Content uploaded by Manek Kolhatkar
Author content
All content in this area was uploaded by Manek Kolhatkar on Dec 18, 2021
Content may be subject to copyright.
rchéologiques, no
Le CNTAQ, 2017-2019 : bilan de trois années
de normalisation de la pratique archéologique
québécoise et pereives futures
Manek Kolhatkar, Luis Trudel-Lopez, Antoine Loyer Rousselle,
Mélanie J. Gervais et Jennifer Gagné
Les travaux menés par le Centre de normalisation du travail en archéologie québécoise (CNTAQ)
ont permis de mieux comprendre, connaître et expliciter les conditions de travail des archéologues
professionnels contrauels québécois. Une logique néolibérale soumet la profession à une
régulation inadéquate et, conséquemment, à une forte précarité. Cet article revient sur les
démarches réalisées et sur le contrat type, outil proposé pour réduire la précarité et normaliser
les conditions de travail à l’échelle du Québec. Ces travaux mettent en lumière la nécessité pour
les aeurs de l’archéologie contrauelle de travailler ensemble, car c’e à l’échelle de la profession
et non des individus ou des entreprises isolés qu’une normalisation doit s’implanter et se maintenir.
•
anks to the efforts of the Centre de normalisation du travail en archéologie québécoise (CNTAQ),
it is now possible to better underand, describe and explain the working conditions of Québec’s
professional contra archaeologis. Neoliberal logic has subjeed the profession to inadequate
regulation and the very precarious situation that this entails. e aim of this article is to discuss
the eps taken thus far to address this situation. For example, it looks at the concept of a model
contra, a tool that has been proposed to make working conditions in contra archaeology less
precarious and to andardize them across Québec. e initiatives taken to date highlight the need
for the various players in contra archeology to work together, for it is at the level of the profession
itself, rather than individuals or the odd company, to implement and maintain such andardization.
présente le bilan de près de trois
années de travail sur le projet de normali-
de l’Université de Montréal indiquait déjà que
cette précarité découlait de normes inadéquates
ou insuffisamment explicites : la Loi sur les normes
du travail (LNT) e ancienne et mal adaptée aux
professions atypiques (voir aussi MD
2017 ; MD & M 2019) ; la Loi sur
le patrimoine culturel (LPC) ne concerne pas les
conditions de travail. Le CNTAQ (acronyme pro-
posé un peu plus tard et désignant le Centre de
normalisation du travail en archéo logie québé-
coise) proposait d’expliciter des nor mes permet-
tant de mieux encadrer la profession. Parmi les
différents modes d’aion exiant alors (syndicat,
ordre, agence de placement), et compte tenu de la
fragmentation (c’e-à-dire l’absence de ruures
colleives liant les archéologues et les entreprises)
importante du milieu archéologique, il apparais-
sait que la création d’un contrat type, ou « modèle
préétabli non par une entreprise isolée, mais par
un organisme représentatif de la profession »1
(CNTAQ2017) était la démarche la plus réalie.
En effet, elle orientait d’abord le travail sur l’écri-
sation de la pratique archéologique au Québec.
Celui-ci a été lancé officiellement en mai2017, lors
du 36ecolloque de l’Association des archéologues
du Québec (AAQ), à Montréal, devant un parterre
composé d’employés, d’employeurs et de représen-
tants de clients en archéologie tels que la Ville de
Montréal ou différents paliers gouvernementaux
(CNTAQ2017). Il visait alors à documenter et à
comprendre écifiquement la précarité de la pro-
fession contrauelle, décriée syématiquement
et de manière informelle par ses pratiquants et
partiellement documentée lors de recherches pré-
cédentes (CREPn.d. ; R & F
1992 ; Z 2011 ; 2010 ; Z & G S-
P 2017). Par profession contrauelle, il faut
comprendre ici une externalisation de la pratique
archéologique vers des consultants ne diosant
d’aucune forme de proteion colleive autre que
celles offertes par les lois en vigueur. Un travail
préalable avec l’École des relations in durielles
C
rchéologiques, no
ture de normes communes à partir de consulta-
tions auprès des multiples intervenants du milieu
professionnel. Ces consultations ont ainsi été
menées à l’échelle du milieu professionnel auprès
de plusieurs groupes d’employés et d’employeurs
œuvrant dans différents modèles d’entreprises,
afin que puissent être dégagés des normes et des
besoins représentatifs de la profession.
Ce projet reprenait certains problèmes énon-
cés depuis longtemps déjà. Dès la fin des années
1970, l’AAQ nouvellement créée se donne comme
mission « […] le développement, la promotion et
la défense de l’archéologie et de sa pratique éthique
et professionnelle au Québec en tant que science,
patrimoine et discipline »2. Cette mission est
amorcée de plusieurs façons. D’abord, par la
création d’un code d’éthique3 visant à encadrer
l’ae scientifique de la profession. Plus tard, au
début des années 1990, un premier comité des
normes et conditions de travail e formé au sein
de l’association par Claude Rocheleau et Danielle
Filiatrault et aboutit à une proposition sur des
normes salariales (R & F
1992). En outre, e également mise en place une
table de concertation avec la Direion du patri-
moine du minière de la Culture et des Commu-
nications du Québec (MCC) permettant à cette
dernière de consulter le Conseil d’adminiration
de l’AAQ sur différents dossiers (tel que la révision
du mode d’attribution des permis [AAQ2017, 7]).
Un second comité e mis sur pied en 2015 : le
Comité de réflexion sur l’état de la pratique
(CREP). Ce dernier a comme mandat de docu-
menter le contexte sociodémographique des ar-
chéologues et leur degré de satisfaion par rap-
port au MCC, à l’AAQ et à leurs conditions de
travail (CREPn.d. ; G2017 ; 2015). Notons
enfin que l’AAQ permet depuis plus de 30 ans
maintenant la tenue annuelle d’un colloque et la
publication, annuelle elle aussi, de la revue Archéo-
logiques.
L’accomplissement par l’AAQ de sa mission
ree en 2017 inégal. Si les règles d’attribution des
permis ont pu être ajuées par le MCC suite aux
recommandations de l’AAQ, il faut également
noter que :
– les archéologues n’ont aucune obliga tion légale
à reeer le code d’éthique de l’asso ciation,
qui par ailleurs ne fait aucune mention des
conditions de travail ;
– ils n’ont pas plus d’obligation à souscrire à
l’AAQ, ce qui nuit à sa capacité à encadrer
durablement la pratique4.
Les normes salariales proposées au début des
années 1990 n’ont pas été reeées. Les résultats
des travaux du CREP n’ont pas été publiés en
détail, hormis quelques résultats très préliminaires
lors du 36ecolloque de l’AAQ (G2017)
affichant une insatisfaion notable envers les
initutions censées les représenter ou encadrer
leur pratique. Enfin, si les colloques et les numéros
de la revue Archéologiques permettent de
rassembler travaux et archéologues sur une base
annuelle, cette fré quence ree insuffisante pour
faire le point auprès de la communauté, pour
l’organiser et la mobiliser.
Ree toutefois que c’e au sein de cette publi-
cation et de ce colloque que les premiers travaux
de Nicolas Zorzin ont pu être diffusés (Z
2010 ; voir aussi 2015a ; 2015b ; Z & G
S-P 2017). Il documente extensivement les
conditions de travail des archéologues profession-
nels, en s’appliquant à mesurer les effets d’une
logique néolibérale sur l’archéologie québécoise.
Cette étude (Z 2010) e la première à dres-
ser un portrait socio-économique des prati quants
de l’archéologie et à témoigner de la situa tion
précaire vécue par les principaux aeurs de la
profession, dont résulte un taux de décro chage
professionnel fort élevé, généralement après cinq
à dix ans d’aivité, ainsi qu’une situation dé-
favorable pour les femmes, qui sont moins repré-
sentées dans les tranches plus âgées (déclin obser-
vé après 30 ans) de la population aive. Des études
compa ratives menées en Angleterre, en Auralie,
au Japon soulignent plus tard que le problème
québé cois e partagé partout où une logique
néolibérale e à l’œuvre (Z2015a ; 2015b ;
2013) : une précarisation de la profession, une
qualité scien tifique décrue de la pratique, une
perte de pouvoir générale des archéologues sur
leur profession et leur pratique.
C’e donc en s’inscrivant dans la suite des
travaux amorcés par Nicolas Zorzin et par le
CREP, et en tenant compte des limites de l’AAQ
dans la réalisation de sa mission, que le CNTAQ
a lancé son projet de normalisation. Cet article
expose ce projet en trois temps. D’abord, un état
général de la profession archéologique con trac-
tuelle e présenté. Deuxièmement, un soin parti-
culier e porté sur les effets d’une profession mal
régulée sur les employés contrauels, puis sur les
employeurs en archéologie. Ensuite, quel ques élé-
ments du contrat type sont exposés. Enfin, diverses
pies d’aions futures achèvent cet article.
