Content uploaded by Lionel Obadia
Author content
All content in this area was uploaded by Lionel Obadia on Jun 21, 2022
Content may be subject to copyright.
Echo 3, 2021 64
ÉCRANS FANTÔMES, FANTÔMES D’ÉCRANS
DIALECTIQUE DE LA FUGACITÉ ET DE LA
SPECTRALITÉ DANS LES APPARITIONS TECHNOLOGIQUES
DE "DISPARUS"
LIONEL OBADIA
UNIVERSITÉ LION 2 – FRANCE
Abstract – This paper explores the new forms assumed by ghost apparitions, through the screens of
new communication and information technologies. It analyses the diversity of the manifestations and
the channels through which these new ghosts circulate. It opens up a reflection on the continuities and
ruptures of the relationships between technologies and spectres. Moreover, the paper ends up in a
discussion on the status of the “spectre” in the context of hyper-mediatised societies.
keywords: ghosts ; screens ; hauntologie ; spectrality ; ontology
C’est un fait déjà bien établi et documenté que le développement extrêmement rapide des
technologies de la communication et de l’information a généré une réorganisation plus ou moins
profonde, toutefois, des systèmes de pensée et d’action sur le monde qu’en anthropologie il est
coutume d’appeler “cultures” (Escobar 1994). Dans un monde où les écrans ont colonisé les
agencements matériels dans lesquels vivent et s’expriment les humains, où les formes
culturelles sont recalibrées par la multitude des technologies qui opèrent désormais dans tous
les compartiments de l’existence au point qu’on a évoqué la révolution numérique comme une
rupture anthropologique majeure pour l’humanité (Rieffel 2014). Laissant ici de côté l’immense
domaine des transformations enregistrées et étudiées dans le domaine de l’impact de ce
processus sur les formes culturelles, l’organisation économique ou les dynamiques sociales,
c’est sous l’angle de l’anthropologie toutefois qu’il sera ici question d’un domaine en pleine
effervescence et émergent: celui des rapports entre technologies digitales et apparitions
spectrales – aussi intégré dans le paradigme de l’hauntology.
Que les avancées technologiques ont donné lieu à des adaptations dans le domaine des
religions établies, le fait est désormais bien documenté et continue de l’être: les grandes
organisations religieuses comme les nouvelles mouvances spirituelles ou “ectaires” se sont en
effet largement approprié la vaste gamme de technologies d’information et les nouveaux
circuits médiatiques. Les ajustements, mutatis mutandis, à ces nouvelles contraintes matérielles
et communicationnelles forment un domaine d’étude assez bien documenté à ce jour (voir les
volumineux travaux de Heidi Campbell, aux Etats-Unis). De la même manière, mais avec une
étape supplémentaire vers ce qui fera le cœur de cet article, les formes les plus évanescentes
cependant particulièrement signifiantes en contexte de digitalisation avancée comme le sont
nos sociétés, la magie (surnaturelle) sous ses différentes formes (traditionnelle ou réinventée)
a aussi trouvé sa voie (ambivalente, car elle peut être véhiculée par les technologies ou générée
par elles…) au sein de l’écosystème des médias et des technologies digitales (Obadia 2020).
Pour autant, dans la multitude des images qui se déploient dans cet écosystème sociotechnique,
il en est certaines qui intéressent anthropologues et technologues, pour des raisons identiques,
qui relèvent également d’une certaine approche par les croyances, mais qui s’inscrivent dans
un univers de perceptions et de conceptions encore plus nébuleux: cet univers se construit
autour des images “fantômes” (ghost images) qui sont autant d’apparitions fugaces, troubles et
troublantes, parce qu’elles ne ressortissent pas à l’idée d’une mécanique bien huilée des
technologies digitales, dont sont vantées l’efficacité et les ouvrent la voie à des processus de
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 65
signification qui s’éloignent du rationalisme techniciste mais injectent un symbolisme aussi
vague que l’est la forme qui se dessine sur l’écran… Alors que c’est justement le haut degré de
sophistication des technologies digitales qui les fait naitre ou les perpétue… tout en donnant les
conditions matérielles et mécaniques, visuelles et esthétiques à leur surgissement. Images
fantômes, qui peuvent devenir images de fantômes, et vice-versa. C’est ce flou empirique et
symbolique qui les entoure qui sera ici questionné ici, et, par extension, le régime ontologique
de ces spectres hypermodernes qui réussissent à combiner la profondeur historique de traditions
des apparitions et la plus récente technicité de la révolution numérique.
Les recherches sur fantômes ont connu un regain depuis quelques décennies,
réexaminant le champ de signification d’une notion (ghost) a géométrie conceptuelle variable,
qui s’étend de l’apparition surnaturelle et traditionnelle du revenant ou de l’esprit, jusqu’à la
présence “spectrale” d’événements traumatiques dans la mémoire collective d’un groupe qui
n’a plus de spectral que sa capacité à “hanter” (haunt) le passé. Dans un mouvement parallèle
d’inflation, le fantôme – revenant d’une vie antérieure ou esprit sans incarnation préalable –
revient en pleine lumière grâce à une culture populaire qui l’a remis au goût du jour des
productions littéraires, cinématographiques, télévisées, graphiques. La figure la plus explorée
est celle du fantôme de l’époque victorienne qui s’incarne sous la forme d’une silhouette
anthropomorphe, vêtue avec élégance, qui hante des lieux à l’apparence romantique, et s’inscrit
pleinement dans cette esthétique faite de poésie, de lyrisme, de goût pour l’obscur et
d’exaltation des sentiments, justement propice à l’effusion surnaturelle qui sied si bien aux
fantômes que le 19e siècle semble, du moins en Occident, avoir été l’un des plus fertiles sur le
plan de la présence des fantômes dans les productions culturelles dans la littérature et dans l’art
(Callard 2019; D’Antonio, Schneider, Sempere 2018).
Un siècle plus tard, la révolution numérique a fait son œuvre et les technologies de
l’image et de l’information ont colonisé une partie toujours plus importante de la vie sociale et
culturelle et certains voient, à l’achèvement d’une trajectoire inscrite dans la longue durée
(Debray 2001) ou dans une généalogie plus courte, le recul des pensées surnaturelles et
magiques ou leur domestication par l’industrie du divertissement audio-visuel (Williams 2010).
Il reste toutefois une forme, à première vue résiduelle, des apparitions spectrales, qui nourrit
une cryptologie moderne et qui se situe à l’intersection de plusieurs répertoires d’interprétation:
les apparitions fugaces, troubles et apparemment inexplicables, sur les différents écrans des
technologies de communication hypermoderne: écrans d’ordinateurs, de tablettes, de
smartphones, de montres connectées, et autres appareils raccrochés à l’Internet des objets.
Éphémères, inattendues, surprenantes, voire inquiétantes ces images fantomatiques ou “ghost
images” (qui troublent les moniteurs) sont souvent interprétées comme dysfonctionnement
purement technologiques, peuvent aussi être incluses dans la catégorie des images de fantômes
ou “ghost pictures” (qui sont supposées figurer des défunts ou leurs esprits, même si les
contours des formes qui s’inscrivent sur les écrans ne permettent pas toujours de les identifier
en tant que tels).
