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Collaboration recherche-pratique autour de situations d’enseignement : comment les dissensus aident à mieux comprendre les pratiques enseignantes

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Dans les recherches collaboratives que nous menons, les situations d’enseignement jouent un rôle central dans la mesure où elles servent de base de discussion entre des personnes enseignantes et chercheures. Or, il arrive que lorsque les personnes chercheures amorcent la discussion en proposant une tâche, elle soit rejetée par les personnes enseignantes. Dans cet article, nous proposons d’étudier plus en profondeur ces cas de rejet. En envisageant la situation d’enseignement sous l’angle d’un objet frontière tel qu’il est entendu par Star et Griesemer (1989), nous analyserons des extraits issus de deux recherches collaboratives dans lesquels des personnes enseignantes rejettent des situations d’enseignement proposées par les chercheurs.
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volume 23
n° 2 | 2021
Collaboration recherche-
pratique autour de situations
d’enseignement: comment
les dissensus aident à mieux
comprendre les pratiques
enseignantes
Claudia Corriveau
Université Laval
Doris Jeannotte
Université du Québec à Montréal
Résumé
Dans les recherches collaboratives que nous menons, les situations
d’enseignement jouent un rôle central dans la mesure où elles servent de
base de discussion entre des personnes enseignantes et chercheures. Or,
il arrive que lorsque les personnes chercheures amorcent la discussion en
proposant une tâche, elle soit rejetée par les personnes enseignantes. Dans
cet article, nous proposons d’étudier plus en profondeur ces cas de rejet.
En envisageant la situation d’enseignement sous l’angle d’un objet frontière
tel qu’il est entendu par Star et Griesemer (1989), nous analyserons
des extraits issus de deux recherches collaboratives dans lesquels des
personnes enseignantes rejettent des situations d’enseignement proposées
par les chercheurs.
Mots-clés
recherche collaborative, objet-frontière, dissensus, situations d’enseignement,
pratique enseignante
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Abstract
Teaching situations play a central role in the collaborative research we
are conducting, serving as a basis for discussion between teachers and
researchers. However, sometimes the tasks proposed by the researchers
are rejected by the teachers. This paper sets out to further investigate
these cases of rejection. Examining the teaching situation from the angle
of a border object as dened by Star and Griesemer (1989), we analyze
excerpts from two collaborative studies in which teachers reject teaching
situations proposed by researchers.
Keywords
collaborative research, boundary object, dissensus, teaching situations,
teaching practice
Resumen
En las investigaciones colaborativas que llevamos a cabo, las situaciones de
enseñanza juegan un papel central en la medida que estas sirven de base
para la discusión entre los profesores y los investigadores. Sin embargo,
sucede que las tareas que se proponen son rechazadas por los profesores.
En este artículo nos proponemos profundizar sobre estos casos de
rechazo. Al considerar la situación de la enseñanza desde el ángulo
de un objeto-frontera tal como la entienden Star y Griesemer (1989),
analizaremos extractos de dos proyectos de investigación colaborativa en
los que los profesores rechazan situaciones de enseñanza propuestas por
los investigadores.
Palabras claves
investigación colaborativa, objeto límite, disenso, situaciones de
enseñanza, práctica de enseñanza
Teacher-researcher collaboration on teaching
situations: How dissensus helps shed light on teaching
practices
Colaboración entre profesores e investigadores en
torno a situaciones de enseñanza: cómo el disenso
ayuda a comprender mejor las prácticas de enseñanza
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1. Introduction
Nos recherches en didactique des mathématiques concernent de près
le personnel enseignant. Qu’il soit question d’éclairer la manière dont on fait
des mathématiques à différents ordres scolaires pour mieux comprendre
les enjeux de transitions (Corriveau, 1993) ou encore de circonscrire
des pratiques d’utilisation du matériel de manipulation au primaire (ex.
Corriveau et Jeannotte, 2019), les personnes enseignantes apparaissent
incontournables pour comprendre, de l’intérieur, ces phénomènes.
Cette implication considérée essentielle des personnes enseignantes a
des conséquences pour l’ensemble de la recherche, notamment sur les choix
méthodologiques. Nos approches s’inscrivent dans le courant des recherches
collaboratives développées au Québec à partir de la n des années1990
(ex.Bednarz, 2013; Desgagné, 1997, 2001). Ce modèle de recherche suppose
la contribution des personnes enseignantes à l’investigation d’un objet de
recherche dans le but notamment de mieux comprendre des aspects de leur
pratique professionnelle (Bednarz2013; Desgagné, 1997).
Dans nos recherches collaboratives, les situations d’enseignement
jouent un rôle central dans la mesure où elles servent de base de discussion
entre les personnes enseignantes et nous (chercheures-didacticiennes).
En recherche collaborative, proposer des situations d’enseignement n’a
pas d’emblée l’objectif d’améliorer la pratique enseignante ni de valider
ou justier ces situations dans leur utilité pratique. Bien entendu, les
personnes chercheures peuvent trouver à ces situations un intérêt
didactique, mais elles sont plutôt l’occasion d’en apprendre davantage
sur la pratique enseignante. Dans plusieurs recherches collaboratives en
didactique des mathématiques, des personnes chercheures ont coélaboré
des situations d’enseignement et ont mis en évidence, à partir de ce travail
conjoint, le rationnel entourant certains choix, des ressources mobilisées,
des interprétations possibles de ces situations, etc. (ex. Barry, 2009;
Bednarz,2013; Corriveau, 2013). Or, il arrive aussi, dans ce contexte, que
lorsque les personnes chercheures amorcent la discussion en proposant
une tâche, elle soit rejetée par les personnes enseignantes.
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L’objectif est ici de montrer qu’à travers ces rejets il est possible d’éclairer
et mieux comprendre des aspects de la pratique enseignante et donc de
s’inscrire tout à fait dans une perspective de recherche collaborative. En
envisageant la situation d’enseignement sous l’angle d’un objet-frontière,
tel qu’il est entendu par Star et Griesemer (1989), nous analyserons
des extraits issus de deux recherches collaboratives dans lesquels des
personnes enseignantes rejettent des situations d’enseignement proposées
par des chercheures.
Dans cet article, nous présentons d’abord le rôle des situations
d’enseignement en recherche collaborative en le comparant à d’autres
types de recherche. Ensuite, nous fondons l’objet situations d’enseignement
à partir du concept d’objet-frontière. Ce faisant, nous conceptualisons la
notion de rejet à partir du concept de dissensus. Puis, nous détaillons, sur
le plan méthodologique, la recherche collaborative en général puis celles
desquelles nous avons puisé deux cas de rejet. Finalement, nous exposons
les résultats de l’analyse de ces cas.
2. Les situations d’enseignement au cœur
de certaines approches de recherche
Nous tentons ici de comprendre le rôle que jouent les situations
d’enseignement dans différentes approches de recherche. Ce travail
conduit à comprendre d’une part, la place de la pratique dans chacune des
approches, mais surtout, à mettre en exergue la possibilité d’un dissensus
dans le cas plus précis de la recherche collaborative.
