefois, cela ne néglige pas le fait qu’il y
a un risque pour certaines personnes de contracter la maladie de la COVID-19, et qu’il s’agit
d’une vritable pidmie problmatique et difficile maîtriser. Contrairement la notion de
pandémie qui crée un état de sidération face à un agent infectieux d’une virulence incontrôlable,
celle de syndmie est pourvoyeuse d’espoir, car elle prsage des solutions politiques ralisables
orientes vers la gurison de l’État social et tenant compte sérieusement des enjeux
environnementaux. La plus-value conceptuelle à définir la COVID-19 comme une syndémie est
de rappeler qui sont ses principales victimes. Il s’agit des aîns, des personnes racises noires et
asiatiques, des membres de communautés ethniques minoritaires, des travailleurs pauvres (Carde,
2020). Ce sont ces personnes qu’il est primordial de soutenir. Ce sont pourtant ces mêmes
populations qui sont inlassablement délaissées. Comme le souligne très justement Richard
Horton, quelle que soit l’efficacit du vaccin, une rponse purement biomdicale serait un chec
(ibid.).
Au Québec, la COVID-19 a mis en évidence certains des endroits les plus fragiles du réseau de la
santé. Ce système en est un principalement public (hôpitaux, groupes de médecine familiale,
notamment), mais comporte un certain volet privé. Après la mise en place d’un État-providence
dans les années 1960, c’est dans les annes 1980 que rapparaît l’ide d’une certaine privatisation
des soins face à une crise économique, une monte de l’idologie nolibrale et des rductions
budgétaires (Bédard, 2010). Depuis, une privatisation graduelle de certaines parties des soins et
services de santé est observée, notamment dans la gestion et la provision de soins, ainsi que par
une « désassurance » de divers soins complémentaires (Bédard, 2010). Au moment de la
pandémie, une vaste réforme centralisatrice achevait d’être mise en place au sein du réseau public
de la santé et des services sociaux. Avec le projet de loi 10, le ministre de la Santé Gaétan
Barrette procédait en 2015 à des fusions importantes : le Québec passe de 182 à 34 grands
établissements de santé (Benoît, 2015). Cette année et les suivantes se sont également déroulées
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sous le signe de la réduction des dépenses en santé. Parallèlement, le Québec vit, depuis le début
des années 2000, une montée du courant managérial dans la gestion des services publics.
L’efficience « devient une fin en soi » (Fortier, 2010) et on assiste à plus de standardisation dans
la prestation des soins et services.
La série de réformes des dernières décennies a mené à de multiples fusions institutionnelles, ainsi
qu’ une diminution du ratio de places disponibles en centres d’hbergement et de soins de
longue durée (CHSLD). Au Qubec, les CHSLD sont ns dans l’État-providence des années
1970 en tant que « centres d’accueil » pour personnes en perte d’autonomie. Cependant, ils ont
subi de profonds changements dès les années 1990 : la volonté politique de désinstitutionnaliser
les personnes âgées, en priorisant le maintien à domicile et le recours aux services
communautaires et privs, s’est accompagnée de restrictions budgétaires, ainsi que du
resserrement des critères d’admission en CHSLD (Soulières, 2019). Actuellement, la
marginalisation de ces établissements sous-tend un contexte de pénurie de soignants, de
surcharge et de mauvaises conditions de travail, de listes d’attente pour l’admission, ainsi que
d’accroissement du rôle du secteur priv (Bland et Marier, 2020; Lpine, 2018; Lowndes et
Struthers, 2016). Le Qubec a ainsi pu voir une augmentation rcente, d’une part, du recours aux
soins et services de soutien privs pour les aîns (Boivin, 2020), et d’autre part, de la location par
le gouvernement de chambres en CHSLD privés non conventionnés. Or, ceux-ci posséderaient
une grande autonomie par comparaison avec les établissements privés conventionnés qui opèrent
selon les mêmes normes que les établissements publics. Selon le rapport du Protecteur du citoyen
de 2017-2018, ce contexte affecterait ngativement le suivi de l’tat de sant des rsidents
(Béland et Marier, 2020). La déshumanisation des conditions de vie et de soins au sein de ces
milieux a mené à des enquêtes de négligence grave, notamment dans le cas de situations révélées
par la pandémie.
Les déclarations hebdomadaires de François Legault, notamment son intervention du 17 avril
2020 qualifiée de mea culpa par les médias, confessent la reconnaissance de ce délabrement du
système de sant qubcois amorc bien avant l’apparition du SRAS-CoV 2 : « Aujourd'hui, je
l'avoue puis je prends la pleine responsabilité, je pense que si c'était à refaire, il y aurait fallu que
j'augmente plus vite les salaires des préposés aux bénéficiaires. » (Bossé, 2020; Larin, 2020)
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Cette déclaration faisait notamment écho à deux constats aggravants de la gestion de la crise au
sein des établissements de santé. Le premier était le manque criant de personnel hospitalier à
temps plein, particulièrement des préposés aux bénéficiaires. Le deuxième était la circulation
virale d’un tablissement de soins l’autre – particulièrement entre CHSLD – liée au cumul de
contrats à temps partiel, ces deux constats étant des symptômes directs des asphyxies budgétaires
imposées au système de santé. La question des bas salaires, particulièrement pour le personnel
largement genré et racialisé de ces établissements, en contexte canadien (Lowndes et Struthers,
2016), a ainsi été réaffirmée au grand public par la pandémie.