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
L’ARCHÉOLOGIE PROFESSIONNELLE
CONTRACTUELLE, UNE PROFESSION
INADÉQUATEMENT RÉGULÉE
Les travaux du CNTAQ ont principalement porté
sur l’archéologie professionnelle contrauelle.
Celle-ci peut être définie de la façon suivante :
Cette archéologie se diingue des autres en
raison du fait qu’elle e réalisée au sein d’une
compagnie privée ayant pour mandat la geion
des vestiges archéologiques (prospection,
études de potentiel, fouilles, analyses et publi-
cations). Au Québec, ce mandat lui e confié
essentiellement par des initutions gouver-
nementales, mais aussi, dans une moindre
mesure, par des groupes d’intérêts privés.
(Z2010, 2)
Il faut porter ici l’attention sur trois points.
Premièrement, l’archéologie professionnelle con-
trauelle n’e effeivement pas la seule forme
d’archéologie pratiquée au Québec5. Elle ree
direement reonsable de l’emploi d’une majori-
té d’archéologues et de la quasi-totalité des in-
terventions de terrain (voir D 2016 ;
Z2010). Ainsi, le dernier recensement com-
plet de la profession archéologique, tous contextes
confondus (universités, minières, sociétés d’état,
privé, etc.), remonte à 2008 (Z 2010). Il
montrait déjà que près de 54 % des archéologues
œuvraient en milieu privé (143 sur 266). Plus ré-
cemment, divers recensements des interventions
menées sur le territoire québécois montrent l’em-
phase portée sur la « proteion » du patrimoine
(D2018 ; 2016), à savoir ici l’intervention
de sauvetage sur le terrain préalablement à l’amé-
nagement du territoire par un promoteur.
Deuxièmement, des organismes à but non
lucratif (OBNL) se voient également confier de
tels mandats (Archéo-08 ou Archéo-mamu, par
exemple). Le terme « entreprise » e donc préféré
ici, conformément aux différents modèles éco-
nomiques reconnus par le Regiraire des en-
treprises du Québec (REQ) (voir C N TAQ2018b).
Troisièmement, les modalités de cette « ges-
tion des veiges archéologiques » nécessitent de
plus amples explications, car cette geion e
partagée de façon inégale par cinq types d’aeurs
principaux : les minières et les lois dont ils doi-
vent assurer le ree ; les clients qui émettent
des devis et les promoteurs reonsables des tra-
vaux de réaménagement du territoire ; les entre-
prises d’archéologie mandatées par des clients ; et
les archéologues employés par des entreprises
d’archéologie. Le terme geion e ici entendu au
sens plus large de « s’occuper de » afin de mettre
sur un même plan de comparaison ces différents
aeurs. Le champ d’aion de chaque aeur e
passé en revue successivement.
Premièrement, un ensemble de lois et de rè-
glements régulent la pratique archéologique au
Québec. En 1972, la Loi sur les biens culturels
(remplacée en 2012 par la Loi sur le patrimoine
culturel, ou LPC) et la Loi sur la qualité de l’en-
vironnement6 ont renforcé sa reconnaissance et
sa pratique, en facilitant la réalisation d’inter-
ventions archéologiques majeures et en mettant
l’accent sur la conservation et la proteion du
patrimoine archéologique (M2016). Chaque
intervention archéologique nécessite l’obtention
d’un permis de recherche archéologique délivré
par le MCC où sont évalués la composition de
l’équipe (principalement le chargé de projet, et la
présence de certains spécialistes tels qu’en bio-
archéologie si l’intervention l’exige), la méthodo-
logie de terrain, le temps et le budget alloués. Un
rapport doit ensuite être obligatoirement remis
au MCC et respecter certaines normes légales (voir
S2019).
Ree toutefois que le champ d’application de
la LPC e rereint de deux façons. D’une part, le
MCC a le pouvoir de décider si des travaux archéo-
logiques et non archéologiques (développement
du territoire) peuvent avoir lieu ou non sur des
sites classés patrimoniaux. D’autre part, il n’a pas
de juridiion hors de ces sites tant qu’une inter-
vention archéologique n’e pas amorcée : par
exemple, tant qu’un client ne mandate pas une
entreprise d’archéologie pour le faire. Il ne peut,
par exemple, forcer un promoteur à effeuer de
telles interventions, et doit se replier ici vers un
rôle de sensibilisation hors de ces zones classées,
s’aidant en cela d’incitatifs financiers contribuant
au développement économique des municipa-
lités7. Il revient en effet à chaque municipalité de
déterminer les conditions dans lesquelles des
interventions archéologiques seront un préalable
nécessaire à tout réaménagement du territoire. En
cela, la geion du patrimoine e décentralisée,
au sens où il incombe à chaque municipalité de se
prémunir d’un plan d’intervention archéologique
(A-Q2012). Ici encore, ce pouvoir
d’aion se diribue de part et d’autre du type de
propriété visée : sur les terrains privés, il n’y a pas
d’obligation à faire de l’archéologie (seulement à
déclarer une découverte fortuite au MCC). La
rchéologiques, no
sensibilisation des propriétaires est encore ici de
mise.
Ces éléments pointent donc vers une geion
inadéquate par le MCC du patrimoine archéo-
logique. Sa juridiion limitée et sa décentrali-
sation se couplent à des critères d’évaluation des
per mis qui sont jugés insuffisants par certains
(S2019). De plus, la demande de permis
n’encadre pas l’équipe au complet, ce qui ne per-
met pas aux archéologues de terrain (dits « techni-
ciens » dans le formulaire du MCC) de mettre de
l’avant leurs compétences lorsqu’elles seraient
pourtant indiensables à la bonne réalisation de
l’intervention.
Enfin, un changement récent8 dans la régle-
mentation encadrant la délivrance d’un permis de
recherche archéologique, assigne à présent le pro-
moteur comme détenteur du permis. Présenté9
comme un ajuement protégeant les archéologues
de toute poursuite pénale suivant une in fraion
de la LPC (notamment l’incapacité à délivrer le
rapport dans les temps impartis, soit un an après
l’obtention du permis), il s’agit aussi d’une mesure
retirant aux archéologues un pou voir sur leur
pratique. En effet, l’archéologue récipiendaire du
permis archéologique pouvait demander au MCC
qu’on inscrive des conditions d’intervention é-
cifiques dans son permis pour l’aider à encadrer
sa pratique face à son client. Par exemple, interdire
qu’un inventaire soit exécuté en cas de gel des sols,
et obliger le client à remettre à plus tard la pour-
suite de l’intervention sans que ce souci de rigueur
scientifique ne pénalise l’archéologue et l’entre-
prise d’archéologie sur un marché compétitif
(CNTAQ2018b). Or, en changeant les règles
d’attribution du permis, le MCC donne plus de
pouvoir au promoteur sur les conditions dans
lesquelles se déroule une intervention archéo-
logique et retire à l’archéologue la possibilité de
se prononcer sur ces conditions (voir aussi Z
& G S-P 2017).
Deux autres lois s’appliquent à une interven-
tion archéologique en encadrant ses travailleurs :
la Loi sur les normes du travail (LNT) et la Loi sur
la santé et sécurité du travail (LSST)10. Ces lois
édient les normes minimales à reeer pour
tout employé et employeur qui n’e pas géré par
des conventions colleives ou d’autres mesures
d’encadrement de la profession. Il e queion,
entre autres, de la rémunération (le salaire mini-
mum), des heures supplémentaires, de l’équipe-
ment de protection personnel, des indemnités
minimales et des compensations diverses, des
congés, mais surtout des droits des travailleurs et
des devoirs des employeurs. Le droit de refus fait
partie de ceux-ci, mais malgré son poids légal, il
reste mal vu et difficile à justifier dans certains cas,
même s’il y a gain de cause par manque de précé-
dents ou de connaissance réelle des dangers. Il e
donc aisé d’isoler certains plaignants, d’autant plus
que le format de plainte proposé par la Commission
des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité
du travail (CNESST) est individuel, qu’il oblige le
plaignant à se nommer et à transmettre sa plainte
à son employeur11. Le Syème d’information sur
les matières dangereuses utilisées au travail
(SIMDUT) fait aussi cas de figure, car même s’il
présente les dangers de contaminants, ceux-ci sont
très rarement expliqués dans des cas de contami-
nation des sols, qu’il s’agisse de leur présence, des
modes de contamination (taile, volatile, soluble)
ou des impas et effets sur la santé qu’ils peuvent
entraîner. Ceux-ci sont souvent méconnus, parti-
culièrement parce que le conta dire e évité
ou interdit, ce que les archéologues, travaillant à
même les sols, ne peuvent se permettre.
De plus, il ree des zones grises quant à l’ap-
plication de certaines mesures comme les in-
demnités de déplacement et d’éloignement (voir
CNTAQ2018d), car elles ne sont pas régies par
des cas de figure ou des contextes d’application,
mais ne font qu’indiquer les montants alloués. Ces
montants n’ont pas été révisés depuis plusieurs
années, ce qui ne tient plus compte des variations
dans la taxation et l’inflation. Il e donc difficile,
pour les employés aussi bien que pour les em-
ployeurs, de faire certaines demandes même
lorsqu’elles sont prévues dans la loi, car la pro-
fession ree atypique et donc mal connue des
différents or ganes gouvernementaux documen-
tant les profes sions du Québec (voir aussi AAQ
2017, 2).
