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Journal de la Société des américanistes
107-2 | 2021
107-2
Héctor MEDINA MIRANDA, Los wixaritari. El espacio
compartido y la comunidad
FrédéricSaumade
Éditionélectronique
URL : https://journals.openedition.org/jsa/19929
DOI : 10.4000/jsa.19929
ISSN : 1957-7842
Éditeur
Société des américanistes
Éditionimprimée
Date de publication : 31 décembre 2021
Pagination : 262-270
ISBN : 978-2-902715-17-6
ISSN : 0037-9174
Référenceélectronique
Frédéric Saumade, « Héctor MEDINA MIRANDA, Los wixaritari. El espacio compartido y la comunidad », Journal
de la Société des américanistes [En ligne], 107-2 | 2021, mis en ligne le 02 décembre 2021, consulté le
30 septembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/jsa/19929 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
jsa.19929
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Héctor MEDINA MIRANDA, Los
wixaritari. El espacio compartido y la
comunidad
Frédéric Saumade
RÉFÉRENCE
Héctor MEDINA MIRANDA, Los wixaritari. El espacio compartido y la comunidad, Ciudad de
México, Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social
(CIESAS; Publicaciones de la Casa Chata), 2020, 190 p., bibliogr., photos (en noir et
blanc), cartes, glossaire.
1 À l’heure où certains promoteurs de la vogue perspectiviste, après avoir donné une
autorité ethnographique aux jaguars, voudraient opérer la fusion new age de
l’anthropologue et du chaman, de l’anthropologie et du psychédélisme1, la part
rationaliste qui résiste parmi nous, malgré tout, éprouve un certain réconfort à lire une
monographie des Huichol du Mexique (wixaritari, wixárika au singulier, ethnonyme
vernaculaire) qui échappe au pathos hallucinatoire. Partagé entre anthropologie
historique et ethnographie extensive, ce bref ouvrage se focalise en effet sur une
problématique propre à éclairer, plutôt qu’à embrouiller savamment, la signification
politique d’une culture chamanique et d’un complexe mythico-rituel qui reposent sur
un rapport cosmocentrique au territoire et sur la dialectique conséquente de l’identité
et de l’altérité. Vivant au sud de la Sierra Madre Occidental, les Huichol forment, avec
les Tarahumaras (rarámuri), l’un des deux groupes ethniques ayant mis au centre de
leur appareil rituel, orchestré par de puissants chamans, les visions provoquées par le
peyotl. On sait bien la fascination que cette « tribu d’artistes », comme l’avait qualifiée
dans les années 1930 Robert M. Zingg, a pu provoquer sur les ethnologues qui l’ont
fréquentée, parfois jusqu’à les entraîner dans une exaltation effrénée du
psychédélisme, faisant fi de toute rigueur scientifique. C’est ainsi, par exemple, que de
Héctor Medina Miranda, Los wixaritari. El espacio compartido y la comunidad
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véritables spécialistes des Huichol, Barbara Myerhoff et Peter T. Furst, encouragèrent à
leurs propres dépens l’une des plus grandes escroqueries de l’histoire de la discipline,
celle de Carlos Castaneda, en acceptant de bonne grâce de nourrir les pages qui
devaient conduire le plagiaire sur la route du succès éditorial et, à terme, de la dérive
sectaire.