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 66
Image 1
Image effrayante d’une femme aux traits troublés, décédée ou fantomatique, qu’un utilisateur a retrouvé sur son
smartphone neuf, il a été impossible d’en identifier la source ou de l’effacer ce qui lui a valu d’être qualifiée de
surnaturelle.
https://www.asiaone.com/digital/man-finds-creepy-image-woman-haunted-iphone
Cet article a pour objectif d’interroger, à partir des formes repérables sous
lesquelles ces apparitions spectrales se manifestent, le statut même de la spectralité à
travers les écrans des sociétés hyperconnectées et hypertechnicisées du 21e siècle
(principalement en Occident, pour bien délimiter le périmètre d’observation et de
réflexion): parce que précisément les apparitions sont nombreuses et diversifiées au fil
des siècles et des cultures, qu’elles se sont déployées sur une multitude de supports,
elles ont trouvé des prolongements dans des environnements médiatiques et
numériques. Mais le fantôme s’est-il modernisé et digitalisé, et aurait donc changé peu
ou prou de (sur) nature ou au contraire, se fond-il dans une nouvelle ontologie, qui serait
plus en phase avec le monde actuel? On suivra ici Rongier (2016) sur l’idée que les
fantômes sont indissociables des images mais on s’interrogera plus avant sur le statut
de ces images en contexte de haute digitalisation.
1. Ghosts, ghostly, ghosting
L’expression Ghost s’est développée depuis quelques années comme mot-valise (ou buzzword)
qui a servi à décrire une multitude de phénomènes matériels ou symboliques, perçu ou
construits, à échelle des individus ou plus largement distribués collective, mais qui ont tous en
commun de designer un statut d’entre-deux ontologique: le terme de ghost qui est d’ailleurs
passé dans la langue française au moins dans les lexiques de technologues, à l’image de celui
de Zombie, une autre figure tératologique en vogue (Dion 2014) et d’usage extensif qui capte
l’esprit d’un temps où les frontières entre les différents domaines de la réalité perdent de leur
tangibilité, où l’espace entre deux régimes ontologiques, le vivant et le mort, n’est plus balisé,
bref, un espace interstitiel ou liminaire, pour emprunter au très cité Victor Turner mais qui a la
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 67
capacité de ne pas être transitoire mais transitionnel: il fait le lien entre des deux univers ou
réalités.
En toile de fonds intellectuelle, se profile le cadre théorique de l’hauntology qui consiste
à passer les faits sociaux et historiques au prisme d’une grille d’analyse qui considère la
dimension spectrale de leur ontologie (les acteurs, séquences ou dimensions “fantômes”
d’histoires traumatiques et/ou complexes) a pris ces dernières années une importance
particulière depuis l’ouverture de la réflexion en philosophie par Derrida (1993). Il s’est étendu
dans d’autres domaines et est devenu aujourd’hui un quasi-paradigme, en englobant toutes les
catégories de phénomènes hétéroclites (Ramond 2007) et c’est un véritable “tournant spectral”
que connaissent les sciences humaines et sociales actuellement (Luckhurst 2002). Les
fantômes, quand ils sont entendus dans leur acception la plus resserrée comme manifestations
de défunts, sont par définition des figures transfigurées de la vie qu’elles incarnent par
inversion, et ainsi symboliquement, une duplication de la réalité, sous la forme d’un autre
monde, invisible, relavent d’une autre réalité, de nature historique et symbolique. Cette réalité
se manifeste sous pléthore de manifestations sur des supports très différents: de l’ancien
“théâtre des ombres” au texte religieux ou profane, fiction romancée ou restitution “réaliste” de
la rencontre avec des revenants dans les documentaires télévisés, la trajectoire des fantômes
s’achève dans celle des technologies du son et de l’image (D’antonio, Shneider, Sempere 2018).
La “hantologie” résonne particulièrement domaine des technologies et des médias, tant
l’effet de mise en abime qu’offre l’écran et des effets ondulatoires de réalité, les feuilletés de
narration et de symbolisme qui donne aux acteurs d’une époque surmédiatisée le sentiment
d’être là sans y être, et que “quelque chose” habite ce qui est supposé en être vide – des principes
surnaturels dans des choses aussi terre à terre que des machines, par exemple, l’idée développée
par Jacques Derrida dans les Spectres de Marx (Deridda 1993) a nourri un débat sur le caractère
heuristique d’une perspective rendant compte de la complexité des traces de l’ancien dans le
contemporain, de l’insaisissable et désincarnée mais néanmoins sensible “présence” entre deux
régimes d’existences (ce qui est et ce qui a été) (Fisher 2012). Avec Walter Benjamin, c’est du
côté de la mise en perspective de l’histoire par le médium technique, et la fabrique d’un espace
interstitiel entre le monde et ses esprits/fantômes, que l’effet de cadrage qu’opère le cinéma,
qui l’inscrit pleinement dans l’hantologie (Tweedie 2018). Ces fantômes de la culture ou de
l’histoire (individuelle ou collective) offrent des théories fertiles à l’analyse, considérant
qu’elles tissent des ponts épistémologiques avec les études sur les fantômes, mais elles semblent
également éloigner l’analyse de considérations autour de spectres surnaturels qui nous
préoccupent ici, à savoir des fantômes revenant du monde des morts ou émergeant d’un monde
invisible (Davis 2005). Ce qui suppose un questionnement croisé entre références analogiques
et ontologiques des fantômes, on y reviendra.
Si la révolution numérique en cours, qui accélère conjointement la sophistication des
techniques et leur expansion dans les sociétés et les cultures, a engendré quantité d’effets et
d’impacts dans les formes d’organisation sociale, des représentations collectives, des
productions culturelles et des modes d’action humains – dont la liste serait trop longue pour
être ici présentée – les écrans sont des surfaces propices à la manifestation fantomatique :
d’abord sous la forme “classique” des apparitions spectrales ou l’enregistrement de formes ou
de signes qui signalent la présence d’une entité surhumaine; ensuite sous la forme d’une vaste
gamme de phénomènes qui se déroulent sur les écrans (de cinéma, d’ordinateurs, de
smartphones): les ghost images, dont l’imprécision n’a d’égal que la capacité à générer des
interprétations symboliques et surnaturelles.
La haute technicité des technologies digitales et médiatiques n’empêche pas, et dans
certains cas, bien au contraire facilite, l’apparition de formes inattendues (Obadia 2018). Des
écrans brouillés, partiellement ou totalement, laissant apparaitre des couleurs ou des formes
mélangées, inattendues, qui peuvent être statiques ou vibratoires, et qui a été un jour confronté
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 68
à un écran d’ordinateur qui se trouble de haut en bas en arborant des couleurs et des formes
étranges, un écran de smartphone qui est tout à coup strié de zébrures ou de tâches, associés ou
pas à des sons tout aussi incompréhensibles… aura eu le choix de donner à ces phénomènes
soit une explication rationaliste (en termes de dysfonctionnements mécaniques) soit une
interprétation plu surnaturelle, religieuse ou magique (Natale et Pasulka 2019). Ce sont ces
mêmes écrans qui véhiculent des récits ou des captations d’apparitions ou de formes spectrales
sur… des écrans! Par dizaines, des sites Internet (dans toutes les langues) exposent des cas
d’apparitions qui participent de leur visibilité, qui, à mesure qu’elle croît, entraine plus
d’apparitions, et ainsi de suite. Une circularité ou une mise en abime qui traduit cette frénésie
médiatique pour l’invisible et l’enserre (l’enferme?) dans l’écosystème des écrans. Ces ites
spécialisés, émissions de TV relatives au “paranormal” et les équipes de chasseurs de fantômes
ne sont pas que des représentants d’une culture populaire mondialisée émanant d’Amérique du
Nord (pourvoyeuse, d’ailleurs, de contenus et de technologies médiatiques teintés de
spiritualité) (Chidester 2005).