Ces législations, par leur présence comme par
leur absence, peuvent individualiser les aeurs
qui voudraient y avoir recours. Souvent ces droits
et devoirs ne sont pas balancés par une contre-
partie écrite et normalisée incombant au récipien-
daire de l’un ou l’autre des édits. Peu sont à même
de bien connaître leurs droits et devoirs, car non
étudiés et méconnus autrement que par le bouche-
à-oreille. Il arrive parfois aussi que les conditions
émises par la loi ne puissent être reeées pour
cause d’éloignement, difficulté d’accès ou autre.
Les programmes de prévention des entreprises
permettent de remédier ou atténuer certains pro-
blèmes, mais leurs mesures ne sont pas communes.
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
Les accidents ou « presque accidents », le froid, la
chaleur et les contaminants sont des exemples de
cas qui ne sont pas tous gérés de la même façon
ou ne serait-ce qu’avec les mêmes formulaires ou
seuils. Les employés peuvent ne pas vouloir en
parler de crainte de ne pas être rappelés ou de
perdre de l’argent et des heures assurables pour le
chômage dans une période de travail qui ree
courte pour la majorité des archéologues (voir plus
bas).
Deuxièmement, c’e dans ce contexte légal
qu’un appel d’offres e lancé par un client, dont
deux grands types exient : les clients publics
(Ville de Québec, Ville de Montréal, minière des
Tranorts du Québec, Parcs Canada, Hydro-
Québec, municipalités, communautés autoch-
tones, musées) et privés (promoteurs immobiliers)
(CNTAQ2018b ; D2016). Les besoins
motivant ces appels d’offres sont variés, mais con-
cernent souvent des projets de développement
qui, en ayant un impa environnemental, néces-
sitent que diverses expertises aient au préalable
assuré que cet impa était mineur. Ces offres
peuvent se faire de gré à gré (direement entre
un client et une entreprise, sans appel d’offres), en
appel d’offres sur invitation (des entreprises triées
préalablement reçoivent l’appel d’offres), ou en
appel d’offres ouvert à toutes les firmes. Ces types
d’offres circonscrivent différentes fourchettes bud-
gétaires, elles-mêmes variant d’une municipalité
à l’autre, et entre les seeurs publics et privés
(CNTAQ2018b).
Des études de potentiel sont commandées à
des entreprises préalablement à l’émission de ces
devis pour mieux circonscrire l’impa potentiel
des travaux d’aménagement. Ces devis permettent
d’indiquer notamment la superficie du projet de
développement envisagé, voire certains éléments
méthodologiques que l’intervention devra prendre
en compte. L’entreprise d’archéologie répondant
à l’appel d’offres doit donc convertir la superficie
du projet en temps de travail qui soit scientifi-
quement adéquat, tout en étant le moins cher
possible. Le tout en tenant compte de multiples
autres variables dépendant des contextes et du
mandataire (période étudiée, méthode préconisée,
accessibilité de la zone d’intervention).
Deux jeux de variables sont pris en compte
par le client au moment de choisir parmi différents
appels d’offres :
– la qualité scientifique de l’intervention pro-
posée, où sont évaluées l’équipe (expérience,
expertise), la firme (années d’expérience, assu-
rances, logiique à diosition, etc.), la com-
préhension du mandat par la firme, la méthode
d’intervention (ibid., 12) ;
– le prix demandé, qui répond ici dans la plupart
des cas à la logique de la soumission la plus
basse (ibid., 25).
Les clients publics majeurs (tels que la Ville de
Montréal, la Ville de Québec, Hydro-Québec,
Parcs Canada, le minière des Tranorts du
Qué bec) emploient des archéologues à temps
plein ; des archéologues peuvent également agir à
titre de consultants scientifiques externes. Ils gè-
rent aussi bien l’ae archéologique des devis
qu’ils participent à l’évaluation méthodologique
des offres reçues, au bon déroulement de l’inter-
vention et à l’évaluation subséquente des rapports
remis par l’entreprise à son client.
Enfin, à quelques exceptions près et relative-
ment récentes, l’entreprise archéologique n’agit
pas à titre de promoteur. Ce dernier e reon-
sable des travaux d’aménagement généraux. L’en-
treprise archéologique doit donc s’arrimer au
promoteur pour s’assurer que certaines conditions
matérielles permettant le bon déroulement de
l’intervention archéologique soient en place (par
exemple, accès à une pelle mécanique, clôtures,
eau). De fréquentes renégociations relatives aux
échéanciers à reeer interviennent également
dans le déroulement de l’intervention.
Troisièmement, plusieurs entreprises co-
exient au Québec (CNTAQ2018b ; D
2017). Elles sont en compétition les unes avec les
autres face à un appel d’offres. Elles obéissent à
différents modèles économiques : société par ac-
tions, société en nom colleif, entreprise indivi-
duelle, coopérative, organisme à but non lucratif
(OBNL). Ces modèles correondent principale-
ment au mode d’aion choisi pour intégrer et
participer à une économie de marché fondée sur
le patrimoine archéologique : par exemple, la firme
privée peut générer du profit que ses dirigeants
peuvent décider de réinveir comme bon leur
semble. À l’inverse, l’OBNL ne peut pas en générer,
ses dirigeants, élus par les membres, doivent ren-
dre des comptes à ceux-ci et celles-ci lors d’assem-
blées générales, et elle a accès à des subventions
gouvernementales l’aidant à remplir la mission
sociale qui a juifié sa création (CNTAQ2018b).
Ces modèles imposent donc principalement
des contraintes quant à la geion interne de l’en-
treprise. Au niveau externe, c’e-à-dire sur le
marché archéologique, ces types de modèles ne
sont pas pris en compte dans le syème d’appel
rchéologiques, no
d’offres. Les mêmes conditions s’appliquent à tous :
une évaluation scientifique et budgétaire de l’offre
soumise, la nécessité d’obtenir un permis d’inter-
vention archéologique et de remettre un rapport
d’intervention. En outre, il faut ajouter que sur ce
marché, un même souci de préservation anime les
geionnaires d’une entreprise dont ils doivent
veiller à la bonne santé (ce qui e variable si, par
exemple, l’entreprise doit payer des loyers de bu-
reaux, une équipe permanente, dioser de fonds
de roulement, dioser de fonds pour s’engager
dans certains contrats payés seulement beaucoup
plus tard). De plus, une loi anti-collusion 12 interdit
à ces entreprises de s’entendre pour fixer certains
barèmes (tels que les salaires des employés) en
dehors des démarches de négociation colleive
telles que permises par des syndicats ou autres
initiatives émanant d’employés. Enfin, un code
d’éthique proposé par l’AAQ permet d’encadrer
plus précisément que la LPC le déroulement d’une
intervention archéologique. Il n’y a toutefois au-
cune obligation légale d’y souscrire.
Ces entreprises ont aujourd’hui des poids dif-
férents sur le marché archéologique qui, en 2017,
avoisinait huit millions de dollars : elles gèrent
différents types (définis par leur fourchette budgé-
taire) et nombre de mandats (CNTAQ 2018b ;
D2019). Ces poids variables les laissent
néanmoins tributaires de leurs clients, car elles
évoluent sur un marché inadéquatement régulé et
d’externalisation des services visant à augmenter
la compétition, à baisser les prix et à fragiliser une
profession (MD2018).
Devant la décentralisation amorcée par le
MCC dans sa geion du patrimoine, et devant la
régulation inadéquate dont font preuve les lois
présentées plus haut, il revient donc aux clients
d’assurer une part toujours plus importante dans
la geion du patrimoine et de celles et ceux qui
travaillent à sa préservation. Or, même en l’ab-
sence de recherches approfondies dans ce do-
maine, il faut partir du principe que les priorités
qui animent les clients et l’encadrement dont
ceux-ci font preuve peuvent être amenés à varier
fortement. Certains (notamment les clients pu-
blics) ont un devoir moral à l’égard du patrimoine
et des citoyens que ne partagent pas nécessaire-
ment des clients privés. Une entreprise trop exi-
geante sur le plan scientifique peut se voir indivi-
dualisée négativement sur ce marché où une
bonne réputation ree importante (notamment
pour les contrats de gré à gré et les contrats sur
appel) : à savoir, la capacité à remplir un mandat
dans les temps impartis et sans surcoûts majeurs.
Une profession qui ree soumise à l’obligation
morale de son client, lui-même soumis à la logique
du plus bas soumissionnaire, ne peut donc pas
eérer contrôler suffisamment les conditions en
encadrant la pratique.