2 Le livre d’Héctor Medina Miranda, fort heureusement, s’inscrit dans la saine réaction
épistémologique qui caractérise une ethnologie régionale contemporaine foisonnante,
désormais soucieuse de prendre ses distances avec la « légende noire » castanediste. Il
s’agit de cesser de considérer le symbolisme huichol, en dépit de ses atours esthétiques
indéniables, comme une essence envoutante, mais bien comme un médiateur des
rapports complexes entre les différentes communautés wixaritari (définies par une
identité territoriale fondamentalement instable) et le monde extérieur, celui des
teiwarixi (au singulier teiwari ; « voisins », soit métis, blancs, ethnologues et évidemment
touristes2). Mais ce qui distingue l’approche de Medina Miranda – ainsi que celle
d’autres auteurs, telles que Cristina Aguilar Ros ou Séverine Durin – c’est un intérêt
novateur pour les groupes huichol géographiquement décentrés par les processus
migratoires, qui s’efforcent avec obstination de maintenir le système symbolique
propre à leur culture, au cœur d’une vie sociale conditionnée par le contact avec le
monde extérieur. Si Durin et Aguilar Ros se sont intéressées aux Huichol devenus
urbains et à l’exploitation touristique des communautés3, Medina Miranda se penche
sur le cas des communautés restées dans la sierra, dans les États de Durango et de
Nayarit, mais à la marge d’une aire géographique huichol classiquement délimitée à
l’extrémité nord de l’État de Jalisco, autour des trois communautés de San Andrés
Cohamiata Tatei Kie, San Sebastian Teponahuatzlan Huautɨa et Santa Catarina
Cuexcomatitlán Tuapurie. Cependant, loin de constituer des unités urbaines
homogènes, ces trois communautés, qui sont sous la tutelle administrative de la
commune métisse de Mezquitic, répartissent leur habitat entre un village regroupé
autour de l’église, la Casa real du gouvernement traditionnel, le centre cérémoniel
(tukipa), et les maisons affectées aux différentes charges rituelles et aux principaux
hameaux (rancherías, kiekari) dépendant de la communauté, caractéristiques de l’habitat
dispersé, propice aux effets de scission, des Wixaritari.
3 Notre auteur entreprend de révéler, à côté de ces communautés « canoniques » de
Jalisco, l’égal intérêt ethnographique des groupes beaucoup moins connus des États de
Durango et Nayarit, issus de rancherías formées par des familles déplacées, devenues, au
fil du temps, de véritables villages, tels que Bancos de Calítique, Guadalupe Ocotán,
Santa Rosa, ou encore – terrain particulièrement remarquable à notre avis, nous y
reviendrons – les néocommunautés recomposées sur les rives du lac artificiel créé par
le barrage d’Aguamilpa, mis en service en 1993. Ainsi prend-il ses distances avec un
mainstream ethnographique qui tendrait à entretenir, face au « métissage » stigmatisant
de ces néocommunautés, un idéal puriste autour de celles de Jalisco, plus anciennes et
pour cela considérées comme les plus « authentiques » en termes de tradition.
4 En bonne méthode, Medina Miranda s’efforce de reconstituer patiemment, à partir
d’une documentation historique consultée dans les bibliothèques et les archives, les
principes dynamiques qui ont opéré dans une sierra qui a fait l’objet, à l’époque
coloniale, de l’exploitation minière et de missions d’évangélisation, dans un climat de
violence dont la guerre du Mixtón (1541) constitua le climax. L’auteur analyse la
constitution progressive du rapport à l’ethnicité des Wixaritari au sein d’un territoire
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partagé, tant bien que mal, avec plusieurs autres groupes, généralement ennemis, tels
les Cora, les Tepehuanes et les Mexicaneros (descendants nahua des auxilliaires
tlaxcaltèques enrôlés par l’armée espagnole pour mater la révolte de 1541). Il
considère, dans ce processus, le rôle des autorités civiles et religieuses hispaniques,
puis mexicaines, et des oppositions internes, territorialisées, entre des Indiens
cultivant, loin d’une prétendue homogénéité sociologique, des tendances structurelles
aux rivalités de voisinage et à la scission communautariste. Parmi ces groupes, d’abord
indistinctement confondus les uns avec les autres par les autorités coloniales sous le
générique péjoratif, d’origine nahua, de chichimecas (« barbares »), il apparaît d’ailleurs
difficile de reconnaître les Huichol (exonyme hispanique), sinon à travers différentes
appellations, aussi incertaines les unes que les autres, utilisées par les chroniqueurs
des XVIIe et XVIIIe siècles, telles que guachichiles, vizuritas, guisares, bisoritas,
hueitzolmes, huitzoles ou güicholes (p. 54). Sur un document de 1745, on retrouve
cependant l’une des premières mentions de la communauté de San Andrés Cohamiata.
