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Stéphanie LADEL
année 2020-2021
Addictions et ETP
Là où on espère le patient-acteur
Quel intérêt pour l’éducation thérapeutique
de la part des personnes souhaitant
stopper ou diminuer leur consommation ?
Diplôme Universitaire en Education Thérapeutique du Patient
Responsable du Diplôme Universitaire : Pr Aleth PERDRIGER
Directeur de Mémoire : Annabelle ROULIN
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
SOMMAIRE
Introduction ……………………………………………………………………….………………. 4
1. Où est donc le patient acteur ? ……………………………………………………………. 6
1.1. L’addiction, sa chronicité et l’objectif de rémission ……………………………………….. 6
1.2. Processus addictif, circuits neurocérébraux et allostasie ………...……………………… 6
1.3. Au quotidien : récompense versus volonté ………………………………………………… 8
1.4. Perte de contrôle et sentiment d’inefficacité personnelle ………………………………… 9
1.5. Quand l’implication du malade n’a jamais été aussi attendue ………………………….. 10
1.6. Et l’éducation thérapeutique fut ? ………………………………………………………….. 12
1.7. Comprendre ce qu’il comprend …………………………………………………………….. 14
2. Analyser l’intérêt pour l’ETP …………………………………………………………..…. 15
2.1. Ce que je n’ai pas pu faire, et pourquoi …………………………………………………… 15
2.2. Construction d’un questionnaire en ligne ……………………………………………….…. 16
2.3. Démarchage et caractéristiques des répondants potentiels …………………………….. 18
2.4. Extraction et analyse des éléments d’étude ……………………………………………… 21
3. Résultats de l’étude ………………………………………………………………………..… 22
3.1. Participants ………………………………………………………………………………….… 22
3.2. Résultats du tri à plat ………………………………………………………………………… 22
3.2.1. Taux par objectif visé ………………………………………………………………………. 23
3.2.2. Taux par frein principal ressenti ………………………………………………………….. 23
3.2.3. Autres taux, et perspectives qu’offrent leurs écarts …………………………………….. 24
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
3.3. Résultats du tri croisé ……………………………………………………………………….. 24
3.3.1. De la propension à avoir un certain type d’objectif …………………………………….. 25
3.3.2. De la propension à avoir un certain frein principal ressenti …………………………… 26
3.3.3. De la propension à se faire aider par des professionnels du soin pour son objectif .. 27
3.3.4. De la propension à présupposer l’approche en ETP efficace pour son objectif …….. 28
3.3.5. De la propension à avoir déjà participé à un parcours ETP …………………………… 29
3.3.6. De la propension à apprécier l’idée de participer à un parcours ETP pour son objectif . 30
3.3.7. Profils favorables ou défavorables à l’éducation thérapeutique du patient ………….. 31
4. Discussion : quand celui qui agit attend ……………..………………………………….. 32
4.1. Bonheurs et malheurs de cette recherche ………………………………………………… 32
4.1.1. Des personnes plus actrices de leurs parcours de santé qu’on ne le croit ………….. 33
4.1.2. L’ETP, un accompagnement thérapeutique perçu comme particulièrement intéressant .. 34
4.2. A la rencontre des attentes ………………………………………………………………….. 34
4.3. Soixante-dix pour cent (ont les yeux qui brillent) …………………………………………. 35
4.4. L’ETP comme motivation et porte d’entrée dans le soin …………………………………. 36
Conclusion ………………………………………………………………………………………… 38
Bibliographie ……………………………………………………………………………………… 41
Annexes ……………………………………………………………………………………………. 43
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Introduction
L’univers des addictions est passionnant.
Il met facilement en échec médecins, professionnels paramédicaux, psychologues et
travailleurs sociaux. L’approche par intervention brève est apparue en 2005 en alcoologie ,
1
puis a été inscrite au plan gouvernemental 2013-2017 de lutte contre les drogues et les
conduites addictives . Beaucoup est fait pour former les professionnels du soin aux outils de
2
repérage précoce et d’intervention brève (RPIB) afin de favoriser l’entrée de cette
problématique dans la relation thérapeutique, mais les addictions restent une sorte de
triangle des Bermudes que certains préfèrent ne même pas aborder.
D’autres vont s’y perdre, à ne pas comprendre pourquoi la personne concernée continue de
ne pas prendre soin d’elle.
De mon côté, très jeune, je suis entrée en formation d’assistant social. C’était le métier que
j’avais choisi entre tous. Mon souhait : aider les gens, et m’occuper de situations
suffisamment complexes pour ne jamais m’ennuyer.
A l’époque, je n’avais pas entendu parler de l’addictologie, discipline très récente à
l’approche bio-psycho-sociale. Dr Aviel GOODMAN avait pourtant défini l’addiction sept ans
3
plus tôt, de manière brillante : « un processus dans lequel est réalisé un comportement qui
peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et de soulager un malaise et qui se caractérise
par l’échec répété de son contrôle et sa persistance en dépit des conséquences négatives ».
L’alcoologie, la tabacologie et l’intervention en toxicomanie pouvaient alors ne faire plus
qu’un. Les addictions comportementales et alimentaires mettront plus de temps à être vues
comme telles sur les plans clinique et épidémiologique, mais la lecture transversale de ces
manifestations diverses d’un même processus piégeux était là, terreau d’une approche
nouvelle qui réunit très vite ceux qui voulaient ne pas rester dépassés, médecins,
paramédicaux, psychologues, travailleurs sociaux, et personnes directement concernées.
Tout au long de ma vie personnelle et professionnelle, j’ai été confrontée aux difficultés
d’aider les personnes fragilisées par l’addiction. En 2014, alors que j’étais en pratique
libérale depuis peu, me sont venus la formule « qui peut le plus, peut le moins » et l’objectif
4
d’aider plus adéquatement ceux qui semblent les moins enclins à « se faire aider ».
HUAS Dominique, RUEFF Bernard. «!Abord clinique des malades de l’alcool en médecine générale!». 1
Abord Clinique. 2005
Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. «!Plan gouvernemental
2
2013-2017 de lutte contre les drogues et les conduites addictives!». 2013
GOODMAN Aviel. «!Addiction!: definition and implications!». British Journal of Addiction. 19903
Aristote. «!Le traité du ciel!». IVe s. av. J.-C.
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J’ai alors postulé à l’entrée en formation permettant d’accéder au Diplôme Inter-Universitaire
en addictologie de la Faculté de Médecine de Lyon. Pour la promotion 2014-2015, ce fut
raté, ma lettre de motivation n’ayant pas été traitée. Mais j’étais motivée ! Ayant postulé une
nouvelle fois, je me suis formée l’année suivante et suis devenue addictologue.
J’aime cette discipline, car elle est récente et a encore la modestie de celui qui s’avoue
tâtonnant, découvrant, s’étant trompé, et supposant qu’il sera remis en cause un jour pour
une meilleure approche encore. Et elle me semble intelligente. Circonscrite, elle
transversalise pourtant ce qui était saucissonné. Elle fait appel à la clinique et à l’analyse
complexe (micro-meso-macro, bio-psycho-sociale). Grâce à elle des liens inédits sont faits,
elle se vérifie d’ailleurs en neuro-imagerie. Elle peut être pratiquée indifféremment par un
professionnel de santé, un psychologue ou un travailleur social, et nivèle les valeurs sociales
des professions. Et j’y explore mieux l’envers du décor, d’un monde fait de personnes peu
connues, peu reconnues, stigmatisées.
Qui sont les personnes vivant le processus d’addiction, au-delà de cette première
caractéristique qui les réunit dans ce grand groupe de personnes souffrant d’une maladie
chronique, ou persistante ? Sont-elles vraiment moins enclines que d’autres malades à être
aidées dans un objectif de rémission de leur trouble ? Le problème se trouve-t-il, au moins
en partie, dans notre capacité à leur apporter une aide adéquate ? L’éducation thérapeutique
du patient (ETP) est-elle une approche qui répondrait mieux à leurs besoins ?
Ces questions, je me les suis posées souvent ; sauf la dernière, qui s’est ancrée dans ma
pensée l’année dernière. A la lecture d’un passage d’un ouvrage récent en éthique, je n’ai pu
m’empêcher de griffonner des notes en réaction à une description des personnes en prise
avec une addiction, qui faisait le lien entre leur peu de présence en soins et leur absence de
demande d’aide : « Conscients de leur mal-être et malgré la sévérité du pronostic, ces
patients sont peu demandeurs d’aide thérapeutique. » (ANNEXE 1).
5
Sont-ils vraiment peu demandeurs, ou ne les entend-on pas ? Cette mise en doute s’est
transformée en recherche pas-à-pas de ce qui peut poser problème, jusqu’à ce que je
souhaite savoir si l’ETP pouvait être une réponse qui conviendrait aux personnes
concernées, qu’elles soient aujourd’hui en soins ou non.
Cette étude tente donc de trouver des réponses à cette question : Quel intérêt pour
l’éducation thérapeutique de la part des personnes souffrant d’une addiction et
souhaitant stopper ou diminuer leur consommation ?
Ces personnes ont un savoir expérientiel, et pour certaines des difficultés fortes à l’atteinte
de leurs objectifs. Mon hypothèse est la suivante : Les personnes en prise avec une
addiction sont plus actrices de leur parcours en santé que la littérature ne le décrit, et
l’éducation thérapeutique du patient pourrait être perçue par elles comme un
accompagnement thérapeutique particulièrement intéressant.
LAQUEILLE Xavier. «! Ethique et addictologie!». Manuel d’éthique en psychiatrie. 2019
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1. Où est donc le patient acteur ?
1.1. L’addiction, sa chronicité et l’objectif de rémission
L’Organisation Mondiale de la Santé définit une maladie chronique comme une affection non
transmissible de longue durée qui, en général, évolue lentement.
6
Le Haut Conseil de la Santé Publique, quant à lui, décrit « la présence d’un état pathologique
de nature physique, psychologique ou cognitive, appelé à durer ; une ancienneté minimale
de trois mois, ou supposée telle ; et un retentissement sur la vie quotidienne comportant au
moins l’un des trois éléments suivants : une limitation fonctionnelle des activités ou de la
participation sociale ; une dépendance vis-à-vis d’un médicament, d’un régime, d’un
appareillage ou d’une assistance personnelle ; la nécessité de soins médicaux ou
paramédicaux, d’une aide psychologique, d’une adaptation, d’une surveillance ou d’une
prévention particulière pouvant s’inscrire dans un parcours de soin médico-social. »
7
Ces deux définitions comptent l’addiction parmi les maladies chroniques, et ainsi nous
donnent l’occasion de réfléchir à la pertinence de l’éducation thérapeutique comme aide à la
personne concernée.
Sur un plan longitudinal, notons cette méta-analyse canadienne qui compte, selon la
8
pratique addictive concernée, 35 à 54,4% des personnes en prise avec une addiction
atteignant la rémission, en moyenne après 17 ans d’accompagnement.
Utiles pour ce qui est de la considération du trouble eu égard à la protection sociale et à la
prise en charge des frais d’accompagnement des personnes concernées, les notions de
maladie et de chronicité ne conviennent pas à tous.
Aujourd’hui les addictologues évoquent plutôt un trouble de l’usage, de substances ou de
comportements. Et certains auteurs préfèreront la notion de persistance du trouble, évoquant
un étalement dans le temps tout en tentant de s’éloigner des représentations que nous
avons de la chronicité en termes d’irrévocabilité et d’incurabilité.
1.2. Processus addictif, circuits neurocérébraux et allostasie
Lorsque l’on parle d’addiction, à quoi pense-t-on ? Au trio alcool - tabac - cannabis, qui
compte un grand nombre de consommateurs et concentre la plupart des objectifs actuels de
Définition disponible ici : https://www.who.int/topics/noncommunicable_diseases/fr/
6
Haut Conseil de la Santé Publique. Rapport : «!La prise en charge et la protection sociale des
7
personnes atteintes de maladie chronique!». 2009
FLEURY Marie-Josée, DJOUINI Akram, HUYNH Christophe et al. «!Remission from substance use
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disorders : a systematic review and meta-analysis!» Drug and alcohol dependance n°168. 2016
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santé publique en France en matière de pratiques addictives ? A l’héroïne, à la cocaïne, à
tout ce que l’on connaît d’usage illégal et marginal ? Oublie-t-on des produits et
comportements si nécessaires que la nature nous a dotés de mécanismes neurobiologiques
nous incitant à leur recherche (j’entends par là la nourriture et les rapports sexuels) ?
9
Le contenu à potentiel addictif, celui qui nous apporte plaisir intense et immédiat,
soulagement intense et immédiat, nous le consommons tous. Ce potentiel addictif n’entraîne
pas tout le monde, tout le temps, dans le piège de l’addiction. Pourquoi ? A ce stade de nos
connaissances, nous comprenons d’abord que la répétition de l’usage qui fera le lit du
processus addictif dépend de facteurs de risque et de facteurs de protection liés au produit
lui-même, à la personne consommatrice, et à leur environnement.
Dès 1983, Pr Claude OLIEVENSTEIN écrit : « La toxicomanie surgit à un triple carrefour :
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celui d’un produit, d’un moment socioculturel et d’une personnalité. Ce sont là trois
dimensions également constitutives. Mais il est plusieurs approches du phénomène
toxicomaniaque, selon, précisément, qu’on porte l’accent sur l’un de ces paramètres plutôt
que sur les autres. »
Son modèle trivarié (ANNEXE 2) fait écho au modèle bio-psycho-social de Dr Georges
Libman ENGEL . Il s’y niche à la fois les sources du problème et ses solutions, c’est
11
pourquoi l’addictologie prend en considération ces trois variables et suit le modèle bio-
psycho-social.
L’addiction est l’installation d’un comportement réitéré qui crée des effets délétères pour la
personne (dommages psychiques, physiques et sociaux), qui pour autant ne peut ni garder
le contrôle face à ce comportement à courte échéance, ni s’en passer à moyenne échéance.