La COVID-19 et la santé mentale : est-ce que « ça va bien aller »?
Depuis le début de la pandémie, l’expression « ça va bien aller » a été diffusée à travers différents
médias publics : les bulletins de nouvelles, les publicités, les points de presse du gouvernement
du Québec, et même par le biais de monuments au sein même de nos espaces de vie.
L’illumination aux couleurs de l’arc-en-ciel de lieux emblématiques comme les ponts Champlain
et Jacques-Cartier, et la Biosphère de l’Île-Sainte-Hlène n’a cess de rappeler « ça va bien
aller » à chaque tombée de la nuit. Néanmoins, en cette sortie de deux ans de pandémie, peut-on
croire que tout ira bien pour l’ensemble des Qubcoises et des Qubcois? Dans cette section,
nous verrons que, du point de vue de la santé mentale, certaines trajectoires de vie ont été
davantage endommages que d’autres.
Selon Carde (2020), il existerait des disparités entre les groupes sociaux au Québec non
seulement dans le risque de contracter la COVID-19 ainsi que d’en mourir, mais galement dans
le risque d’en vivre les consquences sans ncessairement contracter la maladie. Les
conséquences de la COVID-19 seraient médiées à travers certains déterminants sociaux de la
sant, c’est-à-dire des « facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui
dterminent l’tat de sant des individus ou des populations » (Émond, Gosselin et Dunnigan,
2010, p. 6), tels que le revenu, le rseau social ainsi que l’accès aux soins de sant et de services
sociaux (Carde, 2020). Dans ce contexte de crise, plusieurs soignants sur le terrain ont trouvé
important de se prononcer plus ou moins formellement sur les enjeux de santé mentale côtoyés au
quotidien. En date du 2 avril 2020, la psychologue Roxanne Robitaille tmoignait d’ailleurs que
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le slogan « ça va bien aller » tait parfaitement adquat pour des enfants, mais qu’il manquait
grandement de nuances pour des adultes (Robitaille, 2020). Elle rappelait que : « quand tu as
perdu ton emploi, que tu vis de l’anxit, une dpression, ou qu’un de tes proches est l’hôpital
[le « ça va bien aller »], ce n’est pas toujours un message qui fait du bien » (Robitaille, 2020).
Tout d’abord, en raison du virage technologique dans nos sphères professionnelles, nos
environnements semblent se transformer, petit à petit, en sources de stress nous empêchant
souvent de décrocher et fragilisant notre santé mentale (Gruet, 2020). Les technologies au sein de
nos foyers et de nos vies personnelles nous rendraient plus sujets à vivre de la fatigue mentale et,
par consquent, de l’anxit (ibid.). Certains foyers doivent apprendre à jongler avec la
scolarisation à domicile de leurs enfants ainsi que le télétravail, ce qui brouille les frontières entre
les diverses facettes de notre vie. En effet, selon Gruet (2020), « le travail au domicile se
matrialise par l’absence de plages horaires clairement dfinies et tend donc effacer les
frontières entre vie professionnelle et vie privée » (Gruet, 2020, p. 1). Nous observons un
paradoxe entre les conséquences de la pandémie sur la charge mentale, et les exigences sociétales
et économiques envers la productivité. Sur le marché du travail, des employeurs mettent par
exemple à disposition des travailleurs des conseils sur la façon de demeurer « productifs » en
temps de pandémie (Jones, 2020). En ces temps incertains, au lieu de mettre en place des actions
collectives pour la santé mentale, le gouvernement mise sur les efforts individuels : on encourage
les individus à « chercher de l’aide », s’ils en sentent le besoin, ou de « ne pas rester isolés ». Il
convient de se questionner si le modèle économique présent favorisait une culture de la
productivité au détriment de la santé mentale. Des études seront certainement nécessaires pour
répondre à cette question au fil de la période postpandémique.
Puis, les études sur les expériences de confinement passées (EBOLA, H1N1, SRAS, etc.) ont
relev les consquences psychologiques ngatives les plus habituelles (l’anxit, la peur et la
culpabilité) ainsi que les moins habituelles et les plus graves comme le suicide (Brooks et al.,
2020). Bref, le confinement et le bouleversement à grande échelle de nos façons de travailler
ainsi que de nos routines quotidiennes peuvent avoir des incidences sur notre bien-être mental.