Bien que celle-ci soit considérée aujourd’hui comme l’une des trois plus
« authentiquement indiennes », le simple fait d’avoir été fondée par des franciscains
indique qu’elle résulte d’un regroupement autoritaire de familles que l’on voulait,
comme ailleurs, sédentariser et, selon la tristement célèbre expression coloniale,
« pacifier ». De manière très pertinente, Medina Miranda en conclut que : « desde el
punto de vista indígena, la región wixárika no se piensa como un ámbito exclusivo y homogéneo,
sino como producto y contenedor de las relaciones sociales con diferentes otredades » (p. 56).
5 En dépit d’un socle symbolique remarquablement consensuel, et du cosmocentrisme
obsessionnel que l’on retrouve dans chacune des communautés d’aujourd’hui, la
culture wixárika se caractérise, aussi bien dans la sociologie que dans les mythes et les
rites, par un rapport extrêmement ambigu à l’altérité, à commencer par celle des
teiwarixi, les « voisins », les colons, les envahisseurs, les usurpateurs, qui sont aussi des
personnages dont la puissance transformatrice confine à la dimension divine. « La
transformation, écrit judicieusement Medina Miranda, fait partie, inéluctablement, de
la tradition » (p. 63). C’est pourquoi l’œuvre missionnaire a suscité, comme
l’ethnographie des Huichol ne cesse de le démontrer, un déploiement de projections en
miroir de figures chrétiennes, intégrées dans un appareil rituel propice au « bricolage
intellectuel » lévi-straussien. Ainsi trouve-t-on ici des pistes passionnantes pour mieux
justifier la complexité de l’un des rituels les plus étudiés par les ethnographes, la
célébration de la Semaine sainte, qui intègre un Santo Cristo Teiwari (« saint Christ le
voisin »), dédoublé entre deux figures de crucifiés, Tatata (masculin) et Tanana
(féminin), suivant la classique cosmologie dualiste mésoaméricaine, à qui l’on dédie,
ainsi qu’aux autres divinités mi-chrétiennes (le saint patron), mi-indigènes (les parents
mythiques), le sang de plusieurs dizaines de têtes de bétail bovin. Concernant cet
animal d’origine coloniale, que les Huichol ont intégré aussi bien dans leur économie
que dans leur système symbolique, il faut noter que, dans d’autres publications, Medina
Miranda partage avec l’auteur de ces lignes le souci de mettre en valeur son importance
cardinale, généralement sous-estimée par les auteurs attachés à préserver, dans
l’ethnographie des Wixaritari, une prétendue pureté traditionnelle imperméable aux
influences teiwarixi4.
6 À cet égard, Medina Miranda propose une exégèse des mythes anciens des Huichol, à
partir de laquelle il montre à quel point ces derniers se sont nourris du christianisme
pour l’absorber, le « cannibaliser », si l’on veut en concéder à la mode perspectiviste.
Retrouvant chez les premiers chroniqueurs religieux de la sierra, tels Mota y Escobar
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(1940 [1605]), ou plus récents (Tello 1891 [1653]), la trace d’une légende indigène de
géants morts en tentant d’échapper au déluge universel, il pense qu’il peut s’agir d’une
mythologie partagée dès les origines du contact, où la référence biblique ne fait
qu’agrémenter un récit indigène des origines. Ici, ce sont des ancêtres géants qui
émergent de la mer et du déluge provoqué par la grand-mère croissance (Tatutsi
Nakawe) pour former les cours d’eau de la sierra, soit les chemins de la pérégrination
originelle (p. 59 et suiv.). Ces cours d’eau, qui sillonnent les gorges profondes d’un
paysage à la beauté aride, apparaissent comme des marqueurs territoriaux autour
desquels les communautés se forment et se distinguent. C’est ainsi que la confluence
des trois grandes rivières, le río Jesús María associé aux Cora, le río Grande de Santiago
attaché aux « blancs », teiwari, (car provenant, via le lac sacré de Chapala, du río Lerma,
dont la source se trouve sur l’Altiplano de l’État de Mexico) et le río Chapalagana
(correspondant aux Huichol), forme, pour les Indiens, un lieu sacré. Dans la mythologie
huichol (p. 78-80), elle célèbre le mariage polyandrique des deux groupes indigènes
ennemis et de la belle femme blanche, être multidimensionnel qui est, tour à tour, un
objet de désir sexuel fantasmatique, la Vierge de Guadalupe, emblème du Mexique
métis, et Tanana, le christ féminin dont le sang sacrificiel, en se coagulant, produit
l’argent, substance teiwari devenue vitale, en particulier pour l’entretien d’un appareil
rituel aux tendances somptuaires5.