Quatrièmement, une fois l’offre emportée, la
firme doit remplir le devis que lui fournit le client
en complétant généralement son équipe perma-
nente (lorsqu’elle en diose) avec des employés
temporaires ou saisonniers (CNTAQ2018e) pour
les inventaires et fouilles majeurs, mais aussi la
surveillance ou le travail en laboratoire subséquent
(avec des écialies ou archéologues de labo-
ratoire). Ils peuvent être employés à titre de
travailleurs autonomes (notamment dans le cas
des chargés de projet) ou de travailleurs salariés
(CNTAQ2018d, 8). Peu importe le mode d’em-
bauche, celui-ci e contrauel, c’e-à-dire ipulé
sous forme de contrat (voir ci-dessous). Ces em-
ployés présentent un éventail de compétences
variées (expérience et formation ; voir la seion
suivante) qu’ils mettent à profit pour effeuer leur
travail archéologique, c’e-à-dire pour compren-
dre de quelle façon un site ou une région a pu être
habité dans le passé. Leur capacité à diinguer
des artefas, des couches et toute différence per-
tinente e donc centrale dans la geion du patri-
moine archéologique.
Les employés saisonniers se diinguent des
employés permanents principalement quant à
leurs conditions de travail, qui peuvent varier en
raison des différents employeurs pour lesquels ils
sont amenés à travailler, en commençant par les
salaires, très dispersés pour chaque catégorie
d’emploi (fig. 1), les heures de travail annuel qui
leur sont allouées (fig. 2), et conséquemment, leur
revenu annuel brut issu de l’archéologie (fig. 3).
Aussi, un employé permanent e engagé à temps
plein, pour une durée indéterminée, et pas pour
une intervention écifique, contrairement au
saisonnier (CNTAQ 2018d, 10).
Toutefois, cette apparente diinion entre
permanents et saisonniers s’émousse dans les
divers contextes qui conituent aussi la pratique
archéologique : laboratoire ou terrain, hiorique
ou préhiorique, rural ou urbain, lieu de l’inter-
vention, type de devis et promoteur, durée des
contrats, proximité avec l’employeur (CN TAQ
2018a).
En outre, et hormis quelques exceptions, les
uns comme les autres sont engagés par contrat
oral, qui, ayant la même valeur dans le Code civil
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
Figure 1. Dispersion des salaires horaires pour 2017 et 2018, par catégorie d’emploi. Noter que la dispersion se
resserre entre 2017 et 2018 pour les archéologues de terrain et les archéologues assistants (CNTAQ2019b).
Figure 2. Dispersion des heures travaillées en archéologie professionnelle contractuelle pour 2017
et 2018, par catégorie d’emploi (CNTAQ2019b).
rchéologiques, no
du Québec qu’un contrat écrit (CNTAQ2018d),
ree toutefois moins contraignant étant donné
qu’il e souvent difficile, voire impossible, d’avoir
une appréciation claire des clauses unissant les
deux parties contraantes.
Enfin, permanents comme saisonniers sont
liés à un employeur qui, selon la définition clas-
sique des relations de travail, « embauche un ou
plusieurs salariés qu’il rémunère, en contrepartie
de quoi, ces derniers fournissent une preation
de travail dans le cadre d’une relation de subordi-
nation à l’égard de cet employeur » (B et
al.2003, 1, cité dans CNTAQ 2018b). Ils sont
tributaires d’appels d’offres remportés par leur
employeur et donc de la bonne santé économique
de la firme. Ils sont soumis à des normes qui ne
sont pas toujours explicitées (e.g. la grille salariale
de la firme), adéquates ou reeées (santé et
sécurité au travail). Ils participent aux mêmes
interventions de terrain ou de laboratoire.
Ici aussi, il e possible de dire que différents
employés ont différents poids sur le marché ar-
chéologique : celui-ci découle des différentes ca-
raé riiques énoncées ci-dessus, auxquelles il
faudrait ajouter la variable majeure de son éligi-
bilité à un permis de recherche archéologique
(comme chargé de projet ou comme écialie
protégé par l’encadrement du MCC). Et, ici aussi,
il faut rappeler qu’une régulation inadéquate ree
à l’œuvre. En effet, un employeur diose d’un
pouvoir déséquilibré en sa faveur sur les employés
qu’il choisit ou non d’employer étant donné l’ab-
sence de proteion colleive à même de protéger
les seconds. En outre, ce rapport de pouvoir ac-
corde au premier un droit de parole qui n’e pas
permis aux seconds, et que ces derniers ne solli-
citent qu’au risque de ne plus être engagés.
De cet exposé général de l’archéologie profes-
sionnelle contrauelle au Québec il faut retenir
plusieurs choses. D’abord :
• Cinq aeurs participent majoritairement à la
geion du patrimoine archéologique : les mi-
nières, les clients et leurs promoteurs, les
entreprises d’archéologie, les employés en ar-
chéologie.
• Ces aeurs diosent de rapports de pouvoir
déséquilibrés sur sa geion, la plus grande
part du pouvoir revenant au client.
• Ce déséquilibre e dû à la régulation inadé-
quate de la profession, c’e-à-dire que les nor-
mes sont inadéquates, que sa geion e dé-
centralisée, que les initutions protégeant ces
normes abandonnent leur reonsabilité, et
qu’aucune autre ruure colleive ne permet
de prendre le relais pour réguler la profession
à l’échelle du milieu.
Ensuite, cet examen permet d’atteer que les effets
d’une logique néolibérale sont à l’œuvre (voir aussi
Z 2015a ; 2015b ; Z G S-
P 2017) : non pas simplement « un libéralisme
qui admet une intervention limitée de l’État »13,
mais bien un « programme de deruion des
ruures colleives capables de faire obacle à
la logique du marché pur » (B1998, 3) :
Figure 3. Dispersion du salaire annuel brut issu de l’archéologie professionnelle contractuelle pour
2017 et 2018, par catégorie d’emploi (CNTAQ2019b).
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
Figure 4. Âge des répondants, par sexe (CNTAQ2019b).
Figure 5. Années d’expérience des répondants, par sexe (CNTAQ2019b).
Figure 6. Dernier niveau d’étude complété en archéologie, par sexe (CNTAQ2019b).
rchéologiques, no
c’est-à-dire un assouplissement ou un non-
renforcement de normes ; et l’affaiblissement des
initutions (tels les minières) permettant le
ree de ces normes.
Ici, la régulation inadéquate de la profession
contribue à la fragilisation des employés devant
leur employeur, ainsi que des entreprises et du
MCC devant les clients mandatant les interven-
tions archéologiques. En contrepartie, cette fragi-
lisation empêche les uns d’imposer aux autres des
normes adéquates, ce qui poursuit la fragmenta-
tion de la profession contrauelle en compliquant
la pérennité des aeurs et leur mobilisation au
sein de ruures colleives, et en transférant
toujours plus de pouvoir aux clients, eux-mêmes
des régulateurs à motivations variables.
EFFETS D’UNE RÉGULATION
INADÉQUATE DE LA PROFESSION
SUR LES EMPLOYÉS
Outre cette cartographie générale de la profession
que des travaux antérieurs avaient déjà commencé
à dépeindre (D 2017 ; 2016 ; Z
2015a ; 2015b ; 2011 ; 2010 ; Z & G S-
P 2017), le travail du CNTAQ a permis de
documenter plus précisément certains des effets
de cette régulation insuffisante sur les employés
en archéologie contrauelle, au travers de deux
sondages effeués sur les années 2017 et 2018
(CNTAQ 2019b ; 2018c). Lancés publiquement
par courriel et sur la plateforme Facebook, et
venant compléter des tables rondes organisées aux
automnes 2017 et 2018 (CNTAQ 2018a ; 2018e),
les sondages ont permis d’atteindre un grand
nombre d’archéologues, travaillant en archéologie
contrauelle et non-contrauelle (c’e-à-dire
hors des entreprises d’archéologie mandatées par
des clients pour réaliser un devis ; et protégés par
des ruures de négociation colleive : cura-
teurs, professeurs, chercheurs). Les données re-
cueillies sur les non contrauels ne sont pas pré-
sentées ici, celles-ci n’étant pas jugées suffisam-
ment représentatives au vu de leur faible nombre
et de ce que les démarches du CNTAQ étaient
clairement orientées vers les archéologues con-
trauels.
Cette précision faite, notons un très bon taux
de participation : en se fiant au recensement effec-
tué par Nicolas Zorzin en 2008 (2010), une cen-
taine d’archéologues contrauels sur près de 150
à 200 potentiels archéologues (chiffre eimé pour
compenser l’âge du recensement) indiquerait que
l’échantillon des sondages représente de 50 % à
75 % de la population d’archéologues contrauels.
Cette population e principalement âgée en-
tre 24 et 40 ans (fig. 4) ; elle a minimalement un
diplôme universitaire de premier cycle et plus de
la moitié détient un diplôme de deuxième cycle
(fig. 6) ; elle e composée à peu près à parts égales
d’hommes et de femmes. De plus, elle se diribue
entre les différentes catégories d’emploi (archéo-
logue de terrain, assiant, chargé de projet, é-
cialie) et atuts professionnels (employés, em-
ployeurs, autonomes) (fig. 7), avec une majorité
pour les archéologues de terrain (aussi appelés
« techniciens », une appellation qui tend à être
rejetée par une majorité d’archéologues, tel que
l’a confirmé le second sondage du CNTAQ
[CN TAQ2019b]). Enfin, la plupart des répondants
Figure 7. Statut professionnel principal en 2018 (CNTAQ2019b).