2. Rendre visible l’invisible ?
Ce qui fait là par même la singularité du fantôme moderne, qui surgit à partir de l’invention des
technologies électriques (le télégraphe d’Edison) et la photographie (Blake & Reyes 2016),
c’est qu’il n’a plus besoin d’un contexte rituel seul pour surgir et se matérialiser, comme c’était
généralement le cas dans les sociétés traditionnelles (Bräunlein & Lauser 2016). C’est la
mécanique qui lui offre le support de matérialité nécessaire à même s’il reste un “évènement”
(à travers des formes et signes observés, sons et contacts tactiles ressentis, ou d’autres percepts)
(Delaplace 2018) mais cette fois, au moyen de dispositifs techniques complexes qui mobilisent
d’abord les appareillages audiovisuels puis digitaux. Ce glissement qui s’opère entre les anciens
régimes de manifestation des manifestations spectrales: du sensible au texte, et à la matérialité
des lieux et des objets hantés, et surtout de l’expérience sensible (charnelle) à la qui constitue
comme première. Ce qui d’ailleurs entraine, sur le plan des traces laissées par les spectres, des
transformations significatives.
Depuis la création des premières technologies visuelles (photographie et
cinématographie) audio (photographie) et de communication médiatisée par l’électricité
(télégraphie puis téléphonie) avant les grands jours de la révolution numérique, la
scientificité associée aux technologies, en raison de leur implacable rationalité
mécanique, semblait signifier l’exclusion des croyances les plus irrationnelles, en
l’occurrence celles à l’endroit des créatures surnaturelles non divines: mais cela n’a pas
été le cas et depuis l’émergence des philosophies matérialistes (Callard 2019) jusqu’à
présent, les fantômes se sont montrés particulièrement vivaces en environnement
technoscientifique. Dans un monde constitué d’écrans, ces derniers peuvent être
véhicules ou créateurs de fantômes. Véhicules, car depuis, le fantôme s’amuse à faire
des “photosbombs”, c’est-à-dire à s’inviter dans des images captées par des dispositifs
visuels: les exemples abondent sur des sites Internet créés par des admirateurs du
paranormal, et bien d’autres, par de simples curieux qui re-publient ces images par un
effet de boule de neige bien connu des spécialistes et qui finissent par “faire le buzz”.
Faut-il ou non “croire” dans ces fantômes? La question de la croyance, c’est désormais
bien connu, est dans ce cas aussi nébuleuse que l’est le référent empirique auquel elle
est associée. L’anthropologie avait déjà déconstruit le fantôme pour en faire un
“événement” dont la saisie par les sens était le fruit d’une attente psychique, d’une
technologie et d’un cadre symbolique qui lui donne sens (Delaplace 2018). Ce que les
travaux récents ont montré c’est que le paradigme de l’hauntology qui considère
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 69
l’importance symbolique et sociale des “fantômes” dans leur acception la plus large (des
spectres surnaturels jusqu’aux métaphores de l’absence psychologique ou du trauma historique)
historique) permet d’ouvrir la réflexion bien au-delà du revenant ou du défunt lui-même. Mais
c’est celui-ci qui nous intéresse ici.
Image 2
Photographie “classique” d’une apparition spectrale dans un lieu hanté.
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 70
Image 3
Photographie connue des spécialistes, montrant une forme spectrale mais humaine en arrière-plan d’un militaire
du nom de Freddy Jackson posant sur une photographie de 1919.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Freddy_jackson_lg.jpg
Les deux régimes ontologiques de l’apparition spectrale peuvent être résumés
comme suit: d’un côté ce qui relève de l’inattendu, de la fugacité, de l’anomalie visuelle
qui se traduit par des décolorations d’écrans, des variations de luminosité, des ruptures
de transmission de signaux, des zones floues ou sombres sur des surfaces claires, bref,
tout ce qui peut relever d’un événement… . De l’autre, ce qui s’inscrit plus dans un
cadre d’attentes à partir d’un cadre symbolique précis: la recherche de l’identité de celui
ou celle qui hante un lieu. Pour la première catégorie, les occurrences de
phénomènes sont nombreuses et largement mises à disposition sur l’Internet et d’autres
circuits de partage; mais sous l’ensemble des variations enregistrées (ici une fumerolle,
là un orb, là encore une zone d’ombre sur un écran, là, enfin un écran clignotant…), les
entités regroupées sous la catégorie ghost sont diverses et peuvent très bien n’être
associées qu’aux “comportements étranges” des technologies qui ne se déploient pas
comme il est attendu qu’elles le fassent.
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 71
Image 4
Photo de fumerolle “fantôme” apparaissant sur une photographie numérique. https://i.imgur.com/yFBFp.png
L’un des changements sans doute majeurs introduits par l’extension tous azimuts
des technologies est l’aspect actif de la relation aux fantômes et esprits. Si les spectres,
revenants, etc, se manifestent aux humains depuis qu’on dispose de traces écrites de ces
expériences, dans le contexte de sociétés en cours de digitalisation, mais encore fortement
attachées à leurs traditions, les nouvelles technologies digitales et médiatiques servent de relais
d’anciennes croyances relavant elles aussi du domaine du surnaturel. D’un côté, en contexte
africain traditionnel, les téléphones portables ont été les circuits de diffusion de croyances
contagieuses de nature sorcellaire, des rumeurs médiatisées par les smartphones qui ont affecté
des hommes, soudainement “contaminés” par des sorts touchant à leur virilité (Bonhomme
2011). La technologie est donc absorbée par les cultures locales et certaines de ses
fonctionnalités remaniées ou détournées pour satisfaire aux exigences de continuité
symbolique. Ou comment les smartphones les plus modernes sont mis au service d’antiques
croyances, en offrant de nouvelles possibilités de faire circuler des symboles traditionnels, en
impactant relativement peu le contenu des croyances mais plutôt leur dynamique, qui est
désormais tributaire de la vitesse de propagation proportionnelle au nombre d’écrans, à la
puissance électronique des réseaux, et à la connectivité des acteurs… et c’est dans cet ordre
d’idées et dans cette continuité de relations que des cas d’apparitions de figures de leaders
religieux décédés, sur les écrans de leurs fidèles, a pu être enregistré en Afrique, là encore et
c’est une forme reconnaissable de défunt qui a suscité un espace de questionnement sur la
capacité des esprits des défunts à s’accommoder de ces moyens high-tech (Bondaz 2012).
Dans le contexte de l’Occident, les apparitions spectrales assimilables à des “fantômes”
se sont démultipliées dans un écosystème d’écrans qui ont littéralement colonisé la vie sociale
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 72
e culturelle des femmes et des hommes du 21e siècle, quel que soit par ailleurs leur classe
sociale, le background culturel ou les croyances initiales. Aux anciennes surfaces planes où
ces spectres apparaissaient par réflexion, miroir et vitres, qui ont fait les beaux jours de la
période Victorienne, se sont ajoutés les images photographiques: le mouvement spirite du 19e
et du début du 20e siècle a été de ce point de vue particulièrement actif dans la recrudescence
de l’apparition spectrale grâce aux techniques modernes. Bien que les analyses aient montré
assez rapidement qu’il s’agissait de montages grossiers, nombreux sont ceux qui poursuivent
la réflexion autour d’une possibilité de communiquer avec un “autre monde” via les
technologies (Edleman 2006).