Il y a alors trouble de l’usage de cette ressource extérieure attendue de la personne.
A long terme, des complications sociales (pertes, groupe de pairs,…), psychiques (honte,
sentiment d’inefficacité,…), mais aussi biologiques lui rendent difficile l’arrêt de sa pratique.
Avec le temps, le cerveau s’est accoutumé. L’homéostasie ‘’naturelle’’, avant la répétition de
l’usage du produit psychoactif ou du comportement à effet psychique du même ordre,
intense et immédiat, fait place à l’allostasie. Même sans substance, l’effet se produit, puisque
« le principal producteur de drogue au monde, c’est le cerveau humain. », comme le rappelle
Pr William LOWENSTEIN .
12
VAL-LAILLET David, MEUNIER-SALAUN Marie-Christine, CLOUARD Caroline. « Neurobiologie du
9
comportement alimentaire : le modèle porcin en neurosciences comportementales appliquées à
l’alimentation et à la santé humaines!». INRA Productions Animales n°4. 2016
OLIEVENSTEIN Claude. «!La drogue ou la vie!». 1983
10
ENGEL Georges Libman.«!The clinical application of the biopsychosocial model! !», Am J Psychiatry,
11
no!137, 1980
LOWENSTEIN William. «!Pourquoi les casinos connaissent-ils un tel succès!?!». Radio Europe 1,
12
Emission Il n’y en a pas deux comme Elle. 19 février 2016
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Ce cerveau, exposé aux ‘’shoots’’ répétés, a transformé sa réponse via l’adaptation de ses
récepteurs dopaminergiques, sérotoninergiques et autres ; de manière graduelle, au fur et à
mesure que l’addiction s’est installée et s’est aggravée, gradation que reconnaît désormais
le Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM-V) . (ANNEXE 3)
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1.3. Au quotidien : récompense versus volonté
Nous avons vu les effets à long terme. Quid de ceux à court terme ? A l’échelle du quotidien,
c’est le craving (besoin irrépressible) et la compulsion (répétition impulsive d’une même
chose) qui font perdre le contrôle à la personne consommatrice.
Sur le plan neurobiologique, le ‘’circuit de la récompense’’ (ANNEXE 4) est particulièrement
stimulé. Les flots hyperdopaminergiques rendent le contrôle inhibiteur cortical insuffisant. Le
sens des responsabilités et la projection dans l’avenir passent au second plan.
On comprend ici que certaines capacités cognitives sont affaiblies. Aussi, évoquons les outils
de repérage comme le MoCA (Montréal Cognitive Assessment) (ANNEXE 5), test
aujourd’hui le plus répandu pour déceler les troubles cognitifs liés à l’alcool, induits par cet
afflux de neurotransmetteurs venant créer déséquilibres et dysfonctionnements, mais aussi
par les substances toxiques s’invitant à la partie, ou encore par les troubles psychiques
précurseurs de la prise d’alcool.
Pour mieux se figurer les sphères cognitives préoccupant les équipes de soins, citons les
champs cognitifs étudiés par ce rapide questionnaire : visuospatial et exécutif, dénomination,
mémoire, attention, langage, abstraction, rappel, et orientation. Autant de facultés qui, si
elles sont amoindries, rendent plus difficile l’engagement de la personne concernée dans un
processus de rémission.
L’imagerie cérébrale apporte des éléments supplémentaires quant à la démonstration des
14
mécanismes en jeu, par exemple :
• l’hyperactivation du cortex préfrontal en présence de substance, et son hypoactivité en
son absence, contribuerait à l’apparition et au maintien de la quête compulsive, et à la
réduction des intérêts pour les autres stimuli ;
• la baisse des récepteurs dopaminergiques D2 dans le striatum, secondaire à une
hyperstimulation répétée des récepteurs D2 (ANNEXE 6), révèle la désensibilisation
(accoutumance), mais aussi sa corrélation avec la diminution du métabolisme des
régions cérébrales impliquées dans la motivation et dans le contrôle des impulsions.
American Psychiatric Association. «!Diagnostic and statistical manual of mental disorders!(5th
13
edition)!». 2013
VOLKOW Nora D., LI Ting-Kai. «!Drug addiction: the neurobiology of behaviour gone awry!», Nature
14
Reviews Neuroscience. 2004
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Sur le plan clinique, la volonté des personnes semble éteinte, instable ou infructueuse.
Selon, Mélanie TROUESSIN , pour qui la volonté est altérée et peut être restaurée, il s’agit
15
« de redéfinir le lien entre l’obsession et l’addiction pour en faire le lien primordial, ce qui
permet selon (elle) de définir adéquatement l’idée de perte de contrôle dans l’addiction. En
effet, elle est moins selon (elle) une perte de contrôle des actes que des pensées, (…)
l’irrésistibilité est entraînée par l’idée fixe. »
Le craving, cette envie obsessionnelle et irrépressible, met les personnes dans l’impossibilité
de résister à l’action, quand bien même elles souhaitent agir autrement. Le geste, une fois
accompli, provoque déception de soi, désespoir de réussir à le contenir ou à le repousser de
façon permanente, et détresse.
Dans l’objectif de garder le contrôle sur son comportement, lutter contre le craving a
d’ailleurs ses écueils. « Cette perte de contrôle qui caractérise le craving n’est pas due
uniquement à des causes précédentes ou extérieures au phénomène, mais peut être le
résultat de certains modes de gestion du contrôle (…) des tentatives d’autocontrôle peuvent
compromettre les actions de maîtrise de soi ultérieures et (…) certaines stratégies de gestion
du craving peuvent alimenter encore plus ce dernier et accroître le stress associé. » Ainsi,
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plus on veut y résister, plus on échoue. Faut-il donc persévérer, se demanderont certains…
La compulsion, aussi, est désespérante à plusieurs égards. Non seulement il s’agit d’un acte
impulsif, difficile à traiter par la conscience, mais en plus il consiste à reproduire
systématiquement un même acte. Une impression de boucle sans fin, dans laquelle on
« perd la liberté de s’abstenir » comme l’expliquait Dr Pierre FOURQUET.
17
Que se passe-t-il quand on vit la compulsion, que l’on sent son propre comportement
s’échapper alors qu’on nous dit que le comportement est à la fois le problème et la solution ?
L’ambivalence est un état d’esprit souvent rapporté, et pour lequel des approches et outils
d’accompagnement ont été développés : entretien motivationnel, balance décisionnelle… car
la difficulté à déterminer une position face aux intérêts et aux inconvénients d’une
consommation répétée, et à la conserver face à un arrêt qui s’annonce difficile, épuise la
personne concernée et ceux qui l’entourent.
1.4. Perte de contrôle et sentiment d’inefficacité personnelle
Les pertes peuvent être multiples, et sont l’un des signes de gravité de la maladie. Pour
autant, la personne peut se déclarer très soucieuse de ’’s’en sortir’’, de se sortir de cette
TROUESSIN Mélanie, «!Le statut ambivalent de la volonté dans les conduites addictives!» Santé,
15
médecine et décision. 2016
CERUTTI NIcola. «!Craving : entre désir et épuisement - Le rôle de l’’ego depletion’’ et du ‘’desire
16
thinking’’ dans la perte du contrôle!». 2016
FOUQUET Pierre. «!Lettre à la famille!». Lettres aux alcooliques. 1956
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répétition qui ne fait que creuser le sillon de l’allostasie, de l’accoutumance, de la montée en
quantité ou en intensité, du craving, des prises de risques, et de la morbi-mortalité en phase
aigüe et au long cours.
Ne pas réussir à maintenir la trajectoire que l’on s’est fixée ou que l’on nous conjure d’avoir
la raison d’adopter, et revenir à ce qui nous cause du tort, ces actions que l’on accomplit
encore et encore, semble être à l’origine d’un fort sentiment d’impuissance. Les regrets et la
déprime de ne pas y être arrivé, ressentis au coup par coup, finissent par se cristalliser en un
sentiment d’inefficacité personnelle à arrêter le processus.
18
Cette perception a pour corollaire la croyance en d’inévitables futurs échecs. On serait
envahi, on serait devenu ‘’alcoolique’’ par exemple ; l’entourage personnel et professionnel
confirmant souvent, activement ou passivement, qu’un changement n’est plus envisagé.
C’est pourquoi en addictologie, le sentiment d’inefficacité personnelle est un axe majeur de
travail pour les équipes soignantes. Et en toute franchise, je dois dire que de tous les leviers
à prendre en considération, celui-ci attire tout particulièrement mon attention.
Notre discipline qui tâtonne ne doit pas laisser les personnes concernées considérer qu’elles
ne sont pas capables d’atteindre la rémission du trouble qui s’est installé. Nous avons
beaucoup à leur transmettre de ce que nous avons compris, depuis la normalité des
rechutes et de ce qu’elles permettent comme la présentent les travaux des psychologues
James O. PROCHASKA et Carlo DICLEMENTE (ANNEXE 7), jusqu’au fait que nous
19
savons finalement bien peu de ce qu’elles vivent et de ce qui compte pour elles lorsque nous
ne leur demandons pas de l’exprimer.
A en écouter les personnes qui me consultent et à en lire les témoignages entre pairs sur les
forums, la volonté est bien là, l’objectif d’enrayer le processus existe pour de très, très
nombreuses personnes. Manifestement, beaucoup ne font que répéter une action
infructueuse, alimentant les sentiments d’inefficacité, et d’inéluctabilité de l’échec. Quels
moyens manquent-ils ? Que faut-il faire pour favoriser le pouvoir de décider et d’agir des
personnes en prise avec une addiction ?
1.5. Quand l’implication du malade n’a jamais été aussi attendue
Notre époque est celle de la responsabilité individuelle. En santé, cela se traduit par le fait
que la cible de la plupart des messages est l’individu. Chaque personne est enjointe à
optimiser ou ré-optimiser son capital santé par une hygiène de vie calibrée, un suivi suffisant
de sa thérapeutique médicamenteuse,…
BANDURA Albert. «!Self-efficacy: Toward a unifying theory of behavioral change.!» Psychological
18
Review n°84. 1977
PROCHASKA James O et DICLEMENTE Carlo. «!Trans-Theoretical Therapy - Toward A More Integrative
19
Model of Change!». Psychotherapy Theory Research & Practice. 1982
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Les injonctions aux comportements de santé, voire à un ressaisissement, semblent
particulièrement fortes en santé mentale en général, et dans le champ des conduites
addictives en particulier. Même le souci de réduction des risques et des dommages, qui est
une préoccupation légitime, peut là culpabiliser la personne concernée.
Une personne chez qui l’addiction s’est installée ne vit-elle pas un phénomène d’emprise ?
Cela ne devrait-il pas nous conduire au même raisonnement qu’avec toute autre personne
sous emprise, à l’instar d’une personne souffrant d’un trouble somatique ou psychique, ou
d’une victime d’enfermement conjugal ou sectaire ? Il est bien difficile de se défaire de cette
emprise, d’autant plus sans aide extérieure adéquate, lorsqu’un trouble (ou dans certains de
ces exemples une personne) a un ascendant sur soi.
Pour autant, il ne s’agit pas de réduire la personne à la pathologie qui la concerne. « La
déshumanisation est un acte de violence, et traiter les gens comme s’ils étaient une maladie
est déshumanisant. Tout le monde y perd quand cela arrive. Les gens, et particulièrement
ceux qui se sentent vulnérables, intériorisent ce que les professionnels leur disent. (…) Bien
sûr, le grand danger de réduire une personne à une maladie est qu’il n’y a plus personne
pour faire le travail de rétablissement. » , nous rappelle Patricia DEEGAN.
20
Venons-en donc à cette variable dont nous avons trop peu parlé jusqu’alors. Quid de ceux
qui aident ? Notamment, quid de ceux qui aident en tant que soutiens professionnels ?
Offrent-ils une aide suffisamment appropriée pour que la personne sous emprise puisse
réunir les forces et les moyens de s’en défaire ?
Le réflexe correcteur décrit par William MILLER et Stephen ROLLNICK est la propension
21
des professionnels du soin, de la relation d’aide, à apporter des propositions de correction au
comportement d’une personne. Fort répandu, il induit bien souvent résistance ou évitement
de la part de son destinataire. Cette réactance psychologique qui découle de ces
22
propositions est une réaction de non-conformité, un mécanisme de défense qui a pour but de
maintenir sa liberté d’action.
La réactance sera d’autant plus forte que la menace d’atteinte à sa liberté de penser et d’agir
a trait à une addiction, puisqu’elle concerne un élément ayant pris une place cruciale dans la
vie de la personne ; et que la correction proposée sera répétée ou radicale, comme le fait de
s’éloigner immédiatement, totalement et définitivement de cet élément.
Voilà ce qui se produit quand, par souci de voir la personne se comporter comme il nous
semble préférable qu’elle le fasse, on tente de l’avertir des menaces, de la conseiller et
d’argumenter pour un changement. Une rigidification des positions qui rendra difficile la
DEEGAN Patricia E. «!Recovery as a self-directed process of healing and transformation »
20
Occupational therapy in mental health vol.17. 2002
MILLER Wiliam R., Stephen ROLLNICK. «!Motivational interviewing : preparing people for change
21
(2nd edition)!», 2002
BREHM Sharon, BREHM Jack W. «!Psychological Reactance!: A Theory of Freedom and Control!».1981
22
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conciliation, et laissera notamment certains professionnels dans l’incapacité de provoquer et
accompagner un tel changement bien qu’ils aient fortement averti, conseillé, argumenté…
Un cercle vicieux qui n’en avait pas l’air, là où John Stuart MILL nous rappelle ceci :
« Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une
justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de
s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou
que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. »
23
L’autre voie, qui est celle empruntée par l’éducation thérapeutique du patient, est de
préserver et soutenir l’autonomie de la personne concernée, pour que par cette autonomie
des choix non-contraints soient faits. Plus besoin ici d’aller à l’encontre de ce qui est perçu
comme une atteinte à sa liberté, toutes les voies peuvent être retenues.