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
ont entre cinq et neuf années d’expérience en
archéologie (fig. 5).
Outre la bonne représentativité des sondages,
ce taux de participation souligne l’importance de
la mobilisation des archéologues contrauels lors
des consultations, de leur poids démographique,
de démarches telles que celles du CNTAQ, et
permet de cerner la situation et les besoins d’une
population relativement bien circonscrite.
Les queions sur l’emploi posées dans les
sondages ont fourni les réponses suivantes :
• La population féminine domine les trois pre-
mières catégories d’âge, puis les proportions
s’équilibrent entre 35 et 39 ans avant de se
renverser complètement (fig. 4).
• Les données publiées par Nicolas Zorzin in-
diquaient une chute importante dans les ef-
feifs à partir de 30 ans, là où les sondages
montrent que les catégories d’âge de 24 à 39
ans sont présentes en proportions équivalentes,
voire en hausse graduelle vers la catégorie de
35 à 39 ans.
• Le taux chute toutefois après 39 ans, ainsi
qu’après 19 ans d’expérience (avec un pic no-
table entre cinq et neuf ans d’expérience).
• La force de travail se concentre dans les deux
principales villes du Québec, soit Québec et
Montréal, avec une représentation montréa-
laise majoritaire dans les sondages de 60 % en
incluant aussi les archéologues de la Mon-
térégie (fig. 8).
• Une partie importante des répondants diose
d’un revenu brut annuel issu de l’archéologie
inférieur à 25 538 $ (seuil de faible revenu en
2018) (fig. 3) et doit suppléer au revenu issu
de l’archéologie à l’aide soit d’un second em-
ploi, soit de l’assurance-emploi ou encore des
deux (fig. 9).
• Les archéologues de terrain ou de laboratoire
travaillent moins que la moitié de l’année en
général (moyennes et médianes à 800 heures)
(fig. 2).
Entre 2017 et 2018, on observe une hausse
salariale, de même qu’un rétrécissement de la
diersion du salaire horaire (fig. 1) :
• Cette hausse va jusqu’à 2 $/h de plus pour les
catégories d’assiant(e), de chargé(e) de projet
et de écialie.
• La hausse e légèrement moindre pour les
archéologues de terrain et de laboratoire. Le
minimum salarial e toutefois beaucoup plus
haut et se abilise à 18 $/h (hausse de 5 $/h) :
à l’échelle de la catégorie donc, le plancher a
été considérablement rehaussé, même si in-
dividuellement chaque archéologue de terrain
n’a pas nécessairement connu une hausse aussi
importante.
Toutefois, cette hausse doit être contraée avec
le nombre d’heures travaillées et le revenu annuel
provenant de l’archéologie :
Figure 8. Lieu de résidence des archéologues consultés (CNTAQ2018c).
rchéologiques, no
Figure 9. Proportion des catégories d’emplois qui ont dû suppléer à leur revenu
provenant de l’archéologie à l’aide de l’assurance-emploi (CNTAQ2019b).
• Les catégories d’archéologue de terrain, d’ar-
chéologue assiant et de chargé de projet ont
vu une chute dans leurs heures travaillées en
2018. La chute e plus importante pour les
archéologues de terrain (médiane : 110 heures
de moins) que pour les autres catégories
(médiane : 60 heures de moins).
• Cette différence dans les heures travaillées e
critique pour la catégorie des archéologues de
terrain et de laboratoire, parce qu’elle peut
faire la différence entre l’éligibilité ou non à
l’assurance-emploi. La moitié d’entre eux ne
l’a pas touchée en 2018.
• Les écialies ne semblent pas avoir été affec-
tés par cette chute, et ont même travaillé plus
en 2018 qu’en 2017.
• Conséquemment, c’e aussi une chute du re-
venu annuel qui s’observe, amenant une majo-
rité d’archéologues au-dessous du seuil de
faible revenu. La catégorie des archéologues
de terrain et de laboratoire e la plus touchée
par ces fluuations (médiane à 16 000 $ pour
un seuil de faible revenu situé à 25 338 $). Ces
fluuations n’impaent pas de la même façon
les autres catégories d’emploi, dont la dier-
sion ree majoritairement au-dessus du seuil
de faible revenu.
Des tendances supplémentaires peuvent être
extraites du sondage de 2018 (CNTAQ2018c) :
• Près de la moitié des répondant(e)s souffre ou
a déjà souffert de maladies ou troubles phy-
siques comme les maux de dos, de genoux, ou
affeant les poignets ou les mains (tendinite,
tunnel carpien) et les articulations, liés prin-
cipalement à la pratique de l’archéologie
(tableau1).
• 65 % de répondants sentent qu’une forte pres-
sion e mise sur leur travail, nuisant autant à
leur santé (blessures ou autres) qu’à la qualité
scientifique de leur travail.
• 75 % sont importunés à très importunés par
les courts préavis, les retards et autres im-
prévus.
Pour pallier cela :
• Une grille salariale e demandée par 80 % des
répondant(e)s, c’e-à-dire des critères clairs
reconnaissant l’expérience, la formation et les
compétences. Cela leur permettrait de mesu-
rer leur progression, de se positionner dans
un temps échelonné et d’échapper au plafon-
nement salarial découlant de ce que la prin-
cipale cause de hausse salariale soit auelle-
ment la progression dans la hiérarchie d’une
entreprise (voir aussi CNTAQ 2019a).
• Des taux horaires rehaussés sont demandés
par au moins les trois quarts des répondants.
• 70 % contribueraient à un fond de santé étant
donné qu’il n’exie présentement quasiment
aucun avantage social (hormis l’assurance-
emploi, les congés parentaux et les deux
journées de maladie payées inscrits dans la
nouvelle LNT)14.
• 40 % des répondants ne sont pas ou pas tout à
fait satisfaits de la qualité du matériel fourni
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
par leur employeur et 76 % préféreraient se
procurer leur propre équipement de proteion
individuelle grâce à une indemnité calculée et
remboursée sur chaque heure de travail.
• Enfin, 67 % des répondants seraient prêts à
refuser un contrat ne reeant pas les nor-
mes planchers établies par un contrat type.
EFFETS D’UNE RÉGULATION
INADÉQUATE DE LA PROFESSION
SUR LES EMPLOYEURS
Près d’une quinzaine d’employeurs ont pu être
consultés, répartis entre dix entreprises cor res-
pondant aux différents modèles d’organisation
(CNTAQ 2018b, tableau8). Seules des données
qualitatives issues des consultations sont dio-
nibles, car aucune analyse quantitative systé-
matique ciblant les problèmes présentés par les
employeurs n’a été entreprise à ce jour, puisque
les données comptables et clauses contrauelles
des entreprises n’ont pas été divulguées au
CNTAQ. Les consultations permettent néanmoins
de soulever des problèmes globaux qui varient en
importance selon les employeurs et les différents
projets concernés (tableau2). Trois jeux de pro-
blèmes méritent d’être commentés ici : les im-
prévus dus au promoteur, les imprévus archéo-
logiques et le atut général de la profession.
Les imprévus dus au promoteur, retards et
annulations parfois sans préavis, et l’imprévu
d’une découverte archéologique conituent le
premier point soulevé. La possibilité de demander
une extension ree faible et demeure discrétion-
naire de la part des promoteurs, car cela augmente
alors le coût convenu de l’intervention et risque
de nuire aux bonnes relations économiques de
l’entreprise avec son client, individualisant alors
l’entreprise dans un marché basé sur la compéti-
tion. Il y a donc une juification conante devant
le promoteur (plus particulièrement ceux qui n’ont
pas d’archéologues en leur sein) qui remet en cause
la pertinence de l’archéologie pour la dévaluer et
en limiter les demandes. La logique de soumission
la plus basse réduit aussi considérablement la
marge de manœuvre lors des appels d’offres pour
ces imprévus et pour la majoration. Le modèle
d’entreprise entraîne lui aussi des contraintes et
besoins variables (fonds de roulement, subven-
tions possibles, calendrier financier) qui sont di-
reement liés à cette même majoration.
