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Houda Rebai, Damien Raclot, Abir Ben Slimane, Hédi Ben Ouezdou
Facteurs et dynamique du ravinement dans le bassin versant
de Fidh Ali (Tunisie) de 1952 à 2009
Houda Rebai1, Damien Raclot2, Abir Ben Slimane3 et Hédi Ben
Ouezdou1
1 Laboratoire de Cartographie Géomorphologique, des Milieux, des Environnements
et des Dynamiques, Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, 94, BD du
9 avril 1938, 1007 Tunis, Tunisie; houdarebai@gmail.com
2 LISAH, INRA, IRD, Montpellier SupAgro, Université de Montpellier, France;
damien.raclot@ird.fr.
3Laboratoire de Génie Rural, Institut National de Recherches en Génie Rural, Eaux
et Forêts (INRGREF), Rue Hédi Karray, B.P. N°10, 2080 Ariana. Université de
Carthage, Tunisie; abir.ben.slimane@gmail.com
2
"
.
Abstract - Gullying factors and dynamics in the Fidh Ali catchment
(Tunisia) from 1952 to 2009. In the Mediterranean environment, many
studies tend to confirm the predominant role of gully erosion as the main
source of sediment involved in reservoir siltation. This study aims to
characterize the gullying activity of a Tunisian catchment area characterized
by marly-gypsum soils and a semi-arid Mediterranean climate, and to
identify the factors driving the presence of gullying and its dynamics
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between 1952 and 2009 in such a context. The implemented approach is
based on i) field surveys carried out in 2009, ii) an analysis of the evolution
of gully lengths over more than 50 years based on a history of aerial images,
iii) the exploration of spatial correlations between potential explanatory
factors and the presence or dynamics of gully evolution. The methodology
was conducted in a small Tunisian catchment (Fidh Ali, 2,4 km²). Both slope
and land use were identified as key drivers of gully presence in 2009, while
the evolution of gully length over the entire catchment area was logically
driven by the rainfall regime and in particular by the occurrence of heavy
rainfall events greater than 30 mm. In a context of climate change, these
results can be used to guide the necessary developments aimed at controlling
gully erosion and increasing the life span of reservoirs.
Gully erosion / Gullying factors / Gullying dynamics / Photo-
interpretation / Tunisia
Résumé - Facteurs et dynamique du ravinement dans le bassin versant
de Fidh Ali (Tunisie) de 1952 à 2009. En milieu méditerranéen, de
nombreuses études ont mis en évidence le rôle prépondérant de l’érosion
ravinaire dans l’envasement des retenues. Cette étude vise à caractériser
l’activité de l’érosion ravinaire d’un bassin versant tunisien caractérisé par
un sol marno-gypseux sous climat méditerranéen semi-aride. Elle vise
également à identifier les principaux facteurs expliquant la présence et la
dynamique du ravinement entre 1952 et 2009 dans un tel contexte. La
démarche mise en œuvre repose sur i) des relevés de terrain réalisés en 2009,
ii) une analyse de l’évolution des longueurs des ravins sur plus de 50 ans à
partir de l’interprétation d’un historique d’images aériennes, iii) la recherche
de corrélations spatiales entre des facteurs explicatifs et la présence ou la
dynamique d’évolution du ravinement. Appliquée au bassin versant de Fidh
Ali (2,4 km²), cette démarche a permis de montrer que la répartition des
ravins sur ce bassin est fortement liée à la pente et à l’occupation du sol, et
que la dynamique d’évolution des longueurs de ravins est significativement
corrélée à l’occurrence des pluies journalières supérieures à 30 mm. Dans un
contexte de changement climatique, ces résultats peuvent être mobilisés pour
orienter les aménagements nécessaires visant à contrôler l’érosion ravinaire
et augmenter la durée de vie des ouvrages de mobilisation des eaux de
surface.
Erosion ravinaire / Facteurs du ravinement / Dynamique du
ravinement/ Photo-interprétation / Tunisie
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1. INTRODUCTION
L’érosion ravinaire représente un des plus spectaculaires processus de
dégradation des terres (Valentin et al., 2005 ; Vanmaercke, 2016). Dans la
littérature, ce processus est souvent identifié comme une source
prédominante de sédiments dans les bassins versants méditerranéens (Poesen
et al., 1996 ; 2003 et 2018). Il est rendu responsable de dégâts importants au
sein des versants mais également à l’aval, notamment pour les infrastructures
hydrauliques (Haregeweyn et al., 2012 ; Hentati et al., 2010 ; Menendez-
Duarte et al., 2007).