1.6. Et l’éducation thérapeutique fut ?
Pr André GRIMALDI rappelle le fait que le piège de l’addiction concerne de nombreuses
24
personnes atteintes de maladie chronique (autre), raison supplémentaire d’étudier l’intérêt de
l’éducation thérapeutique en matière d’addiction : « le concept d’observance doit donc être
remplacé par celui d’auto-observance. (…) la maladie chronique frappe toujours 2 fois, une
fois dans le réel et une fois dans la représentation du réel. (…) Pour éviter l’effondrement
psychique, le patient peut mettre en œuvre des mécanismes de défense allant du déni au
refus conscient de la maladie en passant par la pensée magique, le clivage, la suractivité,
les comportements à risque, la projection, les addictions… (…) Voilà pourquoi l’éducation
thérapeutique ne saurait se réduire à un simple apprentissage de l’auto-soin ; elle doit aussi
s’inscrire dans un processus de résilience. »
On notera l’importance d’un autre levier fort de l’éducation thérapeutique, qu’est l’alliance
thérapeutique. Comment se sentir à l’aise d’écouter de nouvelles informations à propos d’un
sujet qui prend tant de place dans sa vie, de s’autoriser à explorer des voies, sans
engagement, ou à ne pas les explorer, sans une solide relation avec le ou les professionnels
du soin qui nous accompagne(nt) dans ce cheminement personnel ?
Rapidement, dans mes lectures au sujet de l’éducation thérapeutique en addictologie, j’ai
découvert ce texte : « L’ETP aidera le patient à mieux vivre et à mieux gérer sa maladie, à
comprendre les stratégies proposées, à adhérer aux soins, à améliorer sa compliance au
traitement et surtout, puisqu’il s’agit de changer un comportement et que lui seul peut le
MILL John Stuart. «!On liberty!». 1859
23
GRIMALDI André. «!Les 7 défis de la maladie chronique!» Correspondances en Onco-Hématologie
24
vol. 12 n°4. 2017
sur 12 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
faire, à en être devenir un acteur particulièrement concerné et impliqué. » (l’erreur
25
grammaticale « être devenir » est d’origine)
Quand on ne connaît pas l’éducation thérapeutique du patient, on peut détester cette phrase.
J’en sais quelque chose, je la détestais… Je me réconcilie avec en m’arrêtant sur tous les
mots. Il ne s’agit pas de faire en sorte, il s’agit d’aider, c’est-à-dire de contribuer, de favoriser.
Il s’agit de maladie, de soins, et de traitement, mais aussi de relativité (il est question de
‘’mieux’’, et non de ‘’bien’’), de compréhension, d’adhésion, et d’être acteur.
Je lisais « (puisqu’)il s’agit de changer un comportement et (que) lui seul peut le faire », dans
le sens où l’important est de changer son comportement, cela ne reposant que sur le patient.
Et cela me semblait une charge lourde et responsabilisante, devant créer un affreux
sentiment d’isolement.
Je n’arrivais pas à voir la phrase comme un tout. Je lis maintenant : « puisqu’il s’agit de
changer un comportement et que lui seul peut le faire, à en être devenir un acteur
particulièrement concerné et impliqué. », dans le sens où il s’agit au final de changer un
comportement, que de ce fait celui qui déploie le changement est bien le patient, ce qui rend
primordial de le placer parmi les personnes que cela concerne, à impliquer. Pas le seul
acteur concerné et impliqué, mais un acteur particulièrement concerné et impliqué.
La prise en compte du patient comme une personne autonome et agissante, ici à l’action
déterminante, mais aussi comme un acteur parmi d’autres qui peuvent intervenir dans cette
affaire, à impliquer dans le processus de soins au même titre que toute partie prenante de
ses soins, voilà qui me semble adéquat, et cohérent avec mes valeurs.
J’aime qu’en outre l’éducation thérapeutique ait le souci d’une relation de soins toute
particulière : « Dans le modèle délibératif, la relation de soin se situe au niveau de l’échange
sur les préférences et attentes du patient et celles du médecin. La question n’est donc pas
de savoir ‘’qui décide’’ mais d’apprendre à ‘’décider ensemble’’. (…) Si la dimension
informationnelle ou cognitive doivent nécessairement être prises en compte (…) la
dimension relationnelle et affective entre le médecin et le patient se révèle aussi comme un
facteur décisif de l’efficacité des séances d’ETP. »
26
L’éducation thérapeutique n’est pas une simple philosophie qui se décline dans une certain
type de relation, une nouvelle approche (ANNEXE 8). Elle s’engage sur des apprentissages
capacitants, et elle contribue ainsi à une meilleure santé individuelle et à une meilleure santé
publique. Par quel beau mécanisme ! « Le patient réussit ce qu’il choisit de faire » après
27
Réseau ADDICA-CAREDIAB, CIRDD et réseau LORADDICT. «!Référentiel Education Thérapeutique du
25
Patient en Addictologie Région Grand Est!». 2019
PERDRIGER Aleth, MICHINOV Estelle. «!Education thérapeutique : de l’infantilisation à la
26
réflexion!». Revue du rhumatisme vol. 82 n°3. 2015
SANDRIN-BERTHON Brigitte, PENFORNIS Alfred. «!De l’information du patient à l’éducation
27
thérapeutique!» Diabétologie pratique. 2012
sur 13 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
qu’on lui ait permis ce choix en le sollicitant : « Comment voyez-vous les choses ? Qu’est-ce
qui pourrait vous aider ? Que vous sentez-vous prêt à faire ? Cherchons ensemble des
réponses concrètes. »24
Reste à connaître l’intérêt de l’ETP, son attractivité pourrions-nous dire, du point de vue des
personnes concernées. C’est dans cette perspective que se place ce mémoire.
1.7. Comprendre ce qu’il comprend
En résumé, de la perte de contrôle choisie à la perte de contrôle subie, il y a un lent
processus involontaire. Des mécanismes neurobiologiques, mais aussi psychiques et
sociaux font percevoir une inefficacité personnelle à résister à la reproduction d’un
comportement délétère. Dans le même temps, le patient est attendu comme acteur de sa
rémission.
Et en tant qu’addictologue, je me forme à l’éducation thérapeutique pour mieux aider les
personnes en prise avec un trouble de l’usage de produits ou de comportements addictifs,
souhaitant une rémission de leur trouble ou réduire les risques et les dommages lors de leur
consommation.
Or, « pour aider un être, je dois certainement comprendre plus que lui, mais d’abord
comprendre ce qu’il comprend. Si je n’y parviens pas, il ne sert à rien que je sois plus
capable et plus savant que lui. » Mon goût pour l’ETP émane de mon goût pour le partage,
28
et d’abord j’aime aller découvrir ce que pense l’autre, sans anticiper sur ses besoins.
Dans cette étude, mon objectif est de me concentrer sur les personnes ayant pour objectif de
stopper ou de diminuer leur pratique addictive, et de déterminer quelle éducation
thérapeutique est envisageable.
Les personnes en situation d’addiction sont réputées majoritairement hors parcours de soin
spar manque de motivation (« La motivation aux soins et pour l’abstinence est faible et
ambivalente. » ) ou peu constantes dans leur parcours de soins quel qu’il soit (« Leur
29
motivation est faible et leur constance dans le suivi fragile. (…) La majorité des patients va
chez le chirurgien-dentiste par obligation et ils ne prennent rendez-vous qu’en cas de
douleur. Si la douleur passe, ils ne vont pas au rendez-vous. Ainsi, il faut essayer de finir le
soin dans la séance » ).
30
Qu’en est-il vraiment ?
KIERKEGAARD Søren. Cité dans BARTH B.-M.. «!Le savoir en construction!». 1993
28
LAQUEILLE Xavier. op. cit.
29
FRENDO Marie. « Doléances bucco-dentaires des patients souffrant d’addiction : étude
30
observationnelle et propositions pour améliorer leur parcours de soins!». 2017
sur 14 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Quel intérêt pour l’éducation thérapeutique de la part des personnes souffrant d’une
addiction et souhaitant stopper ou diminuer leur consommation ?
Mon hypothèse est la suivante : Les personnes en prise avec une addiction sont plus
actrices de leur parcours en santé que la littérature ne le décrit, et l’éducation
thérapeutique du patient pourrait être perçue par elles comme un accompagnement
thérapeutique particulièrement intéressant.
Je ne vous cache pas que j’aime l’idée d’un changement de paradigme, passant de la
recherche d’un patient acteur qui fait défaut, à la recherche par le patient acteur du parcours
de soin qui lui fait défaut…
Ceci étant dit, quelle méthode ai-je employée pour avoir une lecture claire de ce qu’il en
est ?
2. Analyser l’intérêt pour l’ETP
2.1. Ce que je n’ai pas pu faire, et pourquoi
Je suis arrivée en formation à l’éducation thérapeutique du patient avec le graphique d’une
étude dans mon cartable. Une étude et un graphique dont je suis admirative. Une question
pertinente ; des résultats passionnants, lisibles et facilement applicables.
Lorsque j’ai rencontré pour la première fois ma directrice de mémoire, je n’ai pu m’empêcher
de sortir ce graphique de ce même cartable. Je lui ai expliqué combien cette recherche
représentait ce que je souhaitais produire. Une question pertinente ; des résultats
passionnants, lisibles et facilement applicables. Et déconstruire un pan de nos erreurs ou
construire un pan de nos savoirs en addictologie voire au-delà, tant qu’à faire.
Elle a élégamment rappelé à mon souvenir le fait que je n’aurai peut-être pas les moyens
humains et techniques de produire son équivalent.
Effectivement, il s’agit d’une étude établie par trois chercheurs à partir d’un recrutement sur
31
plus de 6 mois d’environ 3000 patients français atteints de maladies chroniques puis, 6 mois
plus tard et durant 2 mois, de 150 professionnels du domaine de la santé.
TRAN Viet-Thi, DIARD Elise, RAVAUD Philippe. «!Priorities to improve the care for chronic conditions
31
and multimorbidity : a survey of patients and stakeholders nested within the ComPaRe e-cohort!».
2020
sur 15 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
147 points d’amélioration avaient été identifiés dans une précédente recherche . Les
32
patients ont là été répartis en trois groupes, et dans chaque groupe chacun a sélectionné les
points d’amélioration les plus importants à ses yeux, en deux étapes, de telle sorte que
chaque patient n’en retienne finalement que 15.
Quant aux professionnels, ils ont été recrutés de trois manières différentes : lors d’un
colloque national, en contactant des directeurs d’hôpitaux et les alumni de l’Ecole des hautes
études en santé publique (EHESP), et en invitant tous les membres du Parlement et du
Sénat français faisant partie des commissions de la santé et des affaires sociales.
Je n’ai pu m’empêcher néanmoins de m’intéresser à ce passage de l’article rendant compte
de cette recherche : « Our study had several limitations. First, we considered patients with
chronic conditions as a single large entity. Despite the analysis of some subgroups, our
results are a general overview of patients’ preferences at a population level. This situation
may mask values and priorities of specific groups of patients. Future work could involve the
re-analysis of our data to better understand the finegrained topology of patients’ perspectives
to define care improvement programmes and targets for specific populations. »
On l’aura compris, mon ambition a été de « ré-analyser (leurs) données pour mieux
comprendre la topologie fine des perspectives des patients, afin de définir des programmes
et des cibles d’amélioration des soins pour (une) population spécifique », en l’occurence
pour les personnes en prise avec une addiction.
Les articles de Dr Viet-Thi TRAN et de ses équipes ne comportant pas de référence à des
patients ayant une addiction, il me fallait voir l’ensemble des données recueillies de la
cohorte étudiée pour découvrir si une telle catégorisation des patients existait. J’ai contacté
l’APHP pour avoir accès aux données, que l’institution dit mettre à disposition des
33
chercheurs. Hélas, ma demande est restée vaine.
Au bout de quelques semaines, n’y tenant plus, et non sans un dernier coup d’oeil à ce
nuage de points que je trouve si pratique pour repérer les actions à forte valeur ajoutée qu’il
serait facile de mettre en oeuvre, domaine par domaine (ANNEXE 9)… j’ai renoncé à
poursuivre cette étude inspirante et suis allée de l’avant vers mon sujet de prédilection.
2.2. Construction d’un questionnaire en ligne
« On n'est jamais servi si bien que par soi-même » , lisait-on dans une pièce de théâtre du
34
19e siècle, et dit-on depuis lors.
TRAN Viet-Thi,—T, RIVEROS Caroline, PEAN Clarisse, et al. «!Patients' perspective on how to
32
improve the care of people with chronic conditions in France: a citizen science study within the
compare e-cohort.!» 2019
Formulaire disponible ici : https://compare.aphp.fr/chercheurs/acceder-aux-donnees.html
33
ETIENNE Charles-Guillaume. «!Bruis et Palaprat!». 1807
34
sur 16 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Je me suis décidée à créer une recherche plus modeste dans un temps très court, visant à
déterminer ce qui comptait le plus pour moi, et sans détour : l’intérêt pour l’ETP de la part de
personnes ayant un objectif de diminution ou d’arrêt d'une pratique addictive, quel que soit le
produit ou l’activité concerné.
Le savoir d’expérience des personnes vivant en situation est souvent éludé, je souhaitais le
rechercher dans cette étude, répondant ainsi aux recommandations du Centre canadien sur
les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) : « Les personnes ayant une
expérience passée ou présente de l’usage de substances, les membres de leur famille et
leurs amis sont des experts dans le domaine de l’usage de substances. Il est donc crucial
que (l’on) s’associe à eux à chaque occasion pour s’assurer de mener des recherches
pertinentes et de fournir des services qui répondent à leurs besoins. »
35
Pour ce faire, j’ai choisi d’élaborer, et nous le verrons plus tard de diffuser sur Internet, un
questionnaire (ANNEXE 10) me permettant de recueillir des informations auprès des
personnes concernées, en évitant le plus de biais possibles.
