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De l’épineuse question de la base
juridique d’une répartition inégalitaire
des bénéfices sociaux
Une décision unanime des associés est-elle un véhicule
de droit conforme à la pratique jurisprudentielle ?
Louis Brulé Naudet
Université Paris-Dauphine (Paris Sciences et Lettres)
La nécessité d’une modification statutaire. Il est, depuis le 1er juillet 1978 1
et l’apport de l’article 1844-1 au Code civil 2, dans l’orthodoxie juridique de
considérer la clé de répartition des dividendes, entendus en les parts des
sommes distribuables de l’exercice que l’assemblée générale des associés ou
des actionnaires décide de répartir entre eux conformément aux dispositions
statutaires 3, comme une variable de décision soumise à tempérament par la
loi contractuelle. À cet effet, le sous-syntagme « le tout sauf clause contraire »
1. Voir : loi 78-9 1978-01-04 JORF du 5 janvier 1978, en vigueur le 1er juillet 1978.
2. Article 1844-1 du Code civil : « La part de chaque associé dans les bénéfices et sa
contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et
la part de l’associé qui n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le
moins apporté, le tout sauf clause contraire.
Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la
société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du
profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ».
3. Lamy Sociétés commerciales, §2432.
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du premier alinéa de l’article 1844-1 a pu bénéficier d’un éclairage jurispru-
dentiel sur la question de la compétence pour la détermination de la formule
de répartition des dividendes, et la chambre commerciale jugera finalement,
à l’occasion d’une décision du 18 décembre 2012 4que la « modification de la
répartition de la part de chaque associé dans les bénéfices sociaux ne pouvait
résulter que d’une décision collective des associés », en l’occurrence prise dans
le cadre d’une assemblée générale extraordinaire approuvant une résolution
modificative des dispositions statutaires.
La ratification par décision unanime extra-statutaire : une pratique dé-
rogatoire à la portée limitée. Après l’arrêt de la première chambre civile de
la Cour de cassation en date du 2 mars 2004 5, une double observation s’est
trouvée sacralisée dans la nature des actes ratifiant une pratique modificative
des prévisions statutaires : d’une part, l’exigence d’un respect de conditions
de fond et de forme se trouve réaffirmée en la nécessité d’une matérialisation
non équivoque de la volonté commune des associés de modifier la clé de répar-
tition des bénéfices sociaux, usant comme véhicule le consentement unanime
et l’indication précise de l’objet de la stipulation 6; d’autre part, la validité
de l’acte est indifférente de sa nature, pourvu qu’il soit régulièrement ratifié
et qu’il en résulte une indiscutable et régulière modification statutaire. À ce
niveau, il n’en résulte pas moins une interrogation concernant le formalisme
encadrant une telle pratique, notamment en ce qui porte sur les éléments
requis par l’article 46 du décret no78-704 du 4 juillet 1978 7. Ainsi, si au-
4. Cass. com., 18 déc. 2012, no11-27.745.
5. Cass. 1re civ., 2 mars 2004 : BRDA, 2004/6, no3 ; D., 2004, p.807, obs. A. Lienhard.
6. Celui-ci étant naturellement astreint à la licéité.
7. Article 46 du décret no78-704 du 4 juillet 1978, modifié par le décret no2019-1118 du
31 octobre 2019 : « Lorsque la décision des associés résulte de leur consentement exprimé
dans un acte, cette décision est mentionnée, à sa date, dans le registre prévu à l’article 45
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cune mention n’est faite de la part de la Cour de cassation, on espèrerait la
soumission à un certain cadre permettant le maintien des dispositions régle-
mentaires en droit positif. Finalement, la question de la portée semble être
fondamentale pour la résolution de la problématique, la conséquence étant
qu’en la manifestation unique d’un acte unanime, et à défaut de respecter les
formalités de publicité attachées aux modifications statutaires, la décision
de bouleversement d’une formule de répartition des bénéfices sociaux rati-
fiée ne saurait être opposable aux tiers et se présenterait davantage comme
un résidu imparfait de la pratique sociétaire : son opposabilité se trouve li-
mitée par l’effet relatif du contrat, l’acte demeurant inopposable aux tiers.
En somme, bien qu’une répartition inégalitaire des bénéfices sociaux puisse
trouver sa base au sein d’un acte constatant la décision unanime des asso-
ciés, on préférera une modification statutaire dans le cadre d’une ratification
pérenne, notamment en vue de l’objectif de protection des intérêts des tiers.
ci-dessus. La mention dans le registre contient obligatoirement l’indication de la forme, de
la nature, de l’objet et des signataires de l’acte. L’acte lui-même, s’il est sous seing privé
ou sa copie authentique, s’il est notarié, est conservé par la société de manière à permettre
sa consultation en même temps que le registre des délibérations ».
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