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Éducation et socialisation
Les Cahiers du CERFEE
61 | 2021
Investirdenouveauxterrains:enjeuxetconditions
pourunregardplurielsurdesobjetscomplexes
L’analyse de la dimension intime de l’activité
scientifique d’apprentis-chercheurs en Sciences de
l’éducation et de la formation (SEF)
AnneBertin-RenouxetJérômeGuérin
Éditionélectronique
URL : https://journals.openedition.org/edso/15169
DOI : 10.4000/edso.15169
ISSN : 2271-6092
Éditeur
Presses universitaires de la Méditerranée
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Référenceélectronique
Anne Bertin-Renoux et Jérôme Guérin, « L’analyse de la dimension intime de l’activité scientique
d’apprentis-chercheurs en Sciences de l’éducation et de la formation (SEF) », Éducation et socialisation
[En ligne], 61 | 2021, mis en ligne le 17 septembre 2021, consulté le 27 septembre 2021. URL : http://
journals.openedition.org/edso/15169 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.15169
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L’analyse de la dimension intime de
l’activité scientifique d’apprentis-
chercheurs1 en Sciences de
l’éducation et de la formation (SEF)2
Anne Renoux et Jérôme Guérin
1 Les recherches en Sciences de l’éducation et de la formation (SEF) s’inscrivant dans une
approche par l’activité (Durand et Barbier, 2003) ont pour ambition de comprendre et
d’objectiver les relations complexes entre les humains et leur environnement dans la
perspective d’aider à l’amélioration des environnements de formation. Cet objectif
visant à proposer une intelligibilité de l’activité et plus particulièrement des
phénomènes relatifs à l’apprentissage/développement n’est pas sans poser
régulièrement des questions théoriques et méthodologiques relatives à la manière
d’appréhender et de définir l’objet d’étude et/ou de prendre en considération les
caractéristiques du champ de pratiques choisi comme terrain d’étude.
2 Le travail du chercheur pour produire des connaissances tout à la fois scientifiquement
valides et socialement utiles (Albero et Guérin, 2014) consiste ainsi à renouveler,
expérimenter et/ou transformer son appareillage conceptuel et méthodologique de
référence pour appréhender les phénomènes émergent de la complexité des
interrelations entre les humains et les objets techniques et/ou symboliques de
l’environnement. Autrement dit, le chercheur ne peut se contenter de transposer un
cadre conceptuel et/ou une méthode pour atteindre ses objectifs. En fonction de la
culture, de la spécificité du terrain, le chercheur va mener une enquête scientifique au
cours de laquelle il devra résoudre des problèmes théoriques et méthodologiques non
anticipés.
3 Cette contribution s’intéresse à l’activité scientifique d’apprentis-chercheurs
confrontés aux questions qui surgissent tout au long de la thèse, et qui nécessitent
parfois de faire preuve d’imagination et d’innovation en termes d’outils de construction
et d’analyse des matériaux. Il s’agit donc de faire de l’activité scientifique un objet
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d’étude pour comprendre la manière dont le chercheur s’y prend, dans le respect de
critères de scientificité relatifs à une épistémologie, pour produire de nouveaux
concepts, construire de nouvelles méthodes et ainsi contribuer au développement
d’une approche scientifique en analyse de l’activité. Plus précisément, l’ambition de ce
texte est de rendre visible et de mettre en valeur la part souvent invisible, et rarement
évoquée, de l’activité du chercheur confronté à des situations indéterminées qui lui
demandent des ajustements et donc du temps pour transformer des cadres conceptuels
et/ou méthodologiques.
La part indéterminée de l’activité scientifique et la
créativité du chercheur
4 L’activité scientifique comme toute activité humaine est soumise à de nombreuses
incertitudes et engage le chercheur à devoir agir pour adapter sa posture, ses méthodes
à la spécificité du terrain, voire à faire preuve de créativité. Si cette notion est
couramment associée au processus de création dans le domaine artistique, elle
concerne toutefois l’ensemble des activités humaines. Il existe de nombreuses
définitions et différents cadres d’analyse de la créativité mais la majorité des
chercheurs s’accordent sur le fait qu’elle renvoie à la capacité à recombiner des
connaissances existantes pour élaborer une production qui soit à la fois nouvelle et
appropriée au contexte dans laquelle elle se manifeste, sans toutefois respecter les
cadres disciplinaires existants (Lubart, 2010). La créativité fait l’objet d’un nombre
croissant de recherches dans de nombreux domaines (Beghetto et Plucker, 2006 ;
Sternberg et Lubart, 2010) dont celui de l’éducation, de la formation et de la recherche
(Schächter et Taddéi, 2010 ; Capron-Puozzo, 2016 ; Barbier, Vitali, Dutoit et collectif de
recherche, 2020). La capacité à agir de façon créative apparaît de plus en plus comme
un impératif social pour s’adapter à un monde en constante transformation et prendre
en compte la nouveauté, l’imprévu qui survient. Ainsi l’activité du chercheur peut être
envisagée en tant que processus de création de connaissances nouvelles, validées
scientifiquement.