Le questionnaire en lui-même, d’abord, se veut court et clair. Il est élaboré sur Google
Forms, outil de construction, de diffusion et d’analyse d’enquêtes très répandu, sans modifier
les paramètres de présentation classiques du questionnaire. Y répondre prend environ 2 à 3
minutes. Il est composé de 6 questions fermées, dont 5 n’appellent qu’une réponse sur deux,
dont 4 un ‘’oui’’ ou un ‘’non’’. Détaillons sa construction et sa logique…
En introduction, dans un souci d’encouragement aux réponses et à leur authenticité, j’indique
que le questionnaire est ‘’express’’, c’est-à-dire rapide à remplir, qu’il est anonyme, que le
centre de ma recherche est le point de vue des personnes concernées ; et je remercie les
répondants. Pour que le destinataire des données générées soit connu j’ajoute mon identité,
ma profession et le fait que l’étude sera présentée en juin 2021 à la Faculté de Médecine de
Rennes.
Les questions 1 et 3 sont factuelles et n’appellent qu’une réponse sur deux ; elles
concernent l’objectif visé par la personne (diminuer ou stopper sa consommation), et le fait
que des professionnels du soin l’accompagnent ou non.
La question 2 est un peu plus longue à traiter. Elle demande aux personnes concernées de
se positionner sur ce qui selon elle fait le plus obstacle à l’atteinte de leur objectif.
Pour simplifier leur participation, mais aussi mon exploitation des réponses, je me suis basée
sur les résultats d’une étude suisse visant à vérifier l’hypothèse qu’un programme structuré
36
Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS). «!Lignes directrices sur la
35
collaboration avec les personnes ayant une expérience passée ou présente de l’usage de substances,
leur famille et leurs amis!». 2021
HUTEAU Marie-Eve. «!Education thérapeutique du patient & tabacologie : Elaboration d’un
36
programme d’aide à la modification de la consommation de tabac pour des fumeurs motivés!». 2015
sur 17 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
d’ETP en tabacologie construit à partir des besoins des patients et ancré théoriquement
aiderait d’avantage les patients fumeurs à passer de l’intention à l’action.
A partir de verbatim de patients, recueillis en consultation et portant sur le difficile passage
de l’intention à l’action, une analyse qualitative en regroupement par champ sémantique a
été réalisée dans cette étude par un médecin addictologue, un chercheur en psychologie de
la santé et un professionnel de l’éducation thérapeutique du patient, qui en ont déduit 7 types
de difficultés rencontrées par les personnes pour atteindre leur objectif personnel.
Je les ai repris comme 7 réponses possibles à la question : « Qu’est-ce qui vous empêche le
plus d’atteindre (votre) objectif ? », auxquelles j’ai adjoint une réponse libre pour le cas où un
répondant ne reconnaîtrait pas dans ces propositions son obstacle majeur, et pour donner
ainsi l’occasion à cette liste de s’enrichir du vécu des personnes concernées.
Les questions 4, 5 et 6 n’appellent de nouveau qu’une réponse par « oui » ou « non ».
La question 4 évoque sans la nommer l’éducation thérapeutique du patient, en tant
qu’échange avec des professionnels du soin de ce qui serait supportable de faire. Décrite
ainsi, je veux évaluer l’efficacité présupposée par les personnes concernées d’une telle
façon de faire, pour mieux arriver à leur objectif (stopper ou diminuer leur pratique).
La question 5, elle, nécessite un plus long temps de lecture que tout le reste du
questionnaire. Elle apporte une définition longue mais officielle, récente et non-tronquée de
l’éducation thérapeutique du patient . La question reste factuelle et identifie si la personne a
37
déjà participé à un parcours d’ETP, pour cet objectif ou tout autre.
Enfin, la 6e question concerne l’intérêt de la personne à participer à un parcours ETP tel que
décrit précédemment, et ce pour son objectif présent. En effet, celle-ci interroge la personne
sans détour sur la manière dont elle apprécierait, pour cet objectif, une série de rencontres
avec des professionnels du soin pratiquant l’éducation thérapeutique.
En résumé, ce qui est exploré du point de vue de la personne concernée est : l’objectif en
santé visé, l’empêchement majeur, les soins actuels, l’efficacité pressentie d’une négociation
autour du ‘’supportable’’ pour l’atteinte de l’objectif, la participation au cours de la vie à un
parcours ETP, et l’appréciation de l’idée de participer à un parcours ETP pour l’objectif visé.
2.3. Démarchage et caractéristiques des répondants potentiels
Souhaitant ne pas diffuser ce questionnaire en seul milieu de soin mais aussi aux personnes
hors parcours de soin, j’accepte de considérer en prise avec une addiction toute personne se
considérant ainsi, parfois par simple auto-diagnostic et donc à travers son prisme personnel :
Haute Autorité de Santé. «! Education Thérapeutique du Patient. Évaluation de l’efficacité et de
37
l’efficience dans les maladies chroniques - Actualisation de l’analyse de la littérature!». 2018
sur 18 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
s’inquiétant de l’anormalité de sa pratique et / ou de son état, et en difficulté avec l’arrêt ou la
diminution de sa consommation.
Toutefois, j’ai choisi de ne pas diffuser à ‘’tout public’’ ce questionnaire, s’adressant plutôt à
des personnes ayant d’ores et déjà été ‘’modérées’’ dans leurs réflexions quant à une
possible addiction, par leur participation à un certain type de groupe d’expression ; j’y reviens
très vite.
J’ai également évité mes propres fils de discussion sur les réseaux sociaux ou les cercles
auxquels je participe à titre professionnel, pour éviter autant que faire se peut un biais de
désirabilité.
Aujourd’hui, les groupes Facebook font partie des espaces virtuels les plus fréquentés
d’Internet pour s’y exprimer, comme on le faisait il y a quelques années sur les forums ; ces
deux types d’espaces virtuels ayant le même avantage de laisser une empreinte écrite
publique ou semi-publique de son expression.
Sur les forums et groupes dédiés, les gens témoignent, se soutiennent, et font preuve d’un
savoir d’expérience significatif que j’apprécie d’étudier.
Durant plusieurs semaines, j’ai accédé à plusieurs groupes du site et réseau social
Facebook centrés sur la question de l’addiction, et lu les messages qui y étaient postés. De
cette expérience, j’en ai sélectionné trois, francophones et aux participants résidents en
France pour l’essentiel, centrés sur le sujet des addictions, et suffisamment actifs et modérés
pour me laisser penser qu’ils seraient adaptés à la rencontre de mon message avec les
personnes recherchées pour cette étude : (ANNEXE 11)
• « La vie sans alcool », administré par Dominique LARDAUX, qui indique être en
rétablissement depuis février 2016. Il s’agit d’un groupe privé d’environ 3700 membres
pour 450 publications par mois, « groupe ouvert à toutes les bonnes volontés et toutes
les bienveillances pour nous malades alcooliques ou autres addictions ».
• « Stop Addictions. ( alcool - drogues - comportements ) », administré par Claude
SEGOND, qui se dit rétabli, acteur dans l'accompagnement des malades d’addiction,
accompagnant aidant. Ce groupe également privé compte environ 2500 membres et
150 publications par mois. Il s’agit d’un « groupe d'aide pour personnes addict et pour
leurs proches. Nous accompagnons et soutenons avec nos groupes de parole et dans
Stop Addictions ceux qui veulent s'en sortir et ceux qui aident les MA (MA * malades
d'addiction) ».
• « Addictions et Alcool : Ensemble on est plus forts ✊ » administré par Sandra PINEL,
alias Sandra Addictlibérée, qui se décrit comme poly-addict libérée, patiente experte et
sur 19 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
infirmière exerçant en addictologie . Le groupe, privé lui aussi, compte 1100 membres
38
environ, 170 messages par mois, et a été créé « pour venir en aide aux personnes
souffrant d'un trouble de l'usage d'une substance et/ou d'un comportement , personnes
voulant se sortir de la maladie et/ou s’informer, alcoolos-dépendants abstinents, familles
et entourages (co-dépendance), sympathisants de la maladie, aide toutes addictions ».
Chacun des administrateurs de ces groupes fermés, c’est-à-dire dont la lecture des
publications n’est autorisée qu’aux membres acceptés dans le groupe, a été contacté en
amont de la diffusion de mon appel à participation. L’un d’entre eux a relayé ma demande
pour mieux la crédibiliser, les deux autres m’ont laissé la publier.
Deux commentaires de la publication, sous la forme de messages de remerciement à ceux
qui avaient répondu et d’incitation à ceux qui n’avaient pas répondu, m’ont permis de mettre
en valeur cette demande de contribution dans les fils de publication, durant le mois de mars
2021 qu’a duré sa diffusion. Des commentaires de participants, annonçant avoir répondu à
l’étude, ont produit également une mise en avant du message.
Ces efforts ont été nécessaires, car la période était peu propice à une telle demande de
participation. En effet, de nombreux étudiants diffusent leur demandes de réponses à
questionnaires ou entretiens en cette période de fin d’année universitaire, les volontaires
sont donc très sollicités.
Pour ce qui est du profil de répondants recherché, comme indiqué dans la publication
Facebook et en introduction du questionnaire, il s’agissait pour moi de m’adresser aux
personnes en prise avec une addiction avec ou sans substance, et souhaitant diminuer ou
stopper leur consommation.
On comprendra ici que l’objectif devait être actuel, concerner les personnes en phase de
préparation ou en phase d’action, si l’on s’en réfère au schéma de James O. PROCHASKA
et Carlo DICLEMENTE cité précédemment. C’est ainsi qu’un répondant témoignant être
39
abstinent a été considéré hors-cible ; ses réponses ont été retirées avant analyse des
données recherchées.
Nous le verrons plus loin, le nombre de répondants me paraît modeste, néanmoins j’ai
maintenu ma préférence de n’utiliser que ce mode de diffusion, afin d’éviter un biais de
désirabilité sociale par diffusion dans des milieux dans lesquels je serais connue ou où il
pourrait y avoir un enjeu à me plaire, un biais de transgression par diffusion dans des
groupes peu modérés, et un biais de recrutement via des groupes moins spécifiques à la
problématique de l’addiction.
PINEL Sandra. «!L’entre-deux!: comment allier posture d’infirmière et de patiente experte
38
addictions!?!». Psychotropes 2021 n°1-2. 2021
PROCHASKA James O, DICLEMENTE Carlo. op. cit.
39
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
2.4. Extraction et analyse des éléments d’étude
L’objectif de l’extraction puis de l’analyse rapide des données décrites ci-après est de
rechercher l’éventuel intérêt pour l’éducation thérapeutique des personnes souhaitant
stopper ou diminuer leur consommation, par :
• l’augmentation de leur capacité à se projeter dans une relation de soin efficace
• l’augmentation de l’acceptabilité et de leur appréciation d’un suivi thérapeutique via
l’idée de participer à un parcours d’éducation thérapeutique
• la recherche de profils particulièrement favorables ou défavorables à l’éducation
thérapeutique du patient
Plutôt que de longs discours, voici de manière abrupte et lisible quel procédé d’analyse des
réponses a été utilisé :
Tout d’abord il s’est agi de connaître et interpréter les taux de réponses sélectionnées, point
par point, par un tri à plat. Six questions posées entraînent six taux :
1. Taux par objectif visé
2. Taux par frein principal ressenti
3. Taux d’accompagnement par des professionnels du soin
4. Taux de personnes présupposant l’approche en ETP efficace pour leur objectif
5. Taux de personnes ayant déjà participé à un parcours ETP
6. Taux de personnes appréciant l’idée de participer à un parcours ETP pour leur objectif
Dans un second temps, j’ai procédé à tous les croisements de données possibles, par un tri
croisé deux à deux, ceci afin de :
1→ Voir si des profils (selon réponses aux questions 2, 3, 4, 5, 6) ont une propension plus
forte, ou moins forte, à avoir un certain type d'objectif
2→ Voir si des profils (selon réponses aux questions 1, 3, 4, 5, 6) ont une propension plus
forte, ou moins forte, à avoir un frein principal ressenti
3→ Voir si des profils (selon réponses aux questions 1, 2, 4, 5, 6) ont une propension plus
forte, ou moins forte, à se faire aider par des professionnels du soin
4→ Voir si des profils (selon réponses aux questions 1, 2, 3, 5, 6) ont une propension plus
forte, ou moins forte, à présupposer l’approche en ETP efficace pour leur objectif
5→ Voir si des profils (selon réponses aux questions 1, 2, 3, 4, 6) ont pu avoir une
propension plus forte, ou moins forte, à participer à un parcours ETP
6→ Voir si des profils (selon réponses aux questions 1, 2, 3, 4, 5) ont une propension plus
forte, ou moins forte, à apprécier l’idée de participer à un parcours ETP pour leur objectif
sur 21 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
3. Résultats de l’étude
3.1. Participants
Pour rappel, le recrutement des participants à cette étude s’est fait via certains groupes
d’échanges de messages d’un réseau social en ligne ; ces groupes étant ciblés, à entrée
sélective, modérés et dynamiques.
Les personnes qui le fréquentent gardent des profils variés : personnes en difficulté avec leur
réduction des risques et dommages, personnes avec un objectif de diminution ou d’arrêt de
leur consommation, abstinents de plus ou moins longue date, proches de personnes
souffrant d’un trouble de l’usage d’un produit ou d’un comportement, étudiants,
professionnels,… De plus, tous les inscrits ne sont pas actifs et expressifs : certains se
contentent de lire, d’autres ne viennent probablement plus consulter les messages publiés.
Ainsi, si en théorie l’appel à contribution a été diffusé à 7300 personnes, toutes n’étaient pas
en mesure de répondre aux critères de l’enquête : avoir actuellement un objectif de réduction
ou d’arrêt d’une pratique addictive, et lire cet appel dans le courant du mois de mars 2021.
Le nombre de participants à l’étude, 53 au total, peut paraître modeste. Pour autant,
l’échantillon est suffisant pour permettre les croisements de données espérés, aussi
l’ensemble du protocole d’exploitation des données est maintenu.