2.1 Quel rôle jouent les situations d’enseignement
selon les approches de recherche?
En didactique des mathématiques, les ingénieries didactiques, le
collaborative teaching experiment et la recherche collaborative sont toutes
des approches qui exploitent des situations d’enseignement. Par situations
d’enseignement, nous signions tout ce qui est mis en place comme dispositif
permettant à la personne qui enseigne d’exercer sa mission d’enseignement
ou d’évaluation (Toczek, 2009): la tâche soumise aux élèves et tout ce
qui organise les interactions à partir de celle-ci. Dans ces approches de
recherche, on ne s’engage pas dans l’utilisation ou la construction de
situations d’enseignement de la même façon ni pour les mêmes raisons. Un
travail d’éclairage des différents courants de recherche dans lesquels des
situations d’enseignement sont élaborées a été fait par Bednarz (2013) et
Perrin-Glorian (2019). Nous nous appuyons sur leurs travaux.
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2.1.1 Les situations d’enseignement dans les ingénieries
didactiques
L’ingénierie didactique dite classique ou de recherche (IDR) cherche
à mettre à l’épreuve de la classe la construction théorique de situations
d’enseignement (Artigue, 2002). Comme son nom l’indique, cette
méthodologie se rapproche du travail d’une personne ingénieure (Artigue,
1996). Plus particulièrement, l’IDR consiste en la conception et la réalisation
de situations d’enseignement qui reposent sur des analyses a priori et
aposteriori et qui se fondent sur la théorie des situations didactique (TSD)
(Brousseau, 1998). La visée de l’IDR n’est pas nécessairement de faire en sorte
que ces situations soient menées en classe par des personnes enseignantes1
(Bednarz, Poirier, Desgagné et Couture, 2001). Or, leur appropriation par le
personnel enseignant révèle, selon des personnes chercheures, un décalage
entre ce qui a été rééchi, élaboré et fondé en amont en recherche et ce qui
en résulte sur le terrain (ex. Coulange et Grugeon, 2008).
Bednarz (2013) rappelle qu’il y a eu, à cet effet, des efforts de
rapprochement entre l’IDR et le personnel enseignant. Perrin-Glorian
(2011) propose une nouvelle approche, soit les ingénieries didactiques
de développement (IDD), qu’elle élabore dans le cadre de dispositifs de
formation. Toujours inscrites dans la TSD, les situations d’enseignement y
sont alors envisagées sous l’angle de ressources mises à la disposition du
personnel enseignant:
Les diverses descriptions de l’IDD mettent en avant deux
niveaux non indépendants de questionnement et de validation.
Au premier niveau, il s’agit de tester la validité théorique des
situations au plan épistémologique et cognitif et de dégager
les choix essentiels de l’ingénierie […]. Le deuxième niveau
concerne les pratiques ordinaires des enseignants et leurs
possibilités d’évolution en repérant les points sur lesquels ils
ont besoin de soutien, points à prendre en compte dans les
ressources et dans les formations. C’est surtout ce deuxième
niveau qui la distingue de l’ingénierie didactique classique
(Perrin-Glorian, 2019, p.5-6)
Quant à l’ingénierie didactique coopérative (IDC), elle s’éloigne
davantage de l’IDR. S’appuyant sur la théorie de l’activité conjointe en
didactique (Sensevy, Forest, Quilio et Morales, 2013), elle vise l’amélioration
de la pratique. Elle repose sur un partage des responsabilités entre les
1 Les analyses peuvent par exemple conduire à dégager des particularités
des notions mathématiques et ainsi avoir la visée de mieux comprendre des
phénomènes didactiques qui se déroulent dans des conditions comparables à
celles de la classe (Brousseau, 1998).
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personnes chercheures et enseignantes et la production de savoirs
scientiques. Les personnes chercheures et enseignantes s’engagent dans
un processus cyclique d’élaboration conjointe de situations d’enseignement,
qui, à la lumière d’essais en classe, sont améliorées et documentées
(Sensevyetal.,2013).
2.1.2 Les situations d’enseignement dans le collaborative
teaching experiment
Les travaux de Cobb (2000) et de ses collègues (ex. Cobb et
Gravemeijer, 2008) mettent de l’avant l’importance de prendre en compte
l’environnement de la classe dans l’analyse des activités des élèves. À travers
une perspective de l’apprentissage qui allie processus de construction
individuelle et processus d’enculturation2, le collaborative teaching
experiment vise à formuler des modèles psychologiques des processus par
lesquels les élèves transforment leur activité mathématique. Il est essentiel
que ces modèles s’accompagnent d’une documentation de la microculture
de la classe et donc, des situations d’enseignement utilisées. L’objectif
principal de la collaboration entre personnes enseignantes et chercheures
est de développer des interprétations consensuelles et partagées des
situations d’enseignement et de ce qui pourrait se passer (ou de ce qui s’est
passé) en classe (Cobb, 2000). La situation d’enseignement supporte ainsi la
modélisation théorique des apprentissages des élèves.
2.1.3 Les situations d’enseignement dans la recherche
collaborative
La recherche collaborative vise à éclairer un aspect d’une pratique
enseignante et à rapprocher le monde de la recherche de celui de la
pratique (Bednarz, 2013; Desgagné, 1997). Il s’agit de prendre en compte un
savoir professionnel dans la recherche dans l’exploration d’un phénomène
qui concerne le personnel enseignant.
En recherche collaborative, il est question de viabilité (Glasersfeld,
1988) qui renvoie à la construction d’un savoir au carrefour de la diversité
des points de vue (Desgagné, 2001). Il s’agit d’un accord pragmatique (Dionne
et Ouellet, 1990, cité par Desgagné, 2001) dans la mesure où la collaboration
permet à chaque individu de construire une connaissance viable pour lui.
Ainsi, lorsqu’il y a utilisation de situations d’enseignement, celles-ci sont
modiées au croisement d’un savoir viable pour les personnes chercheures
2 Cobb (2000) écrit que la perspective émergente dépasse les approches
exclusivement psychologiques en considérant l’activité mathématique des
élèves comme étant nécessairement située socialement.
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et enseignantes, ce qui est différent d’un consensus (Bednarz et al., 2001).
Par exemple, si comme chercheures nous amorçons une discussion à partir
d’une situation d’enseignement, celle-ci est interprétée par les personnes
enseignantes à la lumière de leur contexte. La situation d’enseignement
n’est pas une nalité de la recherche, mais bien une occasion d’en apprendre
sur la pratique.
En somme, le statut de la situation d’enseignement diffère d’une
approche à l’autre: son objet de développement (ingénieries), un élément
participant à la modélisation d’un processus d’apprentissage (collaborative
teaching experiment) ou une occasion d’en apprendre sur la pratique
enseignante (recherche collaborative). Ce faisant, elles renvoient à
différentes conceptions de la relation enseignants-chercheurs.