Cela dit, le confinement mène également à un effritement du soutien émotionnel et affectif des
individus, ce qui engendre une augmentation des sentiments d'isolement et de solitude (Pinto et
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al., 2020). Dans le même ordre d’ides, malgré l’ère technologique dans laquelle nous vivons,
durant les périodes imposées de confinement, il a été prouvé que les substituts artificiels de
connexion sociale – tels que la vidéoconférence ou bien les événements sociaux en ligne –
semblent exacerber des sentiments prexistants d’alination (ibid.). Comme évoqué
précédemment, la pandémie de la COVID-19 a généré de nombreux agents stresseurs –
économiques et sociaux – auxquels s’ajoutent des facteurs dstabilisants tels que le contrôle
faible, l’imprvisibilit, la nouveaut, ainsi que l’go menac (CESH, 2019), fragilisant la sant
mentale de certains individus (Pinto et al., 2020). Le rapport sur les tendances en matière de
mdicaments d’ordonnance de 2021 montre une augmentation de 10 % dans la réclamation
d’antidpresseurs auprès d’entreprises prives comparativement l’anne prcdente (Express
Scripts Canada, 2021). Les agents stresseurs voqus peuvent galement favoriser l’apparition
d’ides suicidaires et, dans certains cas, des tentatives de suicide ainsi que des suicides complts
(Lévesque et Perron, 2021; Pinto et al., 2020). Selon une revue de la littérature menée par
l’Institut National de Sant publique (Lvesque et Perron, 2021) durant la première anne de la
pandémie, les facteurs de risque reconnus pour le suicide – la consommation d’alcool, la violence
conjugale, l’isolement puis l’exposition rpte aux nouvelles fatalistes – se sont intensifiés en
raison de la crise sanitaire (Lévesque et Perron, 2021). De plus, selon une revue de la presse
francophone sur la sant mentale en contexte de pandmie, l’on rpertorie, entre autres, une
augmentation des deuils compliqués et des idées suicidaires (Talbot et Lessard, 2020). Bien avant
la COVID-19, le suicide était considéré comme un problème global de santé publique (Pinto et
al., 2020). Toutefois, tout au long de cette pandémie, la santé psychologique semble avoir été
réduite à un slogan optimiste. Le gouvernement a misé sur les efforts individuels de la population
pour prendre soin de ses citoyens et a omis d’aborder les facteurs macrosociaux tels que les soins
de santé accessibles à la population québécoise et pouvant avoir un effet sur son bien-être.
Enfin, les problèmes de santé mentale existaient bien avant la COVID-19 : dans les pays
développés, une personne sur deux ayant eu besoin de soins en santé mentale prépandémie a
éprouvé des difficultés à y accéder (Pinto et al., 2020). Même si cette situation mondiale s’avère
« passagère », l’impact qu’elle aura sur les psychs demeure incertain. Certains auteurs anticipent
une crise de la santé mentale : les systèmes de santé devront inclure ces soins psychologiques
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dans leur première ligne (Arora, 2021). En somme, déjà avant la COVID-19, les systèmes de
sant n’taient pas aptes rpondre aux besoins en sant mentale de leur population : nous nous
attendons donc à vivre une « vague de la santé mentale » (Arora, 2021; Pinto et al., 2020)
postpandémique.
Derrière la crise de la COVID-19, une crise du care
Les soignants représentent le quart de tous les cas de COVID subis au Québec en première vague
(De Serres et al., 2020). Pour eux, et surtout pour elles, le « ça va bien aller » ne s’est ainsi pas
toujours avéré persuasif. Ce mal-être s’est d’ailleurs reflt dans la quantit d’arrêts de travail
pour maladie et de démissions observés dans le réseau de santé au cours de la pandémie
(Duchaine et al., 2021). Que peut nous enseigner la crise de la COVID-19 à propos de nos
perceptions de l’être malade et du soin? La pandmie met en relief plusieurs points de rupture
présents depuis plusieurs années dans nos pratiques cliniques. Explorons comment une
conception mécaniste du corps, entraînant entre autres une séparation du care et du cure, pose les
risques d’une dvalorisation des aspects relationnels du soin, produit une double contrainte et
précipite une éventuelle perte de sens pour les professionnels de la santé.
Une conception mécaniste du corps
L’une des ides fondatrices de la biomdecine est la notion d’une sparation, d’un dualisme entre
le corps et l’esprit, introduite par Descartes dans un contexte d’mancipation de la science face au
religieux (Ripoll, 2018). Cette rupture, qui induit une conception mécaniste du corps, est mise en
évidence dans le contexte actuel de pandémie de COVID-19.
L’article « Je vous cris d’un CHSLD de brousse », publié sur le site de Radio-Canada lors de la
première vague de COVID-19, illustre, l’aide d’un exemple la fois banal et vocateur, une
priorisation du corps par la biomédecine. On y raconte notamment que « sur les portes des deux
rsidentes dcdes, jusqu’ ce que leurs corps soient rcuprs, il y avait des affiches où l’on
avait inscrit “chambre libre” » (Dubreuil, 2020, p. 7). À partir du moment où le corps biologique
ne fonctionne plus, la personne n’est plus; la chambre est considre comme vide. On combattait
une maladie; lorsqu’elle a gagn, les patientes n’existent plus.
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Fassin, voquant le concept de biolgitimit, explique qu’« une reconnaissance plus grande est
accorde l’intgrit du corps qu’ l’intgrit de la personne ou, pour le dire autrement, que la
reconnaissance de la personne passe par la reconnaissance du corps altéré ou souffrant » (2000,
p. 105). Dans cette situation rapporte en CHSLD, l’intgrit du corps n’est plus, le corps
souffrant ne fonctionne plus; on s’est donc permis d’tiqueter la chambre comme vide, au risque
de brusquer les proches, ou même les personnes soignantes, qui accorderaient encore une
importance autre que biologique (relationnelle, spirituelle, symbolique) au corps non fonctionnel
des défuntes. Nuançons toutefois en rappelant que cette situation est survenue en tout début de
pandmie, dans le contexte d’urgence et d’extrême manque de ressources, composant avec le
caractère inédit de cette période.