Devant l’importance de ce processus, de nombreuses études ont recherché
les facteurs favorisant le ravinement, souvent dans le but d’établir des
cartographies de sensibilité à l’érosion ravinaire à partir de relevés de terrain
(Zuidam, 1986) ou par croisement de facteurs (Vandaele et al., 1997 ;
Williams et Morgan, 1976). Une première série d’études a mis en évidence
le rôle décisif de facteurs liés au climat et au contexte biophysique. Sur la
plupart des sols des régions méditerranéennes semi-arides, le ruissellement
se fait majoritairement par dépassement de la capacité d’infiltration. Dès lors
le volume ruisselé dépend surtout de l’intensité des pluies, de la capacité du
sol à l’infiltration et de la surface de l’impluvium (Vandekerckhove et al.,
1998), de la vitesse de l’écoulement de la hauteur de la lame ruisselée, de la
pente et de la rugosité hydraulique. La lithologie, et en particulier la
présence de marne, est un facteur favorisant le ravinement maintes fois cité
dans la littérature (Brahamia, 1993 ; Kirkby et Bull, 2000 ; Kouri et al., 1997
; Moyersns, 2003 ; Poesen et al., 2003 ; Valentin et al., 2005 ; Vanwalleghen
et al., 2005). D’autres facteurs biophysiques comme la topographie (Torri et
Poesen, 2014), la distance à la rivière (Amiri et al., 2019), la structure du sol
(Evans, 1993), la tectonique (Jianrong et al., 2008) et le pendage des
couches (Descroix, 1998 ; Tribak, 2002) ont également été évoqués pour
expliquer l’occurrence de l’érosion ravinaire. D’autres études ont révélé le
rôle important de l’activité humaine dans l’occurrence et l’intensité du
ravinement. Par exemple, Saxton et al. (2012) et Shellberg et al. (2016) ont
montré comment la colonisation européenne a conduit, à travers ses
pratiques de gestion de l’occupation du sol, à déclencher et à amplifier le
ravinement en Australie. Selon Valentin (2004), le développement naturel
des ravins est accéléré par l’intensification des systèmes ruraux qui
appauvrissent le sol en matière organique et réduisent sa stabilité structurale,
ce qui facilite son décapage par les eaux ruisselantes. En diminuant
fortement la capacité d’infiltration de l’eau à cause du tassement du sol par
piétinement ; le surpâturage est également souvent pointé du doigt (Gomez
et al., 2003 ; Nyssen et al., 2004 ; Podwojewski et al., 2002). La
construction d’infrastructures rurales telles les pistes et les routes peuvent
aussi créer, dans certains cas, des conditions favorables aux déclenchements
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des manifestations du ravinement (Nyssen et al., 2004 ; Pœsen et
Vandekerkhove, 2004 ; Vanacker et al., 2003). Des modifications fortes du
milieu comme les incendies de forêt et le déboisement du couvert végétal
peuvent également créer des déséquilibres à l’origine d’un déclenchement ou
d’une accélération du ravinement (Menéndez-Duarte et al., 2007).
La quantification de la dynamique d’évolution des ravins est généralement
menée à travers des analyses rétrospectives. Même si des approches de suivi
ont été tentées en utilisant des piquets (i.e., Roose et al., 2000), le recours à
l’interprétation de photographies aériennes constitue de loin l’approche la
plus répandue pour mener des suivis sur plusieurs décennies (Bouchnak et
al., 2004 ; Daba et al., 2003 ; Gabris et al., 2003 ; Martinez-Casasnovas,
2003 ; Menéndez-Duarte et al., 2007 ; Nachtergaele et Poesen, 1999 ;
Poesen et al., 2003 ; Sfar Falfoul, 1999 ; Vanmaercke et al., 2016). Les
photographies aériennes anciennes sont parfois complétées par le recours à
des images satellitaires à très haute résolution spatiale (i.e., métrique) pour
les dates les plus récentes (Ben Slimane et al., 2018 ; Desprats et al., 2013 ;
Franckl et al., 2013 ; Kropáček et al., 2016 ; Yibeltal et al., 2019). Dans ces
études, le réseau de ravins est généralement digitalisé manuellement sur la
base d’une photo-interprétation des images qui s’appuie sur des critères
d’identification que sont la tonalité et la texture, la forme, l’ombrage, ainsi
que des éléments associés au contexte comme la végétation (Hayas et al.,
2017 ; Kropacek et al., 2016). La finesse du grain des photographies
aériennes ou la résolution infra-métrique des images satellitaires à très haute
résolution spatiale comme Ikonos ou QuickBird rendent ces images
parfaitement adaptées à la détection des ravins individuels de toute taille
(Jones et Keech, 1966 ; Vrieling, 2006). L'analyse de l’évolution du réseau
de ravins se base généralement sur l’évolution de la densité de drainage,
définie comme étant le rapport entre la longueur du réseau hydrographique
(uniquement des ravins dans notre cas) et la superficie de la zone drainée
considérée (Tarboton et al., 1992). Outre le fait que la densité de drainage
est considérée comme un puissant paramètre de synthèse de la répartition et
de l’organisation spatiale du réseau hydrographique (Humbert, 1990 ;
Rodriguez-Iturbe et Escobar, 1982), elle permet de comparer les longueurs
et/ou les évolutions des longueurs des ravines sur des secteurs de superficie
différente (Bouchnak et al., 2004 ; Sfar Felfoul et al., 1999).