2.2 D’une relation de subordination à une résonance
de part et d’autre
La transposition d’une situation d’enseignement élaborée en recherche
vers son utilisation en classe a fait l’objet de plusieurs réexions. En IDR, les
situations d’enseignement élaborées sont expérimentées en classe. Lors de
ces expérimentations, un travail d’analyse se fait sur l’ensemble de ce qui
se passe en classe, donc aussi sur la personne enseignante. Bednarz(2013)
souligne: «[C]es enseignants apparaissent […] comme des partenaires des
expérimentations auxquelles ils acceptent de participer. Mais du point
de vue des situations élaborées, ils n’apparaissent nullement comme des
acteurs clés participant à leur construction et leur conceptualisation
[…]» (p.184). Suivant cette ligne, plusieurs mettent en évidence que
les personnes enseignantes ont peine à réaliser ce que les personnes
chercheures demandent (ex. Coulange et Grugeon, 2008). Comme l’ont déjà
souligné Bednarz et al. (2001), en modiant les situations pensées par les
personnes chercheurs, en les adaptant à leurs manières de faire habituelles
et selon ce qui se passe classe, le personnel enseignant les dénaturerait.
Des enjeux de transposition des situations d’enseignement du monde de
la recherche au monde de la pratique sont alors soulevés et amènent des
questions comme: «quelles seraient les conditions d’une diffusion la plus
dèle possible des situations d’enseignement auprès des enseignants»
(Coulange et Grugeon, 2008, p.10)? Les personnes chercheures préoccupées
par cette transposition des situations d’enseignement à la salle de classe
se centrent donc sur le degré de robustesse des tâches mathématiques
proposées. Une tâche est robuste si, malgré les interventions des personnes
enseignantes, les activités des élèves sont peu différentes des analyses a
priori (Robert,2007).
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L’IDD adopte un autre point de vue et parle plutôt d’«instance de
conversion entre recherche et enseignement» (Mangiante et Perrin-
Glorian, 2017, p. 52). C’est en ce sens que se constitue, selon cette
approche, un groupe dit «restreint» composé de personnes chercheures
et formatrices. L’ingénierie s’élabore et s’évalue dans ce groupe restreint,
mais considère quelques contributions venant des personnes enseignantes
qui, essentiellement, testent les situations (Perrin-Glorian, 2017). Le groupe
restreint travaille donc pour le personnel enseignant:
L’équipe restreinte (chercheurs et formateurs) pilote le
dispositif, élabore des versions provisoires de la ressource, que
les enseignants maîtres formateurs testent eux-mêmes dans
leur classe avant de pouvoir les proposer à des enseignants
de la circonscription qui vont à leur tour les tester dans leur
classe. Ainsi, la conception de ressources est organisée selon
des boucles itératives […] dont le but est de produire des
séquences d’enseignement adaptées, utiles et diffusables dans
l’enseignement ordinaire (Perrin-Glorian, 2019, p.7).
Cette relation entre la théorie et la pratique dans les deux types
d’ingénieries évoquées (sur et pour) n’est pas le rapport mis de l’avant
dans les IDC ou encore dans le collaborative teaching experiment. Dans les
deux cas, on revendique une relation plus égalitaire entre la recherche et
la pratique. Dans les IDC, on mentionne qu’un tel processus suppose de
déconstruire le dualisme classique entre les personnes qui «pensent» et de
celles qui «agissent», étant donné que toutes les personnes participantes
s’impliquent dans un travail conceptuel (Sensevy et al., 2013). En plus de
revoir cette relation, personnes chercheures et enseignantes partagent
la responsabilité de la situation d’enseignement: de l’élaboration des
tâches, des moyens de les mettre en œuvre en classe et éventuellement
des apprentissages des élèves. Un rapport symétrique est revendiqué et
vise à disséminer la division entre conception et exécution. L’IDC favorise
en ce sens l’indiscernabilité pratique et locale des personnes enseignantes
et chercheures (Sensevy et al, 2013). Dans cette perspective, comme
en recherche collaborative, l’idée est de travailler avec les personnes
enseignantes. Mais dans le cas du collaborative teaching experiment et celui
de l’IDC, le but de la collaboration est notamment d’avoir une compréhension
consensuelle des situations d’enseignement.
Dans une approche collaborative, la posture transmissive entre une
personne chercheure considérée comme experte et le personnel enseignant
vu comme utilisant les connaissances est aussi repensée (Bednarz,
2013). Dans cette approche, les rapports sont non hiérarchiques, mais
restent asymétriques dans la mesure les rôles de chacun demeurent.
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Plus encore, ce sont justement les différentes perspectives sur un objet
commun (p.ex.des situations d’enseignement) et les différentes voix qui
sont sollicitées en recherche collaborative. La relation est empreinte de
résonance, qui dans le cadre d’une sociologie de la relation signie que
l’on accepte de se laisser transformer et apprendre de cette ouverture à la
diversité (Rosa,2018).
Pour peu que les chercheurs leur proposent leur propre
interprétation, ils [les enseignants] sont en mesure d’argumenter,
d’opposer une expérience, une interprétation. Ils acceptent ou
refusent les analyses du chercheur. Ces interactions obligent
donc les chercheurs à abandonner le monopole du sens […].
(Bednarz et al., 2001, p.47)
Ainsi, on ne parlera pas de consensus. Au contraire, les dissensus
sont non seulement possibles, mais sont autant de leviers pour mieux
comprendre la perspective des uns et des autres.
Ainsi, les situations d’enseignement ne sont pas xes, bien au
contraire, elles servent de base de discussion, bougent et sont modiées
par les personnes enseignantes. Il arrive aussi que des tâches amenées
comme base de discussion pour coélaborer des situations d’enseignement
soient complètement rejetées, exprimant des manières différentes de voir
les situations et de juger de la pertinence des tâches. Mais qu’arrive-t-il
lorsqu’il y a rejet et que met-il en évidence? Dans le cadre de cet article,
nous nous intéressons au dissensus — par l’entremise de tâches rejetées —
et à son potentiel pour éclairer des aspects de la pratique enseignante. Pour
y arriver, nous nous appuyons sur le concept d’objet-frontière présenté
dans la prochaine section, mais avant, la gure1 synthétise la section2.
Figure 1
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3. Cadre théorique: la situation
d’enseignement vue sous l’angle du
concept d’objet-frontière
Nous abordons la situation d’enseignement par le biais de l’objet
frontière. Ce concept émerge d’une analyse réalisée par Star (1989) et par
Star et Griesemer (1989) dans le monde du travail.
Pour Star (2010), les objets-frontière constituent un arrangement qui
permet à différents groupes de travailler «ensemble». Le terme «frontière»
ne signie pas une délimitation entre deux groupes, mais bien un espace
partagé par des groupes qui doivent (ou veulent) collaborer. L’objet est alors
quelque chose sur et avec lequel les personnes de ces groupes agissent
(Star, 2010). Toutefois, cette collaboration se fait, la plupart du temps, sans
consensus. Star mentionne:
Ma façon d’élaborer le concept au départ a été motivée par
le désir d’analyser la nature du travail coopératif en l’absence
de consensus. […] aujourd’hui, de nombreux modèles de
coopération ont été créés conceptuellement selon l’idée
qu’en premier lieu un consensus doit être obtenu pour que
la coopération puisse commencer. Il m’a semblé […], que ce
modèle axé sur le consensus ne convenait pas. Le consensus
n’était que très rarement obtenu et, quand il l’était, restait très
fragile alors même que la coopération continuait, bien souvent
sans problème (Star, 2010, p.21).