Image 5
Photo d’apparitions spectrales de type “spirite”.
https://www.buzzfeednews.com/article/gabrielsanchez/23-haunting-pictures-that-will-scare-the-living-hell-out-
of
Les photographies “historiques” qui forment un corpus assez connu des nombreux
afficionados sont recensées et examinées sur des sites Internet (Landrige 2021): les
photographies s’étendent sur tout le 20e siècle, sont souvent en noir et blanc. La qualité est dans
la plupart des cas médiocre mais les visages ou silhouettes qui se dégagent dans le cadre
scénographique, en arrière-plan, sont clairs parce que statiques, ou flous parce qu’enregistré en
action. Puis le média vidéo est venu ajouter en précision, ajoutant le mouvement qu’il manquait
ou qui était préalablement rendu de manière impressionniste. Les plateformes de diffusion de
vidéos comme Dailymotion ou Youtube fourmillent de captations vidéos qui sont supposées
rendre compte: les fantômes peuvent s’y manifester par un effet d’optique, sous la forme d’une
image floue, anthropomorphe ou une fluctuation de l’image, mais aussi de manière indirecte,
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 73
via des turbulences dans les éléments matériels qui bougent ou se fracassent sans apparemment
aucune intervention humaine. Et ce sont des caméras de surveillance d’un commerce, d’une
librairie, d’une station-service, d’une station de métro, d’un espace domestique, d’un bar ou
restaurant, des locaux d’une entreprise ou d’un hangar: jamais quand ces lieux sont bondés,
mais le plus souvent quand ils sont fermés et dans ce cas le fantôme s’adresse juste à camera,
ou dans des temps de faible fréquentation ce qui ajoute à la captation technique le témoignage
humain directe qui est supposé donner un poids supplémentaire à la véracité de ces
phénomènes.
Image 6
Extrait d’une vidéo de surveillance, au sein d’un établissement scolaire (Cork, en GB) hanté par un poltergeist qui
déplace les objets violemment. Considéré comme fake, mais virale.
https://www.unilad.co.uk/featured/school-cctv-camera-captures-terrifying-ghost-in-hallway/
3. High-Tech et chasse aux fantômes : quand le numérique est au service d
paranormal
L’écosystème des écrans et des médias qui enregistre ces apparitions est très vaste et chaotique:
il est composé d’une multitude de capteurs vidéo sur lesquelles se manifestent ces apparitions
spectrales, mais (que le fantôme soit “réel” ou “fake”) de manière apparemment contingente,
ce qui crée justement le trouble au visionnage de ces vidéos. Mais les fantômes / esprits /
revenants avaient besoin de rituels collectifs et performatifs pour communiquer avec les vivants
dans les sociétés traditionnelles, ce qui dénote déjà un rapport actif des humains au surnaturel.
Ce même rapport, qui tranche avec les exemples de manifestation involontaires, se perpétue
dans l’action et la visibilité médiatique d’une nouvelles catégorie d’acteurs: les chasseurs de
fantômes, plutôt venus d’Amérique du Nord (où on comptait plus de 3000 organisations dédiées
au milieu des années 2010) (Eaton 2015, p. 398) mais désormais répandus sur la surface de la
planète, qui ont produit leurs propres émissions de télévision, sites internes, chaines spécialisées
sur les grandes plateformes de visionnage de vidéos.
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 74
Si les fantômes ont leur propre régime d’existence, qui est celle d’une ontologie
surnaturelle, ils sont cette fois assidument scrutés par les “chercheurs” de fantômes qui
les rapatrient vers le “naturel”: ce mouvement est particulièrement étendu puisqu’on a
compté jusqu’à pas moins de 3000 groupes d’ “investigation paranormale” aux Etats-
Unis au milieu des années 2010, alors que la sans doute plus ancienne de ces
organisations, fondée à Londres en 1862, est toujours active ce jour
(https://www.ghostclub.org.uk/) et bien des années après sa fondation, s’est armée de
technologies les plus en pointe. Des ghostbusters nouveau régime qui ne sont plus de
cocasses inspecteurs chargés de technologie, pistant les intrusions des démons dans le
monde pour mieux les piéger, tels que dépeints dans le blockbuster de 1984 mais des
amateurs éclairés qui explorent des lieux et recoins avec un caractère bien moins
spectaculaire, qui doit justement faire surgir l’extraordinaire.
Des équipes de “spécialistes” qui explorent des lieux, enquêtent auprès de
personnes réelles, pour ensuite plonger dans l’invisible (en Amérique du Nord Tap© ou
Ghost Adventures© sont les plus réputés et bien d’autres programmes (groupés sur la
catégorie d’“enquêtes paranormales”), composées de chasseurs, apparemment
sceptiques mais ouverts à la curiosité surnaturelle, qui s’entourent de médiums (autres
acteurs “croyants”) et de témoins (autres acteurs “sceptiques”). L’entrelacs des
témoignages construit déjà le contexte, puis des interactions entre acteurs et les “signes”
que la technologie enregistre. Car c’est bien la technologie qui crible le réel de ces
dispositifs de captation de signes: visuels, avec des caméras infra-rouge, et des appareils
photographiques, sonores, avec des enregistreurs de “voix” (EMC) qui tentent de
décoder les “voix” des fantômes, thermomètres et capteurs d’“énergie” viennent finir la
panoplie de ces explorateurs technologues du surnaturel. Tout est orienté de telle
manière que la technologie traduise des percepts ou des informations éparses et les
constitue comme une totalité signifiante, celle d’un fantôme identifié comme tel. Des
chasses aux fantômes moins professionnelles, plus individualisées et spontanées se
déploie elle aussi sur les médias, usant de leviers scénographiques moins spectaculaires,
parce qu’elles sont le fait d’amateurs, mais sur des réseaux médiatiques moins officiels.
La plateforme Youtube n’est pas qu’un répertoire et réservoir de vidéos de toutes
sortes: c’est aussi un moyen supplémentaire de légitimer l’activité et d’ajouter une
couche de complexité socio-technique. Là où les émissions télévisées procèdent d’une
diffusion unilatérale sans réel feedback, la fonction “commentaires” de Youtube
contribue de son côté d’ouvrir le processus de négociation discursive aux internautes,
étendant l’espace de délibération sur le contenu et la réception de la chasse aux fantômes
(Georges 2019). Pour autant, dans cette mise en abime des médias disposés les uns sur
les autres qui filtrent l’expérience directe du fantôme, le sens profond de l’apparition
spectrale se dilue dans le déploiement de technicité et convertit en spectacle ce qui était
une enquête, puisque c’est sous cette forme animée d’une curiosité scientifique et de
l’attirail technique qui donne l’apparence de scientificité, sous couvert de technologie
(Brewer 2012): mais la question finale se heurte à un cantonnement empirique. Il s’agit
de dire si le percept est réel ou pas, et s’il s’agit là d’un fantôme. Mais de cosmologie,
ou de grand système de signification pas ou peu – même si, en arrière-plan il y a bien
un fonds de croyances de nature à incarner une “pratique spirituelle” (Eaton 2015).
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 75
Image 7
Capture d’écran d’une des nombreuses vidéos de fantômes disponibles sur la plateforme Youtube.
https://www.youtube.com/watch?v=Pq3wZAZHPkM
Mais là encore, la suspicion du faux pèse sur ces productions: les médias français se
désolent, avec les “chasseurs” qui revendiquent l’authenticité de leur démarche, de ce qui
semble être une altération de la légitimité de leur quête: les chasseurs sont accusés de truquer
leurs vidéos pour en accentuer le caractère exceptionnel (Croque 2017) et même les émissions
les plus connues aux Etats-Unis et au-delà, dans le monde, ont suscité une polémique en vertu
d’une mise en scène par trop dramatique (i.e. mise en scène au sens théâtral du terme) pour être
honnête (Brunner 2014). Evidemment, la tension entre un répertoire du vrai et du faux, entre
l’expérience réelle d’une entité surnaturelle et la théâtralisation d’une rencontre paranormale,
met en lumière une certaine confusion entre technologie et science, et au service de quoi elles
se mettent. La technologie audio-visuelle et électronique participe d’une construction des
apparitions spectrales comme évènements mais ne les inclue pas de facto dans un répertoire de
sens quelconque: c’est le spectateur de l’écran sur lequel se déroule la narration (qu’il soit
“chasseur”, “témoin” direct, ou spectateur à distance devant sa tv ou son smartphone) qui pose
le cadre d’interprétation. Or ce qui fait justement la particularité de ces productions, c’est
qu’elles suspendent pour la plupart tout débat sur la réalité ou la vérité des faits enregistrés et
sur la reconstitution de l’unité symbolique d’une entité surnaturelle (fantôme, esprit, revenant)
que ces petits signes sont supposés révéler. Les émissions s’en tiennent à ce niveau basique de
l’expérience paranormale considérée comme ontologiquement robuste: la circonscription des
signes épars engendre la confirmation d’une “présence”, et donc le signe est considéré presque
systématiquement comme un message d’un revenant (qu’il s’agit en fait d’identifier). Mais
comme spécifié ci-avant, les niveaux subséquents d’interprétation (rationalistes ou
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 76
spiritualistes) sont rarement mobilisés, parce que le choix de l’un de ou l’autre stopperait net le
processus de signification et donc l’intérêt pour le phénomène lui-même.