Les devis sont aussi très reriifs et peu
malléables face à la réalité rencontrée lors de
l’intervention. L’imprévisibilité de la ressource
archéologique qui caraérise la pratique ne peut
pas être envisagée adéquatement. Ceci a deux
conséquences : lorsqu’il répond à un appel d’offres,
l’employeur doit avoir déjà une bonne idée de ce
Tableau 1. Blessures énumérées par les répondants du sondage du CNTAQ
(d’après CNTAQ 2018c)
Trouble/maladie Récurrence %
Maux de dos 4 9,0
Maux de genoux 3 7,0
Problèmes du tunnel carpien 3 7,0
Blessure aux mains/bras 2 4,5
Problèmes aux épaules 2 4,5
Arthrose sacro-lombaire 1 2,2
Douleurs aux articulations 1 2,2
Hernie 1 2,2
Muscle étiré 1 2,2
Problèmes aux hanches 1 2,2
Tendinite 1 2,2
Non spécié 22 2,2
Total 44 100 %
rchéologiques, no
Tableau 2. Problèmes de la profession présentés par les employeurs, avec des exemples de solutions proposées
(d’après CNTAQ 2018b)
Problèmes rencontrés et pistes de solutions suggérées par les employeurs
Problèmes Solutions
L’imprévu dû au promoteur (retard, annulation, préavis) Clauses de préavis dans les contrats avec promoteurs
L’imprévu archéologique (découverte archéologique) Pourcentage pour les imprévus ou enveloppe plus
ouverte plutôt qu’un montant xe
L’engagement informel de l’employé envers son
employeur (disponibilité)
Signature d’un contrat entre l’employé et son employeur
(prévoir entente pour bris de contrat)
L’absence de barème explicite encadrant l’aspect
scientique du travail (rapport, analyse, méthodologie)
Formation d’un comité d’évaluation des rapports ;
critères d’évaluation scientique de l’intervention
Mauvaise protection du statut d’archéologue
(profession)
Statuer sur la formation professionnelle et les diplômes,
souscrire à un code de déontologie
Les compétences des employés (expertise, formation,
expérience)
Formation continue des employés ; encadrement et
formation des employés autochtones
Contexte défavorable à la recherche (analyse,
publication)
Plus de nancement pour la recherche
La santé et sécurité au travail (absence de normes
communes)
Établir un plan de prévention commun à toutes et tous
La majoration (marge de manœuvre insufsante) Redénir des objectifs budgétaires et ajuster la
majoration en conséquence
Le modèle d’entreprise (fonds de roulement,
subventions et mission sociale)
Échelonner les changements (e.g. hausse salariale) et
les prévoir sufsamment à l’avance pour prendre en
compte l’échelle de temps nancière de l’entreprise
Rétention des employés Développer une banque centrale de travailleurs
Les enjeux politiques liés à la profession (revendications
territoriales)
Pas de proposition spécique
Une justication constante devant le promoteur (budget,
conditions de travail et valeur scientique du travail)
Recours à la loi et au règlement ; normalisation du
milieu empêchant l’employeur d’être individualisé
L’absence de normes de travail claires (conditions de
travail, statut)
Les employés doivent contribuer activement à la
dénition et au renforcement de normes de travail
La soumission la plus basse Normaliser les conditions de travail, respecter les
normes établies, créer des avantages compétitifs,
évaluer le respect des normes par les employés et les
employeurs
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
qui sera mis au jour ; lorsqu’une découverte im-
prévue e faite, l’évaluation de sa pertinence doit
se faire dans les limites posées par le budget alloué
à l’intervention. Le temps de rapport peut aussi
être diminué, celui-ci se calculant en un ratio
rapport/intervention15 ne pouvant pas toujours
être reeé. La finalisation du rapport peut alors
être effeuée sur une base bénévole ou sa rému-
nération prélevée direement sur les fonds de
l’entreprise. Il e à noter que c’e également le
cas des analyses écialisées (par exemple en cul-
ture matérielle), parent pauvre du rapport lui-
même déjà réduit (CNTAQ 2018a).
L’absence de barème explicite encadrant l’as-
pe scientifique du travail (l’intervention et le
rapport) ainsi que le contexte défavorable à la
recherche (notamment en matière d’analyses
écialisées, de publication et du développement
de nouvelles problématiques [S2019])
exacerbent ce problème lié à l’imprévu archéo-
logique. Ces derniers sont sensibles au type de
client avec lequel l’entreprise a à faire (voir plus
haut).
Un dernier problème notable e celui de la
proteion insuffisante du atut d’archéologue
(c’e-à-dire, qui e reconnu comme archéologue,
et donc qui e éligible à un contrat d’archéologie),
l’absence de normes de travail claires et de plan-
chers à reeer, l’absence de normes communes
en matière de santé et de sécurité au travail. Cela
mène de nombreux archéologues à quitter une
profession où ils ne diosent pas de repères clairs
et explicites avec lesquels ils pourraient se projeter
sur le long terme. Ils emportent alors avec eux
cette expertise lentement formée, centrale pour la
préservation de l’héritage archéologique, et
qu’aucun raccourci ne permet de remplacer. Les
conséquences pour les employeurs sont la fuite
d’une expertise leur permettant de remplir leurs
mandats dans des temps compétitifs tout en pré-
servant une qualité acceptable de travail. Une
expertise que ces employeurs ont également
contribué à former et donc à financer pour se
conituer une équipe de base leur fournissant un
avantage compétitif et la garantie de pouvoir se
reposer sur des archéologues compétents. Le
retour sur l’inveissement e donc limité par
l’imprévisibilité de la profession.
LE CONTRAT TYPE
Les consultations menées auprès des employés et
des employeurs en archéologie professionnelle
contrauelle (CN TAQ2018a ; b ; c) ont permis de
récolter les différentes informations nécessaires à
la conitution d’un premier modèle de contrat
type, c’e-à-dire un modèle permettant d’auali-
ser à l’échelle de la profession les normes deman-
dées par les archéologues consultés. Puisqu’un
contrat lie deux parties contraantes, un em-
ployeur à son employé, il fallait comprendre les
préoccupations des deux parties pour formaliser
l’engagement de chacun. Une première version du
document16 est présentée en mai 2018 au
37ecolloque de l’AAQ et e conituée de trois
grandes parties.
Premièrement, un préambule explicitant les
reonsabilités des employés et des employeurs à
l’égard du patrimoine archéologique et des com-
munautés autochtones. Deuxièmement, les ter-
mes d’engagement de l’employeur vis-à-vis de son
employé : durée du contrat, catégorie d’emploi,
rémunération horaire, indemnités, hébergement,
tranort, matériel, congés, heures supplémen-
taires, imprévus, santé et sécurité au travail.
Troisièmement, les termes d’engagement de l’em-
ployé vis-à-vis de son employeur : ree des
direives de l’employeur, de la durée des pauses
et des horaires de travail, du temps supplémentaire,
du matériel fourni par l’employeur, consentement
à se procurer son propre équipement, ree des
normes de santé et sécurité du plan de prévention,
ree de l’intégrité physique et morale de ses
collègues.
Si ces trois grands thèmes d’engagement sont
juifiés par les consultations, leur mise en forme
mobilise aussi bien ce qui a résulté des consulta-
tions que d’un exercice de documentation dans les
différentes lois québécoises (LPC et LSST), dans
le Code civil du Québec et dans divers autres
documents officiels pouvant aider à mieux en-
cadrer la pratique archéologique (Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples autoch-
tones et nouvelle Politique culturelle du MCC)
(voir CNTAQ 2018d pour une présentation ex-
hauive des différentes sources consultées dans
l’élaboration du contrat type).
Une nouvelle série de consultations e menée
auprès des employés et des employeurs afin de
compiler des commentaires sur la première
version du contrat type. Près d’une quarantaine
d’employés et une douzaine d’employeurs sont à
rchéologiques, no
nouveau rencontrés. Les résultats (CNTAQ2018e)
permettent de formuler certaines modifications
qui sont ensuite resoumises aux archéologues par
le biais du second sondage du CNTAQ (CNTAQ
2019b) pour en avaliser l’aualisation. Une troi-
sième version du contrat type e en préparation
au moment de l’écriture de ces lignes.
PERSPECTIVES
Le projet de normalisation des conditions de tra-
vail partait en 2017 d’un problème clair – la
profession archéologique e précaire – et pro-
posait que de vaes consultations permettent de
mieux comprendre ce problème, aussi bien ses
effets que ses causes. Ces consultations ont permis
de montrer que, du côté des effets, si les salaires
bas et agnants étaient un problème majeur, il
n’était pas le seul : imprévus nombreux, douleurs
chroniques, qualité variable du matériel s’ajou-
taient au portrait de la pratique de la profession.
Ces consultations ont également permis de mon-
trer que, du côté des causes, une réglementation
et une législation insuffisantes du côté de la LNT
demandaient que des normes soient (i) écrites et
(ii) implantées à l’échelle du milieu. Le contrat type
était l’outil proposé par le CNTAQ pour les écrire
et les implanter, permettant ainsi de réguler
certaines des préoccupations soulevées autant par
les employeurs que par les employés.
Les consultations direes qui ont été orga-
nisées par le CNTAQ sous forme de rendez-vous
avec les employeurs (CNTAQ 2018b) et de tables
rondes avec les employés (CNTAQ 2018a) avaient
une forme assez souple permettant à chaque
intervenant d’ouvrir les discussions sur les effets
et les causes du problème de la précarité du milieu.
Elles permirent de développer le projet de norma-
lisation dans des direions qui n’avaient pas été
entrevues originellement, et de nourrir ainsi plu-
sieurs pies d’aion futures. Trois peuvent être
mentionnées ici.