5 L’histoire des sciences, par l’intérêt porté à l’activité de scientifiques célèbres, montre
que la créativité est un élément essentiel de leur démarche indépendamment de
l’épistémologie de référence. Ainsi l’intuition en tant qu’idée qui émerge soudainement
est régulièrement évoquée comme une composante fondamentale de l’activité du
chercheur. Gérard Holton (2004) rapporte ainsi les propos d’Henri Poincaré et du
mathématicien Jacques Hadamard sur ces phases d’émergence soudaine d’une idée ou
de compréhension d’un phénomène. Celles-ci sont également observées au niveau de
l’activité cérébrale par les neuroscientifiques qui les qualifient de « Aha moment » ou
d’« Eureka factor » (Kounios et Beeman, 2009, 2015). Selon Nicolescu (2012), ces aspects
de l’activité du chercheur sont généralement peu documentés voire occultés dans les
communications scientifiques, sans doute parce qu’ils échappent à un raisonnement
rationnel linéaire.
6 Différentes phases du processus créatif ont été documentées par le psychologue
hongrois Mihaly Csikszentmihalyi. Entre 1990 et 1995, il réalise près d’une centaine
d’entretiens avec des artistes et des scientifiques afin de mieux comprendre ces
phénomènes et les conditions qui favorisent la génération d’idées nouvelles. Tous les
participants à l’enquête mettent l’accent sur la dialectique entre les aspects rationnels
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et irrationnels de leur activité. De nombreux créateurs interrogés par le chercheur
affirment s’être posé des questions et les avoir résolues sans pouvoir se rappeler les
étapes mentales intermédiaires. « Lorsque nous voulons résoudre un problème, souligne-t-il,
nous traitons l’information de façon logique, linéaire, mais lorsque les idées s’entrechoquent
d’elles-mêmes, sans être dirigées par la raison, il en résulte parfois des combinaisons
inattendues. (...) Des connexions ou synthèses inhabituelles peuvent alors se
produire » (Csikszentmihalyi, 2006, p. 107). Le chercheur établit cinq phases du
processus de création, quel que soit le domaine concerné. L’une d’elle représente une
phase d’incubation pendant laquelle le problème « mijote » sous le seuil de la
conscience pendant un certain temps, s’ensuit une phase d’illumination la solution
paraît soudain claire et cohérente.
7 Dans le cadre de cette étude, l’activité scientifique est considérée comme un processus
créatif au cours duquel l’apprenti-chercheur établit des liens entre des informations
afin de faire émerger une synthèse nouvelle et signifiante, non seulement pour lui-
même mais également au regard du cadre théorique et du champ dans lequel il
s’inscrit. Une part de ce processus se déroulant sous le seuil de la conscience, il
s’agissait d’analyser de manière minutieuse des moments d’activité ayant participé du
point de vue des apprentis-chercheurs à l’émergence de nouveauté, d’innovation
(idées, concepts etc.) et in fine d’apprentissage dans le cadre de leur travail de thèse. Ces
moments relèvent généralement d’activités informelles dévoilant une part intime de
l’activité scientifique, c’est-à-dire une dimension se rattachant à un niveau très
profond, selon la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, et
qui reste généralement cachée sous les apparences, impénétrable à l’observation
externe, parfois aussi à l’analyse du sujet lui-même.
Analyse de la dimension intime de l’activité
scientifique des apprentis-chercheurs
8 De longue date en sciences humaines et sociales (SHS), la relation du chercheur au
terrain de l’enquête scientifique est considérée comme déterminante de tout recueil de
données et a fait l’objet de nombreuses publications. Albero et Simonian (2021)
soulignent ainsi que l’enquête à visée scientifique en SEF peut être étudiée comme une
technique dotée d’affordance susceptible de produire directement des transformations
chez les participants à l’enquête. Guérin (2020), à propos de l’analyse de l’apprentissage
de malade diabétique dans un réseau de santé, consolide ce constat en montrant la
manière dont l’outil méthodologique du chercheur est devenu pour certains malades,
un outil d’optimisation de leur action et notamment de transformation de leurs
habitudes de vie. Ces résultats rappellent que l’enquête scientifique peut être définie
comme une activité collective particulière au cours de laquelle les transformations
concernent l’environnement et l’ensemble de ces composants, notamment les
individus. L’activité conjointe entre le chercheur et les informateurs, finalisée par
l’analyse d’une autre activité individuelle et /ou collective, est située, historique et
cultivée (Saury, 2012). Autrement dit, cette activité est dynamique et donne lieu à des
changements de positions des acteurs et à une évolution des outils de la recherche tout
au long de l’enquête. À ce sujet, Durand et Yvon (2012) précisent que l’objet « activité
humaine » malmène l’activité scientifique et la met en demeure d’inventer de
nouveaux outils de compréhension. Pour ces auteurs, prendre l’activité comme objet
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d’étude constitue un défi car l’activité est par définition le contraire d’un état stable,
c’est un flux, un processus, un tout organique auquel le chercheur participe, qu’il
transforme et qui le transforme (Albero, Guérin et Watteau, 2019).
9 Dans la continui des travaux ayant examiné les incidences transformatives de
l’enquête à visée scientifique sur l’activité des informateurs et du terrain (Guérin, 2020,
2021), cette contribution rend compte de l’analyse de l’expérience d’apprentis-
chercheurs relative à leur activité scientifique lors de la réalisation de la thèse de
doctorat. Au-delà d’identifier la manière dont l’apprenti-chercheur intègre et
incorpore une épistémologie (Theureau, 2009), il s’est agi, de comprendre et objectiver
l’activité scientifique « en train de se faire » à partir de l’expérience vécue (Barbier,
2013). Selon Theureau (2009, p. 564), un auteur d’une recherche relative à l’activité
humaine, s’il tend à effectuer un exposé systématique de sa méthodologie, parle
nécessairement de sa propre activité de recherche.