4. Le fantôme, un nouveau héros (contre-)culturel et médiatique
Ce qui donne plusieurs domaines de la réalité empirique sur lesquels se déploient les formes
fantomatiques grâce aux technologies digitales. Et à la quête du fantôme pris dans les filets de
la technologie moderne, s’ajoutent, les fantômes médiatiques, héros de films, de séries TV, de
livres et de romans graphiques, qui ont envahi un peu tous les supports possibles des
productions audiovisuelles. Il s’y manifestent sous les formes le plus variées: fantômes
d’anciens temps, attachés à une esthétique victorienne qui est celle qui est sans doute la plus
répandue dans l’imaginaire moderne des fantômes et apparitions, la silhouette anthropomorphe,
les atours (et notamment vêtements et accessoires), un comportement correspondant à ce cliché
du fantôme romantique, qui peut être flegmatique ou plus agressif mais dans tous les cas,
toujours peu ou prou hérité de la période victorienne qui a été des plus riches en termes de
visibilité des fantômes et de nouvelles générations de fantômes drôles et “cools” ou “ adorales”
(comme le célèbre Casper, personnage pour public d’enfants).
A reprendre rétrospectivement l’histoire des technologies modernes et
électriques, le cinéma, premier support de la révolution des médias, a été depuis sa
création au tournant des 19e et 20e siècles, une figure récurrente, qui s’invite avec
régularité dans la production cinématographique (Zernik et Zernik 2019). Depuis, si le
fantôme s’invite dans les productions de la culture populaire audiovisuelle, il se
manifeste sous des formes variées. Les jeux de mise en scène, de cadrage, de style de
réalisation, jeux de lumières et d’acteurs, et évidemment de scénario théâtralisent les
nombreuses modulations de spectralité qui traverse de part en part les cinémas du
monde, à travers des ombres, les absences, des ellipses, des manifestations visibles ou
discrètes, des silences ou des cris dans le cinéma d’art et essai d’Europe, dans le cinéma
d’horreur de l’Amérique du Nord (qui peut faire du fantôme un être effrayant ou
amusant ou les deux) et l’Asie (Chine et Japon, en particulier, où il s’incarne sous les
traits de personnages historiques ou familiers): le fantôme se déploie comme allégorie
des zones ambiguës et fluctuantes de la réalité telles qu’expérimentées par les individus
et modelées par les cadres de la culture, des premiers écrans plats et fixes de la première
modernité, jusqu’aux écosystèmes médiatiques complexes et interactifs de l’ère digitale
(Leeder 2015).
En arrière-plan, évidemment, cette visibilité du fantôme s’opère sur un retour généralisé
de la magie, sous des formes diverses (Introvigne 1992). Plusieurs enquêtes statistiques, de
sources différentes, menées dans des contextes géographiques et culturels différents, semblent
converger autour de la montée en visibilité de la figure du fantôme, dans le domaine des
croyances populaires: une enquête Statista© en France en 2015 (sur un échantillon de plus de
1000 personnes) montrait que le taux de croyance dans la présence des fantômes dans
l’environnement ordinaire était d’un tiers de la population (près de 30%)
1
. La même année, le
Pew Research Center publiait les résultats d’une enquête mentionnant là encore 29% de Nord-
Américains persuadés d’avoir été en présence de fantômes, et 18% assurant avec eu un véritable
contact physique avec eux (Lipka 2015). Deux ans plus tard, une étude similaire menée en
Grand Bretagne montre que ce taux monte à 39% chez les jeunes de 8 à 34 ans, et se maintient
à 35% dans la catégorie au-dessus (35-55 ans)
2
. Plus récemment, un sondage donnait aux Etats-
1
https://fr.statista.com/statistiques/529880/opinion-francais-sur-fantomes/
2
https://www.statista.com/statistics/935178/paranormal-beliefs-in-britain/
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 77
Unis près de 45% de personnes croyant dans les fantômes (Ballard 2019). Bien qu’elles ne
donnent pas beaucoup d’information qualitative sur la forme, la nature et les conditions
d’expérience des dits fantômes, ces statistiques forment l’écume informationnelle d’un
mouvement historique vers un retour de visibilité des fantômes et spectres dans la vie culturelle
des sociétés modernes: non qu’ils en aient totalement disparu, mais leur trajectoire historique
les avait relégué au domaine du folklore et de la culture populaire. Sauf que, loin d’être écrasée
par l’avancée de la modernité, la culture populaire, dont le versant de croyances était en
particulier supposé de dissoudre dans le progrès, prend une revanche dans le cadre de ma
mondialisation des médias et des techniques (Chidester 2005).
5. Digitalisation et fantômes, fantômes digitaux ?
A tout le moins, l’histoire des fantômes et spectres apparait d’un bout à l’autre intimement liée
à celle des technologies qui les font apparaitre avec plus ou moins de précision, qui les
maintiennent dans cet espace interstitiel entre le perceptible et le perçu. Mais longtemps ces
technologies ont fonctionné sur le mode du “croire” à travers d’ingénieuses machines à “faire
croire” qui se fondent sur l’illusion et la crédulité (Archives de sciences sociales des religions
2019). Et curieusement (ou pas, d’ailleurs), plus les technologies maitrisant la nouvelle source
d’énergie qu’était l’électricité fraichement découverte, ont été sophistiquées, plus l’ont
également été les machines à saisir le réel (le son, l’image, la température), nourrissant le sens
de l’occulte ou du spectral (Blanco et Peeren 2010). Certes, une véritable “science des spectres”
qui se veut objective mais puise dans les présupposés de la théologie, est déjà en germe du
début du 17e siècle et pose déjà les bases ambivalentes d’une science qui tente de saisir
l’insaisissable (Huot 2003). Mais c’est à l’occasion des premières inventions électriques qui
vont constituer la base de ce qui deviendra ultérieurement la révolution numérique, que les
technologies de plus en plus sophistiquées ont été mises au service d’une recherche de signes
du surnaturel, saisis à travers les images: dès la fondation du cinématographe, c’est un projet
de “cinématographie spirite” qui nait et avec le phonographe, c’est en parallèle l’idée d’en faire
un “nécrophone”, instrument d’enregistrement de voix d’outre-tombe (Baudouin et Berton
2015). Il y a donc dès le départ de la révolution des machines électriques (au 19e siècle) une
évidente affinité entre les technologies de pointe et les représentations pourtant datées du
surnaturel. Certes, les progrès de la pensée des Lumières et du Rationalisme étaient
concomitants d’une double relégation des fantômes dans les espaces les plus “frustres” de la
marche de l’histoire, en l’occurrence les secteurs supposés englués dans la primitivité, i.e. les
cultures populaires d’Occident et les sociétés traditionnelles non-occidentales (Koslofsky
2021). Mais la marche de la technologie à partir du 19e et surtout du 20e siècle aura finalement
procédé d’un mouvement inverse, puisque plus les technologies (scientifiques, industrielles, de
communication et d’image) devenaient sophistiquées, plus elles offraient au contraire des
conditions favorables au retour de la pensée surnaturelle (Szerszynsk 2005).