7 Le serpent emplumé est le curseur mythologique de la confrontation des altérités dans
cette géographie partagée (p. 76), un être hybride dont la nature transformationnelle, à
l’instar des ancêtres géants dont il procède, s’accommode très bien des apports
exogènes, si facilement malléables, du christianisme. Cependant, dans sa brillante
analyse d’un territoire dont la dimension mythologique est systématiquement
rehaussée par le rapport fondamental des Wixaritari à l’altérité blanche, on peut
regretter que Medina Miranda ne pousse pas plus loin l’étude du cas du barrage
hydroélectrique d’Aguamilpa, construit par l’État fédéral précisément sur la confluence
des trois rivières sacrées, où les oratoires et dépositoires d’offrandes ont été
inéluctablement engloutis. Autour de ce plan d’eau, situé sur le territoire de Tepic (État
de Nayarit), se sont installées des communautés qui vivent de la pêche et développent
un tourisme balnéaire et ethnique, dit « écotourisme », avec la vente d’un artisanat
huichol désormais fameux, tout en maintenant la célébration de leurs rites. Mais parce
que le lac reçoit du río Lerma (« la belle femme blanche ») toute la pollution agricole et
industrielle des villes depuis Mexico, ces communautés recomposées sont confrontées à
une grave crise environnementale. Ce dernier fait important n’est pas évoqué par
Medina Miranda, alors que l’on peut imaginer à quel point une analyse
anthropologique lui aurait permis de renforcer encore davantage son plaidoyer pour
les communautés huichol marginalisées de Nayarit et de Durango ; mais probablement
y pensera-t-il pour ses futures publications.
8 Dans une optique dynamiste, Medina Miranda met en exergue, par les données
historiques et ethnographiques, le caractère structurel de l’habitat dispersé, des
migrations saisonnières et du contact. Il s’oppose aussi bien à l’idéalisme puriste
anhistorique de Peter Furst, à la rigidité des districts administratifs auxquels Phil
Weigand (1992) et son disciple Victor Téllez (2011) relient les communautés huichol en
fonction, nous dit Medina Miranda, d’une nécessité d’inspiration conservatrice, qu’à la
projection du concept lévi-straussien de « maison » sur la communauté et le centre
cérémoniel (tukipa) effectuée par Johannes Neurath (2000). Pour Medina Miranda
(p. 138), le tukipa est une personne morale qui n’impose pas d’unité territoriale, dans un
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système de parenté bilatéral permettant aux individus de choisir à quel tukipa ils
préfèrent être affiliés (p. 147). Il réfute également l’analyse de Paul Liffman (2012) qui,
frappé par le pouvoir des mara’akate (chamanes) et par le caractère tyrannique du
système rituel dont ils sont les garants, voit dans les centres cérémoniels une structure
étatique miniaturisée, « État mythique, État sacrificiel, Indian shadow state » (p. 148). À
cet égard, Medina Miranda rejoindrait plutôt Neurath, qui décèle dans le modèle
politique huichol un exemple de « société contre l’État ». En effet, les mara’akate les plus
influents (kawiterutsixi, « ceux qui savent tout »), réunis annuellement en conseil pour
renouveler les varas de mando, en nommant les nouveaux titulaires des charges du
gouvernement traditionnel, suivent un principe particulièrement arbitraire, que nous
qualifierions d’« onirocratie » : ils échangent leurs rêves pour prendre leur décision (ce
qui avait conduit Denis Lemaistre (2003, p. 204) à parler de « manipulation politique du
rêve »). Mais les « gouvernants » ainsi désignés, qui portent des titres hérités de
l’administration coloniale (gobernador, fiscal, teniente, topil, juez, etc.), exercent un