10 Cette enquête scientifique a été initiée à la suite de la présentation d’un journal de bord
tenu par une apprentie-chercheure dans le cadre de sa thèse de doctorat3. L’apprentie-
chercheure a présenté des activités singulières dans une démarche de recherche ayant
selon son point de vue joué un rôle déterminant dans le déroulement et
l’aboutissement de son travail d’une part et d’autre part dans la transformation de soi
en tant que chercheure. Ce témoignage entre en résonance avec les propos de Barbier
(2017) lorsqu’il rappelle que l’entrée activité est une posture épistémologique qui invite
à s’intéresser à l’acte de connaissance de l’activité en même temps qu’on s’interroge sur
l’activité (Barbier, 2017). Cet auteur précise que l’activité est une transformation de soi
transformant le monde. En faisant de la dimension intime de l’activité scientifique des
apprentis-chercheurs un objet d’étude, il s’agit d’appréhender et d’objectiver ces
transformations.
11 Cette activité est appréhendée à partir d’une analyse du vécu, c’est-à-dire de
l’expérience éprouvée. Celle-ci est définie comme relevant de la conscience pré-
réflexive (Theureau, 2015), c’est-à-dire l’effet de surface du couplage entre l’acteur et sa
situation. C’est ce que comprend l’acteur de ce qui lui arrive in situ. Cette analyse
s’inscrit dans le cadre d’une approche écologique de l’activité humaine et de
l’environnement dont la finalité épistémique est de comprendre et d’objectiver les
incidences des interrelations sur l’apprentissage/développement des acteurs et les
transformations de l’environnement socio-technique (Albero, Guérin et Watteau,
2019)4.
Documentation de l’activité intime d’apprentis-
chercheurs
12 La documentation de l’activité des apprentis-chercheurs5 s’est déroulée dans le cadre
d’un séminaire doctoral « activité et environnements de formation » en Sciences de
l’éducation et de la formation de trois unités de recherche et trois écoles doctorales6
sur une période d’un an. Lors des quatre séminaires, un moment a été
systématiquement consacré à l’évocation et la description d’épisodes issus du cours
d’activité de l’apprenti-chercheur7 au cours desquels se sont formés une idée,
concrétisé un concept etc. Cette documentation de l’expérience éprouvée s’est faite en
s’inspirant de recommandations et de principes de l’entretien d’explicitation
(Vermersch, 1994). Plus précisément, dans le cadre d’entretien individuel, le chercheur
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a invité l’apprenti-chercheur à partir de traces écrites ou audios à renouer avec une
activité passée jugée a priori comme un moment marquant en termes de créativité dans
l’activité scientifique. Il s’agissait ainsi de guider l’apprenti vers une posture
d’introspection pour communiquer à propos de la conscience pré-réflexive relative à la
dimension créatrice de l’activité. Ces regards portés sur l’activité scientifique des
apprentis-chercheurs appréhendée en tant que processus de création de connaissances
permettent d’apporter un éclairage sur ce qui apparaît parfois pour des doctorants
comme une « face cachée » de la recherche, une partie immergée de l’iceberg pouvant
être comparée à la « matière noire » des apprentissages (Bezille, 2014). En effet, pour
l’apprenti-chercheur, les étapes menant à une production scientifique finalisée par la
construction de connaissances apparaissent parfois difficiles à appréhender et à
réaliser8.
13 Des matériaux empiriques ont été construits entre janvier 2019 et février 2020 auprès
de quinze apprentis-chercheurs volontaires pour participer à l’enquête scientifique.
Tout d’abord, des traces écrites ou audios sous forme de notes, de cartes mentales et
d’enregistrements sonores9 ont été collectées dans le cadre de la collaboration avec les
apprentis volontaires. Puis, dans un second temps, des entretiens d’explicitations
individuels ont été menés. Dans le cadre de cette enquête exploratoire, seulement huit
entretiens ont été transcrits correspondant aux apprentis-chercheurs dont le travail de
thèse s’inscrivait dans un courant de recherche faisant de l’activité un objet d’étude et
de conception. Ensuite les transcriptions des entretiens ont été analysées selon les
principes de la théorie ancrée (Strauss et Corbin, 1990, 1998). L’objectif était d’identifier
les unités de significations et de reconstruire l’histoire de l’expérience de chaque
apprenti-chercheur volontaire tout en repérant les éléments de l’environnement ayant
contribué à sa construction. À partir d’une réflexion rétrospective d’expériences
éprouvées, l’enjeu était de comprendre comment des synthèses10 (Billeter, 2012) se
réalisent dans la dynamique des interrelations et transactions entre les autres et soi-
même. Les temps de travail collectifs du séminaire prenant pour objet l’activité
scientifique ont aussi pour objectif de favoriser l’appropriation des concepts et
principes méthodologiques relatifs à l’analyse de l’activité dans le cadre d’une approche
écologique (Guérin, Simonian, Thievenaz, à paraître).