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 78
Image
Une des très nombreuses images d’orbs disponibles sur Internet, ces cercles lumineux captés exclusivement sur
caméras numériques, et qui relèveraient du surnaturel (fantômes ou anges).
https://co.pinterest.com/pitising/orbs/
Une singularité du mouvement de technologisation de cette phase récente de la
modernité se dégage toutefois de ses formes antérieures: l’expérience immédiate
auparavant saisie par les sens (vue, toucher, ouïe) puis retranscrite via la narration
textuelle a fait plus de place à la narration visuelle, puis à une construction hybride de
la réalité des fantômes qui mélangent les répertoires narratifs et visuels, à travers des
écrans plats via lesquels toutes les formes, scénarisées et narratives (sur écrans de TV),
ou fugaces et “réelles” (sur caméras de surveillance). Si, dans tous les cas, le fantôme
semble conserver ce qui fait sa singularité, i.e., sa complexité et son caractère Janus,
insaisissable, il apparait en effet, dans ses variantes médiatisées, comme une figure
duelle. Celle-ci peut être d’un côté positive, plaisante, récréative qui peuple les écrans
de télévision, de cinéma et des réseaux sociaux qui en ont neutralisé la dangerosité, à
travers des films de “gentils fantômes” ou de spectres qui entendent communiquer avec
les humains (vivants) dans le but de leur transmettre un message positif. Elle peut être
tout autant la figure épouvantable du fantôme mal intentionné et agressif, avec une
manifeste intention de nuire, qui n’est pas nécessairement d’ailleurs son état d’esprit
premier, mais une réaction à l’intrusion des humains dans son périmètre d’existence, i.e.
les lieux qu’il/elle hante. Et ces deux types caractéristiques de fantômes médiatisés
(fabriqués par les technologies de “chasseurs”) et médiatiques (construit dans le cadre
d’industries culturelles) se déploient sur des écrans qui déroulent des récits d’effets de
réalité (pour les premiers) ou de fiction (pour les seconds), et sont subsumés, on l’a vu,
à des cadrages (dans le sens cinématographique et intellectuel du terme).
Il y a donc à l’évidence, mais sans doute pas aussi profondément qu’on pourrait le croire,
une transformation dans “l’écologie des fantômes” qui a été bouleversée donc par les
technologies: la propension de l’humanité à produire des récits et des symboles de hantise, qui
injectent du flou dans la linéarité du temps et dans les catégories du vivant du mort, demeure
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 79
toutefois similaire sur le fond (Mangeot 2002) sauf qu’émerge désormais la figure de fantômes
(encore une fois, médiatisés ou médiatiques) “en réseaux” ou “revenants connectés” pour
emprunter l’expression bien trouvée d’Emmanuel Trouillard (2018).
Pour autant, le cas des chasseurs de fantômes, un répertoire hautement cadré par les
médias s’il en est un, procède d’un effet de réalité à travers la technicité des instruments pour
saisir la présence et les modes d’expression des spectres, et leur saisie sur écran médiatique: ce
qui donne un effet de mise en abyme de l’expérience d’une réalité qui est elle-même
habituellement complexe à saisir à travers les corps, disloquée en quantité de microéléments
(un “mot” entendu ici, une sensation ressentie là, une vision fugace là encore, et ainsi de suite)
tous enregistrés ou du moins enregistrables par un appareil dédié, et que les équipes s’efforcent
d’associer pour (se) convaincre qu’il s’agit bien là de fantômes (et dans ce travail de liens tissés
entre ces différentes “traces”, le contexte historique du lieu d’enregistrement est central,
rappelant que la technologie ne fait pas tout). Mais il faut aussi convaincre le public, car c’est
là l’autre dimension qui fait la singularité du contexte sociotechnologique: les fantômes sont
doublement construits par les techniques qui les totalisent comme entités surnaturelles, en
expérience directe (celle des “chasseurs”) et par les dispositifs scénographiques et de
production audio-visuelle qui les diffusent à un public (celui des spectateurs).
Image
Capture d’image de l’émission américaine GhostAdventures©
https://scaringaaron.tumblr.com/
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 80
6. Un régime ontologique en phase avec son temps?
Que disent finalement ces apparitions de la digitalisation des sociétés? Plus précisément, de
quoi le spectre fantomatique est-il le signe? Une présence fugace, qui apparait par intermittence,
de manière discrète, sur les écrans et qui s’invite avec obstination au cœur de l’écosystème des
technologies digitales doit-t-elle être interprétée en termes de “vieux vins et nouvelles
bouteilles”, en l’occurrence, de permanence de l’imagination de l’existence d’un autre monde
peuplé des principes spirituels de défunts ou d’entités surnaturelles, donc comme un retour du
fantôme, ou comme une réinvention du spectre à travers l’écosystème des nouvelles
technologies? Selon le paradigme “hantologique”, le spectre est toutefois moins fantôme que
signe: il serait traduction, sur le plan symbolique, de métamorphoses de nature politique dans
différentes périodes historiques où ils se manifestent: le fantôme ou spectre, qui apparait dans
l’Antiquité sur des miroirs, se manifeste désormais sur d’autres miroirs, des surfaces
réfléchissant non seulement des images mais aussi des dynamiques sociales et logiques
culturelles de temps troublés dont il est la réflexion (sur miroir social, donc). Il est aussi une
image fugace mais hautement signifiante dans un imaginaire symbolique qui a infusé dans l’art:
car les dernières catégories d’émanations spectrales sont aussi créatives et pas seulement
récréatives, car l’art s’est saisi des technologies digitales pour fabriquer des œuvres
fantomatiques (Chang 2019). Mais si la thèse techno-orientée est intéressante, elle oublie
l’arrière-plan qui est celui d’un retour en force des fantômes, spectres, anges, mais aussi tout
un tas d’autres entités ou phénomènes (OVNIs, créatures cryptologiques, etc.) qui peuplent
l’univers du paranormal, qui non seulement refont surface à l’occasion de l’avancée des
technologies médiatiques et numériques, mais également par le travail idéologique de la culture
populaire, qui, parce qu’elle a finalement absorbé les technologies modernes pour les mettre au
service de ses propres formes et dynamiques d’extension et d’industrialisation de la culture des
masses (Chidester 2005) et a normalisé le statut de ces objets et/ou entités, démultipliant les
possibilités que le paranormal trouve ainsi une fenêtre dans la culture mainstream, les fantômes
sont devenus des attractions spectaculaires dans une économie des maisons hantées (Holloway
et Kneale 2008) et du tourisme paranormal (Drinkwater et al. 2020). Et c’est justement cette
normalisation et cette légitimation culturelle via les technologies qui explique la visibilité
croissante de manifestations spectrales, sur les écrans, au-delà de ces “infrastructures de
l’enchantement” que sont les sites hantés, désormais “chassées” interprétées, retravaillées par
la culture (Holloway 2010).