Un répondant se déclarant abstinent a été considéré hors-cible ; ses réponses au
questionnaire ont donc été entièrement retirées de l’analyse, qui porte sur 52 réponses.
3.2. Résultats du tri à plat
Pour commencer, je précise que par souci de lisibilité, les pourcentages sont arrondis à
l’unité près, exception faite lorsque l’arrondi est aux cinq dixièmes. Ainsi, 4,3% devient 4%,
4,5% reste 4,5%, 4,7% devient 5%, et un total peut différer de 100%.
Ceci n’est de nature ni à modifier significativement la proportion de chaque déclaration par
rapport à une autre, ni à masquer un écart manifeste, seul écart susceptible de nous faire
nous y intéresser.
Afin de confronter mon hypothèse à ces résultats, je procèderai à une lecture de ceux-ci pas-
à-pas (questions prises séparément et dans l’ordre), puis de manière croisée (questions
prises deux à deux).
A parcourir les taux de réponses aux 6 questions de ce questionnaire express, on a
rapidement un relevé intéressant. (ANNEXE 12)
sur 22 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
3.2.1. Taux par objectif visé
65% des répondants déclarent vouloir arrêter leur consommation, 35% la diminuer.
L’objectif pour un tiers des répondants est donc clair et ciblé, mais n’est pas l’arrêt total de la
consommation. Cette proportion est considérable et rappelle l’importance de s’entendre sur
les objectifs avant tout accompagnement thérapeutique, une mauvaise interprétation lors de
la rencontre d’une personne en demande de soins pouvant entraîner un arrêt de la relation
thérapeutique et la mise en difficulté de l’atteinte de son objectif en santé.
3.2.2. Taux par frein principal ressenti
Tous les répondants, sauf un, déclarent que ce qu’ils perçoivent comme leur principal
empêchement à l’atteinte de leur objectif se trouve dans la liste proposée.
Près de la moitié, 48%, met en cause le fait que sa consommation est utilisée pour gérer ses
émotions ou certaines situations. C’est donc de loin l’obstacle le plus évoqué.
Une part significative de répondants a cité d’autres freins majeurs : la focalisation sur les
sensations agréables liées à sa consommation (17%), la difficulté à gérer le manque et les
envies (15%), et le fait que cela semble plus fort que soi (13,5%). Beaucoup moins
fréquemment, sont évoqués le fait de ne pas avoir la capacité d’y arriver (2 répondants), et
que cela « fusille le cerveau » (1 répondant).
Aucun participant n’a retenu les items suivants : « j’ai une mauvaise opinion des traitements
dont j’ai entendu parler », et « je ne me sens pas aidé(e) par mon entourage ou les
professionnels du soin ».
Ainsi, près de la moitié des répondants exprime le fait qu’elle utilise essentiellement sa
consommation sciemment et activement, en mode auto-thérapeutique pourrait-on dire, soit
pour réguler ses émotions, soit pour faire face à certaines situations.
Il serait donc là, le patient acteur ! La consommation comme outil, comme ce que la
personne concernée a trouvé de mieux pour vivre avec certaines difficultés, cela prend tout
son sens lorsque l’on accepte de reconnaître les pratiques usagères comme un savoir
expérientiel. Savoir à faire évoluer au mieux des objectifs de soin, en avisant, en suggérant
d’autres expérimentations et en négociant avec la personne concernée, comme on le fait en
éducation thérapeutique…
La personne en proie à un produit ou à un comportement qui la domine est représentée par
les trois dernières catégories de répondants citées, qui ensemble représentent 19,5% des
participants. Pour eux, un produit ou un comportement puissant, ou face auquel on n’est pas
ou plus en capacité d’agir, est pointé comme frein principal à l’atteinte de leur objectif.
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
D’autres répondants témoignent avoir surtout une difficulté à renoncer au plaisir procuré,
cause d’appétence pour ces produits ou comportements et effectivement de la partie.
D’autres encore citent comme principal problème les difficultés ressenties lors d’une
diminution de l’apport de la chose consommée, ce qui nous rappelle l’importance de l’aide
des traitements de substitution lorsqu’ils existent.
3.2.3. Autres taux, et perspectives qu’offrent leurs écarts
Notons tout d’abord que 79% des répondants à cette étude n’a jamais participé à un
parcours d’éducation thérapeutique, pour cet objectif ou pour tout autre.
Par ailleurs, les répondants déclarent à 38,5% ne pas être accompagnés par des
professionnels du soin pour leur objectif, à 29% penser que si des professionnels du soin
échangeaient avec eux sur ce qui leur serait supportable de faire ils n’arriveraient pas mieux
à leur objectif pour autant, et, la définition longue de l’ETP leur ayant été donnée, à 27% ne
pas apprécier l’idée de participer pour cet objectif à une série de rencontres avec des
professionnels du soin pratiquant l’éducation thérapeutique.
La comparaison de ces taux suggère que :
• la perspective d’aborder la notion d’échange autour du supportable pour soi augmente
de 9,5% la capacité des personnes à se projeter dans une relation de soin efficace
(écart entre les personnes qui font appel à des professionnels du soin actuellement et
celles qui se projettent dans une relation de soin efficace à l’évocation d’un tel échange)
• l’idée de participer à un parcours d’éducation thérapeutique, lorsque cette dernière est
définie de manière détaillée, augmente de 11,5% l’acceptabilité, et même l’appréciation,
d’un suivi thérapeutique (écart entre les personnes qui font appel à des professionnels
du soin actuellement et celles qui apprécieraient de participer à un parcours ETP)
Ces taux sont significatifs, la perspective qu’ils offrent est enthousiasmante !
3.3. Résultats du tri croisé
Voyons maintenant si des corrélations se dégagent de l’exploitation croisée des données, et
recherchons les profils particulièrement favorables ou défavorables à l’éducation
thérapeutique du patient.
Il s’est agi là, d’abord, de procéder au croisement méticuleux des réponses les unes
dépendamment des autres, en considérant chaque groupe de répondants comme un groupe
spécifique, et en notant systématiquement l’écart entre la donnée globale (de l’ensemble des
répondants) et la donnée spécifique (d’un groupe particulier).
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Exemple de lecture de données extraites du premier tableau (ANNEXE 13) : « Tandis que
65% de la totalité des répondants a pour objectif le fait de stopper sa consommation, ce
chiffre n’est que de 44% parmi les répondants ayant pour frein principal ressenti le fait de
focaliser sur les sensations agréables liées à leur consommation. L’écart est de -21%. »
A partir de ces nombreuses données, j’ai retenu tout écart supérieur à plus ou moins 10%
(cases des tableaux en surbrillance jaune), après évitement des items ayant convenu à
moins de 7 répondants (cases des tableaux en surbrillance grise) pour ne considérer que
des groupes dont l’hétérogénéité peut être remarquable. Cet évitement n’a provoqué le non-
traitement des écarts que pour trois témoignages à la question 2. Ce faisant, j’ai continué de
considérer les écarts pour cette question entre les réponses des 49 autres personnes
réparties en quatre groupes et l’ensemble des 52 réponses.
Voici les éléments significatifs que cela révèle :
3.3.1. De la propension à avoir un certain type d'objectif
Les personnes qui disent avoir comme frein principal le fait de focaliser sur les sensations
agréables liées à leur consommation ont une propension plus forte à avoir pour objectif de
réduire leur consommation, plutôt que de la stopper. En effet, tandis que 65% de l’ensemble
des personnes interrogées déclare vouloir stopper sa consommation, seul 44% de ce groupe
est enclin à arrêter.
Cet écart de 21% semble assez facile à interpréter : lorsqu’on trouve principalement des
avantages à poursuivre un comportement, bien que conscient de ses inconvénients on sera
tenté de le poursuivre autant que faire se peut.
A l’inverse, et dans une moindre mesure, les personnes déclarant avoir pour obstacle
principal le fait que leur consommation les aide à gérer leurs émotions ou certaines
situations sont plus enclines à stopper leur consommation, avec un écart de 11% par rapport
à l’ensemble des répondants. Peut-être cette fois-ci par inquiétude d’utiliser une pratique à
effets délétères pour essayer de réguler un mal-être par ailleurs.
Les répondants accompagnés par des professionnels du soin pour atteindre leur objectif ont
plus souvent l’intention d’arrêter leur consommation et non seulement de la réduire ; l’écart
entre ce groupe et l’ensemble des répondants est de 13%. Quant aux répondants non-
accompagnés par des professionnels du soin, ils poursuivent plus souvent l’objectif de
réduction de leur consommation ; l’écart entre l’ensemble et le groupe étant de 20%.
Ici, on peut supposer qu’il s’agit d’une cause (l’on fait appel à des professionnels du soin
quand l’enjeu semble plus difficile à atteindre et nécessiter un étayage), ou d’une
conséquence (les professionnels du soin peuvent encourager à l’arrêt total d’une
consommation, là où on aurait pu privilégier seul une simple diminution de sa
consommation).
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Enfin, les personnes qui n’apprécieraient pas une série de rencontres avec des
professionnels du soin pratiquant l’éducation thérapeutique sont plus souvent des personnes
voulant stopper leur consommation ; l’écart est là de 14%.
Peut-être s’agit-il ici de personnes ayant plus confiance en l’efficacité de méthodes
drastiques pour parvenir à cet objectif absolu, ce qui expliquerait leur moins grand intérêt
pour une approche leur offrant la latitude de choisir ?
3.3.2. De la propension à avoir un certain frein principal ressenti
Les personnes voulant réduire leur consommation sont moins nombreuses à ressentir
comme difficulté principale le fait qu’elles utilisent leur pratique essentiellement pour gérer
leurs émotions ou certaines situations (écart de 15%), et plus nombreuses à principalement
focaliser sur les sensations agréables liées à leur consommation (écart de 11%),
Les répondants non-accompagnés par des professionnels du soin pour atteindre leur objectif
ont eux aussi moins tendance à ressentir comme difficulté principale le fait qu’ils utilisent leur
pratique essentiellement pour gérer leurs émotions ou certaines situations (écart de 13%), et
cette fois-ci plus tendance à considérer que leur frein principal tient surtout au fait que le
produit ou comportement addictif est plus fort qu’eux (écart de 11,5%).
Enfin, on notera que les répondants ayant déjà participé à un parcours d’éducation
thérapeutique ont une moindre propension à focaliser sur les sensations agréables liées à
leur consommation (écart de 17%), et une plus forte à ressentir un empêchement à l’atteinte
de leur objectif plutôt en matière de manque et d’envies difficiles à gérer (écart de 12%).
Quelques hypothèses peuvent émerger de ces constatations :
Il est probable que l’objectif n’entraîne pas le ressenti, mais plutôt l’inverse. Les premières
corrélations pourraient s’expliquer ainsi… Diminuer sa consommation d’un produit ou
comportement à caractère addictif, plutôt que de totalement la stopper, peut plus facilement
être l’objectif choisi lorsque l’on se sent en capacité de se réguler face à un produit ou à un
comportement qui n’est pas essentiellement une réponse auto-thérapeutique de gestion
d’émotions ou situations, ou lorsque, focalisant sur les sensations agréables liées à cette
consommation, l’on souhaite conserver une pratique plaisante.
Les personnes non-accompagnées par des professionnels du soin pour l’atteinte de leur
objectif se sentent moins souvent en difficulté majeure face à la gestion de leurs émotions ou
certaines situations, mais dans le même temps plus nombreuses à considérer que leur
objectif est difficile à atteindre essentiellement car ‘’c’est plus fort qu’eux’’. Peut-être ces deux
écarts sont-ils liés entre eux, en ce sens où moins l’on réalise pourquoi l’on agit, plus cela
nous dépasse ? Dans cette logique, le fait de ne pas être accompagné par des
professionnels du soin serait corrélé à une tendance à moins être en mesure de réaliser ce
qui sous-tend son comportement.
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Pour finir, si les personnes ayant déjà participé à un parcours ETP, pour cet objectif ou tout
autre, sont moins nombreuses à avoir pour frein principal de focaliser sur les sensations
agréables liées à leur consommation, c’est peut-être qu’elles ont appris par là-même à ne
pas voir leurs actions et leurs conséquences de manière dichotomique.
La tendance de ces mêmes personnes à plutôt évoquer comme frein principal à l’atteinte de
leur objectif la difficile gestion du manque et des envies évoque peut-être leur plus grande
propension à l’expérimentation. En effet, contrairement aux autres freins, celui-ci ne peut
être ressenti qu’en étant en action, en cours de tentative agissante de consommer moins.
3.3.3. De la propension à se faire aider par des professionnels du soin pour
son objectif
On observe une grande variabilité à ce sujet. En effet, les éléments qui influent
significativement sur les taux d’accompagnement par des professionnels du soin sont :
• l’objectif visé vis-à-vis de sa consommation (+12% si l’objectif est d’arrêter, et à l’inverse
-22,5% si l’objectif est de réduire)
• le frein principal ressenti (+13,5% s’il s’agit de la difficulté à gérer le manque et les envies,
+10,5% s’il s’agit d’utiliser sa consommation gérer ses émotions ou certaines situations, et à
l’inverse -17,5% s’il s’agit de focaliser sur les sensations agréables liées à sa consommation,
et même -32,5% s’il s’agit de considérer que c’est plus fort que soi)
• le fait d’avoir déjà participé à un parcours d’éducation thérapeutique, y compris pour tout
autre besoin (+20,5%)
• et même l’avis que l’on a sur le fait que si des professionnels du soin échangeaient avec
soi sur ce qui lui serait supportable de faire, on arriverait mieux à son objectif : ceux qui ont
un avis positif sur le sujet sont tous (100%) déjà en soin, tandis que ceux qui ont un avis
négatif sur le sujet sont moins nombreux à être actuellement accompagnés (-19,5%)
Là encore, de nombreuses questions peuvent être soulevées :
• L’objectif visé explique-t-il le recours aux professionnels du soin, ou est-ce ce dernier qui
influe sur l’objectif visé ?