Selon Star, même si l’usage d’un objet-frontière peut être asynchrone, il
nécessite une forme de collaboration. Cette collaboration fait partie intégrante
de l’organisation du travail étudié par Star (1989). Autrement dit, pour qu’un
objet soit frontière, les différents groupes qui en font «usage» n’ont pas à être
ensemble, au même moment, autour de cet objet pour en négocier un sens.
Il s’agit d’un objet concret ou abstrait utilisé par les uns et les autres dans le
cadre respectif de leur travail. En éducation, le programme de formation est
un exemple d’objet-frontière concret. Il est consulté par les directions d’école,
le personnel enseignant, les responsables de formations, etc. Le concept
de difculté scolaire est, quant à lui, un exemple d’objet-frontière abstrait
partagé par des orthopédagogues, le personnel enseignant, les parents, etc.
Le concept de situation d’enseignement tout comme une situation
d’enseignement effective peuvent aussi être vus comme des objets-frontière
(respectivement abstrait et concret) entre des personnes enseignantes
qui en élaborent une certaine progression et les mettent en œuvre pour
faire apprendre, des personnes chercheures qui en conçoivent, en font
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un objet de recherche ou encore les utilisent pour étudier l’apprentissage
d’un concept chez les élèves, etc. En tant qu’objet-frontière, la situation
d’enseignement ou tout autre objet-frontière rend la collaboration
possible entre les deux communautés (de recherche et enseignante). Elle
permet d’éclairer les différences entre les pratiques en recherche et celles
dans l’enseignement. C’est parce qu’il y a différence que certains aspects de
la pratique enseignante deviennent visibles3. Cette différence n’est pas vue
comme un problème, mais comme autant d’observables de cette pratique.
Les objets-frontière décrits dans l’article original de Star et Griesemer
(1989) comportent trois éléments constitutifs et imbriqués que nous
développons à l’instant.
3.1 La exibilité interprétative
La exibilité interprétative signie que l’objet-frontière peut prendre
différents sens selon les usages ou interprétations faites. Lorsque des
personnes enseignantes et chercheures sont ensemble pour discuter ou
élaborer des situations d’enseignement, on imagine bien l’émergence de
différents sens de la situation d’enseignement lors de la discussion.
3.2 La structure des besoins et des arrangements de
la pratique
La exibilité interprétative est nécessairement liée à la manière dont
le travail ou la pratique s’organise pour chacune des communautés qui
collaborent. En effet, ces différences d’interprétation relèvent des différents
points de vue sur l’objet. Star mentionne que ce qui est «important pour
les objets-frontière est la façon dont les pratiques se structurent et la
manière dont le vocabulaire émerge, pour faire des choses ensemble»
(Star,2010, p.19). Ainsi, dans le cas qui nous intéresse, la collaboration
est provoquée (elle est encouragée, mais non essentielle comme ce serait
le cas entre une direction d’école et le corps enseignant). Les personnes
enseignantes et chercheures sont amenées à travailler autour de situations
d’enseignement. Pour la personne enseignante, sa compréhension de
telles situations passe par les contraintes avec lesquelles elle a à composer
et l’apprentissage dont elle a la responsabilité (Desgagné, 2001). Les
productions d’élèves autour de ces situations seront évaluées sur le plan des
3 C’est parce que nous sommes chercheures et que nous nous intéressons à des
aspects de la pratique enseignante que nous cherchons à la rendre visible. Dans
d’autres contextes, une ou les différentes pratiques n’ont pas à être explicites ni
explicités. D’ailleurs, même si nous ne le faisons pas dans le cadre de cet article,
nous pourrions aussi analyser des aspects de notre pratique de chercheures.
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attentes. Pour les personnes chercheures, la visée est différente. En plus
de chercher à mieux comprendre la pratique enseignante, elles pourront
éventuellement aussi vouloir étudier les productions d’élèves autour de ces
situations. Dans ce dernier cas, il pourrait s’agir, par exemple, d’éclairer des
raisonnements d’élèves (Jeannotte et Corriveau, 2020)4.
3.3 La dynamique à l’œuvre entre des usages mal
structurés des objets et d’autres, plus adaptés
Star mentionne que «l’objet [frontière] se situe entre plusieurs mondes
sociaux où il est mal structuré, dans le sens de mal délimité. Lorsqu’il y a
collaboration, l’objet se transforme, passe d’un statut vague à une spécication
plus locale» (Star, 2010, p. 22). Dans la collaboration entre personnes
enseignantes et chercheures autour de situations d’enseignement, la
pratique de chacun des protagonistes mène à différentes interprétations
de la situation d’enseignement et des objets qu’elle comporte. Toutefois,
les différences ne sont pas toujours perceptibles dans la discussion. Elle
nécessite une analyse (in vivo ou a posteriori). Or, la discussion existe malgré
l’absence de consensus autour de la signication de l’objet-frontière. Ce
ou rend la discussion possible. Que l’objet soit faiblement structuré n’est
pas un problème, mais bien une condition essentielle à la collaboration.
Au terme de cette partie, nous pouvons synthétiser les éléments clés
de l’objet-frontière qui permettront de mener nos analyses. D’abord, la
discussion existe malgré l’absence de consensus même s’il y a rejet de la
tâche. Les différences, qui ne sont pas toujours visibles dans le vif de la
collaboration, nous indiquent d’être attentives à ces moments charnières.
Au-delà d’un usage des mêmes mots autour d’objets-frontière, quel est le
sens véhiculé et quelles sont les interprétations (exibilité interprétative)
mises de l’avant? Finalement, comment ces interprétations laissent-elles
percevoir la manière dont le travail des enseignants s’organise?
4. Méthodologie: deux cas tirés de
recherches collaboratives
Telle qu’explicité précédemment, une recherche collaborative néces-
site que des personnes chercheures et praticiennes se rencontrent
pour investiguer et interroger un aspect de la pratique au cœur des
préoccupations du milieu de pratique, mais également problématique
4 Ces analyses menées par le chercheur peuvent être soumises aux enseignants
dans la même idée que les situations d’enseignement, cest-à-dire comme
base de réexion conjointe.
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dans un champ de recherche concerné (Desgagné, 1998). Cette rencontre
s’actualise en une activité réexive, lieu de collecte de données pour les
personnes chercheures et occasion d’effectuer un retour sur leur pratique
pour le personnel enseignant. Dans ce qui suit, nous présentons les deux
recherches collaboratives desquelles sont puisés les cas de rejet et l’activité
réexive mise en place pour chacune.