Il reste que la fugacité a pu être qualifiée comme une sorte d’être-au-monde
particulière qui caractérise le rapport du sujet social hyper ou ultramoderne à son
environnement: un dasein de l’être incomplet, qui occupe le théâtre social et
technologique sans vraiment s’y incarner. Le produit, donc, d’une société du spectacle
à la Debord ou d’une société du simulacre à la Baudrillard, qui a vidé les êtres de leur
substance et des histoires individuelles et collectives lourdes de traumatismes (Ramond
2020). Ce détour par le trauma rappelle d’ailleurs que le fantôme est aussi une
construction psychique dont l’individu a besoin pour gérer ses souffrances indicibles :
mais dans ce cas, la médiation se fait par un corps humain, siège de l’expérience de la
hantise et de la douleur (Tisseron 2006). Or, ce qui caractérise précisément les spectres
sur écrans, ce n’est pas qu’ils sont sans corps, ce qui est le propre de tous les spectres,
mais qu’ils hantent des machines et non des biologies – sauf à l’origine, évidemment,
de l’expérience corporelle du fantôme, par le premier “témoin”.
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 81
7. Quelle singularité, finalement ?
La littérature récente sur les fantômes semble converger autour d’une logique de continuité
historique et ontologique qui traverserait l’ensemble des manifestations quel qu’en soit le
contexte historique, culturel et le support. Si la thèse est fascinante, les variations de formes et
de signification entre le “classique” fantôme des sociétés antiques conté dans les légendes
d’antan, le revenant romantique de la littérature de l’époque victorienne, le double spectral créé
par la technologie rapporté dans les expériences de spirites, ou la référence à une esthétique de
l’absence dans le cinéma moderne (D’Antonio, Schneider, Sempere 2016)… jusqu’à quel point
les phénomènes sont-ils comparables et surtout reliés par une logique de continuité? Et surtout,
faut-il considérer les effets de la révolution numérique comme disruptifs d’une persistance
historique du fantôme, ou au contraire, d’une continuité? Les avis divergent en fait entre les
spécialistes issus du domaine des humanités et des sciences sociales, d’un côté, qui y voient
plutôt une transformation assez significative de fond d’une ancienne figure métaphysique
(Delaplace 2018) et les spécialistes issus du domaine de l’ingénierie technologique, qui sont
enclins à y voir au contraire les ferments d’un surnaturalisme (Thompson 2019). Cheryl
McEwan, voit dans le fantôme, sujet, emblème et métaphore du récit historique de la modernité,
le symbole d’une modernité à rebours d’elle-même, une modernité caractérisée par l’oxymore
d’être à la fois sécularisée et enchantée (McEwan, 2008).… C’est cette même ambivalence que
l’on veut ici souligner, en creusant l’idée de spectralité qui a été ici posée à partir de cas de
fantômes surnaturels en contexte médiatique (les écrans TV) et digital (les écrans de
smartphones). C’est ambivalence similaire sur le fond que l’on retrouve dans les réflexions de
Marshall McLuhan sur le caractère magique des médias
3
et plus encore, dans les
développements de Jean Baudrillard autour de la notion de simulacre comme condition d’une
physicalité désincarnée par l’image mais toutefois matrice de réalité (Baudrillard 1981) qui
offre néanmoins un espace virtuel (au sens large du terme) propice au déploiement des fantômes
(de toute nature) (Thuillier 2011) que ces derniers ont largement investi (Clanton 2012).
A tout le moins, c’est un fait bien établi dans l’histoire et les civilisations que la
spectralité se manifeste dans ce qu’on pourrait nommer après Morin un “régime clignotant”,
des spectres surgissant de manière souvent inattendue, ce qui les décale via des effets de mise
en visibilité à travers les rites et invocations, et les effets de surgissement sporadiques sur une
surface matérielle, à travers des dispositifs sociaux et techniques pour “faire croire”, dont on
aurait pu croire qu’ils disparaitraient avec l’avancée implacable des machineries digitales. Mais
si l’analyse creuse plus loin, on observe un mouvement parallèle entre la sophistication des
technologies et le réinvestissement symbolique dont elles font l’objet. Il a déjà été noté cet
éminent paradoxe que le renouveau des fantômes dans l’imaginaire des sociétés modernes
repose significativement sur les développements des technologies, dans un rapport ambivalent
d’acceptation équivoque d’irrationalisme au cœur du rationalisme, et ce qui valait pour le 19e
siècle “Frayer avec les fantômes, cela pouvait être aussi une manière de jouer la science contre
son versant sèchement rationaliste” (Mangeot 2002, p. 80) vaut aussi pour le haut régime de
digitalisation de l’époque actuelle, où la référence au ghost infuse tous les secteurs de la culture
populaire mondialisée, en particulier ses dimensions techniques (Blanco & Peeren 2010).
De même en régime de haute digitalisation des sociétés, c’est un répertoire scientiste et
technologique qui est mobilisé dans l’interprétation des ghost images.
Pour y revenir, l’hantologie (hauntology) s’est développée comme matrice
d’interprétation métaphorique d’émergence des formes dans la réalité, depuis Derrida, jusqu’à
sa montée en puissance comme nouveau paradigme pour les manifestations de formes sociales
et/ou culturelles ressurgissant du passé: mais s’en tenir à cette approche c’est traiter le spectre
3
Cf. https://mcluhansnewsciences.com/mcluhan/2017/03/the-magical-essence-of-communication/ .
Lionel Obadia
Echo 3, 2021 82
par analogie de second degré (il dit quelque chose de la manière dont il a été construit) plutôt
qu’au premier degré (il dit quelque chose sur le statut indécis de son ontologie) la seconde étant
non réductible à la première, sinon le ghost n’est partout et de tous temps rien d’autre que la
traduction d’autre chose que lui-même. On postule ici qu’il existe, au-delà des tentatives soit
de naturaliser le fantôme qui a une existence et ne fait rien d’autre que de mettre les technologies
à son profit, soit de la sur-contextualisation, en lui ôtant toute existence pour n’en faire qu’un
reflet, une certaine réalité du ghost encore attachée à ses régimes ontologiques anciens qui se
prolongent dans les écrans, mais dans un rapport d’homologie avec une certaine condition de
“flottement” de la réalité en régime hypermoderne: donc reflet et construction de cette réalité,
il est à la fois producteur et produit de la digitalisation. Avec les nouvelles technologies digitales
et l’hypermédiatisation, donc, le mode ontologique d’existence reste celui de la liminalité, qui
est celui du vivant et du monde, de l’ici et de l’au-delà, du scientifique et du magique, mais
passé au prisme d’une technologie digitale qui figure de nouvelles expressions visuelles ou
sensibles du spectre, et surtout, induit de nouvelles modalités de narration hybride (entre science
et magie, Baker et Bader 2014) et de nouvelles modalités de partage fondées sur l’autorité des
acteurs de la digitalisation des spectres (Easton 2019).
Bionote : Lionel Obadia, Ph-D in sociology (1997) has been associate professor in Ethnology
(1998-2004) and is full professor in Anthropology (since 2004) at the University of Lyon,
France, and taught in other French universities (EHESS, EPHE, SciencePo). He has headed the
department of Social Sciences and Humanities at the French Agency for Research (ANR) from
2017 to 2021. He is specialized in anthropology of religion, Asian religions and Globalization,
and nowadays . He has conducted fieldworks in France, Europe (on Buddhism in the West),
Nepal (on Buddhism and Shamanism) and South India. He has published ten books and more
than 150 papers (journal articles and book chapters).
Recapito dell’autore :Lionel.obadia@univ-lyon2.fr
Références bibliographiques
Archives de sciences sociales des religions, “Des techniques pour croire” collectif, 2019, 3 (187).
Baker J.O., Bader C.D. 2014, “A Social Anthropology of Ghosts in Twenty-First-Century America”, in Social
Compass vol. 61 [4], pp. 569-593.