• Le frein principal ressenti explique-t-il le fait de choisir de recourir ou de ne pas recourir à
un accompagnement par des professionnels du soin, ou des idées apportées à la pensée de
la personne par les professionnels du soin lui font-elles interpréter ses difficultés autrement ?
• Le fait d’avoir déjà participé à un parcours d’ETP rend-il plus attrayant le fait de recourir à
des professionnels du soin pour atteindre un objectif lié au soin de soi, ou ces deux faits
révèlent-ils une propension déjà ancienne à s’engager dans une relation de soin ?
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
• Enfin, s’il semble logique que ceux qui pensent qu’ils n’arriveraient pas mieux à leur objectif
en échangeant avec des professionnels du soin sur ce qui leur serait supportable de faire
sont moins souvent déjà en soin, comment expliquer que ceux qui pensent que cela les
aiderait mieux sont déjà tous en soin ? S’agit-il d’un signal de l’attendu unanime en entrant
en relation de soin (reproche aux professionnels du soin qui ne le font pas, validation de
ceux qui le font) ?
3.3.4. De la propension à présupposer l’approche en ETP efficace pour son
objectif
Là encore, on note d’importantes variations selon les réponses apportées aux autres items
du questionnaire, à savoir que les répondants ont :
• une plus forte propension à avoir cette pensée s’ils estiment que ce qui les freine le plus
dans l’atteinte de leur objectif est le manque et les envies difficiles à gérer (+16,5%), s’ils
sont déjà accompagnés par des professionnels du soin (+10%), s’ils ont déjà participé à un
parcours d’ETP pour cet objectif ou tout autre (+11%) et s’ils disent aussi qu’ils
apprécieraient pour cet objectif une série de rencontres avec des professionnels du soin
pratiquant l’éducation thérapeutique (+11%)
• tendance à avoir moins cette pensée s’ils estiment que ce qui les freine le plus dans
l’atteinte de leur objectif est que c’est plus fort qu’eux (-14%), s’ils ne sont pas déjà
accompagnés par des professionnels du soin (-16%), s’ils n’ont pas déjà participé à un
parcours d’ETP pour cet objectif ou tout autre (-29,5%) et s’ils disent aussi qu’ils
n’apprécieraient pas pour cet objectif une série de rencontres avec des professionnels du
soin pratiquant l’éducation thérapeutique (-28%)
De cette variabilité, on peut émettre plusieurs interrogations.
• Pourquoi la tendance à dire ‘’non’’ à cet item tandis qu’on a dit ‘’non’’ à au moins un autre
item du questionnaire est-elle plus forte que la tendance à dire ‘’oui ’’ à cet item tandis qu’on
a dit ‘’oui’’ à au moins un autre item du questionnaire ?
• Le manque et les envies difficiles à gérer seraient-ils mieux considérés comme le sujet
possible d’un échange sur le supportable que quelque chose de plus fort que soi ? Et que se
cache-t-il derrière l’expression ‘’c’est plus fort que moi’’ quand on note que plus de la moitié
des personnes qui considèrent que c’est leur principal frein pense qu’un échange autour du
supportable leur permettrait de mieux atteindre leur objectif de réduction ou d’arrêt ?
• Cette proposition d’échanger autour du supportable pour mieux arriver à l’atteinte de son
objectif intéresse plus les personnes déjà en soins, moins celles qui ne le sont pas ; s’agit-il
d’un mouvement de rapprochement vers ceux en qui on a placé sa confiance dans le
premier cas et d’un éloignement de ceux sur lesquels on n’a pas misé dans le second ?
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
• Les taux de variabilité liés au sujet explicite de l’ETP est particulièrement significatif.
Pourquoi n’est-ce pas plus corrélé lorsque les réponses sont positives ? Autrement dit,
pourquoi l’écart avec la moyenne est-il trois fois moindre lorsqu’il s’agit de penser que
l’échange autour du supportable aiderait mieux à atteindre son objectif tout en ayant déjà
participé à un parcours ETP ou en se disant intéressé par une participation à un tel parcours
pour cet objectif, que lorsqu’il s’agit de penser l’inverse tout en n’ayant pas participé ou
n’ayant pas déclaré un intérêt pour un parcours d’éducation thérapeutique pour cet objectif ?
• Ces deux derniers groupes de répondants pensent minoritairement qu’échanger avec des
professionnels du soin autour de ce qui leur serait supportable les aiderait mieux à arriver à
leur objectif. Toutefois, cela reste une grosse minorité (41,5% de ceux qui n’ont jamais
participé à un parcours ETP et 43% de ceux qui n’apprécieraient pas une série de
rencontres avec des professionnels du soin pratiquant l’éducation thérapeutique) qui
continue de penser que ce dialogue lui serait profitable. Pourquoi ? Et ces personnes ne
reconnaissent-elles pas là une similarité de sujet bien qu’elles aient eu accès à une définition
détaillée de l’ETP ?
• Rejettent-elles plus l’éducation thérapeutique du patient lorsqu’elle est présentée comme
un dispositif portant un nom spécifique et scientifisé, que lorsqu’on décrit sa mise en oeuvre
par le dialogue de ce qui peut être fait au mieux, dans le périmètre de l’entendable pour la
personne ? Cela doit-il nous alerter ? Doit-on s’appliquer à ne pas rebuter par une
communication qui ne comporterait ni jargon ni protocole saillants ?
3.3.5. De la propension à avoir déjà participé à un parcours ETP
Des corrélations apparaissent ici encore : Avoir participé à un parcours d’éducation
thérapeutique est arrivé plus souvent aux personnes qui disent par ailleurs avoir comme
empêchement principal le fait que le manque et les envies sont difficiles à gérer (+16,5%,
soit un taux de 37,5%), et moins souvent à celles qui disent qu’elles focalisent sur les
sensations agréables liées à leur consommation (-21%, ce qui fait chuter le taux à 0%).
Peut-être parce que les unes font plus souvent appel aux professionnels du soin, et les
autres moins souvent, comme on l’a vu plus haut. Peut-être aussi parce que focaliser sur un
seul pan des effets est plus fréquent lorsqu’on n’a pas vécu cette expérience d’un échange
éclairant autour du fait que tout choix a ses effets positifs et négatifs.
Par ailleurs, sont moins nombreux à avoir d’ores et déjà participé à un parcours ETP leur vie
durant : ceux qui ne sont pas accompagnés par des professionnels du soin actuellement
pour cet objectif (-11%, soit un taux de 10%), ceux qui ne pensent pas que si des
professionnels du soin échangeaient avec eux sur ce qui leur serait supportable de faire, ils
arriveraient mieux mieux à leur objectif (-14%, soit un taux de 7%), et ceux qui
n’apprécieraient pas pour cet objectif une série de rencontres avec des professionnels du
soin pratiquant l’éducation thérapeutique (-14%, soit un taux de 7%).
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Cela semble présenter un lien entre non accompagnement par des professionnels du soin
pour cet objectif précis actuellement, désintérêt pour l’ETP, qu’elle soit présentée de manière
informelle ou formelle, et adhésion et donc participation à un parcours ETP pour tout objectif
sur une vie entière. Rappelons néanmoins que le fait d’avoir déjà participé à un parcours
ETP dans sa vie reste une action peu commune (21% des répondants au questionnaire).
3.3.6. De la propension à apprécier l’idée de participer à un parcours ETP pour
son objectif
Pour rappel, la question posée est celle-ci : « Apprécieriez-vous pour cet objectif une série
de rencontres avec des professionnels du soin pratiquant l'éducation thérapeutique ? »
Les écarts significatifs parmi les groupes de répondants concernent :
• ceux pour qui le frein principal est la difficile gestion du manque et des envies (-10,5%)
• ceux qui tentent de réduire leur consommation (+10%)
• ceux qui ont répondu positivement à la question : « Pensez-vous que si des professionnels
du soin échangeaient avec vous sur ce qui vous serait supportable de faire, vous arriveriez
mieux à votre objectif ?» (+11%)
• ceux qui y ont répondu négativement (-26%)
• ceux qui ont déjà participé à un parcours ETP (+18%)
Tout d’abord, on notera que ce que l’on ressent comme frein principal à l’atteinte de son
objectif addictologique n’influe pas significativement sur l’envie de participer à un parcours
d’éducation thérapeutique en la matière, hormis lorsqu’il s’agit de la difficile gestion du
manque et des envies.
De même, le fait d’être ou non accompagné par des professionnels du soin n’influe pas
significativement sur cette appréciation de l’intérêt de participer à une série de rencontres
avec des professionnels du soin pratiquant l’éducation thérapeutique.
Ensuite, le lien entre volonté de réduire sa consommation et appréciation de l’idée de suivre
une série de rencontres d’ETP peut suggérer une volonté de dialogue et de positionnement
relatif face à un projet impliquant sa santé mais pas seulement.
Par ailleurs, leur pensée quant au fait qu’un échange autour du supportable serait utile pour
les aider à atteindre leur objectif est corrélée au fait que les répondants apprécieraient de
suivre un parcours ETP, encore une fois sans pour autant que l’un entraîne
systématiquement l’autre. En effet, si 84% de ceux qui valident la première idée valident
l'autre, seulement 53% de ceux qui récusent la première récusent aussi l’autre, 47% restant
intéressés par un parcours ETP. Peut-être le lien entre les deux idées est-il moins évident
pour les répondants que pour moi ? Peut-être recherchent-ils d’autres bienfaits de tels
rendez-vous que leur seule efficacité sur l’atteinte de leur objectif (rencontre, partage,…) ?
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Enfin, une corrélation existe entre vécu d’un parcours ETP et envie de participer à une
nouvelle série de rencontres en éducation thérapeutique pour cet objectif-ci, faisant grimper
le taux d’appréciation d’une telle idée à 91%. Il semble donc que cette pratique de soins
laisse un souvenir positif chez la quasi-totalité des personnes concernées, qui valident le fait
que cela leur serait appréciable à vivre face à une circonstance concrète et actuelle.
3.3.7. Profils favorables ou défavorables à l’éducation thérapeutique du patient
De nombreux questionnements me sont apparus face aux écarts relevés lors des
croisements de données, et face à l’absence d’écarts significatifs parfois ; par eux
j’encourage chacun à l’exploration d’autant de pistes dans le but d’assurer une clarification
quant aux corrélations qui semblent apparaître dans cette étude.
Par l’analyse des données en tri croisé, mon troisième objectif est par ailleurs atteint. En
effet, distinguer les profils semblant favorables ou défavorables à l’éducation thérapeutique
du patient, revient à s’intéresser aux écarts pour deux questions :
La première, « Pensez-vous que si des professionnels du soin échangeaient avec vous sur
ce qui vous serait supportable de faire, vous arriveriez mieux à votre objectif ?», permet de
distinguer les profils de personnes concernées à partir de leur préjugé d’utilité, de meilleure
efficacité pour atteindre leur objectif, d’une telle démarche décrite de façon informelle.
Nous retenons que sont plus enclines à considérer que ‘’oui’’ les personnes en soin (+10%),
celles ayant déjà participé à un parcours ETP au cours de leur vie (+11%), celles déclarant
un intérêt pour un parcours d’éducation thérapeutique (+11%), et celles ayant pour frein
principal la difficulté à gérer le manque et les envies (+16,5%). Et sont plus enclines à
considérer que ‘’non’’ les personnes ayant pour frein principal le fait que ‘’c’est plus fort
qu’elles’’ (-14%), celles qui ne sont pas en soin (-16%), et surtout celles déclarant un non-
intérêt pour un parcours d’éducation thérapeutique (-28%) et celles n’ayant jamais participé à
un parcours d’éducation thérapeutique au cours de leur vie (-29,5%).
La deuxième question, « Apprécieriez-vous pour cet objectif une série de rencontres avec
des professionnels du soin pratiquant l’éducation thérapeutique ? », permet d’évaluer les
profils de personnes concernées pressentant leur appréciation, leur goût à participer à un
dispositif d’éducation thérapeutique nommé en tant que tel et précédemment décrit
formellement, indépendamment de la question de l’efficacité de cette démarche.
Ici, les répondants ayant plus tendance à répondre ‘’oui’’ sont ceux souhaitant réduire leur
consommation plutôt que la stopper (+10%), ceux présupposant une utilité pour l’atteinte de
leur objectif d’échanger autour du supportable pour elles (+11%) et ceux ayant déjà participé
à un parcours ETP au cours de leur vie (+18%). Et ceux ayant plus tendance à répondre
‘’non’’ sont ceux ayant pour frein principal la difficulté à gérer le manque et les envies
(-10,5%), qu’on retrouvait parmi les ‘’positifs’’’ plus haut, et surtout ceux présupposant une
inutilité d’échanger autour du supportable pour eux (-26%).
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
4. Discussion : quand celui qui agit attend
4.1. Bonheurs et malheurs de cette recherche
L’analyse pas-à-pas puis croisée des résultats de cette enquête enrichit ma réflexion de
manière foisonnante. Néanmoins, si elle permet de repérer des tendances, il conviendrait me
semble-t-il de les vérifier auprès d’un plus grand nombre de répondants. J’encourage
pareillement l’exploration de toute piste de recherche, qu’elle soit nommée ici ou qu’elle
apparaisse à la lecture de cette étude.
Malgré le temps très court qui m’était imparti pour mener à bien cette recherche, j’ai pu
compter sur la participation de dizaines de personnes concernées qui se sont impliquées et
ont partagé leurs vécus, leurs ressentis et leurs avis, laissant apparaître des résultats
marqués qui de mon point de vue non seulement motivent des recherches supplémentaires,
mais aussi encouragent les initiatives en ETP en contexte addictologique.
Le questionnaire utilisé, volontairement court, a ses limites et pourrait une prochaine fois être
étendu pour apporter de nouvelles distinctions. Par exemple, « Pensez-vous que si des
professionnels du soin échangeaient avec vous sur ce qui vous serait supportable de faire,
vous arriveriez mieux à votre objectif ? » élude la distinction entre les personnes qui vivent
déjà ce type d’échange, et celle qui ne le vivent pas.