Résultats
14 Comment susciter une réflexion construite lorsque les idées refusent de s’enchaîner,
lorsque différents éléments de l’analyse ne se structurent pas de façon cohérente les
uns par rapport aux autres, lorsque le chercheur bute sur un problème, ne parvient pas
à résoudre la tension et à produire de l’intelligibilité par rapport à une situation perçue
comme confuse et indéterminée ?
15 La reconstitution de cours d’expérience des doctorant.es a mis en évidence la diversité
des activités qui ne sont généralement pas considérées comme faisant partie de
l’activité scientifique mais se révèlent pourtant constitutives du processus de
recherche. L’analyse des données a permis d’identifier trois axes de résultats : des
activités dont la dimension corporelle contribue à maintenir la continuité de l’activité
scientifique ; le rôle déterminant de la dimension sensible dans l’activité scientifique ;
l’importance des interactions entre pairs et les effets transformateurs de la
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communication de l’expérience éprouvée sur l’activité scientifique des apprentis-
chercheurs.
Agir avec son corps pour maintenir la continuité de l’activité
scientifique
16 La reconstruction des cours d’expérience des apprentis-chercheurs a mis en évidence
l’importance de « l’agir » dans leur activité à orientation scientifique, notamment dans
les moments perçus comme des impasses. Des apprentis-chercheurs insistent ainsi sur
la nécessité de se déplacer pendant qu’ils travaillent, de mettre le corps en mouvement
dans des environnements différents. « Je ne peux pas bosser dans une bibliothèque, un
endroit collectif et où il faut rester assise tout le temps. J’ai besoin de pouvoir bouger, m’asseoir
par terre, faire des étirements, puis je m’y remets » (Anna). Le travail statique à une table,
devant un écran d’ordinateur ou un cahier représente une contrainte, voire un obstacle
à la poursuite de la réflexion et de l’écriture : « Pour maintenir mon investissement pendant
le confinement, je faisais des allers-retours sur le balcon, dans le salon, il fallait s’éloigner de
l’ordinateur, trouver une autre position, faire autre chose, marcher ou me mettre dans le
canapé » (Solange). Le besoin de mobilité du corps engendre différentes stratégies pour
modifier l’environnement « Je n’avais pas vraiment de bureau fixe, je me déplaçais dans
différents endroits pour essayer de trouver celui qui convient en fonction des conditions [été,
hiver, météo] et des différentes phases de travail mais il fallait que ce soit calme, isolé » (Benoît).
17 La mise en mouvement du corps est une habitude de vie que les apprentis-chercheurs
construisent relativement tôt dans leur parcours de doctorant et qu’ils considèrent
comme essentielle pour l’activité réflexive. Il s’agit d’incarner la réflexion en acte par
des changements de directions, de positions, de place dans l’espace. A titre
d’illustration, une doctorante précise que c’est en explorant des chemins creux et en se
laissant guider par leurs formes et la perception de courbes qu’elle découvre le milieu
sans suivre un itinéraire précis. Elle affirme que, parallèlement que se construit
l’itinéraire, des connexions nouvelles s’établissent entre des idées qui contribueront ou
non à l’avancée de la thèse. Ainsi, en séminaire, la doctorante associera l’abandon d’une
idée à la nécessité de renoncer à une direction dans la forêt et donc à faire demi-tour.
L’évocation de ses différentes activités témoignent de l’existence de liens entre les
expériences en termes de continuité dans des espaces différents. La connexion entre
ses expériences semble alors ouvrir de nouveaux possibles pour l’activité scientifique.
L’apprentie-chercheure perçoit ainsi un air de famille entre ses activités : « J’ai
l’impression de vivre les mêmes expériences entre les moments en forêt et le travail de
conceptualisation de mon objet d’étude. J’ai ainsi exploré différentes théories, découvert des
connexions entre des concepts mais parfois ça n’aboutissait pas… j’étais dans une
impasse » (Claire).
18 L’intention de réaliser certaines étapes de la recherche telles que l’interprétation des
résultats conduit des apprentis-chercheurs à investir et organiser des espaces (grenier
par exemple) pour y construire par le corps différentes formes d’interrelations avec les
artefacts. À propos de l’intention d’organiser ses matériaux et d’identifier des axes
d’analyse, une doctorante décrit la manière dont elle avait agencé une salle de cours à
l’université : « Je restais le soir tard, j’allais dans une salle et j’investissais la salle vraiment,
j’étalais mes affaires, je marchais, je prenais craies ou feutres pour écrire au tableau, je faisais
comme des grandes cartes cognitives on va dire et vraiment j’essayais de faire des grands traits
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mais juste pour moi, j’étais toute seule, je fermais la porte et je m’appropriais l’espace du tableau
plus l’espace de la salle et j’essayais de débloquer un peu la situation. C’est vraiment me
déplacer, interagir, que ce soit avec des éléments ou avec d’autres personnes, c’est vraiment ça,
c’est “tac tac tac tac tac”, enfin vraiment je sais pas comment mieux expliquer c’est bouger être
en mouvement, interagir, ramener un truc là, le remmener » (Solange).