Mallet voque un autre exemple de sparation du corps et de l’âme en dcrivant les normes
entourant la prestation de soins en établissements d'hébergement pour personnes âgées
dépendantes (EHPAD) – l’quivalent français des rsidences pour personnes âges et des
CHSLD qubcois. Il crit qu’« en valorisant de manière exclusive la vie biologique des
citoyens, on a occulté les besoins relationnels des personnes âgées, engendrant chez certains
d’entre eux une lassitude de vie ou de la dsesprance » et évoque une « tension éthique entre
préserver la vie biologique et soutenir la vie relationnelle » (Mallet, 2021, p. 5). Encore une fois,
on souligne une fracture entre biologique et relationnel, entre corps et âme.
Dévalorisation du care et effacement du relationnel dans la prestation de soin
Kleinman décrit le care giving comme étant « une pratique relationnelle profondément
interpersonnelle, qui rsonne avec les proccupations les plus troublantes de l’être souffrant
comme du soignant à propos de la vie, du soi et de la dignité », où « ce qui est échangé est la
responsabilité morale, la sensibilité émotionnelle et le capital social de la relation » (2012,
p. 1551, notre traduction).
La pandémie a pourtant mis en évidence un système de santé québécois où le soin est essentialisé
et biologis l’extrême. Les mdecins y sont pour la plupart rmunrs l’acte mdical;
l’empathie, l’coute, le relationnel ne font pas ncessairement partie de ce qui est considr
comme étant du temps de travail efficace et méritant rémunération. Gestion top-down,
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standardisation informatisée des protocoles de soins, incitatifs à la compétition entre soignants,
valuation de la productivit et redditions de compte quotidiennes par des statistiques… La
nouvelle gestion publique et les principes managériaux de type industriel auxquels le personnel
soignant québécois a dû se résigner au cours de la dernière décennie ont déjà fragilisé la part de
l’humain, de l’exceptionnel, du particulier dans la prestation de soin (Goudreau et Soares, 2019).
Le relationnel fait rarement partie des calculs. Ici, et davantage en temps de crise, le travail
valoris comme tel est mcanique, biologique; il n’est ni empreint de sollicitude ni motionnel.
Jean-Christophe Mino souligne d’ailleurs que le climat d’urgence li la pandmie a engendr un
« climat curatif (hyper)technique » (2021, p. 3).
L’interdiction des visites en CHSLD et en résidences pour personnes âgées imposée en première
vague par le gouvernement qubcois aux personnes proches aidantes s’appuie sur des
conceptions similaires. La personne proche aidante apporte écoute, empathie, sollicitude, soutien
moral; elle ne contribue toutefois pas aux aspects biomédicaux des soins (prises de sang,
médication, processus diagnostique, etc.). En situation extrême de pandémie et dans un contexte
où le personnel soignant est surchargé, la reconnaissance de la compétence, des expertises et du
travail (émotionnel, notamment) des proches est absente. On juge leur apport inutile au point de
choisir de leur interdire l’accès aux lieux de soins (Bland, 2020)
2
.
Les multiples cas d’aîns dcds seuls en temps de pandmie (Gelper, 2020) s’inscrivent dans
cette même situation de dévalorisation du relationnel dans le soin. Le respirateur, la médication
ou le monitorage du corps font partie des actes fournis et prioriss; l’accompagnement humain du
décès, non. « Quelle visée du soin priorisons-nous? », écrit Mallet. « La rançon de vivre plus a
été de mourir seul; en voulant protéger nos aînés, nous recevons en héritage la dette de les avoir
mal accompagnés », complète-t-il (2021, p. 8).
Double contrainte et perte de sens chez le personnel soignant
D’un côt, de nombreuses situations, normes et hirarchies demandent qu’on vacue l’humain de
la tâche des soignants. Mallet crit ainsi qu’« un système reposant sur des injonctions
hiérarchiques […] n’est pas porteur en lui-même de sens pour le soignant. Bien au contraire, cela
strilise la recherche d’un sens en donnant l’illusion de limiter le soin l’application d’une
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norme. » (2021, p. 4). De l’autre côté, pour créer un sens et justifier les heures supplémentaires,
la précarité, les salaires dérisoires, la dureté du travail et la posture nouvelle de vulnérabilité face
au virus (Napier, 2020), le gouvernement québécois a fait appel ad nauseam l’image des anges
gardiens et anges gardiennes pour dcrire le personnel de soin. Qui impose l’imaginaire de l’ange
gardien exige aussi, implicitement, du dvouement, de l’abngation et de la sollicitude, c’est-à-
dire des attitudes pourtant autrement dévalorisées au profit de l’application de normes et de
savoirs biologiques et techniques.
Les soignants sont ainsi soumis deux conceptions, deux ensembles d’exigences contradictoires
et difficilement réalisables lorsque soumis à des contraintes temporelles et organisationnelles.
Sans surprise, on risque le « désengagement du professionnel de la santé, heureusement tempéré
par la rencontre avec une personne vulnérable », tel que le souligne Mallet (2021, p. 4).
Tous anges gardiens?