Bien que le ravinement dépende d’une combinaison des facteurs qui sont les
mêmes partout, à savoir le climat, la lithologie, la topographie, l’occupation
du sol et le couvert végétal (Morgan, 1986 ; Mukai, 2017 ; Wischmeier et
Smith, 1978), l’importance et le rôle d’un facteur est fortement variable d’un
bassin versant à un autre en fonction des caractéristiques du milieu et des
interactions avec d’autres facteurs tant biophysiques qu’anthropiques. Cette
très forte dépendance de l’activité ravinaire au contexte géographique et
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humain a été clairement mise en évidence dans une étude récente basée sur
l’utilisation d’une technique de traçage des sources de sédiments à partir de
sédiments piégés dans des retenues collinaires en Tunisie (Ben Slimane et
al., 2016). La recherche d’une stratégie de lutte efficace contre l’érosion
ravinaire ne peut donc faire l’impasse d’une étude des facteurs qui prévalent
localement.
Dans ce contexte, l’objectif de cette étude est de caractériser l’activité de
l’érosion ravinaire d’un bassin versant tunisien composé de sols marno-
gypseux sous climat méditerranéen semi-aride, et d’identifier les facteurs
expliquant la présence et la dynamique du ravinement entre 1952 et 2009
dans un tel contexte. La démarche mise en œuvre repose sur i) des relevés
terrain réalisés en 2009 pour cartographier finement les processus de
ravinement actifs à cette date, ii) une analyse de l’évolution des longueurs de
ravines sur plus de 50 ans à partir de l’interprétation d’images aériennes, iii)
la recherche de corrélations spatiales entre des facteurs explicatifs et la
présence ou la dynamique d’évolution du ravinement.
2. MATERIEL ET METHODES
2.1. Le bassin versant de Fidh Ali
Le bassin versant de Fidh Ali (9°34’et 9°35’E, 35°42’et 35°43’N) appartient
au secteur de Khit El Oued situé à 15 km au nord-ouest de la localité de
Haffouz dans le gouvernorat de Kairouan (Figure 1). Il a une superficie de
l’ordre de 240 ha. Ce bassin draine un tributaire qui se jette en rive gauche
dans l’oued Merguellil à 20 km en amont du barrage d’El Haouareb. Le
réseau hydrographique du bassin versant Fidh Ali est d’une forme nettement
radiale avec un éventail plus allongé vers l’amont. L’écoulement y est très
éphémère, et tout le réseau hydrographique peut être considéré comme des
ravins. Ce bassin versant est délimité à son aval par une retenue créée en
1991 avec une capacité initiale d’environ 135000 m3. La digue a cependant
dû être rehaussée vers 2010 car la retenue était complètement comblée
depuis plusieurs années déjà. Un fort réaménagement du bassin a également
eu lieu en 2010 avec l’installation de banquettes anti-érosives sur une bonne
partie du bassin versant afin de limiter l’érosion et augmenter la durée de vie
de la retenue restaurée.
Le bassin versant est délimité au nord-ouest par une série de collines qui
culminent à 470 m. L’altitude minimale est de 360 m soit une dénivellation
de 110 m. C’est un bassin versant peu à modérément pentu étant donné que
70,9 % de la superficie totale présente des pentes très faibles (inférieure à
6°), alors que les pentes moyennes (6-15°) et fortes (>15°) occupent 24,8%
et 4,3 % et se localisent principalement en amont et à proximité immédiate
du lac en rive droite du bassin versant.