19 Ces différentes formes de travail impliquant le corps en mouvement dans un processus
de réflexion et d’imagination correspondent à des phases où la pensée logique ne
parvient pas à apporter une réponse pertinente au questionnement suscité par une
situation indéterminée générant de l’inconfort. La perception du problème initie une
activité corporelle proche de la démarche d’enquête (Dewey 1938, 2006) facilitant alors
une reconfiguration des cadres de pensée utilisés pour appréhender la situation. La
mise en mouvement du corps semble propice à une forme de pensée par abduction. Les
liens qui s’établissent ainsi entre les idées ne sont pas des liens de causalité mais des
mises en relation d’un autre ordre qui relève de la perception d’affordances (Simonian,
2020) et ouvrent ainsi de nouvelles possibilités. La pensée par abduction joue un rôle
important dans la créativité de l’agir en permettant d’introduire des liens entre des
idées, des concepts qui dépassent le cadre d’un raisonnement linéaire selon une
rationalité strictement instrumentale (Catellin, 2004). La reconnaissance de
l’articulation entre les différents modes de pensée que sont l’abduction, la déduction et
l’induction et de la façon dont ils coopèrent dans les phases successives de la méthode
scientifique porte de véritables changements avec de fortes conséquences
épistémiques, au croisement de la recherche fondamentale et praxéologique (Nunez
Moscoso, 2013).
La dimension sensible dans l’activité scientifique
20 L’analyse du cours d’expérience des apprentis a mis en évidence une attention accordée
à la part sensible11 de leur activité scientifique. Ce résultat peut s’expliquer comme en
partie lié aux parcours de formation des apprentis-chercheurs au cours desquels le
corps et la motricité ont occupé une place importante. Ainsi l’analyse du cours
d’expérience d’une apprentie-chercheure ayant suivi une formation en arts du cirque a
permis d’identifier des habitudes relatives à la mobilisation de son corps. En début de
thèse, ces habitudes d’activités corporelles étaient initiées pour comprendre l’approche
écologique et les concepts associés. L’apprentie-chercheure affirme avoir construit des
habitudes de travail par le corps. « Dans le cirque, ton terrain de recherche en quelque sorte,
c’est le corps en interaction avec l’environnement [acrobatie, équilibre], avec les objets [trapèze,
fil, jonglage, etc.] et avec les autres [portés acrobatiques] ». Elle pratiquait ainsi l’équilibre
sur les mains : « Quand tu te mets sur les mains pour tenir en équilibre, c’est fragile, ça t’oblige
à travailler en finesse avec le corps, et c’est ça qui est intéressant, d’essayer de saisir ça, de s’en
rapprocher, d’affiner tes perceptions du corps, d’en avoir une conscience plus précise. C’est
vraiment des savoirs incorporés, c’est pas toujours explicable, conscientisé » (Isabelle). La
chercheuse et artiste Agathe Dumont observant les pratiques de danseurs et circassiens
évoque un entraînement à la « virtuosité du sentir » (Dumont, 2012). Des techniques du
corps dans le cadre de pratiques physiques et/ou sportives, lorsqu’elles sont
appréhendées en tant que moyen de connaissance de son environnement et
d’interactions humaines, semblent accroître les compétences dans le registre de la
sensibilité et de la perception. Elles participent ainsi au développement d’une capacité
d’actualisation permanente, de perception d’une constante transformation de
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l’environnement : « Je me suis rendu compte, au fur et à mesure, que j’abordais la thèse avec
ces habitudes-là. Quand j’étais bloquée, il fallait que je retrouve le corps, c’est là que ça se
débloquait » (Claire). Selon plusieurs apprentis-chercheurs, cette connaissance
expérientielle, intérieure, sensible participe de leur activité scientifique. L’importance
accordée à l’activité du corps et à l’environnement de travail dans le processus de
recherche est manifestement liée aux domaines dans lesquels s’inscrivent les travaux
de thèse des apprentis-chercheurs participant à l’enquête12. Il semble ainsi nécessaire
d’étendre cette étude à des apprentis-chercheurs dont les travaux relèvent d’autres
disciplines afin d’analyser plus précisément les principaux facteurs qui favorisent cette
attention accordée au corps dans l’activité de recherche scientifique.
21 En effet, pour Anna, les expériences de création artistique accentuent l’attention portée
à la phase d’incubation du processus créatif dans le cadre de son activité en tant
qu’apprentie-chercheure. Il s’agit, à partir d’une connaissance incorporée,
d’expérimenter les éléments qui peuvent être transposés de l’activité artistique à
l’activité scientifique. Au cours de la démarche de création artistique les phases
d’expérimentations, d’improvisation alternent avec des phases d’élaboration visant à
sélectionner et structurer les différents éléments ayant émergé au cours de la
recherche. Si le propos et l’intention de départ donnent une direction à la démarche de
création, le plan de l’action n’est pas défini au préalable, l’œuvre se construit au fur et à
mesure. Pour chercher, explique l’apprentie, « on ajoutait une contrainte, un “caillou dans
la chaussure” qui t’empêche de faire ce que tu sais déjà faire. J’avais, par exemple, travaillé un
enchaînement au trapèze. Je le présente au metteur en scène et il me dit “Oui, c’est bien. Tiens,
refais-le avec ça” et il me met une clarinette dans les mains. Là, tu sais plus du tout comment
faire. Au trapèze, t’as besoin de tes mains ! En plus une clarinette c’est fragile, faut pas la laisser
tomber. C’est là que c’est intéressant, tu galères pour faire autrement, tu trouves plein de
combines, des mouvements que t’aurais jamais imaginés autrement. Tu découvres ainsi des
possibilités nouvelles d’interactions entre le corps, le trapèze et l’objet ». Dans le cadre d’un
entretien, Anna insiste sur l’importance de la perception sensible de cette approche du
processus créatif. « C’est une intelligence du corps, souligne-t-elle, des liaisons possibles que
le corps perçoit au cours de l’expérience. Ce sont des mouvements que je n’aurais jamais pu
trouver par la réflexion intellectuelle. Il y a plein d’informations que t’as pas le temps de traiter
consciemment, c’est le corps qui agit, qui perçoit ce qui est possible et qui s’adapte dans le
mouvement ». Cette méthode heuristique accorde une large place à l’inattendu qui
émerge au cours de l’expérience. Elle crée un habitus d’alternance de pensée et
d’action, et d’observation de l’activité du « corps qui pense ». À ce sujet, Paquin (2018)
souligne combien la recherche est liée de manière inextricable à la création, tout en
ouvrant la discussion sur les multiples modalités de cette liaison.