Dans l’imaginaire collectif, l’utilisation du qualificatif d’ange gardien vise d’abord valoriser les
soignants, à leur témoigner toute la reconnaissance des efforts fournis depuis le début de la
pandmie. Comme cela a t soulign prcdemment, il s’agit davantage d’une rhtorique de la
différence qui a permis de justifier l’altrisation des soignants en tant qu’êtres clestes
naturellement braves face la mort (Guillaumin, 1978). La diffusion de l’ide d’une nature
héroïque accolée aux soignants a non seulement pour effet de dissimuler leurs souffrances et les
difficultés accumulées par le système de santé depuis des années, mais également de véhiculer la
perception errone d’un fardeau purement sanitaire, alors même qu’il s’agit d’une preuve
collective aux dimensions sociale, organisationnelle et politique.
Le care : un cadre analytique de notre société
Comme mentionné dans la section précédente, le care, dans une approche relationnelle,
correspond au souci des autres, la sollicitude et l’ide de soutien, de maintenance, de prsence
bienveillante (Ibos, 2019). Dans une approche éthique et politique, celle de Joan Tronto, le care
est également une perspective analytique qui vise à valoriser les gestes implicites du care, ceux
noyés dans la vie ordinaire, car socialement peu valorisés ou pratiqués par des voix morales
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habituellement absentes (Molinier, 2011). Les études de care révèlent la hiérarchisation sociale et
morale du travail comme alibi justifiant la dévalorisation des personnes exécutant les tâches
définies comme inférieures (Tronto, 2012, 2009 [1993]). L’absence de reconnaissance
symbolique des travailleurs des établissements de santé qui ne sont pas soignants, mais qui
pourtant ont également fourni des efforts considérables au cours de la pandémie de COVID-19,
est l’un des exemples de cette hirarchisation.
Il s’agit notamment des gardiens de scurit ou des prposs l’entretien mnager sans qui les
professionnels de sant et les patients n’auraient pas bnfici d’un environnement propre et
sécuritaire. Malgr cela, ces derniers n’ont jamais bnfici de surnom valorisant tel que celui
d’ange gardien dans l’espace public et mdiatique. Sur le plan politique, cette dvalorisation s’est
particulièrement manifeste par le Programme d’immigration destin aux demandeurs d’asile
ayant prodigué des soins de santé pendant la pandémie de COVID-19 (PSDAPC) que le
gouvernement québécois a décidé de ne rserver qu’aux professionnels de la santé alors même
que le gouvernement fdral souhaitait initialement rgulariser tout demandeur d’asile ayant
travaillé dans un établissement de santé (gouvernement du Québec, 2020). Alors que ce manque
de reconnaissance est flagrant dans les établissements de santé, véritables symboles du front de
bataille contre la COVID-19, il l’est moins dans les autres sphères de l’organisation sociale. Et
pourtant, qu’en est-il du reste des travailleurs des services dits « essentiels »?
Comme le dmontre l’tude de l’Institut universitaire SHERPA, les travailleurs migrants sont
nombreux à être des soignants, des agents de sécurité, des livreurs, des vendeurs et des
responsables de l’entretien mnager (Cleveland et al., 2020). Ils prennent soin de notre société, la
protègent et la soutiennent en excutant les tâches lui permettant notamment d’affronter les
restrictions sanitaires. En outre, ces derniers sont surexposs au risque d’infection du fait de leurs
conditions de vie souvent précaires (logements exigus et surpeuplés) et de leurs activités
professionnelles dans les secteurs essentiels (ibid.). Ce que les éthiques du care mettent en
lumière, c’est que la non-attribution du surnom symbolique d’ange gardien à ces individus aux
professions socialement peu valorises n’est ni fortuite ni maladroite. Elle est le fruit d’une
construction sociale néolibérale ayant pour tradition de fuir le risque et de négliger ce qui incarne
une forme établie de la vulnrabilit sociale, conomique et politique. C’est prcisment le cas
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des groupes d’individus dont la prcarit a t exacerbe par la pandmie de la COVID-19 : les
migrants à statut précaire issus de minorités racialisées, les victimes de violences conjugales, les
aînés, les travailleurs du sexe, les usagers de drogues par injection, les personnes atteintes de
souffrance psychique, etc.
Le care : vers une responsabilité collective
La gestion politique sanitaire de la COVID-19 a érigé la valeur de bien commun au rang de
valeur sociale absolue. Le bien commun ne peut être soutenu sans la reconnaissance de deux
paramètres : la vulnérabilité comme socle commun humain et les interdépendances humaine,
animale et environnementale (Laugier, 2015). Ces deux paramètres constituent le coeur des
éthiques du care qui s’oppose au mythe de l’individu totalement indpendant et autonome qui
n’aurait besoin de care que ponctuellement (enfance, vieillesse, maladie). L’opportunit dans
cette pandémie de COVID-19 serait d’admettre que, de façon perpétuelle, ce qui nous lie en tant
qu’humain est prcisment notre vulnrabilit et nos interdpendances. En effet, cette pandmie
en est un puissant révélateur puisque, de la chauve-souris à un hôte intermédiaire encore inconnu,
nous avons basculé dans un état de sidération mondialisé (Worms, 2021). Elle est sans conteste
un contre-argument des thiques librales qui promeuvent l’ide d’un individu totalement dtach
de son environnement et seul maître de son destin. Ainsi, il serait trompeur de limiter la
reconnaissance de la vulnrabilit et de l’interdpendance la situation sanitaire actuelle. Cette
dernière serait un symptôme des premières, et non l’inverse.