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Du point de vue structure, Fidh Ali occupe une petite partie de la voûte
érodée d’un anticlinal orienté nord-est sud-ouest, à flancs dissymétriques, de
quelques 12 à 15 km de large. Les plus forts pendages des couches
géologiques (>10°) sont situés sur le flanc sud-est en rive droite du bassin
versant et les plus faibles, sur le flanc nord-ouest, en rive gauche (Collinet et
al., 2002). Le bassin versant de Fidh Ali s’inscrit uniquement dans les
formations de l’Eocène. Les djebels des limites amont (ouest-sud-ouest) sont
dans les lumachelles, les limites sud se situent dans des inter-stratifications
serrées de bancs calcaires coquilliers assez minces et, plus rarement de grès
et des bancs plus épais d’argiles gypseuses. Le nord-est et l’est du bassin
versant sont plutôt situés sur des bancs de calcaires coquilliers plus épais, à
plus faible pendage et qui forment quelques barres émoussées dans le
paysage. La lithologie du bassin versant est composée essentiellement de
formations marno-gypseuses avec des bancs lumachelliques. L’esquisse
pédologique du bassin versant de Fidh Ali établie par Collinet et al. (2002)
montre que les sols calcimagnésiques bruns calcaires à tendance vertique sur
marnes gypseuses ou calcimagnésiques bruns calcaires modaux sur calcaires
marneux couvrent la quasi-totalité du bassin versant de Fidh Ali.
Le bassin de Fidh Ali se situe dans le sous-étage bioclimatique semi-aride
inférieur, entre les domaines pluviométriques « telliens » au nord qui
présentent des précipitations supérieures à 400 mm et le domaine steppique
au sud au niveau de l’isohyète 150 mm (Collinet et al., 2002). Les données
climatiques provenant du poste pluviométrique d’Oueslatia, situé à 12 km au
nord du bassin versant, révèlent une pluviométrie moyenne annuelle de la
région de 375 mm sur la période 1952-2010 avec une forte variabilité inter-
annuelle.
2.2. Relevés de terrain
Une campagne intensive de terrain a été réalisée en 2009, avant que la
topographie du bassin versant soit fortement perturbée par l’installation des
banquettes anti-érosives. Les relevés ont consisté à cartographier l’ensemble
des ravins et des occupations du sol sur le bassin versant. Les principaux
processus érosifs actifs au sein du réseau de ravins, révélés par l’existence
des têtes et des berges vives récemment taillées, par des plantes déracinées et
des parois en porte-à-faux, ont tout d’abord été identifiés et localisés à l’aide
d’un GPS. Chaque ravin a ensuite été découpé en tronçons chaque fois que
la section transversale du ravin évoluait significativement. Une description
de chaque tronçon de ravin a ensuite été menée. Celle-ci regroupe une
caractérisation du profil longitudinal (régulier, escalier, convexe ou
concave), de la nature de l’affleurement géologique dominant, du modelé
environnant, de la nature et du taux de recouvrement par la végétation du
ravin et d’un profil transversal représentatif. Cette dernière consigne la
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largeur moyenne mesurée à la surface (lit majeur), la profondeur moyenne,
la forme du profil de l’entaille (en V, en trapèze ou en U), le taux de
recouvrement du lit et des deux flancs, la pente moyenne du lit ainsi que la
lithologie dominante.
Figure 1 : a) Localisation du bassin versant Fidh Ali ; b) Vue aérienne du
bassin versant (Images Google Earth ©, 2009) ; c) carte des pentes ; d) carte
de l’occupation des sols.
2.3. Images et pré-traitement
Quatre jeux de photographies aériennes panchromatiques ont été mobilisés
pour cette étude : une mission de 1952 au 1:12500, une mission de 1962 au
1:12500, une mission de 1974 au 1:25000 et une mission de 1989 au
1:50000. Un extrait d’une image multispectrale QuickBird (taille de pixel de
0,61 m) de 2009 récupérée via Google Earth ©, concomitantes avec notre
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recueil de vérité terrain, a été utilisé pour la date la plus récente. Suivant la
méthode décrite dans Rebai et al. (2013), toutes les photographies aériennes
ont été numérisées à une résolution de 1200 dpi en 8 bits (avec 256 niveaux
de gris), géoréférencées et intégrées sous un SIG. Les points GPS acquis sur
le terrain en 2009 ont servi au géoréférencement de l’extrait d’image Google
Earth, qui a ensuite été utilisé comme référence spatiale pour le
géoréférencement des clichés photographiques aériens. N’ayant à disposition
ni modèle numérique de terrain, ni paramètres de calibration des chambres
de prise de vue utilisées pour les campagnes de prises aériennes, la
correction géométrique pour le géoréférencement a été réalisée en appliquant
une transformation polynomiale d’ordre 1 sur les seules parties centrales des
photographies, ce qui permet de limiter les distorsions géométriques induites
par le relief en prise de vue conique des clichés photographiques.
2.4. Les facteurs de ravinement testés
2.4.1. Facteurs de présence des ravins
L’homogénéité de la lithologie du bassin versant a permis de diminuer le
nombre de facteurs à tester. Ainsi, la recherche de facteurs explicatifs de la
présence et l’activité des ravins en 2009 a pu se limiter à la pente et
l’occupation du sol, qui ont été analysées séparément puis conjointement.