Baudouin P., Berton M. 2015, “Les spectres magnétiques de Thomas Alva Edison. Cinématographie,
phonographie et sciences des fantômes”, in 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze vol. 76.
https://journals.openedition.org/1895/5011#quotation (01.06.2018)
Baudrillard J. 1981, Simulacres et Simulation, Galilée, Paris.
Blake L., Reyes X.A. (eds) 2016, Digital Horror: Haunted Technologies, Network Panic and the Found Footage
Phenomenon, I. B. Tauris & Co, New York and London.
Blanco M.P., Peeren E. 2010, Popular ghosts: The haunted spaces of everyday culture, Continuum, New York.
Bondaz J. 2012, “Un fantôme sur iPhone. Apparition miraculeuse et imagerie mouride au temps du numérique”
in Communication & langages vol. 174 [4], pp. 3-17.
Bonhomme J. 2011, “Les numéros de téléphone portable qui tuent. Épidémiologie culturelle d’une rumeur
transnationale”, in Tracés. Revue de Sciences humaines vol. 21, pp. 125-150.
Bräunlein P.J., Lauser A. 2016, Ghost movies in Southeast Asia and beyond. Narratives, cultural contexts,
audiences, Brill, Leiden.
Brewer P. 2012, “The Trappings of Science: Media Messages, Scientific Authority, and Beliefs About Paranormal
Investigators” in Science Communication vol. 35 [3], pp. 311-333.
Callard C. 2019, Le temps des fantômes. Spectralités de l'âge moderne (XVIe-XVIIe siècle), Fayard, Paris.
Chang V. 2019, “Catching the Ghost: The Digital Gaze of Motion Capture” in Journal of Visual Culture, vol. 18
[3], pp. 305-326.
Écrans fantômes, fantômes d’écrans: dialectique de la fugacité et de la spectralité dans les apparitions
technologiques de "disparus"
Echo 3, 2021 83
Chidester D. 2005, Authentic Fakes: Religion and American Popular Culture, University of California Press,
Berkeley.
Clanton C. 2012, “Hauntology Beyond the Cinema: the Technological Uncanny” in Manycinemas, vol. 03, pp.
66-75. https://d-nb.info/1029920605/34.
D’Antonio F., Schneider C. et Sempère E. (éd.) 2018, Voir des fantômes, Kimé, Paris.
Davis C. 2005, “Hauntology, spectres and phantoms”, in French Studies, vol. 59 [3], pp. 373-379.
Debray R. 2001, Dieu un itinéraire, Odile Jacob, Paris.
Delaplace G. 2018, “Les fantômes sont des choses qui arrivent”, in Terrain, vol. 69, pp.4-23.
Derrida J., 1993, Spectres de Marx, Galilée, Paris.
Dion N. 2014, “De charogne réanimée à séduisante détective : la résiliente humanité du zombie”, in Conserveries
mémorielles vol. 15. https://journals.openedition.org/cm/1802 (10.05.2014).
Drinkwater K., Massullo B., Dagnall N., Laythe B., Boone J., Houran J. 2020, “Understanding Consumer
Enchantment via Paranormal Tourism: Part I – Conceptual Review”, in Cornell Hospitality Quarterly,
pp. 1-21.
Eaton M.A. 2015, “'Give us a Sign of Your Presence': Paranormal Investigation as a Spiritual Practice”, in
Sociology of Religion, vol. 76 [4], pp. 389–412.
Eaton M.A. 2019, “Manifesting Spirits: Paranormal Investigation and the Narrative Development of a Haunting”,
in Journal of Contemporary Ethnography, vol. 48 [2], pp.155-182.
Edelman N. 2006, Histoire de la voyance et du paranormal du XVIIIe siècle à nos jours, Le seuil, Paris.
Escobar A., 1994 “Welcome to Cyberia: Notes on the Anthropology of Cyberculture”, in Current Anthropology,
vol. 35 [3], pp. 211–231.
Fisher M. 2012, “What Is Hauntology?”, in Film Quarterly vol. 66 [1], pp. 16–24.
Georges F. 2019, “La chasse aux fantômes sur YouTube. Approche ethnographique et quali-quantitative des
commentaires des vidéos”, in Communiquer vol. 27, pp. 99-122.
Holloway J. 2010, “Legend-Tripping in Spooky Spaces: Ghost Tourism and Infrastructures of Enchantment” in
Environment and Planning D: Society and Space vol. 28 [4], pp.618-637.
Holloway J., Kneale J. 2018, “Locating haunting: a ghost-hunter’s guide”, in Cultural geographies vol. 15 [3], pp.
297-312.
Huot H. 2003, “Spectres ou pas Spectres : telle était la question”, in Ethnologie française vol. 33 [4], pp. 575-582.
Introvigne M. 1992, Il ritorno della magia. Una sfida per la società e per la Chiesa, Effedieffe, Milano.
Koslofsky C. 2021, “Offshoring the invisible world? American ghosts, witches, and demons in the early
enlightenment”, in Critical Research on Religion vol. 9 [2], pp. 126-141.
Leeder M. (ed.) 2015, Cinematic Ghosts: Haunting and Spectrality from Silent Cinema to the Digital Era,
Bloomsbury Academic, New York.
Luckhurst R. 2002, “The contemporary London Gothic and the limits of the 'spectral turn'”, in Textual Practice,
vol. 16 [3], pp. 527-546.
Mangeot P. 2002, “ Écologie des fantômes”, in Vacarme, vol. 3 [20], pp. 74-80.
McEwan C. 2008, “A Very Modern Ghost: Postcolonialism and the Politics of Enchantment”, in Environment
and Planning D: Society and Space, vol. 26 [1], pp. 29-46.
Natale S. & Pasulka D. (eds.) 2019, Believing in Bits: Digital Media and the Supernatural. Oxford University
Press, Oxford.
Obadia L. 2018, “Orbs, spectres et vidéos. Les métamorphoses techno-symboliques de la figure du fantôme”, in
Schneider C., Sempère E., D'Antonio F. (eds.) Voir des fantômes, Kimé, Paris, pp. 345-356.
Obadia L. 2020 “Moral and financial economics of ‘digital magic’: Explorations of an opening field”, in Social
Compass vol. 67 [4], pp. 534-552.
Ramond C. 2007, “Matérialisme et Hantologie”, in Cités, vol. 30 [2], pp. 53-63.
Rieffel R. 2014, Révolution numérique, révolution culturelle?, Gallimard, Paris.
Rongier S. 2016, Théorie des fantômes pour une archéologie des images, Les belles lettres, Paris.
Szerszynsk B. 2005, Nature, Technology and the Sacred, Wiley, London.
Thompson T. 2019, Posthuman Folklore, University of Mississippi Press, Jackson.
Thuillier G. 2011, “Entre fiction, simulacre et réalité : les avatars de l'espace virtuel”, in Carnets de géographes
vol. 2, mis en ligne le 02 mars 2011, consulté le 23 / 09 / 2020
Tisseron S. 2006, “Quand les revenants et les fantômes hantent le corps”, in Le Journal des psychologues, 2006/5
(n° 238), pp. 55-58.
Trouillard E. 2008, “Fantômes en réseaux”, in Géographie et cultures, vol. 106, pp. 17-34.
Tweedie J. 2018, Moving Pictures, Still Lives: Film, New Media, and the Late Twentieth Century, Oxford
University Press, New York.
Williams K. 2010, “The liveness of ghosts: Haunting and reality TV” in Popular Ghosts: The Haunted Spaces of
Everyday Culture, edited by M.P. Blanco and E. Peeren, Continuum, London, pp. 149-161.
Zernik C. et Zernik E. 2019, L’attrait des fantômes, Yellow Now, Crisnée.