À cet égard, le slogan de la philosophe Sandra Laugier « tous vulnérables, tous responsables »
(2015) souligne l’incohrence de cette tradition politique de catgoriser les individus entre les
services essentiels et les autres – sous-entendus « non essentiels » – parmi lesquels la culture,
autre dénominateur commun de ce qui nous rend profondément humains. La pandémie de
COVID-19 rassemble bien plus que n’importe quel grand vnement sportif; c’est en cela qu’il
s’agit d’un moment minemment collectif face auquel nous sommes tous responsables. C’est
ainsi qu’ l’hroïsation des soignants, les thiques du care préféreraient la valorisation et la
reconnaissance d’une responsabilit commune, partage quitablement en tenant compte des
fragilités préexistantes à chaque situation. En effet, bien que nous traversions collectivement la
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même preuve sanitaire, nous n’avons pas tous les mêmes armes. Le souci des autres prescrit par
les éthiques du care rappelle qu’il existe des modes d’existence incompatibles avec les mesures
de confinement et de distanciation sociale. Il s’agit notamment du groupe des aînés qui fait
l’objet de la prochaine section, ainsi que des groupes voqus plus haut dans ce texte. La
responsabilité collective, celle allant au-delà du seul champ sanitaire, celle animée par un care
fédérateur, est le moteur éthique et politique indispensable pour traverser cette épreuve.
Le troisième âge : passager de troisième classe?
Replongeons maintenant en 2020 et retournons aux points de presse du premier ministre Legault,
plus précisément à celui du 28 septembre 2020. M. Legault annonçait alors les restrictions que le
Québec devrait suivre pour les 28 prochains jours afin de briser la deuxième vague, un 28 jours
d’efforts collectifs : « Ce n’est pas juste l’affaire du gouvernement, c’est l’affaire de chaque
personne. Évidemment, on est tous dans le même bateau et si on veut arriver à bon port, il faut
tous travailler ensemble » (Legault, 2020). Cette déclaration fait écho à une phrase prononcée
dans les médias américains à la fin mars 2020 et qui, à ce moment, semblait plutôt légitime :
« the virus doesn’t discriminate ». Nous sommes tous touchés et affectés à notre manière par
cette pandémie, nous avons tous notre rôle à jouer, nous sommes en effet tous dans le même
bateau. Mais certains avaient-ils un billet de première classe, dans leurs quartiers fermés aux
vitres teintes, alors que d’autres devaient s’entasser sur le pont, les yeux rivs sur les vagues? Et
alors que notre bateau pens comme insubmersible frappait l’iceberg, que l’on entendait « les
jeunes, et les enfants d’abord! », s’est-on permis d’oublier, de laisser derrière le troisième âge,
passager de troisième classe confiné aux cales?
Ainsi, qu’est-ce que la COVID-19 révèle sur la place de nos aînés dans notre société québécoise
et sur le soin qui leur est réservé? Quatre-vingt-un pour cent des décès dus à la première vague de
COVID-19 au pays ont été liés aux établissements de soins de longue durée (Doucet, 2020), sans
compter les décès collatéraux en CHSLD, ou ce que représenteraient les effets de potentielles
nouvelles éclosions. Ces morts étaient prématurées, non naturelles et en grande partie évitables,
amenant certains à évoquer le géronticide (Lynk, 2021). La pandémie peut être considérée
comme un vnement focalisant, dirigeant l’attention sur les questions de politiques encadrant le
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contexte des CHSLD (Miller et al., 2021; Béland et Marier, 2020). Mais quel prix? L’chec
rapporté de la protection des aînés a causé des niveaux élevés de souffrance physique, mentale et
émotionnelle (Lowrie, 2020). En établissements de soin de longue durée, des personnes âgées
livrées à elles-mêmes sont trop souvent décédées dans des conditions inhumaines, affamées,
déshydratées, désorientées, presque toujours seules, sans voir leur famille, et sans pouvoir obtenir
de soins médicaux, ni de soins palliatifs et de confort (Picard, 2021).
La pandmie a ainsi mis en lumière le symbolisme de l’espace des CHSLD et l’attitude de notre
société face à la vieillesse. Sur le plan de la territorialisation de la culture, c’est-à-dire la manière
dont la socit projette ses croyances et valeurs sur l’espace (Bonnemaison, 2000), le centre
d’hbergement pour aîns a vcu un passage oppos en termes de scurit et de visibilit.