4.1 Le cas1: une recherche à propos de la transition
secondaire-postsecondaire en mathématiques
Le premier cas est tiré d’une recherche collaborative à propos de
la transition secondaire collégial en mathématiques visant à éclairer le
phénomène du point de vue des manières dont on fait les mathématiques à
chacun des ordres. Les personnes enseignantes des deux ordres sont donc
apparues essentielles pour comprendre les façons dont elles engagent
les élèves dans une activité mathématiques. Comme activité réexive,
nous avons constitué un groupe de réexion sur la transition secondaire-
postsecondaire en mathématiques. L’objectif du travail était de mettre
en lumière la manière dont on fait les mathématiques à chacun de ces
ordres d’enseignement (Corriveau, 2013) et de coconstruire des situations
d’enseignement favorisant une harmonisation. Pour ce faire, des tâches
convoquant des objets mathématiques autant du secondaire que du
collégial, proposées principalement par la chercheure, étaient utilisées.
Trois personnes qui enseignent au secondaire et trois qui enseignent au
collégial ont accepté de participer à la recherche5.
4.2 Le cas2: une recherche à propos des pratiques
enseignantes en mathématiques
Notre second cas est tirée d’une recherche collaborative portant sur les
pratiques enseignantes entourant l’utilisation du matériel de manipulation.
Cette recherche a été amorcée à la demande du milieu scolaire. Nous nous
sommes engagées avec des personnes enseignantes du primaire dans une
réexion conjointe dans le but de circonscrire une pratique d’utilisation
du matériel éclairé par son potentiel sur le plan des raisonnements
mathématiques des élèves (Jeannotte et Corriveau, 2020). Quatre personnes
enseignantes et une conseillère pédagogique (2015) et trois personnes
enseignantes (2018) ont pris part à une activité réexive dans laquelle des
tâches étaient amenées par des enseignants ou les chercheurs dans le but
d’élaborer conjointement des situations d’enseignement à partir de celles-ci.
5 Dans cette recherche collaborative, trois groupes collaborent (enseignants du
secondaire, enseignants du collégial et chercheure).
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4.3 Démarche d’analyse
D’abord, il est important de mentionner que l’idée d’analyser les rejets
est venue après avoir vécu le phénomène. Sur le moment, le rejet de ces
tâches ne nuit pas à la collaboration. Il n’y a pas, en recherche collaborative,
l’intention de convaincre que la tâche doit être faite à tout prix.
La démarche d’analyse s’est déclinée en trois parties: 1)nousavons fait
le repérage de deux moments de rejet dans deux recherches collaboratives
menées. Ce rejet d’une tâche s’exprime de manière explicite par les personnes
enseignantes qui afrment qu’elles ne font pas ou ne feraient pas ce type de
tâche en classe. Le groupe ne s’engage donc pas dans l’élaboration conjointe
d’une situation d’enseignement autour de celle-ci. 2)Nous décrivons le
rationnel entourant le rejet. En mentionnant que la tâche ne correspond
pas à ce qu’ils font ou souhaitent faire avec leurs élèves, les enseignants
évoquent les raisons pratiques de ce rejet. Cette description nous permet
de voir les dynamiques à l’œuvre entre d’autres objets-frontière. Dans le
premier cas, ces objets frontières émergent du dissensus entre les deux
ordres et dans le deuxième, du dissensus entre les personnes enseignantes
et les chercheures. 3)Nousdécrivons ces nouveaux objets-frontière. Cela
nous permet de mettre au jour la façon dont les pratiques se structurent
autour de ceux-ci.
L’interprétation de l’analyse s’est faite selon les trois éléments
constitutifs de l’objet-frontière. Dans le cas 1, l’interprétation permet de
mieux comprendre des aspects de la pratique des enseignants à chacun des
ordres. Dans le cas2, comme le dissensus a besoin d’être contrasté, nous
avons jugé pertinent de mettre en lumière notre rationnel de chercheures
dans la comparaison pour ce niveau d’interprétation. L’objectif est toutefois
de mieux comprendre des aspects de la pratique enseignante. Les résultats
de l’analyse suivent. Au besoin, nous puisons à même les verbatim à titre
illustratif pour appuyer nos propos.
5. Résultats: le rejet de deux tâches
analysées sous l’angle de l’objet frontière
Dans ce qui suit, le choix de la tâche initiale servant de base de
discussion pour la mise en place d’une situation d’enseignement est
présentée pour chaque cas. Nous analysons, en ce qui concerne les objets-
frontière, les extraits dans lesquels les enseignants les rejettent.
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5.1 Analyse du cas1
En vue de la première rencontre, nous avions retenu une tâche
mathématique prise du texte de Coppé, Dorier et Yavuz (2006, p. 50)
comme base de discussion (gure 2).
Figure2
Tâche courbe compatible utilisée comme base de discussion pour le cas1.
Il s’agissait, selon notre perspective de chercheure, d’une tâche
intéressante puisqu’elle ne se situait ni tout à fait au secondaire ni tout à
fait au collégial, mais plutôt à la jonction entre le secondaire et le collégial.
C’était une tâche de transition, elle constituait une occasion, du point de
vue de chercheur, d’amoindrir le fossé entre les deux ordres scolaires.
5.1.1 Ce qui se dégage des discussions suscitées par la tâche
courbe compatible
Lors de la première rencontre, la chercheure présente la tâche aux
personnes enseignantes et leur demande comment elle pourrait être faite
avec leurs élèves. Voici quelques exemples de réactions d’enseignants
du secondaire (prénoms commençant par S) et du collégial (prénoms
commençant par C):
Sam [après s’être rendu compte que la fonction ne peut pas
vraiment être associée à une fonction de base à l’étude au
secondaire]: Ça, c’est quelque chose qu’on fait pas, ça a aucun
sens, ça a aucun lien…
Colette: C’est plutôt l’inverse j’imagine, vous donnez une fonction,
vous demandez de la tracer…
Scott: C’est une question complètement décontextualisée, ce qui
n’est pas souhaitable dans le sens des attentes actuelles.
Serge: Comme enseignant du secondaire, j’aurais pas été
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intéressé par cette question-là, ça vient d’où les points?
Sam: Il faudrait le relier à quelque chose de concret.
[…]
Colette: Travailler avec le tableau de valeurs pour représenter
des fonctions, moi c’est pas quelque chose qui m’intéresse parce
que c’est pas assez global...
L’interprétation de la tâche par les personnes enseignantes les mène
à la rejeter telle que proposée. Elle ne fait pas partie du familier ni au
secondaire ni au collégial. Ce rejet conduit les personnes enseignantes des
deux ordres à expliciter les raisons de leur rejet, et à travers celles-ci des
sens différents à un objet pourtant commun: le tableau de valeurs (nous
y reviendrons). D’un côté, au secondaire, on rejette la tâche parce qu’on
n’a pas accès, par ce tableau de valeurs, à une fonction à l’étude: ex. «Il
n’y a pas assez d’information dans le tableau de valeurs pour reconnaître le
modèle de fonction» (Serge); ou encore parce qu’on ne peut s’appuyer sur un
contexte pour dire si tel modèle fonctionnerait ou non: ex. «Il n’y a pas de
contexte qui permet d’aider [la validation]» (Scott). De l’autre, au collégial, on
ne s’y reconnaît pas non plus parce que le tableau de valeurs ne permet pas
de retracer le comportement d’une fonction: ex. «ce n’est pas assez global»
(Colette).