A noter en outre qu’il s’est agi de ne regarder que quelques variables, dans un souci de
concision et d’analyse de parcours de pensées. De nombreux autres critères de
différenciation pourraient être pris en considération. Ces résultats sont donc une vue
d’ensemble qu’il serait intéressant de reprendre dans d’autres recherches, avec des
éléments qualifiants plus nombreux, pour que le point de vue de groupes spécifiques
n’échappe pas à notre considération en vue d’apporter des soins toujours améliorés.
Enfin, le recrutement sur les réseaux sociaux dans l’objectif d’aider la recherche conserve un
biais difficile à mesurer, celui de la représentativité des personnes concernées, les
répondants ayant au moins trois caractéristiques : elles sont présentes dans ces espaces
virtuels qui passent par l’écrit, sont suffisamment à l’aise avec l’expression de soi, et
volontaires pour aider la recherche en prenant ce court mais généreux temps de réponse.
Pour rappel, mon questionnement était centré sur l’intérêt pour l’éducation thérapeutique
des personnes souffrant d’une addiction et souhaitant stopper ou diminuer leur
consommation.
Et mon hypothèse de recherche était celle-ci : « Les personnes en prise avec une
addiction sont plus actrices de leur parcours en santé que la littérature ne le décrit, et
l’éducation thérapeutique du patient pourrait être perçue par elles comme un
accompagnement thérapeutique particulièrement intéressant. »
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
L’analyse des données de cette étude me permet de soutenir que même si les personnes
recrutées ne représentent donc qu’une partie de ces personnes, cette hypothèse est vérifiée.
4.1.1. Des personnes plus actrices de leur parcours de santé qu’on ne le croit
Dans un souci d’interpellation des personnes concernées, l’enquête ne porte que sur les
témoignages de celles volontaires, qui se reconnaissent atteintes par une addiction et
souhaitent agir à contre-courant de ce processus par l’arrêt ou la diminution de leur pratique.
Je rappelle toutefois que ces personnes ayant répondu, 100% motivées à réduire ou à
stopper leur consommation, sont aussi 38,5% à ne pas être accompagnées par un
professionnel du soin pour cet objectif. Il s’agit donc d’un ensemble à la fois ciblé et plus
large que l’ensemble de ceux que l’on qualifierait de patients, engagés dans des soins en
lien avec des professionnels de santé.
Ces personnes poursuivent toutes un objectif, mentionnent toutes leur frein principal, ont
toutes un avis sur ce qui leur serait profitable ou non sur le plan thérapeutique. Toutes les
questions du questionnaire étaient à réponse obligatoire, me direz-vous… C’est vrai. Sinon,
y aurait-il eu des répondants, d’autres ou parmi elles, qui auraient évité certaines questions ?
Peut-être, mais c’était un parti pris de ma part que d’inviter les personnes à répondre à
toutes les questions. Et, dès qu’interrogées, ces dizaines de personnes ont été en mesure
de donner leur lecture de ce qui les empêche jusqu’alors d’atteindre leur objectif en santé, et
de donner leur avis sur la profitabilité de telle pratique thérapeutique.
Continuons. Où ces personnes étaient-elles ? C’est actrices de leur parcours en santé
qu’elles participaient à un groupe d’expression et de soutien entre pairs, au moins en y lisant
les messages publiés.
Pour mémoire, le nombre de publications mensuelles sur les groupes Facebook vecteurs de
mon message sont d’environ 450 pour le premier, 150 pour le deuxième, et 170 pour le
dernier. Et qu’ont fait ces personnes lorsqu’on leur donne voix par un message parmi tant
d’autres ? Elles agissent en matière de recherche en santé par leur contribution.
Et quel est leur rapport à leur pratique addictive ? Pour au moins 48% d’entre elles, il est
d’ordre auto-thérapeutique (utilisé pour réguler leurs émotions ou certaines situations).
Autrement dit, leur pratique addictive même est d’abord pour elles un soin.
Par tout ceci, ces personnes démontrent l’activité dans leur parcours de santé d’une part des
personnes en prise avec une addiction que l’on aurait pu considérer non-engagées dans un
parcours de soin.
Et vous l’aurez remarqué, elles ont un avis sur l’éducation thérapeutique du patient…
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4.1.2. L’ETP, un accompagnement thérapeutique perçu comme particulièrement
intéressant
L’avis de ces personnes souffrant d’une addiction et souhaitant arrêter ou réduire leur
pratique addictive est globalement favorable à l’éducation thérapeutique du patient.
En effet, seulement 21% des personnes ayant participé à l’étude a connu un parcours
d’éducation thérapeutique au cours de sa vie, pour un objectif lié à son addiction ou pour tout
autre objectif. Pour autant l’opinion quant à cette pratique est bonne.
Rappelons-le une fois encore, les répondants sont seulement 61,5% à être accompagnés
par des professionnels du soin pour leur objectif, mais sont 71% à répondre ‘’oui’ à la
question « Pensez-vous que si des professionnels du soin échangeaient avec vous sur ce
qui vous serait supportable de faire, vous arriveriez mieux à votre objectif ? ». Et devant la
question « Apprécieriez-vous pour cet objectif une série de rencontres avec des
professionnels du soin pratiquant l'éducation thérapeutique ? » le ‘’oui’’ l’emporte à 73%.
4.2. A la rencontre des attentes
Le manque de considération dans les systèmes pourvoyeurs de soins des demandes
individuelles non-cliniques, c’est à dire semblant s’éloigner des exigences liées à la maladie,
a été démontrée dans une étude récente en oncologie, l’équipe de recherche encourageant
de nouvelles études à ce sujet en relation avec d’autres maladies chroniques, et concluant
ainsi : « notre étude met en évidence le fait que les demandes invisibles doivent être
identifiées plus clairement et intégrées dans une analyse de segmentation des besoins des
patients et des réponses individualisées afin de développer de nouvelles approches axées
sur la demande et centrées sur le patient. »
40
L’enquête effectuée dans le cadre de la présente étude, auprès des personnes concernées
et hors contexte de soin, confirme qu’il est scientifiquement possible d’entendre la voix de
ceux qui n’ont aujourd’hui pas recours aux professionnels de santé, et à partir de celle-ci
aussi de concevoir un soin plus pertinent pour une plus grande part de personnes.
Or, les personnes en prise avec le processus envahissant de l’addiction vivent un trouble
persistant, mais pas irrévocable. Pour eux en particulier, cette phrase de Stéphane
JACQUEMET adressée à tout praticien en ETP doit nous aider à adapter notre posture
professionnelle : « Il y a peut-être un enjeu de formation dans le fait d’aider les malades à
‘’apprendre à dépasser la maladie’’ au lieu de les fixer dans la maladie chronique. »
41
WAELLI Mathias, MINVIELLE Etienne, ACERO Maria Ximena et al. «!What matters to patients ? A
40
mixed method study of the importance and consideration of oncology patient demands!» BMC Health
Services Search n° 21. 2021
JACQUEMET Stéphane. «!Le patient peut-il apprendre à devenir un malade chronique!? » Bulletin
41
d’Education du Patient vol.17 n°3. 1998
sur 34 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Allouer du temps, de l’argent et de l’énergie par la mise en place de parcours d’éducation
thérapeutique pour des objectifs de réduction ou d’arrêt d’un usage répété et délétère de
produit ou de comportement addictif serait loin d’être un coup d’épée dans l’eau. L’intérêt des
personnes concernées n’est pas à craindre. Il devance même les pratiques.
A une échelle macro, bien sûr, l’information est l’appréciation et l’intérêt pour l’ETP de
nombreuses personnes ayant une addiction, notamment en réponse à leur recherche
d’efficacité quant à l’atteinte de leur objectif.
A l’échelle d’un groupe restreint et à l’échelle clinique, la prise en considération de différentes
variables a son importance, comme cette étude le donne à voir. Il serait vraiment heureux
que d’autres caractéristiques soient considérées, comme le genre, la composition du foyer,
le rapport à l’emploi, le nombre d’années de consommation, le ou les usages concernés, ou
toute autre condition qu’il sera donné d’étudier.
S’intéressant à la singularité de la situation et du cheminement de chacun, la détermination
de ses problèmes et de ses besoins en matière addictologique puis leur déclinaison en
termes d’objectifs éducatifs ont été clairement présentées par Marie-Eve HUTEAU . Son
42
découpage, que j’ai repris dans cette recherche, donne à voir que la réponse à la question
« Qu’est-ce qui vous empêche le plus d’atteindre votre objectif ? » permet aisément de saisir
la difficulté de chacun pour mieux aller à sa rencontre et lui apporter l’aide convoitée.
La combinaison de ces deux outils et d’un bilan éducatif partagé favoriserait sans doute
l’apport d’une aide efficace, en co-construction professionnels - personnes concernées, à
visée de réduction ou d’arrêt d’une pratique addictive et de ses risques et dommages.
4.3. Soixante-dix pour cent (ont les yeux qui brillent)
Reprenons quelques chiffres de l’étude. Je rappelle que 100% des répondants sont des
personnes motivées à arrêter ou réduire leur pratique addictive. Parmi elles, 38,5% sont
actuellement hors parcours de soin, mais déclarent tout autant que les autres qu’elles
apprécieraient d’entrer en parcours ETP (écart non significatif).
Et oui, n’oublions pas que dans l’absence d’écart, il y a aussi de l’information. L’étude fait
apparaître que l’intérêt pour le fait de participer à une série de rencontres avec des
professionnels du soin pratiquant l’éducation thérapeutique est quasiment le même que l’on
soit en soin ou pas.
A ce stade déjà, je me demande ce que cela coûterait d’essayer de proposer un parcours
ETP en tant que porte d’entrée en soin à ces personnes non accompagnées. Mais allons
plus loin. 79% des répondants n’a pas connu de parcours ETP, et ce taux monte à 90% pour
ceux qui ne sont pas en soin actuellement, ceci tendant à prouver qu’une expérience en
HUTEAU, Marie-Eve. op. cit.
42 42
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
éducation thérapeutique réduit de 11% le fait de rester sans accompagnement professionnel
en cas d’objectif en santé.
Mais ce n’est pas tout. Nous évoquions 38,5% de personnes non-accompagnées par des
professionnels du soin pour l’atteinte de leur objectif addictologique. Or, le taux de personnes
ne pensant pas que si des professionnels du soin échangeaient avec elles sur ce qui leur
serait supportable de faire, elles arriveraient mieux à leur objectif, est de 29%.
Quelle réalité se cache derrière ces taux ? Reprenant les données brutes, j’ai compté pour
52 répondants, 20 personnes hors parcours de soin, dont 11 persuadées qu’un tel échange
avec des professionnels du soin leur serait bénéfique. Cette lecture des résultats laisse à
penser que la moitié des personnes hors parcours de soins pourrait donc être captée par les
professionnels de santé avec une telle façon d’aborder le problème.
Continuons encore… Après avoir reçu l’information de ce qu’est l’éducation thérapeutique,
de manière brève mais non-tronquée via la définition récente de la HAS , ces 20 personnes
43
hors parcours de soin sont 14 à déclarer qu’elles apprécieraient de participer à un parcours
ETP pour cet objectif. Une belle majorité des personnes actuellement en-dehors du soin
accompagné déclarent là et leur intérêt, et leur goût pour cette expérience !
Ce taux d’intérêt est de 75% pour les personnes accompagnées par des professionnels du
soin, et je m’en réjouis. Je ne peux m’empêcher de me réjouir encore plus de ce taux de
70% pour les personnes non-accompagnées. A mes yeux, la littérature actuelle n’a pas pris
la mesure du lien entre l’attrait des personnes pour ce qu’est l’éducation thérapeutique et
leur absence en soin pour près de 40% d’entre eux. Et cette étude spécifie que 70% de ces
personnes accepterait de bénéficier de soins accompagnés par l’implémentation de
programmes d’éducation thérapeutique.
4.4. L’ETP comme motivation et porte d’entrée dans le soin
Je prends le temps de vous partager ce texte qui aurait pu être un simple joli mot s’il n’était
pas catégorique dans notre absence de choix :
« Faire honneur à la capacité de l’autre à formuler son besoin (et non ce que nous croyons
qu’il est) est notre compétence. Car de la même manière que nous ne pouvons pas ressentir
la souffrance de l’autre, nous ne pouvons ni nous identifier à lui ni mettre en œuvre des
solutions qui ne lui conviendraient pas. Nous n’avons pas d’autre choix, si nous souhaitons
lui apporter une aide, que de tenir compte du fait qu’il soit un autre. »
44
Etant donnée la probabilité que l’ETP ait été découverte par de nombreux répondants au
décours de ce questionnaire, nous pouvons supposer que, contrairement à ce qui est
Haute Autorité de Santé. op. cit.
43 43
LAIZEAU Alexandrine, GALOPIN Catherine. «!Engager ses émotions dans la relation d’aide!». 2020
44
sur 36 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
considéré aujourd’hui, l’éducation thérapeutique du patient pourrait être non pas
nécessairement un dispositif inclus dans un parcours de soin, mais en aussi peu de temps
que ce qu’il en faut pour la décrire, une véritable porte d’entrée dans le soin.
Ceci m’amène à m’interroger. L’ETP doit-elle donc être un pan de soin parmi d'autres, ou
peut-elle être le seul soin apporté par une équipe ? Peut-elle avoir lieu hors parcours de soin
en amont ? Je dois avouer mon inquiétude à l’écrire sous forme d’assertion. Est-ce
disruptif ? Inentendable ? Force est de constater que cela contraste avec les
recommandations actuelles d’incorporer l’éducation thérapeutique à un champ plus large
d’aide apportée à des personnes en soin :
« L’ETP est considérée comme intégrée à la prise en charge thérapeutique si elle est
réellement complémentaire et indissociable des traitements et des soins, du soulagement
des symptômes en particulier de la douleur, et de la prévention des complications (…) » , dit
45
la Haute Autorité de Santé, sur la base de ce que décrit l’OMS : « Sa spécificité est de
produire un effet thérapeutique complémentaire aux autres interventions (pharmacologiques,
kinésithérapie, etc.). »
46
L’article L. 1161-1 du code de la santé publique pourrait néanmoins être interprété autrement
dans sa formulation : « L'éducation thérapeutique s'inscrit dans le parcours de soins du
patient. ».