Cinq classes de pente (Figure 1c) ont été dérivées des courbes de niveau de
la carte topographique au 1:50000. Les seuils entre les classes ont été choisis
pour couvrir la susceptibilité de déclenchement des mécanismes de l’érosion
(Birot, 1965). L’occupation du sol (Figure 1d) a été déterminée lors des
sorties terrain en 2009. Nous avons regroupé les différentes occupations du
sol en 3 classes : i) les cultures (céréale/légumineuse) souvent associées à de
l’arboriculture sur ce bassin ; ii) les parcours ; iii) les zones très dégradées
constituées de terres incultes et de zones de ravinement généralisé
(badlands). L’interprétation des photographies anciennes montre par ailleurs
que cette occupation du sol n’a pas significativement évolué entre 1952 et
2009.
2.4.2. Facteurs de dynamique du ravinement
L’exploration des facteurs pouvant expliquer la dynamique de ravinement de
1952 à 2009 s’est quant à elle appuyée sur l’établissement de corrélations
linéaires entre un facteur lié au régime de pluie et les taux de progression des
ravins établis pour chaque période délimitée par les dates des images
disponibles, à savoir 1952-1962 ; 1962-1974 ; 1974-1989 et 1989-2009. Les
facteurs liés au régime pluviométrique testés dans l’analyse de corrélation
sont: la hauteur moyenne annuelle des précipitations et le nombre total de
jours de pluies supérieures à 30 mm (Tableau 1).
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Tableau 1 : Pluie moyenne annuelle sur les différentes périodes d’intérêt
dans la région de Fidh Ali (station d’Oueslatia, source DGRE).
Période
Pluie moyenne annuelle
Pluie journalière
> 30 mm / an
1952-1962
346
1,9
1962-1974
424
2,5
1974-1989
383
1,9
1989-2009
450
2,5
2.5. Démarche pour identifier les facteurs explicatifs du ravinement
La première étape de la démarche a consisté à cartographier le réseau de
ravins aux 5 dates de disponibilité des images aériennes, via l’interprétation
de celles-ci et le recours aux relevés de terrain. Réalisée sous SIG, cette
opération a permis de produire une cartographie des tronçons de ravins
stables, des tronçons apparus et des tronçons disparus entre les différentes
dates, et ainsi de dresser un bilan de l’évolution du réseau de drainage entre
1952 et 2009 à travers le suivi de la longueur totale des ravins, de la densité
de drainage et de la position des têtes des ravins. La deuxième étape a
consisté à étudier les relations spatiales entre la présence des ravins en 2009
et les facteurs paysagers que sont la pente et l’occupation du sol. Pour cela,
la distribution spatiale des ravins a été analysée en fonction de chaque
facteur dans un premier temps, puis en fonction de la combinaison de ces
deux facteurs. Enfin, la dernière étape s’est focalisée sur l’analyse du rôle du
climat sur la dynamique spatio-temporelle du ravinement, en élaborant
notamment des corrélations linéaires entre les taux de progression des ravins
et des facteurs liés au régime pluviométrique. Les analyses spatiales ont été
réalisées sous Arcview (Esri) et les analyses statistiques avec le logiciel R (R
Core Team, 2017).
3. RESULTATS
3.1. Observation des processus érosifs actifs en 2009
La cartographie des processus érosifs au sein des ravins du bassin de Fidh
Ali (Figure 2) fait apparaître une très forte activité du ravinement dans ce
bassin. Celle-ci se manifeste sous la forme de divers processus d’érosion
concentrée : sapement de berge, élargissement des berges par érosion
régressive latérale, recul des têtes de ravins par érosion régressive,
creusement de lit provenant de cascades, effondrement des berges par
mouvement de masse. L’activité intense de ces processus a profondément
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marquée le paysage. Les secteurs situés aux pieds des reliefs de la partie
amont du bassin versant sont disséqués par des ravins en forme de gorges
étroites dont la profondeur dépasse souvent cinq mètres. La partie aval au
niveau de la retenue collinaire du bassin versant de Fidh Ali offre des
illustrations de ravins en forme d’auge avec une profondeur de plus de trois
mètres. Des sortes de marmites peuvent être observées un peu partout,
notamment dans le cours moyen de l’affluent rive gauche et au lieu-dit «
Kroumet Amara ». La hauteur de la chute d’eau y est parfois de plus de trois
mètres. Dans la partie amont sud-ouest du bassin versant, la dégradation des
sols est telle que l’on peut y voir une zone de badlands sur une superficie
d’environ 8 ha.
Figure 2 : Cartographie des processus érosifs actifs en 2009 au sein du
réseau de ravins de Fidh Ali.