L’analyse du rejet permet de dégager des aspects de la pratique,
des manières d’utiliser et de donner sens au tableau de valeurs (une
représentation mathématique utilisée aux deux ordres d’enseignement). Les
personnes enseignantes mettent de l’avant ce qui est important dans leur
pratique. Sans le réaliser, elles mettent de l’avant qu’il n’y a pas consensus
autour de son utilisation, ce qui nous permet de voir émerger un nouvel
objet-frontière.
5.1.2 Le tableau de valeurs comme objet-frontière
La exibilité interprétative. Comme nous l’avons mentionné, l’objet-
frontière peut prendre différents sens selon les usages et interprétations
que l’on en fait. Dans le cas illustré ci-dessus, un sens spécique est attribué
au tableau de valeurs par les enseignants de chacun des deux ordres. Les
personnes enseignantes du secondaire interprètent le tableau de valeurs
comme une représentation d’une fonction à l’étude et sont à la recherche du
modèle de fonction qu’il représente en associant le tableau de valeurs à leur
cadre de référence (leur programme). Quant aux personnes enseignantes du
collégial, elles interprètent le tableau de valeurs de manière fort différente,
comme un ensemble de points («ce n’est pas la fonction»): c’est un outil
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pour colliger de l’information, dans ce cas-ci, des points appartenant au
graphique d’une fonction.
La structure des besoins et des arrangements du processus de la
pratique. L’organisation du travail de chacun peut être repérée. D’une part,
les personnes enseignantes du secondaire évoquent les raisons de leur
rejet à partir des circonstances non remplies: le manque d’information pour
reconnaître un modèle et pour connaître le contexte en vue de valider le
modèle. Ils ne peuvent pas mettre en œuvre leur façon de faire usuelle.
D’autre part, elles explicitent un usage du tableau de valeurs qui serait
acceptable selon les arrangements de leur travail (probablement liés à
des exigences institutionnelles): lorsqu’il représente une fonction connue
ou à l’étude (ex. «on peut en avoir des comme ça [sous-entendu des tâches
comme ça], ça va donner une fonction qu’on connaît», Sam).
Les personnes enseignantes du collégial mettent aussi en évidence les
raisons de leur rejet. Le tableau de valeurs ne permet pas de retracer le
comportement de la fonction [référence anonymisée par les NCRÉ]. Or, ce
faisant, elles aussi explicitent les circonstances dans lesquelles le tableau
de valeurs est acceptable selon l’arrangement de leur travail. Par exemple,
lorsqu’on présente de manière intuitive la notion de limite: ex. «On utilise le
tableau de valeurs pour évaluer une limite, pour calculer les valeurs d’images.
Quand on a une fonction qui, pour une valeur, n’est pas dénie: mais qu’est-
ce qui se passe si on s’approche de cette valeur…?» (Corinne).
La dynamique à l’œuvre entre des usages mal structurés des objets
et d’autres, plus adaptés. Le «tableau de valeurs», apparemment commun
pour les enseignants du secondaire et du collégial, se situe entre plusieurs
mondes. Il est faiblement délimité dans la mesure où il donne lieu à
différentes interprétations par les personnes enseignantes. D’une certaine
façon, les arguments évoqués lors du rejet de la tâche éclairent les pratiques
des personnes enseignantes en précisant les façons de faire [référence
anonymisée par les NCRÉ] et la manière dont s’organise le travail, ce pour
chaque ordre d’enseignement. S’il y a dissensus sur le rôle du tableau de
valeur, la communication entre les deux communautés reste possible. C’est
parce que chacune des communautés y reconnaît un objet familier que
celles-ci sont en mesure de discuter. Elles se reconnaissent aussi à travers
le rejet qu’elles en font.
Les raisons du rejet permettent, du point de vue de la recherche, de
mieux comprendre les pratiques d’enseignement usuelles à chacun des
ordres (ici autour de la table de valeurs).
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5.2 Une recherche à propos des pratiques
enseignantes en mathématiques
La tâche Charrière tirée de del Notaro (2011, p.58) porte sur l’iden-
tication de régularités en mathématiques (gure 3). En équipe de deux, les
élèves doivent résoudre la tâche suivante:
Figure3
Tâche Charrière utilisée comme base de discussion pour le cas2.
Les chercheures souhaitent se questionner avec les personnes
enseignantes sur la manière de mener cette tâche en classe avec du matériel.
Pour elles, cette tâche constitue une occasion de favoriser le développement
de raisonnements mathématiques (Corriveau et Jeannotte, 2015). Il n’est
pas nécessaire que les élèves formulent le critère de divisibilité par quatre.
L’idée est de les amener sur un processus de généralisation. La tâche alors
représente un dé nécessaire au regard du développement de raisonnements.
5.2.1 Ce qui se dégage des discussions suscitées par la tâche
Charrière
Il est clair que les personnes enseignantes du primaire ne voient cette
tâche ni pertinente ni réalisable en classe de deuxième ou de troisième
cycle. Ainsi, elles la rejettent: ex. «WÔW, ce n’est pas un problème de
deuxième cycle» (Claire); «Pourquoi je vais aller […] ce n’est pas là-dessus
que je vais passer du temps» (Christophe).
Les personnes enseignantes relèvent les raisons du rejet, notamment la
difculté que pourraient avoir leurs élèves à expliquer leurs raisonnements: ex.
«Oui, mais c’est difcile à exprimer. Quand on demande aux enfants comment
tu y es arrivé» (Charlie). Une deuxième raison du rejet est liée au programme.
Selon Christophe, les critères sont au programme, mais seulel’exploration
des critères de divisibilité par 4 et 8 pourrait être pertinente et accessible.
Voici un nombre auquel il manque deux chires
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Ces raisons évoquées témoignent d’aspects de la pratique et mettent
au jour ce qui est important. Une tâche difcile nécessite une progression
rééchie qui permet de soutenir les élèves. Par exemple,
Charlie: Je commencerais plus petit [sous-entendu, avec un
nombre plus petit], plus facile pour qu’ils vivent une réussite.
Après ça je changerais…
[...]
Claire: Le guidage pour soutenir en cours de tâche, il est
encourageant. Ça permet de valider entre celui qui anime et les
enfants.
Charlie: Oui, ça permet de dire «ah oui!» [en imitant un enfant]
Claire: Il y a des questions qui viennent de temps en temps
soutenir, valider.
La modication proposée met en évidence qu’il est important que les
élèves vivent une réussite, d’accompagner la classe dans la résolution.
Aussi, un second aspect de la pratique mis au jour par le rejet de la tâche
est que le choix des tâches pour favoriser le raisonnement se fait autour de
certains concepts clés dont les critères de divisibilité ne font pas partie. Le
rejet est lié au fait que le critère de divisibilité par quatre ne constitue pas une
occasion de raisonner qui peut être réinvestie pour les autres critères. Les
cahiers d’activités présentent habituellement ceux-ci comme des astuces (à
connaître par cœur), ce qui structure en quelque sorte leur travail:
Christophe: À un moment donné tu dis OK regarde [le critère
pour] 4 c’est le fun, pis moi j’ai un plaisir à faire ça… Il est vrai
qu’outre les critères de 10, 5 et 2 qui sont relativement triviaux,
seuls les critères de 4 et 8 sont [sous-entendu accessible
aux élèves]. […] la façon que c’est présenté [dans les cahiers
d’activités], et là je suis complice de ça, c’est «regarde le truc»
mais ce n’est pas «comprends quelque chose».