Premièrement, ces consultations ont, dès les
premières rencontres, pointé vers d’autres champs
de causes et d’effets qui se liaient étroitement aux
conditions de travail : la préservation du patri-
moine archéologique, l’impa du travail archéo-
logique sur les communautés locales, la qualité
scientifique du travail archéologique (CNTAQ
2018a ; b). Ces liens prenaient différentes formes,
soulignant soit l’impa négatif que des augmen-
tations salariales auraient sur les budgets déjà
minces alloués au patrimoine archéologique ; soit
l’impa positif qu’une profession adéquatement
régulée aurait sur les décisions prises en amont de
l’intervention, sur le déroulement de l’intervention
(e.g. champ d’aion devant l’imprévu archéo-
logique, maintien de l’expertise, proteion du
atut) ; ou encore sur le traitement d’un patri-
moine dont les archéologues ne sont plus, dans
un contexte de pratique décolonisée (B2018 ;
C G S-P 2017 ;
D 2018 ; D I 2018 ;
O2018 ;T et al.2018), les seuls
reonsables17.
L’amélioration des conditions de travail ne
pouvait donc se faire (i) sans considérer la façon
dont la préservation du patrimoine, les commu-
nautés locales et la qualité scientifique du travail
archéologique pouvaient être impaées par ces
démarches ; (ii) sans que le CNTAQ ne montre
qu’il était conscient de ces impas possibles. La
publicisation d’une déclaration d’intention le
14mars 2018 permettait au CNTAQ et à qui-
conque la signait de le démontrer sans préjuger
des priorités, valeurs, liens et importances rela-
tives entre les différents points soulevés lors des
consultations18. Elle fournissait également une
cartographie générale des grands enjeux de la
profession archéologique permettant de con-
textualiser les démarches plus écifiques qui
pouvaient être entreprises. De plus amples travaux
seront nécessaires pour documenter ces liens.
Deuxièmement, l’écriture des normes suivant
les consultations a nécessité la mise en place d’ou-
tils permettant au plus grand nombre de suivre le
déroulement des démarches. Il e devenu rapide-
ment important que chaque étape soit documen-
tée et explicitée pour montrer que les décisions
ne provenaient pas simplement du petit comité
informel du CNTAQ formé à cet effet. Aussi un
site internet19 et une page Facebook20 furent mis
sur pied, suivis plus tard de l’enregirement du
CNTAQ comme OBNL auprès du REQ dans le
but de pérenniser et de démocratiser les démarches
de normalisation.
Aussi e-il intéressant de noter que le contrat
type, érigé comme objeif phare du projet de
normalisation lors de son lancement en 2017, a
graduellement perdu de son importance au fil des
démarches : non seulement parce que rien n’oblige
un employeur à le mettre en place, mais parce que
la production de ce document découle d’une
démarche consultative. En effet, s’il a permis de
mobiliser les archéologues contrauels afin de les
faire participer à diverses tables de consultation,
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
c’e bien plutôt l’ae même de mobilisation des
archéologues contrauels pour exprimer les di-
verses préoccupations dans un eace informel, à
dimension réduite et égalitaire, qui e devenu
central dans cette démarche. Ce faisant, c’e peut-
être bien la réalisation par chacun que ses préoc-
cupations étaient partagées et qu’il était permis
d’en discuter qui e devenue l’épine dorsale du
projet de normalisation. Celles et ceux à qui le
droit de parole n’était pas habituellement donné
découvraient autour de ces tables que leur voix
comptait autant que celle de n’importe qui d’autre.
Troisièmement, le CNTAQ a privilégié une
approche consensuelle pour permettre l’implan-
tation de normes sur les conditions de travail.
Appelée ratégie de régulation sociale du milieu,
elle devait permettre aux bons joueurs (ceux qui
rehaussent les normes) d’entraîner avec eux les
mauvais joueurs (ceux qui les tiennent basses)
(MD2017). En effet, employés comme
employeurs ne sont pas légalement obligés d’ap-
pliquer le contrat type proposé par le CNTAQ,
mais y sont encouragés afin qu’ils puissent dé-
montrer leur volonté d’améliorer les conditions
de travail. Au moment de l’écriture de cet article,
le contrat type e appliqué par une minorité d’em-
ployeurs. Ceux-ci privilégient des courriels expli-
citant à leurs employés les conditions offertes lors
d’une intervention. Il e à noter que cette dernière
démarche a été grandement syématisée à la suite
des démarches du CNTAQ. En outre, des augmen-
tations salariales ont pu être observées en 2018 et
en 2019 (fig.1), permettant de rapprocher les
salaires horaires des employés des planchers sa-
lariaux proposés par le CNTAQ (CNTAQ 2019a).
Toutefois, ces quelques gees posés (augmen-
tations salariales, explicitation des conditions
offertes) ne permettent pas de dire qu’une régu-
lation à l’échelle de la profession s’effeue. Bien
que des données quantitatives précises manquent
pour l’année 2019, il a été rapporté aux, voire vécu
direement par, les auteurs de cet article que des
fluuations salariales, des manquements en ter-
mes de santé et sécurité ou de normes de travail
sont encore notables. De plus, aucune des normes
concernant les conditions de travail suivies par les
employeurs n’a été précisément, durablement
(c’e-à-dire à l’écrit) et colleivement exposées
aux employés contrauels, soit par l’entremise de
l’AAQ, soit du CNTAQ. Autrement dit, l’archéo-
logie contrauelle québécoise demeure aujour-
d’hui un milieu régulé de manière informelle, sans
qu’il exie suffisamment d’incitatifs ou d’obliga-
tions à le formaliser de façon plus explicite. Sans
une telle explicitation, il ne peut y avoir de travail
colleif à l’échelle du milieu.
Aussi, devant les limites du modèle consensuel
et associatif et dans le prolongement de la con-
scientisation sur les problèmes liés aux conditions
de travail, une nouvelle démarche indépendante
a été lancée le 29 novembre 2019 : le dépôt de
demandes d’accréditation syndicale pour près
d’une douzaine de firmes (tous modèles écono-
miques confondus) œuvrant en archéologie (site
internet du Tribunal adminiratif du travail)21. Il
s’agit ici d’une tentative de syndicalisation du
milieu, et non d’une entreprise, par le Syndicat
national des archéologues du Québec – Confé-
dération des syndicats nationaux (SNAQ-CSN)
similaire ici à ce qui e entrepris en Ontario
depuis peu au sein de la Laborers’ International
Union of North America (LiUNA) (CNTAQ
2019b) : un modèle qui oblige les parties patronales
et salariées à négocier une convention colleive
pour s’entendre sur des normes claires, explicites
et tranarentes.
Ces développements permettent ainsi de
mieux définir l’identité du CNTAQ, c’e-à-dire ce
qu’il permet de réaliser ou non : il s’agit d’un outil
de conscientisation, de médiation et de mobili-
sation. C’e aussi un outil permettant de proposer
des normes, d’effeuer un travail préparant l’im-
plantation ultérieure de normes par des initu-
tions plus profondément ancrées dans le paysage
québécois, et de résier au programme néolibéral
de deruion des ruures colleives. Un outil,
en d’autres termes, qui permet aux archéologues
de réaliser une archéologie « à échelle humaine » :
une archéologie plus reeueuse des commu-
nautés qu’elle impae, des archéologues qui la
pratiquent, et du patrimoine québécois qu’elle a
pour but de préserver, connaître, diffuser et mettre
en valeur.
Remerciements
Le projet de normalisation a été rendu possible
par la mobilisation et par l’intérêt d’une grande
partie de la communauté archéologique. Nous
tenons donc à remercier tous ceux et toutes celles
qui ont participé aux consultations et qui nous ont
suivis pendant ces longs mois de compilation et
d’écriture. Nous tenons aussi à remercier plus
spécifiquement Ian MacDonald, Jonathan
Michaud et Pierre Desrosiers pour leurs précieux
conseils et lumières dans les premiers temps du
rchéologiques, no
projet de normalisation. Nous tenons aussi à re-
mercier Anne-Carole Preux, Alexandra LaPerrière
et Mélanie Girard pour leur aide lorsqu’il s’e agi
de compiler les résultats de nos consultations.
Nous aimerions aussi remercier de façon anonyme
nos deux collègues qui nous ont aidés à mettre en
place et gérer le site internet. Enfin, nous remer-
cions William Moss et un évaluateur anonyme
pour leurs commentaires sur une première version
de cet article.
Notes
1. Lexique des Termes juridiques (G &
D).
2. <https://www.archeologie.qc.ca/lassociation/charte/>.
3. <https://www.archeologie.qc.ca/lassociation/code-
dethique/>.
4. Ceci n’e pas un problème écifique à l’AAQ, mais à
toute association d’archéologie.
5. Des archéologues sont aussi à l’emploi de minières
provinciaux et fédéraux, d’agences gouvernementales, d’uni-
versités et de musées (Z2010, 7).