3.2. Cartographie de la dynamique d’évolution du ravinement
La superposition des cartographies des ravins entre chaque date étudiée
(Figure 3) a permis de mettre en évidence une très forte évolution de la
longueur totale des ravins puisque celle-ci est passée de 20,6 km en 1952 à
35,6 km en 2009, soit une progression moyenne de 262 m par an. Cette
progression peut s’expliquer en partie par une érosion régressive observée
au niveau de très nombreuses têtes de ravins lors des périodes 1952-1962 et
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1962-1974, et surtout par l’apparition de nombreuses ramifications de ravin,
notamment pendant les périodes 1962-1974 et 1989-2009. L’analyse
quantitative des tronçons apparus (Tableau 2) s’est effectuée en distinguant
si l’origine de l’évolution provenait de l’apparition d’une ramification de
ravin ou si elle provenait du recul de la tête d’un tronçon de ravin existant.
Comme le réseau de ravins tend à progresser, la longueur de réseau commun
(inchangé) entre les périodes suit une tendance logique à la hausse au cours
du temps. Le taux annuel de progression de la densité de drainage des ravins,
évalué sur l’ensemble du bassin versant, varie entre 0,66 à 1,33 m/ha/an
selon les périodes. En 2009, la densité de drainage du bassin en 2009 s’élève
à 147,6 m/ha.
Figure 3 : Evolution du réseau de ravins entre 1952 et 2009 au sein du bassin
versant de Fidh Ali.
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Tableau 2 : Evolution de la densité de ravins sur les différentes périodes
d’intérêt au sein du bassin versant de Fidh Ali.
Période
1952-
1962
1962-
1974
1974-
1989
1989-
2009
Réseau commun (m/ha)
81,6
92,1
108,1
119,7
Taux annuel de progression
(m/ha/an)
0,66
1,33
0,78
1,32
Dont - Ramification
0,11
0,86
0,37
0,90
- Recul de tête
0,55
0,47
0,41
0,42
3.3. Facteurs explicatifs de la présence de ravins en 2009
L’analyse de la densité des ravins présents en 2009 montre un accroissement
avec la pente sur la plage allant de 3 à 20° (Tableau 3). Cette tendance à
l'accroissement n’est pas observée pour les pentes au-delà de 20° qui
présentent étrangement une densité de drainage du même ordre que les
secteurs peu pentus (< 6°).
Tableau 3 : Densité de ravins (m/ha) en 2009 en fonction de la pente ou de
l’occupation du sol
Facteur étudié
Densité (m/ha)
Pente (en °)
0-3
138,6
3-6
117,5
6-15
182,7
15-20
258,3
>20
121,2
Occupation du sol
Cultures
(céréales/légumineuses/
arboriculture)
115,4
Parcours
42,4
Badlands et autres zones
dégradées
376,2
La distribution spatiale des ravins en fonction de la combinaison des facteurs
pente et occupation du sol (Tableau 4) montre que les surfaces cultivées et
les terres de parcours dans une moindre mesure sont très fortement
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positionnées sur des pentes inférieures à 15°, alors que les secteurs dégradés
prédominent au niveau des classes de pentes comprises entre 6° et 15°.
Tableau 4 : Densité de ravins (m/ha) en 2009 pour les combinaisons
d’occupation du sol et de pente dépassant 5 ha.
Type d’occupation du sol
Classe de
pente
(en °)
Surface
concernée
(ha)
Densité
(m/ha)
Cultures
(céréales/légumineuses/ arboriculture)
0-3
84,4
98,9
3-6
38,9
105,2
6-15
29,2
122,6
15-20
4,9
-
>20
4,9
-
Parcours
0-3
8,1
23,5
3-6
7,3
11,2
6-15
12,9
56,4
15-20
4,4
-
>20
4,0
-
Badlands et autres zones dégradées
0-3
4,9
-
3-6
6,6
151,1
6-15
13,1
263,7
15-20
13,1
142,7
>20
3,3
-
3.4. Facteurs explicatifs de la dynamique des ravins entre 1952 et 2009
3.4.1. Facteurs pente et occupation du sol considérés séparément
L’analyse de la progression annuelle de la densité de ravins sur la période
1952-2009 en fonction de la pente (Tableau 5) fait apparaître des taux
d'évolution variant entre 0,8 et 2,2 m/ha/an. L’accroissement des longueurs
de ravins augmente avec la pente sur la plage allant de 3 à 20°, avec un taux
de progression globalement proportionnel à la présence des ravins. Au-delà
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de 20°, le taux de progression est de 1,3 m/ha/an alors que la densité de
ravins n’est que de 121,2 m/ha.
Tableau 5 : Taux de progression annuelle de la densité de ravins (en
m/ha/an) sur la période 1952-2009 en fonction de la pente ou de l’occupation
du sol.