pouvoir essentiellement symbolique, d’ordre rituel, sans aucune autre force coercitive
que celle qu’ils subissent eux-mêmes de la part de la société : l’obligation de s’endetter
jusqu’à se ruiner pour accomplir dignement leur charge tout au long de l’année en
offrant moult sacrifices, banquets, pèlerinages et autres dons rituels. Une telle voie
d’analyse nous semble personnellement d’autant plus pertinente que c’est au vu de
cette étrange conception du politique, sur le terrain de San Andrés Cohamiata Tatei Kie,
que nous avons réalisé la profondeur de la thèse célèbre de Clastres (1974), malgré
toutes les critiques, souvent justifiées, qu’elle a pu recevoir par ailleurs, du fait de son
idéalisme.
9 La structure scissipare de la société wixárika, fondée sur une dynamique de conflits avec
les éleveurs métis « envahisseurs » et entre Huichol eux-mêmes (outre les rivalités
traditionnelles, certains, convertis au protestantisme, refusant d’accomplir les rites
traditionnels et les charges correspondantes, sont exclus et reforment des
communautés ailleurs), rappelle non seulement la Société contre l’État – référence
assumée par Medina Miranda – et le champ des études américanistes, mais encore, au-
delà, les monographies classiques d’Evans-Pritchard sur les Nuer (1940) et de Leach sur
les Kachin de Birmanie (1954). Ici, en l’occurrence, le système du centre cérémoniel et
du gouvernement traditionnel, déjà évoqué, auquel s’ajoute celui des délégations
administratives civiques organisant les travaux d’intérêt général, dont les titulaires
jouent un rôle de médiateurs qui tentent régulièrement d’apaiser les conflits sans
pouvoir prétendre exercer un contrôle sur un secteur territorial donné (p. 148),
facilitent les revendications d’autonomie.
10 Medina Miranda parle à cet égard de « multiterritorialité wixárika » (p. 152), qui réfère
simultanément à une « géographie sacrée », universellement reconnue, fondant la
cardinalité huichol qu’ont décrite tous les ethnographes, depuis l’explorateur
norvégien Carl Lumholtz jusqu’à nos jours6, et un espace communautaire susceptible
d’être recomposé par des scissions, jusques et y compris au sein de villages ou villes
métis. Ainsi qu’il l’observe avec finesse, la pression exercée par les communautés
récentes, grosses rancherías qui se sont dotées de leur propre tukipa et de leur
gouvernement traditionnel, afin de gagner leur indépendance vis-à-vis de la
communauté dont elles procèdent, crée parfois de graves problèmes pour cette
dernière, notamment lorsque son territoire y perd un lieu sacré, ou un centre
cérémoniel majeur. Le cas de figure le plus frappant à cet égard est celui de Santa Rosa
(Nayarit) et de son annexe Santa Bárbara, où se trouve un tukipa considéré comme l’un
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des cinq temples originels, qui dépendait, jusqu’à la scission, de la communauté
« canonique » de San Andrés Cohamiata Tatei Kie (p. 163, 165). Ce tukipa est dénommé
Tatutsi Witse Teiwari (« grand-père faucon le voisin »), et l’on peut juste regretter ici
que Medina Miranda se contente de nous mettre l’eau à la bouche en n’en
approfondissant pas l’analyse, car cette appellation, qui associe la classique
nomenclature de parenté des êtres sacrés, l’oiseau prédateur et l’inévitable voisin
blanc-métis, contient en elle-même tous les paradoxes d’un univers huichol de nature
extensive et englobante. Mais encore une fois, on sent bien que ce livre en appelle
d’autres, tant son approche d’une société déjà tellement ethnographiée se distingue par
son originalité et mérite d’être prolongée.