5.2.2 Sur le plan des objets-frontière
Ce rejet fait émerger une multitude d’objets-frontière comme
l’intention de la tâche (apprendre un concept vs apprendre à raisonner), les
visées de celle-ci (ex. visée de réussite pour tous vs visée de challenge), les
conceptions de «difcile», les mathématiques en jeu (critères de divisibilités,
concept de divisibilité, processus de raisonnement) qui renvoient à des
interprétations différentes des personnes enseignantes et des chercheures.
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Pour les chercheures, la tâche donne accès à leurs objets de
recherches, c’est-à-dire la manipulation de matériel et les raisonnements
mathématiques des élèves. Les personnes enseignantes, elles, cherchent à
ce que les élèves puissent réussir la tâche et ainsi en évaluent le niveau de
difculté selon la connaissance de leurs élèves.
L’analyse de la exibilité interprétative montre que la façon de
convoquer ces concepts et le sens induit sont complètement différents.
L’interprétation de la tâche par les chercheures met l’accent sur la
compétence déployer un raisonnement mathématique, le contenu étant
pour eux secondaire. Elle est marquée par les écrits scientiques puisqu’il
s’agit de leur objet de recherche. L’interprétation du programme par les
personnes enseignantes est davantage centrée sur les contenus précis et
sur les compétences en lien avec ces contenus. Leur interprétation est
marquée par un document synthèse du programme nommé progression des
apprentissages (MELS, 2009) et par les manuels et les examens ministériels.
Ces interprétations distinctes font apparaître plusieurs objets-frontière de
nature conceptuelle: le raisonnement mathématique, la réussite des élèves,
la difculté d’une tâche, etc.
L’analyse de la structure des besoins et des arrangements du processus
de travail montre que, si les interprétations diffèrent, il ne s’agit pas d’une
simple conception différente. L’interprétation de la tâche et le sens donné
aux concepts révèlent l’organisation du travail de chacun. C’est ce que
montre l’interprétation de l’évaluation de la tâche. Les enseignants sont
souvent amenés à travailler en équipe et enseignent au regard des objectifs
d’évaluation à atteindre qu’ils établissent en commun, tenant compte des
niveaux d’enseignement qui suivent. Cela est moins vrai pour les chercheures
qui, dans les faits, n’évaluent pas les apprentissages des élèves. Pour ceux-
ci, il s’agit moins de s’assurer que la tâche prépare à l’évaluation (comme
c’est le cas pour les enseignants), qu’une occasion d’observer comment les
élèves déploient des raisonnements. Autrement dit, pour les personnes
enseignantes, l’évaluation est un processus négocié (avec d'autres et en
référence aux évaluations institutionnelles) et ne relève pas d’un choix
individuel.
L’analyse de la dynamique à l’œuvre entre des usages mal structurés des
objets et d’autres, plus adaptés. On constate aussi que la constitution des
objets-frontière réside dans le fait que la discussion reste possible, voire
naturelle et familière pour les personnes chercheures et enseignantes
malgré la divergence d’interprétations. Les concepts de raisonnement
mathématique, de réussite, de difculté, etc., font partie d’un territoire
partagé. En effet, dans le déroulement de la discussion, le dissensus n’est
pas manifeste. C’est l’analyse aposteriori qui nous a permis de constater
que les sens qui émergeaient des discussions étaient distincts.
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6. Conclusion
Les dissensus soulevés par les analyses précédentes mettent en
évidence, par le contraste, certains aspects de la pratique enseignante.
Dans le cas 1, le dissensus amène les enseignants de chaque ordre à mieux
structurer chacun des territoires (ex. utilisations locales de tableaux
de valeurs à chaque ordre d’enseignement), menant à une nouvelle
compréhension des enjeux de transition. Ce faisant, de nouveaux objets
frontières apparaissent (ex. table de valeurs).
Dans le cas 2, le dissensus a permis de mieux comprendre comment
les tâches sont choisies pour élaborer une situation d’enseignement. La
situation d’enseignement s’organise selon une certaine progression pour
que chacun des élèves puisse la réussir. Elle sert principalement à enseigner
des concepts en lien avec des compétences précises qui correspondent au
programme et aux manuels tout en préparant aux évaluations.
Ainsi, la situation d’enseignement, comme objet-frontière, amène une
exibilité interprétative. En ce sens, les difcultés liées à la transposition
soulevées par les adeptes des ingénieries didactiques sont inévitables.
En recherche collaborative, elles deviennent des leviers pour mieux
comprendre comment les arrangements du travail se structurent selon les
besoins des enseignants. Ce faisant, elle permet de mieux comprendre la
pratique enseignante.
Sur le plan de la recherche, deux types d’apports sont à mettre en
évidence. D’abord, l’interprétation de la situation d’enseignement comme
un objet-frontière nous dégage d’un objectif de reproductibilité ou de
consensus. En effet, elle renvoie à d’autres objets-frontière, porteurs
de dissensus par dénition, qui nous permettent de mieux comprendre
comment se structurent leurs pratiques professionnelles.
Ensuite, sur le plan méthodologique, proposer des situations
d’enseignement à la limite du familier comme outil planié pour chercher
les dissensus (vu positivement) a le potentiel de faire ressortir ce qui est
signiant pour les enseignants, leurs manières habituelles de faire, le
rationnel et les implicites [référence anonymisée par les NCRÉ]. Ce qui
rappelle en quelque sorte ce que les ethnométhodologues (Garnnkel,
1967) ont nommé la provocation expérimentale6 (voir auteur, 2013). Cela
pose plusieurs questions, dont celle de la construction de tel type de
situations d’enseignement. D’une façon ou d’une autre, c’est-à-dire que le
dissensus soit provoqué ou non, en recherche collaborative, les personnes
6 Breaching experiment.
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chercheures acceptent d’une part, de se laisser transformer et d’autre part,
que les situations d’enseignement résonnent différemment qu’initialement
rééchies.
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Collaboration recherche-pratique autour de situations d’enseignement...
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Article
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This article departs from the results of a research (Del Notaro, on 2010) and suggests describing some phenomena observed in the contingency of the practice of primary teachers, in mathematics. The observation of the effective practices allowed us to bring to light a phenomenon in our doctoral thesis, which we named the saturation of the environment (“saturation du milieu”). We show how this phenomenon constrains the practices and present the way we proceeded and which contributed to bring an end of the confusion. The set up device is to be envisaged as an interaction of knowledge between the experimenter and the pupils: sets of tasks (“jeux de tâches”). We explain besides, how, by an effect of didactic transposition, an apparently opened situation is confined when found in an exercise book for the teachers instead of circulating between the various worlds for which it is nevertheless intended: first of all, the “noosphere” from which it arises, then, that of the school for whom it was conceived, then that of the training which tries to exploit it and finally, that of the research which uses it with the pupils and analyses the effects.