47
J’ai d’ailleurs en tête que de nouvelles approches et de nouveaux programmes ont permis
une entrée en soin et des avancées fortes en santé personnelle et en santé publique,
notamment en addictologie : rejet de la seule recherche d’abstinence au profit de la
réduction des risques et des dommages, mise en place de salles de consommation de
produits notamment illégaux à moindre risque en présence de professionnels du soin…
Autant de portes d’accès au soin qui permettent d’accompagner de nouveaux patients,
parfois jusqu’à l’objectif absolu d’arrêt de leur consommation et donc jusqu’à la sortie de ce
trouble persistant autrement qualifié de maladie chronique.
Je me demande même si un accompagnement par éducation thérapeutique, dénué d’autre
soin, pourrait suffire à une partie d’entre eux. Dr Albert SCHWEITZER ne disait-il pas :
« chaque patient porte en lui-même son propre médecin. Nous donnons le meilleur de nous-
mêmes lorsque nous permettons au médecin qui réside dans chaque malade de se mettre
au travail » ?
48
Haute Autorité de Santé. «!Education thérapeutique du patient. Définition, finalités et
45
organisation!». 2007
Organisation Mondiale de la Santé, Bureau Régional de l’Europe. «!Education thérapeutique du
46
patient!». 1998
Code de la santé publique. Article L. 1161-1
47
propos rapportés dans : COUSINS Norman. «!La volonté de guérir!». 1981
48
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Conclusion
Ce travail de recherche a été pour moi l’occasion de renouveler mon profond respect pour
les personnes acceptant de témoigner leur vécu et leurs pensées pour que nous parvenions
à mieux les comprendre et les aider.
Cela a aussi été pour moi une série d’émois face à des chiffres révélant des corrélations et
des intérêts forts là où trop souvent encore, de nos places de soignants, nous pensons que
l’action doit émerger de l’autre.
« Conscients de leur mal-être et malgré la sévérité du pronostic, ces patients sont peu
demandeurs d’aide thérapeutique. » Et moi d’écrire, avant d’étudier l’éducation
49
thérapeutique, « Sait-on vraiment POURQUOI les personnes souffrant d’une addiction sont
peu nombreuses dans un parcours de soin ? » (ANNEXE 1)
Le choix de son approche thérapeutique revient à chaque équipe de soins.
Le soin pratiqué par expertise du seul soignant professionnel est-il une partie significative ce
qui gêne l’entrée en soin de nombreuses personnes en prise avec une pratique addictive ?
Se considèrent-elles mal comprises dans ce type de soin ? Le perçoivent-elles prescriptif et
amuïssant ? Souhaitent-elles plus participer à la compréhension de leurs difficultés, besoins,
attentes, et chemins entendables de sortie d’une pratique délétère ?
« S’il suffisait d’une présentation rationnelle et bien menée des liens de causalité entre des
conduites et des pathologies pour enrayer le développement de celles-ci, cela se serait
observé. Tous les comportements de prise de risque des patients devraient, en raison, céder
devant les propositions savantes et philanthropiques des soignants-éducateurs. », nous
rappelle Philippe LECORPS.
50
L’éducation thérapeutique apparaît ici comme une clé que beaucoup de personnes
concernées se disent prêtes à saisir. N’est-ce pas (seulement) cela, être « engagé dans un
processus de soins » , préalable critère d’indication d’une entrée en parcours d’ETP ?
51
En 2014, Dr Sandra GUILLEMOT recensait 35 programmes d’éducation thérapeutique en
52
addictologie parmi les 3378 programmes alors répertoriés, soit 1% des programmes. Cela a
peut-être un peu évolué…
LAQUEILLE Xavier. op. cit.
49
LECORPS Philippe. « Éducation du patient : penser le patient comme “sujet” éducable ? »
50
Pédagogie médicale vol. 5 n°2. mai 2004
Réseau ADDICA-CAREDIAB, CIRDD et réseau LORADDICT. op. cit.
51
GUILLEMOT Sandra. «!Place et apports de l’éducation thérapeutique du patient en addictologie/
52
tabacologie!» Revue Maladies Respiratoires Actualités. vol. 6 n°3. 2014
sur 38 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Dans un contexte où « la Bretagne est particulièrement concernée par les problématiques
addictives ; elle se différencie de la moyenne française par des pratiques plus à risques et
une expérimentation plus précoce chez les jeunes » , seulement deux programmes
53
d’éducation thérapeutique portant sur les soins addictologiques sont autorisés par l’Agence
Régionale de Santé, et « seul l’ETP en direction des fumeur.se.s est proposée à tous,
qu’ils.elles aient ou non engagés une démarche de soin » .
54
Nous avons un rôle à jouer.
Paul RICOEUR nous aurait encouragé là à la sagesse pratique, qui « consiste à inventer les
conduites qui satisferont le plus à l’exception que demande la sollicitude en trahissant le
moins possible la règle ».
55
Ne voyez pas en la sollicitude une attitude benoîte. « La sollicitude est le souci de l’autre.
Dans le terme « sollicitude », on entend « solliciter », l’acte de s’adresser aux capacités de
l’autre. La sollicitude est la disposition qui nous fait considérer l’homme souffrant comme un
homme capable, même dans la perte et le déficit. (…) La sollicitude est l’effort de re-susciter
des capacités chez l’autre, de ressusciter ses propres possibles (…). La sollicitude a pour
but de « compenser la dissymétrie initiale »55 entre l’autre et moi, entre l’usager qui demande
et le travailleur social qui sait (…).
56
D’après mes recherches, aucune comorbidité ni aucun pronostic ne devrait repousser l’idée
d’une telle expérimentation. C’est ainsi qu’une étude menée en 2006 a démontré que parmi
des personnes souffrant de schizophrénie, de 18 à 65 ans et bénéficiant d’un suivi
psychiatrique, d’une part 60% souhaitaient arrêter de fumer et 72% avaient tenté un arrêt,
d’autre part la participation à un parcours d’éducation thérapeutique avait permis une
réduction de la consommation tabagique observable 3 mois après la fin du programme, y
compris chez des personnes initialement très peu motivées, et ce sans qu’une corrélation
entre degré de motivation initiale et baisse de la consommation soit observée.
57
Vous l’aurez compris, l’étape suivante consiste à déterminer les actions que ces mises en
lumière encouragent à mettre en place. L’aide des personnes concernées est précieuse
dans cette construction. Il s’agirait là de trouver des objectifs et compromis acceptables, et
pour nous professionnels du soin de soutenir le pouvoir de la personne de choisir et d’agir.
Agence Régionale de Santé de Bretagne. «!Projet Régional de Santé de Bretagne 2018-2022!». 2018
53
Pôle ETP Bretagne. «!Education thérapeutique du patient et addictions - Etat des lieux des
54
pratiques et ressources en Bretagne!». décembre 2019
RICOEUR Paul. «!Soi-même comme un autre!». 1990
55
MERLIER Philippe. «!Philosophie et éthique en travail social!(2e édition) ». 2020
56
HAMM Isabelle, SUSSMUTH Christine, RIBSTEIN Julie et al. Poster : «!ETTAB : Programme
57
d’éducation thérapeutique du patient pour l’aide au sevrage du tabac!» 7e Congrès National de la
Société Française de Tabacologie : de la clinique à la recherche. 2013
sur 39 66
Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Paul RICOEUR écrit aussi : « L’autonomie est celle d’un être fragile, vulnérable. Et la fragilité
ne serait qu’une pathologie, si elle n’était la fragilité d’un être appelé à devenir autonome,
parce qu’il l’est toujours d’une certaine façon ».
58
En espérant que cette étude sera un outil de compréhension, de communication et d’aide à
la pertinence de notre proposition de soutien à ces personnes engagées vers la réduction ou
l’arrêt total d’une pratique installée qui leur est délétère.
Soyons créatifs. Et sollicitons.
RICOEUR Paul. «!Le juste 2!». 2001
58
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
Bibliographie
Agence Régionale de Santé de Bretagne. «!Projet Régional de Santé de Bretagne
2018-2022!». 2018
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disorders!(5th edition)!». 2013
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BREHM Sharon, BREHM Jack W. «!Psychological Reactance!: A Theory of Freedom and
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présente de l’usage de substances, leur famille et leurs amis!». 2021
CERUTTI NIcola. «!Craving : entre désir et épuisement - Le rôle de l’’ego depletion’’ et du
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
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Haute Autorité de Santé. «!Education thérapeutique du patient. Définition, finalités et
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et de l’efficience dans les maladies chroniques - Actualisation de l’analyse de la
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Haut Conseil de la Santé Publique. Rapport : «!La prise en charge et la protection sociale
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KIERKEGAARD Søren. Cité dans BARTH B.-M.. «!Le savoir en construction!». 1993
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LECORPS Philippe. « Éducation du patient : penser le patient comme “sujet” éducable ? »
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Europe 1, Emission Il n’y en a pas deux comme Elle. 19 février 2016
MERLIER Philippe. «!Philosophie et éthique en travail social!(2e édition) ». 2020
MILL John Stuart. «!On liberty!». 1859
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OLIEVENSTEIN Claude. «!La drogue ou la vie!». 1983
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VOLKOW Nora D., LI Ting-Kai. «!Drug addiction: the neurobiology of behaviour gone
awry!», Nature Reviews Neuroscience. 2004
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conditions and multimorbidity : a survey of patients and stakeholders nested within the
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to improve the care of people with chronic conditions in France: a citizen science study
within the compare e-cohort.!» 2019
TROUESSIN Mélanie, «!Le statut ambivalent de la volonté dans les conduites addictives!»
Santé, médecine et décision. 2016
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
ANNEXE 1
Notes personnelles prises en 2020, à la lecture d’« Ethique et addictologie »
de Xavier LAQUEILLE, dans Manuel d’éthique en psychiatrie (2019).
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
ANNEXE 2
Modèle trivarié de l’addiction, selon Pr Claude OLIEVENSTEIN
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
ANNEXE 3
Critères de l’addiction avec substance, selon le DSM V
« Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th edition) » (2013)
• La substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus
prolongée que prévu
• Il existe un désir persistant ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l'utilisation de
cette substance
• Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, utiliser la
substance ou récupérer de ses effets
• Il existe un craving ou une envie intense de consommer la substance
• L'utilisation répétée de la substance conduit à l'incapacité de remplir des obligations majeures,
au travail, à l'école ou à la maison
• Il existe une utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux,
persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance
• Des activités sociales, occupationnelles ou récréatives importantes sont abandonnées ou
réduites à cause de l'utilisation de la substance
• Il existe une utilisation répétée de la substance dans des situations ou cela peut être
physiquement dangereux
• L'utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème
psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d'avoir été causé ou exacerbé par
cette substance
• Il existe une tolérance, définie par l'un des symptômes suivants :
▸ besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou
l'effet désiré
▸ effet notablement diminué en cas d'utilisation continue d'une même quantité de la substance
• Il existe un sevrage, caractérisé par l'une ou l'autre des manifestations suivantes :
▸ syndrome de sevrage caractérisé à la substance
▸ la substance (ou une substance proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de
sevrage.
Cotation : attribuer 1 point par réponse « oui ».
Score total < 2 : absence d’addiction ; de 2 à 3 : addiction légère ; de 4 à 5 : addiction modérée ;
supérieur ou égal à 6 : addiction sévère.
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ANNEXE 4
Voies dopaminergiques et voies de la récompense, selon Pr Maurice DEMATTEIS
« Addictions : concept, facteurs de risque, vulnérabilité et biologie »
Présentation à l’UC-UE Addictologie de Grenoble (2011-2012)
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Addictions et ETP - Là où on espère le patient-acteur Stéphanie LADEL - 2021
ANNEXE 5
MoCA (Montréal Cognitive Assessment)
outil de dépistage de l’atteinte neurocognitive
Cotation : attribuer 1 point par réponse correcte.
Score total ≥ 26 sur 30 : pas d’atteinte neurocognitive, ; de 18 à 25 : atteinte légère ; 10 à
17 : atteinte modérée ; < 10 : atteinte sévère.
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ANNEXE 6
Neuroimagerie personnes addict versus groupe contrôle
par Nora D. VOLKOW et Ting-Kai LI dans Nature Reviews Neuroscience. 2004
« Drug addiction: the neurobiology of behaviour gone awry »
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ANNEXE 7
schéma inspiré des travaux des psychologues
James O. PROCHASKA et Carlo DICLEMENTE
« Trans-Theoretical Therapy - Toward A More Integrative Model of Change »
Psychotherapy Theory Research & Practice (1982)
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ANNEXE 8
Nicolas DAUMERIE, psychologue chargé de mission et de relations internationales
au Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale
« L’empowerment en santé mentale : recommandations, définitions, indicateurs et
exemples de bonnes pratiques » La Santé de l’homme n°413 (mai-juin 2011)
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ANNEXE 9
Viet-Thi TRAN, Caroline RIVEROS, Clarisse PEAN et al.
« Patients' perspective on how to improve the care of people with chronic conditions
in France : a citizen science study within the compare e-cohort. » (2019)
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ANNEXE 10
Questionnaire élaboré via Google Forms pour la présente étude
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ANNEXE 11
Captures d’écran des pages « à propos » des trois groupes Facebook
sur lesquels le questionnaire a été diffusé
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ANNEXE 12
Résultats d’enquête par questionnaire
Données brutes sous forme de tableau et graphiques
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ANNEXE 13
Résultats d’enquête par questionnaire
Croisement des données sous forme de tableaux
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