L’espace se prsentant comme hypersécuritaire et hypovisible, souvent loin des yeux et des
proccupations publiques avant la pandmie, s’est transform avec la COVID-19 en un espace
d’hypervulnrabilit, l’un des points chauds les plus importants et hypervisibles au sein de notre
société. On voit donc apparaître un paradoxe : l’injonction de ces centres d’hbergement et de
leurs occupants la marge socitale, en même temps qu’au centre viral. Ces espaces de soin
l’cart, marginaux, opèrent ainsi une performativit sur le social. Le contraire est aussi vrai; ils
sont le reflet du regard porté sur le processus de vieillesse dans notre société, projeté sur ceux qui
l’incarnent : les aînés. Les déficiences du système et du soin aux aînés ainsi exposées par la
pandémie semblent donc prendre racine dans les attitudes implicites, systémiques et
profondment institutionnalises face l’âge (Lowrie, 2020). Quand la vieillesse est
culturellement perçue comme un processus de déclin indésirable, un fardeau sociétal, la valeur de
la vie des aînés et de leur soin en est affecte, parfois même explicitement. L’avis du 45e
président américain et de certains de ses compatriotes conservateurs selon lequel il convenait de
sacrifier les 70 ans et plus afin de protger l’conomie en tmoigne (Sadruddin et Inhorn, 2020).
Cette ide s’oppose celle de la « dette de la vie » des plus jeunes envers leurs aînés, valeur
prpondrante notamment dans le contexte thaïlandais rapport par l’ethnographie de Stonington
(2013) et promouvant les sacrifices à faire pour repayer le don de notre propre existence. Nous
pouvons ainsi nous interroger sur la place que notre propre société a donnée au déploiement de
ces deux valeurs culturelles dans la composition du soin, afin de faire face à la crise.
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Dans un même ordre d’idées, la pandémie met en relief la dichotomie CHSLD-Hôpital : la place
de la vieillesse des aînés au sein des CHSLD, où un soutien à plus long terme est nécessaire, face
la mission contemporaine de gurison de l’hôpital, où se sont concentres les directives de
préparation face à la crise (Doucet, 2020). Ce regard teinté sur la vieillesse a pu jouer un rôle
dans le délaissement des CHSLD par les politiques gouvernementales et dans la construction du
contexte sur lequel a reposé la crise : rforme de la gouvernance et bouleversement de l’autorit
responsable de concerter les actions et les directives; privatisation croissante des services;
diminution de la capacit d’accueil, du ratio soignant/soign, et de l’accès aux services et aux
soins complets; travailleurs non réglementés aux faibles conditions de travail; manque de
ressources et de mesures de contrôles des infections (Béland et Marier, 2020; Doucet, 2020;
Lowrie, 2020).
Cette situation illustre galement l’impact de l’hyperbiomdicalisation de notre système de sant,
ainsi que l’importance de la considération de la place du soin social au sein du soin médical. En
s’inspirant de la perspective releve en Italie du Nord et du Sud par Pandolfi (2020), on peut
penser qu’une approche mdicale centre sur la famille et le cercle social du rsident, ainsi que
sur la sociabilité et la relation soignant/patient individualisée peut être grandement bénéfique en
matière de gestion de la crise, mais aussi pour le traitement réservé à nos aînés dans la
communaut. Au Qubec, cette approche a potentiellement t nglige dans le soin d’urgence
vital au sein d’une organisation orientée sur le colmatage de ses déficits structuraux à mesure
qu’ils s’accumulent, et qui a ainsi interdit la prsence de visiteurs et la tenue des activits
régulières pour les résidents. Pourtant, la présence encadrée de ces visiteurs, membres de la
famille ou proches aidants, n’aurait-elle pas t bnfique quant leur capacit d’être des acteurs
importants du soin social auprès de leurs proches, source de rconfort, d’humanit, de vie, une
aide d’urgence qui a t dsesprment demande et ncessaire en complément au soin médical?
Or, plusieurs études montraient déjà le rôle pivot de ces personnes avant la crise sanitaire
(Puurveen, Baumbusch et Gandhi, 2018; Legault et Ducharme, 2009; Davies et Nolan, 2006).
Un dilemme éthique s’est donc prsent nous : protéger quelle vie, dans quelles conditions, par
quel type d’exercice du pouvoir sur la vie? Nous avons prioris dans le soin la protection de la
vie biologique à tout prix, en isolant, en excluant et en restreignant les contacts extérieurs des
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personnes âges, et en tentant ainsi d’empêcher le virus de pntrer les centres d’hbergement par
le biais des fissures prsentes. Cet objectif de protection de la vie biologique semble s’être mis en
place au détriment de la protection du bien-être, de la dignité, du lien de vie et de l’autonomie, au
détriment de la « bonne mort ». Pour reprendre les mots de George Orwell : « Mais si le but
poursuivi était, non de rester vivant, mais de rester humain [...]? » (1950, p. 223) La pandémie a
révélé que la manière dont nous croyions pouvoir réparer nos erreurs structurelles et protéger les
aînés impliquait nécessairement la déconsidération de leur personne, de leur identité, de leur
agentivité. Les restrictions posées à leur égard exacerbent la problématique existante de
l’isolement social qui prsente en effet un rel risque de sant pour les personnes âges,
contribuant l’accroissement du risque de dclin physiologique, psychologique et cognitif, ainsi
que le risque de mortalité résultant de cette détresse (Fraser et al., 2020; Van der Roest et al.,
2020). D’une manière complmentaire, l’importance du maintien des relations sociales pour le
dveloppement des jeunes fut maintes fois pese par les autorits et les mdias, et l’importance
de la conservation des activités des travailleurs fut également revendiquée, puis soutenue de
prestations d’urgence. Mais qu’en fut-il de la reconnaissance de l’importance des relations
sociales et du maintien des activités quotidiennes pour les personnes âgées, pour les personnes
seules, au cœur de la deuxième vague? La COVID-19 semble avoir justifi l’adoption d’une
attitude culpabilisante et stigmatisante l’gard des personnes âges de 70 ans et plus qui
devaient demeurer confinées à leur domicile, à partir du mois de mars 2020. Dans notre soin,
nous nous sommes focalisés sur une réponse individuelle plutôt que sociale, faisant fi de la
capacit physique, du capital social, des ressources matrielles, ainsi que de l’accès
l’information de tous, y compris des personnes âges potentiellement seules, dans une situation
de précarité, et ne pouvant pas nécessairement se permettre de rester confinées.