Conference Paper
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In this paper, we explore the use of manipulatives in the classroom to solve an arithmetical task via the concept of affordance. Manipulatives are part of the elementary class culture in different countries, and even if some studies question the efficacy of manipulatives, there seems to have a consensus around the necessity of using it. However, little is known about how mathematics is done with manipulatives. The analysis of pupils' actions helps put to light different affordances of two manipulatives: base-ten blocks and abacus, in a classroom setting where the operations of addition and subtraction are explored with pupils.
Book
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In english below Résumé : L'Ingénierie Didactique pour le Développement et la formation (IDD) décrite en appui sur la théorie des situations (TS), l'Ingénierie Didactique Collaborative (IDC) appuyée sur la TS et la recherche collaborative, et l'Ingénierie Coopérative (IC) appuyée sur la TACD semblent partager beaucoup de caractéristiques. Peut-on en dire plus sur les points communs et différences en lien avec le cadre théorique ? Quelle est l'influence des savoirs en jeu sur cette coopération entre enseignants et chercheurs ? Quelle différence selon qu'elle implique des enseignants et formateurs du primaire, généralistes, ou des professeurs de mathématiques du secondaire ? Telles sont les questions que nous abordons dans cette communication. Abstract. Didactic Engineering for Development and Training (IDD) described in support of the Theory of Didactical Situations (TDS), Collaborative Didactic Engineering (IDC) based on TDS and collaborative research, and Cooperative Engineering (IC) Based on the Joint Action Theory in Didactics (TACD) seem to share a lot of features. Can we say more about the similarities and differences in relation with the theoretical framework used? What is the influence of the knowledge at stake on the cooperation between teachers and researchers? What difference does it make if it involves teachers and trainers in primary school or secondary mathematics teachers? These are the issues we are addressing in this communication.
Conference Paper
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Au primaire, l'apprentissage des concepts doit passer par la manipulation de matériel concret. Voici une phrase type que nous pouvons entendre ou lire régulièrement. En effet, dans le discours professionnel à propos du matériel de manipulation, ce dernier est souvent pris comme nécessaire à l'apprentissage des mathématiques. De plus, on sous-entend que le matériel en soi, peu importe lequel, la manière dont il est utilisé, la tâche qu'il accompagne, mènerait à un meilleur apprentissage. Comme le souligne Ball (1992) ou encore Poirier (1999), le recours au matériel de manipulation n'est pas vraiment remis en question dans l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques. Dans le cadre de ce texte, nous proposons de parcourir les définitions et les conceptions du matériel véhiculées dans la littérature s'adressant aux enseignantes et aux enseignants du primaire. Notre objectif est de mieux comprendre ce discours dans l'idée d'être en mesure de le questionner. Par le biais d'une anasynthèse (Legendre, 2005), nous mettrons en évidence les éléments constitutifs de ce discours.
Article
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À l’occasion d’une recherche centrée sur l’élaboration et la mise en oeuvre d’une séquence d’enseignement en algèbre destinée à des élèves en difficulté (Miranville 2006), nous avons rencontré des difficultés dans la transmission d’une situation d’enseignement pourtant largement diffusée : le « carré bordé » (centrale dans le document d’accompagnement « du numérique au littéral » publié par la Desco en 2007). Nous interrogeons les difficultés rencontrées par l’enseignante dans la mise en oeuvre du scénario tel qu’il était construit par les chercheurs, au regard des marges de manoeuvre qui subsistaient dans les mailles de ce scénario et d’hypothèses sur les routines d’enseignement de l’algèbre instaurées au sein de la classe observée. Ce qui nous renvoie à un questionnement plus général et théorique sur les conditions de diffusion de situations d’enseignement.
Article
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Starting with the analysis of two class sessions, at two grade levels in the same school, in which the same teacher organized the students' work on an exercise in geometry, we present a hypothesis regarding the stability of teaching practice. The students were, respectively, 13-14 and 14-15 years old. The analysis is developed according to a theoretical and methodological process presented in the first part of the article. In the second part, we analyze the two excerpts, proposing the hypothesis that it is in the management of the class, at intervals of from 5 to 10 minutes, that one can find the stability of teaching practice, even if that management is to the possible detriment of students' mathematical work. That hypothesis leads us to define the idea of robustness of mathematical tasks: A robust task is one that resists those modifications in students' task-related activities that are induced by classroom management. RESUMEN A partir del análisis de dos extractos de una clase de un mismo maestro, en dos niveles escolares diferentes en un mismo establecimiento y considerando contenidos cercanos, presentamos una hipótesis sobre la estabilidad de las prácticas docentes. Los análisis se han hecho según una estrategia teórica y metodológica, la que se presenta en la primera parte. La gestión del maestro entre los 5 y 10 minutos, parece reproducirse, en detrimento del trabajo mate-mático eventual de los alumnos: algunas actividades que se habrían podido esperar por parte de los alumnos a través de las tareas propuestas pueden no ser posibles debido al hecho de la estabilidad de la gestión. Esto nos lleva a definir la noción de robustez de tareas inducidas por enunciados matemáticos: la robustez de una tarea se caracteriza por la resistencia a las modificaciones de las actividades de los alumnos asociadas a la tarea, debido a desarrollos poco flexibles de la clase.
Book
Quelle place les enseignants ont-ils dans la recherche liée à la pratique? Solliciter des praticiens en vue d'investiguer certaines questions liées à leur pratique suppose que le chercheur ne pose pas, par son choix d'objet, un regard normatif et extérieur sur ce que font les enseignants, mais qu'il cherche, avec eux, de l'intérieur du contexte dans lequel ils exercent, à comprendre ce qui supporte leur pratique. À travers différents exemples portant sur l'enseignement des mathématiques et des sciences, l'ouvrage fait entrer le lecteur dans cette recherche en train de se faire, et lui fait partager ce regard nouveau sur la pratique enseignante que construisent ensemble les chercheurs et les enseignants.
Article
L’ingénierie didactique est une méthodologie de recherche apparue, en didactique des mathématiques, au début des années 80. Dans cet article, nous revenons d’abord sur les raisons de cette apparition et soulignons les liens de l’ingénierie didactique avec la théorie des situations didactiques. Nous analysons ensuite l’évolution de son rôle dans les recherches en didactique et nous interrogeons sur ses fonctions possibles dans la recherche didactique actuelle.
Article
Objets fronti_re = s'adaptent pour prendre en compte plusieurs points de vue et maintenir une identité entre eux Cet espace de travail se construit grâce à des objets-frontières tels que des systèmes de classification, qui relient entre eux les concepts communs et les rôles sociaux divergents de chaque groupe professionnel. Les objet-frontière contribuent à la stabilité du système de référence en offrant un contexte partagé pour la communication et la coopération. Les objets peuvent être considérés comme frontière (Star et Griesemer, 1989) en tant qu’ils contribuent à la stabilité du système de référence en offrant un contexte partagé pour la communication et la coopération.