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NOTES
1. Telle est la proposition formulée par Eduardo Kohn, dans la lignée d’Eduardo
Viveiros de Castro, lors de sa conférence à la Société des américanistes le 15 avril 2021,
intitulée « Une anthropologie anthropophagique : vers une science psychédélique ».
2. Jorge Luis Marín García (2014, p. 121) donne une définition très claire de ce terme :
« Teiwari (pl. Teiwarixi), por su parte, es en principio lo que se reconoce como foráneo, que
proviene del exterior de la cultura wixarika, exceptuando a quienes y lo que proviene de los
grupos indígenas vecinos como los naayerij (coras), audam y o’dam (tepehuanes del sur) o los
mexicaneros, quienes son nombrados por sus etnónimos. Generalmente, teiwari es la forma de
referirse al vecino, el mestizo mexicano, aunque también lo es para extranjeros. En ese sentido,
cuando se hable de teiwari o teiwarixi, nos estaremos refiriendo a personas, prácticas
culturales o cosas cuyo origen es considerado como distinto al del grupo wixarika y que tampoco
tienen su origen en los grupos indígenas más cercanos a ellos ». Toutefois, si cette
formulation synthétise bien le sens de ce concept majeur, aussi bien dans le parler
quotidien (l’anthropologue sur le terrain, paradigme du teiwari, l’entend souvent à son
propos, surtout lorsqu’on lui fait comprendre qu’il n’est pas le bienvenu…) que dans la
cosmogonie (le Christ, par exemple, est classé parmi les saints locaux en tant que Santo
Cristo Teiwari), elle n’a à notre connaissance jamais donné lieu à l’approfondissement
spécifique qu’elle mériterait de la part des anthropologues. Or, lors d’une discussion
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privée, Philippe Erikson nous a fait remarquer que dans le monde colonial hispanique,
le terme de vecino signifiait plutôt « notable » que « voisin » au sens strict du terme. Il
resterait à tester l’hypothèse qui s’ouvre ici, et que semble nourrir, par exemple,
l’assignation de la catégorie de teiwari au Christ, et sur le terrain, la manifeste
ambiguïté qui ressort de la vision wixarika des teiwarixi, tantôt méprisés en tant
qu’envahisseurs insensibles aux particularités de l’univers autochtone, tantôt hyper-
valorisés pour leur puissance, politique et financière notamment.
3. Voir par exemple Durin et Aguilar Ros 2008.
4. Voir Medina Miranda 2006, Saumade 2009.
5. Pour une analyse de ce mythe huichol d’origine de l’argent dans le contexte d’une
cosmologie et d’une alimentation festive structurées par la dualité de l’humide et du
sec, voir Saumade 2013.
6. Cette géographie sacrée relie les quatre points cardinaux, extérieurs au territoire
wixárika, et le centre, par un réseau de lieux sacrés qui structure l’univers : Te’akata au
cœur de la sierra, Huaxamanaca (Cerro Gordo) au nord, Xapawiyemeta au sud, sur les
rives du lac de Chapala, Haramaratsie à l’ouest, sur le littoral de San Blas, et le plus
célèbre internationalement, Wirikuta à l’est, le désert de Real de Catorce (État de San
Luis Potosí), lieu de pèlerinage et de cueillette annuelle du peyotl. En fonction de ce
système cosmologique, le 5 apparaît omniprésent dans la mythologie, le rituel et le
symbolisme huichol en général.
AUTEURS
FRÉDÉRIC SAUMADE
Aix-Marseille université-CNRS, Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et
comparative (IDEMEC)
Héctor Medina Miranda, Los wixaritari. El espacio compartido y la comunidad
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