En somme, la pandémie a apposé et imposé les étiquettes de la vulnérabilité, du risque, des
restrictions, de la peur, ainsi que de la perte de soi pour certains, redéfinissant ce que signifie
« prendre soin », mais aussi ce que signifie être une personne âgée au Québec. Margaret
Morganroth Gullette s’est prononce sur la manière dont l'âgisme, « préjudice socialement
acceptable au point d’être meurtrier » (Lynk, 2021), s'est aggravé à travers la pandémie, notant
qu’« une société devient moralement malade lorsqu'elle considère certains de ses membres
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comme condamnés » (Morganroth Gullette, 2020). Ajoutons que la manière avec laquelle nous
traverserons notre deuil sociétal et nous nous en relèverons révélera la place que nous désirons
dorénavant dédier à nos passagers du troisième âge.
Finalement, voguant sur des flots sans grand tumulte, nous ne croyions pas avoir besoin de nous
préparer à une telle ventualit. Nous posions un œil aveugle sur les fissures qui s’accumulaient
pourtant sur la coque de notre bateau depuis des années, sans leur procurer le soin nécessaire.
Nous savions qu’elles taient prsentes, mais nous tions convaincus qu’aucun iceberg ne
pouvait nous frapper. Nul besoin de vestes ni d’embarcations de sauvetage. Tout en mettant en
lumière des enjeux politico-économiques et socioculturels, la pandémie force la discussion, la
rflexion, et nous confère une leçon d’humilit. Elle soulève la responsabilité des autorités, du
système de santé, mais aussi de la collectivité, d’couter la voix des rsidents et des soignants,
afin de prendre en compte les disparités, les besoins et les réalités du milieu, et de s’engager dans
un projet commun du soin notre image, leur image et en s’quipant mieux pour la prochaine
traversée.
Nous nous sommes ainsi penchées sur le paradoxe de l’arc-en-ciel en lien avec la santé mentale,
et nous avons exploré l’approche mécaniste du corps au sein du système de santé québécois et
des pratiques de soin qui y prévalent. Nous avons critiqué l’attribution exclusive de l’image
d’ange gardien aux soignants, ngligeant la contribution des travailleurs essentiels migrants
statut prcaire l’effort collectif. Finalement, nous nous sommes questionnées sur les impacts
sociétaux et individuels du traitement politique de la crise, spécifiquement sur ce que la mort
disproportionne d’aîns rvèle sur le soin et la place qui leur sont réservés dans notre société. La
pandémie provoque un lot d’événements stressants répartis de manière différentielle dans la
société, au sein de laquelle des logiques managriales s’opposent aux logiques humanistes. Elle
exacerbe donc les vulnérabilités déjà présentes, tout en en créant de nouvelles. Du slogan
naïvement optimiste, en passant par l’hroïsation des soignants – ayant pour conséquence la
dépréciation sociale des autres champs professionnels – pour finir par l’abandon politique et
social des aînés, il a été question d’interroger le bien-fondé de la hiérarchisation sociale dans un
moment aussi collectif que la pandémie de COVID-19. Le traitement politique de cette crise
sanitaire transforme paradoxalement cet événement sociétal global en une expérience
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collectivement individualise, isole. À l’origine de ces catgorisations objectivantes se pose une
approche sociétale mcaniste, dont l’usage a prfr la mise en silo plutôt que l’laboration d’un
système d’engrenages de solidarits. Ainsi, dans des termes mcanistes, il s’agirait de
revendiquer l’ide d’une machine sociale dont le fonctionnement ncessite la prsence et
l’entretien de chaque pièce. A contrario, ce que les quatre perspectives présentées constatent et
dplorent, ce sont des manifestations varies d’rosion du corps social rendant la traverse
COVID-19 bien tumultueuse. La situation pandémique aura révélé la valeur différentielle
accordée aux vécus, aux vies et à la mort, ainsi que la manière différenciée par laquelle les
personnes auront été plus ou moins meurtries par la pandémie. Face aux lacunes du filet social, le
point de convergence des quatre sections se situe dans les éthiques du care politique capables de
réparer les incohérences structurelles. À l’instar de Tronto (2012, 2009 [1993]), nous sommes
d’avis que ce care constitue la somme de tous les gestes individuels orients vers le tissage d’un
rseau d’entraide fcond qui inclut les animaux, la biodiversit, les femmes et les hommes.
1
« COVID-19 is not a pandemic. It is a syndemic ».
2
La prsence de certaines personnes proches aidantes a finalement t permise partir du mois d’avril 2020.
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