Effets transformateurs de la communication de l’expérience
éprouvée
22 L’analyse des cours d’expérience a aussi soulig le rôle déterminant des temps de
réflexion et de communication entre apprentis-chercheurs lors du séminaire et de
rencontres informelles. Les réflexions à propos d’expériences éprouvées par les
apprentis-chercheurs ont mis en évidence l’importance des interrelations et
notamment des transactions entre les autres et soi-même dans le processus de
recherche. Pour plusieurs apprentis-chercheurs, il apparaît que des avancées
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significatives ont émergé dans le cadre d’interactions directes ou par l’intermédiaire
d’artefacts, avec l’environnement humain et naturel. A titre d’illustration, un apprenti
évoque les effets de la participation aux séances du séminaire doctoral : « Je sais que
quand je viens au séminaire, ça me relance sur la thèse. Après, pendant plusieurs jours, ça
tourne dans ma tête, je comprends des trucs, j’ai des nouvelles idées et en même temps ça soulève
aussi pleins de questions » (Benoît). La reconstruction des cours d’expérience a également
montré que les communications verbales avaient contribué à ce que se tissent des liens
entre des idées. Ce fut le cas notamment dans le cadre d’interactions avec des
enseignants chercheurs chevronnés et des apprentis-chercheurs dont le travail de
thèse était plus avancé. Les temps d’échanges lors de sessions de séminaires ou de
manière informelle ont contribué à une compréhension partagée de cadres de pensée
et d’action mais aussi d’expression et de communication. Au-delà de la démarche
individuelle, plusieurs apprentis-chercheurs ont pointé l’incidence de la participation à
un collectif sur la formulation d’hypothèses mais également l’élaboration d’outils de
construction et d’analyse des données. Ces effets transformateurs ont aussi été
identifiés à l’issue des entretiens d’explicitations à propos de la dimension intime de
leur activité scientifique. La communication à propos de l’expérience éprouvée a
permis aux apprentis-chercheurs de construire de nouvelles significations quant à
l’analyse, de poursuivre des interprétations : « Écrire sur ce processus relatif à l’activité
scientifique, ça t’aide à mieux le comprendre, à te dire ensuite quand tu bloques à certains
moments que c’est normal, ça ne sert pas à rien, ça avance même si on ne s’en rend pas compte,
ça fait partie du processus, sans ça tu ne peux passer à la phase suivante, faut que ça mature,
c’est comme ça » (Yassin). Les temps d’écriture s’avèrent des moments favorables à
l’objectivation de sa propre expérience de chercheur. « Ce n’est pas la même chose de
réfléchir à sa recherche, d’y penser dans sa tête en se parlant à soi-même que de devoir l’écrire »
(Servane). « Quand tu écris pour partager ton expérience, il faut arriver à l’expliquer clairement
et, en faisant ça, ça devient plus clair pour toi aussi » (Claude). Barbier (2013) précise que
faire de l’expérience éprouvée un objet de réflexion participe à l’élaboration de
l’expérience et donc à une prise de conscience de ses propres transformations et de son
activité. Pour y parvenir, l’enjeu est alors de trouver les méthodes et les langages
susceptibles de favoriser la communication à propos de l’expérience vécue. Expliciter
l’informel contribue à la compréhension de l’activité de la recherche « en train de se
faire » et à l’objectivation de la subjectivité du chercheur engagé dans un processus à la
fois individuel et collectif.
23 L’élaboration et la communication de l’expérience de la part intime et singulière de
l’activité de recherche contribue selon les apprentis-chercheurs à se considérer
progressivement comme chercheur. Les échanges sur l’activité de recherche dans le
cadre du séminaire ont facilité l’accès à la culture de la recherche en analyse de
l’activité et la construction de significations partagées à propos de la démarche
scientifique. Plusieurs participants à l’enquête décrivent comment les échanges avec
leurs directeurs de thèses ou lors des séminaires trouvent des prolongements, parfois
des jours ou des semaines plus tard, dans des réflexions qui contribuent à l’émergence
d’idées nouvelles ou favorisent la compréhension de phénomènes. Ce constat relativise
non seulement le rôle du chercheur dans la production de connaissances mais suscite
également une réflexion quant aux outils et aux méthodes permettant d’accéder à
l’observation de la complexité de ces phénomènes.