3.4.2. Rôle du régime pluviométrique
Pour voir si le régime pluviométrique joue un rôle important dans la
dynamique d’évolution du ravinement, nous avons analysé les corrélations
linéaires entre la progression de la densité de ravinement pour chaque
période d’intérêt et les deux grandeurs suivantes : la moyenne
pluviométrique annuelle (Figure 4a) et le nombre de jour de pluies
supérieures à 30 mm pour chacune des 4 périodes d’intérêt (Figure 4b).
Les résultats montrent que la progression des ravins est corrélée à la pluie
moyenne annuelle (R² = 0,90 ; R²adj = 0,85). Cependant, la statistique étant
établie sur 4 points uniquement, la corrélation ne peut pas être considérée
comme significative au seuil de 5 % (la probabilité critique p-value valant
0,0508, soit très légèrement supérieure à 5 %). Par contre la progression des
ravins est significativement corrélée au nombre d’événements de pluie
supérieurs à 30 mm (R² = 0,98 ; R²adj = 0,97 ; p-value = 0,009).
Pente (en °)
Progression annuelle des
ravins (en m/ha/an)
Pente (en °)
0-3
0,9
3-6
0,8
6-15
1,5
15-20
2,2
>20
1,3
Occupation du sol
Cultures
(céréales/légumineus
es/ arboriculture)
0,8
Parcours
0,8
Badlands et autres
zones dégradées
1,1
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Figure 4 : Corrélation linéaire entre la progression annuelle de la densité de
drainage des ravins sur chaque période d’intérêt (1952-1962 ; 1962-1974 ;
1974-1989 et 1989-2009) et les caractéristiques suivantes du régime
pluviométrique : (a) les pluies moyennes annuelles sur chaque période (b) la
fréquence annuelle des pluies supérieures à 30 mm/j sur chaque période.
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4. DISCUSSION
La forte activité des processus d’érosion observée au sein du bassin versant
de Fidh Ali (Figure 2) s’explique par l’effet conjugué des sols présentant de
fortes teneurs en argiles gonflantes et en gypse, et de l’assise géologique
matérialisée par une intercalation de strates de calcaires lumachelliques de la
formation « Souar ». L’affleurement de bancs de calcaire représente autant
d’obstacles qui contribuent à des points durs dans les ravins à l’origine des
cascades et des creusements locaux. La présence, durant la saison sèche
estivale, de larges fentes de retrait sur les flancs des ravins favorise la
dynamique d’expansion latérale et amont des ravins (Figure 3), selon des
processus décrits par Collinet et Zante (2005). A savoir que si des pluies
intenses surviennent pendant ou juste après la saison sèche, l’effet de gravité
peut conduire à des mouvements de masse délimités par les fentes de retrait
qui n’auraient pas eu le temps de se refermer. L’énergie du ruissellement
capté par les fentes ouvertes peut amplifier ces effets de rupture, générer une
érosion concentrée importante au niveau des parois des fentes ou encore
favoriser la dissolution du gypse pour créer des tunnels de suffosion, ce qui
déstabilise un peu plus les flancs des ravins. Au final, ces phénomènes
d’érosion gravitaire, hydrique et chimique se combinent et donnent lieu à un
recalibrage général et continu des ravins (Bonvallot, 1986) qui entretient, du
fait de la sinuosité des ravins, leur extension latérale.
Dans le bassin de Fidh Ali, le facteur pente semble être un moteur important
de l’action de l’érosion ravinaire puisque son rôle est de premier ordre pour
expliquer aussi bien la présence que la dynamique des ravins. En effet, la
densité des ravins et leur progression progressent toutes deux avec les pentes
sur les secteurs allant de 3 à 20° (Tableau 3 et Tableau 5). La plus faible
présence des ravins sur les secteurs ayant une pente supérieure à 20°
s’explique probablement par le fait que ces pentes fortes sont présentes
surtout en tête de bassin, là où le ruissellement n’a pas encore eu le temps de
se concentrer. Cependant on constate que la progression des ravins est rapide
sur ces secteurs (Tableau 5), ce qui est inquiétant car cela traduit le fait que
le ravinement est en train de conquérir ces zones de fortes pentes.
L’occupation du sol joue également un rôle dans la différenciation spatiale
de l’activité ravinaire. Ainsi, les terres dégradées sont assez logiquement le
siège d’un ravinement plus élevé que les terres cultivées ou de parcours
(Tableau 5). L’analyse croisée du rôle de ces deux facteurs révèle cependant
que le rôle de l’occupation du sol dans l’explication de la différenciation
spatiale du ravinement est moins marqué que celui de la pente, et que
l’occupation du sol ne joue pas un rôle majeur dans la progression du
ravinement (Tableau 4).