6. Loi sur les biens culturels <http://legisquebec.gouv.
qc.ca/fr/showdoc/cs/b-4> ; Loi sur le patrimoine culturel
<http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/P-9.002> ;
Loi sur la qualité de l’environnement <http://legisquebec.
gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/Q-2>.
7. <https://www.mcc.gouv.qc.ca/index.php?id=274>.
8. LPC, article 69. Cet article général permet à quiconque
diose de compétences ou de ressources, d’obtenir un per-
mis. Auparavant, seul un archéologue y avait droit.
9. Cette modification a été présentée par le MCC lors du
37ecolloque de l’AAQ (à Magog).
10. Loi sur les normes du travail <http://legisquebec.gouv.
qc.ca/fr/showdoc/cs/N-1.1> ; Loi sur la santé et sécurité du
travail <http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/s-2.1>.
11. <https://www.cnesst.gouv.qc.ca/a-propos-de-la-
CNESST/Pages/plaintes-sante-securite-travail.ax>.
12. <http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/L-6.1>.
13. Petit Robert 2009.
14. <https://www.cnt.gouv.qc.ca/conges-et-absences/
maladie-don-dorganes-ou-de-tissus-accident-violence-
conjugale-violence-a-caraere-sexuel/index.html>.
15. Une règle générale, quoique tacite, e la suivante : un
ratio rapport/intervention de2 lors de fouilles, de1,5 lors
d’un inventaire ; et de1 lors d’une surveillance) (CNTAQ
2018b, 14).
16. Le modèle de contrat type étant en changement, il n’e
pas diffusé dans cet article. Suivre plutôt l’hyperlien suivant :
<http://www.CNTAQ.com/contrat-type/>.
17. Voir aussi la Déclaration des Nations unies sur les droits
des peuples autochtones.
18. <http://www.CNTAQ.com/signer-la-declaration/>.
19. <http://www.CNTAQ.com/>.
20. <https://www.facebook.com/CNTAQuebec/>.
21. <https://www.tat.gouv.qc.ca/>.
Ouvrages cités
AAQ (Association des archéologues du Québec) (2017)
L’Archéo-nouvelles.
A-Q (2012). Archéologie préventive. Guide à
l’intention des municipalités du Québec. Archéo-Québec,
Québec.
B, Jean, Guylaine V et Carol J (2003) Les
besoins de proteion sociale des personnes en situation de
travail non traditionnel. Gouvernement du Québec,
Québec.
B, Pierre (1998) « L’essence du néolibéralisme ». Le
Monde Diplomatique, mars.
B, Adrian L. (2018) « La formation d’Autochtones en
archéologie au Québec et au Canada ». Recherches Amérin-
diennes au Québec48(3) : 105-111.
C, Éric & Chriian G S-P (2017)
« Décolonisation de l’archéologie : Émergence d’une ar-
chéologie collaborative ». Salons3.
CN TA Q (2019c) Compte-rendu de la table ronde CRM
Archaeology in Canada du colloque conjoint de l’ACA/AAQ
/ Proceedings of the CRM Archaeology in Canada table of
the CAA/AAQ joint conference. Centre de normalisation
du travail en archéologie québécoise, Montréal.
—— (2019b) Rapport du second sondage du CNTAQ sur
l’année 2018 : données sociodémographiques et sur l’emploi,
OBNL et contrat type. Centre de normalisation du travail
en archéologie québécoise, Montréal.
—— (2019a) Rapport des comparaisons salariales. Centre de
normalisation du travail en archéologie québécoise, Mont-
réal.
—— (2018e) Rapport des consultations menées auprès des
archéologues professionnels sur la version 2 du contrat type.
Centre de normalisation du travail en archéologie québé-
coise, Montréal.
—— (2018d) Annexe du contrat type entre l’employé.e sala-
rié.e et son employeur.se en archéologie professionnelle.
Centre de normalisation du travail en archéologie québé-
coise, Montréal.
—— (2018c) Rapport du sondage sur les conditions de travail
en archéologie professionnelle québécoise. Centre de nor-
malisation du travail en archéologie québécoise, Montréal.
—— (2018b) Rapport des consultations menées auprès des
employeuses et employeurs en archéologie professionnelle
au Québec. Centre de normalisation du travail en archéo-
logie québécoise, Montréal.
—— (2018a) Rapport sur les tables de réflexion. Vers une
normalisation des conditions de travail des archéologues
professionnels au Québec. Centre de normalisation du
travail en archéologie québécoise, Montréal.
CREP (n.d.) « Résultats du sondage sur la pratique de
l’archéo logie auprès de ses divers intervenants au Québec ».
Asso ciation des Archéologues du Québec.
CNTAQ, 2017-2019 : bilan et perspectives futures ~ M. Kolhatkar et al.
D, David (2018) « Introduion » Recherches Amérin-
diennes au Québec 48(3) : 3-10.
D, David & Dario I (2018) « Avant les inon-
dations : archéologie communautaire et projets hydro-
éleriques des années 2000 à Eeyou Ichee/Baie-James ».
Recherches Amérindiennes au Québec 48(3) : 57-80.
D, Pierre (2019) « La pratique archéologique au
Québec : Un milieu professionnel bien établi ». Archéo-
logiques 32 : 72-88.
—— (2018) « La recherche archéologique au Québec. Quelle
place au soleil ? ». Hioria : Queoes & Debates66(1) : 15-
42.
—— (2017). « Les firmes d’archéologie au Québec ». Archéo-
logiques30 : 71-92.
—— (2016). « Archéologie et développement durable au
Québec ». Archéologiques29 : 66-88.
G, Mélanie J. (2017) « Résultats du sondage sur la
pratique de l’archéologie auprès de ses divers intervenants
au Québec ». 36e colloque annuel de l’AAQ. Montréal.
—— (2015). « L’archéologie au Québec aujourd’hui et de-
main ». 34e colloque annuel de l’AAQ. Château-Richer :
Association des archéologues du Québec.
G, Serge & ierry D (2013) Lexique des
termes juridiques. Éditions Dalloz, Paris.
MD, Thomas Ian (2018). “Rethinking Labor
Unionism in Spaces of Precarious Work.” Dans Global
Perspectives on Workers’ and Labour Organizations,
Maurizio Atzeni et Immanuel Ness (éd.), Springer,
Singapore : 3-22.
—— (2017) « Le syndicalisme au temps de l’expérimentation
initutionnelle ». Conférence donnée dans le cadre de la
1e séance d’information du CNTAQ, le 25 septembre 2017.
Montréal.
MD, omas Ian & Jonathan M (2019)
“An Experimental Organization of Precarious Profes-
sionals.” Mimeo.
M, William (2016) « Le programme archéologique de la
Ville de Québec et la loi sur le patrimoine culturel ». Jour-
nal of Canadian Archaeology/Journal canadien d’archéo-
logie40 : 68-94.
O, Jean-Christophe (2018) « Le programme de
recherches archéologiques d’Ekuanitshit (Mingan) : un
exemple d’approche communautaire en archéologie nord-
côtière (Q uébec) ». Recherches Amérindiennes au Québec
48(3) : 11-29.
R, Claude & Danielle F (1992) « Comité
des normes et conditions de travail en archéologie : pro-
position sur les normes salariales en archéologie ». Rapport
inédit. Association des Archéologues du Québec.
S, Simon (2019) « L’acquisition des données en ar-
chéologie québécoise et leur présentation dans les rapports
d’intervention ». Archéologiques32 : 53-71.
T, Geneviève, Suzie O’B et David
B (2018) « L’expertise archéologique au sein des
processus de geion et d’affirmation territoriale du Grand
Conseil de la Nation Waban-Aki ». Recherches amérin-
diennes au Québec 48(3) : 81-90.
Z, Nicolas (2015b) “Archaeology and Capitalism:
Successful Relationship or Economic and Ethical Aliena-
tion?” Dans Ethics and Archaeological Praxis, C. Gnecco
et D. Lippert (éd.) : 115-139.
—— (2015a) “Dyopian Archaeologies: the Implementation
of the Logic of Capital in Heritage Management.” Interna-
tional Journal of Hiorical Archaeology 19(4) : 791-809.
—— (2013) “e Political Economy of Japanese Archaeology:
Refleive oughts on Current Organisational Dynamics.”
Japanese Journal of Archaeology1 : 5-21.
—— (2011) “Contextualising Contra Archaeology in Que-
bec: Political-economy and Economic Dependencies.” Ar-
chaeological Review from Cambridge26(1) : 119-135.
—— (2010) « Archéologie au Québec : portrait d’une profes-
sion ». Archéologiques23 : 1-15.
Z, Nicolas & Chriian G S-P (2017) “e
Sociopolitics of Archaeology in Quebec: Regional Devel-
opments Within Global Trends.” Archaeologies: Journal of
the World Archaeological Congress13(3) : 412-434.
Manek Kolhatkar*, Luis Trudel-Lopez, Antoine Loyer
Rousselle, Mélanie J. Gervais, Jennifer Gagné
Centre de normalisation du travail en archéologie
québécoise (CNTAQ)
* manekkolh@gmail.com