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Conclusion et perspectives
24 La recherche exploratoire menée auprès des apprentis-chercheurs dans le cadre d’un
séminaire doctoral visait à documenter la façon dont certaines activités informelles,
trop rarement explicitées comme des composantes de l’activité scientifique13,
participent au processus de création de connaissances nouvelles, scientifiquement
valides. Il s’agissait, à partir d’une approche centrée sur l’activité, de comprendre et
objectiver l’activité scientifique “en train de se faire” à partir de l’expérience vécue et
élaborée par des apprentis-chercheurs lors de la réalisation de leur thèse de doctorat.
La reconstitution de cours d’expérience des doctorants a mis en évidence la diversité
des activités qui sont généralement peu documentées comme faisant partie de l’activité
scientifique mais se révèlent pourtant constitutives du processus de recherche.
25 Considérer la dimension intime de l’activité de recherche a permis d’identifier le rôle
déterminant de rapports à soi, aux autres et aux objets de l’environnement dans
l’émergence de phénomènes importants pour le déroulement du travail de recherche.
L’exploration de la dimension intime a aussi mis en évidence le processus créatif de la
recherche. Il s’agit d’un processus qui reste généralement caché sous les apparences,
impénétrable à l’observation externe, parfois aussi à l’analyse du sujet alors qu’il
participe à la démarche d’enquête.
26 La majorité des apprentis-chercheurs ayant participé à cette étude exploratoire a
insisté sur l’importance de la mise en mouvement du corps comme un élément utile
voire nécessaire à la continuité du travail de recherche. La mobilisation du corps dans
l’espace les aide ainsi à incarner la réflexion en cours par l’intermédiaire
d’interrelations avec des artefacts matériels ou symboliques. Ces activités corporelles
s’inscrivent plus particulièrement dans des habitudes de vie de certains apprentis-
chercheurs artistes et les conduisent à accorder une place centrale à la sensibilité de
leur activité dans le déroulement de la recherche.
27 Enfin, cette recherche exploratoire a montré la nécessité et l’importance de prendre
comme objet d’étude la dimension intime de l’activité scientifique des apprentis-
chercheurs. La communication à propos de l’expérience éprouvée a favorisé la
compréhension de processus « en cours » et a encouragé les apprentis-chercheurs à
mieux les identifier et à les objectiver. Toutefois, accéder à cette dimension de l’activité
reste difficile et constitue un défi pour réussir à la documenter dans une perspective
d’intelligibilité. Cette enquête demande à être prolongée pour concevoir des outils de
description et d’analyse d’une dimension de l’activité et d’interrelations avec
l’environnement qui ne relève pas du discours.
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NOTES
1. apprenti-chercheur et doctorant sont utilisés indifféremment.
2. Par souci de lisibilité, le masculin est employé dans cet article de manière générique.
Il s’agit ici d’un choix pragmatique qui n’ignore pas et ne souhaite pas minimiser les
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travaux du Haut Conseil a l’égalité entre les femmes et les hommes (http://www.haut-
conseil-egalite.gouv.fr) dont les préconisations sont suivies chaque fois que possible.
3. L’objet d’étude portait sur les représentations de la créativité en éducation physique.
L’interprétation des résultats de l’étude socio-historique a nécessité un travail de
conceptualisation de la notion d’« agir créatif » permettant d’organiser les différentes
représentations de la créativité en éducation physique et de mettre en perspective leur
évolution depuis les années 1960. Le concept d’« agir créatif » articule ainsi une part
objective, mesurable et prévisible de l’action avec une part contingente et imprévisible
qui émerge au cours de l’expérience. La créativité de l’agir concerne tous les domaines
d’action.
4. Cet article propose un travail de formalisation épistémologique à partir d’une
articulation entre le cours d’action (Theureau, 2015) et l’approche sociotechnique des
environnements de formation (Albero, 2010) en sciences de l’éducation et de la
formation.
5. Le groupe est composé de quinze doctorants (dix femmes et cinq hommes) en STAPS
et Sciences de l’éducation et de la formation, inscrits majoritairement en première et
deuxième année de thèse.
6. Ils prennent la forme de journées-colloques pour développer un réseau fédérant des
projets scientifiques (individuels et collectifs) ordonnés autour de l’étude des activités
humaines et de leurs transformations dans leurs dimensions plurielles et situées, ayant
pour but d’accompagner la formation à la recherche des doctorants et docteurs dans
une dimension nationale et internationale.
7. En amont de l’atelier, chaque apprenti-chercheur était invité à garder des traces
d’une activité jugée significative dans le cadre de la réalisation de leur travail de thèse.
8. La conférence de Geneviève Belleville (2015) : Assieds-toi et écris ta thèse ! Trucs
pratiques pour la rédaction scientifique, enregistrée et diffusée en vidéo sur Youtube par
l’Université de Strasbourg https://www.youtube.com/watch?v=qbQ02vJkXQw et sur
France Culture le 03/05/2017 connaît un grand succès auprès des doctorants. Les
nombreux visionnages (plus de 240 000 en mars 2021) et les commentaires postés sur le
site semblent témoigner de l’intérêt et du besoin des doctorants de conseils sur les
méthodes pour rédiger une thèse.