Au final, c’est donc essentiellement la pente qui explique la dynamique de
progression du ravinement sur le bassin étudié. Ce résultat est cohérent avec
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l’idée générale connue qui considère que l’intensité de l’érosion concentrée
augmente lorsque la pente augmente (Franck 1954 in Roose 1994). Il est
également conforme aux résultats trouvés par Mlaouhi (2001) et Falfoul et
al., (1999) dans des bassins versants ayant des caractéristiques très proches
de celles du site étudié.
Par ailleurs, nos résultats (Tableau 5) montrent que la progression annuelle
des ravins est identique dans les terres de parcours que dans les terres
cultivées (0,8 m/ha/an), ce qui sous-entend que les deux occupations du sol
sont devenues aussi sensibles l’une que l’autre à l’érosion ravinaire.
Cependant, nous avons pu montrer que la présence de ravins dans les zones
de parcours est bien moindre que dans les terres cultivées (Tableau 3), ce qui
veut dire que les parcours étaient auparavant moins sensibles que les terres
cultivées à l’apparition de ravines. Deux explications sont possibles pour
expliquer ce changement de constat. La première serait une augmentation
progressive de la pression de pâturage qui a conduit à rendre aussi sensibles
à l’érosion ravinaire les terres de parcours que les terres cultivées. La
seconde serait, à l’inverse, une modification récente des pratiques culturales
(ex : sens et type de labour) qui tendraient à limiter la progression du
ravinement dans les terres cultivées pour les ramener au niveau de celles des
parcours. La réalité se trouve peut-être entre les deux. Des enquêtes devront
être entreprises afin d’essayer d’expliquer ces changements de sensibilité à
l’érosion ravinaire.
Enfin, notre analyse rétrospective sur près de 60 ans montre que la
progression de la densité de ravinement est significativement corrélée au
nombre d’événements de pluie supérieurs à 30 mm (Figure 4b). Ce résultat
est cohérent avec le fait que l’érosion est produite majoritairement au cours
de quelques événements importants (González-Hidalgo et al., 2007).
L’implication de l’occurrence des fortes pluies dans la dynamique du
ravinement a été également démontrée par Ben Ouezdou et al., (1991) au
niveau des oueds er-Roni et er-Richihi au centre de Tunisie (région de
Meknassy), par Mlaouhi (2001) dans les bassins versants de Redjel et Maiz
ou par Bouchenak et al., (2004) dans les bassins versants des oueds El
Hammam et Rmel.
Les résultats obtenus dans cette étude sont importants puisqu’on nous prédit
que le changement climatique en Méditerranée va conduire à une
augmentation de la fréquence des événements de pluie intense (Polade et al.,
2017). Il est donc urgent de mettre en place des aménagements de lutte
contre l’érosion, notamment ravinaire, afin de préserver les ressources en sol
et les capacités de mobilisation en eau des retenues collinaires. En
contribuant à une meilleure compréhension des facteurs explicatifs de
l’érosion ravinaire, cette étude donne des éléments tangibles pour orienter les
secteurs à protéger prioritairement dans des contextes similaires à celui du
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bassin étudié. Des études similaires doivent être menées dans des contextes
biophysiques et anthropiques différents afin d’identifier si la hiérarchie des
facteurs peut changer en fonction des contextes.
5. CONCLUSION
L’objectif de cette étude était l’analyse des facteurs susceptibles d’expliquer
la présence et la dynamique du ravinement dans le bassin versant de Fidh
Ali, bassin présentant une lithologie homogène avec de fortes teneurs en
argiles gonflantes et en gypse. Les résultats ont montré que la pente et
l’occupation du sol constituaient des facteurs importants pour expliquer la
variabilité de la présence des ravins au sein du bassin versant. La présence
de ravins croit avec la pente, et les zones cultivées ont 3 fois plus de ravins
que les zones de parcours. La progression des ravins dans le temps semble
par contre peu liée à l’occupation du sol, alors que la pente semble à
nouveau jouer un rôle majeur. Les résultats ont également montré que
l’évolution du ravinement sur l’ensemble du bassin versant était logiquement
pilotée par le régime des pluies, et notamment par l’occurrence des pluies
intenses. La cartographie des zones à fort risque de ravinement s’intègre
dans une perspective dont les retombées opérationnelles sont de nature
socio-économique en lien avec l’orientation des stratégies anti-érosives pour
protéger les infrastructures hydrauliques (lac) et les terres agricoles.
L’identification des facteurs de présence et de dynamique du ravinement
peut également servir pour extrapoler le risque dans d’autres bassins du
Maghreb, ou encore dans des études relatives à l’impact du changement
climatique. Une autre retombée possible réside dans l’aide au
développement de modèles de prédiction spatialisée de l’érosion intégrant
mieux les processus d’érosion par ravinement.
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