9. Les apprentis étaient invités à consigner par écrit ou à réaliser un enregistrement
audio des moments d’activité scientifique jugée signifiantes par rapport à l’objet
d’étude.
10. La synthèse résulte d’un processus d’intégration de connaissances, de sensations, de
perceptions, de gestes, de situations, etc. qui se combinent ensemble pour former le
sens d’une notion, d’un concept, la compréhension d’un résultat, la mise au point d’une
méthodologie.
11. Le terme « sensible » relève ici de la perception par la conjugaison des sens. Le
corps est le lieu d’un flux incessant de sons, d’images, de saveurs, de sensations
subtiles. Cette connaissance sensible inscrit l’individu dans une continuité avec le
monde qui l’entoure (Le Breton, 2006).
12. Les thèses des apprentis-chercheurs participant à l’enquête s’inscrivent en Sciences
de l’éducation et de la formation (SEF) et en Sciences et techniques des activités
physiques et sportives (STAPS).
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13. Certaines thèses en SEF précisent notamment dans la partie “méthode” les activités
informelles ayant permis des avancées significatives de la recherche doctorale.
RÉSUMÉS
Des instants d’émergence d’une idée ou de compréhension d’un phénomène sont régulièrement
évoqués comme une composante de l’activité du chercheur. Pour autant, ces aspects sont
rarement mentionnés dans les communications scientifiques comme parties intégrantes du
processus de recherche. Cet article rend compte d’une recherche exploratoire menée avec des
apprentis-chercheurs en sciences de l’éducation et de la formation dans le cadre d’un séminaire
doctoral. Il s’agit, à partir d’une approche centrée sur l’activité, de comprendre l’activité
scientifique « en train de se faire » de huit doctorants sur la base d’expériences vécues. Les
analyses ont ainsi permis de reconstruire le processus d’émergence d’idées et de transformations
conceptuelles. L’interprétation des résultats montre que le corps et le sensible jouent un rôle
important dans le processus créatif de l’activité scientifique.
The emergence of an idea or the understanding of a phenomenon are regularly mentioned as a
component of the researcher’s activity. However, these aspects are rarely mentioned in scientific
communications as integral parts of the research process. This article reports an exploratory
research conducted with apprentice researchers in education sciences in a doctoral seminar.
Using an activity-based approach, the aim is to understand scientific activity « in the making »
on the basis of real-life experiences. The objective is to reconstruct the process of emergence of
ideas and conceptual transformations. These creative experiences are often informal moments
that reveal an intimate part of scientific activity. By making the intimate dimension of scientific
activity an object of study, the aim is to understand the way in which the apprentice researcher
integrates and incorporates an epistemology relating to the activity.
INDEX
Mots-clés : épistémologie, créativité, corps, sensible, activité scientifique.
Keywords : epistemology, creativity, body, sensitive, scientific activity.
AUTEURS
ANNE RENOUX
Université Bretagne Occidentale – CREAD EA 3875
JÉRÔME GUÉRIN
Université Bretagne Occidentale – CREAD EA 3875
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Cet article propose un travail de formalisation épistémologique à partir d'une articulation entre le cours d'action développé en ergonomie et l'approche sociotechnique des environnements de formation en sciences de l'éducation et de la formation. L'enjeu consiste à proposer de manière synthétique un appareillage conceptuel et méthodologie cohérent au service d'une intelligibilité des relations complexes entre humains et objets techniques en formation sur des empans temporels longs. L'objectif est de mettre en évidence un gain en termes de compréhension et d'explication des phénomènes relatifs à l'activité individuelle et collective en formation, mais aussi en termes d'aides à la conception d'environnements pérennes dans ce domaine. Mots Clés Approche sociotechnique ; cours d'action ; activité ; environnement de formation Abstract Understand relation between environment and activity: theoretical questions and pragmatic
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Cet article propose une argumentation visant a montrer que «l’entree activite » , c’est-a-dire le formatage des objets des sciences sociales en termes d’activite ou en reference a l’activite, constitue une approche privilegiee pour la construction d’outils de pensee transversaux a plusieurs champs de recherches / et de pratiques correspondantes. Il repere les courants en sciences sociales adoptant d’ores et deja cette «entree activite » , presente quelques points de convergence entre ces courants, delimite les perspectives et tâches prioritaires des chercheurs interesses a cette approche, et la situe par rapport a ce qui apparait comme une nouvelle culture de pensee.
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La relation entre chercheur et informateur implique de questionner, mais aussi de situer les fondements et déroulements de l’enquête scientifique car s’ils ont des incidences sur les résultats, ils en ont aussi sur les conséquences de ces résultats. Pour dépasser nombre de disjonctions contre-productives, l’analyse proposée dans cet article situe l’enquête scientifique dans une approche écologique où les constituants de l’enquête (concepts, acteurs, instruments) et la nature de leurs interrelations permettent de rendre compte des conceptions sous-jacentes mais aussi du type de résultats produits. Les conditions de réalisation d’une enquête scientifique en Sciences de l’Education et de la Formation deviennent ainsi objet d’étude par l’analyse des affordances qu’elles produisent dans l’environnement où sont mises en œuvre. Il est ainsi montré qu’en matière d’enquête à propos de l’activité humaine, la démarche d’enquête peut avoir autant d’importance que les résultats obtenus, sinon plus…
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